52001AA0008

Avis n° 8/2001 sur une proposition de règlement du Conseil portant le statut des agences d'exécution chargées de certaines tâches relatives à la gestion des programmes communautaires

Journal officiel n° C 345 du 06/12/2001 p. 0001 - 0004


Avis no 8/2001

sur une proposition de règlement du Conseil portant le statut des agences d'exécution chargées de certaines tâches relatives à la gestion des programmes communautaires

(présenté en vertu de l'article 248, paragraphe 4, deuxième alinéa, du traité CE)

(2001/C 345/01)

LA COUR DES COMPTES DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,

vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 248, paragraphe 4, deuxième alinéa,

vu la demande d'avis formulée par le Conseil de l'Union européenne en date du 15 mars 2001 et reçue à la Cour le 21 mars 2001,

vu le projet de refonte du règlement financier général présenté par la Commission(1), ainsi que l'avis de la Cour sur ce projet(2),

considérant que la proposition de règlement du Conseil s'inscrit dans le cadre de l'externalisation de la gestion des programmes communautaires,

considérant que cette proposition concerne le statut des agences d'exécution chargées de certaines tâches relatives à la gestion des programmes communautaires,

A ADOPTÉ L'AVIS SUIVANT:

Introduction

1. En décembre 1999, la Commission s'est engagée(3) à développer une politique d'externalisation cohérente et maîtrisée afin de contrôler les dérives dues à l'utilisation mal contrôlée de certains bureaux d'assistance technique (BAT). Cet engagement répond à un besoin mis en évidence par la Cour depuis plusieurs années dans ses rapports annuels et spéciaux(4). Compte tenu des observations qu'elle a formulées dans le passé, la Cour souscrit de manière générale à cette proposition de règlement. Élément central de la politique d'externalisation de la Commission, cette proposition définit un cadre réglementaire pour confier la responsabilité de la mise en oeuvre et de la gestion des programmes communautaires à des agences d'exécution.

2. Cependant, la Cour estime qu'un certain nombre de dispositions contenues dans le projet de règlement doivent être clarifiées, voire modifiées. Ces dispositions sont reprises dans les points suivants, selon la structure du projet de règlement.

Article 3: Création et suppression des agences d'exécution

3. La Cour observe que, en son article 3, paragraphes 1 et 2, le projet de règlement reflète le caractère temporaire d'une agence d'exécution en prévoyant que la Commission peut en fixer la durée d'existence et décider de sa liquidation si elle n'a plus besoin de ses services. La Cour tient à souligner que la Commission devra exercer effectivement ce pouvoir d'appréciation en ce qui concerne les agences qui ne sont plus nécessaires.

4. En ce qui concerne l'article 3, paragraphe 2, dans la mesure où une agence d'exécution accomplit des tâches qui lui ont été confiées par la Commission, cette dernière devrait, lors de la liquidation, porter immédiatement dans ses comptes la totalité des éléments d'actif et de passif en cours de l'agence sans attendre la fin du processus de liquidation.

Article 5: Siège

5. Même s'il va de soi qu'une agence d'exécution doit entretenir des liens très étroits avec les services de la Commission, il n'est pas opportun de préciser que le siège d'une agence d'exécution ne peut se trouver que dans l'un des lieux où sont établis les services de la Commission. Il serait préférable de stipuler que son siège doit être établi là où elle peut accomplir ses tâches de la manière la plus efficace.

Article 6: Tâches

6. Étant donné que la Commission reste - en tant qu'institution délégante - responsable de l'exécution de ses pouvoirs par les agences, il serait souhaitable que le règlement établisse des règles générales concernant les contrôles exercés par la Commission sur les activités des agences afin de permettre une intervention dans le cas où une agence prendrait une mesure contraire à l'objet du programme communautaire concerné ou, de façon plus générale, agirait d'une manière illégale. Les modalités de contrôle pourraient être précisées dans l'acte de délégation (en tenant compte des aspects particuliers de chaque agence), mais le cadre général des contrôles devrait être fixé par le règlement portant le statut des agences d'exécution.

Article 9: Tâches du comité de direction

7. En ce qui concerne l'article 9, paragraphe 2, qui prévoit que le comité de direction adopte, au plus tard au début de chaque année, le programme de travail de l'agence d'exécution, il serait souhaitable de prévoir expressément que le comité de direction adopte, lors de la création d'une agence, des objectifs clairs pour celle-ci, ainsi que des indicateurs de performances qui permettent d'évaluer le bon accomplissement des tâches de l'agence. Cela ferait ressortir d'emblée l'importance qui doit être attachée à l'obtention de résultats par l'agence, conformément aux orientations de la Commission dans le cadre du processus actuel de réforme.

8. De même, ce règlement-cadre devrait spécifier que les rapports annuels sur les activités d'une agence (article 9, paragraphe 7) devraient contenir des informations relatives à toutes les ressources financières reçues de la Communauté ou d'autres sources, ainsi qu'à leur utilisation. Les rapports devraient également contenir des informations et une analyse suffisantes pour permettre d'apprécier dans quelle mesure les objectifs de l'agence en question ont été atteints et d'évaluer l'efficience de la gestion de l'agence.

9. Le règlement devrait également prévoir l'évaluation à intervalles réguliers de l'efficience et de l'efficacité d'une agence. La proposition ne contient actuellement aucune disposition de ce type. Ces évaluations devraient être effectuées sous la responsabilité de la Commission, mais en étroite coopération avec l'agence et son comité de direction, et les rapports en résultant devraient être communiqués au Conseil, au Parlement européen et à la Cour des comptes.

10. Le comité de direction devrait approuver les comptes détaillés d'une agence d'exécution qui lui sont présentés par le directeur, avant de les soumettre au Parlement européen, à la Cour des comptes et à la Commission, comme cela est prévu à l'article 14, paragraphe 2.

Article 11: Tâches du directeur

11. Il serait souhaitable de prévoir expressément que le directeur d'une agence d'exécution doit veiller à ce qu'un système de contrôle interne opérationnel soit établi au sein de l'agence.

Articles 12 à 16: Budget de fonctionnement de l'agence et crédits opérationnels du/des programme(s) à la gestion duquel/desquels l'agence participe(5)

12. La proposition de règlement prévoit que le budget de fonctionnement d'une agence d'exécution couvre les dépenses de fonctionnement pour l'exercice budgétaire concerné. Ce budget sera financé, en premier lieu, par une subvention de la Commission représentant un pourcentage déterminé de la dotation financière annuelle des programmes communautaires à la gestion desquels l'agence participe et, deuxièmement, par des fonds provenant d'autres sources. Les crédits opérationnels des programmes communautaires eux-mêmes seront inscrits au budget général des Communautés européennes et ne seront pas repris dans le budget de fonctionnement de l'agence. Les dépenses correspondant à ces programmes seront directement imputées aux lignes correspondantes du budget général.

13. Selon la proposition, les comptes de l'agence d'exécution comprendront donc uniquement les dépenses de personnel et de fonctionnement de celle-ci, ainsi que les recettes destinées à couvrir ces dépenses. Ils ne comprendront pas les dépenses relatives aux programmes communautaires gérés par l'agence.

14. Il est bon que les dépenses correspondant aux opérations gérées par l'agence soient directement imputées au budget général. Cela permet d'écarter tout risque que les paiements effectués à partir du budget général ne constituent qu'un déplacement de crédits de la Commission vers des organisations intermédiaires(6). Cependant, cela signifie que les états financiers d'une agence peuvent ne pas comprendre des dépenses correspondant aux opérations qu'elle est chargée de gérer. L'établissement d'états financiers ne reprenant que les dépenses de fonctionnement ne serait pas conforme aux mesures prises par la Commission pour instaurer la gestion/l'établissement de budgets par activités (Activity Based Management/Activity Based Budgeting) dans ses programmes. La gestion/l'établissement de budgets par activités consistent à réunir les ressources financières consacrées aux programmes et les ressources nécessaires pour couvrir les frais de gestion de ces programmes. Il importe que l'agence d'exécution soit tenue de rendre compte globalement des crédits opérationnels qu'elle gère.

15. La Commission pourrait également envisager d'inscrire les budgets correspondant aux dépenses de fonctionnement d'une agence d'exécution au budget général, avec les crédits opérationnels correspondant aux programmes qu'elle gère. Dans ce cas, les dépenses de fonctionnement seraient également directement imputées aux lignes correspondantes du budget général.

16. Cette solution pourrait faciliter l'établissement d'états financiers complets concernant une agence, comprenant à la fois les dépenses de fonctionnement et les dépenses opérationnelles relatives aux programmes gérées par celle-ci. Cependant, il importe de préserver les avantages potentiels qu'offre, en termes de flexibilité, le fait que le budget de fonctionnement d'une agence d'exécution puisse dépasser le cadre du règlement financier. Le règlement devrait prévoir au minimum que les comptes annuels d'une agence comprennent un rapport financier détaillant l'utilisation des crédits opérationnels relatifs aux programmes communautaires en termes d'engagements et de paiements (point 8).

17. Plusieurs points mériteraient d'être clarifiés aux articles 12 à 16 de la proposition:

a) aux articles 12 et 13, il serait préférable de parler de "contribution" plutôt que de "subvention" pour les fonds mis à la disposition d'une agence d'exécution par la Commission pour couvrir ses dépenses de fonctionnement. En effet, la nature des "subventions" telles qu'elles sont actuellement définies dans le vade-mecum sur la gestion des subventions est relativement différente de ce qui est envisagé dans cette proposition;

b) de même, il est difficile de déterminer clairement si la "contribution", calculée en pourcentage de la dotation financière annuelle du programme communautaire à la gestion duquel l'agence d'exécution participe, constitue une recette réputée acquise pour l'agence même si les montants programmés ne sont pas engagés ou payés. L'objectif devrait être de financer les dépenses de fonctionnement essentielles de l'agence, peut-être sous réserve d'un plafond. Les dispositions de l'article 13 doivent donc être clarifiées;

c) une agence d'exécution pourra percevoir d'autres recettes que la contribution de la Commission inscrite au budget général (article 12, paragraphe 3, et article 17). Le projet de règlement implique que les comptes annuels détaillés prévus à l'article 14, paragraphe 2 ne comprendront que les dépenses de fonctionnement liées à ces autres recettes, mais la manière dont il sera rendu compte des dépenses correspondant aux programmes financés par ces autres recettes ne ressort pas clairement. Conformément aux arguments développés au point 14, une agence d'exécution devrait être tenue de rendre compte de l'utilisation de tous les fonds qu'elle est amenée à gérer.

Article 19: Contrôles

18. L'article 14 prévoit que le directeur d'une agence d'exécution soumet les comptes annuels détaillés des recettes et des dépenses de fonctionnement au Parlement européen, à la Cour des comptes, à la Commission et au comité de direction (voir le point 10 pour les propositions de la Cour visant à modifier cette disposition de sorte que le comité de direction doive approuver les comptes avant leur soumission aux institutions). Le Parlement européen donne décharge à une agence d'exécution.

19. L'article 19 prévoit que la Cour des comptes examine les comptes d'une agence d'exécution conformément à l'article 248 du traité.

20. Si la politique d'externalisation de la Commission entraîne la création d'un nombre important d'agences d'exécution, le contrôle annuel de leurs comptes sera une tâche considérable, supposant une augmentation des ressources de la Cour. En vertu de la proposition de règlement, les comptes ne couvriraient uniquement que les dépenses de fonctionnement des agences. Des contrôles annuels de tous ces comptes ne contribueraient pas à l'utilisation la plus rentable des ressources limitées de la Cour. Afin de réduire l'importance de ce problème et de faciliter l'utilisation optimale des ressources de la Cour, le règlement-cadre devrait prévoir un contrôle préalable, confié à des auditeurs indépendants, des dépenses des agences, à savoir les dépenses opérationnelles correspondant aux programmes et les dépenses de fonctionnement, avant incorporation dans les comptes consolidés de la Commission. Cette disposition s'appliquerait sans préjudice des prérogatives qui sont celles de la Cour en vertu de l'article 248 du traité. La Cour contrôlerait l'utilisation des crédits opérationnels des programmes communautaires gérés par une agence, ainsi que l'efficience et l'efficacité de la gestion de l'agence. Pour les besoins de son certificat d'audit concernant les dépenses de fonctionnement, la Cour devrait pouvoir obtenir une assurance concernant les questions de légalité et de régularité grâce à ce contrôle préalable.

21. Dans ce contexte, on peut se demander s'il est opportun que le Parlement européen donne décharge à chacune des agences d'exécution pour leurs seules dépenses de fonctionnement. Dans ces conditions, le contrôle externe d'une agence d'exécution pourrait être considéré comme entrant dans le cadre du contrôle interne de la Commission concernant les travaux d'organismes auxquels elle a confié ou délégué certaines tâches. Dans le cadre de sa décharge générale de la Commission, le Parlement européen examinerait l'efficacité du travail de la Commission et de ses agences d'exécution au lieu de donner une décharge distincte à chaque agence. Cela refléterait mieux l'obligation finale de rendre compte qui incombe à la Commission dans le cadre de la procédure de décharge pour les dépenses opérationnelles correspondant aux programmes délégués aux agences d'exécution.

Article 21: Légalité des actes

22. L'article 230 du traité CE ne prévoit pas la possibilité d'attaquer les actes des agences en tant que tels. Étant donné que la compétence de contrôle de la Cour de justice est fixée par le traité CE, elle ne peut pas être modifiée ou étendue par un règlement du Conseil. Afin de ne pas donner l'impression que le présent projet de règlement propose une telle modification ou extension, il serait donc préférable de prévoir dans cet article que la Commission - en tant qu'institution délégante - est juridiquement responsable des actes des agences d'exécution.

Le présent avis a été adopté par la Cour des comptes à Luxembourg en sa réunion du 25 octobre 2001.

Par la Cour des comptes

Jan O. Karlsson

Président

(1) COM(2000) 461 final du 17 octobre 2000.

(2) Avis 2/2001 de la Cour des comptes des Communautés européennes du 8 mars 2001 (JO C 162 du 5.6.2001, p. 1).

(3) "Orientation pour la politique d'externalisation", SEC(1999) 2051/7 du 14 décembre 1999.

(4) Voir par exemple le rapport spécial n° 1/96 sur les programmes MED.

(5) Dans la version anglaise du projet de règlement, les termes operating budget sont utilisés pour les dépenses de fonctionnement et operating appropriations of the Community programmes pour le coût des opérations. Cela risque de prêter à confusion. Il serait préférable que la Commission emploie une terminologie faisant plus clairement la distinction entre les deux types de dépenses. Par exemple, pour la seconde catégorie, operational appropriations serait préférable.

(6) Il convient d'observer que l'Agence européenne pour la reconstruction du Kosovo ne fonctionne pas de cette manière. L'Agence reçoit d'importants transferts de fonds de la Commission pour financer les opérations qu'elle gère ainsi que ses dépenses de fonctionnement. Chaque transfert est enregistré en tant que paiement unique à partir des comptes de la Commission, tandis que l'Agence enregistre le transfert en tant que recette et tient une comptabilité indiquant ce qu'elle a engagé et payé tant pour les opérations que pour les dépenses de fonctionnement.