52000PC0582

Proposition de règlement du Conseil relatif à la mise en oeuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité et modifiant les règlements (CEE) n° 1017/68, (CEE) n° 2988/74, (CEE) n° 4056/86 et (CEE) n° 3975/87 («règlement d'application des articles 81 et 82 du traité») /* COM/2000/0582 final - CNS 2000/0243 */

Journal officiel n° C 365 E du 19/12/2000 p. 0284 - 0296


Proposition de RÈGLEMENT DU CONSEIL relatif à la mise en oeuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité et modifiant les règlements (CEE) n° 1017/68, (CEE) n° 2988/74, (CEE) n° 4056/86 et (CEE) n° 3975/87 (« règlement d'application des articles 81 et 82 du traité »)

(présentée par la Commission)

EXPOSÉ DES MOTIFS

I. Généralités

A. Contexte

Les règles communautaires en matière de concurrence ont été établies par le traité de 1957 instituant la Communauté européenne. L'article 81 de celui-ci énonce les règles applicables aux accords restrictifs, décisions et pratiques concertées, tandis que l'article 82 traite des abus de position dominante.

En 1962, le Conseil a adopté le règlement n° 17, qui définit les règles de procédure relatives à l'application des articles 81 et 82; ces règles ont été appliquées jusqu'ici sans modifications substantielles. Le règlement n° 17 était fondé sur l'applicabilité directe du principe d'interdiction énoncé à l'article 81, paragraphe 1, et sur la notification préalable des accords et pratiques restrictifs à des fins d'exemption conformément à l'article 81, paragraphe 3. Si la Commission, les juridictions nationales et les autorités de concurrence des États membres peuvent toutes appliquer l'article 81, paragraphe 1, seule la Commission est compétente pour appliquer l'article 81, paragraphe 3. Le règlement n° 17 a donc instauré un système d'autorisation fortement centralisé pour tous les accords restrictifs nécessitant une exemption. L'article 82, en revanche, a toujours été appliqué parallèlement par la Commission, les juridictions nationales et les autorités de concurrence des États membres.

Ce système, qui était bien adapté à une Communauté de six États membres caractérisée par une "culture de la concurrence" peu développée, a permis l'élaboration d'un droit communautaire de la concurrence et son application uniforme dans l'ensemble de la Communauté. Mais, aujourd'hui, le contexte est fondamentalement différent. L'Union européenne compte à présent quinze États membres, dont les marchés sont déjà largement intégrés, une population de 380 millions d'habitants et onze langues officielles. Les États membres ont institué des autorités nationales de la concurrence et beaucoup de législations nationales adoptées dans ce domaine reflètent le contenu des articles 81 et 82.

Dans ce nouveau contexte, le système en vigueur présente deux lacunes majeures. La première est qu'il ne garantit plus une protection efficace de la concurrence. Le monopole de la Commission concernant l'application de l'article 81, paragraphe 3, entrave considérablement l'application efficace des règles par les autorités de concurrence des États membres et des juridictions nationales dans ce domaine. Or, dans une Communauté élargie, la Commission ne peut assurer seule le respect des règles de concurrence sur l'ensemble du territoire de l'Union. En outre, le système de notification ne contribue plus efficacement à la protection de la concurrence. Il ne révèle que rarement des cas constituant une réelle menace pour la concurrence. En fait, ce système fait obstacle à ce que les moyens dont dispose la Commission soient utilisés pour détecter et sanctionner les infractions graves.

La seconde lacune du système actuel est qu'il impose des contraintes excessives aux entreprises, en ce qu'il accroît les coûts qu'elles doivent assumer pour s'y conformer, et qu'il ne leur permet pas de faire exécuter les accords qu'elles ont passés lorsque ceux-ci n'ont pas été notifiés à la Commission, et ce même si les accords en question satisfont aux conditions de l'article 81, paragraphe 3. Cette situation est particulièrement préjudiciable aux petites et moyennes entreprises, qui peuvent être désavantagées par rapport à leurs concurrents de plus grande taille en raison des coûts de notification ou, en l'absence de notification, des difficultés rencontrées pour faire exécuterr leurs accords.

La perspective de l'élargissement de la Communauté rend plus urgente encore une réforme du règlement n° 17. Une Union de 25 États membres voire même davantage est désormais en vue. Un système de notification prévoyant l'octroi d'autorisations préalables par une seule instance administrative serait tout à fait ingérable dans une Communauté élargie, étant donné que les accords requérant une attestation administrative pour être exécutoires pourraient se compter par milliers. L'application directe de l'article 81, paragraphe 3, rend légalement exécutoires les accords satisfaisant aux conditions qui y sont définies, sans qu'il soit nécessaire de s'adresser à cet effet à une instance administrative.

B. Le Livre blanc et la procédure de consultation

Pour que le droit communautaire de la concurrence puisse affronter les défis futurs, la Commission a engagé un processus de réforme, en adoptant et en publiant en 1999 un Livre blanc sur la modernisation des règles d'application des articles 81 et 82 du traité CE.

Ce Livre blanc passe en revue différentes options de réforme et propose l'adoption d'un système de mise en oeuvre fondamentalement différent, appelé système d'exception légale. Ce système est fondé sur l'applicabilité directe de la règle d'exception de l'article 81, paragraphe 3, la Commission, les autorités de concurrence des États membres et les juridictions nationales appliquant l'article 81, paragraphe 3, dans toutes les affaires dans lesquelles elles sont appelées à mettre en oeuvre le principe d'interdiction énoncé à l'article 81, paragraphe 1, lequel est déjà directement applicable.

Le Livre blanc a été adopté le 28 avril 1999. Les parties intéressées ont été invitées à présenter leurs observations pour le 30 septembre 1999. Le Parlement européen a organisé une audition publique le 22 septembre 1999 et adopté une résolution le 18 janvier 2000. Le Comité économique et social a rendu un avis le 8 décembre 1999. La Commission a reçu des observations de tous les États membres et de plus de 100 parties intéressées, dont des pays de l'AELE, l'Autorité de surveillance AELE et les autorités de concurrence de l'Estonie, de la Hongrie et de la République tchèque, observations qu'elle a examinées avec soin. Un groupe de travail comprenant des fonctionnaires de la Commission et des experts des autorités nationales de la concurrence a discuté à plusieurs reprises du contenu du Livre blanc.

Le Parlement européen et le Comité économique et social sont favorables à la proposition de la Commission, même s'ils insistent sur le fait qu'il importe de veiller à une application uniforme des règles de concurrence communautaires dans un système de compétences parallèles et à maintenir un niveau adéquat de sécurité juridique.

Les positions des fédérations industrielles et des juristes sont hétérogènes: si l'approche suivie par la Commission est souvent saluée comme une alternative plus efficace et moins bureaucratique au système d'application actuel, lequel est, à la quasi-unanimité, jugé insatisfaisant, nombreux sont ceux qui insistent sur le fait qu'il convient de veiller à ce que la réforme ne débouche pas sur une application non uniforme et une "re-nationalisation" des règles communautaires de concurrence et qu'elle ne diminue pas la sécurité juridique offerte aux entreprises.

La proposition de nouveau règlement du Conseil est largement basée sur le Livre blanc, prenant néanmoins dûment en compte les principales préoccupations exprimées au cours du processus de consultation. La question de l'extension des procédures du règlement sur les concentrations aux entreprises communes d'exercice partiel de production, qui était également soulevée dans le Livre blanc (paragraphes 79 à 81), sera examinée en détail dans le cadre des réflexions à venir sur la révision de ce règlement.

II. La proposition de nouveau règlement du Conseil

A. Objet

La proposition a pour objet la réforme des règles d'application des articles 81 et 82 du traité CE, à savoir le règlement n° 17 et les règlements "transports" correspondants. Il est proposé de créer un nouveau système de mise en oeuvre, appelé "système d'exception légale". Ce système permet une application directe tant du principe d'interdiction énoncé à l'article 81, paragraphe 1, que de la règle d'exception contenue dans l'article 81, paragraphe 3, non seulement par la Commission, mais également par les juridictions nationales et les autorités de concurrence des États membres. Les accords sont licites ou nuls selon qu'ils satisfont ou non aux conditions de l'article 81, paragraphe 3, et aucune décision d'autorisation n'est requise pour la mise en oeuvre d'accords conformes à l'ensemble des dispositions de l'article 81. Ce système s'applique déjà à l'article 82 du traité CE.

B. Base juridique

La présente proposition a pour base juridique l'article 83 du traité CE. Celui-ci autorise le Conseil à établir les règlements ou directives utiles en vue de l'application des principes figurant aux articles 81 et 82. L'article 83, paragraphe 2, comprend une liste non exhaustive des finalités des règles d'application arrêtées sur cette base.

L'article 83 régit l'application des articles 81 et 82 en général. Il ne se limite pas, en particulier, à l'application des règles par des instances décisionnelles spécifiques. Le législateur communautaire est donc habilité, dans les limites des principes généraux du traité, à déterminer les modalités d'application des articles 81 et 82 par d'autres instances que les institutions communautaires, ainsi que les modalités de l'interaction entre les différentes instances compétentes. La proposition de règlement prévoit par conséquent certaines règles auxquelles les autorités de concurrence des États membres et/ou les juridictions nationales devront se conformer lorsqu'elles appliqueront les articles 81 et 82, de même que des règles relatives à la coopération entre ces instances elles-mêmes et entre celles-ci et la Commission.

L'article 83, paragraphe 2, point b), dispose expressément que le législateur communautaire détermine les modalités d'application de l'article 81, paragraphe 3, en tenant compte de la nécessité, d'une part, d'assurer une surveillance efficace et, d'autre part, de simplifier dans toute la mesure du possible le contrôle administratif. La base juridique de l'article 83 impose donc au législateur communautaire de combler une lacune laissée par l'article 81. En dehors de son paragraphe 2, l'article 81 se compose d'une règle d'interdiction (article 81, paragraphe 1) et de dispositions établissant les conditions devant être satisfaites pour que la règle d'interdiction puisse être déclarée inapplicable (article 81, paragraphe 3). Il ne précise toutefois ni la procédure à suivre, ni l'instance compétente à cet effet. Les termes "peuvent être déclarées inapplicables", en particulier, au contraire des termes "la Haute Autorité autorise" figurant dans le traité CECA (voir article 65 du traité CECA), ne définissent aucune procédure spécifique.

En vertu du règlement n° 17 actuellement en vigueur, la Commission a compétence exclusive pour appliquer l'article 81, paragraphe 3, dans le cadre d'une procédure administrative visant à obtenir une décision d'autorisation. L'article 81, paragraphe 3, se prête pourtant à une application directe. Même si elle laisse une certaine marge d'appréciation quant à son interprétation, cette disposition ne suppose aucun pouvoir discrétionnaire qui ne pourrait être exercé que par une instance administrative. Le fait qu'une disposition du traité laisse une marge d'appréciation limitée n'empêche nullement une application directe de celle-ci, comme le montre clairement la jurisprudence relative, par exemple, à l'article 81, paragraphe 1, et à l'article 82, lesquels sont déjà appliqués directement par les juridictions nationales.

Rien dans le traité ne vient contredire cette conclusion. Les termes "simplifier dans toute la mesure du possible le contrôle administratif" qui figurent à l'article 83, paragraphe 2, point b), en particulier, même s'ils imposent au législateur l'objectif de limiter autant que possible les procédures administratives, n'excluent pas une application de l'article 81, paragraphe 3, par des tribunaux en plus des instances administratives. En vertu des pouvoirs qui lui sont conférés par l'article 83, le législateur communautaire peut choisir un système de mise en oeuvre qui repose sur l'application directe de l'article 81, paragraphe 3.

En vertu de l'article 83, paragraphe 2, point e), le législateur communautaire est également habilité à définir les rapports entre les législations nationales et le droit communautaire de la concurrence. Le règlement n° 17 s'est abstenu de réglementer ces rapports, ce qui a donné lieu à de longs débats et engendré une insécurité sur le plan juridique. La Cour de justice a pu apporter des précisions sur certaines des questions liées à l'application du principe de la primauté du droit communautaire sur le droit national. Étant donné la spécificité de l'article 81 en particulier, les solutions qui ont pu être trouvées sur cette base ne couvrent cependant pas la totalité des cas dans lesquels des litiges peuvent survenir. En outre, le passage à un nouveau système de mise en application risque de relancer le débat et d'engendrer de nouvelles incertitudes d'ordre juridique en ce qui concerne cette question fondamentale. La proposition de règlement proposé comporte par conséquent une disposition relative aux rapports du droit communautaire de la concurrence et des droits nationaux.

Enfin, l'article 83 constitue également la base juridique appropriée pour définir les modalités d'application des articles 81 et 82 au secteur des transports. Cela n'était pas encore certain au moment de l'adoption du règlement n° 1017/68, qui repose sur une double base juridique (à savoir, les ex-articles 75 et 87, qui sont à présent les articles 71 et 83). La Cour de justice a cependant estimé par la suite que les règles communautaires en matière de concurrence s'appliquaient pleinement au secteur des transports [1]. Conformément à l'article 83, le législateur communautaire peut donc stipuler que l'application des articles 81 et 82 aux accords et décisions actuellement régis par le règlement n° 1017/68 est intégrée au règlement proposé. Il en va de même pour l'application de ces deux articles aux transports maritimes, qui est actuellement régie par le règlement n° 4056/86. Pour celui-ci, bien qu'il ait été adopté postérieurement à la jurisprudence susmentionnée de la Cour de justice, le Conseil, compte tenu de son article 9, qui concerne les relations avec les pays tiers, avait également retenu comme base juridique l'ex-article 84, paragraphe 2 (à présent article 80, paragraphe 2), contrairement à la proposition de la Commission (qui reposait sur le seul article 87 (à présent article 83)). Il n'est pas nécessaire que la divergence de vues entre le Conseil et la Commission soit aplanie dans le cas présent, le règlement proposé ne modifiant pas l'article 9 du règlement n° 4056/86.

[1] Cf. affaires jointes 209 à 213/84, Nouvelles Frontières, Rec. 1986, p. 1425, et affaire 66/86, Ahmed Saeed, Rec. 1989, p. 803.

C. Caractéristiques du système proposé

1. Une protection plus efficace de la concurrence

La proposition vise à renforcer la protection de la concurrence à l'intérieur de la Communauté de trois manières différentes.

a) Davantage d'autorités compétentes

Le système proposé se traduira par un renforcement de l'application des règles de concurrence communautaires, étant donné que les autorités de concurrence des États membres et les juridictions nationales seront, au même titre que la Commission, à même d'appliquer pleinement les articles 81 et 82.

Les autorités de concurrence nationales, qui ont été instituées dans tous les États membres, sont souvent bien équipées pour traiter les affaires touchant au droit communautaire de la concurrence. En règle générale, elles disposent des moyens nécessaires et sont proches des marchés.

En ce qui concerne les pays candidats, des progrès considérables ont déjà été réalisés pour ce qui est de la mise en place d'autorités nationales de la concurrence. Même s'il se peut que celles-ci ne disposent pas, dans un premier temps, de moyens suffisants pour garantir une protection efficace de la concurrence, la réforme proposée permettra à la Commission de renforcer les dispositifs d'application dans ces régions de la Communauté élargie. L'abandon proposé du système de notification et d'exemption permettra d'utiliser tous les moyens disponibles afin de protéger efficacement la concurrence.

L'un des éléments clés de la proposition de la Commission est la constitution d'un réseau comprenant la Commission et les autorités nationales de la concurrence, et prévoyant une étroite collaboration entre ces instances pour l'application des articles 81 et 82. Ce réseau offrira une infrastructure rendant possibles l'échange d'informations, même confidentielles, et la fourniture d'une assistance mutuelle; chacun de ses membres sera donc plus à même d'appliquer efficacement les articles 81 et 82. Le réseau garantira également une répartition efficace des affaires sur la base du principe de leur attribution à l'autorité la mieux placée pour les traiter.

Les juridictions nationales joueront également un rôle important et accru dans la mise en oeuvre des règles de concurrence communautaires. Contrairement aux autorités nationales ou à la Commission, qui agissent dans l'intérêt public, ces juridictions ont pour mission de protéger les intérêts individuels. Elles peuvent accorder des dommages-intérêts et ordonner l'exécution ou la non-exécution de contrats. Elles constituent le complément nécessaire à l'action des autorités publiques.

La proposition de la Commission vise à encourager les particuliers à faire valoir leurs droits devant les juridictions nationales. Tant l'article 81, paragraphe 1, que l'article 81, paragraphe 3, confèrent des droits aux particuliers, droits qui devraient être protégés par les tribunaux nationaux. La séparation des pouvoirs actuellement prévue par l'article 81 n'est pas conforme au rôle important que ces tribunaux jouent dans la mise en oeuvre du droit communautaire en général. Le système d'autorisation et le monopole de la Commission concernant l'application de l'article 81, paragraphe 3, qui sont prévus par le règlement n° 17 actuellement en vigueur, rendent très difficile une application de l'article 81, paragraphe 1, par les juridictions nationales. Le fait que la suppression de cet obstacle soit de nature à conduire à des applications plus fréquentes de l'article 81 et, partant, à augmenter le nombre d'affaires soumises aux juridictions nationales, ne saurait être avancé valablement à l'encontre de la réforme. De telles considérations ne devraient pas pouvoir entraver la mise en oeuvre d'une réforme dont l'objet est de renforcer l'application des règles et d'accroître la protection des droits individuels.

b) Recentrage de l'activité de la Commission

La proposition renforcera également la protection de la concurrence, en ce qu'elle permettra à la Commission de faire porter davantage son action sur la détection des infractions les plus graves. L'expérience de ces dernières décennies a montré que les notifications ne permettent pas à la Commission d'avoir connaissance d'infractions graves aux règles de concurrence. Le fait de devoir traiter un grand nombre de notifications empêche la Commission de centrer son activité sur la détection et la répression des infractions les plus graves, telles que les cartels, la forclusion d'un marché et les abus de position dominante. La suppression du système de notification et d'autorisation conformément au système proposé permettra à la Commission de porter toute son attention sur les plaintes et les procédures d'office débouchant sur des décisions d'interdiction, plutôt que de devoir établir ce qui n'est pas interdit. La Commission envisage d'expliciter dans une communication, à l'intention des plaignants potentiels, les modalités du traitement des plaintes. La communication fixera notamment un délai dans lequel la Commission devra indiquer au plaignant si elle a ou non l'intention de traiter sa plainte.

c) Des pouvoirs d'enquête étendus pour la Commission

Pour garantir une protection efficace de la concurrence, il convient également de s'assurer que les pouvoirs d'enquête conférés à la Commission sont suffisants et efficaces. En vertu du règlement n° 17 actuellement en vigueur, la Commission peut procéder à des inspections dans les locaux des entreprises et adresser des demandes d'information par écrit. Elle peut infliger des amendes aux entreprises qui ont enfreint les règles de fond et de procédure et infliger des astreintes.

Trois grandes améliorations doivent être apportées au système actuel en vue d'une application plus efficace des articles 81 et 82.

Il convient en premier lieu de codifier les règles relatives à l'obtention de décisions judiciaires au niveau national afin de pouvoir passer outre à l'opposition éventuelle d'une entreprise à une inspection. Cette codification permettra de préciser le rôle des juridictions nationales conformément aux limites établies par la Cour de justice.

Il est également nécessaire d'adapter les pouvoirs conférés aux agents de la Commission dans le cadre de leurs inspections: ces fonctionnaires doivent être habilités, sous réserve d'une autorisation judiciaire, à procéder à des vérifications au domicile du personnel des entreprises lorsque des documents professionnels sont susceptibles d'y être conservés. L'expérience des autorités de concurrence nationales et de la Commission montre que des documents à charge sont de plus en plus souvent conservés et découverts au domicile privé. Les inspecteurs de la Commission devraient aussi pouvoir apposer des scellés sur les armoires ou les bureaux afin de s'assurer que des documents n'en sont pas retirés pour être détruits. Ils devraient également pouvoir poser des questions orales dans le cadre de leur enquête.

Enfin, les amendes infligées en cas d'infraction aux règles de procédure et les astreintes, fixées en valeur absolue au cours des années 60, doivent être majorées. Un système fondé sur des montants exprimés en pourcentage du chiffre d'affaires est considéré comme la solution appropriée.

2. Des conditions de concurrence plus homogènes

Les règles de concurrence ont une incidence directe sur les activités commerciales des entreprises, qui doivent nécessairement s'adapter aux normes en vigueur dans un domaine donné. Pour que celles qui exercent des activités ayant des effets au-delà des frontières puissent tirer pleinement profit du marché intérieur, il importe que les conditions de concurrence soient homogènes dans l'ensemble de l'Union européenne.

La présente proposition permettra d'aller vers une plus grande homogénéité à deux égards. Premièrement, les règles de concurrence communautaires seront appliquées à un plus grand nombre de cas, ce qui permettra de limiter les risques de disparités liés à des législations nationales divergentes dans ce domaine. Deuxièmement, un certain nombre de mesures garantiront une application uniforme des articles 81 et 82 par les différentes instances décisionnelles concernées.

a) Une application accrue des règles de concurrence communautaires

Actuellement, lorsqu'une entente ou une pratique est susceptible d'affecter le commerce entre États membres, plusieurs législations nationales en matière de concurrence peuvent s'appliquer concurremment avec le droit communautaire. L'application du droit national n'est limitée que par le principe de la primauté du droit communautaire.

Plusieurs législations nationales de concurrence s'inspirent des articles 81 et 82. Il n'y a toutefois pas eu d'harmonisation formelle, et il subsiste des divergences, tant sur le plan juridique que sur le plan pratique, qui peuvent conduire à un traitement différent des ententes et pratiques affectant le commerce entre États membres.

Pour assurer des conditions de concurrence homogènes aux entreprises qui concluent des accords ou décident de pratiques ayant des effets au-delà des frontières, il est nécessaire, comme le prévoit l'article 83, paragraphe 2, point e), du traité CE, de réglementer les rapports entre les législations nationales et le droit communautaire. En conséquence, l'article 3 de la proposition de règlement prévoit que seul le droit communautaire de la concurrence est applicable lorsqu'un accord, une décision d'association d'entreprise ou une pratique concertée au sens de l'article 81, ou une pratique abusive au sens de l'article 82, est susceptible d'affecter le commerce entre États membres. Cette règle garantit, d'une manière simple et efficace, l'application d'un seul et même corpus de règles à toutes les opérations ayant un effet au-delà des frontières.

La proposition crée non seulement des conditions de concurrence homogènes dans l'ensemble de l'Union européenne, mais facilite également une attribution efficace des affaires au sein du réseau des autorités de concurrence, l'objectif étant que ces affaires soient examinées par l'autorité la mieux placée pour les traiter. Dans plusieurs États membres, lorsque l'autorité de concurrence a été saisie d'une affaire, elle est tenue de rendre une décision formelle. Une telle obligation peut empêcher une réattribution des affaires selon le critère de l'autorité la mieux placée pour les traiter. Pour remédier à ce problème concernant l'application des articles 81 et 82, la proposition de règlement permet aux autorités de concurrence de suspendre une procédure ou de rejeter une plainte au motif que l'affaire en question est ou a été traitée par une autre autorité de concurrence. Toutefois, la portée de cette disposition est limitée à l'application du droit communautaire en matière de concurrence. Grâce à l'article 3 de la propositon de règlement, l'efficacité de l'attribution des affaires ne sera pas compromise par l'application simultanée d'une législation nationale stipulant que l'autorité de concurrence nationale est tenue de rendre une décision formelle. Il convient d'éviter une application parallèle des règles de concurrence nationales et communautaires, sous peine de procédures parallèles inutiles.

b) Une application uniforme du droit communautaire de la concurrence

La mise en oeuvre d'une même législation et d'une même politique encouragera en soi l'homogénéité dans l'ensemble du marché intérieur. L'application des articles 81 et 82 par les autorités de concurrence et les juridictions nationales sera soumise à des règlements communautaires d'exemption par catégorie, ce qui conduira à la création de "sphères de sécurité" pour certaines catégories d'accords. Des précisions complémentaires seront apportées par la Commission dans des lignes directrices.

Les autorités de concurrence des États membres et les juridictions nationales seront également tenues de respecter la jurisprudence de la Cour de justice et du Tribunal de première instance des Communautés européennes, ainsi que la pratique administrative de la Commission. À cet égard, l'article 16 de la proposition de règlement dispose que les autorités de concurrence des États membres et les juridictions nationales devront s'efforcer d'éviter toute décision contradictoire avec les décisions adoptées par la Commission.

L'augmentation du nombre d'instances décisionnelles se traduira également par une jurisprudence et une pratique administrative plus importantes, ce qui permettra d'expliciter encore davantage la portée des règles de concurrence communautaires.

Plusieurs mécanismes supplémentaires seront également introduits afin de garantir une application uniforme des articles 81 et 82.

L'application des règles de concurrence communautaires par les juridictions nationales sera soumise à la procédure de renvoi préjudiciel prévue à l'article 234 du traité CE. La Cour de justice européenne jouera le même rôle important, sur le plan de l'uniformité du système, que celui qui a été et est toujours le sien dans d'autres domaines du droit communautaire. Étant donné que la proposition vise à encourager les particuliers à davantage faire valoir leurs droits devant les juridictions nationales, on peut s'attendre dans un premier temps à une augmentation du nombre de renvois en application de l'article 234. Il est peu probable toutefois que cette augmentation soit substantielle, étant donné que la plupart des affaires portées devant les tribunaux nationaux devraient se rapporter à des domaines pour lesquels le droit a été clairement établi.

L'article 15 de la proposition de règlement codifie l'obligation imposée à la Commission par l'article 10 du traité, de coopérer avec les juridictions nationales. Cette coopération comprend le droit, pour les juridictions nationales, de demander à la Commission de communiquer les informations dont elle dispose ou son avis sur des questions ayant trait à l'application des règles de concurrence communautaires. On s'attend à ce que ce mécanisme gagne en importance lorsque les juridictions nationales seront autorisées à appliquer également l'article 81, paragraphe 3.

Il est aussi proposé dans cet article de permettre à la Commission, agissant d'office, de soumettre, pour des raisons d'intérêt public communautaire, des observations écrites ou orales aux juridictions nationales. Ce mécanisme permettra à la Commission de contribuer à une application uniforme du droit communautaire de la concurrence par les juridictions nationales. Il est également proposé de donner aux autorités de concurrence nationales le pouvoir de soumettre des observations orales ou écrites aux juridictions de leur État membre.

En ce qui concerne les autorités nationales de la concurrence, la constitution d'un réseau dont tous les membres appliquent des législations et une politique identiques contribuera considérablement à accroître l'uniformité et l'homogénéité des conditions de concurrence dans l'ensemble du marché intérieur. La base juridique pour la création de ce réseau est l'article 11 de la proposition de règlement, en vertu duquel les autorités de concurrence des États membres et la Commission sont tenues d'appliquer les règles de concurrence communautaires en étroite collaboration. Les modalités de cette coopération seront précisées dans une communication. Le réseau encouragera le développement d'une culture de la concurrence commune dans l'ensemble de la Communauté.

La proposition de règlement instaure en outre certains mécanismes formels visant à garantir une application uniforme, parmi lesquels figure une procédure de consultation pour certains types de décisions arrêtées par les autorités de concurrence des États membres (voir article 11, paragraphe 4, de la proposition de règlement). En vertu de cette disposition, les autorités de concurrence des États membres sont tenues de consulter la Commission avant d'adopter des décisions d'interdiction, des décisions acceptant des engagements et des décisions retirant le bénéfice d'un règlement d'exemption par catégorie. Toutes ces décisions ont des répercussions directes pour leurs destinataires. Il est donc important de s'assurer de leur cohérence avec la pratique générale du réseau. En cas de désaccord substantiel au sein du réseau, la Commission conserve le pouvoir de dessaisir une autorité de concurrence nationale en ouvrant elle-même une procédure.

Il n'est pas nécessaire, pour assurer la cohérence, de prévoir une consultation préalable pour d'autres types de décisions arrêtées par les autorités de concurrence des États membres, telles que des décisions rejetant des plaintes et des décisions de non-intervention. Ces décisions ne lient que l'autorité qui les adopte et n'excluent pas une action de la part d'une autre autorité de concurrence ou la saisine d'une juridiction nationale à un stade ultérieur.

En ce qui concerne les décisions arrêtées par la Commission, il est proposé de maintenir l'obligation actuellement imposée à celle-ci de consulter le comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes.

3. Un niveau approprié de sécurité juridique pour les entreprises et une réduction des contraintes administratives

En vertu du règlement n° 17 actuellement en vigueur, un accord ou une décision tombant sous le coup de l'article 81, paragraphe 1, ne peuvent devenir valides, c'est-à-dire opposables devant une juridiction civile, que s'ils sont notifiés à la Commission et bénéficient d'une décision d'exemption de celle-ci. Dans la pratique, la plupart des affaires notifiées sont classées au moyen d'une lettre administrative des services de la Commission, dépourvue d'effets contraignants ("lettre administrative de classement").

La proposition de règlement supprime les obstacles administratifs liés à la procédure de notification et d'autorisation, tout en maintenant un niveau adéquat de sécurité juridique.

Il prévoit notamment que les accords et décisions qui satisfont aux conditions de l'article 81, paragraphe 3, sont valides et exécutoires ab initio, sans qu'une décision administrative soit nécessaire à cet effet. Les entreprises peuvent donc compter sur l'opposabilité devant les juridictions civiles, celle-ci renforçant leur sécurité juridique indépendamment de toute action de la part d'une instance administrative.

La proposition de règlement ne dispensera pas les entreprises de la nécessité de vérifier que les opérations commerciales qu'elles effectuent sont conformes aux règles de concurrence. En vertu de l'actuel règlement n° 17, elles procèdent à une telle analyse lors de l'élaboration de leurs notifications. La proposition aligne l'application des règles communautaires en matière de concurrence sur d'autres domaines juridiques dans lesquels les entreprises sont tenues de s'assurer elles-mêmes de la légalité de leurs pratiques.

Dans le domaine du droit communautaire de la concurrence, l'appréciation par les entreprises de leurs propres pratiques est facilitée par les exemptions par catégorie et par les communications et lignes directrices de la Commission, qui explicitent l'application des règles. Pour compléter la réforme, la Commission s'engage par ailleurs à intensifier ses efforts en la matière. L'article 28 de la proposition de règlement confère à la Commission une compétence générale pour adopter des règlements d'exemption par catégorie, ce qui lui permettra de réagir avec suffisamment de rapidité à de nouveaux développements et à de nouvelles conditions de marché.

De plus, en raison du nombre accru d'autorités compétentes pour appliquer l'article 81, paragraphe 3, le nouveau système entraînera un développement rapide de la jurisprudence et des pratiques concernant l'interprétation de cette disposition là où elles font encore défaut, renforçant par là-même le cadre de référence.

La Commission contribuera à ce développement en continuant à définir la politique dans ce domaine par les décisions qu'elle rendra dans différentes affaires. Outre les décisions d'interdiction, la proposition de règlement prévoit que la Commission, agissant de sa propre initiative, peut, pour des raisons d'intérêt public communautaire, arrêter des décisions constatant l'absence d'infraction. Ce mécanisme permettra à la Commission, en exposant sa position au sujet d'une affaire qui servira de référence, d'expliciter les règles pour toutes les entreprises se trouvant dans une situation similaire.

Enfin, la Commission restera ouverte à la discussion, en ce sens qu'elle pourra, le cas échéant, examiner certains dossiers avec les entreprises elles-mêmes. Elle donnera notamment des indications sur les accords, décisions ou pratiques concertées qui soulèvent un problème d'interprétation totalement inédit. Elle publiera à cet effet une communication, dans laquelle elle exposera les conditions dans lesquelles elle pourra émettre des avis motivés. Ce système d'avis motivés ne doit cependant pas donner aux entreprises le droit de solliciter un avis de la Commission, ce qui équivaudrait à réintroduire une sorte de système de notification.

III. subsidiarité et proportionnalité

Dans l'intérêt du marché intérieur, la proposition de règlement garantit l'application du droit communautaire de la concurrence aux accords et pratiques susceptibles d'affecter le commerce entre Etats membres; il crée de la sorte des conditions de concurrence homogènes dans l'ensemble de la Communauté. Il garantit également que la législation sera appliquée au niveau le plus approprié. Il prévoit en outre que la Commission partage sa compétence d'application de l'article 81, paragraphe 3, avec les autorités de concurrence des États membres et les juridictions nationales, ce qui permet à celles-ci d'appliquer effectivement les articles 81 et 82.

Les mécanismes de coopération prévus aux articles 12 et 21 de la proposition de règlement, qui permettent aux autorités de concurrence des États membres d'échanger des informations confidentielles et de s'entraider dans le cadre de leurs enquêtes, étendent considérablement les possibilités d'une intervention efficace au niveau national. En raison de l'intégration des marchés, les éléments de preuve et d'information devront de plus en plus souvent être recherchés dans plusieurs États membres. Une coopération horizontale accrue permettra aux autorités de concurrence des États membres d'accéder plus facilement à tous les faits pertinents.

La proposition de la Commission est donc tout à fait conforme au principe énoncé à l'article 5 du traité, selon lequel les mesures doivent être prises au niveau le plus approprié. Tout en contribuant à promouvoir l'intérêt qu'a la Communauté à ce que les conditions de concurrence soient homogènes dans l'ensemble du marché intérieur, la proposition garantit une application intégrale et effective des articles 81 et 82 par les autorités de concurrence des États membres et par les juridictions nationales dans tous les cas où une intervention au niveau national est plus efficace.

Étant la seule autorité habilitée à intervenir dans l'ensemble de l'Union européenne, la Commission continuera nécessairement à jouer un rôle central dans l'élaboration du droit et de la politique de concurrence communautaires et à en garantir une application uniforme dans tout le marché intérieur, prévenant ainsi une re-nationalisation des règles de concurrence communautaires. Néanmoins, l'élaboration et l'application de cette législation et de cette politique intéresseront toutes les autorités de concurrence concernées par l'application des articles 81 et 82. Les politiques à mettre en oeuvre seront discutées au sein du réseau.

La proposition ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs du traité. Celui-ci a notamment pour objet de créer un marché intérieur et un système dans lequel la concurrence n'est pas faussée. L'objectif fondamental de la présente proposition est d'améliorer la protection de la concurrence et de créer des conditions de concurrence homogènes dans toute la Communauté.

La proposition d'exclure l'application des législations nationales en matière de concurrence aux accords et aux pratiques affectant le commerce entre États membres est nécessaire afin que ce type d'accords et de pratiques soient soumis à un seul et même corpus de règles, ce qui est essentiel si l'on veut que la concurrence au sein du marché intérieur ne soit pas faussée en raison de législations divergentes et que les affaires soient efficacement attribuées au sein du réseau.

Pour que cette attribution soit efficace, il faut également que les membres du réseau se tiennent mutuellement informés de toutes les nouvelles affaires et qu'ils s'échangent des informations pertinentes à ce sujet. Il convient en outre que les autorités nationales de la concurrence procèdent à des consultations préalables au sujet des décisions d'interdiction, des décisions acceptant des engagements et des décisions retirant le bénéfice d'un règlement d'exemption par catégorie. Des incohérences concernant ce type de décisions seraient préjudiciables au marché intérieur et à l'objectif d'homogénéité des conditions de concurrence dans l'ensemble de la Communauté. Ces décisions ont également des conséquences importantes pour la politique commune du réseau en matière de concurrence. La Commission associera les autres membres du réseau au processus de consultation. Le fonctionnement du réseau sera précisé davantage dans une communication sur la coopération entre les autorités de concurrence.

La présente proposition part du principe que les autorités nationales de la concurrence appliqueront les articles 81 et 82 conformément aux règles de procédure en vigueur dans leur pays. Il n'est pas nécessaire, pour la mise en oeuvre de la réforme, de s'engager dans une harmonisation intégrale des règles de procédure nationales. Il convient par ailleurs de réglementer au niveau communautaire un nombre limité d'aspects ayant une incidence directe sur le bon fonctionnement du système proposé.

Il faut, avant tout, obliger les États membres à conférer à leurs autorités de concurrence respectives le pouvoir d'appliquer les articles 81 et 82.

Il y a lieu, également, de définir le contenu des décisions que les autorités de concurrence des États membres pourront adopter en application des articles 81 et 82 (voir article 5 de la proposition de règlement), de manière à garantir une application intégrale et effective du système d'exception légale. Aucune autorité de concurrence du réseau ne doit pouvoir adopter de décisions d'exemption constitutives de droits lorsqu'elle applique les règles de concurrence communautaires.

L'efficacité au niveau de l'attribution des affaires et de l'utilisation des ressources à l'intérieur du réseau exige que les autorités de concurrence des États membres ou la Commission puissent, comme le prévoit l'article 13 de la proposition de règlement, suspendre ou clôturer une procédure lorsque l'affaire en cause est ou a été traitée par un autre membre du réseau. Toutefois, il n'est ni nécessaire, ni approprié, d'obliger d'autres autorités de concurrence à suspendre ou à clôturer leurs procédures. C'est au réseau qu'il incombe de garantir en pratique une utilisation efficace des ressources disponibles.

La proposition de règlement fournit une base juridique pour l'échange d'informations et l'assistance mutuelle entre autorités nationales de la concurrence. Cette coopération horizontale est indispensable si l'on veut que ces autorités soient en mesure d'appliquer efficacement les articles 81 et 82.

Le pouvoir conféré à la Commission de présenter, pour des raisons d'intérêt public communautaire, des observations écrites et orales aux juridictions nationales saisies d'une affaire portant sur l'application des articles 81 et 82 (voir article 15) est nécessaire pour lui permettre de contribuer à l'application uniforme de ces articles. Une application divergente des règles de concurrence communautaires par les juridictions nationales menacerait le bon fonctionnement du marché intérieur et l'uniformité du système. Conformément au principe de subsidiarité, il est proposé que la Commission partage ce pouvoir avec les autorités de concurrence des États membres. De plus, les observations susmentionnées seront présentées conformément aux règles de procédure en vigueur dans l'État membre en question. La proposition ne prétend donc pas harmoniser les règles de procédure nationales, sauf en ce qui concerne la faculté accordée à la Commission et aux autorités de concurrence nationales de présenter des observations de leur propre initiative. Pour que la Commission et les autorités de concurrence des États membres puissent exercer efficacement cette nouvelle compétence, il convient d'obliger les juridictions nationales à fournir sur demande des informations se rapportant aux affaires dont elles ont été saisies et au sujet desquelles la Commission ou une autorité nationale de concurrence envisage ou a décidé de présenter des observations écrites ou orales.

IV. Le règlement, article par article

CHAPITRE PREMIER - DISPOSITIONS DE PRINCIPE

Article premier - Applicabilité directe

Cet article énonce le principe général régissant les nouvelles règles de mise en oeuvre des articles 81 et 82 en dehors du champ d'application des règlements d'exemption par catégorie. En plus de l'interdiction édictée à l'article 81, paragraphe 1, et de celle édictée à l'article 82, il prévoit l'application directe de l'article 81, paragraphe 3.

Selon cette disposition, les accords, décisions ou pratiques tombant sous le coup de l'article 81, paragraphe 1, et ne remplissant pas les conditions de l'article 81, paragraphe 3, sont interdits et nuls ab initio, conformément à l'article 81, paragraphes 1 et 2. En revanche, les accords, décisions et pratiques tombant sous le coup de l'article 81, paragraphe 1, mais remplissant les conditions de l'article 81, paragraphe 3, sont valides ab initio, sans requérir à cet effet une décision préalable d'une administration.

Lorsqu'elles appliquent l'article 81, paragraphe 1, toutes les instances décisionnelles, c'est-à-dire la Commission, les juridictions nationales et les autorités de concurrence des États membres, sont tenues d'examiner également si les conditions de l'article 81, paragraphe 3, sont remplies. Ce faisant, elles respectent l'interprétation de l'article 81, paragraphe 3, donnée par le juge communautaire. De surcroît, elles devraient tenir compte de tous les autres éléments d'interprétation, au nombre desquels figurent les lignes directrices, les communications et les décisions de la Commission.

Si elles estiment que les conditions de l'article 81, paragraphe 3, sont remplies, ou, au contraire, qu'elles ne le sont pas, toutes les instances décisionnelles doivent en tirer les conséquences juridiques appropriées conformément au règlement proposé et, le cas échéant, aux règles de procédure nationales pertinentes.

Article 2 - Charge de la preuve

Cet article précise à quelle partie incombe la charge de la preuve des faits invoqués pour attester que les conditions de l'article 81 sont remplies. Il est calqué sur la division prévue par le traité entre l'interdiction énoncée à l'article 81, paragraphe 1, et les conditions de non-application de ce paragraphe énoncées à l'article 81, paragraphe 3. Il est également conforme au principe que l'on retrouve très largement dans les législations des États membres, à savoir que chaque partie à un litige est tenue de prouver les éléments qu'elle invoque en sa faveur.

La disposition prévue assure un juste équilibre entre les parties. En particulier, celle qui invoque le bénéfice de l'article 81, paragraphe 3, est généralement la mieux placée pour disposer des informations requises pour apporter la preuve que les conditions énoncées dans cet article sont remplies (en ce qui concerne notamment l'utilité des accords ou décisions en cause). Il convient donc que ce soit à elle qu'incombe la charge de la preuve en ce qui concerne l'article 81, paragraphe 3.

Article 3 - Rapport entre les articles 81 et 82 et les droits nationaux de la concurrence

Cet article stipule que lorsqu'un accord ou une pratique est susceptible d'affecter le commerce entre États membres, seul le droit communautaire de la concurrence est applicable. Étant donné qu'elles sont habilitées à appliquer pleinement les articles 81 et 82, les autorités de concurrence des États membres appliqueront donc le droit communautaire dans tous les cas où le commerce entre États membres se trouve affecté.

Dans le système actuel, le même accord ou la même pratique peut être soumis au droit communautaire de la concurrence ainsi qu'à plusieurs droits nationaux de la concurrence. En vertu du principe de la primauté du droit communautaire de la concurrence, établi par la Cour de justice dans l'affaire Walt Wilhem [2], le droit national ne peut être appliqué que si sa mise en oeuvre ne porte pas préjudice à l'application uniforme des règles de concurrence communautaires dans l'ensemble du marché intérieur. Si ce principe de la primauté du droit communautaire permet de résoudre des conflits bien tranchés en faveur du droit communautaire, il ne permet pas cependant de prévenir efficacement les incohérences et les différences de traitement des accords et pratiques entre États membres, même si ces accords et pratiques affectent le commerce entre ces derniers.

[2] Cf. affaire 14/68, Walt Wilhem, Rec. 1969, p. 1.

Au stade actuel du développement de la Communauté, il est essentiel de garantir des conditions de concurrence homogènes dans l'ensemble de l'Union européenne, afin de permettre aux entreprises de tirer pleinement parti du marché intérieur. Comme l'atteste le contenu même de l'article 81, paragraphe 3, de nombreux accords ont des effets bénéfiques souhaitables pour le bien-être économique. Il est contradictoire avec la notion de marché intérieur que des accords et pratiques susceptibles d'affecter le commerce entre États membres soient soumis à des normes différentes et qu'un accord qui serait considéré comme sans danger ou bénéfique selon le droit communautaire puisse être interdit en vertu d'une législation nationale. Pour remédier efficacement à ce problème, il est nécessaire d'adopter la solution préconisée par la Cour de justice dans l'affaire Walt Wilhem, c'est-à-dire de réglementer les rapports entre législation nationale et droit communautaire de la concurrence, comme le prévoit l'article 83, paragraphe 2, point e), du traité CE.

L'article 3 garantit que les accords et pratiques de nature à affecter le commerce entre Etats membres seront examinés sur la base d'un seul ensemble de règles, ce qui favorisera l'homogénéité de la concurrence dans toute la Communauté et éliminera les coûts liés à l'application parallèle du droit communautaire et du droit national tant pour les autorités de concurrence que pour l'industrie. Cette disposition ne limite pas le champ d'action des autorités de concurrence nationales, qui seront en mesure d'appliquer le droit communautaire. L'expérience acquise au niveau national contribuera au développement de la politique communautaire de concurrence au sein du réseau.

Cet article garantit également que toutes les affaires qui concernent des accords ou des pratiques affectant le commerce entre États membres seront soumises aux mécanismes de coopération au sein du réseau des autorités de concurrence. Un des objectifs fondamentaux de la proposition de règlement est de faire en sorte que la Commission et les autorités de concurrence nationales puissent former un réseau d'autorités de concurrence qui coopèrent étroitement pour l'application des articles 81 et 82. Ce réseau comportera des mécanismes destinés à préserver l'uniformité du droit communautaire de la concurrence.

La proposition supprime le risque que l'application concurrente du droit communautaire et de la législation nationale n'affecte le bon fonctionnement du réseau. L'objectif recherché est d'assurer une attribution efficace des affaires, qui seront en général confiées à une seule autorité, celle qui est considérée comme la mieux placée pour agir. Cet objectif se trouverait entravé si les autorités nationales étaient tenues de continuer à traiter l'affaire selon leur droit national. Dans plusieurs États membres en effet, l'autorité de concurrence qui a été saisie d'une plainte sur la base de la législation nationale est tenue d'arrêter une décision motivée officielle. Il importe donc d'éviter ces procédures parallèles.

CHAPITRE II - COMPÉTENCES

Article 4 - Compétence de la Commission

Le paragraphe 1 confère à la Commission une compétence pour adopter les mesures prévues par le règlement.

Ces mesures peuvent premièrement être des décisions individuelles. La Commission conserve en effet un pouvoir d'application autonome qu'elle utilisera, non seulement pour poursuivre les infractions, mais également pour arrêter sa politique et assurer une application uniforme du droit communautaire de la concurrence.

Il peut également s'agir de règlements d'exemption par catégorie. L'article 28 confère à la Commission une compétence générale pour adopter de tels règlements.

L'élaboration de règlements d'exemption par catégorie est un élément fondamental de la mission conférée à la Commission, qui est d'assurer une application uniforme des règles de concurrence dans l'ensemble du marché intérieur. Ces règlements et la pratique décisionnelle de la Commission constituent la pierre angulaire d'un dispositif commun de règles d'application du droit de la concurrence, complété par des lignes directrices. Dans le nouveau système qui prévoit que les entreprises doivent, en règle générale, apprécier elles-mêmes si leur comportement est conforme à la législation, ce cadre législatif revêt une importance primordiale puisqu'il leur apporte la sécurité juridique.

Même s'ils contiennent des règles abstraites, les règlements d'exemption par catégorie ne créent pas une nouvelle législation pour les entreprises, mais codifient et précisent l'interprétation de l'article 81, paragraphe 3. Pour leur élaboration, la Commission peut se fonder sur l'expérience acquise lors du traitement de cas individuels. En vertu de l'article 16 de la proposition de règlement, elle disposera également d'informations sur l'application des articles 81 et 82 par les juridictions nationales dans tous les États membres. Elle sera donc mieux placée pour savoir dans quels domaines il importe de mettre au point ou d'adapter des règlements d'exemption par catégorie afin de suivre l'évolution de la situation et des conditions du marché qui se modifient très rapidement. À cet effet, la Commission coopère étroitement avec les autorités de concurrence des États membres.

Étant donné que les règlements d'exemption par catégorie ne peuvent autoriser un comportement qui serait en fait interdit par l'article 81, le bénéfice d'une exemption par catégorie peut être retiré s'il s'avère que dans un cas donné, un accord, une décision ou une pratique concertée a des effets incompatibles avec l'article 81, paragraphe 3. Selon le règlement proposé et dans l'esprit d'une application décentralisée mais uniforme, les autorités de concurrence nationales ont le pouvoir de retirer le bénéfice d'une exemption par catégorie si le marché géographique en cause ne dépasse pas le territoire de leur État membre (voir article 29, paragraphe 2). Les décisions dans ce sens doivent toutefois faire l'objet de consultations conformément à l'article 11, paragraphe 4.

Le paragraphe 2 confère à la Commission une compétence pour introduire une obligation d'enregistrement pour les catégories d'accords, de décisions ou de pratiques qui entrent dans le champ d'application de l'article 81, paragraphe 1, et qui ne sont pas couverts par des exemptions par catégorie. Conformément aux conditions indiquées dans ce paragraphe, la Commission peut définir les modalités de cette obligation, y compris d'éventuelles sanctions en cas de non-respect de celle-ci, par voie de règlement.

Article 5 - Compétence des autorités de concurrence des États membres

Cet article a pour objectif d'établir et de définir la compétence des autorités de concurrence des États membres pour appliquer les articles 81 et 82. Si des mesures supplémentaires sont nécessaires pour atteindre cet objectif en droit national, l'article 36 oblige les États membres à prendre ces mesures à une date à déterminer.

Les autorités de concurrence des États membres appliquent l'article 81 dans son ensemble, c'est-à-dire que chaque fois qu'elles appliquent l'article 81, paragraphe 1, elles sont également habilitées à déterminer si les conditions de l'article 81, paragraphe 3, sont remplies. Elles appliquent aussi l'article 82.

En présence d'une violation de l'article 81 dans son ensemble ou de l'article 82, les autorités de concurrence des États membres, agissant conformément au règlement proposé et aux règles de procédure nationales applicables, veillent à ce que le comportement en question soit sanctionné de manière effective. Le paragraphe 3 énumère le contenu des décisions qui peuvent être prises à cet effet. La proposition de règlement ne prévoit pas d'harmonisation des sanctions nationales mais les principes généraux du droit communautaire exigent que ces sanctions assurent une application effective.

Si une autorité de concurrence d'un État membre, saisit d'une plainte ou agissant d'office, estime qu'un comportement n'enfreint pas l'article 81 dans son ensemble ou l'article 82, elle peut clôturer la procédure ou rejeter la plainte par voie de décision, considérant qu'il n'y a pas lieu d'intervenir.

Ces décisions ne lient que l'autorité qui les adopte.

La proposition de règlement ne traite pas de l'effet des autres catégories de décisions adoptées par les autorités nationales de concurrence dans leur propre État membre. Il s'agit d'une matière relevant du droit national. Les décisions adoptées par les autorités de concurrence nationales n'ont pas d'effet juridique en dehors du territoire de l'État membre de ces autorités et ne lient pas davantage la Commission.

Article 6 - Compétence des juridictions nationales

Cet article établit la compétence des juridictions nationales en ce qui concerne l'article 81, paragraphe 3. Lorsqu'une juridiction applique l'article 81, paragraphe 1, elle est compétente pour appliquer l'article 81, paragraphe 3. Selon une jurisprudence bien établie, les tribunaux peuvent déjà appliquer l'article 81, paragraphes 1 et 2 et l'article 82.

Si une juridiction nationale estime que les conditions de l'article 81, paragraphe 3, sont remplies, elle doit - en l'absence d'autres objections - considérer que l'accord est valide ab initio. Elle doit alors le faire exécuter et rejeter les demandes de dommages-intérêts fondées sur une violation alléguée de l'article 81.

Inversement, si les conditions de l'article 81, paragraphe 3, ne sont pas remplies, les juridictions nationales doivent déclarer la nullité de l'accord ou de la décision ou d'une partie de ceux-ci en vertu de l'article 81, paragraphe 2, et elles peuvent octroyer des dommages-intérêts ou prendre toute autre décision découlant de la violation de l'article 81, paragraphe 1.

CHAPITRE III - DÉCISIONS DE LA COMMISSION

Article 7 - Constatation et cessation d'infractions

Cet article est le pendant de l'article 3 de l'actuel règlement n° 17, à deux exceptions près.

Premièrement, il est précisé que la Commission est compétente pour adopter une décision constatant une infraction non seulement lorsqu'elle ordonne qu'il soit mis fin à une infraction ou qu'elle impose une amende, mais aussi lorsqu'une infraction est terminée et qu'elle n'impose pas d'amende.

Conformément à la jurisprudence de la Cour de justice [3], le pouvoir conféré à la Commission d'adopter une décision constatant une infraction dans de telles circonstances est toutefois limité aux cas où la Commission a un intérêt légitime à le faire. Il peut en être ainsi, par exemple, lorsqu'il existe un risque que le destinataire de la décision ne récidive ou lorsque le cas soulève de nouveaux problèmes qu'il est dans l'intérêt public de clarifier.

[3] Voir affaire 7/82, GVL, Rec. 1983, p. 483.

Deuxièmement, la Commission est compétente pour imposer tous remèdes nécessaires pour faire cesser l'infraction, notamment des remèdes de nature structurelle. Ces remèdes peuvent être nécessaires pour faire cesser effectivement l'infraction. Cela peut être le cas notamment de certains accords de coopération et d'abus de position dominante, pour lesquels la cession de certains actifs peut s'imposer.

Article 8 - Mesures provisoires

En vertu de cet article, la Commission peut ordonner des mesures provisoires s'il existe un risque de préjudice grave et irréparable à la concurrence, corroboré à première vue par des preuves d'infraction. Il est également stipulé que les mesures provisoires sont prises pour une période maximale d'un an renouvelable.

La Commission agit dans l'intérêt public et non dans l'intérêt des opérateurs individuels. Il convient donc de veiller à ce qu'elle ne soit tenue d'adopter des mesures provisoires que s'il existe un risque de préjudice grave et irréparable à la concurrence. Les entreprises peuvent toujours se tourner vers les juridictions nationales, dont la véritable fonction est la protection des droits des particuliers.

Article 9 - Engagements

Le paragraphe 1 introduit un nouvel instrument habilitant la Commission à adopter des décisions acceptant les engagements offerts par les entreprises dans le cadre d'une procédure par laquelle elle envisage d'adopter une décision ordonnant la cessation d'une infraction présumée. Ces décisions constituent une solution appropriée lorsque les engagements offerts sont de nature à répondre aux objections de la Commission. Les décisions acceptant ces engagements établissent les faits de l'affaire ainsi que les preuves à première vue de l'infraction suspectée et incorporent les engagements acceptés.

Le destinataire de la décision de la Commission est tenu par la décision contenant les engagements, qui peut être invoquée par des tiers devant les juridictions nationales.

Cette limitation dans le temps garantit que les entreprises ne seront pas tenues par leurs engagements durant une période illimitée et que la Commission sera en mesure de réexaminer, si cela s'avère nécessaire, l'accord ou la pratique, de même que l'effectivité des engagements, après un certain temps.

Le paragraphe 2 prévoit que la décision ne formule aucune constatation quant à l'existence d'une infraction antérieurement aux engagement ou à l'absence d'infraction après ces mêmes engagements. Lorsque les engagements ont été acceptés par voie de décision, la Commission classe le dossier.

Le paragraphe 3 stipule que la Commission n'est autorisée à rouvrir la procédure que si les faits sur la base desquels elle a accepté les engagements se sont modifiés de manière essentielle, que si l'entreprise a offert les engagements a fourni des informations incomplètes, inexactes ou dénaturées ou que si l'entreprise contrevient à ces engagements.

Article 10 - Constatation d'inapplication

Dans le système proposé d'exception légale, les principales fonctions de la Commission consisteront à poursuivre les infractions, à développer la politique de concurrence et à promouvoir une application uniforme des règles au moyen de mesures générales telles que des règlements d'exemption par catégorie et des lignes directrices.

Toutefois, l'article 10 de la proposition du règlement donne également compétence à la Commission pour adopter des décisions constatant que l'article 81 est inapplicable, soit parce que les conditions de l'article 81, paragraphe 1, ne sont pas remplies, soit parce que les conditions de l'article 81, paragraphe 3, sont remplies et/ou que l'article 82 n'est pas applicable.

Ces décisions ne peuvent être prises qu'à l'initiative de la Commission et pour des raisons d'intérêt public communautaire. Ces conditions garantissent que les décisions constatant l'absence d'infraction ne puissent pas être obtenues à la demande des entreprises. Une telle possibilité compromettrait sérieusement l'objectif principal de la réforme qui est de centrer les activités de toutes les autorités de concurrence sur ce qui est interdit.

Dans le système décentralisé, la Commission, en tant que gardienne des traités et autorité centrale du dispositif, a un rôle particulier à jouer: elle définit la politique de concurrence et veille à l'application uniforme des articles 81 et 82 dans l'ensemble du marché intérieur. À cet effet, il importe de l'habiliter à arrêter des décisions positives lorsque l'intérêt public communautaire l'exige. Cette compétence permet à la Commission d'arrêter une décision constatant l'absence d'infraction, en particulier, pour les nouveaux types d'accords ou pratiques, ou pour les questions qui n'ont pas encore été réglées par la jurisprudence et la pratique décisionnelle existantes.

Les décisions constatant l'absence d'infraction arrêtées par la Commission sont de nature déclaratoire. L'instrument proposé diffère donc très sensiblement des décisions d'exemption actuelles en vertu de l'article 81, paragraphe 3, qui créent des droits opposables erga omnes pour la durée de la décision, même si la situation de fait à l'égard d'un élément essentiel à la décision s'est modifiée. Ces décisions de constatation d'absence d'infraction ont les effets d'actes communautaires. L'article 16 de la proposition de règlement institue, pour les autorités de concurrence nationales et les juridictions nationales, l'obligation générale de s'efforcer d'éviter des décisions contradictoires avec des décisions adoptées par la Commission. Les décisions constatant une absence d'infraction, arrêtées par la Commission en application de l'article 10, peuvent donc apporter une contribution importante à l'application uniforme du droit communautaire de la concurrence.

CHAPITRE IV - COOPÉRATION AVEC LES AUTORITÉS ET JURIDICTIONS NATIONALES

Article 11 - Coopération entre la Commission et les autorités de concurrence des Etats membres

Cet article pose le principe d'une coopération étroite devant permettre à la Commission et aux autorités de concurrence des États membres de travailler en réseau lorsqu'elles appliquent les articles 81 et 82 dans le cadre du règlement proposé. Il présente des informations de base et les mécanismes de consultation, dont les modalités précises seront définies dans un règlement d'application de la Commission conformément à l'article 34, et dans une communication sur la coopération entre autorités de concurrence.

Le paragraphe 1 pose le principe d'une coopération étroite entre, d'une part, la Commission et les autorités de concurrence des États membres et, d'autre part, entre ces dernières.

Le paragraphe 2 reprend la disposition de l'article 10, paragraphe 1, de l'actuel règlement n° 17 en l'adaptant au nouveau système d'application.

Le paragraphe 3 prévoit l'obligation, pour les autorités de concurrence nationales, d'informer rapidement la Commission des cas d'application de l'article 81 et de l'article 82 dont elles sont saisies. Dans la pratique, l'information sera transmise par voie électronique et diffusée à toutes les autorités des États membres par le réseau. Cette information vise à faciliter l'attribution des affaires, à engager suffisamment tôt une coopération sur ces dossiers et à permettre de traiter efficacement les plaintes multiples.

Le paragraphe 4 instaure une obligation de consultation pour toutes les décisions des autorités des États membres visant à ordonner la cessation d'une infraction aux articles 81 ou 82, ou à la sanctionner. Son objectif est de permettre une coordination des décisions d'interdiction et des décisions équivalentes afin de garantir une application uniforme.

Le paragraphe 5 précise que le principe d'une coopération étroite couvre également la consultation volontaire pour ce qui est des cas autres que ceux visés au paragraphe 4.

Le paragraphe 6 reprend les dispositions de l'article 9, paragraphe 3, de l'actuel règlement n° 17, à savoir le pouvoir de la Commission de dessaisir une autorité de concurrence nationale d'une affaire et de la traiter elle-même, en l'adaptant au nouveau système d'application. Cette disposition revêt une importance capitale dans le nouveau système car elle permet d'assurer une attribution efficace des affaires ainsi qu'une application uniforme du droit communautaire de la concurrence.

Article 12 - Échanges d'informations

Le paragraphe 1 institue une base juridique pour tout échange d'information entre la Commission et les autorités de concurrence des États membres et son utilisation comme moyen de preuve dans les procédures d'application du droit communautaire de la concurrence. Il couvre la transmission d'informations de la Commission à une autorité d'un État membre et vice versa, ainsi que la transmission d'informations entre autorités nationales. Cette disposition autorise également la transmission de l'intégralité d'un dossier, notamment de documents confidentiels. L'objectif est de permettre de transférer une affaire d'une autorité de concurrence à une autre dans l'intérêt d'une attribution efficace des affaires.

Le paragraphe 2 introduit des limites à l'utilisation des informations transmises en vertu du paragraphe 1, afin d'assurer que les entreprises concernées bénéficient de garanties procédurales appropriées. La première phrase limite l'utilisation des informations transmises à l'application des règles de concurrence communautaires. Aucun autre usage n'est possible. La seconde phrase limite encore l'utilisation des informations transmises pour ce qui est des sanctions. L'objectif de cette disposition est d'assurer un équilibre approprié entre les droits de la défense que les entreprises concernées pourraient invoquer dans l'État membre dont provient l'information et les sanctions qu'elles risquent dans l'État membre qui poursuit l'affaire. Il est proposé d'exclure l'utilisation de preuves échangées pour infliger des sanctions autres que pécuniaires.

Article 13 - Suspension ou clôture de la procédure

Cet article vise à garantir une attribution efficace des affaires au sein du réseau d'autorités de concurrence. Il donne aux autorités de concurrence des États membres et à la Commission le droit de suspendre une procédure ou de rejeter une plainte si la même affaire est ou a été traitée par une autre autorité de concurrence. Il supprime ainsi le risque de duplication du travail et l'incitation à des plaintes multiples.

Le paragraphe 1 crée une base juridique pour la suspension ou la clôture d'une procédure lorsqu'une plainte est déjà en cours d'examen auprès d'une autre autorité de concurrence. Il se substitue à toute disposition du droit national qui pourrait obliger certaines autorités de concurrence des États membres à se prononcer sur le fond de chaque plainte qu'elles reçoivent. Cette règle est sans préjudice d'autres motifs de rejet, ainsi que du pouvoir de la Commission de dessaisir les autorités de concurrence nationales d'une affaire en vertu de l'article 11, paragraphe 6.

Le paragraphe 2 contient une règle équivalente pour ce qui est des plaintes concernant un accord ou une pratique déjà traités par une autre autorité de concurrence.

Article 14 - Comité consultatif

L'article 14 maintient le comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes institué par l'actuel règlement n° 17. Ce comité a bien fonctionné dans le passé et cadre parfaitement avec le principe de coopération étroite entre la Commission et les autorités de concurrence des États membres. Les adaptations proposées, à savoir la procédure écrite et la possibilité d'examiner les affaires traitées par les autorités des États membres, permettent de l'adapter au nouveau système d'application.

Le paragraphe 1 énonce les catégories de décisions pour lesquelles la Commission est tenue de consulter le comité consultatif.

Le paragraphe 2 fixe la composition du comité. Il est calqué sur l'article 10, paragraphe 4, de l'actuel règlement n° 17.

Le paragraphe 3 définit les méthodes de travail du comité. Il reprend les éléments figurant à l'article 10, paragraphe 5, de l'actuel règlement n° 17. Pour améliorer l'efficacité des procédures, il prévoit que les États membres pourront accepter un délai de convocation plus court.

Le paragraphe 4 crée une base juridique pour une procédure écrite. Le but est de permettre des méthodes de travail plus souples et plus efficaces.

Le paragraphe 5 prévoit la possibilité que l'avis du comité consultatif soit publié selon les modalités prévues dans le règlement sur les concentrations.

Le paragraphe 6 crée une base juridique permettant l'examen d'un cas traité par une autorité de concurrence nationale. Il vise à permettre au comité de servir d'enceinte de discussion pour toutes les affaires pouvant être d'intérêt commun, notamment celles qui posent un problème sur le plan de l'application uniforme des articles 81 et 82. A la demande d'un Etat membre, la Commission inscrira normalement un cas à l'ordre du jour.

Article 15 - Coopération avec les juridictions nationales

Cet article vise à renforcer la coopération entre la Commission et les juridictions nationales afin de promouvoir une application uniforme des articles 81 et 82.

Le paragraphe 1 donne aux juridictions nationales le droit d'obtenir de la Commission les informations en sa possession aux fins de l'application des articles 81 et 82. Ces juridictions peuvent également demander l'avis de la Commission sur des questions touchant à l'application des règles de concurrence communautaires. La Commission explicitera ses pratiques dans ce domaine dans une communication qui remplacera la communication actuelle relative à la coopération entre les juridictions nationales et la Commission. Un délai de réponse sera notamment prévu.

Le paragraphe 2 vise à faciliter la surveillance de l'application des articles 81 et 82 par les juridictions nationales. Il impose aux juridictions nationales l'obligation de communiquer à la Commission copie des jugements faisant application des articles 81 ou 82. La portée de cette obligation d'information permettra de garder à un niveau minimal la charge administrative qui en découlera pour les juridictions nationales et la Commission. Du côté des juridictions en particulier, elle n'impliquera que très peu de travail supplémentaire, qui se limitera à du travail administratif. Dans la mesure du possible, la transmission sur support papier devrait être remplacée par une transmission électronique.

Le paragraphe 3 prévoit que la Commission et les autorités de concurrence nationales ont le droit de soumettre des observations écrites et orales aux juridictions des États membres. Dans le cas des autorités de concurrence nationales, ce droit se limite aux juridictions de leur propre État membre. La Commission ne peut agir dans le cadre de cette disposition que pour des raisons d'intérêt public communautaire (en tant qu'amicus curiae), c'est-à-dire qu'elle ne peut pas agir dans l'intérêt de l'une des parties. Cette disposition vise notamment à permettre à la Commission et aux autorités de concurrence nationales d'attirer l'attention de ces juridictions sur les questions qui présentent une importance considérable pour l'application uniforme du droit communautaire de la concurrence. Les juridictions nationales ne sont pas tenues de suivre un avis exprimé par la Commission ou une autorité de concurrence nationale. Le paragraphe 3 est sans préjudice de l'article 234 du traité CE.

Le second alinéa du paragraphe 3 prévoit que les juridictions nationales sont tenues d'informer la Commission ou les autorités de concurrence nationales, selon le cas, dans les affaires individuelles, uniquement sur demande expresse cependant, afin de garantir que la Commission ou ces autorités disposent de toutes les informations pertinentes au sujet de procédures pendantes devant une juridiction nationale, pour lesquelles elles envisagent de présenter des observations écrites ou orales. Il est essentiel que la Commission et les autorités de concurrence nationales soient pleinement informées sur le fond de l'affaire, premièrement pour décider en toute connaissance de cause si elles souhaitent présenter des observations conformément au paragraphe 3 et, deuxièmement, pour pouvoir présenter des observations qualitativement satisfaisantes.

Article 16 - Application uniforme du droit communautaire de la concurrence

Dans le nouveau système proposé, les décisions de la Commission continuent de jouer un rôle important en définissant la politique de concurrence et, étant donné leurs effets dans toute la Communauté, en préservant une uniformité dans l'ensemble du marché intérieur. Ces décisions sont des actes communautaires au sens de l'article 249 du traité CE et elles sont soumises à un système distinct de contrôle juridictionnel. Les tribunaux nationaux ne sont pas compétents pour contrôler la validité des actes communautaires. Ces contrôles relèvent de la responsabilité et de la compétence exclusives des juridictions communautaires qui, dans l'exercice de leurs responsabilités, garantissent une application uniforme du droit communautaire dans l'intérêt de l'ordre juridique communautaire et de la sécurité juridique.

Dans un système d'application caractérisé par une compétence parallèle de la Commission, des autorités de concurrence des pays membres et des tribunaux nationaux pour l'application des articles 81 et 82, il est essentiel de préserver une application uniforme du droit communautaire. En effet, s'il devait apparaître des différences significatives au niveau de l'application de ces dispositions, l'uniformité du droit communautaire de la concurrence et le bon fonctionnement du marché intérieur pourraient se trouver menacés. Il importe donc d'adopter des mesures destinées à remédier de manière efficace à ce risque d'une application non uniforme.

L'article 16 de la proposition de règlement impose aux juridictions et aux autorités de concurrence des États membres de s'efforcer dans toute la mesure du possible d'éviter de prendre des décisions contredisant les décisions adoptées par la Commission. Cette règle est sans préjudice de la jurisprudence de la Cour de justice.

L'objectif de cet article est de créer un système qui limite le risque de décisions contradictoires. Il est essentiel d'éviter que les juridictions et les autorités de concurrence des pays membres n'adoptent des décisions allant à l'encontre de décisions de la Commission, car la persistance de décisions contradictoires fondées sur le même corpus de lois nuirait au bon fonctionnement de l'ordre juridique communautaire.

L'éventualité de conflits dépend du dispositif de la décision de la Commission et des faits sur lesquels celle-ci se fonde. Lorsque la Commission a décelé une infraction, les juridictions et les autorités de concurrence des États membres doivent s'employer activement à éviter les conflits, dans la mesure où les faits matériels sont les mêmes. Cela vaut également pour les décisions d'inapplication couvertes par l'article 10 de la proposition de règlement.

Pour éviter de prendre des décisions contradictoires, les juridictions nationales peuvent notamment adresser une question préjudicielle à la Cour de justice en vertu de l'article 234 du traité CE ou - lorsqu'une décision de la Commission est pendante devant le juge communautaire - suspendre leur procédure. Dans ces deux cas de figure, la question est éclaircie par le juge communautaire dont les conclusions valent pour l'ensemble de la Communauté. Pour éviter de prendre des décisions contradictoires, les autorités de concurrence des États membres peuvent consulter la Commission et, si une décision de la Commission est pendante devant le juge communautaire, suspendre leur procédure.

CHAPITRE V - POUVOIRS D'ENQUÊTE

Article 17 - Enquêtes par secteurs économiques

Cet article reprend l'article 12 de l'actuel règlement n° 17. La surveillance des marchés permet dans une certaine mesure de détecter les infractions. Il convient donc de maintenir le recours aux enquêtes par secteurs économiques qui permettent à la Commission d'effectuer des enquêtes générales dans un secteur donné si l'évolution du marché laisse penser qu'il existe des restrictions de concurrence.

Article 18 - Demandes de renseignements

Cet article se fonde sur l'article 11 de l'actuel règlement n° 17.

Le texte n'appelle pas de modification essentielle. L'article proposé se borne à introduire une modification mineure:

Le paragraphe 3 permet aux avocats dûment mandatés de répondre aux demandes de renseignements pour le compte de leurs clients. Toutefois, les entreprises restent responsables de l'exactitude des renseignements fournis.

Article 19 - Pouvoir de recueillir des déclarations

Cet article crée une base juridique permettant à la Commission d'entendre des personnes physiques ou morales, faisant ou non l'objet de la procédure, et d'enregistrer leurs réponses. Cette disposition vient compléter une lacune au niveau des pouvoirs de la Commission en autorisant l'enregistrement des réponses verbales et leur présentation comme moyen de preuve dans la procédure.

Article 20 - Pouvoirs de la Commission en matière d'inspection

Cet article définit les pouvoirs de la Commission dans ce domaine. Il est en grande partie identique à l'article 14 de l'actuel règlement n° 17 mais propose certaines modifications afin d'améliorer l'efficacité des inspections.

En vertu de l'actuel règlement n° 17, les agents de la Commission sont investis du pouvoir de contrôler les livres ou autres documents professionnels, à en prendre copie ou extrait, à demander sur place des explications orales et à accéder à tous locaux, terrains et moyens de transport des entreprises. La proposition contient les modifications suivantes:

Le paragraphe 2 de l'article proposé introduit trois nouveaux éléments pour compléter les pouvoirs de la Commission afin de préserver l'efficacité des inspections:

Premièrement, le paragraphe 2, point b), prévoit une extension des pouvoirs de vérification aux domiciles privés si l'on peut suspecter que des documents de nature professionnelle y sont conservés. Cette extension se fonde sur l'expérience acquise à l'occasion d'affaires récentes, où il est apparu que du personnel de l'entreprise gardait ce type de documents à son domicile. Des éléments de preuve ont été trouvés, qui semblaient montrer que des documents à charge étaient délibérément conservés au domicile des intéressés. Avec les règles actuelles, les entreprises sont en mesure de faire échec aux inspections de la Commission. Pour préserver l'efficacité des inspections touchant à des infractions secrètes, il importe donc d'étendre les pouvoirs des inspecteurs de la Commission en les autorisant à effectuer des vérifications au domicile du personnel des entreprises où des documents seraient susceptibles d'y être conservés. L'article 20, paragraphe 7, soumet l'exercice de ce pouvoir à l'autorisation d'une juridiction nationale.

Deuxièmement, le paragraphe 2, point e), habilite les inspecteurs de la Commission à apposer des scellés sur des locaux ou des documents professionnels afin de s'assurer qu'aucun document ne disparaîtra durant l'inspection. Ce pouvoir sert à garantir l'efficacité des inspections, notamment lorsqu'une inspection dure plus d'une journée et que les agents de la Commission doivent quitter les locaux de l'entreprise avant de l'avoir terminée. La rupture des scellés est sanctionnée par des amendes en vertu de l'article 22, paragraphe 1, point d).

Troisièmement, le paragraphe 2, point f), stipule, sans préjudice de la jurisprudence de la Cour de justice, qu'au cours de l'inspection les inspecteurs de la Commission peuvent poser toutes les questions relatives à l'objet ou au but de celle-ci. Cette disposition est nécessaire pour améliorer l'efficacité des inspections, le libellé de l'actuel article 14 du règlement n° 17 ne permettant aux inspecteurs que de demander des explications orales relatives aux documents.

Le paragraphe 8 codifie la jurisprudence Hoechst [4] afin d'uniformiser les conditions imposées aux entreprises faisant l'objet d'inspections de la Commission dans l'ensemble du marché intérieur.

[4] Voir affaires jointes 46/87 et autres, Hoechst, Rec. 1989, p. 2859.

Lorsque la Commission décide de procéder à une inspection en vertu de l'actuel article 14, paragraphe 3, les autorités nationales qui l'assistent doivent, dans la plupart des États membres, obtenir une décision du juge pour passer outre à une opposition de la part des entreprises. La Cour de justice a dit pour droit dans l'affaire Hoechst que l'appréciation du juge national ne peut se substituer à celle de la Commission et que celui-ci ne peut contester la validité de la décision de la Commission. Le contrôle du juge national porte exclusivement sur l'authenticité de la décision de la Commission et le caractère ni arbitraire ni excessif des mesures de contrainte envisagées (c'est-à-dire la possibilité pour la Commission d'agir sans le consentement de l'entreprise) par rapport à l'objet ou au but de l'inspection. Pour permettre au juge de s'acquitter de sa mission, la Commission doit motiver suffisamment sa décision de procéder à une inspection.

Les pouvoirs des juges en ce qui concerne l'application des législations nationales en matière de concurrence diffèrent de ceux prévus pour l'application du droit communautaire de la concurrence. Cela peut risquer d'introduire une certaine confusion dans les procédures, certains juges ayant tendance à appliquer les règles nationales aux inspections fondées sur le droit communautaire. Pour que les inspections effectuées par la Commission soient régies par les mêmes règles dans l'ensemble du marché intérieur, il semble indispensable de préciser dans le nouveau règlement les règles définies dans l'arrêt Hoechst.

Article 21 - Enquêtes par les autorités de concurrence des États membres

Cet article se fonde sur l'article 13 de l'actuel règlement n° 17, mais il est adapté au nouveau système d'application des articles 81 et 82. Tout en laissant aux États membres la possibilité de procéder à des enquêtes sur leur territoire pour le compte de la Commission, il introduit la possibilité, pour les autorités de concurrence des États membres, d'effectuer des enquêtes pour le compte de l'autorité de concurrence d'un autre État membre. Cette disposition est nécessaire pour assurer une coopération efficace entre les autorités de concurrence des États membres qui leur permette de traiter des affaires dans lesquelles les preuves se trouvent en partie dans d'autres États membres. L'absence d'un tel mécanisme constituerait un obstacle sérieux à une véritable décentralisation de l'application des règles de concurrence communautaires.

CHAPITRE VI - SANCTIONS

Article 22 - Amendes

L'article 15 de l'actuel règlement n° 17 prévoit deux types d'amendes: des amendes pour manquement aux règles de procédure (demandes d'information, refus de se soumettre à une inspection, etc.) et des amendes pour des violations matérielles des articles 81 et 82.

Le paragraphe 1 modifie les amendes pour violation des règles de procédure qui, dans l'actuel règlement n° 17, peuvent aller de 100 à 5 000 euros. Ces montants n'ont plus aucun effet dissuasif. Il est proposé d'aligner ces amendes sur celles prévues dans le traité CECA qui peuvent atteindre un montant maximum de 1 % du chiffre d'affaires annuel total pour ce type d'infraction (article 47). Le règlement proposé introduit également des sanctions pour refus de répondre à des questions orales durant les enquêtes ou pour bris de scellés.

Le paragraphe 2 concerne les amendes pour infraction aux règles de fond. Il n'est pas proposé de modifier le niveau de cette seconde catégorie d'amendes (jusqu'à 10 % au maximum du chiffre d'affaires annuel total). Il est simplement nécessaire d'ajouter à la liste des infractions la violation d'une décision ordonnant des mesures provisoires et le non-respect d'engagements rendus obligatoires par voie de décision.

Le paragraphe 4 institue une nouvelle règle concernant les infractions commises par des associations d'entreprises. Le traité permet d'infliger des amendes aux associations pour infraction au droit communautaire de la concurrence. La Cour de justice a estimé que l'amende peut être calculée sur la base du chiffre d'affaires des membres de l'association. Dans la pratique toutefois, il est souvent impossible d'obtenir son paiement: il est rare que les associations disposent de ressources propres suffisantes à cet effet et il n'existe actuellement aucun moyen légal d'obtenir ce paiement auprès des membres de l'association. Une nouvelle règle est proposée pour permettre à la Commission, en cas de défaillance de l'association, d'obtenir le paiement auprès des membres de celle-ci.

Article 23 - Astreintes

Les règles concernant les astreintes ont également été modifiées en ce qui concerne les montants stipulés dans le règlement (l'actuel règlement n° 17 prévoit des astreintes allant de 50 à 1 000 euros). Il est proposé de fixer un plafond par rapport au chiffre d'affaires total, à savoir 5 % du chiffre d'affaires journalier moyen par jour de retard. C'est le montant prévu dans le traité CECA (article 47).

Par ailleurs, la création de nouvelles catégories de décisions, celles par lesquelles la Commission accepte des engagements et celles par lesquelles elle ordonne des mesures provisoires, exige que les astreintes puissent être imposées aux entreprises si celles-ci ne respectent ces décisions.

CHAPITRE VII - PRESCRIPTION

Article 24 - Prescription en matière d'imposition d'amendes

Cet article reprend les dispositions en la matière figurant dans le règlement n° 2988/74 et les intègre au règlement proposé. Le règlement n° 2988/74 ne s'appliquera donc plus aux amendes ou aux astreintes visées par le règlement proposé.

Les dispositions en matière de prescription ont été adaptées au nouveau système d'application. Le seul point significatif concerne l'application décentralisée prévue par la proposition de règlement: en vertu du règlement n° 2988/74, la prescription n'est interrompue par des actes des États membres que si ces derniers agissent à la demande de la Commission. Cette dernière condition est supprimée, de sorte que la prescription est également interrompue par des mesures prises par les autorités de concurrence des États membres appliquant les articles 81 ou 82, que ces mesures aient été ou non demandées par la Commission.

Article 25 - Prescription en matière d'exécution

Comme l'article 24, cet article reprend les dispositions du règlement n° 2988/74 en matière de prescription et les intègre au règlement proposé. Il a fait l'objet de la même adaptation que l'article 24.

CHAPITRE VIII - AUDITIONS ET SECRET PROFESSIONNEL

Article 26 - Audition des parties, des plaignants et des autres tiers

Sur la base de l'article 19 de l'actuel règlement n° 17, la Commission a mis au point une pratique d'audition équitable et d'accès au dossier partiellement exposée dans sa communication de 1997 relative à l'accès au dossier. Il est proposé dans cet article de confirmer le droit d'accès au dossier, les modalités de l'exercice de ce droit étant précisées dans la communication de la Commission.

Article 27 - Secret professionnel

Le paragraphe 1 reprend la disposition de l'article 20, paragraphe 1, de l'actuel règlement n° 17. Cette disposition limite l'utilisation des informations recueillies en application des articles 17 à 21 aux fins pour lesquelles elles ont été recueillies. L'application de l'article 27, paragraphe 1, est sans préjudice de l'application de dispositions plus spécifiques du règlement, à savoir l'article 12 et l'article 15.

Le paragraphe 2 soumet également à l'obligation de secret professionnel instituée par l'article 20, paragraphe 2, de l'actuel règlement n° 17, toutes les informations confidentielles échangées par les autorités de concurrence nationales en application du règlement proposé. Cette disposition complète les garanties visées à l'article 12, paragraphe 2.

CHAPITRE IX - EXEMPTIONS PAR CATÉGORIE

Article 28 - Adoption des règlements d'exemption

Actuellement, la Commission est habilitée par le Conseil à arrêter des règlements d'exemption par catégorie dans le domaine des accords verticaux, des droits de propriété intellectuelle, des accords de spécialisation et de recherche-développement, de l'assurance, ainsi que dans certains secteurs des transports.

Cet article précise le pouvoir conféré à la Commission d'arrêter des règlements d'exemption par catégorie et les conditions auxquelles ces règlements devront satisfaire. L'adoption de règlements d'exemption par catégorie requiert une double audition du comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes.

Article 29 - Retrait individuel

Le paragraphe 1 prévoit, à l'instar du cadre juridique existant, que la Commission peut retirer le bénéfice d'un règlement d'exemption par catégorie, si elle constate après examen du cas qu'un accord spécifique ne satisfait pas aux conditions de l'article 81, paragraphe 3.

Le paragraphe 2 propose de donner aux autorités de concurrence des États membres le pouvoir de retirer le bénéfice de l'application d'un règlement d'exemption par catégorie sur leur propre territoire si ce dernier présente toutes les caractéristiques d'un marché géographique distinct. Actuellement, ce pouvoir des autorités de concurrence nationales se limite au domaine des accords verticaux [5]. Pour garantir une application uniforme des règlements d'exemption par catégorie, qui sont des actes communautaires, il est nécessaire de prévoir une consultation préalable de la Commission lorsque ces autorités nationales envisagent d'adopter des décisions retirant le bénéfice d'un règlement d'exemption par catégorie (voir article 11, paragraphe 4, de la proposition de règlement).

[5] Cf. article 1er, paragraphe 4, du règlement (CE) n° 1215/1999 du Conseil, modifiant le règlement (CEE) n° 19/65 concernant l'application de l'article 81, paragraphe 3, du traité à des catégories d'accords et de pratiques concertées.

Article 30 - Règlement de non-application

Cet article prévoit que dans les règlements d'exemption par catégorie, la Commission peut se réserver le pouvoir d'exclure de leur champ d'application, par voie de règlement, certains accords, décisions ou pratiques concertées en vigueur sur un marché déterminé. Il est en effet assez fréquent que les effets anticoncurrentiels découlent de l'existence d'un certain nombre d'accords ou de réseaux d'accords parallèles [6]. Dans ce type de cas il n'est pas efficace de procéder par voie de retrait individuel pour chaque accord ou réseau. La bonne réponse à une telle situation consiste à cesser d'appliquer l'exemption par catégorie à un marché particulier.

[6] Voir à cet égard l'article 1er, paragraphe 2, du règlement n° 1215/1999.

CHAPITRE X - DISPOSITIONS GÉNÉRALES

Article 31 - Publication des décisions

Cet article équivaut à l'article 21 de l'actuel règlement n° 17.

Article 32 - Contrôle de la Cour de justice des Communautés européennes

La proposition est identique à l'article 17 de l'actuel règlement n° 17.

Article 33 - Exclusions du champ d'application

Cet article précise les domaines auxquels le règlement ne s'applique pas. Il s'agit de certains domaines du secteur des transports maritimes et aériens qui ne sont pas couverts par les règles d'application actuelles des articles 81 et 82 (voir règlements nos 4056/86 et 3975/87).

Article 34 - Dispositions d'application

Cet article confère à la Commission le droit d'adopter des dispositions en vue de l'application du règlement et énumère un certain nombre de domaines susceptibles d'être couverts par de telles dispositions.

CHAPITRE XI - DISPOSITIONS TRANSITOIRES ET FINALES

Article 35 - Dispositions transitoires

Le paragraphe 1 précise que les notifications et demandes équivalentes présentées en application des actuels règlements nos 17, 1017/68, 4056/86 et 3975/87 deviennent caduques à compter de la date d'application du règlement.

Dans son deuxième alinéa, il tire la conséquence de l'introduction du nouveau régime en prévoyant que les décisions d'exemption existantes cessent d'être valides à la date d'application du règlement.

Le paragraphe 2 garantit que les actes de procédure accomplis en application des actuels règlements nos 17, 1017/68, 4056/86 et 3975/87 conservent leurs effets pour l'application du nouveau règlement proposé. Les procédures ouvertes, par exemple, en vertu des articles 3 et 15 de l'actuel règlement n° 17 se poursuivront sur la base du règlement proposé et seront soumises aux nouvelles dispositions à partir de la date d'application de celles-ci.

Article 36 - Désignation des autorités de concurrence des États membres

Cet article institue pour les États membres l'obligation de doter leurs autorités de concurrence du pouvoir d'appliquer intégralement les articles 81 et 82 dans la mesure où des mesures nationales s'imposent en plus des dispositions de l'article 6. Dans le nouveau système de mise en oeuvre décentralisée, il est indispensable, pour pouvoir appliquer efficacement les articles 81 et 82, que les autorités de concurrence des États membres soient dotées de tous les pouvoirs nécessaires. Il s'agit également d'une condition préalable au bon fonctionnement du réseau d'autorités de concurrence. Sans cette précaution, l'attribution des affaires ne pourrait se faire comme prévu et la Commission pourrait être obligée de prendre en charge une part disproportionnée d'affaires concernant des marchés d'un État membre dont l'autorité de concurrence ne pourrait pas appliquer les articles 81 et 82.

Article 37 - Modification du règlement (CEE) n° 1017/68

Cet article abroge certaines règles procédurales spécifiques définies dans le règlement n° 1017/68, dont les règles de fond restent toutefois applicables. Ces modifications sont nécessaires afin d'instituer un système de mise en oeuvre englobant le secteur des transports.

Article 38 - Modification du règlement (CEE) n° 2988/74

Cet article dispose que le règlement n°2988/74 n'est pas applicable aux amendes ou aux astreintes visées par le règlement proposé.

Article 39 - Modification du règlement (CEE) n° 4056/86

Cet article abroge certaines règles procédurales spécifiques définies dans le règlement n° 4056/86, dont les règles de fond restent toutefois applicables. Ces modifications sont nécessaires afin d'instituer un système de mise en oeuvre englobant le secteur des transports.

Article 40 - Modification du règlement n° 3975/87

Cet article abroge certaines règles procédurales spécifiques définies dans le règlement n° 3975/87, dont les règles de fond restent toutefois applicables. Ces modifications sont nécessaires afin d'instituer un système de mise en oeuvre englobant le secteur des transports.

Article 41 - Abrogations

Cet article donne la liste des règlements qui seront remplacés par le présent règlement proposé.

Article 42 - Entrée en vigueur

Cet article régit l'entrée en vigueur du règlement.

2000/0243 (CNS)

RÈGLEMENT DU CONSEIL relatif à la mise en oeuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité et modifiant les règlements (CEE) n° 1017/68, (CEE) n° 2988/74, (CEE) n° 4056/86 et (CEE) n° 3975/87

(« règlement d'application des articles 81 et 82 du traité »)

(Texte présentant un intérêt pour l'EEE)

LE CONSEIL DE L'UNION EUROPÉENNE,

vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 83,

vu la proposition de la Commission [7],

[7] JO C

vu l'avis du Parlement européen [8],

[8] JO C

vu l'avis du Comité économique et social [9],

[9] JO C

considérant ce qui suit :

(1) Il y a lieu, pour établir un régime assurant que la concurrence n'est pas faussée dans le marché commun, de pourvoir à l'application efficace et uniforme des articles 81 et 82 du traité dans la Communauté. Le règlement n°17 du Conseil du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité [10], a permis de développer une politique communautaire du droit de la concurrence qui a contribué à la diffusion d'une culture de la concurrence dans la Communauté. Il convient toutefois aujourd'hui, à la lumière de l'expérience acquise, de remplacer ledit règlement afin de prévoir des dispositions adaptées aux défis d'un marché intégré et d'un élargissement futur de la Communauté.

[10] JO 13 du 21.2.1962, p. 204/62. Règlement modifié en dernier lieu par le règlement (CE) n° 1216/1999 (JO L 148 du 15.6.1999, p. 5).

(2) Il convient en particulier de repenser le mode de fonctionnement de la disposition d'exception à l'interdiction des accords restrictifs de concurrence contenue dans l'article 81, paragraphe 3. A cet égard, il y a lieu, aux termes de l'article 83, paragraphe 2, point b), de tenir compte de la nécessité, d'une part, d'assurer une surveillance efficace et, d'autre part, de simplifier dans toute la mesure du possible le contrôle administratif.

(3) Le régime centralisé mis en place par le règlement n°17 n'est plus en mesure d'assurer l'équilibre entre ces deux objectifs. D'une part, il freine l'application des règles de concurrence communautaires par les juridictions et les autorités de concurrence des Etats membres et le système de notification qu'il implique empêche la Commission de se concentrer sur la répression des infractions les plus graves. D'autre part, il entraîne pour les entreprises des coûts importants.

(4) Il convient dès lors de remplacer ce régime par un système d'exception légale, dans lequel les autorités de concurrence et les juridictions des Etats membres sont compétentes non seulement pour appliquer l'article 81, paragraphe 1, et l'article 82, directement applicables en vertu de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes, mais également l'article 81, paragraphe 3.

(5) Il y a lieu de préciser dans ce contexte, conformément à la jurisprudence développée dans le cadre du règlement n° 17, que la charge de la preuve de ce que les conditions de l'article 81, paragraphe 3, sont remplies incombe à la partie qui invoque le bénéfice de cette disposition; cette partie est en effet normalement la mieux placée pour démontrer que les conditions dudit paragraphe sont remplies.

(6) Pour assurer l'application efficace des règles de concurrence communautaires, il y a lieu d'y associer davantage les autorités de concurrence nationales. A cette fin, elles doivent disposer du pouvoir d'appliquer le droit communautaire.

(7) Les juridictions nationales remplissent une fonction essentielle dans l'application des règles communautaires de concurrence. Elles sauvegardent les droits subjecfifs résultant du droit communautaire en statuant sur les litiges entre particuliers, notamment en octroyant des dommages et intérêts aux victimes des infractions. Le rôle des juridictions nationales est, à cet égard, complémentaire de celui des autorités de concurrence des Etats membres. Il est dès lors nécessaire de leur permettre d'appliquer pleinement les articles 81 et 82 du traité.

(8) Afin de garantir que les règles de concurrence appliquées aux opérateurs économiques dans la Communauté soient homogènes, il est nécessaire de réglementer, sur la base de l'article 83, paragraphe 2, point e), les rapports entre les articles 81 et 82 et le droit national de la concurrence en excluant l'application des législations nationales aux accords, décisions et pratiques visés par ces articles.

(9) Si, dans le nouveau système, l'application des règles sera décentralisée, l'uniformité du droit communautaire requiert en revanche que la détermination des règles reste au niveau central. Il y a lieu à cette fin de donner à la Commission une compétence générale pour adopter des règlements d'exemption par catégorie afin de lui permettre d'adapter et de préciser le cadre législatif. Cette compétence doit s'exercer en étroite coopération avec les autorités de concurrence des Etats membres. Elle doit être sans préjudice des règles subsistantes des règlements du Conseil (CEE) n° 1017/68 [11], (CEE) n° 4056/86 [12] et (CEE) n° 3975/87 [13] dans le secteur des transports.

[11] JO L 175 du 23.7.1968, p. 1. Règlement modifié en dernier lieu par l'acte d'adhésion de l'Autriche, de la Finlande et de la Suède.

[12] JO L 378 du 31.12. 1986, p. 4. Règlement modifié par l'acte d'adhésion de l'Autriche, de la Finlande et de la Suède.

[13] JO L 374 du 31.12.1987, p. 1. Règlement modifié en dernier lieu par le règlement (CE) n° 2410/92 (JO L 240 du 24.8. 1992, p. 18 ).

(10) Le système de notifications étant supprimé, il peut s'avérer utile, pour accroître la transparence, d'introduire une obligation d'enregistrement pour certains types d'accords. A cette fin, il convient de donner le pouvoir à la Commission de créer une obligation d'enregistrement de certains types d'accords. Si un tel système d'enregistrement est créé, il ne devra donner aucun droit à une décision au sujet de la compatibilité de l'accord enregistré avec le traité et ne devra pas nuire à la poursuite efficace des infractions.

(11) Pour veiller à l'application des dispositions du traité, la Commission doit pouvoir adresser aux entreprises ou aux associations d'entreprises des décisions tendant à faire cesser les infractions aux articles 81 et 82. Dès lors qu'il existe un intérêt légitime, elle doit également pouvoir adopter des décisions de constatation d'infraction lorsque l'infraction est terminée même si elle n'impose pas d'amende. Il convient par ailleurs d'inscrire expressément dans le règlement le pouvoir reconnu à la Commission par la Cour de justice d'adopter des décisions ordonnant des mesures provisoires.

(12) Lorsque, dans le cadre d'une procédure visant à une interdiction, des entreprises présentent à la Commission des engagements de nature à répondre à ses objections, la Commission doit pouvoir, par décision, rendre ces engagements obligatoires pour les entreprises afin qu'ils puissent être invoqués par les tiers devant les juridictions nationales et que leur non-respect puisse être sanctionné par des amendes et des astreintes sans que la décision ne prenne position sur l'application de l'article 81 ou de l'article 82.

(13) Il peut également être utile dans des cas exceptionnels, lorsque l'intérêt public communautaire le requiert, que la Commission adopte une décision de nature déclaratoire constatant l'inapplication de l'interdiction énoncée par l'article 81 ou par l'article 82, et ce afin de clarifier le droit et d'en assurer une application cohérente dans la Communauté.

(14) Pour que la Commission et les autorités de concurrence des Etats membres forment ensemble un réseau d'autorités publiques appliquant les règles de concurrence communautaires en étroite coopération, il est nécessaire de créer des mécanismes d'information et de consultation et de permettre les échanges d'informations, même confidentielles, entre les membres du réseau tout en prévoyant des garanties adéquates pour les entreprises.

(15) Tant pour garantir l'application cohérente des règles de concurrence que pour assurer une gestion optimale du réseau, il est indispensable de maintenir la règle selon laquelle les autorités de concurrence des Etats membres sont automatiquement dessaisies lorsque la Commission ouvre une procédure.

(16) Afin d'assurer une allocation optimale des affaires au sein du réseau, il convient de prévoir une disposition générale permettant à une autorité de concurrence de suspendre ou de clôturer une affaire au motif qu'une autre autorité traite ou a traité la même affaire, l'objectif étant que chaque affaire ne soit traitée que par une seule autorité. Cette disposition ne doit pas faire obstacle à la possibilité, reconnue à la Commission par la jurisprudence de la Cour de justice, de rejeter une plainte pour défaut d'intérêt communautaire même lorsqu'aucune autre autorité de concurrence n'a indiqué son intention de traiter l'affaire.

(17) Le fonctionnement du comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes institué par le règlement n° 17 s'est avéré très satisfaisant. Ce comité s'insère parfaitement dans le nouveau système de mise en oeuvre décentralisée. Il y a donc lieu de prendre comme fondement les règles établies par le règlement n° 17 tout en améliorant l'efficacité de l'organisation des travaux. A cette fin, il est utile de permettre que les avis puissent être rendus par procédure écrite. En outre, le comité consultatif doit pouvoir servir de forum pour la discussion d'affaires traitées par les autorités de concurrence des Etats membres, contribuant ainsi au maintien d'une application cohérente des règles de concurrence communautaires.

(18) L'application cohérente des règles de concurrence requiert également la mise en place de mécanismes de coopération entre les juridictions des Etats membres et la Commission. Il est en particulier utile de permettre aux juridictions nationales de s'adresser à la Commission pour obtenir des informations ou des avis au sujet de l'application du droit communautaire de la concurrence. D'autre part, il est nécessaire de permettre à la Commission et aux autorités de concurrence des Etats membres de formuler des observations écrites ou orales devant les juridictions lorsqu'il est fait application des articles 81 ou 82. A cette fin, il y a lieu de s'assurer que la Commission et les autorités de concurrence des Etats membres puissent disposer d'informations suffisantes au sujet des procédures judiciaires nationales.

(19) Dans un système de compétences parallèles, afin de garantir le respect des principes de la sécurité juridique et de l'application uniforme des règles de concurrence communautaires, les conflits de décisions doivent être évités. Lorsque la Commission a adopté une décision, les autorités de concurrence et les juridictions des Etats membres doivent dès lors s'efforcer de ne pas la contredire. Dans ce contexte, il convient de rappeler que les juridictions ont la possibilité de poser des questions préjudicielles à la Cour de justice.

(20) La Commission doit disposer dans toute l'étendue de la Communauté du pouvoir d'exiger les renseignements et de procéder aux inspections qui sont nécessaires pour déceler les accords, décisions et pratiques concertées interdits par l'article 81 ainsi que l'exploitation abusive d'une position dominante interdite par l'article 82. Les autorités de concurrence des Etats membres doivent apporter leur active collaboration à l'exercice de ces pouvoirs.

(21) La détection des infractions aux règles de concurrence devenant de plus en plus difficile, il est nécessaire, pour protéger efficacement la concurrence, de compléter les pouvoirs d'enquête de la Commission. La Commission doit notamment pouvoir entendre toute personne susceptible de disposer d'informations utiles et pouvoir enregistrer ses déclarations. En outre, au cours d'une inspection, les agents mandatés par la Commission doivent pouvoir apposer des scellés et demander toutes informations en rapport avec l'objet et le but de l'inspection.

(22) Il est utile, dans le respect de la jurisprudence de la Cour de justice, de préciser les limites du contrôle que peut exercer le juge national lorsqu'il est appelé, conformément au droit national, à intervenir pour permettre le recours à la force publique pour surmonter l'opposition d'une entreprise à une inspection ordonnée par décision.

(23) En outre, l'expérience a montré que des documents professionnels sont souvent conservés au domicile des dirigeants et des collaborateurs des entreprises. Afin de préserver l'efficacité des inspections, il convient donc de permettre aux agents mandatés par la Commission d'accéder à tous les locaux dans lesquels des documents professionnels sont susceptibles d'être conservés, y compris les domiciles privés. L'exercice de ce dernier pouvoir doit néanmoins être subordonné à l'intervention de l'autorité judiciaire.

(24) Afin d'accroître la possibilité, pour les autorités de concurrence des Etats membres, d'appliquer efficacement les articles 81 et 82, il est utile de leur permettre de s'assister mutuellement par des mesures d'enquête.

(25) Le respect des articles 81 et 82 et l'exécution des obligations imposées aux entreprises et aux associations d'entreprises en application du présent règlement doivent pouvoir être assurés au moyen d'amendes et d'astreintes. A cette fin, il y a lieu de prévoir également pour les infractions aux règles de procédure des montants d'amendes appropriés.

(26) Les règles relatives à la prescription en ce qui concerne l'imposition d'amendes et d'astreintes ont été établies par le règlement (CEE) n° 2988/74 du Conseil [14] qui vise également les sanctions applicables en matière de transports. Dans un système de compétences parallèles, il est nécessaire d'ajouter, au nombre des actes susceptibles d'interrompre la prescription, les actes de procédure autonomes effectués par une autorité de concurrence d'un Etat membre. Pour clarifier le cadre législatif, il est dès lors opportun de modifier le règlement (CEE) n° 2988/74 afin d'exclure son application au domaine couvert par le présent règlement et d'inclure dans le présent règlement des dispositions relatives à la prescription.

[14] JO L 319 du 29.11.1974, p. 1.

(27) Il convient de consacrer le droit des entreprises intéressées d'être entendues par la Commission, de donner aux tiers dont les intérêts peuvent être affectés par une décision l'occasion de faire valoir au préalable leurs observations, ainsi que d'assurer une large publicité des décisions prises. Tout en assurant les droits de la défense des entreprises concernées, et notamment le droit d'accès au dossier, il est indispensable de protéger les secrets d'affaires. En outre, il convient d'assurer que la confidentialité des informations échangées au sein du réseau soit protégée.

(28) Toutes les décisions prises par la Commission en application du présent règlement étant soumises au contrôle de la Cour de justice dans les conditions définies par le traité, il convient de prévoir, en application de l'article 229 du traité, l'attribution à celle-ci de la compétence de pleine juridiction en ce qui concerne les décisions par lesquelles la Commission inflige des amendes ou des astreintes.

(29) Les principes contenus dans les articles 81 et 82 du traité tels que mis en oeuvre par le règlement n° 17 confient aux organes de la Communauté une place centrale qu'il convient de maintenir, tout en associant davantage les Etats membres à l'application des règles de concurrence communautaires. Conformément aux principes de subsidiarité et de proportionnalité tels qu'énoncés à l'article 5 du traité, le présent règlement se limite au minimum requis pour atteindre son objectif qui est de permettre l'application efficace des règles de concurrence communautaires, et n'excède pas ce qui est nécessaire à cette fin.

(30) La jurisprudence ayant clarifié que les règles de concurrence s'appliquent au secteur des transports, ce secteur doit être soumis aux dispositions de procédure du présent règlement. Il convient par conséquent de modifier les règlements (CEE) n° 1017/68, (CEE) n° 4056/86 et (CEE) n° 3975/87 afin de supprimer les dispositions spécifiques de procédure qu'ils comportent.

(31) Pour tenir compte du nouveau régime mis en place par le présent règlement, il y a lieu d'abroger le règlement n° 141 du Conseil du 26 novembre 1962 portant non-application du règlement n° 17 du Conseil au secteur des transports [15], le règlement n° 19/65/CEE du Conseil du 2 mars 1965 concernant l'application de l'article 85, paragraphe 3, du traité à des catégories d'accords et de pratiques concertées [16], le règlement (CEE) n° 2821/71 du Conseil du 20 décembre 1971 concernant l'application de l'article 85, paragraphe 3, du traité à des catégories d'accords, de décisions et de pratiques concertées [17], le règlement (CEE) n° 3976/87 du Conseil du 14 décembre 1987 concernant l'application de l'article 85, paragraphe 3, du traité à des catégories d'accords et de pratiques concertées dans le domaine des transports aériens [18], le règlement (CEE) n° 1534/91 du Conseil du 31 mai 1991 concernant l'application de l'article 85, paragraphe 3, du traité à certaines catégories d'accords, de décisions et de pratiques concertées dans le domaine des assurances [19] et le règlement (CEE) n° 479/92 du Conseil du 25 février 1992 concernant l'application de l'article 85, paragraphe 3, du traité à certaines catégories d'accords, de décisions et de pratiques concertées entre compagnies maritimes de ligne (« consortiums ») [20],

[15] JO 124 du 28.11.1962, p. 2751/62. Règlement modifié en dernier lieu par le règlement n° 1002/67/CEE (JO 306 du 16.12.1967, p. 1).

[16] JO 36 du 6.3.1965, p.533/65 . Règlement modifié en dernier lieu par le règlement (CE) n° 1215/1999 (JO L 148 du 15.6.1999, p.1).

[17] JO L 285 du 29. 12.1971, p. 46. Règlement modifié en dernier lieu par l' acte d'adhésion de l'Autriche, de la Finlande et de la Suède.

[18] JO L 374 du 31.12.1987, p. 9. Règlement modifié en dernier lieu par l'acte d'adhésion de l'Autriche, de la Finlande et de la Suède.

[19] JO L 143 du 7.6.1991, p.1.

[20] JO L 55 du 29. 2. 1992,p. 3. Règlement modifié par l'acte d'adhésion de l'Autriche de la Finlande et de la Suède.

A ARRÊTÉ LE PRÉSENT RÈGLEMENT:

CHAPITRE PREMIER

DISPOSITIONS DE PRINCIPE

Article premier

Applicabilité directe

Les accords, décisions et pratiques concertées visées à l'article 81, paragraphe 1, du traité qui ne remplissent pas les conditions de l'article 81, paragraphe 3, ainsi que l'exploitation abusive d'une position dominante visée à l'article 82 sont interdits sans qu'une décision préalable soit nécessaire à cet effet.

Article 2

Charge de la preuve

Dans toutes les procédures nationales et communautaires pour l'application des articles 81 et 82 du traité, la charge de la preuve d'une violation de l'article 81, paragraphe 1, ou de l'article 82 incombe à celui qui l'allègue. En revanche, il incombe à celui qui invoque le bénéfice des dispositions de l'article 81, paragraphe 3, d'apporter la preuve que les conditions de ce paragraphe sont remplies.

Article 3

Rapport entre les articles 81 et 82 et les droits nationaux de la concurrence

Lorsqu'un accord, une décision d'association d'entreprises ou une pratique concertée au sens de l'article 81 du traité ou l'exploitation abusive d'une position dominante au sens de l'article 82, est susceptible d'affecter le commerce entre Etats membres, le droit communautaire de la concurrence est applicable à l'exclusion des droits nationaux de la concurrence.

CHAPITRE II

COMPETENCES

Article 4

Compétence de la Commission

1. Pour l'application des articles 81 et 82 du traité, la Commission dispose des pouvoirs prévus par le présent règlement.

2. La Commission peut définir par voie de règlement des types d'accords, de décisions d'association d'entreprises et de pratiques concertées visées par l'article 81, paragraphe 1, du traité soumis à une obligation d'enregistrement par les entreprises. Dans ce cas, elle définit également les modalités de cet enregistrement ainsi que les sanctions applicables en cas de non-respect de l'obligation. L'enregistrement d'un accord, d'une décision d'association ou d'une pratique concertée ne peut conférer aucun droit aux entreprises ou associations d'entreprises qui l'effectuent et ne fait pas obstacle à l'application du présent règlement.

Article 5

Compétence des autorités de concurrence des Etats membres

Les autorités de concurrence des Etats membres sont compétentes pour appliquer, dans des cas individuels, l'interdiction de l'article 81, paragraphe 1, du traité lorsque les conditions de l'article 81, paragraphe 3, ne sont pas remplies, et l'interdiction de l'article 82. A cette fin, elles peuvent, agissant d'office ou saisies d'une plainte, adopter toute décision ordonnant la cessation d'une infraction, arrêtant des mesures provisoires, acceptant des engagements ou imposant des amendes, astreintes ou toute autre sanction prévue par leur droit national. Lorsque sur la base des informations dont elles disposent, les conditions d'une interdiction ne sont pas réunies, elles peuvent également décider qu'il n'y a pas lieu pour elles d'intervenir.

Article 6

Compétence des juridictions nationales

Les juridictions nationales devant lesquelles l'interdiction de l'article 81, paragraphe 1, du traité est invoquée sont compétentes pour appliquer également l'article 81, paragraphe 3.

CHAPITRE III

DECISIONS DE LA COMMISSION

Article 7

Constatation et cessation d'infraction

1. Si la Commission constate, sur plainte ou d'office, une infraction aux dispositions de l'article 81 ou 82 du traité, elle peut obliger par voie de décision les entreprises et associations d'entreprises intéressées à mettre fin à l'infraction constatée. A cette fin, elle peut leur imposer toutes les obligations nécessaires, y compris des remèdes de nature structurelle. Lorsqu'elle y a un intérêt légitime, elle peut également constater une infraction terminée.

2. Sont habilités à déposer une plainte au sens du paragraphe 1 les Etats membres et les personnes physiques ou morales qui font valoir un intérêt légitime.

Article 8

Mesures provisoires

1. En cas d'urgence due au risque d'un préjudice grave et irréparable à la concurrence, la Commission, agissant d'office, peut, sur la base d'un constat prima facie d'infraction, ordonner par voie de décision des mesures provisoires.

2. Une décision prise en application du paragraphe 1 est applicable pour une période maximale d'un an renouvelable.

Article 9

Engagements

1. Lorsque la Commission envisage d'adopter une décision de cessation d'infraction et que les entreprises concernées offrent des engagements de nature à répondre aux objections de la Commission, celle-ci peut, par voie de décision, rendre ces engagements obligatoires pour les entreprises. La décision est adoptée pour une durée déterminée.

2. Sans préjuger de la question de savoir s'il y a eu ou s'il continue à y avoir infraction aux dispositions de l'article 81 ou 82 du traité, la décision met fin à la procédure.

3. La Commission peut rouvrir la procédure:

a) si la situation de fait à l'égard d'un élément essentiel à la décision se modifie;

b) si les entreprises concernées contreviennent à leurs engagements; ou

c) si la décision repose sur des informations incomplètes, inexactes ou dénaturées.

Article 10

Constatation d'inapplication

Pour des raisons d'intérêt public communautaire, la Commission, agissant d'office, peut constater par décision qu'en fonction des éléments dont elle a connaissance, l'article 81 du traité est inapplicable à un accord, une décision d'association d'entreprises ou une pratique concertée soit parce que les conditions de l'article 81, paragraphe 1, ne sont pas remplies, soit parce que les conditions de l'article 81, paragraphe 3, sont remplies.

La Commission peut également faire une telle constatation au titre de l'article 82 du traité.

CHAPITRE IV

COOPERATION AVEC LES AUTORITES ET JURIDICTIONS NATIONALES

Article 11

Coopération entre la Commission et les autorités de concurrence des Etats membres

1. La Commission et les autorités de concurrence des Etats membres appliquent les règles de concurrence communautaires en étroite collaboration.

2. La Commission transmet sans délai aux autorités de concurrence des Etats membres copie des pièces les plus importantes qu'elle a recueillies en vue de l'application des articles 7, 8, 9 et 10.

3. Lorsque les autorités de concurrence des Etats membres sont saisies d'un cas d'application de l'article 81 ou de l'article 82 du traité ou agissent d'office pour l'application desdits articles, elles en informent la Commission au début de leur procédure.

4. Lorsque les autorités de concurrence des Etats membres envisagent d'adopter, en application des articles 81 et 82 du traité, une décision ordonnant la cessation d'une infraction, acceptant des engagements ou retirant le bénéfice d'un règlement d'exemption par catégorie, elles consultent préalablement la Commission. A cette fin, elles lui communiquent au plus tard un mois avant l'adoption de la décision un exposé de l'affaire et copies des documents les plus importants établis dans le cadre de leur procédure. A la demande de la Commission, elles lui transmettent copie de toute autre pièce du dossier.

5. Les autorités de concurrence des Etats membres peuvent consulter la Commission sur tout autre cas d'application du droit communautaire.

6. L'ouverture d'une procédure en vue de l'adoption d'une décision en application du présent règlement par la Commission prive les autorités de concurrence des Etats membres de leur compétence pour appliquer les articles 81 et 82 du traité.

Article 12

Echanges d'informations

1. Nonobstant toute disposition nationale contraire, la Commission et les autorités de concurrence des Etats membres peuvent se communiquer et utiliser comme moyen de preuve tout élément de fait ou de droit, y compris des informations confidentielles.

2. Les informations transmises en vertu du paragraphe 1 ne peuvent être utilisées que pour l'application du droit communautaire de la concurrence. Sur la base des informations transmises, les seules sanctions qui peuvent être imposées sont des sanctions de nature pécuniaire.

Article 13

Suspension ou clôture de la procédure

1. Lorsque les autorités de concurrence de plusieurs Etats membres sont saisies d'une plainte ou poursuivent une procédure d'office au titre de l'article 81 ou de l'article 82 du traité contre un même accord, une même décision d'association ou une même pratique, le fait qu'une autorité traite l'affaire constitue pour les autres autorités un motif suffisant pour suspendre leur procédure ou rejeter la plainte. La Commission peut également rejeter une plainte au motif qu'une autorité de concurrence d'un Etat membre la traite.

2. Lorsqu'une autorité de concurrence d'un Etat membre ou la Commission est saisie d'une plainte contre un accord, une décision d'association ou une pratique qui a déjà été traitée par une autre autorité de concurrence, elle peut la rejeter.

Article 14

Comité consultatif

1. Un comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes est consulté préalablement à toute décision prise en application des articles 7, 9, 10, 22 et 23, paragraphe 2.

2. Le comité consultatif est composé de représentants des autorités de concurrence des Etats membres. Chaque Etat membre désigne un représentant qui peut être remplacé en cas d'empêchement par un autre représentant.

3. La consultation peut avoir lieu au cours d'une réunion sur l'invitation de la Commission qui en assure la présidence, et ce au plus tôt quatorze jours après l'envoi de la convocation. Les Etats membres peuvent accepter un délai de convocation inférieur à quatorze jours. La Commission annexe à la convocation un exposé de l'affaire indiquant les pièces les plus importantes et un avant-projet de décision. Le comité consultatif émet un avis sur l'avant-projet de décision de la Commission. Il peut émettre un avis même si des membres sont absents et n'ont pas été représentés.

4. La consultation peut également avoir lieu par procédure écrite. Dans ce cas, la Commission fixe un délai aux Etats membres pour formuler leurs observations. A la demande d'un Etat membre, la Commission doit toutefois organiser une réunion.

5. L'avis est consigné par écrit et joint au projet de décision. Le comité consultatif peut recommander la publication de l'avis. La Commission peut procéder à cette publication. La décision de publication tient dûment compte de l'intérêt légitime des entreprises à ce que leurs secrets d'affaires ne soient pas divulgués.

6. La Commission peut, de sa propre initiative ou à la demande d'un Etat membre, inscrire un cas traité par une autorité de concurrence d'un Etat membre à l'ordre du jour du comité consultatif pour discussion avant l'adoption de la décision finale.

Article 15

Coopération avec les juridictions nationales

1. Dans le cadre de procédures d'application des articles 81 ou 82 du traité, les juridictions des Etats membres peuvent demander à la Commission des informations en sa possession ou des avis au sujet de questions relatives à l'application des règles de concurrence communautaires.

2. Les juridictions des Etats membres communiquent à la Commission copie des jugements faisant application des articles 81 ou 82 du traité dans un délai d'un mois à compter de leur prononcé.

3. Pour des raisons d'intérêt public communautaire, la Commission peut, agissant d'office, soumettre des observations écrites ou orales aux juridictions des Etats membres au sujet de procédures soulevant des questions d'application des articles 81 ou 82 du traité. Elle peut se faire représenter par les autorités de concurrence des Etats membres. Celles-ci peuvent également, de leur propre initiative, soumettre des observations écrites ou orales aux juridictions nationales de leur Etat.

A cette fin, la Commission et les autorités de concurrence des Etats membres peuvent demander aux juridictions nationales de leur transmettre tout document nécessaire.

Article 16

Application uniforme du droit communautaire de la concurrence

En vertu de l'article 10 du traité et du principe de l'application uniforme du droit communautaire, les juridictions nationales et les autorités de concurrence des Etats membres doivent s'efforcer d'éviter toute décision contradictoire avec des décisions adoptées par la Commission.

CHAPITRE V

POUVOIRS D'ENQUETE

Article 17

Enquêtes par secteurs économiques

1. Si dans un secteur économique l'évolution des échanges entre Etats membres, la rigidité des prix ou d'autres circonstances font présumer que la concurrence est restreinte ou faussée à l'intérieur du marché commun, la Commission peut procéder à une enquête générale et, dans le cadre de cette dernière, demander aux entreprises de ce secteur les renseignements et effectuer les inspections nécessaires à l'application des articles 81 et 82 du traité.

La Commission peut notamment demander à toute entreprise ou association d'entreprises du secteur considéré de lui communiquer tous accords, décisions et pratiques concertées.

2. Les dispositions des articles 18 à 23 s'appliquent mutatis mutandis.

Article 18

Demandes de renseignements

1. Pour l'accomplissement des tâches qui lui sont assignées par le présent règlement, la Commission peut demander tous les renseignements nécessaires aux gouvernements et aux autorités de concurrence des Etats membres, ainsi qu'aux entreprises et associations d'entreprises.

2. Dans sa demande de renseignements, la Commission indique les bases juridiques, le délai dans lequel les renseignements doivent être fournis et le but de sa demande, ainsi que les sanctions prévues aux articles 22 et 23 au cas où un renseignement inexact, incomplet ou dénaturé serait fourni.

3. Sont tenues de fournir les renseignements demandés les propriétaires des entreprises ou leurs représentants et, dans le cas de personnes morales, de sociétés ou d'associations n'ayant pas la personnalité juridique, les personnes chargées de les représenter selon la loi ou les statuts. Les avocats dûment mandatés peuvent fournir les renseignements demandés au nom de leurs mandants. Ces derniers restent pleinement responsables du caractère complet, exact et non dénaturé des renseignements fournis.

4. Si une entreprise ou une association d'entreprises ne fournit pas les renseignements requis dans le délai imparti ou les fournit de façon incomplète, la Commission les demande par voie de décision. Cette décision précise les renseignements demandés et fixe un délai approprié dans lequel les renseignements doivent être fournis. Elle indique les sanctions prévues à l'article 22, paragraphe 1, point a), et indique ou inflige les sanctions prévues à l'article 23, paragraphe 1, point d). Elle indique également le recours ouvert devant la Cour de justice des Communautés européennes contre la décision.

Article 19

Pouvoir de recueillir des déclarations

Pour l'accomplissement des tâches qui lui sont assignées par le présent règlement, la Commission peut entendre toute personne physique ou morale susceptible de disposer d'informations utiles afin de lui poser des questions relatives à l'objet d'une enquête et d'enregistrer ses réponses.

Article 20

Pouvoirs de la Commission en matière d'inspection

1. Pour l'accomplissement des tâches qui lui sont assignées par le présent règlement, la Commission peut procéder à toutes les inspections nécessaires auprès des entreprises et associations d'entreprises.

2. Les agents mandatés par la Commission pour procéder à une inspection sont investis des pouvoirs suivants:

a) accéder à tous locaux, terrains, moyens de transport des entreprises et associations d'entreprises concernées;

b) accéder à tout autre local y compris au domicile des chefs d'entreprise, des administrateurs, des directeurs et des autres membres du personnel des entreprises et associations d'entreprises dans la mesure où il peut être suspecté que des documents de nature professionnelle y sont conservés;

c) contrôler les livres ainsi que toute autre documentation professionnelle quel qu'en soit le support;

d) prendre copie ou extrait des documents contrôlés;

e) apposer des scellés sur tous locaux ou documents professionnels pendant la durée de l'inspection;

f) demander à tout représentant ou membre du personnel de l'entreprise ou de l'association d'entreprise des informations en rapport avec l'objet et le but de l'inspection et enregistrer ses réponses.

3. Les agents mandatés par la Commission pour procéder à une inspection exercent leurs pouvoirs sur production d'un mandat écrit qui indique l'objet et le but de l'inspection, ainsi que la sanction prévue à l'article 22 au cas où les livres ou autres documents professionnels requis seraient présentés de manière incomplète et où les réponses aux demandes faites en application du paragraphe 2 du présent article seraient inexactes, incomplètes ou dénaturées. La Commission avise, en temps utile avant l'inspection, l'autorité de concurrence de l'Etat membre sur le territoire duquel l'inspection doit être effectuée.

4. Les entreprises et associations d'entreprises sont tenues de se soumettre aux inspections que la Commission a ordonnées par voie de décision. La décision indique l'objet et le but de l'inspection, fixe la date à laquelle elle commence et indique les sanctions prévues à l'article 22 et à l'article 23, ainsi que le recours ouvert devant la Cour de justice contre la décision. La Commission prend ces décisions après avoir entendu l'autorité de concurrence de l'Etat membre sur le territoire duquel l'inspection doit être effectuée.

5. Les agents de l'autorité de concurrence de l'Etat membre sur le territoire duquel l'inspection doit être effectuée doivent, sur la demande de cette autorité ou sur celle de la Commission, prêter activement assistance aux agents de la Commission. Ils disposent à cette fin des pouvoirs définis au paragraphe 2.

6. Lorsque les agents mandatés par la Commission constatent qu'une entreprise s'oppose à une inspection ordonnée en vertu du présent article, l'Etat membre intéressé leur prête l'assistance nécessaire, en requérant au besoin la force publique, pour leur permettre d'exécuter leur mission d'inspection.

Si l'intervention de l'autorité judiciaire est requise par le droit national pour permettre le recours à la force publique, cette intervention peut être demandée à titre préventif.

7. Lorsque les agents mandatés par la Commission veulent faire usage du pouvoir prévu au paragraphe 2, point b), l'intervention préalable de l'autorité judiciaire est obligatoire.

8. Le contrôle de la légalité de la décision de la Commission est réservé à la Cour de justice. Le contrôle du juge national porte exclusivement sur l'authenticité de la décision de la Commission et le caractère ni arbitraire ni excessif des mesures de contraintes envisagées par rapport à l'objet de l'inspection. Le juge national ne peut ni contrôler la nécessité de l'inspection ni exiger que lui soient présentés d'autres éléments que ceux exposés dans la décision de la Commission.

Article 21

Enquêtes par les autorités de concurrence des Etats membres

1. Une autorité de concurrence d'un Etat membre peut procéder sur son territoire à toute mesure d'enquête en application de son droit national au nom et pour le compte de l'autorité de concurrence d'un autre Etat membre afin d'établir une infraction à l'article 81 ou à l'article 82 du traité. Elle transmet les informations recueillies à l'autorité demanderesse en application de l'article 12 du présent règlement.

2. Sur demande de la Commission, les autorités de concurrence des Etats membres procèdent aux inspections que la Commission juge indiquées au titre de l'article 20, paragraphe 1, ou qu'elle a ordonnées par voie de décision prise en application de l'article 20, paragraphe 4. Les agents des autorités de concurrence des Etats membres chargées de procéder aux inspections exercent leurs pouvoirs sur production d'un mandat écrit délivré par l'autorité de concurrence de l'Etat membre sur le territoire duquel l'inspection doit être effectuée. Ce mandat indique l'objet et le but de l'inspection.

Les agents de la Commission peuvent, sur sa demande ou sur celle de l'autorité de concurrence de l'Etat membre sur le territoire duquel l'inspection doit être effectuée, prêter assistance aux agents de l'autorité concernée.

CHAPITRE VI

SANCTIONS

Article 22

Amendes

1. La Commission peut, par voie de décision, infliger aux entreprises et associations d'entreprises des amendes jusqu'à concurrence de 1% du chiffre d'affaires total réalisé au cours de l'exercice social précédent lorsque, de propos délibéré ou par négligence:

a) elles fournissent un renseignement inexact, incomplet ou dénaturé en réponse à une demande faite en application de l'article 17 ou de l'article 18, paragraphe 1 ou paragraphe 4, ou ne fournissent pas un renseignement dans le délai fixé dans une décision prise en vertu de l'article 18, paragraphe 4;

b) elles présentent de façon incomplète, lors des inspections effectuées au titre de l'article 20 ou de l'article 21, paragraphe 2, les livres ou autres documents professionnels requis, ou ne se soumettent pas aux inspections ordonnées par voie de décision prise en application de l'article 20, paragraphe 4;

c) elles refusent de répondre à une question posée en application de l'article 20, paragraphe 2, point f), ou répondent de manière inexacte, incomplète ou dénaturée;

d) des scellés apposés par les agents mandatés de la Commission en application de l'article 20, paragraphe 2, point e), ont été rompus.

2. La Commission peut, par voie de décision, infliger aux entreprises et associations d'entreprises des amendes jusqu'à concurrence de 10% du chiffre d'affaires total réalisé au cours de l'exercice social précédent par chacune des entreprises ayant participé à l'infraction, lorsque, de propos délibéré ou par négligence:

a) elles commettent une infraction aux dispositions de l'article 81 ou de l'article 82 du traité;

b) elles contreviennent à une décision ordonnant des mesures provisoires prise au titre de l'article 8 du présent règlement;

c) elles ne respectent pas un engagement rendu obligatoire par décision en vertu de l'article 9 du présent règlement.

3. Pour déterminer le montant de l'amende, il y a lieu de prendre en considération, outre la gravité de l'infraction, la durée de celle-ci.

4. Lorsqu'une amende au titre du présent règlement est imposée à une association d'entreprises et que celle-ci n'est pas solvable, la Commission peut exiger le paiement de l'amende auprès de chacune des entreprises membres de l'association au moment de l'infraction. Le montant exigé de chacun des membres ne peut excéder 10% de son chiffre d'affaires total réalisé au cours de l'exercice social précédent.

5. Les décisions prises en application des paragraphes 1 et 2 n'ont pas un caractère pénal.

Article 23

Astreintes

1. La Commission peut, par voie de décision, infliger aux entreprises et associations d'entreprises des astreintes jusqu'à concurrence de 5% du chiffre d'affaires journalier moyen réalisé au cours de l'exercice social précédent par jour de retard à compter de la date qu'elle fixe dans sa décision, pour les contraindre:

a) à mettre fin à une infraction aux dispositions de l'article 81 ou de l'article 82 du traité conformément à une décision prise en application de l'article 7 du présent règlement,

b) à respecter une décision ordonnant des mesures provisoires prise en application de l'article 8;

c) à respecter un engagement rendu obligatoire par décision en vertu de l'article 9;

d) à fournir de manière complète et exacte un renseignement qu'elle a demandé par voie de décision prise en application de l'article 18, paragraphe 4;

e) à se soumettre à une inspection qu'elle a ordonnée par voie de décision en application de l'article 20.

2. Lorsque les entreprises ou les associations d'entreprises ont satisfait à l'obligation pour l'exécution de laquelle l'astreinte a été infligée, la Commission peut fixer le montant définitif de celle-ci à un chiffre inférieur à celui qui résulte de la décision initiale. Les dispositions de l'article 22, paragraphe 4, s'appliquent mutatis mutandis.

CHAPITRE VII

PRESCRIPTION

Article 24

Prescription en matière d'imposition de sanctions

1. Le pouvoir de la Commission en vertu des articles 22 et 23 est soumis au délai de prescription suivant:

a) trois ans en ce qui concerne les infractions aux dispositions relatives à la recherche de renseignements ou à l'exécution d'inspections;

b) cinq ans en ce qui concerne les autres infractions.

2. La prescription court à compter du jour où l'infraction a été commise. Toutefois, pour les infractions continues ou continuées la prescription ne court qu'à compter du jour où l'infraction a pris fin.

3. La prescription en matière d'imposition d'amendes ou d'astreintes est interrompue par tout acte de la Commission ou d'une autorité de concurrence d'un Etat membre visant à l'instruction ou à la poursuite de l'infraction. L'interruption de la prescription prend effet le jour où l'acte est notifié à au moins une entreprise ou association d'entreprises ayant participé à l'infraction. Constituent notamment des actes interrompant la prescription:

a) les demandes de renseignements écrites de la Commission ou de l'autorité de concurrence d'un Etat membre;

b) les mandats écrits d'inspection délivrés à ses agents par la Commission ou par l'autorité de concurrence d'un Etat membre;

c) l'engagement d'une procédure par la Commission ou par une autorité de concurrence d'un Etat membre;

d) la communication des griefs retenus par la Commission ou par une autorité de concurrence d'un Etat membre.

4. L'interruption de la prescription vaut à l'égard de toutes les entreprises et associations d'entreprises ayant participé à l'infraction.

5. La prescription court à nouveau à partir de chaque interruption. Toutefois, la prescription est acquise au plus tard le jour où un délai égal au double du délai de prescription arrive à expiration, sans que la Commission ait prononcé une amende ou astreinte. Ce délai est prorogé de la période pendant laquelle la prescription est suspendue conformément au paragraphe 6.

6. La prescription en matière d'imposition d'amendes ou d'astreintes est suspendue aussi longtemps que la décision de la Commission fait l'objet d'une procédure pendante devant la Cour de justice.

Article 25

Prescription en matière d'exécution

1. Le pouvoir de la Commission d'exécuter les décisions prises en application des articles 22 et 23 est soumis à un délai de prescription de cinq ans.

2. La prescription court à compter du jour où la décision est devenue définitive.

3. La prescription en matière d'exécution est interrompue:

a) par la notification d'une décision modifiant le montant initial de l'amende ou de l'astreinte ou rejetant une demande tendant à obtenir une telle modification;

b) par tout acte de la Commission ou d'un Etat membre, agissant à la demande de la Commission, visant au recouvrement forcé de l'amende ou de l'astreinte.

4. La prescription court à nouveau à partir de chaque interruption.

5. La prescription en matière d'exécution est suspendue:

a) aussi longtemps qu'une facilité de paiement est accordée;

b) aussi longtemps que l'exécution forcée est suspendue en vertu d'une décision de la Cour de justice.

CHAPITRE VIII

AUDITIONS ET SECRET PROFESSIONNEL

Article 26

Audition des parties, des plaignants et des autres tiers

1. Avant de prendre les décisions prévues aux articles 7, 8, 22 et 23, paragraphe 2, la Commission donne aux entreprises et associations d'entreprises visées par la procédure l'occasion de faire connaître leur point de vue au sujet des griefs retenus par la Commission. La Commission ne fonde ses décisions que sur les griefs au sujet desquels les parties concernées ont pu faire valoir leurs observations. Les plaignants sont étroitement associés à la procédure.

2. Les droits de la défense des parties concernées sont pleinement assurés dans le déroulement de la procédure. Elles ont le droit d'avoir accès au dossier sous réserve de l'intérêt légitime des entreprises à ce que leurs secrets d'affaires ne soient pas divulgués. Cet intérêt légitime ne peut faire obstacle à la divulgation et à l'utilisation par la Commission des informations nécessaires pour rapporter la preuve d'une infraction.

Sont exclus de l'accès au dossier les informations confidentielles et les documents internes de la Commission et des autorités de concurrence des Etats membres. Sont notamment exclus les échanges de correspondance entre la Commission et les autorités de concurrence des Etats membres ou entre ces dernières, en particulier les documents établis en application des articles 11 et 14.

3. Dans la mesure où la Commission ou les autorités de concurrence des Etats membres l'estiment nécessaire, elles peuvent entendre d'autres personnes physiques ou morales. Si des personnes physiques ou morales justifiant d'un intérêt suffisant demandent à être entendues, il doit être fait droit à leur demande.

Article 27

Secret professionnel

1. Sans préjudice de l'application des articles 12 et 15, les informations recueillies en application des articles 17 à 21 ne peuvent être utilisées que dans le but pour lequel elles ont été recueillies.

2. Sans préjudice des dispositions des articles 11, 12, 14, 15 et 26, la Commission et les autorités de concurrence des Etats membres ainsi que leurs fonctionnaires et autres agents sont tenus de ne pas divulguer les informations qu'ils ont recueillies ou échangées en application du présent règlement et qui, par leur nature, sont couvertes par le secret professionnel.

CHAPITRE IX

EXEMPTIONS PAR CATEGORIE

Article 28

Adoption des règlements d'exemption

1. Conformément à l'article 81, paragraphe 3, du traité, la Commission peut déclarer par voie de règlement que l'article 81, paragraphe 1, n'est pas applicable à des catégories d'accords, de décisions d'associations d'entreprises ou de pratiques concertées dans le respect des conditions définies aux paragraphes 2 à 5 du présent article.

2. Les règlements d'exemption doivent comprendre une définition des catégories d'accords, de décisions ou de pratiques concertées auxquels ils s'appliquent et préciser notamment les restrictions non exemptées et, le cas échéant, les conditions qui doivent être remplies.

3. Les règlements d'exemption doivent être limités dans le temps.

4. Lorsque la Commission se propose d'arrêter un règlement d'exemption, elle en publie le projet en invitant toutes les personnes intéressées à lui faire connaître leurs observations dans un délai qu'elle fixe et qui ne peut être inférieur à un mois.

5. Avant de publier un projet de règlement d'exemption et avant d'arrêter un tel règlement, la Commission consulte le comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes.

Article 29

Retrait individuel

1. Si, dans un cas déterminé, la Commission constate d'office ou sur plainte que des accords, des décisions ou des pratiques concertées, visés par un règlement d'exemption par catégorie, ont néanmoins des effets qui sont incompatibles avec l'article 81, paragraphe 3, du traité, elle peut retirer le bénéfice de ce règlement.

2. Lorsque, dans un cas déterminé, des accords, décisions ou pratiques concertées visés par un règlement d'exemption produisent des effets incompatibles avec l'article 81, paragraphe 3, du traité sur le territoire d'un Etat membre, ou sur une partie de ce territoire, qui présente toutes les caractéristiques d'un marché géographique distinct, l'autorité de concurrence de cet Etat membre peut retirer le bénéfice de l'application du règlement d'exemption par catégorie en cause sur ce territoire.

Article 30

Règlement de non-application

Un règlement d'exemption arrêté en application de l'article 28 peut fixer les circonstances pouvant conduire à exclure de son champ d'application certains types d'accords, de décisions ou de pratiques concertées en vigueur sur un marché déterminé. Lorsque ces circonstances sont réunies, la Commission peut le constater par voie de règlement et fixer un délai à l'expiration duquel ledit règlement d'exemption cesse d'être applicable aux accords, décisions ou pratiques concertées visés sur le marché en question. Ce délai doit être d'au moins six mois. L'article 28, paragraphes 4 et 5, s'applique mutatis mutandis.

CHAPITRE X

DISPOSITIONS GENERALES

Article 31

Publication des décisions

1. La Commission publie les décisions qu'elle prend en application des articles 7 à 10 et 22 et 23.

2. La publication mentionne les parties intéressées et l'essentiel de la décision, y compris les sanctions imposées. Elle doit tenir compte de l'intérêt légitime des entreprises à ce que leurs secrets d'affaires ne soient pas divulgués.

Article 32

Contrôle de la Cour de justice

La Cour de justice statue avec compétence de pleine juridiction sur les recours intentés contre les décisions par lesquelles la Commission fixe une amende ou une astreinte. Elle peut supprimer, réduire ou majorer l'amende ou l'astreinte infligée.

Article 33

Exclusions du champ d'application

Le présent règlement ne s'applique pas aux accords, décisions et pratiques concertées ni aux abus de position dominante au sens de l'article 82 du traité relevant des domaines suivants :

a) transports maritimes internationaux du type « services de tramp »;

b) transports maritimes entre les ports d'un même Etat membre;

c) transports aériens entre la Communauté et les pays tiers.

Article 34

Dispositions d'application

La Commission est autorisée à arrêter toute disposition utile en vue de l'application du présent règlement. Ces dispositions peuvent notamment concerner:

a) la création d'une obligation d'enregistrement pour certains types d'accords;

b) la forme, la teneur et les autres modalités des plaintes présentées en application de l'article 7 ainsi que la procédure applicable aux rejets de plaintes;

c) les modalités de l'information et de la consultation prévues à l'article 11;

d) les modalités des auditions prévues à l'article 26.

CHAPITRE XI

DISPOSITIONS TRANSITOIRES ET FINALES

Article 35

Dispositions transitoires

1. Les demandes présentées à la Commission en application de l'article 2 du règlement n° 17 et les notifications faites en application des articles 4 et 5 dudit règlement, ainsi que les demandes et notifications correspondantes faites en application des règlements (CEE) n° 1017/68, (CEE) n° 4056/86 et (CEE) n° 3975/87, sont caduques à compter de la date d'application du présent règlement.

La durée de validité des décisions d'application de l'article 81, paragraphe 3, du traité prises par la Commission en vertu desdits règlements est limitée à la date d'application du présent règlement.

2. Les actes de procédure accomplis en application du règlement n° 17 et des règlements (CEE) n° 1017/68, (CEE) n° 4056/86 et (CEE) n° 3975/87 conservent leurs effets pour l'application du présent règlement.

Article 36

Désignation des autorités de concurrence des Etats membres

Les Etats membres désignent les autorités de concurrence compétentes pour appliquer les articles 81 et 82 du traité et prennent les mesures nécessaires pour les doter du pouvoir d'appliquer lesdits articles avant le ***.

Article 37

Modification du règlement (CEE) n° 1017/68

Le règlement (CEE) n°1017/68 est modifié comme suit:

1) L'article 2 est supprimé.

2) A l'article 3, paragraphe 1, les mots « L'interdiction édictée par l'article 2 » sont remplacés par les mots « L'interdiction de l'article 81, paragraphe 1, du traité ».

3) Les articles 5 à 29 sont supprimés.

4) A l'article 30, les paragraphes 2 et 3 sont supprimés.

Article 38

Modification du règlement (CEE) n° 2988/74

L'article 7bis suivant est inséré dans le règlement (CEE) n° 2988/74:

« Article 7bis

Exclusion du champ d'application

Le présent règlement n'est pas applicable aux mesures prises en vertu du règlement (CE) n°.../....du Conseil(*).

__________

(*) JO L... ».

Article 39

Modification du règlement (CEE) n° 4056/86

Le règlement (CEE) n° 4056/86 est modifié comme suit:

1) L'article 7 est modifié comme suit:

a) le paragraphe 1 est remplacé par le texte suivant:

« 1. Manquement à une obligation

Lorsque les intéressés manquent à une obligation dont est assortie, aux termes de l'article 5, l'exemption prévue à l'article 3, la Commission fait cesser ces contraventions et peut, à cette fin, dans les conditions prévues par le règlement (CE) n°.../....du Conseil (*):

- adresser des recommandations aux intéressés,

- en cas d'inobservation de ces recommandations par les intéressés et en fonction de la gravité de l'infraction en cause, adopter une décision qui soit leur interdit ou leur enjoint d'accomplir certains actes, soit leur supprime le bénéfice de l'exemption de groupe.

________

(*) JO L ......;

b) le paragraphe 2 est modifié comme suit:

i) au point a), les mots « dans les conditions prévues par la section II » sont remplacés par les mots « dans les conditions prévues par le règlement (CE) n°.../.... »;

ii) au point c)i), deuxième alinéa, la deuxième phrase est remplacée par le texte suivant:

« Dans le même temps, elle pourra décider si elle accepte des engagements offerts par les entreprises concernées, en vue, entre autres, d'obtenir l'accès au marché pour les compagnies non membres de la conférence, dans les conditions de l'article 9 du règlement (CE) n° .../..... »

2) A l'article 8, le paragraphe 1 est supprimé.

3) L'article 9 est modifié comme suit:

a) au paragraphe 1, les mots « comité consultatif visé à l'article 15 » sont remplacés par les mots « comité consultatif visé à l'article 14 du règlement (CE) n° .../... »;

b) au paragraphe 2, les mots « comité consultatif visé à l'article 15 » sont remplacés par les mots « comité consultatif visé à l'article 14 du règlement (CE) n° .../... .

4) Les articles 10 à 25 sont supprimés.

5) A l'article 26, les mots « la forme, la teneur et les autres modalités des plaintes visées à l'article 10, des demandes visées à l'article 12 ainsi que les auditions prévues à l'article 23, paragraphes 1 et 2 » sont supprimés.

Article 40

Modification du règlement (CEE) n° 3975/87

Les articles 3 à 19 du règlement (CEE) n° 3975/87 sont supprimés.

Article 41

Abrogations

Les règlements n° 17, n° 141, n° 19/65/CEE, (CEE) n° 2821/71, (CEE) n° 3976/87, (CEE) n° 1534/91 et (CEE) n° 479/92 sont abrogés.

Les références faites aux règlements abrogés s'entendent comme faites au présent règlement.

Article 42

Entrée en vigueur

Le présent règlement entre en vigueur le vingtième jour suivant celui de sa publication au Journal officiel des Communautés européennes.

Il s'applique à partir du ***.

Le présent règlement est obligatoire dans tous ses éléments et directement applicable dans tout Etat membre.

Fait à Bruxelles, le

Par le Conseil

Le Président

FICHE D'ÉVALUATION D'IMPACT IMPACT DE LA PROPOSITION SUR LES ENTREPRISES ET, EN PARTICULIER, SUR LES PETITES ET MOYENNES ENTREPRISES (PME)

Titre de la proposition

"Proposition de règlement d'application des articles 81 et 82 du traité"

Numéro de référence du document

2000/018

La proposition

1. Compte tenu du principe de subsidiarité, pourquoi une législation communautaire est-elle nécessaire dans ce domaine et quels sont ses principaux objectifs-

Une législation communautaire est nécessaire afin d'assurer l'application des articles 81 et 82 du traité. La mise en oeuvre de ces articles est actuellement fondée sur le règlement n° 17 de 1962 (ainsi que sur les règles procédurales des règlements nos 1017/68, 4056/86 et 3975/87 relatifs aux transports et d'autres règlements relatifs à certains aspects particuliers). La proposition de règlement débouche sur une réforme majeure du système d'application. Il vise à garantir une application plus efficace des règles de concurrence communautaires en conférant aux autorités de concurrence des États membres et aux juridictions nationales un rôle accru en ce qui concerne l'application des articles 81 et 82. Cet objectif est atteint en particulier en rendant l'article 81, paragraphe 3, directement applicable. Pour assurer une application homogène des règles de concurrence communautaires, la proposition de règlement régit les rapports entre les articles 81 et 82 et les droits nationaux de la concurrence et prévoit des mécanismes de coopération et de consultation entre, d'une part, la Commission et, d'autre part, les autorités de concurrence des États membres et les juridictions nationales.

L'impact sur les entreprises

2. Qui sera touché par la proposition-

- Quels secteurs d'entreprises-

La proposition de règlement porte sur l'application des articles 81 et 82 à tous les secteurs de l'économie, hormis quelques exceptions très limitées. Il maintient certaines exceptions de portée restreinte dans le secteur des transports. L'application des articles précités au secteur agricole reste régie par le règlement n° 26 de 1962.

- Quelles tailles d'entreprises (part des petites et moyennes entreprises)-

Le règlement proposé s'applique à toutes les entreprises, indépendamment de leur taille, et associations d'entreprises qui décident de pratiques remplissant les conditions de l'article 81 ou de l'article 82. Son incidence pratique peut toutefois varier selon qu'il s'agit de petites et moyennes entreprises ou d'entreprises plus grandes. Cet aspect est développé au point 5 ci-dessous.

- Y a-t-il dans la Communauté des zones géographiques particulières où ces entreprises sont implantées-

Non. Toutes les entreprises actives dans la Communauté sont concernées de la même manière, quelle que soit la zone géographique dans laquelle elles exercent leurs activités.

3. Quelles mesures les entreprises doivent-elles prendre pour se conformer à la proposition-

La proposition n'affecte en rien l'obligation fondamentale faite aux entreprises de respecter les articles 81 et 82 du traité. Le règlement proposé modifie toutefois de manière substantielle les modalités d'application de l'article 81 aux cas individuels, à savoir ceux qui ne sont pas couverts par des règlements d'exemption par catégorie. Les entreprises les plus concernées par la réforme seront donc le plus souvent celles qui détiennent un certain pouvoir de marché. Il s'agit généralement de grandes entreprises, rarement de PME. En fonction de leurs pratiques actuelles, il se peut que ces entreprises doivent revoir et, au besoin, adapter les procédés par lesquels elles s'assurent, dans les différents cas, de la conformité de leurs opérations avec l'article 81.

En vertu de l'actuel règlement n° 17, les accords visés à l'article 81, paragraphe 1, qui ne sont pas couverts par une exemption par catégorie et pour lesquels les parties désirent se prévaloir de l'article 81, paragraphe 3, doivent être notifiés à la Commission pour bénéficier d'une exemption individuelle. Les accords n'ayant pas été notifiés et ne faisant pas l'objet d'une décision d'exemption sont frappés de nullité.

Dans le système actuel, les entreprises (assistées de leurs conseillers juridiques) évaluent les opérations qu'elles envisagent de réaliser à la lumière de l'article 81 (en se fondant sur la jurisprudence et la pratique existantes, ainsi que sur les lignes directrices et les communications de la Commission) et décident ensuite s'il y a lieu ou non de les notifier. Elles doivent comparer les risques qu'elles encourent au cas où leurs accords seraient illégaux, faute d'une décision d'exemption, avec le coût, la durée et l'issue probable de la procédure de notification.

En vertu du règlement proposé, l'article 81, paragraphe 3, devient directement applicable. Les accords qui satisfont aux conditions de l'article 81, paragraphe 3, sont désormais valides ab initio et peuvent être exécutés sans qu'une décision d'exemption soit nécessaire à cet effet. Seuls les accords ne remplissant pas les conditions de l'article 81, paragraphe 3, ne seront pas valides ab initio et ne seront pas exécutoires. Les entreprises pourront invoquer l'article 81, paragraphe 3, comme moyen de défense dans toute procédure. Outre la Commission, les autorités de concurrence des États membres et les juridictions nationales seront en mesure d'appliquer l'article 81 dans sa totalité.

Le règlement proposé supprime donc la charge inhérente aux notifications et aux autorisations administratives préalables et, partant, réduit considérablement les contraintes administratives pour toutes les entreprises, en particulier les PME. La réforme améliore fortement le caractère civilement exécutoire de tous les accords satisfaisant aux conditions de l'article 81, paragraphe 3. Des accords ne pourront plus être interdits au motif n'ont pas été notifiés.

Le règlement proposé suppose cependant aussi une responsabilisation accrue des entreprises - lorsqu'une exemption formelle ne peut être demandée à la Commission - en ce qui concerne le respect de l'article 81. La législation dérivée existante et la jurisprudence développée au cours des 40 dernières années ont mis les entreprises en mesure de juger de la légalité de leurs opérations. Le règlement actuel permet déjà aux entreprises d'être généralement sûres de leur appréciation, comme le montre le fait que la mise en oeuvre d'un accord ne soit que très rarement différée jusqu'à la communication d'un avis de la Commission. Cela prouve que les entreprises sont capables d'effectuer une analyse de telle manière que celle-ci puisse servir de base à une décision raisonnée sur l'opportunité de mener à bien l'opération envisagée et, dans l'affirmative, selon quelles modalités.

Tant dans le système actuel que dans le nouveau système proposé, l'évaluation des entreprises doit être, automatiquement, d'autant plus prudente que l'accord ou la pratique en cause risque de tomber sous le coup de la règle d'interdiction. Lorsqu'elles envisagent de réaliser des opérations susceptibles d'être interdites, les entreprises doivent déterminer avec le plus grand soin dans quelle mesure elles sont disposées à prendre le risque de voir ces opérations invalidées ab initio et de devoir verser des dommages-intérêts. La règle d'interdiction a naturellement pour effet d'obliger les entreprises à étudier, si elles ne veulent courir aucun risque, des solutions de rechange offrant un meilleur équilibre entre effets restrictifs et effets bénéfiques.

En vertu du nouveau système, l'article 81 devient directement applicable dans tous ses éléments par la Commission, les autorités de concurrence des États membres et les juridictions nationales (système de compétences parallèles) mais, pour les entreprises, le risque de décisions divergentes est faible. Plusieurs éléments méritent d'être soulignés à ce propos:

- Le règlement proposé prévoit que toutes les instances décisionnelles appliquent un seul et même corpus de règles, à savoir les articles 81 et 82, à toutes les opérations susceptibles d'affecter le commerce entre États membres.

- La proposition est complétée par un effort accru de la Commission visant à élaborer le cadre législatif des règlements d'exemption par catégorie, des lignes directrices et des communications précisant dans une large mesure les modalités d'application de l'article 81 et guidant les entreprises dans la plupart des cas (en particulier ceux qui concernent de petites et moyennes entreprises (voir point 5 ci-dessous)). Pour simplifier l'adoption de règlements d'exemption par catégorie, il est prévu de conférer à la Commission une compétence générale dans ce domaine.

- Le règlement proposé amènera des changements en ce qui concerne la mise en oeuvre des règles. N'ayant plus à traiter les notifications, la Commission aura plus de temps pour préciser ce qui est interdit en vertu de l'article 81. Outre la réforme des règles de mise en oeuvre, les règles de fond sont également revues afin de parvenir à une approche plus économique et raisonnable.

- La proposition de règlement a pour objet de maintenir un degré de cohérence élevé dans l'application des articles 81 et 82 en général. Il prévoit une série de mécanismes de consultation et de coopération entre les différentes instances décisionnelles; ces mécanismes garantiront d'emblée un degré de cohérence élevé et contribueront à poser les bases d'une pratique d'interprétation commune qui s'auto-alimentera à long terme. La Commission conserve le droit de dessaisir une autorité de concurrence nationale d'une affaire si elle considère qu'elle-même est plus apte à la traiter ou que l'orientation qui lui est donnée s'écarte de sa propre politique en la matière. Les juridictions nationales ont la possibilité (et, en dernière instance, l'obligation) d'interroger la Cour européenne de justice à titre préjudiciel, conformément à l'article 234. De plus, la convention de Bruxelles concernant la compétence judiciaire et l'exécution des jugements en matière civile et commerciale prévient largement le "forum shopping" (c'est-à-dire le choix de la législation nationale la plus permissive) et la multiplication des litiges devant les tribunaux civils.

- Dans les rares cas dont il est réellement difficile de prévoir l'issue en raison du caractère inédit ou non encore résolu des questions qu'ils soulèvent, la Commission envisagera l'envoi d'un avis motivé afin de guider les entreprises. Elle fournira des précisions sur ce mécanisme dans une communication.

4. Quels effets économiques la proposition est-elle susceptible d'avoir sur l'emploi, sur les investissements et la création de nouvelles entreprises et sur la compétitivité des entreprises-

Le règlement proposé vise à donner plus d'impact aux règles de concurrence communautaires en garantissant une mise en oeuvre plus efficace de celles-ci. La suppression du système de notification et d'autorisation permettra à la Commission d'intensifier sa lutte contre les infractions graves. Du fait de la disparition de son monopole concernant l'application de l'article 81, paragraphe 3, les juridictions nationales et les autorités de concurrence des États membres seront en mesure d'exercer davantage des compétences inexploitées dans ce domaine. Ces deux éléments contribueront l'un et l'autre à renforcer l'effet dissuasif des règles communautaires en matière de concurrence, ce qui garantira un respect plus généralisé desdites règles et favorisera une concurrence effective sur les marchés.

Nul ne conteste plus le fait qu'une concurrence effective est cruciale pour l'économie européenne. Une telle concurrence constitue la meilleure garantie d'une répartition efficace des ressources et favorise la croissance économique. La pression concurrentielle contraint les entreprises à s'adapter en exploitant les innovations et en s'efforçant d'améliorer leur productivité. Les entreprises exposées à une très forte concurrence deviennent plus compétitives et sont généralement mieux armées pour faire face à la concurrence internationale. Une concurrence effective garantit un taux élevé d'emplois productifs et donc, durables et sûrs. Les marchés concurrentiels sont ouverts à de nouveaux arrivants, encouragent l'investissement et sont créateurs d'emplois, comme l'illustrent avec force les marchés libéralisés depuis peu.

De plus, la proposition contribuera à la mise en place, dans le marché intérieur, de conditions de concurrence plus homogènes pour les entreprises, en garantissant une application accrue des règles de concurrence communautaires en lieu et place des législations nationales dans ce domaine, et en prévoyant un ensemble complet de mécanismes assurant une application homogène de ces règles. Une plus grande homogénéité des règles de concurrence favorise une intégration accrue du marché et, partant, renforce la concurrence par l'accès aux marchés.

5. La proposition contient-elle des mesures visant à tenir compte de la situation spécifique des petites et moyennes entreprises (exigences réduites ou différentes, etc.)-

La proposition ne prévoit pas de mesures expresses pour les petites et moyennes entreprises. En pratique, toutefois, la réforme aura pour ces dernières une incidence positive, pour plusieurs raisons.

Premièrement, un grand nombre de petites et moyennes entreprises ne sont pas directement concernées par l'application des règles de concurrence communautaires, dans la mesure où leurs accords, décisions ou pratiques n'affectent pas sensiblement les échanges entre États membres. De plus, la Commission souhaite qu'une interprétation plus économique et raisonnable soit donnée à l'article 81, paragraphe 1. Selon cette approche, les entreprises qui ne détiennent pas une certaine puissance de marché sont moins susceptibles d'être parties à des opérations tombant sous le coup de la règle d'interdiction.

Deuxièmement, les petites et moyennes entreprises dont la puissance de marché est limitée sont généralement plus susceptibles d'être victimes d'infractions aux règles de concurrence communautaires que d'en commettre elles-mêmes. La proposition de règlement vise à garantir une mise en oeuvre plus efficace des règles de concurrence par la Commission et par les autorités nationales de concurrence. Il permettra notamment à la Commission de lutter plus activement contre les infractions graves, en agissant d'office ou après avoir été saisie d'une plainte, ce qui profitera tout particulièrement aux petites et moyennes entreprises.

Troisièmement, l'incidence de la suppression du système de notification et d'autorisation ne sera pas la même pour les petites et moyennes entreprises. Les activités de ces dernières sont très souvent couvertes par des règlements d'exemption par catégorie. Cela signifie que, comme cela était déjà le cas en vertu du règlement n° 17, ces entreprises sont généralement moins soucieuses de notifier leurs accords afin de bénéficier de décisions d'exemption individuelle.

Parallèlement à la réforme des règles d'application des articles 81 et 82 prévue par la proposition de règlement, la Commission, poursuivant l'approche plus économique et raisonnable mentionnée plus haut, a engagé une réforme des règles de fond contenues dans les règlements d'exemption par catégorie, les communications et les lignes directrices. Une nouvelle catégorie de règlements d'exemption par catégorie, en particulier, simplifie, pour les entreprises dont la puissance de marché est nulle ou faible, le respect des articles précités, grâce à l'introduction de seuils de part de marché (à l'exception de certaines restrictions fondamentales). Les règlements de cette catégorie permettent à la plupart des petites et moyennes entreprises d'évoluer dans des "sphères de sécurité".

Enfin, dans la mesure où les accords concernant de petites et moyennes entreprises ne sont pas couverts par des exemptions par catégorie, ils bénéficieront pleinement de l'effet direct de l'article 81, paragraphe 3, prévu par la proposition de règlement. Avec le système actuel, ces entreprises sont particulièrement enclines à reculer devant le coût (au sens large, c'est-à-dire en y incluant, notamment, les moyens nécessaires pour préparer les informations à fournir) de la procédure de notification, prenant ainsi le risque que les accords qu'elles concluent soient frappés de nullité. La réforme permet de résoudre ce problème. La plupart des accords conclus par les petites et moyennes entreprises seront désormais valides ab initio, sans qu'il soit nécessaire de les notifier.

Consultation

6. Liste des organisations qui ont été consultées sur la proposition et exposé des éléments essentiels de leur position.

La proposition est le résultat d'un vaste processus de consultation et d'un large débat public ou plus spécialisé, engagé par la Commission avec la publication, le 28 avril 1999, d'un Livre blanc sur la modernisation des règles d'application des articles 81 et 82 du traité CE.

À la suite de ce Livre blanc, la Commission a reçu et examiné attentivement les observations de plus de 100 tiers intéressés, parmi lesquelles nombre d'entreprises, de fédérations industrielles et de juristes appelés à conseiller les entreprises dans des procédures d'application du droit de la concurrence. De plus, elle a eu et a toujours de multiples contacts avec les entreprises, leurs juristes et leurs fédérations, de manière bilatérale et dans le cadre de très nombreuses conférences et manifestations similaires.

Le Parlement européen a organisé une audition publique le 22 septembre 1999. Il a adopté une résolution favorable à la réforme le 18 janvier 2000. Le Comité économique et social a rendu un avis globalement favorable le 8 décembre 1999.

La majorité des observations reçues à la suite de la publication du Livre blanc sont favorables à l'approche de la Commission. Les positions des fédérations industrielles et des juristes sont hétérogènes: si l'approche de la Commission est souvent saluée comme une alternative plus efficace et moins bureaucratique au système de mise en oeuvre actuel, lequel est, à la quasi-unanimité, jugé insatisfaisant, nombreux sont ceux qui insistent sur le fait qu'il convient de veiller à ce que la réforme ne débouche pas sur une application non uniforme et une "re-nationalisation" des règles de concurrence communautaires et qu'elle ne diminue pas la sécurité juridique offerte aux entreprises.