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Avis du Comité économique et social sur la "Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social, au Comité des régions Vers une stratégie thématique pour la protection des sols" (COM(2002) 179 final)

Journal officiel n° C 061 du 14/03/2003 p. 0049 - 0052


Avis du Comité économique et social sur la "Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social, au Comité des régions 'Vers une stratégie thématique pour la protection des sols'"

(COM(2002) 179 final)

(2003/C 61/09)

Le 12 avril 2001, la Commission, conformément à l'article 175 du traité instituant la Communauté européenne, a décidé de consulter le Comité économique et social sur la communication susmentionnée.

La section "Agriculture, développement rural, environnement", chargée de préparer les travaux en la matière, a adopté son avis le 29 août 2002 (rapporteur: M. Staffan Nilsson).

Lors de sa 393e session plénière des 18 et 19 septembre 2002 (séance du 18 septembre), le Comité économique et social a adopté le présent avis par 139 voix pour, 0 voix contre et 1 abstention.

1. Contenu essentiel de la communication de la Commission

1.1. Le 6e programme d'action pour l'environnement et la stratégie de développement durable publiés par la Commission en 2001 ont mis en avant la nécessité de protéger les sols contre l'érosion et la pollution et souligné que l'érosion et la baisse de la fertilité des sols réduisent la viabilité des terres agricoles. La Commission a décidé à présent d'établir une stratégie thématique pour la protection des sols par le biais de la première communication(1).

1.2. La communication est à la fois descriptive et orientée vers l'action. Elle décrit l'impact sur les sols, tant de facteurs externes que de facteurs dus à l'activité humaine, tels que l'érosion, la perte de matières organiques, les contaminations locale et diffuse des sols, le tassement, la diminution de la biodiversité, la salinisation, les inondations et les glissements de terrain.

1.3. Dans ce contexte, le sol est défini comme la couche supérieure de la croûte terrestre, qui revêt une importance vitale pour toutes les activités humaines et la société en tant que telle. Le sol a également un rôle important dans la protection des eaux et l'échange de gaz avec l'atmosphère.

1.4. La Commission évoque également la relation entre la question de la protection des sols et les autres politiques communautaires par le biais de la directive "nitrates" et la directive-cadre sur l'eau, la directive-cadre sur la qualité de l'air, la politique agricole commune, la politique des transports et la politique de la recherche.

1.5. La Commission dresse un aperçu de la situation dans les pays candidats.

1.6. Dans les conclusions concernant les menaces qui pèsent sur les sols, la communication constate que les processus de dégradation des sols sont entraînés ou aggravés par l'activité humaine. Tous les pays sont touchés, fût-ce à des degrés divers, et pour diverses raisons, la détérioration s'accentue et les effets de ce processus se font sentir à un rythme accéléré dû au changement climatique.

1.7. La Commission circonscrit la communication aux sols tels que définis et exclut l'utilisation proprement dite des sols qui fera l'objet d'une autre communication relative à la dimension territoriale en 2003.

1.8. La communication indique ensuite que la mise en place d'une stratégie communautaire de protection des sols prendra du temps. Les objectifs de protection des sols doivent également être intégrés à plusieurs politiques communautaires mais comportent également une dimension locale et régionale. À partir de 2002, la Commission envisage de proposer une série de mesures en faveur de l'environnement destinées à empêcher les contaminations des sols dues aux déchets miniers, aux boues d'épuration et au compost. La Commission publiera, d'ici juin 2004, un rapport sur les mesures techniques et les initiatives législatives qu'elle aura prises pour promouvoir la protection des sols.

1.9. Un objectif important de la communication de la Commission est la proposition visant à mettre en place un système de surveillance, afin de recueillir des informations et des connaissances dans la perspective des efforts et des propositions ultérieurs. La Commission indique qu'une proposition concrète sera également soumise d'ici juin 2004.

2. Observations générales

2.1. La terre est un élément naturel qui s'est formé au cours d'une longue période. Le sol est utilisé comme base de production de nos aliments. La terre est envahie par les villes et les zones urbaines. Le sol est utilisé pour construire nos infrastructures modernes, nos systèmes de communications, nos routes, etc. Nous envahissons et utilisons le sol avec des objectifs nombreux et variés. Souvent, on assiste à des conflits d'intérêt lorsque l'utilisation d'un terrain est modifiée. De nombreux États membres ont élaboré des législations permettant à la société de prendre des mesures afin de pouvoir procéder à des expropriations pour des raisons d'intérêt général. La protection du sol concerne donc à la fois la terre et ses caractéristiques, ainsi que son utilisation.

2.2. L'Union européenne a développé des stratégies communes afin de défendre et protéger les eaux et l'air, tandis qu'elle manquait au contraire de stratégies visant à protéger le sol à long terme. Le CESE demandait, dans son avis d'initiative sur "l'utilisation des boues d'épuration en agriculture", une proposition de stratégie communautaire en matière de protection des sols(2).

2.3. Dans ce contexte, le CESE apprécie que la Commission présente désormais une communication sur une stratégie thématique, et il souhaite apporter son soutien aux travaux en faisant part des observations suivantes.

2.4. Les cas récents d'intempéries extrêmes et d'inondations qui se sont produits dans plusieurs pays européens démontrent la nécessité d'une stratégie bien réfléchie en matière de protection des sols. Les inondations sont souvent aggravées par le fait que dans des zones qui, antérieurement, étaient déjà naturellement sujettes aux inondations, les sols se sont dégradés parce que leur capacité à emmagasiner l'eau s'est amoindrie ou parce que l'utilisation des sols a changé. Il importe que l'Union européenne prenne fortement en compte cet élément lors de l'élaboration de stratégies de protection et d'utilisation des sols.

3. Points de vue du CESE sur la communication

3.1. Le CESE estime que la description que donne la Commission des diverses menaces qui risquent de dégrader la qualité des sols constitue une base suffisamment solide pour les futures propositions davantage orientées vers l'action qui sont énumérées dans la communication.

3.2. La description que la communication donne des diverses menaces ne fait pas apparaître clairement celles qui, de l'avis de la Commission, doivent être résolues au niveau de l'UE et les raisons pour lesquelles une initiative commune serait plus performante que des mesures nationales. Une stratégie de protection future des sols devrait raisonnablement tenir compte de cet aspect, ne serait-ce que pour susciter la compréhension de ceux qui oeuvrent actuellement à la protection des sols au niveau national.

3.3. Il est difficile, voire peu pertinent de définir exactement le type de qualité de sol que nous entendons obtenir. En revanche, le CESE déplore l'absence d'un débat sur les objectifs essentiels que nous pouvons assigner à la protection des sols et sur un niveau d'ambition raisonnable dans la conduite des travaux. La communication conclut à la nécessité de protéger les sols contre diverses menaces, mais les sols déjà dégradés ou naturellement médiocres peuvent-ils être améliorés ? Le CESE pense que la Commission ne devrait pas préciser combien d'hectares sont censés être d'une certaine qualité, mais plutôt indiquer quelles sont les priorités prévues. L'une de ces priorités pourrait être de protéger en premier lieu contre de nouvelles dégradations les sols les plus exposés. Une stratégie européenne doit définir une ambition commune à l'égard des sols européens.

3.4. La Commission estime que l'érosion, la perte de matières organiques et la contamination sont les trois menaces les plus importantes. Étant donné que la communication ne comporte pas d'évaluation des diverses menaces qui soit susceptible de contribuer à définir un ordre de priorité, il est difficile de contester ou d'avaliser ce point de vue. Il serait intéressant d'évaluer, dans les éventuels travaux futurs de la Commission, l'impact des diverses menaces sur l'environnement et la société. Pour ce faire, il conviendrait de préciser le risque de diminution de la valeur socio-économique des fonctions du sol.

3.5. Afin d'évaluer ces différents types de menace, il est également intéressant de prendre en compte une durée dans cette analyse, car elle fait défaut dans le rapport de la Commission. Par durée, on entend le fait de ne pas se contenter de prendre en compte la situation actuelle, mais de voir à quel rythme la terre a été améliorée ou dégradée et quelles sont les conséquences à terme. Il est possible que les connaissances actuelles de l'impact sur les sols soient trop lacunaires pour dresser un inventaire exhaustif, mais une telle initiative devrait être mise en oeuvre dans les régions où elle est réalisable. La menace majeure désignée en priorité par la Commission peut bien entendu être la plus importante, mais cela n'empêchera pas certaines régions de privilégier une tout autre menace; par exemple, l'acidification des terrains forestiers pose un problème de fertilité en Europe du Nord, tandis que les feux de forêt peuvent être cause d'érosion en Europe méridionale.

3.6. La Commission propose que la stratégie de protection des sols repose essentiellement sur un système de surveillance et une harmonisation des systèmes nationaux existants. Ainsi qu'il a été mentionné ci-dessus, la communication ne fait pas ressortir celles des menaces pesant sur les sols qu'il serait avantageux de traiter en commun et, dans ce cas, quel devrait être le contenu d'une initiative communautaire. La méconnaissance de l'objet et des raisons de la surveillance des sols accroît le risque d'inefficacité du système. Nous pouvons nous attendre à ce que les besoins des pays candidats en matière de protection des sols soient au moins aussi considérables que ceux de l'UE à 15, voire vraisemblablement plus considérables encore. C'est pourquoi il importe que les systèmes de surveillance et les propositions de mesures concrètes que la Commission prévoit de présenter prennent aussi en compte les pays candidats.

3.7. Le CESE constate qu'une série de travaux connexes à la protection des sols sont déjà menés actuellement, tels que la directive-cadre sur l'eau et la législation future sur les boues d'épuration et le compost. Pour ces travaux, la nécessité peut également se faire sentir de mettre en place un système commun de surveillance et des méthodes harmonisées de collecte de données. Le CESE apporte dès lors son soutien à une proposition visant à mettre en place un tel système. Le CESE pose en principe qu'une proposition future concernant un système commun de surveillance veillera strictement à tirer le meilleur parti des systèmes nationaux existants.

3.8. Pour améliorer la protection des sols, il importe d'intégrer la formation et l'information dans une stratégie concernant les sols afin de susciter une compréhension et une conscience accrues des effets qu'exercent différents types de gestion des sols sur ces derniers. En ce qui concerne la pollution des sols, le CESE a émis un avis(3) sur la proposition de la Commission relative à "la responsabilité environnementale en vue de la prévention et de la réparation des dommages environnementaux"(4). Dans ce texte, la Commission propose notamment la mise en place d'un cadre juridique communautaire en vertu duquel les dommages infligés aux sols par de la pollution seraient générateurs de responsabilité.

Il faut envisager en outre la possibilité de faire en sorte que les infractions à la législation en vigueur en matière de sols engagent la responsabilité pénale.

3.9. Comme le souligne la Commission, la terre se distingue de l'air et de l'eau proprement dits du fait qu'il existe souvent, de manière plus patente, une personne physique ou juridique qui en est propriétaire. Cela a pour conséquence que les atteintes à la terre sont principalement de deux types.

3.9.1. Le premier consiste en une pression traditionnelle sur l'environnement exercée par différents intervenants qui causent des dommages à travers des émissions et d'autres pollutions, qui ne les touchent pas eux-mêmes directement, mais affectent les propriétaires des sols concernés.

3.9.2. L'autre type correspond aux situations où un propriétaire dégrade (ou améliore) sa propre terre. La terre peut être réservée à une production biologique, en tant que terre arable et terre forestière. Le sol peut également être utilisé comme base pour l'industrie, la construction de routes, etc. et ne subit pas alors la pression négative due à la production, exercée par les utilisateurs.

3.9.3. Si la stratégie en matière de sols débouche peu à peu sur des actions, il est important de prendre en compte les principales différences entre les types de terre et de conditions de propriété.

3.10. La Commission constate que la terre est exposée à une pression considérable du fait des activités humaines, et que sa situation se dégrade. Il serait également important de relever les améliorations dues à une réduction drastique des apports de métaux, à la réduction des dépôts acides et, dans de nombreuses régions, la qualité des sols arables est bonne; tous les sols arables ne sont donc pas en train de se dégrader.

3.11. Les effets de l'agriculture sont bien décrits au chapitre 8.1.2, premier paragraphe, de la communication à l'examen dans lequel la Commission constate que certaines méthodes utilisées en agriculture aboutissent à des dommages pour les sols, tandis que d'autres pourraient promouvoir leur protection. Du point de vue de l'agriculture proprement dite, la protection des sols s'inscrit naturellement dans une culture et constitue un atout plutôt qu'une menace.

3.12. La Commission indique que l'épandage de boues d'épuration ne devrait pas poser de problème, à la condition de prévenir toute pollution et que leur épandage sur une terre arable soit possible. Le CESE conteste vigoureusement ce point de vue. Le problème actuel des boues d'épuration est précisément qu'elles présentent un fort taux de pollution. Le CESE a demandé précédemment une directive révisée dont les seuils seraient renforcés. La Commission prévoit de soumettre cette directive révisée d'ici à 2003. Le CESE regrette ce retard.

4. Conclusions

4.1 Le CESE accueille favorablement la communication de la Commission comme l'amorce d'une stratégie européenne de protection des sols. En ce qui concerne la poursuite des travaux, il tient à souligner ce qui suit:

- il déplore l'absence d'un compte rendu des types de mesures qu'il est opportun de mettre en oeuvre au niveau de l'UE et des raisons qui militent en ce sens;

- il regrette également l'absence d'un débat stratégique sur des ambitions raisonnables et, partant, sur les objectifs qui peuvent être assignés aux sols européens;

- les propositions futures doivent s'appuyer sur une évaluation des menaces probables dans les diverses régions européennes, y compris dans les pays candidats;

- la future proposition relative à un système de surveillance doit être reliée aux mesures en cours afin d'en améliorer la motivation et d'utiliser clairement les systèmes nationaux de surveillance existants;

- il convient que les futures propositions de mesures concrètes visant à l'amélioration de la protection des sols comportent des éléments relatifs, notamment, à la formation, à l'information et à des régimes de sanctions appropriés;

- le sol se distingue de l'air et de l'eau proprement dits, qui sont des éléments mobiles. Étant donné que le sol appartient à un propriétaire, le droit de propriété doit être pris en compte dans la stratégie;

- une description nuancée de l'ensemble des menaces est en tout cas importante afin que tous les acteurs soutiennent l'initiative.

Bruxelles, le 18 septembre 2002.

Le Président

du Comité économique et social

Göke Frerichs

(1) COM(2002) 179 final.

(2) CES 1199/2000, JO C 14 du 16.1.2001, pp. 141-150.

(3) CES 868/2002, JO C ... (non encore publié).

(4) COM(2002) 17 final.