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Avis du Comité économique et social sur la «Proposition de règlement (CE) du Conseil relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et de responsabilité parentale des enfants communs»

Journal officiel n° C 368 du 20/12/1999 p. 0023 - 0025


Avis du Comité économique et social sur la "Proposition de règlement (CE) du Conseil relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et de responsabilité parentale des enfants communs"

(1999/C 368/09)

Le 12 juillet 1999, le Conseil a décidé, conformément aux dispositions de l'article 262 du Traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social sur la proposition susmentionnée.

La section "Emploi, affaires sociales, citoyenneté", chargée de préparer les travaux en la matière, a émis son avis le 30 septembre 1999 (rapporteur: M. Braghin).

Au cours de sa 367e session plénière des 20 et 21 octobre 1999 (séance du 20 octobre 1999), le Comité économique et social a adopté par 53 voix pour, 4 voix contre et 1 abstention le présent avis.

1. Contenu et contexte de la proposition de règlement du Conseil

1.1. La proposition de règlement répond à la nécessité de transposer la convention adoptée par le Conseil et signée par les représentants de tous les États membres le 28 mai 1998, en un instrument communautaire, conformément aux exigences du Traité d'Amsterdam.

1.2. La Commission a en grande partie repris le contenu de la convention et le rapport explicatif de ladite convention, en apportant des modifications aux dispositions incompatibles avec la nature de l'acte proposé et l'encadrement du domaine de la coopération judiciaire civile après le Traité d'Amsterdam.

1.3. La forme choisie - un règlement - se justifie par la nécessité d'appliquer des règles strictement définies et harmonisées, s'agissant d'un ensemble de dispositions précises et inconditionnelles, d'application directe, uniforme et impérative, dans des domaines bien définis tels que la compétence, la reconnaissance et l'exécution des jugements relatifs à la dissolution du lien conjugal et à la garde des enfants, ainsi que par la nécessité de garantir que les décisions correspondantes soient mises en application à une date connue et uniforme, dans un délai rapproché, dans les 12 pays auxquels s'applique le nouveau titre IV du TCE.

1.4. Cette matière relève du secteur de la coopération judiciaire civile (art. 65) et du nouveau Titre IV du TCE. L'acte doit par conséquent être adopté selon la procédure prévue par l'article 67, selon laquelle le Conseil statue à l'unanimité et pour une période transitoire de cinq ans à partir de l'entrée en vigueur du Traité d'Amsterdam.

1.5. La proposition vise à uniformiser les règles de droit international privé des États membres concernant la compétence judiciaire en matière d'annulation du mariage, de divorce, de séparation et de responsabilité parentale à l'égard des enfants communs, ainsi qu'à améliorer la reconnaissance rapide et automatique ainsi que l'exécution par le biais d'une procédure simplifiée des décisions(1) prises en la matière.

1.6. La proposition comble une lacune dans le champ d'application de la convention de Bruxelles de 1968 (dont l'article 1er exclut explicitement les questions relatives à l'état des personnes), tout en se limitant aux aspects mentionnés au paragraphe 1.5 précédent.

1.7. Afin d'unifier les règles en matière de conflits de compétences et de simplifier les formalités en vue d'une reconnaissance rapide et simple des décisions et de leur exécution, la proposition définit au chapitre II les critères objectifs de compétence adoptés, la compétence pour statuer sur des questions relatives à la responsabilité parentale à l'égard des enfants communs, qui est liée à la compétence en matière matrimoniale, la vérification de la compétence et de la recevabilité, la litispendance et les mesures provisoires et conservatoires.

1.8. Afin d'accélérer la reconnaissance et l'exécution des décisions de divorce, de séparation de corps ou d'annulation du mariage, et des décisions relatives à la responsabilité parentale tout en réduisant au maximum les motifs de non-reconnaissance, le chapitre III fixe le principe de la reconnaissance de plein droit, les motifs de non-reconnaissance admis, l'interdiction du contrôle de la compétence du juge d'origine et de la révision au fond, ainsi que la procédure d'exécution, la notification de la décision et le recours contre celle-ci (juridiction de recours et voies de recours).

1.9. Les dispositions communes, transitoires et générales ont pour objet de protéger les droits des parties appelantes, de garantir l'applicabilité effective de la date d'entrée en vigueur de la législation, de réglementer les relations avec les conventions internationales et les accords d'application conclus entre les États membres, et d'assurer le respect des traités internationaux (concordats) conclus entre le Saint-Siège et le Portugal, l'Italie et l'Espagne.

1.10. Enfin, les dispositions finales stipulent que la Commission veillera à l'application du règlement et formulera éventuellement des propositions d'amendements à l'issue d'une période de cinq ans.

2. Observations générales

2.1. L'acte établissant la convention adoptée par le Conseil le 28 mai 1998 se fondait sur une série de propositions et de projets lancés en 1994: les progrès réalisés depuis lors dans la réalisation de l'Union européenne auraient dû conduire à la présentation de propositions plus audacieuses, non seulement du point de vue de l'élargissement du champ d'application mais également d'une orientation plus marquée vers l'harmonisation effective du cadre juridique, du moins en ce qui concerne les questions de procédure. Bien qu'il faille reconnaître tout le bien-fondé de la sauvegarde des différences existant entre les États membres dans le domaine social, culturel, religieux et des traditions, l'on constate que les citoyens de l'UE aspirent de plus en plus à bénéficier de garanties identiques à celles dont ils jouissent face aux organes juridictionnels de leur propre pays, et ce dans n'importe quel autre État membre.

2.2. Le contenu de la proposition et l'opportunité d'un processus d'approbation rapide accompagné de garanties en ce qui concerne l'application des délais et des contenus justifient entièrement le choix de la forme du règlement. Le Comité constate par ailleurs que le champ d'application de la proposition est particulièrement restreint. Dès lors, il souhaite que le plan d'action adopté à Vienne en novembre 1998(2) soit mis en oeuvre.

2.3. Le champ d'application du règlement se limite aux aspects de procédure relatifs à la compétence, à la reconnaissance et à l'exécution des jugements rendus en matière d'annulation du mariage, de divorce et de séparation, ainsi qu'à la responsabilité parentale à l'égard des enfants communs exclusivement.

2.3.1. Dans des domaines aussi sensibles, et afin de garantir un espace homogène de liberté, de sécurité et de justice pour le citoyen européen (art. 2 du TCE), il faudrait harmoniser sans plus attendre les procédures d'application, en particulier en ce qui concerne les délais (délais péremptoires pour la présentation de la demande, l'introduction d'un recours contre une décision, etc.).

2.3.2. La nécessité d'harmoniser la législation afin de garantir une circulation rapide des affaires judiciaires devrait être un des éléments clés de l'action communautaire, devrait s'appliquer à tous les autres aspects de la procédure et être intégrée dans un plan d'action spécifique émanant de la Commission.

2.3.3. Le principe de la protection de la partie la plus faible doit être réaffirmé avec fermeté. À cet effet, il est souhaitable d'étendre le règlement à l'examen, s'agissant de l'autorité parentale, aux enfants non communs et aux enfants adoptifs, qui risquent d'être lésés ultérieurement en raison de l'exclusion spécifique dont ils font l'objet dans le règlement à l'examen. Le Comité émet en tout état de cause le voeu qu'une meilleure protection de la partie la plus faible fasse partie intégrante de l'évolution législative, au niveau tant national que communautaire.

2.3.4. Le Comité rappelle la nécessité de définir, dans le cadre du domaine d'application du règlement à l'examen, des mesures de protection assurant la défense optimale des intérêts des enfants mineurs et le respect de leurs droits fondamentaux, également reconnus par le droit international, au nom des principes déjà défendus par le Comité dans son avis CES 976/98 du 2 juillet 1998.

2.4. Le terme "juridiction" se réfère aux autorités judiciaires des États membres compétentes en la matière et aux autorités administratives dont la compétence en la matière est officiellement reconnue dans certains États membres. Bien qu'elle soit compatible avec ces législations nationales, cette situation est préoccupante: le Comité préconise l'uniformisation des organes juridictionnels reconnus et compétents dans cette matière délicate, afin de garantir une spécialisation et des qualifications appropriées.

2.5. Les concepts d'autorité et de responsabilité parentale ne correspondent pas à la même réalité dans la législation des États membres. Étant donné qu'en matière juridique les intérêts des enfants priment, le Comité prône la définition de paramètres communs à tous les États membres, dans le respect des différences sociales existant entre les États membres dans le domaine culturel, religieux et des traditions, afin d'éviter toute inégalité entre les citoyens de l'UE en matière de protection dans un domaine aussi délicat. En particulier, il apparaît nécessaire, pour l'application de l'article 3 du règlement, de traiter cette question préalablement à toute autre.

2.6. Le règlement ne fait absolument pas mention de la nécessité de fixer pour toutes les phases de la procédure des délais indicatifs et impératifs concernant les dispositifs de forclusion et de prescription des actes, au détriment de la sécurité juridique et de la durée de la procédure. Le Comité espère que le règlement fixera de tels délais dans tous les domaines où cela s'avère possible, et que chaque organe compétent assumera ses responsabilités en ce qui concerne le respect de ces délais, compte tenu de la sensibilité de la matière traitée.

2.7. La nécessité d'envisager des mesures provisoires et conservatoires d'urgence (article 12) peut se comprendre dans la perspective d'une protection personnelle, mais semble ouvrir la voie à une application excessive du droit national en englobant subrepticement des domaines connexes non mentionnés dans le règlement. Le Comité estime qu'il convient d'adopter une formulation plus précise et restrictive, afin d'éviter les abus ou la remise en question de l'application même du règlement, en préservant en tout état de cause le droit du mineur à être entendu lorsque des mesures urgentes en matière d'autorité parentale doivent être adoptées.

2.8. Par ailleurs, il n'échappera pas à la Commission que, dans les États membres, les partenariats de vie ne sont pas toujours officialisés par la conclusion d'un mariage.

Le Comité demande instamment à la Commission d'étudier quelles sont les mesures nécessaires pour que dans le cas où ces unions prennent fin, les décisions qui seront éventuellement prises en compte concernant la responsabilité des enfants de ces couples, soient automatiquement reconnues et exécutées. Dans l'intérêt des enfants, nous devons tous être attentifs à la discrimination de traitement sur laquelle la proposition débouchera dans sa forme actuelle du fait qu'elle ne s'applique qu'aux couples mariés.

3. Observations particulières

3.1. Le Comité juge opportun de proposer quelques modifications au texte du règlement, afin d'en améliorer la compréhension et l'application. Étant donné le caractère technique de ce texte, ces propositions sont présentées notamment sous forme d'amendements.

3.2. Article 10.1

Afin de clarifier le texte grâce à une terminologie juridiquement appropriée, l'article devrait être modifié comme suit:

"Lorsque le défendeur ne comparaît pas, la juridiction compétente est tenue de surseoir à statuer si elle établit que l'acte introductif d'instance ou un acte équivalent n'a pas été notifié au défendeur ou si le délai de comparution imparti est inférieur à celui établi par la loi pour que le défendeur puisse pourvoir adéquatement à sa défense."

3.3. Article 12

L'expression "présents dans cet État" est vague et il serait dès lors souhaitable de choisir un terme plus précis pour délimiter avec certitude les sujets concernés.

3.4. Article 15.1 b)

Remplacer les mots "de manière non équivoque" par "sur la base de faits concluants".

3.5. Article 23

Il apparaît nécessaire, dans l'intérêt de la rapidité de la procédure et de la sécurité juridique, d'indiquer avec précision un délai péremptoire raisonnable en remplacement des mots "à bref délai".

3.6. Article 24

Afin d'impartir des délais précis pour la formation d'un éventuel recours contre la décision, cet article devrait être modifié comme suit:

"La décision rendue sur requête est portée à la connaissance du requérant dans un délai de ..., à la diligence du greffier, suivant les modalités déterminées par la loi de l'État membre requis, et notifiée à la personne contre laquelle l'exécution est demandée dans un délai de ...."

3.7. Article 25.2

Afin d'éviter que la dernière phrase laisse supposer qu'il puisse exister d'autres raisons pour lesquelles, théoriquement, le délai pourrait être prorogé, il convient de la supprimer ou de modifier comme suit la phrase qui précède:

"Si cette personne a sa résidence habituelle dans un État membre autre que celui où la décision qui autorise l'exécution a été rendue, le délai de recours est de deux mois, indépendamment de la distance, et court à partir du jour...."

Bruxelles, le 20 octobre 1999.

La Présidente

du Comité économique et social

Beatrice RANGONI MACHIAVELLI

(1) Le terme "décisions" est utilisé afin d'englober un éventail de termes plus techniques et juridiquement corrects tels que décret, jugement ou ordonnance, conformément aux disposition de l'article 13. La diversité des décisions nationales dans les domaines concernés constitue, pour l'instant, un obstacle à l'utilisation d'une terminologie plus spécifique.

(2) Conformément à ce plan d'action, la Commission est tenue de présenter des propositions visant à compléter le cadre législatif en matière matrimoniale et de protection des enfants, et d'une façon plus générale en ce qui concerne les dispositions de droit civil privé applicables aux régimes matrimoniaux.