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Avis du Comité économique et social sur la "Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social, au Comité des régions et à la Banque centrale européenne: les aspects pratiques de l'euro: état d'avancement et actions à entreprendre"

Journal officiel n° C 155 du 29/05/2001 p. 0057 - 0065


Avis du Comité économique et social sur la "Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social, au Comité des régions et à la Banque centrale européenne: les aspects pratiques de l'euro: état d'avancement et actions à entreprendre"

(2001/C 155/11)

Le 19 septembre 2000, la Commission, conformément à l'article 262 du traité instituant la Communauté européenne, a décidé de consulter le Comité économique et social sur la communication susmentionnée.

La section "Union économique et monétaire, cohésion économique et sociale", chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a élaboré son avis le 13 mars 2001 (rapporteur: M. Burani).

Lors de sa 380e session plénière des 28 et 29 mars 2001 (séance du 29 mars 2001), le Comité a adopté le présent avis par 73 voix pour, 1 voix contre et 4 abstentions.

1. Introduction

1.1. À la veille de la mise en circulation des billets et des pièces libellés en euros, la Commission a jugé utile de faire le point de la situation dans sa communication(1) du 12 juillet 2000, suivie de la recommandation 303/05 du 11 octobre 2000. Entre ces deux dates, les services de la Commission ont publié deux Cahiers euro(2) qui viennent compléter les documents existants et qui fournissent une multitude d'informations précieuses.

1.1.1. Par le présent avis, le Comité entend contribuer à l'évaluation objective des problèmes qui se posent, à la lumière de l'expérience et des connaissances des acteurs sociaux et professionnels qu'il représente et grâce à une série de propositions qui, il l'espère, s'avéreront utiles.

1.1.2. Il nous a semblé plus sensé de commencer par l'examen de la communication et des Cahiers euro, qui constituent une base de raisonnement, avant de passer à la recommandation qui en constitue la suite logique.

1.2. Le Comité économique et social a déjà abordé les problèmes pratiques de l'introduction de l'euro à de nombreuses reprises, notamment dans les avis suivants:

- avis sur le Livre vert(3);

- implications pour le marché (avis d'initiative)(4);

- aspects pratiques(5).

Il estime que la plupart des observations et des prévisions formulées par le passé dans plusieurs avis, dont les documents susmentionnés, ont été corroborées par les faits. En outre, il ne peut que confirmer le bien-fondé de certaines des suggestions qu'il a émises et qui, même si elles n'ont pas été prises en considération, restent valables aujourd'hui encore.

2. Partie I - La communication et les Cahiers euro

2.1. La situation actuelle

2.1.1. Les entreprises

2.1.1.1. De nombreuses grandes entreprises - en particulier les multinationales - utilisent déjà l'euro comme monnaie de compte, tandis que d'autres y sont déjà en grande partie préparées. La Commission s'attendait à assister parmi les PME à une sorte d'effet "boule de neige" ou de pénétration diffuse(6), qui ne s'est pas produit. Le Comité avait fait remarquer à cet égard(7) que "la nécessité de construire une interface entre les opérations internes en monnaie unique et celles, toujours internes, en monnaie nationale, peut constituer une charge et une source de complications". Ce constat - qui reflète une situation où prédominent les choix rationnels - est encore d'actualité, et perdurera jusque fin 2001: il faudra en tenir compte dans la planification des actions pour la période qui nous sépare de la mise en circulation de l'euro.

2.1.2. La rationalité des choix du passé ne saurait en aucun cas justifier ni le manque de clairvoyance concernant les conséquences stratégiques du passage à l'euro ni, sur le plan pratique, le retard préoccupant accumulé par de - trop! - nombreuses entreprises dans leur préparation à l'introduction de l'euro. Alors que 60 % des grandes entreprises devraient basculer vers l'euro fin 2000, plus de la moitié des PME estiment qu'elles ne seront pas prêtes pour la date butoir du 31 décembre 2001. Ces données - si elles s'avéraient exactes - sont plus que préoccupantes: la Commission estime qu'il existe "un risque significatif que se forment fin 2001 des goulets d'étranglement en termes de disponibilité des ressources informatiques et comptables". Le Comité économique et social avait précisément attiré l'attention sur cet aspect(8), et avait invité la Commission à s'assurer, en collaboration avec l'industrie de l'informatique, que les ressources dont celle-ci dispose lui permettraient de respecter les délais fixés, compte tenu des disponibilités.

2.1.2.1. La "préparation informatique" constitue du reste la phase finale d'un processus de préparation administrative, normalement suffisamment long même pour les plus petites entreprises. Le principal problème ne concerne donc pas l'éventuelle insuffisance des moyens informatiques, mais plutôt le manque pur et simple de préparation. S'il s'avérait qu'une part importante des entreprises ne sont pas prêtes, ce noyau d'entreprises qui ne sont pas à même de travailler dans la monnaie ayant valeur légale représenterait un risque pour la collectivité, à savoir les autres entreprises et les citoyens/consommateurs. Pour l'instant, un tel risque n'est que théorique, mais les États membres devraient se pencher attentivement sur cette éventualité: il ne suffit pas de prendre les mesures nécessaires pour éviter un tel risque, encore faut-il se préparer à réagir au cas où il se concrétiserait.

2.2. Les citoyens/consommateurs

2.2.1. La plupart des citoyens/consommateurs ont manifesté pour l'euro un intérêt plutôt mitigé, en tout cas nettement inférieur à ce que l'on prévoyait avant l'introduction de la monnaie unique, le 1er janvier 1999(9). Peut-être ce manque d'intérêt est-il dû en partie à l'évolution décevante du taux de change de l'euro par rapport au dollar, en particulier durant l'année 2000; toujours est-il que très peu de comptes ont été ouverts en euros, et que la situation n'est guère plus encourageante en ce qui concerne les paiements en euros, à l'exception des paiements relatifs à la commercialisation de titres, qui doivent obligatoirement se faire dans la monnaie unique. Les terminaux de paiement (la moitié d'entre eux sont conçus pour accepter les paiements dans les deux monnaies) sont très peu utilisés. Signalons également que les investisseurs institutionnels ont manifesté à l'égard de l'euro un intérêt de loin supérieur à celui des citoyens/consommateurs.

2.2.2. La communication propose(10), tout comme le Cahier euro(11), "que les propriétaires des terminaux de paiement soient incités à accélérer la mise en eurocompatibilité" et, d'une façon générale, espère "qu'une réflexion sera entamée sur les moyens d'inciter les citoyens à utiliser plus activement les moyens de paiement". Le document susmentionné attribue la "baisse d'intérêt" enregistrée auprès des consommateurs notamment "aux réactions aux frais bancaires importants prélevés sur les virements (...) dans la zone euro".

2.2.3. Les raisons avancées par la Commission pour justifier la baisse d'intérêt ne semblent pas justifiées, du moins dans ce domaine: l'ouverture de comptes et l'utilisation des terminaux n'ont rien à voir avec les virement transfrontaliers, dont le volume représente un pourcentage minime équivalant à 1 % des virements nationaux; les frais bancaires (dont il sera question plus loin) sont identiques pour les transferts effectués dans les monnaies nationales de l'euroland ou en euros, et leur volume total n'a pas diminué. Le Comité estime que les raisons résident ailleurs, comme il l'expliquera de façon plus détaillée ci-après.

2.3. Le double affichage des prix

2.3.1. La communication(12) constate que le double affichage est largement pratiqué dans la plupart des pays, en particulier dans la grande distribution et dans les entreprises commerciales et de services d'une certaine importance. Comme on pouvait s'y attendre, les principales exceptions concernent les petites entreprises, qui ne disposent pas des moyens et des connaissances adéquats. Toutefois, "des interrogations commencent à apparaître sur l'efficacité réelle du double affichage: il semble que le consommateur prête une attention distraite aux prix libellés en euros". Le Comité avait prévu cette évolution dans son avis sur le Livre vert(13), dans lequel il plaidait "fortement en défaveur de l'adoption de mesures qui imposent la double indication des valeurs" et proposait des solutions alternatives ou complémentaires probablement plus efficaces.

2.4. Les administrations publiques et les collectivités locales

2.4.1. En règle générale, à quelques grandes exceptions près, les administrations publiques semblent avoir accompli d'importants progrès dans le passage à l'euro. La situation est moins satisfaisante en ce qui concerne les collectivités locales, qui paraissent avoir souvent sous-estimé l'ampleur et les conséquences du problème. C'est du moins la conclusion qui semble découler du document de la Commission(14).

2.4.2. En revanche, les efforts accomplis par les États membres, les administrations publiques - et dans une certaine mesure les collectivités locales - en termes de communication aux citoyens sont tout à fait remarquables. Les considérations formulées au paragraphe précédent pourraient laisser à penser que certains pouvoirs publics ont accordé la priorité aux programmes jugés plus "faciles" et plus "populaires", c'est-à-dire aux actions de communication directe destinées aux citoyens/électeurs, avant de s'atteler aux programmes plus complexes et plus techniques concernant la réforme de l'administration.

3. La communication

3.1. Tout au long de l'histoire de l'Union européenne, jamais une initiative n'a fait l'objet d'un engagement aussi massif que l'adoption de l'euro en termes de ressources et de moyens: tous - Commission, Parlement européen, États membres, Banque centrale européenne, Comité économique et social, Comité des régions, administrations publiques et organisations privées - se sont engagés de façon active et responsable, déployant des moyens et des efforts considérables. Il s'agit d'un événement sans précédent dans toute l'histoire des monnaies: on a assisté à plusieurs reprises dans le passé au passage d'une monnaie à une autre - introduction du système décimal dans les subdivisions de la livre sterling, passage au Brésil du cruzeiro au real -, mais cet événement a été accepté chaque fois comme une "fatalité" de la vie économique sans susciter de réactions excessives.

3.1.1. La Commission a joué un rôle de coordination mais également d'initiative à divers égards. La campagne intitulée "L'euro, une monnaie pour l'Europe", lancée en 1996, est encore en cours. Ces deux dernières années, les dépenses se sont élevées à 117 millions d'euros, dont deux tiers ont servi à financer des accords conclus avec des États membres. Une partie des fonds a été allouée à des actions de préparation (publications, conférences, séminaires, information dans les écoles, etc.): l'engagement financier des États membres a été égal, voire supérieur, à celui de la Commission.

3.1.2. Des fonds ont également été alloués à des organismes relais, au projet "L'euro facile" et à des applications pilotes menées dans différentes villes et régions. Pour un public plus "technique", la Commission a organisé des séminaires dans les principaux centres financiers, ainsi que 80 actions de diverse nature dans les pays tiers. Toutes ces manifestations s'ajoutent aux cours dispensés (formation générale et spécifique destinée à certains groupes sociaux "défavorisés"), aux stages de formation, à la participation à des événements internationaux, aux publications, aux différents documents, à la revue InfEuro, aux kits, aux guides, aux vidéos et aux affiches, ainsi qu'au site Internet donnant accès à une base de données interactive. En somme, aucun moyen de communication n'a été ignoré.

3.1.3. Le Parlement européen a pour sa part alloué des fonds à des activités similaires, parfois en collaboration directe avec certains de ses membres, mais le plus souvent en association avec la Commission et les États membres.

3.1.4. Les États membres et les administrations publiques se sont dépensés sans compter pour mener à bien toute une série d'initiatives générales ou sectorielles, destinées essentiellement à des groupes de citoyens, à des entreprises ou à des catégories défavorisées de la population. À l'heure actuelle nous ne disposons pas de données précises sur l'utilisation des fonds, mais il ne fait aucun doute que l'effort a été général et accompli avec détermination.

3.1.5. La BCE a quant à elle préparé le passage à l'euro du système financier européen en 1999 de façon impeccable. Outre le système TARGET, qui a fonctionné sans problème depuis son lancement, elle a contribué à l'élaboration d'une "politique de l'euro" aussi bien dans l'euroland que dans les pays tiers. Elle a assumé la tâche - ardue - qui lui incombait, celle de coordonner l'activité des banques centrales nationales dans la préparation de billets et de pièces de monnaie, notamment grâce à une communication extrêmement efficace. Signalons que la BCE a alloué une somme considérable (80 millions d'euros) à la publication de brochures contenant une reproduction des nouvelles pièces et des nouveaux billets.

3.1.6. Le Comité a lui aussi joué pleinement son rôle vis-à-vis de la société civile: bon nombre de ses membres ont participé à l'élaboration ou à la mise en oeuvre d'initiatives visant à informer les citoyens, les organisations et les organismes nationaux ou internationaux.

3.1.7. Les organismes privés ont répondu à l'appel de la Commission et des gouvernements en connaissance de cause, et n'ont pas lésiné sur les ressources engagées. Les organisations de consommateurs ont - logiquement - ciblé leur action sur les citoyens/consommateurs en général et sur certaines catégories moins favorisées, tandis que les organisations professionnelles se sont principalement adressées à leurs membres: on estime que dans la pratique, aucune entreprise n'a échappé aux messages lancés par l'une ou l'autre organisation professionnelle. Le secteur financier (en particulier les banques) a informé l'ensemble de sa clientèle - et le public en général - par le biais de brochures (environ 300 millions d'exemplaires au total), de bilans publiés en euros et de communications imprimées dans toutes sortes de documents destinés aux clients et diffusés à plusieurs reprises. Le double affichage des montants s'est pratiquement généralisé.

3.2. Les résultats

3.2.1. Le secteur qui, par la force des choses, s'est le mieux adapté à l'euro est le secteur financier: étant donné qu'il a dû adopter la monnaie unique pour les transactions monétaires, financières et mobilières dès le début de l'année 1999, et qu'il a déjà dû répondre aux demandes d'une part - infime mais significative - de clients désireux d'ouvrir un compte en euros, la conversion en euros de tous les rapports fin 2001 - voire avant - ne pose pas de problème particulier, exception faite d'une charge de travail supplémentaire.

3.2.2. En revanche, la réponse frileuse des PME et des citoyens/consommateurs s'avère, comme nous l'avons vu, décevante et à certains égards préoccupante. Les sondages réalisés par Eurobaromètre et par des organismes privés donnent une idée générale de la situation: certains ne savent rien au sujet de l'euro, d'autres ont oublié ce qu'ils avaient appris ou promettent de faire le nécessaire "en temps utile", d'autres encore mettent en doute l'adoption effective de l'euro.

3.3. Les leçons à tirer

3.3.1. À l'exception du secteur financier, qui s'est trouvé dans l'obligation de s'adapter à l'euro, et des secteurs qui en ont perçu les avantages directs (grandes entreprises et multinationales essentiellement), l'expérience a confirmé le principe bien connu des experts en marketing et en communication: s'il est possible d'influencer le comportement des individus grâce à des actions de communication ou d'autres moyens, il est pratiquement impossible d'imposer à ces individus des choix qui ne présenteraient pas un intérêt direct et immédiat pour eux.

3.3.2. En ce qui concerne plus particulièrement les entreprises, la communication propose "un effort de communication (...) afin d'informer les acteurs économiques sur la situation exacte (...) ainsi que pour leur faire prendre conscience de l'existence d'une date butoir au 31 décembre 2001 et de la nécessité d'accélérer leurs préparatifs". Le Comité estime que cet "effort de communication" doit se concentrer en priorité sur les organisations professionnelles, qui devraient se charger d'envoyer aux entreprises un message dont elles connaissent mieux que quiconque les termes et les moyens de diffusion. D'une façon générale, ce message devrait inviter leurs membres à consulter la documentation - déjà foisonnante - et à prendre les mesures nécessaires en temps voulu, sans quoi les conséquences seront toutes à charge des parties qui n'auront pas respecté leurs obligations. S'il incombe à la Commission et aux États membres de fournir aux organisations professionnelles des informations actualisées sur les modalités pratiques du basculement à l'euro, ce sont ces mêmes organisations qui doivent transmettre le message à leurs membres. Enfin, le Comité juge inacceptable le recours aux fonds publics européens pour financer des campagnes destinées aux entreprises; chaque État membre pourra décider - à titre exceptionnel, comme l'espère le Comité - d'accorder une aide financière à des organisations nationales particulièrement "faibles".

3.3.3. Concernant les citoyens/consommateurs, il faut procéder à une analyse équilibrée et sereine, indépendamment de considérations extérieures au problème. La Commission(15) constate que la plupart des gens ont reçu des informations sur la monnaie unique mais semblent ne pas les avoir assimilées. Après la publicité massive qui a entouré le lancement de l'euro, le niveau d'intérêt, d'information et d'adhésion du public était encourageant. La majorité des sondages réalisés récemment montrent qu'à de rares exceptions près, cet intérêt est retombé, et que les gens ont tendance à oublier ce qu'ils ont appris. Cette situation vient étayer un principe élémentaire de la psychologie de masse: un message qui ne présente pas un intérêt direct et immédiat tend à passer inaperçu ou à tomber dans l'oubli.

3.3.4. La clientèle bancaire, en particulier les clients dont le niveau d'éducation est plus élevé (mais qui ne sont pas forcément les plus riches), est mieux informée que la moyenne de la population. Cela confirme également le bien-fondé des considérations formulées par le Comité(16): "la pénétration en profondeur des messages incombera principalement aux entreprises, et en particulier au secteur bancaire, pour la raison évidente que ce message est le seul qui puisse revêtir un caractère concret et un intérêt direct pour le consommateur".

3.3.5. En conclusion, l'expérience a mis en évidence les défauts des hypothèses basées exclusivement sur des considérations théoriques. Outre les résultats prévisibles du double affichage des prix dont nous avons déjà parlé, l'hypothèse formulée dans le Livre vert, selon laquelle la concurrence aurait incité les opérateurs privés à offrir des services en euros, dont les consommateurs auraient largement bénéficié s'est également avérée dénuée de tout fondement.

3.3.5.1. Le Comité avait mis en garde contre certaines estimations non fondées: toujours dans l'avis susmentionné, il signalait que la tenue de comptes (et, partant, l'utilisation des services) en euros aurait constitué "un simple artifice comptable, éventuellement utile pour habituer le consommateur à 'penser' en monnaie nouvelle, mais qui n'aurait aucune utilité pratique". Ce n'est que maintenant que l'on reconnaît qu'à peine 1 % des consommateurs a ouvert un compte en euros. Les messages, techniquement parfaits, n'avaient pas tenu compte du principe évoqué au paragraphe 2.2.1, selon lequel les recommandations restent lettre morte si le consommateur n'y voit pas un intérêt direct et immédiat pour lui-même.

3.3.6. Une volonté d'insuffler un nouvel élan à la campagne d'information se manifeste actuellement. À cet égard, le Comité recommande vivement de se limiter notamment aux modalités techniques du passage aux pièces et aux billets libellés en euros, à la conversion des comptes, à la conversion des devises, etc. sans s'appesantir sur les autres aspects: quelques concepts simples ont davantage de chance d'être retenus. Il faut avant tout "dédramatiser" cet événement, et faire passer le message qu'avec un minimum d'application, tout le monde est capable de passer le cap de la conversion. Toutefois, les groupes de citoyens les plus "défavorisés" (les non-voyants, les pauvres, les analphabètes ou les semi-analphabètes, les habitants des zones isolées) font exception à cette règle, et il convient de recourir à leur intention aux moyens et aux procédés de communication appropriés.

3.3.6.1. Par ailleurs, la campagne d'information ne devrait pas être lancée au niveau européen, mais devrait plutôt être confiée essentiellement aux États membres: ceux-ci sont les seuls à connaître les spécificités de leur société, la mentalité de leurs habitants, l'approche à adopter compte tenu des conditions nationales et locales spécifiques. Ils devraient notamment s'efforcer de faire parvenir les informations nécessaires aux zones géographiques et aux couches sociales difficilement joignables par les communications "de masse".

3.3.6.2. Une autre recommandation concerne les délais de mise en oeuvre. Cette campagne, qui devrait être prête avant, ne devrait être lancée qu'à l'approche du dernier trimestre 2001: il faudrait éviter de mettre les actions concernées en oeuvre plus tôt, sous peine d'encourir à nouveau le risque déjà mis en évidence par plusieurs études, à savoir que les informations, lorsqu'elles sont diffusées trop tôt, tombent dans l'oubli.

3.3.6.3. Pour les campagnes d'information à destination des citoyens, comme indiqué à propos des entreprises, il ne devrait y avoir recours aux fonds publics que lorsque les initiatives spontanées des médias ou du secteur privé n'atteignent pas le but poursuivi: la Commission, et à plus forte raison les États membres, devraient avoir une idée précise de la situation dans les différents secteurs (secteur privé, entreprises, organismes publics) et éventuellement concevoir par avance des actions visant à "combler les déficits". Aussi est-il nécessaire d'éviter le chevauchement et le double emploi des interventions.

3.3.6.4. Il faut à tout prix résister à la tentation de confondre deux messages: un "technique" et un "politique", ce dernier portant sur les avantages de l'euro. Dans certains cas, cet amalgame pourrait s'avérer utile, mais il faut laisser les États membres décider eux-mêmes de l'opportunité et des modalités de diffusion d'un tel message: cette constatation vient confirmer une fois encore (voir paragraphe 3.3.6.1) la nécessité de mener des campagnes "nationales" et non "européennes".

3.3.7. Le Comité espère que les campagnes préparatoires à l'introduction pratique de l'euro tiendront compte d'une suggestion qu'il a formulée à plusieurs reprises mais qui semble n'avoir jamais été prise en considération jusqu'à présent. En effet, il avait recommandé(17) que les campagnes d'information sur les modalités pratiques du passage à l'euro mettent l'accent sur l'utilité d'un recours généralisé aux cartes de paiement, qui permettent le calcul de conversion automatique et qui suppriment l'obligation de calculer la monnaie à rendre. L'ensemble des messages diffusés - et plus particulièrement ceux concernant les secteurs bancaire et commercial - devraient mettre en évidence cet aspect: si les calculs semblent compliqués ou si l'on n'a pas confiance dans ceux effectués par la partie adverse, il suffit d'utiliser aussi souvent que possible les cartes de paiement.

3.3.8. Le Comité souhaite formuler une observation - non négligeable - concernant le "ton" de la communication: les campagnes précédentes avaient pour objectif de présenter les avantages de l'euro, tout en encourageant le public ciblé à s'y préparer. Une autre approche, basée sur le caractère urgent et obligatoire du passage à l'euro, devrait être adoptée: les destinataires des campagnes d'information doivent comprendre que le temps presse, et que ceux qui ne s'adapteront pas - c'est-à-dire ceux qui refuseront d'apprendre et/ou de prendre les mesures nécessaires - se retrouveront dans la situation problématique de ceux qui sont restés en dehors du système. En définitive, le principe qui prévaut est celui du droit romain à la base de toutes les législations, selon lequel "ignorantia legis non excusat". Un message "fort" - mais courtois - capable de rappeler les destinataires à leur devoir de citoyens vis-à-vis de la collectivité tout en protégeant les intérêts individuels, vaut mieux qu'une multitude d'invitations formulées presque sur le ton de l'excuse.

3.3.9. Il y a également lieu de prendre en considération le problème de l'arrondissement des prix, en euros, qui pourrait toucher essentiellement les pays qui n'ont pas ou plus l'usage des centimes dans la monnaie nationale. Étant entendu que dans des conditions de marché libre, les prix sont fixés par le vendeur, on pourrait craindre qu'une tendance généralisée à l'arrondissement des prix vers le haut n'entraîne un mouvement inflationniste, même si le libre jeu de la concurrence entre les entreprises devrait freiner une telle évolution. Une campagne de sensibilisation à ce problème devrait être mise en place à l'intention des entreprises et des organisations de consommateurs, en veillant par ailleurs à ne pas susciter de polémique à ce propos.

4. L'introduction des billets et des pièces

4.1. Dans sa communication, la Commission annonce que l'euro est la plus sûre de toutes les monnaies nationales actuellement en circulation. Le Comité prend acte de cette déclaration, mais met en garde contre toute complaisance: le développement actuel des technologies avancées et les moyens dont disposent les milieux de la criminalité organisée sont tels qu'il ne s'agit pas de baisser la garde. Les banques centrales, l'Olaf et Europol sont impliqués dans une action de protection qui s'annonce dès à présent ardue. Il est évident qu'une coordination avec Interpol - qui du reste est peut-être déjà prévue - est nécessaire, l'euro étant appelé à circuler amplement dans le reste du monde.

4.2. La Commission ajoute qu'elle est satisfaite des possibilités de reconnaissance des pièces par les distributeurs automatiques dont sont équipés les commerces. Il ne s'agit pas de la reconnaissance des billets, encore en usage dans différents pays, en particulier sur les aires de stationnement et dans les stations-service. Étant donné la valeur élevée des billets libellés en euros et les technologies coûteuses nécessaires pour leur reconnaissance, il serait souhaitable de décourager l'utilisation des distributeurs qui acceptent les paiements en billets. Ceux-ci devraient donc accepter uniquement les pièces de monnaie ou les cartes de paiement.

5. La lutte contre la contrefaçon

5.1. Le Comité prend acte de la décision adoptée par le Conseil en mai 2000, visant à renforcer la protection de l'euro(18), dans laquelle il recommande aux États membres de prévoir des sanctions efficaces, proportionnées et dissuasives contre la falsification et l'utilisation frauduleuse de la monnaie unique. Par ailleurs, il constate avec regret qu'une fois encore, sa proposition(19) d'introduire dans la décision des mesures analogues en matière de prévention et de répression contre la falsification et l'utilisation des moyens de substitution de la monnaie (cartes de paiement, eurochèques, chèques de voyage) n'a pas été prise en considération.

5.2. Étant donné le degré actuel de diffusion de ces moyens de paiement et leur prolifération prévisible avec l'introduction de l'euro (dans certains pays, les paiements par carte bancaire constituent déjà entre 70 et 80 % des recettes quotidiennes de certains grands magasins), il est conseillé de protéger les moyens de paiement de substitution de la monnaie grâce à des mesures analogues - même si elles doivent provisoirement être moins strictes - que celles adoptées pour la monnaie officielle.

5.2.1. De telles mesures sont nécessaires aussi bien - voire davantage - pour contribuer à la lutte contre le crime organisé que pour protéger les intérêts des citoyens. Le fait d'avoir envisagé exclusivement la protection de la monnaie officielle témoigne d'une vision restreinte de la protection de l'intérêt public, limitée à l'État en tant que tel: l'intérêt de la collectivité (défense du citoyen et lutte contre le crime organisé) est tout aussi important, en termes économiques mais surtout sociaux. Le Comité espère que la Commission interviendra dans les plus bref délais auprès du Conseil afin que soient adoptées les mesures nécessaires.

5.3. La falsification et l'utilisation frauduleuse des billets et des moyens de paiement s'inscrivent dans le cadre d'un problème plus général, celui de la lutte contre le crime organisé, qui a fait l'objet d'un avis du Comité(20). Le CES y invitait les États membres à réorganiser dans les plus brefs délais leurs structures et leur réglementation afin de garantir une coordination efficace des actions de lutte contre la criminalité. À cet égard, la Commission a pour sa part présenté une proposition de règlement - limité toutefois à la falsification de l'euro - dont l'approbation semble entravée par des retards et des obstacles qui, étant donné le caractère urgent et l'importance du problème, sont tout à fait inexcusables.

6. Les programmes nationaux et l'échange des billets et des pièces

6.1. Les premiers jours de 2002 constituent peut-être la phase la plus délicate de toute l'opération "euro" dans la mesure où elle concerne, outre les catégories professionnellement préparées, l'ensemble des citoyens, et notamment les couches de population dont on ne peut pas attendre une connaissance parfaite des règles et des procédures. Chaque État membre a prévu une série de mesures spécifiques, qui tiennent probablement compte des besoins et des habitudes propres à ses citoyens.

6.2. En ce qui concerne la préalimentation en billets et en pièces libellés en euros, chaque État membre a adopté une politique propre. Pour les commerçants et les sociétés de services, notamment celles situées dans les zones périphériques, le principal problème réside dans la nécessité de disposer, dès le premier jour, de fonds suffisants pour rendre la monnaie en euros et de familiariser le personnel avec la nouvelle monnaie. En revanche, pour le grand public, le plus important est de s'habituer à reconnaître les différents billets et pièces, et que les reproductions publiées dans les dépliants et dans les brochures qui circulent déjà ou qui seront rééditées et distribuées en temps utile devraient suffire. Pour ce qui est de s'habituer à reconnaître les faux billets ou les fausses pièces, le Comité doute que le citoyen lambda soit suffisamment compétent pour distinguer le faux du vrai.

6.3. Les secteurs les plus concernés par les problèmes de falsification de la monnaie sont ceux du commerce et des services: ils devraient disposer - dès le premier jour de l'entrée en vigueur de l'euro ! - d'appareils peu onéreux mais efficaces leur permettant de reconnaître les contrefaçons. Il est possible que des mesures ad hoc dans ce sens aient déjà été prises ou soient à l'examen. Le Comité l'ignore.

6.4. Il semble que les deux principaux problèmes concernent d'une part la formation de files d'attente devant les guichets durant les premiers jours de la conversion, et d'autre part l'obligation pour les commerçants de rendre - dans la limite du possible - la monnaie en euros pour des paiements effectués en monnaie nationale. La communication a un rôle déterminant à jouer à cet égard. Rappelons que la télévision est le vecteur le plus efficace, le plus convaincant et proportionnellement le moins onéreux. Il faut informer le citoyen qu'il peut utiliser la monnaie nationale tout à fait normalement pendant un certain temps encore (deux mois en général): en tout état de cause, il lui serait utile - sans toutefois y être obligé - de verser sur un compte, durant le mois de décembre, tout l'argent liquide dont il n'aura pas besoin pour ses dépenses quotidiennes. Par ailleurs, le fait que le commerçant qui ne disposerait pas encore d'euros lui rende sa monnaie en devise nationale ne posera pas de problème pour le citoyen. Le message doit donc contribuer à "dédramatiser" les complications et les difficultés présumées, à condition que le citoyen s'engage à suivre les recommandations qui lui sont faites. À ce propos, le Comité rappelle la proposition qu'il a émise en diverses occasions de convaincre les consommateurs et les commerçants de faire un large usage des moyens de paiement électronique. Ces moyens sont les seuls permettant d'éviter les calculs de conversion, les vérifications, les doutes et la monnaie à rendre.

6.5. Si la conversion en quantités "raisonnables" est gratuite dans les banques, il convient toutefois de faire savoir que la gratuité concerne uniquement la monnaie nationale, les monnaies étrangères (billets) restant soumises au paiement des frais relatifs à la manipulation et à la remise à l'étranger conformément aux conditions en vigueur, qu'il n'y a pas lieu de modifier ni d'alléger. Il faudrait également préciser que normalement, la conversion des pièces de monnaie étrangères n'est pas prévue étant donné le coût excessif de leur manipulation par rapport à leur valeur. Pour les citoyens, il s'agit là d'un problème secondaire. Certains pays lancent des campagnes pour que chacun verse les monnaies étrangères en sa possession à des oeuvres de bienfaisance ou à des instituts de recherche. Ces initiatives mériteraient d'être généralisées.

6.6. En ce qui concerne le problème de la conversion, "dans des proportions usuelles" - le termes "raisonnables" serait plus judicieux -, de billets et de pièces pour les personnes ne disposant pas d'un compte, le système bancaire devrait offrir ce service gratuitement. À condition qu'elle soit faite dans les règles, ce type de conversion ne devrait pas poser de problème particulier: les personnes qui n'ont pas de compte peuvent difficilement justifier la possession de sommes importantes. Le montant maximum devra cependant être de nature à ne pas faciliter le blanchiment de capitaux par les milieux de la criminalité organisée, qui pourraient profiter de l'occasion pour convertir de l'argent "sale" en recourant à plusieurs personnes qui se présenteraient à différents guichets en déclarant chaque fois qu'elles ne disposent pas d'un compte.

6.6.1. Contrairement à ces recommandations, on constate que, dans certains pays, tous les citoyens ne possèdent pas encore un compte bancaire (ou postal) et que nombre d'entre eux thésaurisent encore d'importantes sommes chez eux. Étant donné que l'on ne peut envisager d'obliger ces citoyens à ouvrir un compte courant ou un compte d'épargne bancaire ou postal, le problème de la distinction entre l'argent "propre" et l'argent "sale" reste entier, et ne peut être résolu que grâce aux lois existantes en matière de blanchiment d'argent. Dans la plupart des pays, ces lois stipulent que la possession de sommes liquides au-delà d'une certaine limite doit être justifiée par des personnes identifiées avec précision: toute dérogation à cette règle ouvrirait la porte que la loi a voulu fermer aux blanchisseurs. Le Comité recommande que cette législation soit appliquée de manière généralisée.

6.7. Les modalités pratiques de la conversion des billets et des pièces en euros dépendent notamment d'un facteur d'ordre logistique: le grand public est peu au fait des sommes en jeu, des problèmes liés au transport, à la conservation, à la protection, à la distribution, à la récolte et à la destruction des pièces et des billets qui n'ont plus cours. Si les banques centrales et les systèmes bancaires nationaux étudient depuis longtemps la façon de surmonter les problèmes complexes qui se présentent, le Comité a néanmoins l'impression que certains obstacles sont loin d'être franchis. Une invitation à la diligence semble hors de propos, et ne ferait pas honneur au professionnalisme de ceux qui sont chargés de résoudre ces problèmes. Cependant, le Comité estime utile de souligner l'éventualité que des obstacles pratiques de dernière minute rendent caduques certaines mesures qui sont jugées aujourd'hui rationnelles et utiles.

7. Partie II - La recommandation

7.1. Comme nous l'avons signalé dans l'introduction, la recommandation constitue une conclusion logique des informations et des considérations présentées dans la communication et dans les Cahiers euro. Afin de rendre un avis clair et compréhensible, le Comité a respecté l'ordre de présentation adopté dans le texte de la Commission.

7.2. Article 1. Les recommandations formulées dans cet article ("Informer les futurs utilisateurs") répondent à une logique cohérente de pénétration en profondeur de l'information, que le Comité ne peut qu'approuver. Il souhaite cependant attirer l'attention sur les réserves et les observations formulées au paragraphe 3 du présent document. En particulier, il recommande de mettre à profit essentiellement les organisations professionnelles et les banques, et accessoirement les États membres et leurs institutions publiques, uniquement en cas de nécessité absolue. Étant donné que les campagnes d'informations sont destinées à des publics et des catégories de population au niveau national, une intervention des institutions européennes n'est pas jugée nécessaire. Il y a lieu de tenir compte des sommes globales déjà dépensées: il n'est pas utile de disposer de données précises pour affirmer avec certitude que jamais aucune campagne de communication n'a impliqué un "coût par contact" aussi élevé pour déboucher sur des résultats aussi décevants.

7.3. Article 2, "Aider les citoyens à s'habituer à l'euro". Les États membres sont invités à inverser l'ordre du double affichage des prix au cours du troisième trimestre de l'année 2001 au plus tard, et indiquer clairement d'abord le prix en euros, puis sa contre-valeur en unité monétaire nationale. S'il s'agit certes d'une mesure rationnelle, il ne faut cependant pas être trop optimiste quant à son efficacité. En effet, elle ne sera valable que si le consommateur dispose déjà d'un compte en euros. Si en revanche il dispose de monnaie nationale (en liquide ou sur un compte propre), il sera de toute façon contraint de consulter le montant indiqué dans cette monnaie. En règle générale, il n'est pas certain que cette mesure permettra aux consommateurs de s'habituer à la conversion. Seule la pratique pourra confirmer cette hypothèse. On peut imaginer que les consommateurs les plus avertis s'habitueront à ce changement, tandis que les plus "défavorisés" devront pouvoir compter sur l'aide des fournisseurs.

7.3.1. En 2001, les salaires des employés des administrations publiques et des entreprises ainsi que les pensions devraient être versés en euros. Une telle mesure pourrait inciter une partie des salariés à convertir leur compte bancaire en euros, décision positive dans la mesure où elle leur permettra de s'habituer à la nouvelle monnaie. Le Comité attire cependant l'attention sur un problème: si - comme l'on peut s'y attendre - seule une partie des salariés prend cette décision, il faudra mettre en place une collaboration entre ceux qui paient les salaires, les salariés et le système bancaire de façon à identifier à la source les montants à verser en euros (pour les personnes qui disposent déjà d'un compte en euros) et ceux à convertir en monnaie nationale. Étant donné la dynamique de l'ouverture des nouveaux comptes - tous ne seront certainement pas ouverts au même moment -, la mise à jour constante des dossiers constitue une charge administrative non négligeable.

7.3.2. La télévision et plus particulièrement les jeux télévisés permettant de remporter des prix, etc., devraient être mis à profit dans la mesure où ils contribueraient, mieux que n'importe quelle campagne d'information, à une large diffusion de l'euro, si seulement l'on se donnait la peine - sans plus tarder car le temps presse - d'exprimer systématiquement les sommes gagnées ou à gagner en euros plutôt qu'en monnaie nationale. Cette observation vaut également pour les jeux de loterie, les paris, etc. Bien qu'elle puisse sembler futile, une telle action poursuit un objectif sérieux et mériterait, selon le Comité, d'être envisagée.

7.4. Article 3, "Inciter les acteurs économiques à faire l'expérience de l'euro". La Commission propose qu'au début du troisième trimestre de 2001, le système bancaire fasse, de sa propre initiative, basculer les comptes en banque et les moyens de paiement vers l'euro, sauf en cas de décision expresse contraire du client. Les relevés bancaires devraient comporter l'indication de tous les montants en euros et de leur contre-valeur en unité monétaire nationale. Il faudrait par conséquent avancer d'au moins un trimestre le passage obligatoire à l'euro, mesure qu'une partie de la clientèle pourrait accueillir favorablement. Une partie du secteur bancaire pourrait également en tirer profit, afin de "diluer" l'impact d'un "encombrement" à la fin de l'année, à condition que les programmes de conversion déjà adoptés le permettent. Mais cela ne semble pas être le cas de toutes les institutions de crédit. Les États membres devraient consulter les parties intéressées et éviter à tout prix de rendre cette règle coercitive.

7.4.1. En complément aux observations formulées ci-dessus, le Comité attire l'attention sur le lien puissant qui existe entre les dispositions de l'article 2 et celles de l'article 3: si les salaires continuent à être versés en monnaie nationale jusque fin 2001 - ce qui est probable pour de nombreuses entreprises - le salarié devra, lorsque son compte sera automatiquement converti en euros, jongler avec deux monnaies. Le problème inverse se pose pour les travailleurs qui reçoivent leur salaire en euros alors qu'ils disposent d'un compte en monnaie nationale. D'une manière générale, il serait souhaitable que le paiement des salaires en euros et la conversion des comptes aient lieu en même temps. Il s'agit d'une mesure complexe, qui devrait néanmoins être adoptée après consultation des parties concernées: syndicats, consommateurs et banques.

7.5. Article 4, "Diminuer le flux des opérations à convertir vers l'euro". Le Comité approuve pleinement le contenu de cet article: les contrats, les marchés publics et le capital social des nouvelles entreprises devraient sans exception être exprimés en euros, surtout - voire de façon obligatoire - si leur échéance est postérieure au 31 décembre 2001. Des mesures analogues devraient être prises en ce qui concerne les conventions collectives conclues entre les partenaires sociaux. Concernant la proposition d'inciter les consommateurs à déposer en compte, durant le mois de décembre, l'argent liquide qui ne leur est pas immédiatement nécessaire, le Comité s'est déjà exprimé favorablement(21).

7.5.1. Une mesure accessoire, mise en oeuvre depuis longtemps dans certains États membres à d'autres fins, pourrait être de nature à diminuer le flux des opérations à convertir en euros: l'interdiction de payer au comptant les salaires et pensions, qui doivent être versés sur un compte bancaire ou postal. Outre le bénéfice en termes de conversion, cette mesure présenterait l'avantage de décourager les escroqueries aux dépens des consommateurs et des banques ou des bureaux de poste, et accessoirement de combattre le travail au noir. D'aucuns se sont prononcés contre le caractère obligatoire d'une telle mesure, qui par ailleurs ne semble pas avoir posé de problème particulier dans les différents pays concernés. Même si des mesures coercitives sont jugées inutiles, le Comité juge néanmoins qu'il faudrait essayer d'entraver par tous les moyens le paiement au comptant des salaires et des pensions.

7.6. Article 5, "Faciliter la transition vers l'euro fiduciaire". Les mesures prévues à cet article ont été commentées au paragraphe 6 du présent avis. Le Comité marque son accord de principe sur ces propositions, mais attire l'attention sur d'éventuels obstacles d'ordre logistique(22) (paragraphe 6.7), sur la nécessité de prévenir le blanchiment de capitaux(23) (paragraphe 6.6), et de se protéger contre les fraudes et les falsifications(24) (paragraphes 5.2 et 6.2). Signalons notamment que la transition vers la monnaie fiduciaire (en particulier via les cartes de paiement) est déjà souhaitée par le secteur commercial, indépendamment de la conversion à l'euro: les consommateurs sont explicitement invités à payer au moyen d'une carte lors des grèves de transporteurs de fonds. Toutefois, la réduction des stocks de monnaie liquide est une nécessité, même en temps normal.

8. Conclusions

8.1. Le Comité reconnaît la nécessité de lancer une campagne d'information multimédia - mais principalement axée sur la télévision - supplémentaire en prévision de la conversion des monnaies nationales en euros, mais recommande qu'elle soit menée en temps utile, en veillant à en réduire au maximum l'impact financier sur les dépenses publiques nationales et surtout en limitant au maximum la participation financière de l'UE. D'un point de vue pratique, chaque pays est responsable de ses propres politiques de communication.

8.2. Dans la même optique, le message "politique" relatif aux avantages de l'euro et à l'intérêt de la monnaie unique pour l'Europe incombe aux autorités nationales, seules capables d'évaluer l'opportunité des messages, les moyens à mettre en oeuvre pour les transmettre et la sensibilité des citoyens.

8.3. Si le passage à la monnaie unique pose bon nombre de problèmes pratiques, il ne faut toutefois pas dramatiser la situation, ni dans l'introduction proprement dite de l'euro ni dans l'information diffusée parmi les citoyens. Ceux-ci doivent pour leur part apporter leur contribution grâce à leur comportement et en participant à la mise en oeuvre des recommandations: ainsi doivent-ils s'abstenir de détenir et de changer de grosses sommes d'argent liquide, éviter la formation de files lorsqu'ils veulent s'approvisionner en euros, ouvrir un compte bancaire ou postal si ce n'est déjà fait, utiliser leurs cartes de paiement aussi souvent que possible.

8.4. Le système bancaire et le secteur commercial auront un rôle crucial à jouer: les banques devront convertir tous les comptes et les rapports en euros et seront chargées, sur le plan logistique, de collecter, stocker et distribuer la nouvelle monnaie, tandis que les commerçants devront collecter la monnaie nationale auprès de la clientèle, la remettre aux banques et, si nécessaire, rendre la monnaie en euros. Toutes ces manipulations exigent la fourniture anticipée de pièces et de billets, et poseront par conséquent toute une série de problèmes en matière de logistique, de sécurité et de calcul des intérêts.

8.5. Le Comité n'entend pas se prononcer sur une matière qui, il en est conscient, relève des autorités nationales et fait l'objet de négociations délicates. Les problèmes d'ordre logistique doivent être résolus par ceux qui en ont la responsabilité, compte tenu notamment de la durée de la période de double circulation. À cet égard, le Comité souhaite souligner que plus cette période sera réduite, plus les problèmes logistiques seront importants.

Bruxelles, le 29 mars 2001.

Le Président

du Comité économique et social

Göke Frerichs

(1) COM(2000) 443 final.

(2) Cahiers euro nos 38 et 41 d'août 2000.

(3) JO C 18 du 22.1.1996, p. 112.

(4) JO C 56 du 24.2.1997, p. 65.

(5) JO C 73 du 9.3.1998, p. 130.

(6) Voir communication de la Commission, paragraphe 1, lettre a.

(7) JO C 18 du 22.1.1996, p. 112, paragraphe 6.5.1.

(8) JO C 18 du 22.1.1996, p. 112, paragraphe 5.3.4.

(9) Voir Commission, Cahier euro n°38 d'août 2000, p. 5, paragraphe 2 (version anglaise).

(10) Paragraphe 2, lettre a.

(11) Cahier euro n° 38.

(12) Paragraphe 2, lettre b.

(13) JO C 18 du 22.1.1996, p. 112, paragraphe 6.1.5.

(14) Partie B, paragraphe 2, lettre a.

(15) Cahier euro n° 38, p. 10, paragraphe 2.2.

(16) JO C 18 du 22.1.1996, p. 112, paragraphe 8.2.3.

(17) JO C 73 du 9.3.1998, p. 130, paragraphes 5.4 et 5.4.1.

(18) Cf. également les mesures relatives à la constitution d'un groupe de pilotage pour la mise en oeuvre d'une stratégie interinstitutionnelle d'Europol et de la Banque centrale européenne (communiqué de presse conjoint du 24.3.2001)

(19) JO C 18 du 22.1.1996, p. 112, paragraphes 7.13 et 7.14.

(20) JO C 268 du 19.9.2000, p. 48.

(21) Voir paragraphe 6.4 du présent document.

(22) Paragraphe 6.7.

(23) Paragraphe 6.6.

(24) Paragraphes 5.2 et 6.2.