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Avis du Comité économique et social sur le «Livre blanc - Une stratégie pour revitaliser les chemins de fer communautaires»

Journal officiel n° C 206 du 07/07/1997 p. 0023


Avis du Comité économique et social sur le «Livre blanc - Une stratégie pour revitaliser les chemins de fer communautaires»

(97/C 206/06)

Le 2 août 1996, la Commission a décidé, conformément à l'article 198 du Traité CE, de saisir le Comité économique et social d'une demande d'avis sur le livre blanc susmentionné.

La section des transports et communications, chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a émis son avis le 9 avril 1997 (rapporteur: M. von der Decken).

Lors de sa 345e session plénière des 23 et 24 avril 1997 (séance du 23 avril 1997), le Comité a adopté par 115 voix pour, 4 voix contre et 6 abstentions l'avis suivant.

1. Le document de la Commission

La Commission considère le Livre blanc à l'examen comme un nouvel instrument politique destiné à lutter contre les encombrements routiers et la pollution de l'environnement et à promouvoir une meilleure intégration de l'ensemble du système de transport européen. Mais en publiant ce document, le principal objectif de la Commission est d'enrayer le déclin du transport ferroviaire de marchandises et de passagers en présentant une nouvelle stratégie qui suppose une transformation radicale des structures organisationnelles actuelles et vise à créer des chemins de fer d'un type nouveau, gérés par des entreprises visant avant tout la satisfaction des besoins de la clientèle. En particulier, le document propose la création, pour le trafic de marchandises, d'une série de «freeways» ferroviaires transeuropéens librement accessibles à tous les opérateurs. Parallèlement, la Commission souhaite encourager l'utilisation du moyen de transport sûr, respectueux de l'environnement et commercialement rentable qu'est le rail, en tant que solution de remplacement ou de complément aux transports routiers.

Pour élaborer le Livre blanc, la Commission s'est inspirée des idées d'un groupe consultatif personnellement désigné par le Commissaire Kinnock et issu du secteur des responsables d'entreprises ferroviaires, des syndicats, des exploitants d'infrastructures ferroviaires et des usagers. Leur rapport intitulé «The future of rail transport in Europe» (L'avenir des transports ferroviaires en Europe) a été publié en juin 1996.

Dans un premier temps, cette nouvelle stratégie propose un plan en quatre étapes visant à revitaliser les chemins de fer de l'Union au moyen des mesures suivantes:

1.1. Etablir clairement le partage des responsabilités financières entre l'État et les entreprises ferroviaires

- La Commission prévoit de présenter à intervalles réguliers à partir de 1997 des rapports sur les progrès réalisés par les États membres dans la réduction de la dette des chemins de fer et l'assainissement de leurs finances.

- En ce qui concerne les dettes accumulées depuis 1993 et les déficits actuels, la Commission n'autorisera les aides d'État que si elles sont conformes au Traité et elle établira des règles et orientations spécifiques à ce sujet d'ici 1998.

1.2. Introduction des forces du marché dans le secteur ferroviaire

L'introduction des forces du marché est un élément essentiel de la stratégie proposée pour revitaliser les transports ferroviaires. La Commission propose dans son Livre blanc d'entreprendre les actions suivantes:

- accélérer la modification de la législation communautaire existante [directive 91/440/CEE ()], de manière à étendre les droits d'accès aux infrastructures ferroviaires pour le trafic marchandises et les services de transport internationaux de voyageurs, conformément à ce qui avait été proposé en juillet 1995 ();

- modifier la législation communautaire en vigueur afin de séparer davantage la gestion des infrastructures et les opérations de transport en unités d'activité distinctes, avec une gestion et des bilans séparés;

- créer une série de «freeways» ferroviaires transeuropéens pour le transport de marchandises. Les États membres situés le long d'un itinéraire donné ouvriraient simultanément l'accès aux infrastructures à l'ensemble des services de fret;

- créer des guichets uniques pour traiter aussi vite que possible les demandes d'attribution de sillons.

1.3. Garantir la fourniture de services d'intérêt général par l'attribution de contrats de service public

Deux améliorations majeures sont proposées:

a) abandonner le système mixte actuel, qui combine les obligations imposées par l'État et les contrats de service public, en faveur de l'application de contrats négociés entre l'État et l'entreprise ferroviaire pour tous les types de services publics, y compris les services de transport urbains, suburbains et régionaux;

b) introduire les forces du marché dans l'exploitation des services. Cela permettrait d'améliorer aussi bien les transports intérieurs de voyageurs que les transports internationaux de passagers ou de fret.

1.4. Intégration des réseaux ferroviaires nationaux

La Commission travaille déjà à une stratégie ambitieuse destinée à raccorder entre elles les infrastructures de transport nationales pour obtenir des réseaux transeuropéens et à mettre en place un cadre commun pour la coordination des activités de recherche menées jusque-là séparément par les États membres, au moyen du programme de R & D à financement communautaire intitulé «Systèmes de chemin de fer du futur». Il est instamment demandé de résoudre au plus vite le problème des longs délais d'attente aux frontières intracommunautaires et externes.

1.5. Aspects sociaux

La Commission est consciente des répercussions sociales d'une nouvelle restructuration et de la recherche d'une compétitivité accrue. Il est cependant clair que si les chemins de fer ne renouent pas avec la compétitivité, ils perdront des marchés et devront réduire encore leur personnel. Il faut que soient adoptées des politiques du personnel dotées de ressources suffisantes et prévoyant de vastes programmes de recyclage pour les employés licenciés. La responsabilité en revient essentiellement aux États membres. Toutefois, il convient d'étudier attentivement dans quelle mesure une contribution du Fonds social européen est à envisager.

2. Observations générales

2.1. Le CES accueille favorablement la volonté de la Commission de mettre sur pied une stratégie cohérente qui devrait permettre aux chemins de fer d'accéder à plus d'efficacité et de rentabilité. Les très graves difficultés actuelles nécessitent d'intervenir sans délai.

2.2. Dans le Livre blanc à l'examen, la Commission européenne constate que le chemin de fer est en crise et enregistre un nouveau recul, notamment dans le domaine des transports de marchandises.

Il s'agit là d'un fait incontestable mais que les données et les éléments sur lesquels s'appuie l'analyse ne permettent pas de saisir pleinement. Le Livre blanc se réfère à des instruments existants et se fonde sur des données encore méconnues ou insuffisamment connues.

2.3. Le Comité juge en particulier tout à fait indispensable de procéder à un toilettage des directives et des règlements existants ainsi qu'à une analyse claire de la transposition des directives dans les législations nationales. Cela devrait permettre de déterminer si les instruments existant dans le domaine des chemins de fer sont effectivement appliqués et efficaces, afin de permettre aux États membres de tirer parti de leurs expériences respectives et d'examiner les futurs champs d'application de ces instruments. Il faudrait notamment étudier dans quelle mesure les modes d'application de ces instruments dans les différents pays tendent à converger ou à diverger dans la pratique. Le Conseil et la Commission n'en sont pas pour autant dégagés de leurs responsabilités.

2.4. Les différents chapitres du Livre blanc présentent les propositions de la Commission concernant la façon dont elle envisage de traiter les problèmes existants. Pour la plupart, ces propositions reposent plus sur des intentions que sur des analyses étayées.

La présentation des données pertinentes, réparties entre transports de marchandises et de passagers, avec l'indication de leurs parts de marché respectives, aurait certainement été plus utile que des constatations d'ordre général.

2.5. Par cette approche, la Commission confirme qu'elle ne dispose pas à vrai dire de suffisamment d'éléments pour publier un Livre blanc. Il aurait été plus pertinent en l'occurrence de présenter un Livre vert ou une communication. Mais vu la nécessité d'intervenir de toute urgence, le Comité économique et social espère qu'il sera procédé aux analyses indispensables rapidement, de manière conséquente et dans une mesure plus large que celle prévue par le programme de travail du Livre blanc, afin de pouvoir élaborer sur cette base une stratégie solide.

2.6. Les intérêts des usagers

2.6.1. Dans sa description des objectifs stratégiques des «nouveaux chemins de fer», la Commission ne porte pas suffisamment attention à un aspect essentiel, celui des besoins et des intérêts des utilisateurs. Il est beaucoup question de rentabilité, d'efficacité, de coûts, de compétitivité, de charges héritées du passé, de gestion indépendante, etc. Mais en fin de compte, les chemins de fer sont des entreprises prestataires de services et il convient qu'ils répondent aux besoins et aux souhaits des utilisateurs (cf. avis du CES sur le réseau pour les citoyens) (). Cela vaut en particulier pour les transports de personnes et plus particulièrement pour les transports entrant dans le cadre des services publics. Plus d'amabilité et moins de formalisme bureaucratique dans les services à la clientèle sont nécessaires. Mais les transports ferroviaires de marchandises pourraient eux aussi être rendus sensiblement plus attrayants.

2.6.2. Précisément, le domaine des services à l'utilisateur, au consommateur, accuse un grand retard en raison de la conception administrative traditionnelle des entreprises publiques. Ce retard ne concerne pas seulement les tarifs, mais aussi le confort, la ponctualité, l'introduction d'horaires répondant aux besoins des utilisateurs, l'information des utilisateurs sur les retards, jusqu'à une véritable assistance à la clientèle. Il serait sans aucun doute extrêmement intéressant d'examiner et d'évaluer de manière approfondie les possibilités dans ce domaine.

3. Observations relatives aux différentes sections du Livre blanc

3.1. Dettes héritées du passé, amélioration de la situation financière et infrastructures

3.1.1. Une gestion commerciale indépendante constitue un élément stratégique essentiel de la libéralisation des chemins de fer préconisée dans le Livre blanc.

3.1.2. Pour ce faire, il est indispensable de réduire les dettes héritées du passé, ce qui du reste répondrait aux dispositions de la directive 91/440/CEE relative au développement des chemins de fer communautaires.

Or cette condition a été très incomplètement et inégalement remplie dans les différents pays de la Communauté.

Il en résulterait sans doute pour certains États membres un problème supplémentaire relatif à la dette publique, compte tenu des critères de convergence fixés.

3.1.3. De plus, l'amortissement des dettes héritées du passé n'est pas en soi suffisant car, en dehors des lignes de démonstration du réseau à grande vitesse, l'infrastructure classique et le matériel roulant n'ont bien souvent pas été sensiblement améliorés, généralement en raison de problèmes budgétaires nationaux. Il y a énormément à faire dans ce domaine. On est encore très loin d'une compensation financière totale. Or, c'est là une des conditions requises pour une gestion commerciale.

3.1.4. Le fait qu'en dépit de la décision du Conseil européen d'Essen, où les projets RTE ont été classés prioritaires, presque aucun de ces projets transfrontaliers ne soit garanti financièrement à ce jour, atteste à quel point la situation est difficile sur le plan des investissements.

3.1.5. Bien que l'article 9 de la directive 91/440/CEE prescrive le respect des articles 77, 92 et 93 du Traité, il est difficile de dire quelle base juridique la Commission entend indiquer ici pour appliquer ses lignes directrices pour les aides d'État au sauvetage et à la restructuration des entreprises en difficulté (). Cet objectif ne coïncide pas exactement avec ces bases juridiques et l'on constate en tout cas une certaine incertitude de la Commission à cet égard.

3.1.6. Le Comité souhaite également souligner qu'une grande partie des coûts sociaux liés au redéploiement et à la réduction du personnel rendus nécessaires par les mesures de restructuration et de modernisation doit être mise sur le compte du règlement des dettes héritées du passé.

3.2. Introduction des forces du marché

3.2.1. Dans son avis sur la directive 91/440/CEE, le CES avait mis en garde contre le risque qu'il y avait à entrer trop rapidement dans la phase d'application et à permettre aux États membres et aux sociétés nationales existantes de transposer dans la pratique le processus prévu. La libéralisation des chemins de fer doit s'effectuer selon un calendrier tenant pleinement compte du processus de restructuration et évitant les risques de distorsions de concurrence. L'introduction de la libre concurrence avant la conclusion du processus de restructuration pourrait compromettre la croissance potentielle du marché ferroviaire.

3.2.2. De l'avis du Comité, l'analyse relative à l'introduction des forces du marché ne fait pas ressortir clairement quels sont les segments du marché susceptibles de contribuer à un développement plus favorable des transports ferroviaires. Les parcours supérieurs à 150 km pour les transports de marchandises pourront difficilement à eux seuls inverser la tendance actuelle. Les marchandises à haute valeur ajoutée ne sont pas nécessairement acheminées par le rail. Le problème réside dans les délais de stockage de plus en plus courts de l'industrie. L'amélioration de la logistique transeuropéenne, assurée grâce aux systèmes télématiques et de stockage pendant la durée des transports, pourrait à cet égard permettre d'améliorer les prestations.

3.2.3. C'est en définitive le chargeur qui décide du mode de transport par lequel un chargement doit être acheminé. Le prix des transports n'est pas ici le seul facteur déterminant, comme le souligne le Livre vert sur la tarification. De nombreux autres éléments entrent pour une part non négligeable en ligne de compte. La décision est également déterminée par les délais de livraison et la ponctualité.

3.2.4. Malheureusement, le Comité n'a pas à sa disposition la documentation nécessaire pour procéder à une analyse précise de la situation du marché. Des études telles que celles réalisées par la société Prognos AG de Bâle à la demande de la FAT et du Forum allemand des transports apporteraient certainement de nouveaux éclaircissements (cahier FAT n° 125, février 1996). Il n'est pas possible d'identifier des créneaux sur la seule base de tableaux relatifs à l'endettement et aux tonnes/kilomètres.

3.2.5. Les distorsions de concurrence entre les modes de transport ne sont pas uniquement dues aux coûts d'infrastructure, mais à de multiples autres causes. Cette thèse est confirmée par la position commune (CE n° 61/96) arrêtée par le Conseil le 25 octobre 1996 (). Concernant la proposition de modification du règlement (CEE) n° 1107/70 relatif aux aides accordées dans le domaine des transports par chemin de fer, par route et par voie navigable, les deuxième et troisième considérants sont rédigés comme suit:

«(2) considérant que, face aux exigences croissantes en matière de mobilité et aux pressions qui en découlent pour l'homme et l'environnement et compte tenu de la répartition aujourd'hui extrêmement inégale des coûts entre les divers modes de transport, il convient de permettre le soutien des modes de transport respectueux de l'environnement;

(3) considérant que les conditions d'une concurrence saine entre les différents modes de transport n'ont pas encore pu être mises en place dans le cadre de la politique actuelle des transports et que, dans les entreprises de chemin de fer, l'équilibre financier n'est pas encore atteint».

3.2.6. En ce qui concerne les distorsions de concurrence entre modes de transport dues aux coûts externes encore non internalisés, la Commission renvoie dans son Livre blanc au Livre vert «Vers une tarification équitable et efficace dans les transports - Options en matière d'internalisation des coûts externes des transports dans l'Union européenne».

Dans son avis sur le Livre vert (), le Comité a toutefois constaté que celui-ci est presque exclusivement consacré aux transports routiers. Les transports ferroviaires sont certes mentionnés, mais les coûts externes qui devraient le cas échéant être imputés ne sont pas analysés de manière détaillée et une telle analyse n'est pas prévue dans le programme de la Commission, alors qu'elle s'impose de toute urgence.

3.2.7. Le projet de la Commission de modifier la législation communautaire, en vue d'une séparation de la gestion des infrastructures et des activités de transport en unités d'activité distinctes, ne devrait être mis en oeuvre sur la base d'analyses approfondies, tenant compte des expériences concernant l'application de la réglementation actuelle dans ce domaine.

3.2.8. Sans les expériences positives faites par certains États membres en ce qui concerne la séparation entre la gestion des infrastructures et les opérations de transport, il n'est pas possible d'analyser de manière adéquate la possibilité de relancer les transports ferroviaires par la concurrence.

3.2.9. Le Comité économique et social est dans l'ensemble favorable à la création de «freeways». Différents groupes de travail techniques étudient encore actuellement les modalités de réalisation pratique de «freeways» de fret ferroviaires européens.

Mais l'objectif de l'amélioration des transports de fret ferroviaires ne peut être envisagé que comme une partie intégrante d'une chaîne de transport intermodale. Les biens doivent pouvoir être expédiés ou réceptionnés dans les meilleures conditions possible par les usagers. Doivent également être examinées dans ce contexte la question des redevances d'infrastructures et celle des priorités en matière d'horaires.

3.3. Les transports ferroviaires d'intérêt public

3.3.1. Comme le CES l'a déjà souligné dans son avis sur le réseau pour les citoyens, il importe avant tout de définir le plus clairement possible les limites et les objectifs des services d'intérêt public dans le domaine des transports aussi. Il s'agit de services que les entreprises de transport à vocation uniquement lucrative ne proposent pas ou ne sont pas en mesure de proposer, ou seulement dans une mesure insuffisante, mais qui sont par ailleurs nécessaires aux fins d'une mobilité durable et de qualité, en tant que facteurs d'un développement durable, de la cohésion sociale et de l'équilibre régional.

3.3.2. Étant donné que la définition des services d'intérêt public a pour des raisons historiques évolué très différemment selon les États membres et qu'il convient également de tenir compte des contextes régionaux, il appartient aux États membres dans l'optique de la subsidiarité d'établir eux-mêmes cette définition. Mais il importe que la définition adoptée dans chaque État membre soit claire et transparente.

3.3.3. Même si les services d'intérêt public concernent essentiellement, dans les transports ferroviaires aussi, les transports de passagers, certains secteurs du trafic de fret peuvent le cas échéant aussi être imputés aux services d'intérêt public.

3.3.4. Les services d'intérêt public devraient être prestés par des sociétés publiques ou privées indépendantes sur la base de contrats précis. Ces contrats devraient notamment stipuler clairement la nature des prestations. Mais il faudrait surtout que les services se situant en dehors des critères de rentabilité soient bien définis et bénéficient d'aides publiques. La transparence est plus que jamais de mise ici.

3.4. Intégration des systèmes nationaux

3.4.1. Interopérabilité () et infrastructures

3.4.1.1. La recherche d'une harmonisation au niveau de l'UE des normes techniques dans le domaine du matériel roulant et des infrastructures ne peut qu'être avantageuse pour les transports ferroviaires. Dans son évaluation de la situation de monopole technique des différentes compagnies de chemin de fer concernant les commandes de matériel ferroviaire et l'évaluation de celui-ci, situation qui s'est maintenue pendant des années, la Commission a néanmoins omis le fait que ces compagnies ont investi des sommes importantes dans la recherche et les essais. Ces dépenses devraient désormais être supportées par l'industrie elle-même.

3.4.1.2. Toutes ces interventions n'ont pas été réalisées à la légère. Les normes étaient couvertes au niveau international par les accords UIC et les gouvernements ont assuré des marchés et des emplois à leurs industries respectives.

3.4.2. Le CES ne peut que se féliciter de la volonté de raccorder les infrastructures nationales de transport dans des réseaux transeuropéens et d'étendre le système ferroviaire européen aux lignes ferroviaires traditionnelles. Il y a lieu toutefois de se demander si ces réseaux font partie intégrante du futur réseau de transport de marchandises ou si une nouvelle orientation est prévue à cet égard. Pour l'instant, le CES estime qu'il est impossible de savoir quel est le projet de la Commission dans ce domaine ni comment elle entend éventuellement le financer. Les infrastructures et leurs coûts représentent une lourde hypothèque. Est-ce aux États membres ou à l'UE dans son ensemble d'en assumer la charge?3.5. Sécurité et réduction du bruit

3.5.1. À l'instar du groupe consultatif mis en place par le commissaire compétent, la Commission constate l'existence d'un rapport déséquilibré entre les coûts et les avantages en ce qui concerne la sécurité des transports ferroviaires. Cela amène à poser l'équation suivante: un moindre coût équivaut à une moindre sécurité. Les coûts de la sécurité constituant également une partie des coûts externes et ces coûts occupant une place importante dans la comptabilité des compagnies ferroviaires, il en résulte en contrepartie une sécurité accrue pour les clients. Sans données précises concernant les coûts réels supportés dans ce domaine par la route, principal concurrent du rail, il est difficile au CES de se prononcer. Il convient d'inclure dans les coûts les investissements et les travaux d'entretien effectués par les pouvoirs publics - au niveau tant national que local - en matière de signalisation, de systèmes de surveillance, de parcs de stationnement, ainsi que les coûts des services de police, etc. On en arriverait ainsi certainement à une conclusion toute différente.

Quelles que puissent être ces considérations économiques, il ne faudrait pas oublier que le souci de sécurité des chemins de fer s'est forgé pendant des décennies et qu'il ne saurait être remis en question par une simple équation.

3.5.2. En ce qui concerne la construction ou l'extension des infrastructures de transport, il existe des instruments communautaires prescrivant pour l'ensemble des modes de transport la tenue de consultations relatives aux atteintes générales à l'environnement. La question se pose donc de savoir si les chemins de fer doivent être soumis à des obligations encore plus strictes que leurs concurrents (par exemple en ce qui concerne la lutte contre le bruit). Qui doit assumer les coûts supplémentaires?3.6. Aspects sociaux

3.6.1. Avant de parler d'une intervention du Fonds social européen, il faudrait engager une réflexion de fond. Une réduction systématique de personnel ne peut être acceptée aussi facilement. Supprimer des emplois signifie tout d'abord une nouvelle détérioration de la situation de l'emploi, déjà généralement mauvaise, et surtout moins de salariés pour assurer les services prévus ou exigibles. La modernisation au plus haut niveau dans les différents domaines ainsi que l'application des nouvelles technologies sont perçues de manière plus positive par le personnel.

3.6.2. De la sorte, l'instrument de travail qu'est le chemin de fer serait rendu plus performant, les modes de fonctionnement seraient améliorés et le maintien des emplois actuels serait garanti. Mais tout dépend là aussi de la volonté d'investissement des États membres. Les problèmes de personnel représentent eux aussi une grande partie de l'héritage du passé, c'est-à-dire de l'hypothèque dont ont hérité les compagnies de chemin de fer, c'est-à-dire les États.

3.6.3. Dans le cadre de leurs réflexions, la Commission et le Conseil ne devraient pas négliger la tenue de discussions avec le personnel dans un cadre de partenariat. Il s'impose d'engager des négociations avec les syndicats nationaux ainsi qu'au niveau du Comité paritaire européen.

4. Calendrier d'action et conclusions

4.1. La Communauté européenne s'est efforcée depuis 1968 d'appliquer certaines orientations communautaires au secteur des chemins de fer. Cela s'est traduit par la publication d'une multitude de recommandations, de décisions, de directives et de règlements. Ces divers instruments, de nature plus ou moins contraignante, n'ont toutefois pas atteint le but désiré. Dans l'ignorance où il se trouve des rapports que la Commission doit régulièrement transmettre au Conseil sur l'application des différents instruments juridiques dans les États membres, il est difficile au Comité économique et social de se faire une idée des effets concrets de ces principes communautaires sur la politique ferroviaire actuelle.

Le calendrier d'action devrait inclure en priorité la réalisation d'une analyse telle que celle évoquée au paragraphe 2.3.

4.2. Le Comité est favorable aux études, rapports et communications sur les différentes mesures adoptées dans le secteur ferroviaire que la Commission prévoit de présenter en 1997 et 1998. Le Comité économique et social ne peut qu'appuyer de telles initiatives. Mais il déplore que cela n'ait pas déjà été fait durant les dernières années et que les résultats ne soient pas déjà disponibles, car ainsi l'on disposerait, avant de formuler des propositions concrètes, d'informations fondées sur des faits et qui pourraient également constituer une base appropriée pour la mise au point d'une stratégie.

4.3. Le Comité économique et social invite toutefois la Commission à ne pas modifier trop vite les instruments juridiques, car l'échéancier prévoit pour la mise en oeuvre des différentes directives la fin du premier semestre 1997 et même la fin de l'année 1999.

4.4. La mise en oeuvre des directives par les États membres est la condition nécessaire de la réalisation de l'accès aux infrastructures ferroviaires et de l'interopérabilité des trains à grande vitesse. Entre la mise en oeuvre des instruments dans les États membres et l'obtention des résultats empiriques indispensables, un certain délai est là aussi nécessaire.

4.5. Avant de modifier les dispositions législatives communautaires, la Commission devrait veiller à ce que la situation ait été analysée et évaluée avec soin. Seuls les résultats de telles analyses peuvent permettre de conclure à la nécessité d'une modification.

4.6. Le Comité économique et social considère que la question de la base juridique devrait être éclaircie si l'on souhaite étendre à la restructuration des chemins de fer les orientations établies par la Commission concernant l'évaluation des situations impliquant le sauvetage et la restructuration d'entreprises en difficulté.

4.7. S'agissant des autres projets de la Commission, les observations contenues dans le présent avis devraient fournir suffisamment d'éclaircissements.

4.8. Le Comité économique et social considérant qu'il est particulièrement urgent d'intervenir, il préfère ne pas recommander une révision du Livre blanc, au demeurant nécessaire, mais il escompte qu'il sera impérativement tenu compte, lors de la mise en oeuvre du Livre blanc et de la «stratégie» que celui-ci propose, des observations faites dans le présent avis concernant les différents projets présentés.

Bruxelles, le 23 avril 1997.

Le Président du Comité économique et social

Tom JENKINS

() JO n° L 237 du 24. 8. 1991, p. 25; JO n° C 225 du 10. 9. 1990, p. 27.

() Communication de la Commission sur le développement des chemins de fer communautaires (doc. COM(95) 337 final, JO n° C 321 du 1. 12. 1995, p. 10); JO n° C 153 du 28. 5. 1996, p. 16.

() JO n° C 212 du 22. 7. 1996, p. 77.

() JO n° C 368 du 23. 12. 1994, p. 12.

() JO n° C 372 du 9. 12. 1996, p. 1.

() JO n° C 56 du 24. 2. 1997, p. 31.

() JO n° C 397 du 31. 12. 1994, p. 8.