51997AC1200

Avis du Comité économique et social sur le «Rapport de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social et au Comité des régions sur les mesures communautaires affectant le tourisme (1995/1996)»

Journal officiel n° C 019 du 21/01/1998 p. 0116


Avis du Comité économique et social sur le «Rapport de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social et au Comité des régions sur les mesures communautaires affectant le tourisme (1995/1996)»

(98/C 19/30)

Le 8 juillet 1997, le Comité économique et social a décidé, conformément à l'article 23, paragraphe 2, de son Règlement intérieur, d'élaborer un avis (supplément d'avis) concernant le rapport susmentionné.

La section du développement régional, de l'aménagement du territoire et de l'urbanisme, chargée de la préparation des travaux du Comité en la matière, a adopté son avis le 21 octobre 1997 (rapporteur: M. Lustenhouwer).

Lors de sa 349e session plénière des 29 et 30 octobre 1997 (séance du 30 octobre), le Comité économique et social a adopté par 52 voix pour, 3 voix contre et 6 abstentions l'avis suivant.

1. Introduction

1.1. Le Comité économique et social a pris connaissance avec intérêt du rapport de la Commission sur les mesures affectant le tourisme qui ont été prises au niveau européen pendant la période 1995/1996. Le Comité prend également note du fait que, outre ce rapport, la Commission a publié un document de travail séparé () sur les diverses actions qui ont été menées durant la même période dans le cadre de la politique spécifique de la Commission en matière de tourisme. Compte tenu de ses observations au sujet du Livre vert sur le tourisme () et de la proposition de la Commission pour un programme pluriannuel en faveur du tourisme («Philoxenia») (), le Comité se limitera, dans ce supplément d'avis, à quelques commentaires principaux, à caractère plus essentiel.

1.2. Le rapport de la Commission concernant les mesures communautaires affectant le tourisme démontre une fois de plus que, dans bien des domaines, la politique de l'Union européenne touche au secteur touristique. Il s'agit là en partie d'une conséquence logique du fait que ce que l'on a coutume d'appeler le secteur du tourisme recouvre, dans la pratique, une multiplicité d'entreprises appartenant à de nombreux secteurs économiques et dispersées à travers toute l'Europe. Le secteur touristique se caractérise en effet par la diversité de ses entreprises.

1.3. Le Comité se félicite de la publication, par la Commission, de ce rapport, qui fait apparaître, à travers bon nombre d'actions, la préoccupation de l'UE à l'égard des entreprises du secteur touristique ainsi que des personnes qu'elles emploient. En effet, l'activité communautaire dans ce secteur pourrait apparaître comme très restreinte si l'on se cantonne aux actions menées dans le cadre de la politique spécifique, qui n'ont qu'une portée très modeste.

1.4. Toutefois, le Comité constate que le rapport demeure assez général. Selon le Comité, la Commission devrait tenter, non seulement dans le document de travail susmentionné mais également dans ce rapport, dont le statut juridique est plus important et qui est diffusé à plus grande échelle, de préciser les moyens financiers dont bénéficierait directement le secteur touristique. De même, le Comité encourage la Commission à essayer de mesurer plus en détail les effets des différentes actions en termes de croissance de l'emploi dans le secteur ou d'amélioration de la qualité du produit touristique. De telles analyses d'impact facilitent en effet les choix qui guideront la poursuite, voire le renforcement de la politique dans ce domaine.

2. La politique touristique par rapport aux politiques environnementale et des consommateurs

2.1. Ainsi qu'il ressort des conclusions d'avis émis précédemment par le Comité en matière de tourisme, la dimension économique de ce secteur se mesure à l'échelle du globe. Malgré le développement positif soutenu de l'industrie du tourisme, y compris en termes d'emploi, la part de marché reste toujours sous pression. Les chiffres fournis par la Commission, mais également par l'Organisation mondiale du tourisme (OMT) et l'OCDE font apparaître que les destinations concurrentielles en dehors de l'Europe tiennent une place nettement accrue ces dernières années et que les prévisions pour les années à venir vont dans le même sens.

2.2. Bien que les entreprises elles-mêmes déterminent en définitive l'attrait du produit touristique, la nature même du produit conduit les autorités, tant locales que nationales, mais également, dans une mesure croissante, les autorités communautaires, à jouer un rôle important pour conserver l'attrait touristique exercé par l'Europe.

2.3. En effet, le produit touristique comporte un aspect qualitatif qui ne se limite pas au moyen de transport (avion, train, etc.) ou à l'hôtel, mais s'étend également à la qualité de l'environnement dans lequel ce produit est offert. Ce sont précisément ces aspects-là qui peuvent en l'occurrence être largement influencés par la politique des pouvoirs publics. Pensons par exemple à des aspects tels que la facilité d'accès, la sécurité et la qualité de la vie au sens large (pollution!).

2.4. Aussi, le Comité estime-t-il qu'il est d'une importance vitale pour l'industrie touristique européenne de trouver un équilibre entre les objectifs communautaires tels que la croissance durable, la cohésion etc., et l'objectif de promotion du secteur touristique pour des raisons de continuité et d'emploi.

2.5. Les autorités ne sont pas les seules à bénéficier de la recherche de cet équilibre; le secteur tire lui aussi profit des préoccupations telles que la protection de l'environnement et l'amélioration de l'accessibilité. Le Comité estime que la politique environnementale européenne doit davantage prendre en compte les problèmes rencontrés dans le domaine du tourisme. L'UE devra redoubler d'efforts afin d'équilibrer, plus encore que ce n'est le cas actuellement, la politique environnementale et la promotion de l'esprit d'entreprise dans le secteur touristique. Le Comité fait remarquer que ces efforts doivent être basés à la fois sur les possibilités qui s'offrent concrètement aux entreprises touristiques et sur les objectifs et/ou mesures jugé(e)s souhaitables du point de vue de l'environnement. Il a été démontré par le passé que des normes ou des standards fixés uniquement d'un point de vue environnemental sont parfois totalement inapplicables par l'industrie, pour diverses raisons (techniques et/ou commerciales). Dans les programmes de l'UE visant à promouvoir le secteur touristique dans des «pays tiers», il faudra veiller au respect des normes européennes de protection de l'environnement.

2.6. Comme indiqué dans le rapport de la Commission, c'est à juste titre que la politique de l'UE a été formulée à partir de plusieurs objectifs. L'un d'entre eux est bien entendu l'encouragement d'un environnement favorable aux entreprises du tourisme, la protection de l'environnement ayant quant à elle déjà été abordée auparavant. Mais la position du touriste consommateur est elle aussi prise en compte avec raison dans la politique européenne. L'UE peut également contribuer à l'instauration de conditions générales définissant un cadre sûr et certain pour le touriste consommateur sans pour autant alourdir les charges administratives qui pèsent sur les entrepreneurs du secteur touristique. Contrairement à d'autres «produits», dans le tourisme, c'est toujours le consommateur qui va vers le produit et non l'inverse. Dans cette optique, le consommateur doit être fixé en ce qui concerne sa position juridique, en particulier lorsqu'il s'agit de destinations en dehors de son propre pays. Le budget du consommateur sera davantage assuré après l'introduction de l'Euro.

3. Emploi et tourisme

3.1. Comme indiqué précédemment, l'apport du secteur touristique à la création d'emplois est énorme et ne cesse d'augmenter. Environ 6 % de la population active, c'est-à-dire 9 millions de personnes occupent un emploi dans ce secteur. Ce pourcentage devrait atteindre 9 % en l'an 2010 (). Au Royaume-Uni, on prévoit qu'en l'an 2000, le tourisme sera le secteur économique principal. D'où la nécessité, au vu de la situation toujours aussi préoccupante du marché de l'emploi dans l'Union européenne, d'accorder une attention toute particulière à l'évolution de l'emploi dans le secteur touristique et des loisirs. Le Comité estime que chaque mesure touchant le marché du travail, la formation et l'encouragement aux investissements créateurs d'emplois doit accorder une attention particulière à l'impact des activités sur l'industrie du tourisme. En effet, la croissance devrait se poursuivre dans ce domaine, pour autant que l'on satisfasse à certaines conditions mises en avant par le Comité dans les avis précédemment cités, et la croissance économique se traduit en l'occurrence directement par des créations d'emplois. Le secteur touristique est un important pourvoyeur d'emplois et le restera dans de nombreux types d'activités, même après l'introduction et l'utilisation de nouvelles technologies, à condition que des mesures soient prises à tous les niveaux pour favoriser la compétitivité. Le Comité fait observer à cet égard que les récentes tendances à la concentration peuvent entraîner, dans ce secteur, des changements importants qui doivent être examinés de façon critique dans le cadre de la politique de concurrence.

3.2. Le Comité se réjouit de l'initiative prise par la présidence luxembourgeoise et la Commission d'organiser une conférence au début du mois de novembre 1997, qui aura pour thème le tourisme et l'emploi. Le Comité espère que cette conférence débouchera sur des recommandations concrètes à l'attention des États membres et de l'Union elle-même, ayant comme objectif d'augmenter et de revaloriser les emplois dans l'industrie touristique et de dégager une perspective de continuité pour ce secteur. C'est parce que le secteur touristique est, en termes d'emploi, un des rares secteurs de croissance de l'Union que le Comité espère voir les recommandations de cette conférence servir de point de départ pour le sommet européen extraordinaire sur l'emploi en Europe. Dans les discussions sur l'emploi en termes d'aménagements du marché du travail, de flexibilité et de formes de travail atypiques, l'expérience acquise dans le secteur touristique (l'échange de meilleures pratiques au sens de l'article 5 du nouveau titre sur l'emploi du projet de Traité d'Amsterdam) peut servir d'exemple pour d'autres secteurs où cette évolution se fait jour.

3.3. Le Comité estime également que les récentes recommandations de l'Organisation mondiale du tourisme doivent recevoir l'attention requise lors de la Conférence et qu'elles peuvent être mises en oeuvre. Dans la Déclaration de Madrid sur le développement des ressources humaines dans le tourisme (), l'OMT invitait entre autres à:

- engager tous les acteurs à accorder la plus grande priorité au développement des ressources humaines;

- préconiser de nouveaux paradigmes prenant en compte l'enseignement touristique général et les formations spécialisées qui répondent le mieux à un environnement en mutation;

- reconnaître le rôle fondamental de l'éducation et de la formation dans le développement des métiers du tourisme;

- envisager la mise en place de normes, d'une certification et d'un agrément universel afin de renforcer les programmes existants et de guider la création de nouveaux systèmes d'éducation et de formation;

- recommander l'intégration de nouvelles technologies et de nouveaux systèmes d'information dans l'éducation et la formation touristique;

- reconnaître l'importance que revêtent la qualité et le professionnalisme en tant que facteurs essentiels non seulement dans l'éducation mais également dans la prestation des services.

3.4. Compte tenu du fait que les entreprises du secteur, essentiellement de petite et moyenne dimension, sont de grandes pourvoyeuses d'emplois, un débat approfondi devra s'engager, durant la conférence, au sujet des possibilités de réduction des coûts du travail. Les impôts sur le travail et les cotisations sociales ont encore souvent pour effet d'accroître excessivement la charge finale qui pèse sur l'employeur et qui le dissuade de recruter du personnel nouveau. Par conséquent, l'écart entre l'ensemble des charges patronales et le salaire net des employés devra être considérablement réduit sans toutefois toucher aux salaires nets ni menacer le financement des systèmes de sécurité sociale. Les mesures éventuelles ne peuvent toutefois pas concerner des secteurs particuliers. Une telle approche, conjuguée à une amélioration des conditions de travail, contribuera également à réduire le phénomène du travail au noir qui, dans certaines régions de l'Union, s'accompagne de plus en plus de l'utilisation de travailleurs de pays tiers en situation de séjour illégal dans l'Union. De plus, il faudra également permettre à l'avenir aux États membres de proroger le taux réduit de TVA applicable aux nuitées et aux approvisionnements dans le domaine de la restauration (nourriture).

4. Conclusion

4.1. Le Comité, dans des avis précédents (), s'est déjà déclaré partisan, à la majorité, de l'insertion dans le Traité UE d'un article séparé relatif au tourisme. Le Comité prend acte que le Traité d'Amsterdam n'a pas abouti à l'insertion d'une telle disposition. Le Comité regrette qu'à sa connaissance, durant la Conférence intergouvernementale préliminaire au Traité d'Amsterdam, l'on n'ait pour ainsi dire pas donné suite, sur le plan du contenu, à ce souhait émis non seulement par le Comité mais également par le Parlement européen ().

4.2. Le Comité regrette également de devoir constater que, plus d'un an après la présentation par la Commission de la proposition de programme pluriannuel en faveur du tourisme «Philoxenia», le Conseil ne soit pas encore parvenu à un accord à cet égard. Le Comité se réjouit en tout cas du fait que le Parlement européen ait dégagé 4 millions d'écus dans son budget 1997 en faveur du tourisme et l'invite, dans les années à venir, à reconduire cette enveloppe au titre de la politique touristique. Le Comité estime que le Conseil ne peut continuer à ignorer les souhaits du Comité et du Parlement vis-à-vis d'une politique communautaire à part entière en matière de tourisme (). Dès lors, le Comité accueille favorablement l'annonce faite par le Président en exercice du Conseil Tourisme () de l'initiative de la Présidence luxembourgeoise visant à remettre «Philoxenia» à l'ordre du jour. Le Comité invite instamment le Conseil à prendre une décision dans le courant de l'année sur tous les éléments de la proposition de la Commission afin qu'un tel signal positif se traduise par des activités concrètes qui bénéficieront au secteur, aux personnes qu'il emploie ainsi qu'aux consommateurs du produit touristique.

4.3. Le Comité pense, en tout état de cause, qu'il faut mettre en oeuvre au plus tôt les éléments du programme «Philoxenia» ayant trait à la coordination horizontale de la politique touristique dans le cadre de la politique générale de l'Union européenne et à l'échange d'informations sur les développements au sein des États membres. À défaut de titre spécifique dans le Traité, le premier élément, c'est-à-dire l'intégration de la politique touristique dans des activités liées à d'autres domaines (protection des consommateurs, environnement, transports, Fonds structurels, recherche technologique et scientifique, etc.), constitue sans aucun doute plus que jamais une tâche politique à laquelle la Commission mais aussi et surtout le Conseil devront s'attacher.

Bruxelles, le 30 octobre 1997.

Le Président du Comité économique et social

Tom JENKINS

() Les mesures communautaires affectant le tourisme, document de travail des services de la Commission, Bruxelles, 11. 7. 1997, SEC(97) 1419.

() Comité économique et social, Avis sur le rôle de l'UE en matière de tourisme - Livre vert de la Commission (doc. COM(95) 97 final), - JO C 301 du 13. 11. 1995.

() Comité économique et social, Avis sur le premier programme pluriannuel en faveur du tourisme européen (1997-2000) - Philoxenia (doc. COM(96) 168 final), JO C 30 du 30. 1. 1997.

() World Travel and Tourism Council (WTTC), Travel and Tourism - Jobs for the millenium (Voyages et Tourisme - Emplois pour le millénaire), Londres, 1997.

() Conférence de l'OMT «Le capital humain dans l'industrie du tourisme du 21e siècle», Madrid, 21-23. 1. 1996.

() Comité économique et social, Avis sur le rôle de l'UE en matière de tourisme - Livre vert de la Commission (doc. COM(95) 97 final), - JO C 301 du 13. 11. 1995; Comité économique et social, Avis sur le premier programme pluriannuel en faveur du tourisme européen (1997-2000) - Philoxenia (doc. COM(96) 168 final), JO C 30 du 30. 1. 1997.

() Voir plus récemment: Résolution sur le tourisme, Parlement européen, 12. 6. 1997, PE 260.312.

() Voir entre autres la «Résolution du Parlement européen sur la communication de la Commission sur l'artisanat et les petites entreprises», 24. 4. 1997, JO C 150 du 19. 5. 1997. Dans le point 21 de la résolution, le PE: «...regrette que le développement de la compétitivité d'une catégorie très importante de PME, c'est-à-dire celles du secteur touristique, ne soit pas considéré comme assez important que pour y consacrer des actions communautaires spécifiques, sans parler d'une politique communautaire spécifique» et déclare «À chaque fois que nous évoquons le thème du tourisme auprès du Conseil, ou même des États membres, il semble que personne n'entende. Évoquez le tourisme et ils vont se dorer la pilule sur la plage. Parlez du plus important secteur industriel européen et nos décideurs deviennent indécis. Ils s'enfoncent dans leur fauteuil et se complaisent dans la satisfaction de penser que l'industrie européenne la plus florissante n'a besoin ni d'aide ni de compréhension»*.

* M. L. Harrison (PSE), Parlement européen, Compte rendu des délibérations, 10 juin 1997.

() Présentation du tourisme communautaire et du programme de la Présidence luxembourgeoise faite par M. Fernand Boden, Président en exercice du Conseil Tourisme, ministre des Classes moyennes et du Tourisme du grand-duché de Luxembourg, devant la Commission des transports et du tourisme du Parlement européen, le 3 septembre 1997.