52001AE0706

Avis du Comité économique et social sur:la Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à la mise en place d'un système communautaire de suivi, de contrôle et d'information sur le trafic maritime,la Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relative à la mise en place d'un fonds d'indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures dans les eaux européennes et d'autres mesures complémentaires, etla Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil instituant une Agence européenne pour la sécurité maritime

Journal officiel n° C 221 du 07/08/2001 p. 0054 - 0062


Avis du Comité économique et social sur:

- la "Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à la mise en place d'un système communautaire de suivi, de contrôle et d'information sur le trafic maritime",

- la "Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relative à la mise en place d'un fonds d'indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures dans les eaux européennes et d'autres mesures complémentaires", et

- la "Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil instituant une Agence européenne pour la sécurité maritime"

(2001/C 221/07)

Le 25 janvier 2001, le Conseil a décidé, conformément à l'article 80 paragraphe 2 du Traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social sur les propositions susmentionnées.

La section "Transports, énergie, infrastructures, société de l'information", chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 8 mai 2001 (rapporteur: M. Retureau - corapporteuse: Mme Bredima-Savopoulou).

Lors de sa 382e session plénière des 30 et 31 mai 2001 (séance du 30 mai 2001), le Comité a adopté le présent avis par 111 voix pour et 3 abstentions.

1. Introduction

1.1. Poursuivant ses engagements de présentation d'une série de propositions législatives dans le domaine de la sécurité maritime, la Commission propose trois nouveaux textes du Conseil et du Parlement à propos desquels elle saisit le CES pour avis.

1.2. Il s'agit selon l'expression de la Commission d'un "deuxième train de mesures communautaires en matière de sécurité maritime suite au naufrage du pétrolier Erika", que nous désignerons pour simplifier par l'appellation de "paquet Erika II", et qui comporte trois propositions, une directive et deux règlements.

1.3. Ces propositions étaient déjà annoncées dans le paquet Erika I sur lequel le Comité s'est déjà prononcé(1). Il avait formulé à cette occasion certaines observations générales auxquelles il convient de se reporter, en préliminaire aux observations plus détaillées qui suivront l'analyse des propositions qui lui sont soumises.

1.4. Le Comité regrette que sur la modification de la directive visant à renforcer les contrôles dans les ports, qui faisait partie du premier paquet, le Conseil n'ait pas pleinement suivi les propositions de la Commission, qui impliquaient notamment un accroissement significatif du nombre des inspecteurs qualifiés, comme l'avait souligné le Comité. La position actuelle du Conseil pourrait considérablement restreindre le nombre de navires à risque inspectés dans les ports, ce que le Comité regrette profondément; il espère que cette position pourra évoluer, de manière à assurer le plein respect des objectifs du mémorandum de Paris et du coefficient de ciblage proposé par la Commission.

1.5. Le Comité, qui avait demandé, en ce qui concerne l'introduction des pétroliers à double coque, qu'un accord soit, dans toute la mesure du possible, préalablement recherché à l'OMI, prend note avec satisfaction du fait qu'une révision de l'actuel calendrier de retrait de l'OMI, correspondant à la demande conjointe des pays membres de l'Union, a été décidée, à la session de l'OMI des 24-27 avril 2001.

1.6. Compte tenu de l'importance du facteur humain en matière de sécurité, la réception dans le droit communautaire des conventions maritimes de l'OIT par le biais de leur ratification par les États membres et la révision prochaine des textes relatifs à la formation des équipages sont devenus une nécessité urgente. Les pays membres devraient agir auprès des autres membres de l'OMI et de l'OIT et la Communauté devrait contribuer de son côté à promouvoir la ratification universelle de ces conventions et des protocoles les plus récents afin d'élever et d'unifier le niveau général de protection des marins et leur formation à la sécurité. Le Comité élaborera pour sa part un avis d'initiative à ce sujet, concernant tous les modes de transports.

2. Les propositions législatives du paquet Erika II

2.1. La directive relative à la mise en place d'un système communautaire de suivi, de contrôle et d'information sur le trafic maritime

2.1.1. Les risques d'accidents liés à la concentration du trafic maritime dans les détroits sont particulièrement élevés; de manière plus générale, les conséquences de certains accidents peuvent s'avérer catastrophiques pour l'économie et l'environnement des régions riveraines des voies de navigation européennes. Il convient donc de surveiller et d'organiser le trafic pour minimiser ces risques. C'est l'objet de la proposition de directive.

2.1.2. La Commission suggère que la directive 93/75/CEE en vigueur introduisant des obligations de notification pour les navires transportant des marchandises dangereuses ou polluantes n'est pas suffisante car elle ne concerne pas les navires qui transitent simplement au large des côtes européennes. Par conséquent, la proposition de directive prévoit, pour surveiller et contrôler plus efficacement le trafic le long des côtes de l'Union européenne:

a) d'imposer aux navires dans les eaux de la Communauté d'emporter des systèmes transpondeurs d'identification automatiques;

b) d'étendre les obligations de notification déjà prévues par la directive 93/75/CEE à d'autres marchandises dangereuses ou polluantes et en particulier aux combustibles de soute présents à bord;

c) d'avoir recours systématiquement à l'échange de données par voie électronique pour l'exploitation des données relatives aux marchandises dangereuses ou polluantes transportées par les navires;

d) d'imposer l'obligation pour les navires d'emporter des enregistreurs de données du voyage (ou boîtes noires);

e) d'accroître le développement de bases de données communes et la mise en réseau de centres permettant une connaissance plus complète du trafic dans les eaux européennes;

f) d'assurer un suivi plus étroit des navires présentant un risque particulièrement élevé pour la sécurité maritime et l'environnement;

g) de renforcer les pouvoirs d'intervention des États côtiers membres pour limiter les risques d'accidents graves (détournement, pilotage ou remorquage du navire);

h) de désigner des ports de refuge;

i) d'interdire aux navires de quitter les ports en cas de conditions météorologiques exceptionnelles.

2.2. Le règlement relatif à la mise en place d'un Fonds d'indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures dans les eaux européennes et d'autres mesures complémentaires

2.2.1. Le règlement proposé par la Commission pour améliorer les régimes de responsabilité et d'indemnisation en vigueur complète le régime international actuel à deux niveaux en instituant un fonds européen complémentaire, le fonds COPE, afin d'indemniser les victimes des marées noires survenant dans les eaux européennes. Le fonds COPE serait plafonné à un milliard d'euros et financé par les entités européennes des États membres côtiers de l'UE qui reçoivent plus de 150000 tonnes par an de pétrole brut ou de fioul lourd et proportionnellement aux quantités réceptionnées. Le fonds ne sera activé que s'il s'est produit dans les eaux de l'UE un accident dépassant ou risquant de dépasser le plafond prévu par le FIPOL.

2.2.2. En outre, la Commission a l'intention de demander le remaniement, dans le cadre de l'OMI, du système international de responsabilité et d'indemnisation pour pallier ses lacunes en apportant les amendements suivants à la convention de 1992 sur la responsabilité civile:

- la responsabilité du propriétaire devrait être illimitée s'il est établi que les dommages causés par la pollution résultent d'une négligence grave de sa part;

- l'interdiction des demandes d'indemnisation à l'encontre de l'affréteur, du gérant et de l'exploitant du navire devrait être éliminée de la convention sur la responsabilité civile;

- il conviendrait de réexaminer l'indemnisation pour les dommages causés à l'environnement et de l'étendre en s'inspirant de régimes d'indemnisation comparables institués dans le cadre du droit communautaire.

2.2.3. La Commission propose de compléter les mesures en matière de responsabilité civile et d'indemnisation en incluant une disposition relative aux pénalités financières ou sanctions à imposer lorsqu'il est établi qu'une personne assurant le transport d'hydrocarbures en mer s'est rendue coupable d'une négligence grave.

2.2.4. Enfin, au cas où les efforts déployés pour apporter les améliorations requises aux règles internationales en matière de responsabilité et d'indemnisation échoueraient, la Commission présentera une proposition de législation communautaire introduisant un régime communautaire de responsabilité et d'indemnisation en cas de pollution maritime.

2.3. Le règlement instituant une Agence européenne pour la sécurité maritime

2.3.1. La Commission fait valoir que la tâche d'assurer la mise en oeuvre correcte et convergente de la législation existante en matière de sécurité maritime et de prévention de la pollution est compliquée par la diversité des traditions administratives des États membres de l'UE. Par conséquent et pour aider la Commission à garantir l'application efficace de la législation communautaire existante, un projet de règlement propose la création d'une Agence européenne pour la sécurité maritime.

2.3.2. La Commission pense qu'il serait peu réaliste, ou tout au moins prématuré, d'envisager la mise en place d'une structure opérationnelle européenne intégrée, une garde-côte européenne, dont l'action se substituerait à celle des administrations maritimes nationales. L'agence devrait au contraire appuyer l'action des États membres et de la Commission dans la mise en oeuvre de la législation communautaire en surveillant son application et en évaluant l'efficacité des mesures en vigueur.

2.3.3. L'Agence n'aura aucun pouvoir décisionnel. C'est aux États membres et surtout à la Commission, dans sa mission de gardienne de la législation communautaire, qu'il reviendrait de donner la suite qu'il convient aux travaux et aux suggestions éventuelles de l'Agence.

2.3.4. L'Agence sera dotée de la personnalité juridique et devra être localisée dans un lieu approprié qui lui permettra d'établir des relations de travail avec les institutions européennes concernées.

2.3.5. L'Agence sera contrôlée par un conseil d'administration composé de quatre représentants de la Commission, de quatre représentants du Conseil, de quatre représentants nommés par le Parlement européen et de quatre représentants de l'industrie y compris les usagers nommés par la Commission. Le directeur exécutif sera nommé par le conseil d'administration sur proposition de la Commission. La durée du mandat du directeur exécutif et des membres du conseil d'administration sera de cinq ans, renouvelable une seule fois.

2.3.6. Pour le personnel de l'Agence, un petit nombre de personnes sera détaché par les institutions communautaires de manière temporaire. Les autres membres du personnel seront recrutés sur la base de leur expérience et de leur mérite ainsi que de contrats temporaires renouvelables.

2.3.7. Afin d'assurer la réalisation des objectifs définis, l'Agence aura entre autres pour tâche de fournir l'assistance technique nécessaire dans la préparation de la révision de la législation communautaire, le renforcement du régime de contrôle par l'État du port et l'inspection des sociétés de classification. L'Agence peut décider d'établir des centres régionaux dans certains États membres qui requièrent une meilleure surveillance du trafic maritime. Pour accomplir les tâches qui lui ont été confiées, l'Agence effectuera des visites dans les États membres afin de vérifier comment ceux-ci appliquent la législation.

3. Observations générales

3.1. Signalement des navires

3.1.1. Le CES est favorable à la création d'un système global centralisé de comptes rendus, de surveillance et de contrôle des navires, comprenant les services de trafic maritime (STM) et de recherche et sauvetage.

3.1.2. Le CES remarque que les propositions spécifiques portent dans une large mesure sur les obligations qui ont déjà été imposées aux navires par diverses conventions de l'OMI. La Convention UNCLOS reconnaît l'OMI comme organisation compétente pour les questions de sécurité maritime et de prévention de la pollution qui concernent le transport maritime international.

3.1.3. Le système de comptes rendus envisagé concerne la zone très large des eaux européennes et comprend des systèmes opérationnels obligatoires établis via l'OMI. La Commission suggère que les navires en transit devront participer au système de l'OMI qui couvre les eaux européennes, et progressivement à de nouveaux systèmes. En premier lieu, les États membres et la Commission devraient s'efforcer de mettre en place le système proposé dans le cadre de l'OMI, tel qu'il est envisagé à l'article 20 de la directive proposée, et de l'appliquer même unilatéralement si l'OMI ne réussit pas à mettre en place un tel système dans un délai raisonnable au plan international.

3.1.4. Le CES rappelle que dans son avis sur le premier paquet "Erika"(2), il soutenait l'instauration d'un régime de l'État côtier qui identifierait les zones et les ports de refuge et le fait qu'ils soient équipés et capables de gérer les accidents, ce qui permettrait aux autorités de donner une assistance proactive aux navires en détresse.

3.1.5. Étant donné l'interaction entre navires et centres côtiers, le CES estime qu'il est particulièrement important que les États membres remplissent en temps utile les obligations qui leur incombent en vertu de la directive.

3.2. Le fonds COPE

3.2.1. La responsabilité civile et les indemnisations pour les dommages causés à l'environnement par le déversement d'hydrocarbures persistants sont régies par les conventions de 1969 et de 1992 sur la responsabilité civile (CLC) et les conventions de 1971 et 1992 sur le fonds international d'indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures (FIPOL).

3.2.2. Ces conventions ont institué un système à deux niveaux de responsabilité, la responsabilité de l'armateur étant régie par la CLC et celle du propriétaire de la cargaison par la convention FIPOL. La CLC dispose que l'armateur a une responsabilité objective pour les dommages causés par la pollution et est obligé de souscrire une assurance en responsabilité jusqu'à un certain plafond fixé par la convention. Si les demandes déposées à la suite d'un accident ayant provoqué une pollution par les hydrocarbures dépassent ce plafond, une indemnisation supplémentaire peut être obtenue auprès du FIPOL, qui est financé par les importateurs d'hydrocarbures.

3.2.2.1. On s'accorde généralement à dire que le système s'efforce de trouver un juste équilibre entre les intérêts des victimes, qui veulent être sûrs de recevoir rapidement une indemnisation adéquate, la capacité de l'armateur à souscrire la couverture d'assurance nécessaire et la nécessité d'impliquer le propriétaire de la cargaison dans le remboursement des dommages causés par la pollution.

3.2.3. À l'heure actuelle, 57 pays sont parties à la CLC de 1992 et 55 pays à la convention FIPOL de 1992 mais on espère que d'autres vont les rejoindre. Il est intéressant de souligner que toutes les nations maritimes importantes, à l'exception des États-Unis et de la Chine, ont ratifié la convention FIPOL. Cependant, certains pays sont restés parties à la CLC d'origine (1969), qui prévoit un régime de compensation plus faible que le protocole de 1992 mais une responsabilité illimitée de l'armateur si l'accident et la pollution sont dus à une faute qui lui soit imputable. Le protocole de 1992 (CLC 1992) rend pratiquement impossible la mise en oeuvre de la responsabilité illimitée qui y est également inscrite, car elle est désormais assortie de conditions exceptionnellement limitatives dans un régime de responsabilité: il faut une faute très grave, personnellement imputable à l'armateur et intentionnelle; une véritable volonté personnelle de produire la catastrophe doit être prouvée, ce qui est pratiquement impossible pour les victimes.

3.2.4. De l'avis du Comité, s'il conviendrait de conserver un certain équilibre entre les parties en présence, il est évident que les indemnisations prévues par le système actuel ne correspondent pas aux véritables montants des dommages directs et indirects causés par le déversement d'hydrocarbures et qu'il faut revoir substantiellement à la hausse les plafonds actuels tant pour la CLC que pour le FIPOL. L'accident de l'Erika a montré que les indemnisations, qui n'ont même pas encore été versées, sont loin de couvrir les dommages réels. Les parties qui financent ces deux systèmes d'indemnisation n'ont d'autre choix, si elles veulent maintenir leur contribution à ces différents fonds dans des limites raisonnables, que de pratiquer une politique de sécurité et de prévention des accidents la plus efficace possible.

3.2.5. La création d'un cadre européen complémentaire ("troisième niveau"), destiné à intervenir en parallèle et en complément du système international, se justifie aux yeux du Comité si le système international ne parvient pas à fixer rapidement de nouveaux plafonds plus appropriés. Le montant d'un milliard d'euros est dans une certaine mesure comparable au plafond que les États-Unis ont fixé dans leur système unilatéral d'indemnisation à 1 milliard de dollars.

3.2.5.1. Le CES a régulièrement affirmé, tout au long d'une série d'avis en la matière, qu'étant donné le caractère international du transport maritime, il était préférable de prendre des mesures au niveau international. La mise en place d'un fonds d'indemnisation européen complémentaire ne doit pas servir de prétexte pour s'abstenir d'améliorer les indemnisations prévues par les conventions existantes et les États membres devraient avoir comme priorité de collaborer pour apporter ces améliorations indispensables.

3.2.5.2. L'amélioration significative du système international réduirait en effet d'autant les exigences de financement d'un système européen complémentaire, dans l'intérêt de toutes les parties, et en ferait porter la charge sur la totalité des opérateurs des pays parties aux conventions et non sur les seuls opérateurs européens.

3.2.6. La Commission préconise de corriger les autres lacunes du système international dans le cadre de l'OMI. Le CES prend note que des travaux sont en cours à l'OMI, au sein du FIPOL, qui a créé un groupe de travail à cette fin. Les résultats des deux sessions de mars et juin 2001 de ce groupe de travail seront soumis à l'assemblée à l'automne 2001. Le CES prend également acte que l'OMI a décidé en novembre 2000 une hausse de 50 % des plafonds fixés dans les conventions CLC et FIPOL, décision qui entrera en vigueur en novembre 2003.

3.2.7. En dépit de cette augmentation, les nouveaux plafonds ne suffiront toujours pas à couvrir certaines demandes d'indemnisation qui, comme pour l'Erika, excéderaient très largement le plafond actuel de 200 millions de DTS. D'autre part, les accidents du passé nous ont appris que des pétroliers d'un tonnage relativement faible peuvent être responsables d'énormes marées noires. Ce fut le cas pour l'Erika, où le montant maximum prévu par la CLC proportionnellement au tonnage du navire était de 12 millions USD, le FIPOL assurant le complément d'indemnisation à concurrence du plafond actuel de 200 millions de DTS.

3.2.8. À la lumière des réflexions précédentes, le CES estime que les discussions en cours au sein de l'OMI devraient peut-être aussi envisager de revoir les niveaux d'indemnisation de la CLC entre les catégories de navires, sans affecter l'équilibre général entre le navire et sa cargaison.

3.2.9. La Commission propose de réviser la CLC pour supprimer le plafonnement de la responsabilité pécuniaire de l'armateur, s'il est établi que les dommages dus à la pollution résultent d'une grave négligence de sa part.

3.2.10. Le CES fait néanmoins observer que la limitation de la responsabilité de l'armateur est au coeur de la convention de 1992 sur la responsabilité civile. Cette limitation dépend de la responsabilité objective de l'armateur et de la souscription d'une assurance couvrant les montants concernés auprès des Clubs P& I, les assureurs pour les dommages causés par la pollution par les hydrocarbures. Sous le régime actuel, une disposition prévoit la possibilité pour les requérants d'intenter une action directe contre les Clubs P& I ainsi qu'un règlement rapide du litige, sans qu'il soit besoin de prouver qu'il y a eu faute de la part de l'armateur, ce qui évite les longues procédures et la possible désillusion des victimes de pollutions accidentelles.

3.2.11. À la lumière des réflexions précédentes, le Comité estime donc que le système actuel de responsabilité des armateurs, dont la revalorisation de 50 %, comme indiqué précédemment, interviendra en 2003, pourrait être maintenu dans l'OMI. Cependant, le Comité pense qu'un régime reposant sur la faute pouvant entraîner une responsabilité illimitée de l'armateur et le cas échéant du propriétaire de la cargaison, qui devrait être tenu au même titre que l'armateur de s'assurer de la sécurité de cargaisons potentiellement polluantes, en cas de faute ou de négligence graves qui leur soient imputables, mérite d'être examiné sérieusement en vue d'adapter le régime actuel, afin qu'il joue d'abord en tout état de cause et sans retard au profit des victimes de la pollution.

3.2.12. En ce qui concerne la proposition de la Commission en matière de responsabilité illimitée, le Comité estime donc qu'une réflexion plus approfondie est nécessaire, afin que sa mise en oeuvre ne conduise pas à retarder les indemnisations, ni à entraîner des frais d'avocat et de justice tels que l'intérêt d'une telle procédure soit en fait sans intérêt réel, voire plus dommageable pour le plaignant que le système actuel. Il faut par exemple rappeler que dans le cas de la pollution des côtes nord de la Bretagne par le Torrey Canyon, les indemnités importantes obtenues par les victimes ont en fait été largement absorbées par leurs dépens, après dix années de procédures et d'expertises et contre-expertises. Cependant, les autorités pénales compétentes devraient pouvoir, en cas de faute grave ou intentionnelle, donner des suites pénales appropriées, notamment dans le cadre de la mise en oeuvre envisagée d'un droit pénal de l'environnement.

3.2.13. Au cours des dix dernières années, sur 360 accidents de tankers, dans la presque totalité des cas, les dommages ont été couverts par l'assurance des armateurs, le fonds n'étant appelé en complément que dans 5 cas, et l'Erika est le seul cas où les montants alloués par le fonds seront, selon les estimations, très inférieurs aux dommages, tels que déterminés dans le cadre du système actuel de définition des dommages susceptibles d'être compensés, que le Comité estime trop limitatif.

3.2.14. La Commission propose de réexaminer et d'étendre les indemnisations pour des dommages causés à l'environnement en s'inspirant des régimes d'indemnisations comparables dans la législation communautaire pour les dommages causés à la biodiversité.

3.2.15. Le CES rappelle que dans son avis sur le "paquet" Erika I, il s'était déjà prononcé en faveur de cette idée. Dans cet avis, le CES "invite instamment la Commission et les États membres à s'en saisir, tout en coordonnant leurs efforts au sein de l'OMI pour renforcer les normes relatives à la sécurité maritime et à l'indemnisation plus complète des victimes des pollutions causées par les navires, y compris les atteintes à l'environnement et à la biodiversité".

3.2.16. De plus, le récent naufrage du chimiquier Ievoli Sun (le 31 octobre 2000 au large des côtes françaises) a mis en lumière le caractère très insatisfaisant du régime juridique régissant la responsabilité et les indemnisations pour des substances nocives et potentiellement dangereuses autres que les hydrocarbures.

3.2.17. Le CES rappelle qu'il a déjà abordé cette question dans son avis sur Erika I et invite à nouveau expressément les États membres de l'UE à ratifier de toute urgence la convention sur les substances nocives et potentiellement dangereuses (HNS) de l'OMI, dans le but d'accélérer son entrée en vigueur au niveau international.

3.2.18. Le fonds européen complémentaire ne serait donc appelé à intervenir que dans des cas que le Comité espère aussi rares que possible. Néanmoins, les dommages compensables sont les mêmes que ceux définis dans le cadre des conventions existantes. Or le Comité estime qu'il faudrait aussi compenser, outre les dommages à l'environnement et à la biodiversité, incluant tous les coûts de la remise en état et de la restauration du milieu et du sauvetage d'animaux touchés par la pollution, les dommages indirects subis par les particuliers, certaines pertes économiques subies par les entreprises, en particulier les PME dans divers secteurs, notamment le secteur du tourisme, l'atteinte durable à l'image d'une région côtière freinant l'installation d'entreprises nouvelles et la fréquentation touristique pour une longue période.

3.2.19. Pour faciliter l'accès au dédommagement des particuliers et des PME-PMI, le Comité estime qu'il conviendrait de considérer, dans le cadre des systèmes juridiques nationaux et en ce qui concerne la mise en oeuvre du COPE, la possibilité de reconnaître aux organisations professionnelles et aux associations locales dont les membres sont directement concernés, y compris les associations fondées à cette fin à l'occasion d'un sinistre, et qui peuvent justifier d'une capacité légale ou d'un mandat pour agir au nom de groupes de victimes, la capacité d'ester et d'agir pour leurs mandants.

3.3. L'Agence européenne pour la sécurité maritime

3.3.1. Si le CES est favorable à la proposition de mettre en place un comité de la sécurité maritime qui remplacerait les comités existants visés dans les règlements et directives du Conseil en vigueur dans le domaine de la sécurité maritime, il se demande quel est le rapport entre cette proposition et celle de créer une Agence européenne pour la sécurité maritime.

3.3.2. Le CES estime qu'il ne devrait pas y avoir de chevauchement entre le rôle et les compétences du comité de la sécurité maritime, organe régulateur, et l'Agence européenne pour la sécurité maritime, organe administratif.

3.3.3. Bien que l'Agence européenne pour la sécurité maritime, d'après ses statuts, ne dispose d'aucun pouvoir législatif ou normatif, il convient de définir clairement son rôle et ses compétences afin d'éviter tout risque de confusion ou de duplication du travail avec le comité de la sécurité maritime. Ce besoin se fait particulièrement sentir étant donné les tâches importantes qui ont été assignées à l'Agence, à savoir d'aider la Commission à mettre à jour la législation communautaire dans le domaine de la sécurité maritime.

4. Observations spécifiques

4.1. Observations relatives au contenu des instruments proposés

4.1.1. Le Comité relève que les "paquets" Erika I et Erika II sont essentiellement constitués de dispositions de nature technique et financière et qu'en dépit des considérations sur le rôle essentiel du "facteur humain" dans la prévention des accidents et la maîtrise des situations de crise, considérations d'ailleurs soulevées par la Commission et entièrement partagées par le CES, cette dimension fondamentale est absente du second paquet.

4.1.1.1. Le "facteur humain" est tout aussi important dans la prévention des accidents et la gestion des crises puisqu'il est à l'origine de 80 % des accidents maritimes. L'UE a publié plusieurs directives visant à obtenir une qualité élevée en ce qui concerne les inspections des États du port, les sociétés de classification et les équipages. La directive 94/58/CE(3) dans la version de la directive 98/35/CE(4) fixe le niveau minimal de formation des gens de mer par l'adoption de la convention STCW de l'OMI. La directive 1999/63/CE(5) fixe à l'échelle communautaire des règles relatives à l'organisation du temps de travail sur les navires des États membres, contribuant ainsi à la sécurité des navires. Elle est complétée par la directive 1999/95/CE(6) qui étend l'application de la durée du travail des gens de mer aux navires faisant escale dans les ports de la Communauté. L'article 12 de la directive 95/21/CE(7) relative au contrôle par l'État du port fixe la compétence professionnelle des inspecteurs. L'article 4, premier alinéa de la directive 94/57/CE(8) en référence à l'annexe B, point 6, stipule expressément que les inspecteurs des sociétés de classification sont soumis à des audits qualité internes et à une formation continue.

4.1.1.2. Sans sous-estimer les dispositions ci-dessus, dont certaines devraient faire prochainement l'objet d'amendements, le Comité n'en estime pas moins que de nouvelles mesures concrètes en ce qui concerne le nombre, la formation initiale et permanente et les conditions générales d'exercice des inspecteurs, des contrôleurs de trafic, des sauveteurs et des équipages de navires auraient dû être envisagées en même temps que les mesures juridiques et techniques. Il s'inquiète également du nombre croissant de certifications frauduleuses pour les gens de mer, qui porte au final préjudice à la sécurité, ainsi que de l'augmentation alarmante des attaques de pirates dans certaines parties du monde, ce qui requiert une réaction au niveau international. Le Comité invite en conséquence la Commission à formuler des propositions appropriées, comme dans un nouveau paquet "Erika III" relatif à la dimension humaine, afin de permettre une approche globale et intégrée de la sécurité maritime.

4.1.2. L'OIT joue, et doit continuer à jouer, en étroite coopération avec l'OMI, un rôle essentiel en ce qui concerne la formation, les conditions de vie et de travail et la sécurité des équipages, Ainsi, de nouvelles conventions internationales du travail relatives aux gens de mer ont été adoptées par la session maritime de la Conférence de l'OIT en 1996, l'application des conventions maritimes de l'OIT étant étroitement liée à celle des conventions de l'OMI. En outre, la 29e session de la Commission paritaire maritime de l'OIT a adopté le 26 janvier 2001 à Genève plusieurs résolutions pertinentes en matière de sécurité et une déclaration en matière sociale mettant en valeur la nécessité d'une approche intégrée incluant la dimension humaine. La Commission et les États membres ont une responsabilité conjointe majeure en ce qui concerne la ratification, la mise en oeuvre effective et le suivi des conventions et recommandations maritimes de l'OIT. Le Comité regrette d'observer que cette responsabilité conjointe tarde à être mise en oeuvre et invite la Commission et les États à remédier au retard accumulé dans les meilleurs délais.

4.1.3. L'insuffisance du recrutement d'inspecteurs qualifiés pour l'exercice des devoirs d'inspection par les États du port a été à la source de l'édulcoration par le Conseil des propositions du paquet Erika I, que la Commission a expressément regrettée, ainsi que le CES. Tous les personnels de sécurité à terre ainsi que les pilotes, les sauveteurs en mer, les spécialistes de la prévention et de la lutte contre la pollution, etc., doivent être pris en considération en termes de recrutement, de formation et de conditions de travail appropriées.

4.1.4. Le CES exprime à nouveau(9) ses inquiétudes quant au fait que les pressions économiques qui s'exercent sur les capitaines et les équipages qui servent toujours sur des navires inférieurs aux normes pourraient influer sur la sécurité du navire. Il convient donc d'encourager les membres d'équipage à signaler des anomalies à bord susceptibles de causer des accidents et de leur accorder ensuite une protection appropriée. La dimension humaine de la sécurité doit, aux yeux du Comité, être prise impérativement en considération si l'on veut que les mesures techniques proposées soient appliquées de manière efficace et dans de bonnes conditions.

4.2. Directive relative à la mise en place d'un système communautaire de suivi, de contrôle et d'information sur le trafic maritime

4.2.1. Les données concernant la capacité des soutes et celle des réservoirs de carburant du navire devraient être intégrées dans la base de données Equasys. Pour déterminer la quantité et la nature des produits potentiellement polluants effectivement transportés par un navire et permettre de prendre des mesures appropriées en cas d'accident ou pour l'application de certaines règles de navigation, le Comité estime que la déclaration devrait porter sur la nature et les quantités relatives à la cargaison et au carburant du navire.

4.2.2. Le CES remarque que le chapitre V de la Convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer (Convention SOLAS) prévoit des dispositions détaillées sur les routes de navigation, les système de comptes rendus des navires et les service de trafic maritime, dispositions complétées par des résolutions décrivant en détails les principes de ces services, systèmes et modalités de fonctionnement. L'exigence formulée à l'article 5 paraît donc pour les navires couverts par le régime SOLAS faire double emploi puisque l'obligation pour les navires de participer au système de comptes rendus adopté par l'OMI et de respecter les procédures en vigueur découle déjà de la Convention SOLAS.

4.2.3. Le CES a parfaitement conscience de l'utilité des systèmes d'identification automatique (AIS), connus sous le nom de transpondeurs. Néanmoins, pour conserver une certaine logique avec les exigences formulées au niveau international, l'article 7 devrait exiger des navires qu'ils soient équipés d'AIS, conformément au calendrier prévu dans la règle V/19.2.4 de la Convention SOLAS. Pour leur part, les États membres devraient s'équiper dès le 1er juillet 2003 sur leurs côtes des équipements de réception radio nécessaires à l'exploitation des données fournies par les transpondeurs.

4.2.4. L'article 8 devrait être modifié de telle sorte qu'il requiert des navires qu'ils soient équipés d'un enregistreur de données du voyage (ou VDR, Voyage Date Recorder) lorsque la règle V/20 de la Convention SOLAS, qui entrera en vigueur le 1er juillet 2002, l'exige. L'OMI a conclu qu'à ce stade, on ne pouvait exiger des navires cargos existants qu'ils soient équipés de VDR. En utilisant la procédure prévue à l'article 23, il sera possible à l'avenir d'harmoniser les exigences pour les navires cargos existants avec celles de l'OMI, pour ce qui concerne le calendrier et les variations de normes (équipement VDR plus simple).

4.2.5. Le Comité espère également que l'accord final en vue de la mise en oeuvre du système Galileo pourra être rapidement opérationnel, car il permettrait de déterminer avec une extrême précision la position des navires et apporterait une aide importante à la sécurité, au suivi de la route des navires, à la localisation des pollutions accidentelles et volontaires, une fois intégré dans le système de surveillance de la navigation.

4.2.6. Dans la mesure où l'article 13 vise à identifier les navires présentant un risque potentiel et à ce que les informations nécessaires soient transmises à l'autre partie, il est parfaitement clair. Les actions spécifiées au paragraphe 3, dont il semble qu'elles relèvent du contrôle de l'État du port, pourraient néanmoins susciter une certaine confusion.

4.2.7. Le CES est favorable à tous les efforts d'information à l'intention des marins et des États côtiers sur les dangers de navigation. Toutes les obligations de signalement des incidents et accidents en mer prévues à l'article 14 auxquelles sont soumis les capitaines de navires doivent être compatibles avec le droit international en la matière, et en principe avec l'article 8 et l'annexe I de la Convention MARPOL ainsi que la règle V/31 de la Convention SOLAS. Cependant, la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer de 1982, récemment entrée en vigueur, ouvre des possibilités nouvelles d'intervention pour l'État côtier afin de protéger les ressources économiques et la sécurité de ses eaux et de ses côtes dans toute l'étendue de sa zone économique exclusive pouvant aller jusqu'à 200 milles marins de sa côte, voire au-delà si nécessaire, et ces nouvelles compétences ne sont pas définies limitativement par la Convention. Les informations pertinentes à communiquer par le capitaine en cas de survenance d'un des risques envisagés par l'article 15 sont consistantes avec la Résolution A.851(20) de l'OMI.

4.2.7.1. Le Comité reconnaît que dans les conditions contemporaines du transport maritime et en raison du nombre élevé de pavillons et de navires sous normes, compte tenu de la nature des cargaisons, des quantités transportées et de l'intensité du trafic au large des côtes européennes, il est devenu nécessaire d'étendre significativement les pouvoirs des États du port et des États côtiers, notamment pour suppléer les défaillances de quelques États laxistes sous le pavillon desquels sont inscrits de très importants tonnages en élaborant, sur le fondement juridique de la Convention de l'ONU, un droit maritime plus approprié à notre temps et aux risques majeurs encourus, dont témoignent de graves accidents récents. La société civile soutient ces tendances et demande des normes plus strictes et plus efficaces en matière de sécurité de navigation et de prévention de la pollution.

4.2.8. Tous les navires peuvent rencontrer des conditions météorologiques exceptionnellement défavorables en mer, mais l'état général du navire ou la nature de la cargaison doivent inciter à une prudence renforcée. La règle V/34 de la Convention SOLAS prévoit que le capitaine a l'obligation de s'assurer que le voyage prévu a été planifié de manière à garantir une navigation sûre et à éviter les situations dangereuses, y compris en anticipant tous les dangers de navigation connus et les conditions météorologiques contraires. De même, la compagnie ou toute autre personne ne doit ni restreindre ni empêcher le capitaine d'exercer son jugement professionnel en ce qui concerne le respect de la sécurité de navigation et la protection de l'environnement marin. Cependant, les capitaines sont trop souvent contraints d'agir contre leur gré. Le CES comprend donc la motivation qui sous-tend la proposition de l'article 15 et le désir d'intervenir dans des cas exceptionnels lorsque le capitaine semble manquer de prudence dans la conduite de son navire, voire faire preuve de témérité en choisissant de prendre la mer dans des conditions particulièrement mauvaises. Mais l'article ne fournit pas aux autorités portuaires des critères objectifs suffisamment élaborés pour agir de manière logique et uniforme. Le CES estime que l'article 15 devrait être plus précis à cet égard, en fixant clairement les principes généraux à respecter. En même temps, la Commission et les États membres devraient contribuer à l'évolution de l'OMI à cet égard, en élaborant des lignes directrices détaillées pour une application pratique.

4.2.9. Le CES se félicite que l'on ait reconnu la nécessité d'établir un cadre juridique pour le traitement des navires en détresse. Le CES est également d'accord avec la Commission lorsqu'elle estime que ce problème a manifestement une double dimension communautaire et internationale, étant donné que les navires auxquels l'accès à un port ou à une zone de refuge a été refusé sont susceptibles, lorsqu'ils cherchent une autre zone de refuge, de mettre à contribution les services de recherche et de sauvetage d'autres pays ou d'être responsable d'une pollution de la zone côtière d'autres pays.

4.2.10. Le CES, s'il est favorable à la proposition, est conscient du caractère problématique de la notion de "port de refuge" et des intérêts conflictuels qui entrent en jeu. Il a cependant le sentiment que dans la plupart des cas, les navires en détresse ont besoin de se réfugier dans des eaux abritées pour éviter ou limiter au maximum les conséquences d'un accident, sans avoir nécessairement besoin de la protection du port en tant que tel. C'est pourquoi dans certaines circonstances et sous certaines conditions qui devraient être clairement définies à l'article 17, le CES suggère que la notion de "zone de refuge" ou d'eaux abritées soit également prise en considération, avec d'éventuels équipements appropriés, afin que les navires en détresse puissent être dirigés le cas échéant vers ces eaux abritées et non pas vers un port. Le CES persiste à croire que la sauvegarde de la vie humaine doit dominer toutes les autres considérations.

4.3. Règlement relatif à la mise en place d'un fonds d'indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures dans les eaux européennes et d'autres mesures complémentaires

4.3.1. Article 10 - Sanctions

4.3.1.1. En vertu de l'article 10, les États membres arrêtent des sanctions financières à imposer à toute personne convaincue par un tribunal d'avoir contribué, par ses actes ou omissions fautifs, qu'ils soient intentionnels ou imputables à une négligence grave, à un événement ayant causé ou menaçant de causer une pollution par hydrocarbures. Selon le paragraphe 3, ces sanctions ne sont pas assurables et seront de nature pénale. En outre, elles s'appliqueront à tous les navires et pas seulement aux pétroliers auxquels le reste du règlement s'applique.

4.3.1.2. Le CES fait remarquer que selon les termes de cet article, la législation pénale devra être adoptée par les États membres et non par l'UE. En tout état de cause, le CES se demande si l'adoption d'une législation de nature pénale est compatible avec la législation communautaire, au stade actuel de son développement. En outre, les législations nationales de plusieurs États membres prévoient des sanctions pénales de nature financière en cas de pollution marine. La Commission est invitée à dresser l'inventaire de toutes les législations nationales concernées dans les États membres avant de procéder à l'adoption de l'article 10. Par ailleurs, les termes d'"actes ou d'omissions (...) imputables à une négligence grave" pourraient n'être pas suffisamment précis pour être intégrés dans le dispositif juridique communautaire et porter atteinte à des systèmes juridiques déjà bien établis et fonctionnels. En attendant que la communautarisation du troisième pilier progresse, il conviendrait de garantir que de tels actes ne restent pas impunis sous la législation nationale des États membres.

4.4. Règlement instituant une Agence européenne pour la sécurité maritime

4.4.1. Le CES remarque que ce n'est pas uniquement dans le domaine de la sécurité maritime et de la prévention de la pollution des mers que les États membres disposent de structures et traditions administratives différentes. À son avis, la législation existante pourrait être appliquée de façon correcte et convergente grâce un certain nombre d'éléments importants bien connus, notamment des politiques claires, des engagements fermes et des ressources adéquates. Le règlement proposé ne cherche pas à remédier fondamentalement aux divergences d'application ni même à établir un modèle administratif pour redresser la situation. Il vise plutôt à mettre en place une entité administrative chargée de contrôler et de superviser les pouvoirs et prérogatives des administrations nationales.

4.4.2. Le CES est d'avis qu'étant donné l'objectif que l'on souhaite atteindre, il serait préférable d'avoir une représentation plus large et plus équilibrée des parties intéressées y compris les usagers et des secteurs professionnels au sein du conseil d'administration. Il pense également qu'il serait sage de s'assurer qu'un nombre significatif des personnes travaillant pour l'agence soit détaché par les administrations nationales, pour des raisons évidentes. Les experts nationaux, en temps qu'agents temporaires, peuvent faciliter l'établissement du lien indispensable entre l'agence et les administrations nationales, et se familiariser avec les politiques communautaires pour le plus grand profit de leurs administrations lorsque leur contrat arrivera à expiration.

4.4.3. Le CES a pris note de l'étendue des tâches fixées à l'agence, ainsi que de toutes les autres tâches confiées à la Commission par la législation communautaire sur la sécurité maritime, notamment la législation applicable aux équipages de navires. Si certaines de ces tâches semblent être de nature purement administrative, d'autres pourraient être à l'origine d'une certaine confusion ou d'une duplication des travaux qui doivent, selon la législation communautaire, être exécutés par d'autres organes, à savoir le Comité de sécurité maritime et le comité établi en vertu de la directive 94/57/CE telle qu'amendée.

4.4.4. Le pouvoir accordé à l'agence d'effectuer des visites dans les États membres et d'examiner tous les dossiers, données, comptes rendus, d'en faire des copies, de demander des explications verbales à tout membre du personnel et de pénétrer dans tout local, terrain ou moyen de transport peut sembler excessif et aller bien au-delà de l'objectif poursuivi par le règlement. Une relation de travail efficace et une pleine et entière coopération entre les États membres et les institutions communautaires sont indispensables et doivent être mises en place et développées, et pourraient souffrir si l'équilibre entre les entités respectives en ce qui concerne leur mandat, leurs compétences et leurs prérogatives venait à être rompu.

5. Conclusions

5.1.1. Le Comité, sous réserve de ses observations et suggestions, estime qu'en général le paquet Erika II va dans la bonne direction pour ce qui est d'établir des conditions de navigation sûres et éviter les pollutions accidentelles, et pour, en cas d'accident, assurer une compensation suffisante et équitable de l'ensemble des dommages causés aux particuliers et à l'environnement.

5.1.2. Il reste cependant bien du chemin à parcourir pour perfectionner et compléter les propositions législatives en matière de sécurité maritime, en gardant toujours à l'esprit le caractère international du transport maritime ainsi que les compétences et le rôle des institutions de régulation et normatives en place, en particulier l'OMI et l'OIT et leurs conventions et recommandations, et plus généralement tout le système conventionnel international encadré par la Convention des Nations unies sur le droit de la mer (convention de Montego Bay, à laquelle la Communauté elle-même est partie) définissant les droits et devoirs des États du pavillon, côtiers et du port, toutes institutions et conventions qui jouent un rôle essentiel et qu'il convient de renforcer.

5.1.3. Plus important encore, il convient de créer les conditions d'une mise en oeuvre effective du droit maritime européen et international, qui exige un engagement politique dans la durée, des moyens matériels accrus, une coopération sincère et efficace entre la Commission et l'Agence, les commissions maritimes et les autorités compétentes des États membres, et exige la prise en considération du facteur humain, le plus essentiel aux yeux du Comité en matière de sécurité du transport maritime, secteur d'activité stratégique pour le commerce intérieur et extérieur de l'Union.

Bruxelles, le 30 mai 2001.

Le Président

du Comité économique et social

Göke Frerichs

(1) JO C 14 du 16.1.2001, p. 22.

(2) JO C 14 du 16.1.2001, p. 22.

(3) JO L 319 du 12.12.1994, pp. 28 à 58, Avis du CES JO C 34 du 2.2.1994, p. 10.

(4) JO L 172 du 17.6.1998, pp. 1 à 26, Avis du CES JO C 206 du 7.7.1997, p. 29.

(5) JO L 167 du 2.7.1999, pp. 33 à 37.

(6) JO L 14 du 20.1.2000, p. 29, Avis du CES JO C 138 du 18.5.1999, p. 33.

(7) JO L 157 du 7.7.1995, pp. 1 à 19.

(8) JO L 319 du 12.12.1994, pp. 20 à 27, Avis du CES JO C 34 du 2.2.1994, p. 14.

(9) Le "paquet" Erika I, JO C 14 du 16.1.2001, p. 22.