Avis du Comité économique et social européen sur la "Proposition de recommandation du Conseil relative à la prévention et à la réduction des risques liés à la toxicomanie" (COM(2002) 201 final — 2002/0098 CNS)
Journal officiel n° C 061 du 14/03/2003 p. 0189 - 0192
Avis du Comité économique et social européen sur la "Proposition de recommandation du Conseil relative à la prévention et à la réduction des risques liés à la toxicomanie" (COM(2002) 201 final - 2002/0098 CNS) (2003/C 61/31) Le 10 juin 2002, le Conseil a décidé, conformément à l'article 262 du traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social européen sur la proposition susmentionnée. La section spécialisée "Emploi, affaires sociales et citoyenneté" chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a désigné Mme Le Nouail-Marlière comme rapporteuse générale. Lors de sa 394e session plénière du 24 octobre 2002, le Comité économique et social européen a nommé Mme Le Nouail-Marlière rapporteuse générale et a adopté l'avis suivant par 93 voix pour, 1 voix contre et 3 abstentions. 1. Contenu essentiel du projet de recommandation du Conseil, sur proposition de la Commission 1.1. Depuis le milieu des années 80, les États membres de l'UE et de la Communauté européenne ont adopté des actions communes pour lutter contre la toxicomanie. Le Conseil européen de Rome de 1990 a approuvé le Plan européen de lutte antidrogue qui a été révisé et mis à jour par le Conseil européen d'Édimbourg en 1992. Le Plan d'action UE 1995-1999 a mis l'accent sur le besoin d'apporter une réponse multidisciplinaire et intégrée, centrée sur la réduction de la demande, la réduction de l'offre, la lutte contre le trafic illicite et la coopération et la coordination internationales. 1.2. Le Traité d'Amsterdam qualifie les drogues de fléau majeur pour la santé publique. Ce problème figure de toute évidence au rang des priorités de l'action communautaire en matière de santé publique. Le troisième paragraphe du point 1 de l'article 152 dispose que "La Communauté complète l'action menée par les États membres en vue de réduire les effets nocifs de la drogue sur la santé, y compris par l'information et la prévention". La réduction des risques pour la santé constitue un nouvel objectif de la coopération entre États membres, parallèlement à la coopération traditionnelle dans le domaine de la prévention. 1.3. La Stratégie antidrogue de l'Union européenne (2000-2004)(1), approuvée par le Conseil européen réuni en décembre 1999, comprend trois objectifs principaux dans le domaine de la santé publique: - Diminuer de manière significative, dans un délai de cinq ans, la prévalence de la consommation des drogues illicites ainsi que le recrutement de nouveaux consommateurs, particulièrement chez les jeunes de moins de 18 ans; - Diminuer de manière significative, dans un délai de cinq ans, la fréquence des effets nocifs des drogues sur la santé (VIH, hépatites B et C, tuberculose, etc.) et le nombre de décès liés à la drogue; - Augmenter de manière significative le nombre de toxicomanes traités avec succès. 1.4. La présente proposition de recommandation du Conseil, fondée sur l'article 152 du traité, a pour objectif principal de contribuer à la réalisation du deuxième objectif en matière de santé publique par les États membres. 1.5. Cette proposition inclut des mesures visant à une meilleure intégration entre les services sociaux et les services de santé. Ces mesures renforceront également le développement de méthodes de formation des professionnels de santé dans ce domaine et la prévention des risques infectieux liés à l'usage de drogues. 1.6. Les États membres sont invités à faire de la prévention de la toxicomanie et de la réduction des risques pour la santé liés à l'usage de substances psychotropes, un objectif de santé publique, à prévoir des politiques globales de prévention et de traitement et à élaborer une évaluation pertinente en vue d'accroître l'efficacité de la prévention, incluant l'usage de données appropriées d'évidence scientifique et une évaluation plus pertinente des besoins. 1.7. Une attention particulière est portée à l'échange d'information au sein de l'Union européenne qui doit être développé. 2. Remarques générales 2.1. Pourquoi une recommandation et pas un instrument légal plus contraignant? En vertu du principe de subsidiarité, il n'est pas possible d'adopter de mesures légales plus contraignantes en matière de santé publique. Conformément à l'article 152 du traité, "Le Conseil, statuant à la majorité qualifiée sur proposition de la Commission, peut également adopter des recommandations aux fins énoncées dans le présent article". Voilà la seule recommandation qui existe dans le domaine de la santé publique, mais il y en a d'autres plus directement liées à l'application de la loi, etc. (par exemple, en matière d'offre). 2.2. Le Comité note que d'autres instruments sont actuellement en préparation: - Proposition de décision-cadre du Conseil concernant l'établissement des dispositions minimales relatives aux éléments constitutifs des infractions pénales et des sanctions applicables dans le domaine du trafic de drogue. - Initiative du Royaume d'Espagne en vue de l'adoption d'une convention relative à la répression par les administrations douanières du trafic illicite de drogue en haute mer. - Proposition de résolution du Conseil concernant le traitement des toxicomanes dans le cadre d'une condamnation pénale. - Projet de résolution du Conseil concernant la classification générique des drogues synthétiques. - Projet de recommandation du Conseil concernant l'élaboration d'un protocole d'action relatif au prélèvement d'échantillons. 3. La présente recommandation vise à mettre en oeuvre des programmes de prévention sur la base éprouvée de projets déjà expérimentés dans certains États membres et à étendre le champ des actions possibles en associant les acteurs de cette prévention. 3.1. Le programme antidrogue vise à encourager la coopération entre États membres, en appuyant leur action et en promouvant la coordination de leurs politiques en vue de prévenir les dépendances liées à l'usage de stupéfiants et de substances psychotropes. Adopté à l'origine pour la période 1996-2000, ce programme a ensuite été prolongé jusqu'à la fin 2002. 3.2. Les activités ont été articulées autour des trois objectifs suivants: - améliorer les connaissances sur le phénomène de la toxicomanie et ses conséquences; - affiner les méthodes de prévention de la toxicomanie; - améliorer l'information, l'éducation et la formation sur le terrain, en particulier pour les jeunes et les groupes vulnérables. 3.3. Le programme a également poursuivi l'objectif de renforcer la coopération avec les pays tiers et les organisations internationales compétentes en matière de prévention de la toxicomanie. Les actions ont été menées en étroite collaboration avec les États membres. 3.4. En vue d'assurer un bon rapport coût-efficacité et la valeur ajoutée de l'intervention communautaire, la priorité a été donnée aux projets menés à grande échelle, pertinents du point de vue méthodologique, le cas échéant novateurs et susceptibles d'avoir une incidence réelle sur la réalisation des objectifs du programme. Ces projets devront associer des organismes publics et des organisations non gouvernementales présentant des preuves de compétences suffisantes dans les domaines concernés et susceptibles, le cas échéant, d'encourager les coopérations pluridisciplinaires. 3.5. La plupart des projets financés relèvent du domaine de l'intervention dans la santé publique plutôt que de la science pure, l'accent étant placé sur l'évaluation. Environ 180 projets ont été financés sur l'ensemble de la période pour un montant total de 38 millions d'EUR. Les pays candidats ont participé à certains de ces projets. 3.6. À la fin de cette année, le Programme d'action, ainsi que huit autres programmes de santé publique spécifiques ou verticaux, arriveront à leur terme et seront remplacés par un nouveau programme d'action communautaire pour la santé publique (2003-2008). Le budget total alloué pour cette période est de 312 millions d'EUR. L'approche fragmentée de l'ancien programme sera remplacée par une approche horizontale intégrée articulée autour des trois pôles suivants: 1. Améliorer l'information en matière de santé publique; 2. Établir un mécanisme de réaction rapide; 3. Agir sur les déterminants de la santé grâce à la prévention et à la promotion de la santé. 3.7. Les problèmes liés à la drogue s'inscriront dans le cadre du troisième pôle. Rien ne laisse présager une diminution de l'importance dont jouit actuellement ce domaine, notamment en raison de la disposition contenue à l'article 152 du traité, en vertu de laquelle "La Communauté complète l'action menée par les États membres en vue de réduire les effets nocifs de la drogue sur la santé, y compris par l'information et la prévention". 4. Politique antidrogue dans les États membres 4.1. Les politiques antidrogue varient d'un État membre à l'autre. À une extrémité, on trouve la stratégie la plus répressive, prônée par des États membres partisans d'une "société sans drogues". La toxicomanie y est jugée inacceptable et ne doit donc pas faire partie intégrante de la société. Dans ces pays, le problème de la toxicomanie est plus du ressort du système pénal que des services sociaux. Les méthodes de réduction des risques, bien qu'utilisées et acceptées dans une certaine mesure, sont toutefois sévèrement contrôlées. Le traitement à la méthadone, par exemple, est soumis à des normes définies par l'office national de la santé et de la protection sociale et le nombre de patients ne peut dépasser une limite définie. 4.2. À l'autre extrémité, on trouve une autre stratégie qui accorde la priorité à la réduction des risques encourus par les toxicomanes, leur entourage et la société dans son ensemble. Certains États membres établissent une nette distinction entre "drogues douces", telles que le cannabis, et "drogues dures", telles que les opiacés et les amphétamines. Ils consentent d'importants efforts pour éviter que les toxicomanes ne glissent dans l'illégalité où le travail de terrain peut s'avérer difficile. 5. Réduction des risques/réduction des dommages 5.1. La réduction des risques est un concept général qui désigne la réduction de tout type de dommage provoqué par le comportement d'individus ou par des interventions sociales et/ou médicales. Dans le domaine des drogues, cette formule est utilisée pour désigner la réduction des risques d'infection et d'autres formes de morbidité chez les toxicomanes qui continuent à consommer des drogues. 5.2. La question de la moralité de la réduction des dommages a été sujette à controverse. Les détracteurs de cette formule estiment qu'elle entraîne une certaine forme de laxisme, d'incitation à la consommation, tandis que ses partisans estiment qu'il s'agit d'une solution réaliste pour protéger la sécurité et la vie des toxicomanes, dans le respect du choix et de la liberté de chacun. Les initiatives politiques évoluent dans le sens du pragmatisme, l'accent étant placé sur l'évaluation. L'état des recherches ne justifie pas l'adoption de positions extrêmes. 5.3. En préférant la formule de réduction des risques à celle de réduction des dommages, la recommandation adopte une position plus neutre. Par ailleurs, la formule de réduction des risques est quasi universellement acceptée. 5.4. Typologies des pratiques. Il existe une série de méthodes de réduction des risques. La plupart de celles mentionnées dans la présente directive ont déjà été mises en pratique dans la plupart des États membres, mais à des degrés divers. Il y a lieu de noter que seules certaines de ces méthodes figurent dans la présente recommandation. A. Méthodes figurant dans la recommandation Traitement à la méthadone Vaccinations Information Aiguilles et seringues propres Services à bas seuil B. Méthodes ne figurant pas dans la recommandation Prescription médicale d'héroïne Salles d'injection Tests effectués sur place Lieux ouverts de consommation 6. Besoin d'évaluation Qui dit évaluation dit clarification et définition des concepts et méthodes, mais aussi analyse de l'impact des interventions. La Commission européenne a encouragé l'évaluation dans le domaine des drogues en tant que coorganisatrice de deux conférences européennes en la matière. Le Programme d'action communautaire en vue de la prévention de la toxicomanie identifie les données, les recherches et évaluations comme domaines d'action prioritaires. L'Observatoire Européen des Drogues et des Toxicomanies (OEDT) joue un rôle primordial à cet égard. Sa mission consiste à diffuser des informations objectives, fiables et comparables sur le phénomène de la drogue et la toxicomanie en Europe et ses conséquences. 7. Conclusions 7.1. Le CESE note que la présente recommandation s'attache à l'objectif de réduction des effets nocifs de la drogue sur la santé, conformément à l'article 152 du traité, portant notamment sur l'information et la prévention des risques, et sur des réponses spécifiques à la nécessité de réduire la demande, et ne porte pas sur la réduction de l'offre, mais il regrette que les objectifs définis dans la présente recommandation ne comportent pas de dimension transversale qui permettrait une synergie entre les actions menées dans différents domaines: santé, police, éducation, affaires sociales et emploi. 7.2. Le CESE approuve que, dans le cadre de la réduction et de la prévention des risques liés à la toxicomanie, la mise en oeuvre de programmes spécifiques relatifs à la prévention du SIDA et d'autres maladies transmissibles soit préconisée et renforcée. 7.3. Le Comité approuve, ainsi qu'il l'avait déjà et en partie mentionné dans son avis(2), qu'il convienne d'inclure les actions visant ce domaine de la santé publique à des niveaux spécifiques (écoles, réseaux sanitaires, entreprises), afin de suivre au plus près les populations tant au plan géographique local, qu'au plan évolutif dans un parcours social. Les facteurs de risque évoluent sans cesse et des facteurs de protection doivent être adaptés. 7.4. La prévention et les formes de lutte contre les dépendances peuvent s'intégrer aux programmes de santé et hygiène au travail. L'entreprise n'est pas nécessairement un lieu où naissent les risques de dépendances aux drogues, mais elle peut être un lieu où se pérennisent des situations de dépendances. Il conviendrait d'associer les partenaires sociaux, en plus des acteurs traditionnels dans le domaine sanitaire et social, à la mise en place des programmes associés de prévention ou de réinsertion des travailleurs souffrant de dépendance lorsque cela s'avère nécessaire. 7.5. Ainsi la recommandation pourrait inclure au chapitre 2 ou au chapitre 3 d'établir, dans le cadre des programmes globaux relatifs à la santé au travail, des programmes de prévention (information, sensibilisation, orientation vers des services de soins, actions visant à faciliter l'accès aux traitements) en accordant la priorité aux secteurs présentant un risque élevé, et en associant les partenaires sociaux. 7.6. Le Comité soutient la recommandation, considérant que la prévention et la réduction des risques liés à la toxicomanie doivent s'inscrire dans le cadre communautaire qui permet les échanges de meilleures pratiques et la protection des personnes affectées par un fléau social ancien qui frappe aveuglément, en changeant sans cesse de forme et de visage. Bruxelles, le 24 octobre 2002. Le Président du Comité économique et social européen Roger Briesch (1) Avis du CESE sur le "Plan d'action en matière de lutte contre la drogue (2000-2004)" - JO C 51 du 23.2.2000. (2) Avis du CESE sur le "Plan d'action en matière de lutte contre la drogue (2000-2004)" - JO C 51 du 23.2.2000.