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Avis du Comité économique et social sur la «Proposition de règlement (CE) du Conseil relatif à des substances qui appauvrissent la couche d'ozone»

Journal officiel n° C 040 du 15/02/1999 p. 0034 - 0037


Avis du Comité économique et social sur la «Proposition de règlement (CE) du Conseil relatif à des substances qui appauvrissent la couche d'ozone»

(1999/C 40/11)

Le 23 octobre 1998, le Conseil a décidé, conformément aux dispositions de l'article 130 S du Traité instituant la Communauté européenne, de consulter le Comité économique et social sur la proposition susmentionnée.

La section «Agriculture, développement rural, environnement», chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a élaboré son avis le 29 octobre 1998 (rapporteur: M. Colombo).

Lors de sa 359e session plénière des 2 et 3 décembre 1998 (séance du 2 décembre), le Comité économique et social a adopté par 99 voix pour, 1 voix contre et 2 abstentions l'avis suivant.

1. Introduction

1.1. Le Comité approuve la proposition à l'examen sous réserve des observations formulées ci-dessous, et prend acte du fait que celle-ci constitue une révision extrêmement importante dont les principaux éléments sont les suivants:

a) Poursuite des actions relatives aux hydrochlorofluorocarbures (HCFC):

- abaissement de 2,6 % à 2,0 % de la limite quantitative fixée pour la mise sur le marché des HCFC;

- renforcement des mesures de limitation des utilisations finales des HCFC prévues à l'article 5 du règlement;

- mesures de gel de la production accompagnées d'un calendrier d'élimination des HCFC;

b) Élimination de la production et de la consommation de bromure de méthyle au plus tard le 1er janvier 2001, assortie de dérogations pour les «utilisations critiques»;

c) Interdiction générale de la mise sur le marché et de l'utilisation des CFC et autres substances entièrement halogénées;

d) Mesures de contrôle des échanges (destinées à mettre en oeuvre les exigences en matière d'autorisation d'exportations introduites dans le protocole de Montréal en 1997).

2. Observations générales

2.1. Le Comité a suivi avec attention l'évolution de la réglementation communautaire sur les substances appauvrissant la couche d'ozone. Il a constaté et soutenu les progrès réalisés, et se félicite des résultats obtenus grâce à un développement technologique qui a su s'adapter d'une part à la prise de conscience croissante des risques globaux pour l'avenir de la planète, et d'autre part aux engagements internationaux pris dans le cadre du protocole de Montréal ().

2.2. Le CES n'a cessé de répéter que l'action en faveur de l'ozone doit être menée au niveau mondial (seule l'implication d'un maximum de pays peut aboutir à des résultats tangibles). Pour ce faire, l'Union doit renforcer sa position lors des négociations menées dans le cadre du protocole de Montréal, et jouer un rôle moteur en prenant au niveau européen des mesures démontrant qu'il est possible de réduire les substances qui menacent la couche d'ozone et qu'il existe des solutions alternatives viables dans les délais proposés par la proposition de la Commission.

2.3. Dans son avis sur le 5e programme-cadre (), le Comité soulignait déjà, au chapitre consacré à la politique de l'environnement sur la scène internationale, les engagements et les responsabilités qui incombent à l'Union européenne en raison de son haut niveau d'industrialisation et de développement technologique, des ressources financières dont elle dispose et de la sensibilité prononcée de l'opinion publique à l'égard de la nécessité de protéger les ressources naturelles. L'avis du CES sur la ratification de l'amendement du protocole de Montréal tel qu'il a été adopté à Copenhague en 1992 (), avis dans lequel le Comité approuvait l'inclusion du bromure de méthyle et se réjouissait du «rôle de promoteur» joué dans ce domaine par la Communauté, reste valable pour l'appréciation de la proposition de règlement soumise à présent à notre examen. Cela vaut également pour l'avis global du Comité relatif à la consolidation du règlement sur les substances appauvrissant la couche d'ozone suite à l'amendement adopté à Copenhague (), avis qui porte expressément sur le 5e programme d'action en faveur de l'environnement.

2.3.1. Dans ce dernier avis, le CES se réjouissait des résultats obtenus par l'industrie européenne dans l'élaboration de solutions alternatives, et l'encourageait à poursuivre dans cette voie, qui constitue le seul moyen permettant de sauvegarder la santé de la planète et de garantir la compétitivité à long terme.

2.3.2. Ces considérations demeurent valables en ce qui concerne la proposition à l'examen.

2.4. Par conséquent, le Comité constate avec satisfaction que les avancées technologiques réalisées dans certains secteurs industriels grâce à la recherche et aux investissements en faveur de l'élaboration de substances de remplacement permettent même à l'Europe d'avancer la date d'élimination prévue par le protocole. L'Union européenne montre ainsi qu'elle est capable, comme lors de la conférence de Kyoto, d'occuper au niveau international une position d'avant-garde s'appuyant sur des études de faisabilité et des exemples concrets.

2.5. Un problème se pose néanmoins, à savoir comment développer une éventuelle initiative unilatérale visant à avancer la date d'élimination des substances en tenant compte du comportement des partenaires commerciaux (concurrents directs en matière de production, comme les États-Unis, le Japon et certains pays en voie de développement importateurs ou cibles d'investissements de délocalisation) et de la possibilité d'obtenir l'adhésion d'autres pays à l'approche choisie par l'UE. À cet égard, il est bon de rappeler, comme le mentionne le point 1.3 (16) de la partie introductive du document de la Commission, que lors de la neuvième conférence des parties à Montréal en 1997, la proposition européenne de réduire la production de HCFC n'a pas été suivie. Si l'Union européenne veut progresser dans cette direction, elle doit intensifier ses efforts en matière de négociation afin de garantir des résultats concrets.

2.5.1. Il faut également rappeler que la ratification des modifications apportées au protocole de Montréal a pris du retard dans un certain nombre de pays. Ainsi, des pays tels que la Chine et l'Inde, dont le développement revêt une grande importance pour l'économie mondiale, n'ont pas encore ratifié l'amendement de Copenhague concernant les HCFC. L'existence au niveau mondial de plusieurs calendriers pour l'élimination des substances réduit l'impact des mesures les plus pointues, dans la mesure où elles ne peuvent être généralisées notamment grâce aux mécanismes financiers prévus par le protocole de Montréal pour soutenir la reconversion des pays en voie de développement.

2.6. Il faut éviter que les États-Unis et le Japon ne prennent le contrôle des marchés en se substituant aux industries européennes qui réduisent leur production (HCFC), et garantir que ces industries ne délocalisent pas leurs unités de production dans les pays en voie de développement (ou pays de l'article 5), ce qui aurait pour seul effet la réduction de l'emploi en Europe.

2.7. De même, il faut garantir que l'interdiction touchant le bromure de méthyle ne profite pas aux pays jouissant de conditions climatiques plus favorables aux méthodes alternatives, au détriment de l'agriculture méditerranéenne, soumise pour sa part à la concurrence des pays en voie de développement méditerranéens qui continueront à utiliser cette substance jusqu'en 2015. Outre les dérogations pour les «utilisations critiques», laissées à l'appréciation des États membres, la politique de coopération au développement doit promouvoir des pratiques analogues dans les pays qui bénéficient d'aides.

2.7.1. Le Comité prend acte que la Commission a commandé une étude sur les coûts et les conséquences de l'élimination du bromure de méthyle (qui fournit des exemples de remplacement réussi du bromure de méthyle) et qu'elle a organisé à Tenerife (en avril 1997) un atelier consacré aux solutions de remplacement du bromure de méthyle pour les pays de l'Europe du sud. Il faut poursuivre sur la même voie, en prenant des initiatives qui permettront de généraliser les expériences pilotes.

2.8. Il apparaît également que le problème du contrôle des substances interdites reste en partie irrésolu, en particulier à cause du trafic illégal de CFC. La crédibilité de l'Union européenne risque d'être mise à mal si l'on ne parvient pas à imposer le respect des règlements existants en raison d'un marché illégal dans ce domaine. L'application de l'interdiction frappant les CFC s'avère en effet fort inégale, avec des effets extrêmement négatifs sur l'environnement. Le CES renvoie aux observations formulées au paragraphe 1.11 de l'avis de 1993 quant à l'exigence d'effectuer des contrôles rigoureux afin de prévenir l'éventualité que les utilisateurs contournent les restrictions imposées par le règlement ().

2.9. Le Comité a connaissance des critiques émises par des milieux industriels et agricoles, qui craignent de perdre des parts de marché en faveur de pays concurrents. Si certaines entreprises productrices, qui associent déjà la production des HCFC avec celle de leurs substituts, pourront s'adapter aux nouvelles dates, il existe par ailleurs des investissements en faveur des équipements et des installations de la part d'utilisateurs (souvent des PME) dont la reconversion s'avère difficile, qui doivent être amortis. Le Comité est d'avis que les propositions de la Commission entraîneront dans certains secteurs des mutations structurelles, lesquelles pourront cependant, moyennant l'utilisation des développements techniques, s'opérer sans perturber durablement la situation du marché, si bien que les objectifs de la Commission pourront se réaliser dans les délais prévus; selon la Commission, les cas problématiques individuels sont à résoudre par l'octroi de dérogations, de manière à éviter en ce sens toute répercussion défavorable sur la situation de l'emploi dans l'industrie et dans l'agriculture européennes.

2.10. Le Comité invite la Commission à étudier de façon plus approfondie une approche qui consiste à opérer une distinction entre les différents types de HCFC de façon à accélérer l'élimination des substances les plus dangereuses en raison de leur potentiel d'appauvrissement de l'ozone. En effet, il est évident que le remplacement des HCFC à faible indice ODP par des HCFC à haut indice ODP n'est pas toujours possible, et qu'il dépend des utilisations et applications spécifiques. Cependant, il semble peu justifié d'un point de vue environnemental de traiter l'ensemble des HCFC de façon identique.

2.11. Le CES invite également la Commission à approfondir l'étude sur les problèmes de sécurité posés par les substances de remplacement (inflammabilité des HC et toxicité de l'ammoniaque). Les critères retenus pour la sélection des substances de remplacement et pour l'élimination des produits existants devraient tenir compte d'une combinaison de paramètres tels que le potentiel d'appauvrissement de l'ozone (ODP), le potentiel de réchauffement de la planète (GWP), la production de composés organiques volatils (COV), la toxicité, l'inflammabilité, le coût de fabrication, d'installation et d'élimination.

2.12. Par ailleurs, le Comité souligne les liens mis en évidence au niveau scientifique entre l'effet de serre et le trou d'ozone, et appelle à une meilleure coordination de l'action à entreprendre en réponse aux accords de Kyoto (introduction des HFC dans le groupe des six gaz à effet de serre) ainsi que de l'action dérivant du protocole de Montréal.

2.13. Enfin, le Comité constate que les problèmes de récupération des substances réglementées usées et des fuites de substances réglementées sont une composante essentielle de la réduction de l'impact environnemental. Il faut encourager la création d'installations d'élimination appropriées, et garantir la formation d'un personnel qualifié à même de réaliser ces tâches, afin d'assurer la transition vers des substances moins nocives pour l'ozone. C'est en agissant dans ce sens que l'on pourra tirer des avantages du point de vue environnemental, et créer de nouvelles perspectives d'emploi.

3. Observations particulières

3.1. Article 2 (Définitions)

3.1.1. Il serait opportun d'ajouter un alinéa concernant le potentiel de réchauffement de la planète (GWP) et basé sur la définition du Groupe intergouvernemental sur l'évolution du climat (IPCC), afin de pouvoir évaluer l'impact environnemental global des substances de remplacement.

3.2. Article 3 - paragraphe 2 (Bromure de méthyle)

3.2.1. Le Comité constate que les dérogations pour les utilisations critiques sont réglementées à l'annexe V et font l'objet d'un rapport adressé à la Commission. À cet égard, il serait opportun de prévoir un rapport périodique afin d'évaluer la situation et les mesures à prendre pour encourager la réduction de l'utilisation et le recours à des méthodes alternatives, grâce aux Fonds structurels.

3.2.2. En ce qui concerne les dérogations en cas d'urgence, la limite de 60 jours peut s'avérer trop courte. Il faudrait prévoir une certaine flexibilité fondée.

3.3. Article 3 - paragraphe 3 (HCFC)

3.3.1. Le Comité propose d'examiner la possibilité de moduler la réduction de la production des HCFC en fonction du potentiel d'appauvrissement de l'ozone (ODP) de façon à réduire les émissions globales présentant un tel potentiel, et à prévenir les émissions de substances alternatives contribuant au réchauffement de la planète (GWP).

3.3.2. Lors du réexamen prévu pour 2002, le Comité souhaite qu'une attention particulière soit accordée à l'utilisation sûre et à l'impact environnemental global des substances et des technologies alternatives disponibles.

3.4. Article 4 (Limitation de la mise sur le marché et de l'utilisation de substances réglementées)

3.4.1. Les dispositions devraient permettre de juguler le marché noir, en particulier pour les CFC. Cependant, étant donné la difficulté de procéder à des contrôles diffus de l'utilisation, le Comité préconise un recours accru aux instruments volontaires tels que l'étiquette écologique et la certification EMAS () (Système communautaire de management environnemental et d'audit), de façon à impliquer activement les utilisateurs et les consommateurs dans le processus d'élimination.

3.5. Article 5 (Limitation de l'utilisation des HCFC)

3.5.1. Le CES propose d'étudier de façon plus approfondie les solutions alternatives disponibles pour la production de mousses et respectueuses de l'environnement. Cela permettrait en effet d'avancer la date d'élimination des HCFC à haut indice ODP dans ce domaine.

3.5.2. En ce qui concerne les dérogations, il invite la Commission à mieux évaluer l'opportunité de permettre temporairement l'utilisation, pour des raisons de sécurité, des HCFC comme agents d'extinction dans les systèmes anti-incendies pour les espaces restreints, en remplacement des halons.

3.6. Chapitre III (Régime commercial)

3.6.1. Le Comité se réjouit de l'effort fourni pour adapter les contrôles sur les importations et les exportations aux exigences fixées en novembre 1997 à Montréal: le contrôle croisé des informations devrait contribuer à la réduction des trafics illégaux. La coopération entre les autorités de contrôle doit être renforcée au niveau international.

3.7. Chapitre IV (Réglementation des émissions)

3.7.1. Le Comité considère qu'il est extrêmement important de développer pour toutes les substances réglementées des méthodes communes de récupération et de destruction compatibles du point de vue écologique, et de prévoir des niveaux de qualification minimaux pour le personnel d'entretien. Il est en effet possible d'augmenter l'efficacité des mesures de réduction des substances appauvrissant la couche d'ozone à ce niveau. Par conséquent, il est important d'augmenter les échanges d'expériences entre États membres concernant les meilleures technologies disponibles. Le système EMAS () pourrait jouer un rôle positif dans ce secteur également.

3.8. Article 20 (Sanctions)

3.8.1. Le Comité constate avec satisfaction que la formulation de cet article est renforcée, et se demande s'il ne serait pas utile que la Commission publie régulièrement un rapport dans lequel elle communiquerait les résultats des notifications qui lui sont transmises par les États membres. Une transparence accrue pourrait favoriser la suppression du marché noir.

Bruxelles, le 2 décembre 1998.

La Présidente du Comité économique et social

Beatrice RANGONI MACHIAVELLI

() Adopté en 1987 et modifié à Londres en 1990, à Copenhague en 1992 et à Montréal en 1997 (la dernière version modifiée devrait entrer en vigueur le 1er janvier 1999).

() JO C 287 du 4.11.1992.

() JO C 201 du 26.7.1993.

() JO C 52 du 19.2.1997.

() Règlements (CEE) nos 880/92 et 1836/93.

() Règlement (CEE) n° 1836/93.