51998AR0277

Avis du Comité des régions sur la «Communication de la Commission sur le Programme d'action sociale 1998-2000» CdR 277/98 fin

Journal officiel n° C 093 du 06/04/1999 p. 0056


Avis du Comité des régions sur la «Communication de la Commission sur le Programme d'action sociale 1998-2000»

(1999/C 93/09)

LE COMITÉ DES RÉGIONS,

vu la communication de la Commission concernant le «Programme d'action sociale 1998-2000» (COM(1998) 259 final);

vu la décision de la Commission, en date du 5 mai 1998, de le consulter à ce sujet, conformément à l'article 198 C, premier alinéa, du Traité instituant la Communauté européenne;

vu la décision de son Bureau en date du 13 mai 1998, d'attribuer la préparation de l'avis à la commission 5 «Politique sociale, santé publique, protection des consommateurs, recherche, tourisme»;

vu le projet d'avis (CdR 277/98 rév.) adopté par la commission 5 le 9 novembre 1998 (rapporteur: Mme Buron),

a adopté lors de sa 27e session plénière des 13 et 14 janvier 1999 (séance du 14 janvier) l'avis suivant.

1. Introduction: le bien-fondé de la communication

1.1. Une nouvelle étape pour la politique sociale

Le Comité des régions considère que la Communication de la Commission européenne «Programme d'action sociale 1998-2000» constitue un outil essentiel pour l'évolution du modèle social européen.

1.1.1. Le Comité des régions avait exprimé ses priorités quant à ce modèle social notamment dans ses avis du:

- 11 juin 1997 «Rapport des sages: pour une Europe des droits civiques et sociaux»;

- 20 septembre 1995 «Programme d'action sociale à moyen terme - 1995-1997»;

- 16 novembre 1994 «Politique sociale européenne - une voie à suivre pour l'Union».

Le programme d'action sociale 1998-2000 revêt une importance particulière parce qu'il correspond à une nouvelle étape dans la politique sociale européenne, marquée par:

1.1.2. une conception globale prenant en compte, en même temps:

- la promotion de l'emploi,

- la lutte contre les exclusions et pour l'égalité des chances,

- la volonté de sauvegarder, en le rénovant, un modèle de protection sociale performant;

1.1.3. des bases juridiques plus larges et plus solides, grâce en particulier à l'inclusion du chapitre social et d'un Titre sur l'emploi dans le traité d'Amsterdam;

1.1.4. une revalorisation de la politique sociale au sein des politiques communautaires, l'interaction entre politique économique et politique sociale étant enfin reconnue. Ceci se traduit dans la pratique par des Conseils des ministres conjoints ECOFIN et Affaires sociales. L'adoption annuelle de lignes directrices pour l'emploi, complétée par l'examen des Plans nationaux pour l'emploi, préfigure une démarche comparable à l'exercice de «surveillance multilatérale» dans le domaine économique;

1.1.5. une impulsion nouvelle de la législation, à travers le recours aux accords entre partenaires sociaux, qui a abouti à l'adoption de plusieurs directives importantes.

1.2. Le modèle social européen: défis et urgences

Cette nouvelle étape était d'autant plus nécessaire que notre modèle social est confronté à de nombreux défis que la Commission souligne à juste titre dans sa Communication:

- un niveau d'emploi qui reste beaucoup trop faible,

- la nécessité de faire face très rapidement à de nouvelles formes d'organisation du travail et à la mise en place d'une société de l'information,

- la montée des phénomènes d'exclusion dans une société pourtant globalement «riche» par rapport au reste du monde,

- le vieillissement de la population,

- l'aspiration de la société à une démocratie plus profonde et à un véritable «dialogue civil».

1.3. En outre, il est aujourd'hui de plus en plus clair que des tensions entre compétitivité économique et modèle social apparaissent: contrainte budgétaire et péréquation des ressources (retraites, allocations), coût du travail et salaire minimum, flexibilité et sécurité, ... Afin que ces tensions ne deviennent pas des contradictions fondamentales, l'Europe doit faire évoluer son modèle social. Cette évolution est urgente: les phénomènes d'exclusion s'amplifient dans les villes et sont souvent générateurs de racisme et de fractures entre communautés, le nombre des exclus du monde du travail s'accroît, les systèmes d'allocations et de retraite sont au bord de l'asphyxie. Cette évolution sera difficile, notamment en raison des contraintes budgétaires que connaissent tous les niveaux de gouvernement en Europe (national, régional, local), mais sa nécessité est reconnue par tous.

1.4. Le Comité des régions affirme sa conviction que le modèle social européen doit intégrer les mutations et avoir les moyens de les anticiper. À ce titre, une approche au niveau européen est indispensable afin de garantir des normes sociales minimales ainsi que la cohésion sociale de l'Union - par ailleurs condition de son dynamisme économique.

1.5. Le rôle des autorités locales et régionales dans les grandes mutations

Dans ce contexte, tous les niveaux d'action publique sont concernés (Union, États, régions, pouvoirs locaux), et la Commission européenne a un rôle fondamental de coordination et d'impulsion à jouer. Si les États sont responsables de la politique sociale de leur pays, les autorités locales et régionales sont impliquées au premier plan dans les mutations qu'elle subit. En effet, ces mutations naissent au niveau local, elles s'expriment sur un territoire, et les autorités territoriales ont du en assumer et gérer les conséquences. Malgré l'insuffisance de moyens financiers pour faire face à ces nouvelles tâches, les pouvoirs locaux ont montré leur capacité à s'y adapter: ils sont devenus animateurs du développement économique pour promouvoir l'emploi, ils assurent l'intégration sociale, ils modernisent leurs services afin de préserver la cohésion de leur territoire. Ils illustrent en fait au quotidien le principe de subsidiarité. Au nom de ce principe, les gouvernements régionaux et locaux doivent être associés à l'élaboration d'une politique sociale européenne et apporter leur contribution à la recherche de solutions à des problèmes qui sont leur quotidien. En effet, une fois encore, les collectivités locales, surtout de petites dimensions, ont démontré qu'elles connaissaient bien non seulement l'évolution des besoins sur leur territoire, mais également les moyens et les mesures sociales les plus susceptibles d'y répondre avec succès. Ceci suppose une meilleure connaissance (avec des outils statistiques appropriés) des compétences et des modes d'intervention des autorités territoriales, dans les différents domaines d'action présentés dans la Communication, ceci en fonction des structures administratives à travers l'Union européenne.

1.6. Par ailleurs, le Comité des régions souligne que les interventions des collectivités territoriales pour la promotion de l'emploi et la lutte contre les exclusions doivent recevoir le soutien financier nécessaire de la part des autorités nationales et des politiques européennes.

Dans le détail, la Communication de la Commission appelle les remarques suivantes:

2. Les bases du renouvellement

La Commission souligne à juste titre que la politique sociale de l'Union dispose aujourd'hui de bases plus solides et d'un ensemble d'outils permettant de préparer son renouvellement: une base juridique plus large dans les Traités, l'adoption de nouvelles propositions législatives, l'approfondissement du dialogue social et l'élargissement du débat sur la politique sociale.

Le renouvellement de la politique sociale doit donc être entrepris à la fois au niveau des fondements de l'Union, et à travers des actions concrètes soigneusement coordonnées avec le cadre global.

2.1. L'acquis: ratification du Traité d'Amsterdam

Le premier acquis est le Traité d'Amsterdam. Le Comité des régions rappelle que, dans certains domaines, comme cela a été fait pour la politique de l'emploi, il est nécessaire de programmer dès maintenant des actions, en anticipant la ratification du Traité par les États membres. Par exemple, afin d'améliorer la situation des personnes souffrant de handicaps, il convient de présenter des mesures sur la base de l'article 95 du Traité d'Amsterdam et de la déclaration y relative en tenant compte des compétences des États membres.

2.2. Poursuivre le travail législatif

Le deuxième acquis est l'ensemble de directives adoptées ou proposées par la Commission européenne, dans le domaine de la santé et de la sécurité, des conditions de travail, de l'égalité des chances. Les directives plus récentes sur les Comités d'entreprises, le congé parental ou le travail atypique montrent que l'effort de la Commission, du Conseil et du Parlement en matière législative est nécessaire au renforcement du socle de normes sociales minimales, comme le souligne justement la Commission. Le Comité des régions insiste particulièrement pour que la Commission mette en oeuvre les mesures prévues à l'annexe 2 de la Communication. Par ailleurs, cet effort doit se poursuivre en s'appuyant d'abord sur le dialogue social européen.

2.3. Programme de travail

Le Comité des régions se félicite de la mise en oeuvre du programme de travail de la Commission. Il rappelle que ces initiatives stratégiques ont des conséquences sur les collectivités locales et régionales et demande à être consulté sur l'ensemble de ce programme.

2.4. Débat sur la politique sociale

Le Comité des régions soutient l'idée selon laquelle la politique sociale européenne doit tenir compte de domaines tels que les tendances démographiques, la protection sociale, la lutte contre le racisme. Il est indispensable que la politique sociale soit traitée de manière globale et intégrée aux politiques communautaires dans leur ensemble.

Cette intégration ne doit pas se limiter à des points tels que l'égalité des chances: l'ensemble du «volet social» des politiques communautaires doit systématiquement être pris en compte.

3. Répondre aux défis d'un monde en mutation

Ces mutations, liées en grande partie à l'évolution du monde du travail, ont des conséquences souvent très lourdes pour les autorités locales, qui sont confrontées à des situations de crise (cessation d'activités, déficience du marché de l'emploi, exclusion). Elles doivent en permanence expérimenter des solutions afin de préserver leur territoire. Même si les États ont la maîtrise de nombreux aspects de la politique sociale, les collectivités territoriales jouent un rôle sans cesse croissant, en tant que:

- employeurs;

- gestionnaires de l'exclusion sociale;

- animateurs de l'activité économique sur leur territoire;

- prestataires de services sociaux;

- responsables de la santé et de la sécurité;

- responsables de la participation démocratique des citoyens;

- garants des services publics locaux et régionaux.

Les collectivités locales et régionales sont prêtes à assumer ces responsabilités, à condition de pouvoir disposer de ressources financières adéquates.

3.1. Dans le champ d'action du «social» lui-même: rôle spécifique du local: fournir des services

Le chômage est le défi principal: le taux d'emploi reste trop faible, souvent pour des raisons très diverses, le déficit de qualification étant particulièrement préoccupant. De plus, la perte d'emploi ou le non-accès au marché du travail entraîne l'exclusion, la pauvreté, la nécessité d'adaptation des formations. Même si les collectivités territoriales n'ont que peu de marge de manoeuvre quant à la politique économique, elles jouent un rôle dans le soutien au développement des entreprises à l'éducation et la formation des hommes et des femmes et elles doivent assurer les services aux citoyens (assistance, logement, soins, intégration sociale et citoyenne). Pour ce faire, elles doivent moderniser leur administration.

3.2. Les formes et l'organisation du travail changent: l'adaptabilité comme la flexibilité peuvent répondre à ces mutations, si elles s'élaborent dans la négociation, et respectent la sécurité.

3.3. L'exclusion sociale résiste aux politiques d'aides des États, et met en péril le modèle social européen. De nouvelles formes de lutte contre l'exclusion sont expérimentées au niveau local et régional: ces expériences doivent alimenter la réflexion au niveau national et européen sur la rénovation de la politique sociale.

3.4. Le Comité des régions souligne l'importance d'un recensement des compétences et des types d'actions menées par les autorités locales et régionales européennes dans ces domaines, et demande aux États membres et au Conseil de veiller à ce que leur participation à ces politiques soit pleinement prise en compte. Cet état des lieux est d'autant plus indispensable pour que l'Union européenne puisse, notamment dans la perspective de la prochaine réforme des Fonds structurels, prendre pleinement en compte les différentes actions mises en place par les collectivités régionales et locales dans le domaine social.

3.5. En ce qui concerne la politique de concurrence, le Comité des régions appelle la Commission européenne à veiller à ce qu'il n'y ait pas de contradiction entre la politique de concurrence (surveillance de l'octroi des aides régionales ou d'État) et le développement de l'emploi sur les territoires.

3.6. Nécessité d'une connaissance statistique et d'indicateurs

Responsables de nombreux aspects de la politique sociale, de par leurs compétences et leur proximité, les collectivités locales manquent d'indicateurs et de connaissances statistiques pour évaluer à la fois l'évolution des données sociales et de la démographie sur leur territoire, et l'impact de leurs actions. De plus, les institutions communautaires ont besoin d'indicateurs de niveau local pour évaluer la politique de cohésion, les politiques urbaines, l'impact des Fonds structurels et enrichir la réflexion sur le schéma de développement de l'espace communautaire (SDEC) de compromis. Pour éviter aux collectivités territoriales des dépenses disproportionnées, il est souhaitable d'intégrer cette action dans les activités statistiques de l'UE.

Le Comité des régions demande que l'élaboration de ces indicateurs se fasse au niveau local ou régional (NUTS II ou III).

3.7. Pour l'ensemble de la construction européenne: intégration entre l'économique et le social

L'Europe est en passe d'achever, avec l'union monétaire, l'intégration de son marché intérieur. Si l'impératif économique est primordial, en aucun cas le volet social ne doit en être dissocié, et les interactions entre économique et social doivent être prises en compte. La Commission, les États membres et les autorités locales et régionales ont besoin d'éléments pour apprécier cette imbrication, et doivent développer les débats et échanges pour assurer la coordination entre politique économique et sociale à tous les niveaux.

3.8. Données démographiques

La Commission souligne à juste titre l'importance de ce problème. L'évolution démographique a et aura de plus en plus des répercussions sur les systèmes d'emploi et de protection sociale, mais aussi sur l'habitat, les soins, les services à la population. Ces domaines relèvent de la compétence des collectivités locales: s'ils signifient des investissements accrus, ils peuvent également être créateurs d'emploi.

3.9. L'élargissement

Le renouvellement du modèle social européen doit tenir compte de l'élargissement de l'Union. L'acceptation de l'acquis communautaire est une condition indispensable à l'adhésion des nouveaux États membres. Les futurs pays membres ont des structures économiques, sociales et démographiques sensiblement différentes de celles des actuels États membres. Leur adhésion à l'Union doit être anticipée afin de prévenir certains effets comme les différences de coût du travail, de protection sociale, de conditions de travail. Un ajustement brutal n'est pas envisageable pour eux, et il est donc primordial d'aider ces pays à préparer dès aujourd'hui les adaptations nécessaires afin de préserver la cohésion de l'Europe de demain.

3.10. Associer les futurs pays membres au CdR

Le Comité des régions estime que les pouvoirs locaux et régionaux, même s'ils ne sont pas aujourd'hui développés dans ces pays, auront un rôle fondamental à jouer dans ces processus, de par leur proximité avec les citoyens. Le Comité appelle l'Union à donner aux pouvoirs locaux et régionaux des futurs États membres un statut d'observateur au sein du Comité, afin de leur permettre de participer activement à l'élargissement de l'Union.

3.11. Échanger les expériences

Le Comité des régions souhaite en outre que des échanges d'expérience soient facilités avec les autorités locales de ces futurs États membres, sur des thèmes particuliers. Le Comité demande qu'il leur soit proposé un réexamen du programme Phare afin d'y inclure un volet sur la politique sociale.

4. Les prochaines étapes: la priorité au changement

Le Comité des régions soutient les objectifs exprimés par la Commission européenne: le progrès social doit aller de pair avec le progrès économique. Si l'idée de niveau de vie est centrale, elle doit comprendre le respect de la qualité de vie, de l'égalité des chances, de la cohésion sociale. De plus, si l'emploi est crucial, il ne réalise pas à lui seul une société inclusive. En outre, l'intégration, la santé, la qualité de vie (habitat, transports, éducation) facilitent l'accès à l'emploi. Sur ces points, les collectivités locales et régionales jouent un rôle essentiel.

4.1. Les instruments: le partenariat

Le local comme territoire naturel du partenariat, structure ce partenariat:

La Commission souligne que le partenariat est l'instrument privilégié pour le renouvellement de la politique sociale européenne. Le Comité des régions soutient ce point de vue. La Commission souhaite que le partenariat permette d'approfondir le débat sur la politique sociale grâce au dialogue politique, social et civil. Le Comité des régions souligne que le lieu privilégié de la construction de ce dialogue est le niveau territorial. C'est au niveau local et régional que les partenaires politiques, économiques et sociaux peuvent se rassembler afin de définir des stratégies communes, un consensus politique.

4.2. Un élément nouveau doit également être pris en compte: l'émergence de la citoyenneté européenne et l'aspiration au dialogue civil en complément du dialogue social qui a trouvé sa place dans le système institutionnel.

4.3. C'est au niveau local que ce dialogue «civil» avec les citoyens est le plus efficace, autour d'objectifs communs et acceptés. Les collectivités locales et régionales sont des partenaires de premier rang tant pour les politiques de l'emploi que pour une société inclusive.

4.4. Le Comité des régions se félicite que la Commission européenne ait renforcé le principe du partenariat dans les Fonds structurels, et demande que ce même principe soit appliqué dans la réflexion sur la politique sociale européenne. Les autorités locales et régionales doivent pouvoir participer à son élaboration, à la lumière de leur pratique, à sa mise en oeuvre, qui les concerne, et à son évaluation, dans le cadre d'un programme coordonné par la Commission européenne.

4.5. Créer des forums d'échange

La Commission européenne a créé des groupes de travail dont l'objet intéresse directement les autorités locales et régionales (anticipation des mutations industrielles par exemple). Le Comité des régions rappelle que les autorités locales et régionales sont trop souvent absentes de tels lieux de réflexion et demande à l'avenir d'être représenté dans ces groupes ainsi que dans les «discussions périodiques» mentionnées par la Commission européenne dans sa communication. En particulier, le Comité des régions souhaite comme par le passé être associé aux prochains Forums sociaux européens, qui devront être préparés en liaison avec les autorités locales et régionales. Celles-ci doivent également être associées aux débats sur la politique sociale que les prochaines présidences de l'Union pourraient être amenées à organiser.

4.6. Soutien financier: un accès facilité pour les autorités locales

Le Comité des régions accueille favorablement les propositions de la Commission dans le cadre du FSE et de l'objectif 3. Il rappelle néanmoins que la dimension «ressources humaines» demande que la programmation, l'exécution et le suivi soient faits au plus près des réalités locales. Le Comité des régions souligne également le besoin d'un soutien pour des programmes pilotes destinés aux collectivités locales, en particulier dans le domaine de l'emploi. Il est nécessaire que les collectivités territoriales aient un accès clairement identifié à ces financements, avec des modalités de gestion simplifiées.

4.7. Les mesures envisagées

L'emploi

* le cadre: associer les autorités locales aux PAN et à leur évaluation

La Commission souligne que la convergence des politiques de l'emploi décidée par l'Union est un complément indispensable de la convergence économique et monétaire. Cette convergence sera réalisée par le biais des Plans nationaux pour l'emploi, élaborés par chaque État membre. La Commission souligne dans sa communication la nécessité d'associer les instances régionales. Le Comité des régions insiste sur ce point. L'examen des PAN de 1998 démontre que les collectivités locales et régionales, malgré leur rôle clef en matière d'emploi, n'ont été que peu consultées pour la préparation des plans, et ne sont que trop rarement associées à leur mise en oeuvre.

4.8. Le Comité des régions demande au Conseil d'être associé à l'élaboration des lignes directrices pour l'emploi et insiste auprès des États membres pour qu'ils associent les autorités locales et régionales à la mise en oeuvre des Plans d'action nationaux pour l'emploi. Il est en effet indispensable que les politiques locales pour l'emploi soient intégrées à ce dispositif et ne soient plus seulement des actions ponctuelles de «rattrapage»: elles doivent faire partie d'une stratégie globale.

* Les actions

4.9. La Commission souhaite lancer à partir de 1998 un certain nombre de débats. Ces débats concernent les autorités locales et régionales, et le Comité des régions souhaite y être associé:

4.9.1. Niveau de vie et niveau d'emploi: l'amélioration du niveau de vie doit se faire en poursuivant l'objectif de réduction des inégalités entre régions afin de garantir la cohésion territoriale de l'Union.

4.9.2. Développer l'échange de données au niveau local: le Comité des régions souligne la nécessité de cet échange de données, de meilleures pratiques et d'innovations en matière de marché du travail. Cet outil ne doit pas se limiter au niveau national mais permettre de mesurer les effets des dynamiques locales, les différences à combler.

4.9.3. Compte tenu que les innovations se font souvent au niveau local, il est nécessaire que ce programme d'échange d'expériences et de données soit réalisé sur une base locale/régionale. En outre, les collectivités ont besoin de pouvoir interpréter ces données de manière à réaliser un diagnostic de la situation et de l'évolution de leur territoire. Cette base de données doit de plus être cohérente avec les critères retenus pour l'attribution des Fonds structurels.

4.9.4. Le Comité des régions souhaite être consulté sur la mise en place d'une telle base de données, à laquelle les autorités territoriales devront avoir un accès facile.

4.9.5. Travail non déclaré: ce type d'activité est contraire aux droits fondamentaux des travailleurs, mais il représente dans certains pays une composante parfois importante des activités locales. Les collectivités locales et régionales peuvent, en raison de leur proximité, jouer un rôle important dans l'identification de ce travail non déclaré et dans la réinsertion de ces travailleurs, en particulier les catégories les plus fragiles, dans le marché du travail. Il est incontestable que les autorités locales et régionales peuvent être des alliés précieux dans la lutte contre le travail des enfants.

4.9.6. Soutien à l'esprit d'entreprise: le Comité des régions souligne l'appui apporté par les collectivités territoriales à la création des PME.

4.9.7. Modernisation des services publics de l'emploi: l'examen des pratiques montre que des services déconcentrés ou décentralisés sont plus efficaces car plus proches des besoins des demandeurs d'emploi et des entreprises. Les collectivités locales et régionales doivent être associées à ces processus de modernisation.

4.9.8. Mesures locales de développement: ces mesures innovantes de création d'activité sont la base de la création d'emploi en Europe. Si certaines font appel à l'économie sociale, d'autres interviennent directement dans le secteur marchand. Ces pratiques ont été analysées par la Cellule de Prospective de la Commission européenne. Le Comité des régions affirme son soutien à cette action et demande que ce travail soit poursuivi par la Commission, et que la diffusion des résultats soit faite de la façon la plus large et la plus accessible possible pour les collectivités territoriales (en particulier à travers Internet). Le Comité des régions souhaite de plus que le soutien apporté aux Pactes territoriaux pour l'emploi soit poursuivi par la Commission. Il souligne à nouveau que les autorités régionales et locales doivent pouvoir disposer des moyens humains et financiers nécessaires à la mise en oeuvre de ces actions innovantes, et que l'ingénierie du développement local doit pouvoir être largement soutenue par les Fonds structurels.

4.10. Modernisation des programmes d'éducation et de formation: dans la mesure de leurs compétences dans ces domaines, les autorités territoriales seront les partenaires des nouveaux programmes communautaires, et doivent être associées à leur préparation.

4.10.1. Esprit d'entreprise, adaptation et formation: les collectivités territoriales, animateurs du développement économique développent déjà des services assurant le développement de la création d'entreprise, adaptés à la spécificité locale (centres d'affaires, services partagés de gestion,...). De même, elles peuvent identifier, en partenariat avec les entreprises de leur territoire, les besoins de formation et d'adaptation de la main-d'oeuvre. Le Comité des régions souhaite que ce dialogue entre secteur privé et autorités locales pour l'adaptation des ressources humaines soit pris en compte dans le futur Objectif 3 des Fonds structurels.

4.10.2. Égalité des chances: les autorités territoriales ont un rôle dans ce domaine, en étant le fournisseur des services qui rendent cette égalité possible: structures d'accueil pour les enfants et les personnes dépendantes, mobilité des handicapés, ... Elles mettent en oeuvre des mesures de soutien aux publics les plus fragiles (jeunes, femmes, chômeurs de longue durée, etc.). Leur expérience doit être prise en compte dans l'élaboration de programmes européens.

4.10.3. Vie familiale: les stratégies d'emploi tenant compte de la vie familiale et de l'évolution des structures familiales ne peuvent être élaborées en dehors d'une collaboration étroite avec les collectivités locales, qui ont la responsabilité des structures d'accueil et de soin, et de la prise en compte des besoins en services de la population âgée.

4.10.4. Libre circulation: sur ce point également il est nécessaire que les autorités locales et régionales coopèrent avec la Commission, en particulier celles des zones frontalières, afin d'y mener des projets pilotes.

4.11. Le monde du travail en mutation

4.11.1. Développer le dialogue social

Le Comité des régions recommande que les autorités locales et régionales, échelons de base du «contrat social» et de la démocratie, aient dans l'avenir un rôle actif dans le dialogue social.

4.11.2. Les collectivités locales et régionales étant des employeurs importants, le Comité des régions apporte son soutien aux organismes qui participent et font progresser le dialogue social au niveau sectoriel. Il lui apparaît souhaitable que, selon des modalités appropriées aux différents systèmes administratifs nationaux, les employeurs des collectivités territoriales puissent être associés à la mise en place de la législation européenne sur le travail.

4.11.3. Télétravail

Le télétravail peut être un moyen de créer des emplois dans des zones éloignées des centres traditionnels de services. Pour assurer un bon développement du télétravail, le Comité des régions recommande qu'un statut garantisse la protection des télétravailleurs, en tenant compte de la spécificité de ce type de travail liée au territoire où il s'applique.

4.11.4. Anticiper les mutations

L'anticipation des mutations industrielles est un point clef pour les autorités locales et régionales. Cette réflexion est indispensable pour éviter des crises économiques et des situations de détresse sociale dans les territoires concernés. Le problème de la cohérence en matière d'aides publiques et Fonds structurels doit également être envisagé sur une base locale/régionale. Le Comité des régions regrette de n'avoir pas été associé au suivi des travaux du groupe de haut niveau sur ce thème et demande que la dimension territoriale soit prise en compte dans les travaux futurs.

4.11.5. Société de l'information et nouveaux services

Les autorités locales et régionales sont concernées à deux niveaux par la société de l'information: dans leur propre organisation, et dans les services qu'elles rendent aux citoyens. Les autorités locales gèrent des secteurs dans lesquels la société de l'information a des conséquences importantes (santé, sécurité, transports,...): elles doivent réaliser un important effort d'adaptation de leur main-d'oeuvre et de leur structure afin de tirer au mieux parti de ces technologies. De plus, les autorités locales ont un rôle dans l'accès de tous à la société de l'information: elles doivent être un catalyseur entre le développement industriel et les besoins des citoyens, afin d'éviter que le fossé entre «les initiés» et ceux qui n'ont pas accès à ces technologies ne se creuse.

4.11.6. Le Comité des régions souligne que ces nouvelles technologies vont modifier la relation démocratique entre le citoyen et son administration territoriale, et engendrer de nouveaux modes de participation démocratique. Le Comité des régions souhaite que des ressources et des expertises soient mises à la disposition des autorités territoriales, dans le cadre de programmes spécifiques et des Fonds structurels.

4.11.7. Santé et sécurité

Les collectivités locales et régionales sont concernées à double titre par ce problème:

- en tant qu'employeurs;

- en tant que responsables de leur environnement: à ce titre, il est important que les directives concernant l'environnement et celles relatives à la santé et à la sécurité soient coordonnées.

4.12. Une société fondée sur l'intégration

C'est dans ce domaine, qui suppose une action à la base, au plus près du citoyen, pour assurer des suivis personnalisés, que l'intervention des collectivités locales est le plus incontournable. Les politiques «publiques» dont la Commission souligne à juste titre qu'elles ont un rôle irremplaçable, sont en grande partie des politiques locales, régionales ou urbaines, même si elles s'inscrivent dans des systèmes de protection sociale nationaux.

Protection sociale

4.13. Échanger les pratiques

Dans l'évaluation des progrès en matière de convergence des systèmes de protection sociale, il serait souhaitable de disposer d'une appréciation comparée du rôle des échelons locaux dans ces systèmes (financement, mise en oeuvre).

4.14. Passage à l'emploi non salarié à faciliter

Une des sources de création d'emploi encore mal exploitée en Europe, si on compare par exemple avec les États-Unis, est la création d'entreprise. Un des freins majeurs est le problème de la protection sociale, moins favorable que dans un emploi salarié. Les autorités locales et régionales déploient des aides aux créateurs d'entreprises, et le Comité des régions demande que cet effort à destination des créateurs d'entreprises soit accompagné par une réflexion sur le passage à l'emploi non salarié au niveau des États membres et de la Commission. Il souligne l'importance de cette dynamique de création de micro-entreprises dans les zones rurales défavorisées comme dans les quartiers urbains en difficulté, et pour les publics fragiles (femmes, jeunes, ...). De même, dans ce contexte, le Comité des régions propose d'explorer les possibilités de soutien aux entreprises d'économie sociale et d'offrir à leurs membres un traitement non discriminatoire, par rapport aux salariés.

4.15. Tendances démographiques

Compte tenu de l'importance de l'évolution de la démographie et des mouvements de population pour les territoires locaux (attractivité de certains territoires pour les seniors), le Comité des régions souhaite être associé aux réflexions menées sur ce thème par la Commission, qui doit, prendre toutes les mesures de son aspect territorial.

4.16. Mobilité et pension

La mobilité des travailleurs pourrait pallier au déficit de main-d'oeuvre qualifiée que connaissent certains bassins d'emploi. La mobilité doit être rendue plus facile, notamment par la transférabilité des pensions à l'intérieur de l'Union. À terme, la convergence des systèmes de protection sociale et des fiscalités sera un élément favorable à la mobilité des travailleurs.

4.17. Les moyens de l'intégration sur le territoire local

Le Comité des régions partage le point de vue de la Commission qui prône le passage de mesures passives d'intégration (allocations) à des mesures actives (réintégration dans le marché du travail, économie sociale, ...). Les collectivités locales et régionales expérimentent déjà largement de telles mesures.

4.18. Le Comité des régions appelle la Commission, comme elle le mentionne dans sa communication, à prévoir des mesures concrètes pour intégrer les acteurs au niveau local à une réflexion sur des politiques préventives en matière d'exclusion. Le Comité des régions rappelle que les villes sont les plus touchées par les phénomènes d'exclusion qui mettent en péril la sécurité urbaine, la cohésion de la ville et le sentiment de citoyenneté. Il insiste sur le rôle des collectivités territoriales dans la lutte contre l'illettrisme et pour l'intégration des migrants.

4.19. Le Comité des régions rappelle que le problème des réfugiés touche particulièrement certains pays européens, et soutient l'initiative de la Commission de développer un programme sur ce thème.

4.20. Égalité des chances

Le Comité des régions a exprimé son engagement en faveur de l'égalité et de la lutte contre la discrimination. Les initiatives locales ont un rôle important dans ce domaine afin de garantir la cohésion sociale et l'intégration dans leur territoire.

4.21. Santé publique

Les collectivités locales et régionales doivent assumer les conséquences de certaines mutations (vieillissement de la population), et doivent prendre des mesures pour y faire face. Dans ce domaine également, il est nécessaire de disposer de statistiques au niveau local et régional. De plus, des échanges de bonnes pratiques au niveau européen permettront d'identifier des pratiques innovantes et transférables.

5. L'aspect extérieur

5.1. L'échange d'expériences entre collectivités locales est une base pour la promotion du modèle social européen. L'intégration d'une clause sociale dans les accords de l'Organisation mondiale du commerce serait de plus un puissant facteur de prise en compte de la dimension sociale au niveau mondial.

5.2. Même si le modèle social européen ne peut s'exporter tel quel, l'Europe peut, comme le souligne la Commission, «promouvoir le progrès social sur la scène mondiale». Les programmes de coopération interrégionale de la Commission européenne peuvent être un vecteur de promotion de ce progrès social. Le Comité des régions recommande qu'un volet social soit intégré dans la future initiative communautaire qui sera le cadre de la coopération interrégionale externe.

6. Conclusions

Le Comité des régions soutient les objectifs définis par la Commission dans sa communication, ainsi que les mesures prévues pour qualifier le modèle social européen face aux mutations économiques et sociales. Le Comité des régions rappelle que les collectivités locales et régionales ont un rôle central à jouer, en raison de leur proximité et leurs capacités d'innovation. Afin que les collectivités locales et régionales puissent contribuer de manière pleine et efficace à la réflexion sur l'avenir du modèle social européen,

Le Comité des régions souhaite:

6.1. être associé aux politiques communautaires sur l'emploi, en particulier à l'élaboration des lignes directrices européennes pour l'emploi dès 2000; il demande aux États membres d'élaborer leurs plans d'actions nationales pour l'emploi en partenariat avec les autorités locales et régionales;

6.2. être consulté sur la création d'une base de données sur la politique sociale, créée sur une base locale et régionale, afin de disposer d'éléments statistiques de comparaison et d'évaluation de la cohésion sociale en Europe;

6.3. que les collectivités locales et régionales en tant qu'employeurs participent au dialogue social européen;

6.4. avoir un rôle dans les processus de consultation européens sur la politique sociale; et en particulier être associé à la préparation d'un prochain Forum social européen, où le rôle des collectivités locales devrait être mieux pris en compte;

6.5. que la Commission développe des programmes de soutien aux actions pilotes et innovantes développées par les collectivités locales et régionales dans le domaine de l'emploi et de la politique sociale;

6.6. que les collectivités territoriales des futurs États membres de l'Union soient associés aux politiques communautaires en matière sociale, en particulier en matière d'emploi, et puissent participer aux travaux du Comité des régions.

Bruxelles, le 14 janvier 1999.

Le Président du Comité des régions

Manfred DAMMEYER