52002AE0360

Avis du Comité économique et social sur la "Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil modifiant la décision n° 1692/96/CE sur les orientations communautaires pour le développement du réseau transeuropéen de transport" (COM(2001) 544 final — 2001/0229 COD)

Journal officiel n° C 125 du 27/05/2002 p. 0075 - 0078


Avis du Comité économique et social sur la "Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil modifiant la décision n° 1692/96/CE sur les orientations communautaires pour le développement du réseau transeuropéen de transport"

(COM(2001) 544 final - 2001/0229 COD)

(2002/C 125/16)

Le 14 novembre 2001, le Conseil a décidé, conformément à l'article 156 du traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social sur la proposition susmentionnée.

La section "Transports, énergie, infrastructures, société de l'information", chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a élaboré son avis le 26 février 2002 (rapporteur: M. Kleemann).

Lors de sa 389e session plénière des 20 et 21 mars 2002 (séance du 21 mars), le Comité a adopté par 54 voix pour et 5 abstentions, l'avis suivant.

1. Introduction

1.1. La proposition de la Commission prévoit de réduire le nombre de priorités du réseau transeuropéen et de les revoir afin d'optimiser la capacité du réseau, en concentrant les investissements sur les secteurs souffrant de goulets d'étranglement. Trois projets sont déjà achevés et l'importance de certains projets ferroviaires et transalpins est confirmée. Six nouveaux projets et de nouveaux tronçons pour deux projets existants sont prévus.

1.2. Le CES a été associé à toutes les phases de développement des RTE et a d'emblée pleinement soutenu le projet de RTE et préconisé l'utilisation de critères clairs et la mise en oeuvre des aides appropriées.

2. Observations générales

2.1. Le Conseil européen de Göteborg a mis en avant la nécessité de réorienter le transport routier vers le train, le bateau et le transport public de passagers. En présentant la proposition à l'examen, la Commission répond à cette demande du Conseil.

2.2. La hausse du trafic au sein de l'UE a différentes causes; parmi celles-ci, l'utilisation accrue des voitures particulières à des fins publiques et privées représente une part essentielle de l'utilisation des systèmes de transport. D'une part, la distance entre le domicile et le lieu de travail, le changement des habitudes de consommation et l'essor considérable du trafic lié à des activités de loisir ont entraîné une hausse sensible du volume de trafic. D'autre part, la densité du trafic de poids lourds a connu une forte augmentation ces dernières années dans un certain nombre de régions et d'agglomérations urbaines. La globalisation de l'économie, jointe à un fonctionnement plus intensif du marché intérieur, à de nouveaux modes de production et à la logistique correspondante, contribuent entre autres à modifier la structure économique et provoquent nécessairement un développement du trafic pour tous les modes de transport. Avec l'adhésion des pays candidats, les tronçons transfrontaliers - qui selon la Commission comptent parmi les principaux goulets d'étranglement actuels - en seront affectés dans une mesure accrue.

2.3. Le Comité est convaincu que les exigences de la protection de l'environnement doivent être intégrées dans la politique des transports, mais qu'il faudrait appliquer à tous les modes de transport des normes environnementales qui leur assurent une égalité de traitement. L'on a omis de considérer jusqu'ici le fait qu'il n'existe pas pour l'instant pour les moteurs diesel des locomotives et des navires destinés à la navigation intérieure - notamment en cas de nouvelle acquisition - de normes en matière de protection de l'environnement, telles que les normes en matière de gaz d'échappement, comparables à celles appliquées au transport routier de marchandises.

2.4. Il ne suffit pas de développer de nouvelles infrastructures. Il faut aussi prendre en considération les infrastructures existantes et leurs possibilités de développement. Une question essentielle se pose à tous les États membres en ce qui concerne la construction de nouveaux équipements: une législation moderne en matière d'aménagement du territoire et d'occupation des sols doit tenir compte à la fois des intérêts à protéger et des projets d'infrastructure nécessaires. Un compromis est donc nécessaire, car la présence de zones d'habitation à proximité d'infrastructures a donné lieu à des conflits, situation qu'il convient d'éviter à l'avenir. Conformément aux compétences imparties à l'UE dans le domaine de l'environnement, la Commission devrait prévoir une recommandation au niveau européen afin qu'à l'avenir, les responsables régionaux en matière d'aménagement du territoire prévoient dans la mesure du possible l'établissement à proximité des infrastructures de zones industrielles et veillent à limiter les nuisances occasionnées dans les zones résidentielles.

2.5. La Commission observe qu'au cours des dix dernières années, l'utilisation à outrance du transport routier de marchandises, l'essor spectaculaire du transport aérien et les carences du système ferroviaire adapté au fret, notamment ses infrastructures, ont contribué à une augmentation sensible du niveau de congestion des routes, mais aussi du réseau ferré et de l'espace aérien. En dépit de tous les efforts déployés, les goulets d'étranglement subsistent en Europe. Les zones les plus touchées sont les corridors internationaux sur lesquels s'est intensifié le trafic transeuropéen nord-sud, ainsi que notamment les barrières naturelles comme les Alpes et les Pyrénées, les abords des grandes agglomérations, et quelques régions frontalières, notamment avec les pays d'adhésion. Le Comité ne peut que se ranger à ces constatations, à quoi s'ajoute le fait que les accidents survenus dernièrement et par suite la fermeture de tunnels à la circulation en Suisse et en Autriche compliquent encore considérablement le trafic nord-sud, engorgent fortement les itinéraires de délestage et ont une incidence négative sur les conditions économiques et sociales, surtout en Italie. En raison de la politique des transports de la Suisse, dont la législation prévoit une planification à très long terme, et des difficultés géographiques qui rendent difficile la mise au point de solutions alternatives économiques au réseau transalpin actuel ou le développement des tronçons existants, aucun projet n'a été réalisé dans ce domaine. De plus, les variations des flux de transport liées aux événements régionaux (tels que la crise yougoslave) et les restrictions (interdictions de circulation, déviations) volontairement introduites par la politique des transports contribuent encore à aggraver les goulets d'étranglement dans la région alpine.

2.6. Le Comité relève qu'un changement significatif des mentalités est intervenu ces dernières années.

2.6.1. Les sociétés nationales de chemins de fer ont dû apprendre, parallèlement à la séparation entre la gestion du réseau ferroviaire et son exploitation, qu'elles devaient améliorer leur offre et adapter leurs horaires aux besoins de la demande. Dans notre économie, du fait de l'essor rapide des technologies de l'information, la division du travail et la déconcentration sur de multiples sites (dans l'esprit des "centres de profit") sont devenues la norme en Europe aussi.

2.6.2. La diversification des pratiques de consommation suite à une meilleure information des consommateurs, la progression de la nucléarisation des familles, dispersées sur plusieurs "sites", et l'apparition de grands centres commerciaux en dehors des centres-villes, jointes à l'expansion urbaine, ont nécessairement conduit à la multiplication des déplacements sur tout le continent.

2.6.3. Il n'y a jamais eu et il n'y a toujours pas d'infrastructure susceptible de se substituer localement et sur l'ensemble du territoire à la route! Il n'est objectivement pas justifié de reprocher aux entreprises de transport routier, dont les services répondent aux besoins des clients, le développement constaté. Ce sont plutôt les différentes politiques des transports qui ont échoué, parallèlement à ce développement, dans leur souhait de voir les donneurs d'ordre du secteur des transports adopter une attitude favorable aux transports ferroviaires. Du fait de l'abandon des pratiques de stockage dans la grande distribution et dans l'industrie ("just in time"), le secteur des transports est soumis à de très fortes pressions en termes de délais, ce qui conduit à privilégier les poids lourds, d'une grande souplesse d'utilisation, par rapport au système existant de transports ferroviaires.

2.7. La Commission a raison d'affirmer que les investissements devraient encourager la mise en place de corridors paneuropéens à priorité fret, composés en majorité de lignes existantes parcourues en priorité par des trains de fret, voire de lignes dédiées exclusivement au fret. Les arguments et les propositions qu'elle avance à ce propos ne peuvent qu'être approuvés.

2.8. Le Comité attire l'attention sur la nécessité - notamment pour le transport ferroviaire de fret - de prendre en considération, lors de la planification et de la réalisation des lignes, le transport de marchandises dangereuses et de marchandises de poids/dimensions exceptionnels. Cela vaut pour toutes les lignes en général, mais notamment aussi pour les lignes comportant des tunnels ou des ponts. Le contournement des grandes agglomérations pourrait également avoir pour effet de minimiser les risques.

2.9. Plus les interconnexions entre les différents modes de transport sont nombreuses, plus l'usager est susceptible de prendre en compte d'autres options lorsqu'il opère son choix. Les modifications de l'article 5 proposées ne tiennent qu'insuffisamment compte de cet aspect.

3. Observations particulières

3.1. Le Comité est d'accord avec la Commission lorsqu'elle constate que les possibilités de dégager de nouvelles capacités en étendant le réseau routier sont à certains égards très limitées. Seuls des systèmes de gestion du trafic et d'information aux usagers peuvent permettre d'optimiser les capacités des infrastructures existantes. Mais pour orienter les usagers vers d'autres itinéraires, il faut qu'il existe une alternative, pour autant qu'elle soit prévue dans le cadre de l'aménagement du territoire.

3.2. Cette optimisation permettra de réduire les nuisances provoquées dans certaines régions par le transport routier. Le Comité estime cependant qu'il faut à cet égard se demander si l'on doit juger plus sévèrement dans ce contexte les transports routiers de marchandises, notamment en considération du fait que:

3.2.1. les différents modes de transport sont soumis à des règles très différentes en matière de limitation des émissions;

3.2.2. les transports routiers de marchandises représentent généralement - à l'exception de certaines grandes agglomérations - un pourcentage minime de la totalité des transports;

3.2.3. l'on a omis jusqu'ici d'évaluer de manière appropriée l'utilité des transports routiers de marchandises par rapport à leurs coûts;

3.2.4. une grande partie des transports routiers de marchandises concernent le secteur de la distribution et non pas le trafic longue distance, transfrontalier ou de transit(1);

3.2.5. avec les valeurs-limites fixées par les normes EURO 4 et 5, un développement durable est assuré jusqu'en 2008 au moins dans le domaine de la technologie des moteurs de poids lourds.

3.3. Il est souhaitable que les milieux économiques faisant appel aux transports routiers changent radicalement de mentalité pour se tourner vers les transports multimodaux et que l'on encourage parallèlement la rapidité et la modicité des prix en s'appuyant sur le principe de la durabilité des nouvelles options. Afin d'éviter un impact économique négatif, mieux vaudrait renoncer à une politique pure et simple de renchérissement des transports routiers sans mesures d'accompagnement. D'autres instruments de la politique des transports doivent également être pris en considération. Il faudrait en outre garantir dans le cadre de ces réflexions que les redevances, taxes, etc. exigées soient payées par le donneur d'ordre, de sorte que ces paiements acquittés à titre préalable par le transporteur devraient ensuite apparaître clairement sur la facture qu'il adresse au donneur d'ordre.

3.4. Pour le Comité se pose fondamentalement la question de savoir si la révision de la liste de projets n'est pas en soi insuffisante compte tenu des multiples conditions qui ont changé. Cela vaut notamment pour le trafic en direction et en provenance des pays candidats à l'adhésion, même s'il est prévu de revoir radicalement les orientations en 2004.

3.5. Le Livre blanc et la proposition de la Commission ne font pratiquement aucune distinction entre les transports de marchandises et de passagers. Ainsi rien n'est dit sur le fait qu'en cas de connexion au réseau ferroviaire, les aéroports auraient besoin d'un matériel important pour assurer leur propre fonctionnement. Il ne s'agit pas en l'occurrence de fret aérien, toujours livré et acheminé par la route en raison de la rapidité requise, mais plutôt de carburant, de pièces détachées, d'équipements, de denrées alimentaires, de marchandises, etc.

3.6. Le Comité approuve les modifications et les ajouts apportés à l'article 10 en ce qui concerne le réseau ferroviaire, mais estime que dans l'intérêt d'une infrastructure efficace, il faudrait inclure non seulement les services de transport aérien mais aussi la navigation et le réseau routier.

3.7. Les systèmes de transport intelligents tels que les systèmes de gestion du trafic et d'information aux usagers ainsi que les systèmes de navigation et de positionnement par satellite disposent d'un potentiel considérable pour améliorer la capacité du réseau et sa sécurité. L'action de la Communauté doit donc viser à un maximum d'interopérabilité technique de l'ensemble des systèmes. Pour des raisons concurrentielles, des aides importantes devraient donc être accordées à ces systèmes pour tous les modes de transport, qu'il s'agisse de Galileo (radionavigation par satellite) ou de gestion du trafic ferroviaire (ERTMS). Le Comité est favorable à de telles aides.

3.8. Le Comité est d'accord avec les critères d'examen et les méthodes de sélection des nouveaux projets appliqués par la Commission. Cela vaut également pour l'examen des options alternatives. Il est recommandé à la Commission de définir également des objectifs concrets pour ces nouveaux projets, tels que la capacité, la sécurité et la qualité des services proposés.

3.9. Le Comité accueille favorablement la modification et l'adaptation ou mise à jour des cartes. Les liaisons/interfaces de raccordement des réseaux de transport des pays d'adhésion situées dans les régions frontalières de ces pays devraient toutefois être précisément mentionnées.

3.10. Le Comité est en principe favorable à une analyse stratégique environnementale. Mais il faut veiller à ce que ces études n'entravent pas, au nom d'intérêts individuels subjectifs, les projets prévus et planifiés, ce au détriment des intérêts généraux de la société et de l'économie. Pour assurer une application efficace de ces dispositions, il y a lieu de fixer des délais précis. La Commission élabore actuellement des instructions supplémentaires pour leur mise en oeuvre.

3.11. Pour que la réorientation des transports et le rééquilibrage des différents modes de transport préconisés par le Conseil européen de Göteborg soient un succès, il faut que les compagnies ferroviaires et de navigation ou leurs exploitants proposent des services de qualité et adaptés à la demande.

4. Conclusions

4.1. La révision des orientations met essentiellement l'accent sur les mesures relatives au secteur ferroviaire et aux transports intermodaux, qui nécessitent pourtant de toute urgence des investissements substantiels. Ces mesures doivent en principe être approuvées, même si d'autres modes de transport occupent une place plus importante dans le secteur des transports. Il faut également mentionner dans ce contexte le raccordement des îles européennes aux RTE(2) et le développement éventuel des infrastructures correspondantes.

4.2. Dans la mesure où le Livre blanc de la Commission sur la politique européenne des transports invite à suivre une approche intégrée, le Comité considère que la proposition devrait dans son ensemble veiller davantage à combiner différentes mesures, en particulier dans les cas où plusieurs modes de transport peuvent entrer en ligne de compte sur des trajets parallèles (routes côtières vs navigation côtière et transport ferroviaire).

4.3. Étant donné que certains des pays frontaliers de la Communauté sont des pays d'adhésion, le Comité est d'avis que les liaisons correspondantes doivent être prises en compte dans le cadre de l'aménagement du territoire des États membres et de la planification de leurs projets.

4.4. Compte tenu de la persistance des goulets d'étranglement, il ne sera possible selon le Comité de venir enfin à bout de ceux-ci et de les éviter que par le recours à des décisions, des mesures, des approches et des efforts communs. Les propositions de la Commission devraient pour l'essentiel être mises en oeuvre avec l'appui des États membres, dans le cadre d'une politique européenne commune des transports et des infrastructures.

4.5. Le Comité approuve la stratégie de la Commission consistant, sur la base des orientations définies en 1994 à Essen, à concentrer les travaux sur la résorption des goulets d'étranglement le long des grands axes et à ne réaliser qu'un nombre limité de nouveaux projets. Même si la Commission projette de revoir totalement ses orientations en 2004, le Comité estime que la proposition actuelle devrait se pencher davantage sur le raccordement des pays d'adhésion, étant donné la nécessité d'adopter dès à présent des mesures de planification. Les augmentations de capacité à prévoir doivent s'appliquer de manière appropriée à tous les modes de transport.

4.6. Étant donné que les terminaux assurant les acheminements et les dessertes finales de marchandises constituent en fin de compte des goulets d'étranglement majeurs, des investissements publics des États membres dans les gares de triage et les équipements de transbordement peuvent jouer un rôle significatif dans l'accroissement des capacités. Le Comité juge à cet égard important de ne pas omettre de prévoir des connexions adaptées et efficaces avec d'autres modes de transport. C'est à cette seule condition que les terminaux pourront exercer leur fonction de distribution.

4.7. Le Comité invite à se demander s'il ne faudrait pas revoir les projets eu égard à la nouvelle situation politique (candidats à l'adhésion). Cela concerne notamment les financements communautaires destinés aux réseaux de transport extérieurs à l'Union (c'est-à-dire situés dans les pays candidats), de manière à combler les lacunes éventuelles dans le futur réseau(3). Nos corridors ne concernent que l'UE actuelle et ne comportent pratiquement pas de liaisons transversales en direction ou à travers les régions des pays candidats qui pourraient permettre de contourner des régions difficiles comme les Alpes. On peut lire dans le Livre blanc à ce propos: "L'absence de réseaux performants d'infrastructures de transport pour faire face à cette croissance prévisible des flux est encore largement sous-estimée. Il s'agit cependant d'un paramètre clé de la stratégie de développement économique et d'intégration des pays candidats au marché intérieur." Le Comité partage ce point de vue et considère dès lors que ces considérations devraient être prises en compte dans le cadre des réflexions à venir sur les orientations.

Bruxelles, le 21 mars 2002.

Le Président

du Comité économique et social

Göke Frerichs

(1) EU energy and transport in figures - Statistical pocket book 2001, p. 132, distance classes per cent.

(2) Cf. l'avis d'initiative actuellement élaboré par le Comité sur "Le prolongement des réseaux transeuropéens en direction des îles européennes" (TEN/086).

(3) La communication de la Commission COM(2001) 437 final traite notamment de la construction de liaisons entre le RTE et les réseaux de transport des pays candidats.