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Avis du Comité économique et social sur la «Proposition de recommandation du Parlement européen et du Conseil concernant la coopération européenne en matière d'évaluation qualitative de l'éducation scolaire»

Journal officiel n° C 168 du 16/06/2000 p. 0030 - 0033


Avis du Comité économique et social sur la "Proposition de recommandation du Parlement européen et du Conseil concernant la coopération européenne en matière d'évaluation qualitative de l'éducation scolaire"

(2000/C 168/09)

Le 29 février 2000, le Conseil, conformément aux articles 149 et 150 du traité, a décidé de consulter le Comité économique et social sur la proposition susmentionnée.

La section emploi, affaires sociales, citoyenneté, chargée d'élaborer les travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 11 avril 2000 (rapporteur: M. Rupp).

Le Comité, lors de sa 372e session plénière du 27 avril 2000 a adopté l'avis suivant par 108 voix pour, 1 voix contre et 4 abstentions.

1. Introduction

1.1. Le Projet pilote européen sur l'évaluation de la qualité de l'éducation scolaire a été lancé au début de l'année scolaire 1997-1998 et a pris fin officiellement avec la tenue d'une conférence finale à Vienne en novembre 1998.

101 écoles secondaires de 18 pays - les États membres de l'Union européenne, la Norvège, l'Islande et le Liechtenstein - ont participé au projet.

Le nombre d'établissements scolaires sélectionnés pour chaque pays était approximativement proportionnel à sa taille: les grands pays étaient représentés par 9 écoles, les moyens par 5 et les petits pays par 2 écoles chacun. Les écoles ont été sélectionnées par un comité national.

La Commission européenne/Éducation, formation professionnelle, jeunesse, a présenté un rapport en plusieurs parties, portant sur l'exécution du projet, et intitulé:

Évaluation de la qualité de l'enseignement scolaire

- Guide pour les établissements scolaires participant au projet;

- orientations pratiques pour l'autoévaluation;

- rapport intérimaire;

- rapport final.

1.1.1. Le rapport final est plus particulièrement articulé autour des points suivants:

- Présentation du projet pilote;

- exposition de la manière de procéder des écoles;

- déclarations concernant l'autoévaluation du travail des écoles;

- le suivi au niveau national;

- conditions du succès du projet pilote;

- perspectives pour les écoles participantes.

2. Observations générales

2.1. La qualité de l'éducation et son importance

La qualité de l'enseignement est sans aucun doute un indicateur important de la maturité et de l'autonomie d'un individu dans la société, mais aussi de l'efficacité sociale et économique de la société elle-même.

Depuis l'émergence de l'État moderne, la qualité de l'éducation, les compétences cognitives et sociales sont, que ce soit individuellement ou globalement, le fondement essentiel de la vie en société, de la prospérité et de la démocratie d'un État.

"La connaissance, c'est le pouvoir!" - ce credo de la société civile organisée et tournée vers la performance est plus que jamais d'actualité; à cet égard, il convient de remarquer qu'ici l'éducation n'est pas synonyme d'accumulation de connaissances, mais d'application de la connaissance et de la réflexion dans un but bien précis.

2.1.1. Éducation et mondialisation

Le développement de la communauté nationale et des libertés individuelles rend nécessaire un enseignement de qualité qui soit en phase avec l'évolution de l'économie et du marché du travail, des sciences, de la recherche et de la technique, de la politique et de l'administration. Cet enseignement doit promouvoir et garantir l'employabilité, et enraciner le processus de l'apprentissage tout au long de la vie. Cette question ne concerne pas uniquement le système d'enseignement public - la famille, les sources d'éducation extrascolaire et les entreprises doivent y être associées; toutefois, compte tenu de la responsabilité de l'État en matière d'éducation, c'est avant tout la tâche des établissements scolaires.

Dans un contexte de mondialisation croissante, cette observation ne s'applique plus à tel ou tel État en particulier; un effort commun, et surtout un effort coordonné, est nécessaire afin de garantir la qualité de l'éducation et de donner une impulsion décisive tant à la mobilité des personnes d'un pays à l'autre qu'au transfert des connaissances.

2.1.2. Le canon pédagogique européen

Évaluer l'éducation et en apprécier la qualité suppose de s'interroger sur l'éducation en tant que telle, sur ses contenus, ses dimensions et ses objectifs, c'est-à-dire sur son canon. Enfin, il doit également être question, en ce qui concerne l'éducation dans l'Union européenne, de l'élaboration - dans le respect absolu des particularités nationales et culturelles et de la souveraineté de chaque État - d'un canon pédagogique européen au sens d'un tronc commun européen, dont la qualité et l'évaluation de la qualité doivent être garanties de manière homogène quel que soit le pays.

Un tronc commun, reposant sur un niveau de qualité pédagogique le plus élevé possible, crée non seulement les conditions de la mobilité et de la prospérité, mais garantit également la comparabilité des prestations et dès lors l'égalité des chances pour les individus. Il devient ainsi l'un des piliers de la démocratie et de l'État social en Europe.

2.1.3. Le rendement, critère de mesure de la qualité

La qualité de l'éducation est liée à la notion de rendement, et par conséquent aussi à l'évaluation et au contrôle des résultats. La qualité se mesure en effet selon des critères d'évaluation et des normes qui sont le produit d'une culture et qui se retrouvent dans les programmes scolaires. À cet égard, l'évaluation de la qualité de l'enseignement n'est pas nouvelle; bien au contraire, l'évaluation permanente du processus d'apprentissage - et donc de la qualité des résultats - existe depuis fort longtemps.

Ce qui est nouveau, c'est d'une part que la qualité de l'éducation et son évaluation transcendent désormais les systèmes scolaires et les frontières nationales, rendant ainsi possibles pour la première fois des comparaisons qualitatives; d'autre part, que ce processus se déroule dans le cadre d'une autonomie accrue des établissements scolaires, et donc dans les conditions d'une politique scolaire décentralisée.

2.1.4. Décentralisation de l'organisation scolaire

Ce concept est bénéfique à l'évaluation externe et interne. L'on crée ainsi un nouvel équilibre entre l'influence du "pouvoir central" et le pouvoir de décision des instances décentralisées vers le bas - les établissements scolaires. Les éléments qui composent cette structure sont les critères d'évaluation; ces derniers doivent permettre de comparer la qualité et - selon la classe - le caractère uniforme de l'éducation scolaire, et par conséquent le niveau des diplômes délivrés par les établissements scolaires.

Pour ce faire, les écoles ont besoin d'un soutien durable. Des mesures compensatoires sont nécessaires afin que les établissements scolaires soient à même de participer à un programme de garantie de la qualité du type de celui que nous venons d'évoquer. Ce soutien doit venir du gouvernement - du ministère de l'éducation, mais aussi - et surtout - du ministère du budget. Des ressources suffisantes sont en effet - encore et toujours - la condition essentielle de la qualité de l'éducation. Le Parlement européen et le Conseil devraient dès lors rappeler expressément cet aspect de la question aux États membres.

2.1.5. Acceptation des intéressés

Le succès de toute action d'évaluation de la qualité de l'éducation scolaire est indissociablement lié à l'acceptation des intéressés. Ce terme désigne ici non les responsables politiques de l'enseignement (lesquels reflètent fréquemment les caractéristiques culturelles, et donc politiques, des États) mais les enseignants et les apprenants, leurs groupes d'intérêts et leurs syndicats, de même que les familles et les collectivités locales où sont implantés les établissements scolaires. Il leur faut en effet, pour assurer et évaluer la qualité de l'éducation, disposer de certaines conditions préalables nécessaires ainsi que d'une marge de manoeuvre plus grande.

Un programme ayant pour objet l'évaluation et la garantie de la qualité de l'éducation, qui prétendrait (au nom de l'efficacité économique) parvenir de manière unilatérale à un rendement supérieur sans augmentation de ressources, tout en imposant dans le même temps aux établissements scolaires de pallier la modicité des ressources par des modifications structurelles de décentralisation, serait voué à l'échec. On ne saurait en effet assimiler un établissement scolaire à une entreprise, ni l'apprentissage à un processus de production industrielle.

La qualité de l'éducation en Europe est sans aucun doute un facteur essentiel de la viabilité de la Communauté; il est normal que la garantir constitue - comme il est précisé dans la motivation de la recommandation - une tâche prioritaire.

Il y a lieu, dès lors, d'appuyer la proposition de recommandation à l'examen tant dans son principe que sur la plupart des points concrets qui ont été évoqués. Il demeure - compte tenu du caractère volontaire de la coopération et de l'adaptation - qu'il appartient aux États de dire s'ils ont la volonté d'offrir à leurs jeunes citoyens l'égalité des chances à l'échelle de l'Europe et s'ils sont prêts à allouer les moyens et les ressources nécessaires. Ce serait là une condition indispensable pour que l'Europe puisse tenir son rang dans le monde.

2.2. Observations relatives au contexte de la proposition de recommandation à l'examen

2.2.1. Il serait logique de déduire que l'urgence de garantir la qualité de l'éducation scolaire suppose que l'Union européenne, dans son ensemble, doit accorder une place plus importante à la politique éducative. La recommandation à l'examen pourrait contribuer à une telle lecture.

Il ne fait pas de doute que tout enseignant a comme priorité de garantir la qualité de son enseignement; pour ce faire, il doit pouvoir disposer des ressources nécessaires (voir ci-dessus).

Le projet pilote sur l'évaluation de la qualité de l'enseignement scolaire mentionné dans l'introduction est à mettre au crédit de la Commission. L'un des facteurs importants de ce succès est la présence dans ce document de propositions pratiques concernant l'évaluation. Le projet pilote constitue une base solide pour un projet ambitieux de garantie de la qualité.

2.2.2. La contribution européenne à la qualité de l'éducation dans la Communauté est de type compensatoire; l'optique retenue consiste à soutenir et à compléter les systèmes d'enseignement nationaux au moyen d'initiatives spécifiques afin de donner naissance à une norme éducative à l'échelle européenne. Une telle approche ne signifie pas l'unification de l'enseignement mais le soutien à l'égalité des chances dans la Communauté.

La qualité de l'éducation ne correspond pas, dès lors - comme il est d'ailleurs précisé dans le projet de texte - à une norme imposée d'en haut, mais constitue une variable dynamique du développement social, lequel est orienté par d'autres politiques. C'est particulièrement vrai en ce qui concerne le financement.

Dès lors, sans les ressources nécessaires, la qualité de l'éducation n'est qu'un vain mot. Au contraire, le manque de moyens conduit à une surcharge des intéressés et du système même, ce qui - compte tenu précisément de la décentralisation croissante - nuit à l'acceptation du programme d'évaluation de la qualité.

2.2.3. La décentralisation et l'élargissement de la responsabilité personnelle au sein du système scolaire offrent à la politique de l'éducation une occasion exceptionnelle d'améliorer la qualité de l'éducation et la capacité du système.

La condition de ce qui précède est que prévale le principe qui veut que les décisions en matière pédagogique et scolaire soient prises au niveau où elles doivent être appliquées, grâce à une décentralisation plus poussée. Les Parlements nationaux, comme il est normal dans un État démocratique conservent naturellement leur droit de regard pour les décisions essentielles qui concernent l'ensemble du système. Quoi qu'il en soit, l'effet positif de la décentralisation ne se fera sentir que pour autant que cette dernière ne force pas les écoles à gérer des déficiences qui ne peuvent être résolues au niveau inférieur de l'organisation du système scolaire. L'on pense ici plus particulièrement à l'enseignement proprement dit, à l'équipement des établissements scolaires et la disponibilité de professeurs.

2.2.4. S'agissant de l'évaluation externe et interne, qui sont les deux méthodes essentielles de l'évaluation de la qualité, il convient - eu égard non seulement à la décentralisation, mais aussi au principe démocratique - d'accorder la préférence à l'évaluation interne. Cette définition des priorités ne diminue en rien la valeur de l'évaluation externe. En tout état de cause, il serait souhaitable qu'un programme de l'UE fût consacré plus particulièrement à cette question.

Il ressort de ce qui précède que chaque établissement scolaire se verrait proposer la possibilité d'évaluer et d'améliorer par lui-même la qualité de l'éducation. Pour ce faire, il conviendrait - en coopération avec chaque État - de créer des incitations susceptibles de renforcer l'acceptabilité nécessaire afin de parvenir à une participation de tous les acteurs.

2.2.5. La collecte et l'archivage des indicateurs de qualité et des tests de qualité peuvent constituer une aide précieuse à l'évaluation de la qualité de chaque établissement; en se fondant sur des méthodes telles que la comparaison et la vision globale, ils vont en effet dans le sens de l'évaluation interne. La création d'une base de données spécifiques (le "serveur pédagogique"), à laquelle les établissements scolaires auraient accès, doit dès lors faire partie intégrante du programme européen sur la garantie de la qualité de l'éducation.

3. Observations particulières

3.1. Concernant les considérants de la recommandation

3.1.1. Les ressources consacrées à l'éducation se sont accrues dans tous les pays; toutefois, la valeur absolue des ressources ne décrit qu'imparfaitement la place accordée à l'éducation. Les dépenses d'éducation doivent être considérées par rapport au produit intérieur brut. Seule une amélioration du rapport entre les deux permet de conclure à une véritable augmentation des ressources affectées à l'éducation.

Il existe un lien direct entre l'éducation et l'emploi. Une meilleure éducation accroît également les chances de trouver un emploi. Toutefois l'éducation ne conduit pas immédiatement à l'emploi. L'éducation peut certainement contribuer de manière décisive à résoudre les problèmes du chômage et de la cohésion sociale, mais ne saurait en aucun cas constituer la solution à elle seule. Le rôle de l'éducation dans la lutte contre les problèmes sociaux ne doit pas être surestimé.

Il convient de mentionner ici la notion de l'apprentissage tout au long de la vie: une seule phase d'éducation ne suffit plus pour exercer une profession à vie; toute profession exige, parallèlement, une formation continue et permanente. Il y a lieu dès lors de créer les conditions qui rendent possible cette formation.

3.1.2. Les enfants et les jeunes souffrant ou menacés d'un handicap, ceux issu de milieux sociaux défavorisés et ceux qui ont interrompu leur scolarité ont besoin d'un soutien ciblé et particulier dans le cadre des mesures visant à garantir la qualité de l'éducation. L'on réfléchira à cet égard au fait que le nombre de jeunes qui quittent prématurément le système scolaire ne diminue pas, en dépit des divers programmes de soutien pédagogique. Il convient d'adopter d'autres mesures, essentiellement de nature complémentaire et de politique sociale au sens large afin d'aider les intéressés à achever un cycle de formation scolaire.

La connexion des établissement scolaires à l'internet et le fait de faciliter (sur le plan économique) l'accès des élèves à l'information est en effet une condition sine qua non de l'amélioration de la qualité de l'éducation et des échanges pédagogiques, dans la perspective du développement des technologies de l'information et des moyens de communication d'aujourd'hui.

3.1.3. Le Comité souligne expressément que l'augmentation de la qualité de l'éducation n'a pas pour seul objectif la maximisation des connaissances mais aussi l'élargissement des compétences sociales et affectives.

3.1.4. Le Projet pilote sur l'évaluation de la qualité de l'enseignement scolaire de 1997/1998 peut, compte tenu de son succès, constituer la base de toutes les mesures qui seront adoptées dans le prolongement de la présente recommandation.

3.2. Observations particulières concernant les mesures recommandées

3.2.1. Il y a lieu de préserver la qualité de l'éducation scolaire et de développer un canon pédagogique européen, en utilisant pour ce faire des systèmes transparents de qualité. Le but recherché n'est pas uniquement l'obtention d'une qualification scolaire ou professionnelle mais avant tout l'accession à un cadre de vie permettant la participation démocratique à la société civile organisée.

3.2.2. Il y a lieu de créer un système à la fois spécifique et varié d'incitations, afin d'augmenter le nombre des établissements scolaires qui sont en mesure de tirer profit de l'évaluation interne, si l'on veut éviter que le niveau des "bons" établissements ne cesse de monter alors que celui des "mauvais" ne cesse de baisser. C'est ainsi qu'il y a lieu de créer à l'intention des enseignants des incitations en matière de promotion, d'avancement et de formation continue; de même, les enseignants doivent encourager les apprenants à améliorer leurs prestations.

3.2.3. L'évaluation externe doit être effectuée par des organismes compétents, selon des critères propres aux établissements scolaires. Un schéma simpliste de type "questions/réponses", comme on en utilise en économie, ne convient pas à l'évaluation de la qualité. Les indicateurs relatifs à l'éducation constituent une base importante pour l'évaluation et pour les critères d'évaluation. Cette remarque vaut également pour l'alinéa b) de la deuxième proposition de recommandation.

3.2.4. La participation de tous les acteurs scolaires, dans le sens de la codécision et de la participation à l'intégralité du processus d'évaluation à tous les niveaux, est une condition sine qua non du succès de l'entreprise.

3.2.5. La proposition de formation aux méthodes de gestion et d'application de l'autoévaluation doit comprendre également l'échange d'enseignants et de formateurs ayant enregistré des succès dans le domaine de l'autoévaluation de processus éducatifs scolaires. L'on pourrait également envisager de faire appel à ces méthodes dans le cadre de la formation des enseignants ainsi que pour le perfectionnement - tant extrascolaire qu'intrascolaire - du corps enseignant.

3.2.6. La coopération entre les autorités compétentes doit être assortie en permanence de la pratique pédagogique dans les établissements scolaires, en collaboration avec les enseignants chargés de veiller à la qualité de l'éducation.

3.2.7. Il est indispensable que les autorités compétentes communiquent aux établissements scolaires les nouvelles connaissances techniques en la matière en Europe, par exemple par le biais du projet de banque de données.

Bruxelles, le 27 avril 2000.

La Présidente

du Comité économique et social

Beatrice Rangoni Machiavelli