52002AE0683

Avis du Comité économique et social sur la "Proposition de directive du Conseil concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers et les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié, ou de personne qui, pour d'autres raisons, a besoin d'une protection internationale, et relatives au contenu de ces statuts" (COM(2001) 510 final — 2001/0207 (CNS))

Journal officiel n° C 221 du 17/09/2002 p. 0043 - 0048


Avis du Comité économique et social sur la "Proposition de directive du Conseil concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers et les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié, ou de personne qui, pour d'autres raisons, a besoin d'une protection internationale, et relatives au contenu de ces statuts"

(COM(2001) 510 final - 2001/0207 (CNS))

(2002/C 221/11)

Le 15 novembre 2001 le Conseil, conformément à l'article 63 du traité instituant la Communauté européenne, a décidé de consulter le Comité économique et social sur la proposition susmentionnée.

La section "Emploi, affaires sociales, citoyenneté", chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a élaboré son avis le 13 mai 2002 (rapporteuse: Mme Le Nouail Marliere).

Lors de sa 391e session plénière des 29 et 30 mai 2002 (séance du 29 mai 2002), le Comité économique et social a adopté le présent avis par 105 voix pour, 2 voix contre et 1 abstention.

1. Introduction

1.1. La proposition présentée par la Commission fait partie d'un ensemble de propositions de directives, actuellement en cours d'examen au Comité, qui vise à établir un régime d'asile européen commun. Elle tend à mettre en oeuvre l'article 63 du Traité, le plan d'action de Vienne, le paragraphe 14 des conclusions du Conseil européen de Tampere et les références y afférentes dans le tableau de bord présenté au Conseil et au Parlement en novembre 2001.

1.2. Ce projet de directive se veut un outil essentiel pour accroître l'efficacité des régimes d'asile nationaux et la crédibilité du régime d'asile européen commun. Le statut de réfugié est régi par la convention de Genève de 1951, amendée par le protocole de New York de 1967, et par la Convention de Dublin entrée en vigueur le 19 août 1997, qui détermine l'Etat membre européen responsable de l'examen de la demande.

1.3. En matière d'harmonisation de la politique d'asile, la Commission a déjà présenté une série de propositions sur lesquelles le CES a élaboré des avis: en septembre 2000, un projet de directive sur la procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié, en avril 2001 un projet de directive sur les normes d'accueil des demandeurs d'asile et en juillet un projet de règlement déterminant l'État responsable de l'examen d'une demande d'asile.

1.4. Le présent projet vise à établir une définition commune du réfugié ressortissant d'un pays tiers ou apatride, et des normes communes pour les droits dont ils bénéficient dans l'Union européenne.

1.4.1. Elle étend aux organisations ou aux agents non étatiques le champ des auteurs de persécutions dont sont victimes les réfugiés, dans le cas où l'État n'accorde pas une protection efficace. La Commission indique que par cette approche, elle propose de suivre la pratique de la grande majorité des États membres de l'UE qui considèrent que, si la persécution est fondée, l'origine est sans importance.

1.4.2. Mais la proposition prévoit que, si une autre partie du territoire de l'État dont vient le demandeur d'asile peut être considérée comme sûre, ce dernier puisse y être renvoyé.

1.4.3. D'autre part, le projet s'attache également au problème spécifique des femmes et des enfants. La proposition comprend des règles particulières pour l'évaluation de leur demande et oblige les États membres à assurer une assistance spécifique, médicale ou autre, aux personnes victimes de tortures, de viols ou d'autres violences graves de caractère psychologique, physique ou sexuel.

1.5. Il est à noter que la Commission a décidé d'inclure dans un même document à la fois les normes minimales relatives aux conditions d'octroi et de retrait du statut de réfugié et celles relatives au statut conféré par la protection subsidiaire.

1.6. La présente proposition ne porte pas sur les aspects procéduraux de l'octroi et du retrait du statut de réfugié ou du statut conféré par la protection subsidiaire.

1.7. Cette proposition reflète le fait que le système doit reposer sur l'application intégrale et globale de la convention de Genève, et assurer ainsi que nul ne sera renvoyé là où il risque à nouveau d'être persécuté, c'est-à-dire maintenir le principe de non refoulement. Elle est complétée par des mesures offrant une protection subsidiaire aux personnes qui n'entrent pas dans le champ d'application de la convention, mais qui ont néanmoins besoin d'une protection internationale.

1.8. La Commission implique que sa proposition vise à une harmonisation dans l'application du droit d'asile par les Quinze et entend décourager ainsi "l'asylum shopping" par lequel les candidats à l'asile se déterminent selon les régimes les plus favorables offerts.

1.9. Par cette proposition de directive, la Commission poursuit les objectifs suivants:

- établir des normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les personnes demandant une protection internationale en qualité de réfugié ou de bénéficiaire du statut conféré par la protection subsidiaire, et relatives au contenu de ces statuts;

- assurer, dans tous les États membres, un niveau minimal de protection aux personnes qui ont réellement besoin d'une protection internationale et réduire les divergences entre les législations et les pratiques des États membres dans ces domaines, dans le cadre de la première étape d'une harmonisation complète;

- limiter les mouvements secondaires des personnes demandant une protection internationale qui sont uniquement liés aux différences qui existent entre les règles applicables en matière de reconnaissance du statut de réfugié et d'octroi du statut conféré par la protection subsidiaire;

- garantir un degré élevé de protection aux personnes qui en ont besoin, en évitant quelques demandes d'asile qui portent atteinte à la crédibilité du système, et en reconnaissant les difficultés de distinguer parfois migrants économiques et demandeurs d'asile.

1.10. Le document de proposition de directive, divisé en sept chapitres, traite successivement des aspects les plus généraux de la proposition, de la nature générale de la protection internationale, des conditions d'octroi du statut de réfugié, du statut complémentaire conféré par la protection subsidiaire, des obligations minimales des États membres à l'égard des personnes à qui ils accordent une protection internationale, et des règles permettant d'assurer la mise en oeuvre complète de la directive.

2. Dispositions générales

2.1. La définition de normes minimales

2.1.1. Toute demande de protection, qu'elle soit fondée sur un des cinq motifs définis par la convention de Genève, ou complémentaire ou subsidiaire, a la nature d'un droit universel fondamental. Des normes peuvent être "minimales" à condition de reconnaître, respecter et protéger les droits de l'homme fondamentaux et universels inscrits dans les textes internationaux relatifs aux droits de l'homme.

2.1.2. Tout en appuyant les objectifs d'harmonisation et d'intégration de la Commission, le Comité souligne la nécessité de préserver les pratiques les plus favorables dans les États membres.

2.2. Reconnaissance du statut

2.2.1. Tout demandeur peut prétendre au statut mais se voit ou non reconnu le statut protecteur par l'État membre.

2.2.2. Le Comité se félicite du processus engagé vers l'adoption de normes communes en vue de reconnaître le statut de réfugié ou de protection complémentaire.

2.2.3. Cependant il regrette que la Commission continue de parler d'octroi du statut alors qu'il s'agit là, conformément à l'article 1er de la Convention de Génève, d'une simple reconnaissance d'un statut qui existe de par la situation du demandeur et indépendamment de la reconnaissance de l'État membre(1).

2.2.4. Le Comité note qu'une proposition de règlement visant à améliorer la Convention de Dublin et son application est en cours(2).

2.2.5. Tout en soulignant que l'adoption de normes communes pour reconnaître le statut de réfugié ou accorder une protection subsidiaire est un pas dans la réalisation des objectifs fixés au Conseil de Tampere, le Comité rappelle que la procédure de détermination de l'État membre responsable de l'examen de la demande emporte des conséquences sur l'examen de la demande.

2.2.6. Le Comité souligne que l'adoption de normes minimales de reconnaissance du statut de réfugié devrait également rendre moins cruciale la détermination de l'État membre responsable de l'examen de la demande, puisque le choix du demandeur de déposer sa demande auprès d'un État membre se ferait alors sur d'autres critères que d'éventuelles différences de traitement de la demande par les États membres.

2.2.7. Ainsi qu'il le préconisait dans un avis précédent(3), le Comité estime qu'ainsi il sera possible de mieux prendre en considération le choix du demandeur d'asile du pays auquel il adresse sa demande, compte tenu des considérations culturelles et sociales qui président à son choix et qui sont déterminantes pour une intégration plus rapide.

2.3. Ordre d'examen de la demande

2.3.1. Il y a lieu de distinguer entre demande de protection internationale, demande d'asile et demande de protection subsidiaire.

2.3.2. La protection temporaire fondée sur une évaluation collective des besoins n'est pas l'objet de la présente proposition puisqu'elle a déjà fait l'objet d'une adoption par le Conseil du 20 juillet 2001. Celle-ci a une portée limitée dans le temps et s'applique à des groupes numériquement importants(4).

2.3.3. Le Comité approuve que la Commission précise que toute demande de protection internationale est présumée être une demande d'asile à moins que le ressortissant d'un pays tiers ou l'apatride ne sollicite explicitement un autre type de protection (article 2 g).

2.3.4. Toutefois, la définition de demande de protection subsidiaire comme demande "qui ne peut être comprise comme étant motivée par le statut de réfugié de cette personne, au sens de l'article 1er, Section A, de la Convention de Genève, ou qui fait suite au rejet d'une telle demande, ..." (article 2 i), suppose que la demande de protection internationale ait été soit posée puis examinée comme demande d'asile, soit présumée puis examinée comme telle. Il convient de préciser ou d'ajouter, que la demande elle-même est subsidiaire, tandis que la protection est complémentaire au statut de réfugié non reconnu au sens de l'article premier, section A, de la Convention de Genève.

2.3.5. Il existe une règle de priorité rappelée par la Commission elle-même, selon laquelle c'est toujours le statut de réfugié qui devrait d'abord être examiné au moment de l'examen de la demande, tandis que la protection subsidiaire ne peut être un moyen d'affaiblir la protection conférée par le statut de réfugié. De plus, le statut de réfugié au titre de la convention de 1951 confère des droits et avantages de nature extra territoriale qui peuvent être supérieurs.

2.4. Membres de la famille (Article 6)

2.4.1. Le Comité approuve que les membres de la famille qui accompagnent un demandeur puissent prétendre au même statut que les demandeurs d'une protection internationale.

2.4.2. Il y a lieu de distinguer ici le respect du droit de demander l'asile et le stade ultérieur d'examen de cette demande qui conclurait à la reconnaissance ou à la non reconnaissance du statut de réfugié et de bénéfice de la protection internationale.

2.4.3. En effet, s'il est vrai que les demandes restent individuelles et doivent toujours bénéficier d'un examen approfondi et individuel, la mise en oeuvre de normes de protection subsidiaire ne doit pas entrer en contradiction avec des dispositions en vue du regroupement familial du bénéficiaire. Celui-ci est en effet fondamental dans l'optique de rétablir des conditions de vies normales et dignes le plus tôt possible.

2.5. Femmes

2.5.1. Bien qu'elles ne soient pas explicitement prévues par la Convention de Genève de 1951, les formes spécifiques de persécution de genre (les mutilations génitales féminines, le mariage forcé, lapidations pour présomption d'adultère, viols systématique des femmes et des jeunes filles comme stratégie guerrière, pour en nommer quelques-unes) devraient être reconnues comme raisons fondées pour introduire une demande d'asile, et comme motifs légitimes pour l'octroi de l'asile dans les États membres.

2.5.2. A cet effet, la proposition de directive doit inclure des lignes de conduites intégrant une perspective de genre dans les demandes d'asile, afin de mieux garantir la reconnaissance égale entre un homme demandeur d'asile et une femme demandeuse d'asile, car le motif d'opinion politique est moins reconnu aux femmes qu'aux hommes, d'une manière historique. En défiant les normes sociales dominantes, les femmes ne peuvent pas toujours compter sur la protection de l'État où elles résident.

2.5.3. La dimension de genre doit aussi être reconnue dans le traitement des demandes d'asile: présence d'officiers de sexe féminin dotées de qualifications et formations adéquates en charge des entretiens et de l'interprétation; confidentialité dans les procédures d'entretien; entretiens sans confrontations via des questions ouvertes permettant ainsi aux femmes de raconter leurs expériences de persécution en confiance ainsi que des mesures assurant la sécurité physique et le respect de la vie privée des femmes demandeuses d'asile dans les centres d'accueil ou de détention, leur accès à des services répondant à leurs besoins de santé, l'accès à l'aide juridique et la représentation, y compris le droit de contacter ou d'être contactée par une ONG de femmes et/ou une ONG travaillant dans le domaine de l'asile.

2.5.3.1. Pour faciliter ces contacts, les listes des ONG qui pourraient aider les femmes dans leurs démarches devraient leur être données. Par ailleurs, il serait opportun que ces mêmes ONG soient averties de la présence de femmes dans les centres d'accueil.

2.5.3.2. Obtenir la reconnaissance du statut de réfugiée n'a pas de sens si l'on ne bénéficie pas d'une protection adéquate. L'exemple des femmes entraînées à se prostituer le montre bien. Il est nécessaire de leur garantir l'accès à un travail décent et la liberté d'association syndicale.

2.5.4. Des solutions durables comme l'adoption de mesures encourageant le développement des qualifications et compétences des femmes demandeuses d'asile durant la procédure d'asile, afin de favoriser leur indépendance et leur intégration dans le pays d'accueil si leur demande est acceptée, ou la réintégration dans leur pays d'origine si leur demande est rejetée, sans préjudice d'autres mesures possibles adaptées à leurs conditions de vie et visant à les rétablir pleinement et le plus rapidement possible dans des conditions de vie normales et dignes.

3. Dispositions particulières

3.1. Conséquences de la cessation du statut de réfugié (Article 13)

3.1.1. Le Comité attire l'attention de la Commission sur le fait que, lorsque le permis de séjour est révoqué alors que l'état d'origine n'a pas encore rendu son titre de voyage et de nationalité à la personne, celle-ci ne bénéficierait plus dès lors ni de la protection ni d'un titre de séjour valide.

3.1.2. Le Comité propose que la Commission envisage que le retrait du statut du réfugié (cessation) soit examiné au regard des mêmes éléments qui ont fondé la reconnaissance du statut.

3.2. Exclusion du statut de réfugié (Article 14)

3.2.1. Le Comité n'approuve pas le motif énoncé au point 1a. Un demandeur qui bénéficie actuellement d'une protection ou d'une assistance de la part d'un organisme ou d'une institution des Nations Unies autre que le HCR, bénéficierait dans ce cas d'une protection d'un organisme ou d'une institution qui n'est pas partie à la convention de 1951 et qui pourrait ne pas être en mesure de lui garantir pleinement ses droits conférés par une reconnaissance de son statut de réfugié.

3.3. Motifs de la protection subsidiaire (Article 15)

3.3.1. Le Comité souligne qu'il peut y avoir d'autres motifs, qui ne sont pas ici envisagés. Par ailleurs, il met en garde contre le risque de faire entrer dans les motifs de protection subsidiaire, des motifs qui normalement sont couverts par l'article 1.A.2) de la Convention de Genève(5).

3.4. Cessation du statut conféré par la protection subsidiaire (Article 16)

3.4.1. La protection subsidiaire, complémentaire de la protection accordée au réfugié reconnu au sens de l'article premier, section A, de la Convention de 1951, devrait être renforcée. Pour ce faire, elle devrait s'appuyer sur les références humanitaires utiles et pertinentes quant aux traitements à appliquer aux personnes en quête de protection. La cessation du statut, ne devrait donc pas être expéditive, mais au contraire s'appuyer sur l'examen des mêmes éléments qui ont rendu possible l'octroi de cette protection.

3.4.2. Le Comité suggère aussi de reprendre les termes de l'article 13(2) pour libeller l'article 16: Il incombe à l'État membre qui a accordé le statut de bénéficiaire d'une protection subsidiaire d'établir la preuve qu'un individu a cessé d'avoir besoin d'une protection internationale.

3.5. Permis de séjour (Article 21)

3.5.1. Aux réfugiés bénéficiaires d'une protection subsidiaire, la durée du permis de séjour accordé serait d'un an (au lieu de 5 ans dans le cas de réfugié au titre de la Convention de Genève). Ce principe est contradictoire avec une interprétation de la Convention de Genève qui permet d'apprécier un grand nombre de cas de façon particulière et individuelle. Il ne devrait être fait usage de la protection complémentaire que dans les cas où le motif de la demande de protection internationale, après examen individuel, n'entre pas dans le champ des motifs disposés dans la Convention de Genève. Cette autre forme de protection n'implique pas qu'elle doive être de moindre durée.

3.5.2. Et, comme indiqué aux paragraphes précédents (2.3.5 et 3.3.1), la protection subsidiaire ne doit pas non plus affaiblir le statut de réfugié au titre de la Convention de 1951.

3.6. Titres de voyage (Article 23)

3.6.1. S'agissant de restrictions à la libre circulation, il y a lieu de préciser que ces raisons impérieuses s'appliquent pour les mêmes raisons et sans discriminations tant aux réfugiés ressortissants d'un pays tiers ou apatrides qu'aux ressortissants nationaux.

3.7. Accès à l'emploi (Article 24)

3.7.1. Comme expliqué au paragraphe concernant l'article 21, la protection subsidiaire n'induit pas qu'elle soit de moindre étendue. Les droits d'égalité d'accès à l'emploi entre réfugiés et ressortissants des États membres doivent aussi être reconnus aux bénéficiaires d'une protection subsidiaire, dès que ce statut leur est reconnu. Le Comité soutient la lutte contre le travail illégal ou clandestin, et souligne les risques d'exclusion sociale, d'errance et de désocialisation auxquels sont exposées les personnes à qui on accorde asile sans droit de travailler.

3.7.1.1. Concernant les femmes, le fait qu'elles ne disposent pas du droit de travailler dès qu'une protection leur est reconnue, accroît les risques auxquels elles sont exposées de tomber dans les réseaux organisés de prostitution forcée.

3.7.1.2. Dans ce domaine du travail, comme dans celui des dispositifs d'intégration traité au paragraphe 3.9, le Comité rappelle que la mise en oeuvre de l'accueil des réfugiés et le traitement social (fonds de solidarité, actions des associations, accueil dans les écoles, logements) sont finalement directement supportés au plus petit niveau des collectivités territoriales (la ville, la région).

3.8. Liberté de circulation (Article 30)

3.8.1. Les réfugiés dont le statut est reconnu par un État membre, ou les bénéficiaires d'une protection subsidiaire, devraient se voir reconnu le droit de circuler aussi dans les autres États membres.

3.8.2. Le Comité rappelle qu'une fois la protection internationale accordée et le statut reconnu, le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire remet son passeport à l'État d'accueil tant que dure la protection et l'asile. Étant sous la responsabilité de l'État membre qui lui accorde sa protection, il devrait pleinement bénéficier de la libre circulation à l'intérieur du territoire des États membres dans les mêmes conditions que leurs ressortissants(6).

3.9. Accès aux dispositifs d'intégration (Article 31)

3.9.1. Il y a lieu de faire les mêmes remarques que pour les articles 21 et 24 (Permis de séjour et accès à l'emploi). Le Comité se demande pour quelles raisons les bénéficiaires d'une protection subsidiaire, une fois celle-ci accordée, devraient-ils attendre un an pour bénéficier de dispositifs d'intégration adaptés à leurs besoins, notamment en matière d'emploi, d'éducation, de santé, et de bien-être social. On pourrait même ajouter adaptés à leurs besoins en matière linguistique et culturelles. (Nécessité de retrouver dès que possible une vie normale et digne).

3.10. Retour volontaire (Article 32)

3.10.1. Le Comité soutient l'accès aux programmes de retour volontaire mais il souligne les liens étroits qui existent entre l'élaboration de programmes à court terme de réintégration dans les pays d'origines et un développement durable. Le développement durable constitue le moyen privilégié d'assurer la paix, la sécurité et la stabilité des populations. Les personnes qui sont déboutées de leur demande ainsi que celles qui sont reconnues réfugiées mais qui choisissent le retour volontaire à un moment donné, ont des besoins spécifiques qui devraient, lorsqu'elles retournent dans leur pays être mieux pris en considération dans l'élaboration des politiques de développement durable et de coopération de l'Union.

3.11. Personnel et ressources (Article 34)

3.11.1. Le Comité approuve que le personnel des "autorités" et "les autres organisations" qui mettent en oeuvre la présente directive aient la formation de base avant d'être affectés à ces missions, et préfère ajouter les besoins de formation continue ou spécialisée à toutes les phases d'examen de la demande. Ceci serait spécialement d'application, par exemple, pour l'accueil adapté aux femmes victimes de viols ou de violences d'ordre sexuel, ou pour les enfants mineurs non accompagnés d'un adulte responsable, ou encore pour la prévention du "recrutement" de proies faciles victimes de trafiquants ou de proxénètes.

4. Dispositions Finales

4.1. Race

4.1.1. Le Comité approuve le principe de non discrimination prévu dans les dispositions finales de la proposition et recommande à la Commission de tenir compte de la position de l'Union européenne à la Conférence mondiale contre le racisme, la xénophobie et l'intolérance qui y est associée, et de celle du ministre Louis Michel représentant la Présidence belge devant le Parlement européen selon laquelle: "Il est maintenant prouvé que toute théorie visant à affirmer l'existence de différentes races humaines est scientifiquement fausse. L'Union européenne souhaitait que le langage utilisé reflète cette évolution. Elle estime que l'usage de formules impliquant l'existence de races différentes devrait être évité. Son but n'est pas de nier la diversité de la race humaine mais simplement de mettre en valeur l'unité de l'espèce humaine, et ainsi de lutter contre les formes contemporaines de racisme qui s'appuient régulièrement sur ce genre d'affirmations. Cependant suite à de fortes oppositions de certains États, il n'a pas été possible de faire progresser cette réflexion de manière substantielle. L'Union européenne a tenu à exprimer sa position de principe sur ce point dans une intervention finale qui sera reflétée dans le rapport de la Conférence(7)".

4.1.2. De nombreux réfugiés ou demandeurs d'asile ont fui en raison de discriminations nationales ou ethniques et se trouvent parfois pourchassés d'État en État par le fait des mêmes discriminations à l'origine de leur demande de protection.

4.1.3. Le Comité rappelle, comme il l'a déjà fait dans son avis sur la Communication de la Commission sur une procédure d'asile commune(8), la Position commune du Conseil du 4 mars 1996(9), qui reconnaît notamment la nationalité au sens large, indépendamment de l'appartenance citoyenne, mais incluant le sens de lien de parenté.

4.1.4. Le Comité invite la Commission, lorsqu'elle propose des textes, de promouvoir les positions adoptées par l'Union européenne au sein de la communauté internationale.

5. Conclusions

5.1. Le Comité soutient l'initiative de la Commission et plus particulièrement approuve:

- l'égalité de traitement avec les ressortissants des États membres, reconnue aux réfugiés et bénéficiaires d'une protection subsidiaire, en matière d'emploi, d'accès à l'éducation, et de "bien-être social", d'accès aux soins médicaux et psychologiques, sans préjudice de mesures plus favorables dans les cas appropriés;

- le concept de protection subsidiaire en tant que protection élargie au cas des personnes dont le motif de demande d'asile n'entrerait pas dans le champ couvert par la Convention de Genève, et qui auraient néanmoins besoin d'une protection internationale dans le respect du principe de non refoulement;

- l'élargissement du champ d'application de la protection aux victimes de persécutions de la part d'organisations ou d'agents non étatiques.

5.2. Le Comité considère toutefois que certains aspects de la proposition pourraient être revus afin d'atteindre tant le niveau requis dans le domaine de principes de protection internationale que les objectifs du Conseil de Tampere.

5.3. Suite aux évènements tragiques du 11 septembre dernier, la demande croissante de sécurité, a tendance à ébranler le climat de tolérance, d'acceptation et de sensibilité humanitaire qui préside à l'action des services européens d'immigration et d'accueil des réfugiés et à la lettre et l'esprit de la législation européenne. Le CESE estime que, dans une période de mondialisation, la protection des réfugiés, demandeurs d'asile et/ou d'une protection internationale, est un enrichissement humanitaire. Elle nécessite un juste équilibre entre la sécurité territoriale et celle des populations. Le Comité est convaincu qu'à moyen ou long terme une stratégie de relance de la solidarité entre les citoyens européens et les réfugiés et demandeurs d'asile constitue un investissement des plus rentables afin que l'Union européenne demeure un espace de liberté, de justice et de prospérité pour les désespérés du monde entier, pour ceux qui n'ont dans leur pays ni espoir, ni justice, ni liberté.

Bruxelles, le 29 mai 2002.

Le Président

du Comité économique et social

Göke Frerichs

(1) Résolution du Conseil du 20 juin 1995 sur les garanties minimales pour les procédures d'asile. JO C 274 du 19.9.1996, p. 13-17.

(2) Voir avis du CES adopté le 20 mars 2002, sur la "Proposition du règlement du Conseil établissant les critères et les mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des États membres par un ressortissant d'un pays tiers" (rapporteur: M. Sharma).

(3) JO C 260 du 17.9.2001, point 2.3.4.3 - rapporteur: M. Mengozzi.

(4) Voir avis du CES JO C 155 du 29.5.2001 (rapporteuse: Mme Cassina).

(5) Aux fins de la présente Convention, le terme "réfugié" s'appliquera à toute personne : [...] 2) "Qui, par suite d'événements survenus avant le 1er janvier 1951 et craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n'a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner".

Dans le cas d'une personne qui a plus d'une nationalité, l'expression "du pays dont elle a la nationalité" vise chacun des pays dont cette personne a la nationalité. Ne sera pas considérée comme privée de la protection du pays dont elle a la nationalité, toute personne qui, sans raison valable fondée sur une crainte justifiée, ne s'est pas réclamée de la protection de l'un des pays dont elle a la nationalité.

Voir également le "Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié au regard de la Convention de 1951 et du Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés".

(6) Voir l'avis du CES sur la "Proposition de directive du Conseil relative au statut des ressortissants de pays tiers résidents de longue durée" JO C 36 du 8.2.2002 - CES 1321/2001 (rapporteur: M. Pariza Castaños).

(7) Discours de L. Michel devant le PE du 2.10.2001: compte rendu de la Conférence de Durban.

(8) Voir l'avis du CES dans le JO C 260 du 17.9.2001 (rapporteur: M. Mengozzi).

(9) JO L 63 du 13.3.1996, p. 2-7.