51993AC1304

AVIS DU COMITE ECONOMIQUE ET SOCIAL sur la proposition de directive du Conseil modifiant les directives du Conseil 77/780/CEE et 89/646/CEE dans le domaine des établissements de crédit, les directives du Conseil 73/239/CEE et 92/49/CEE dans le domaine de l' assurance non-vie, les directives du Conseil 79/267/CEE et 92/96/CEE dans le domaine de l' assurance vie et la directive du Conseil 93/22/CEE dans le domaine des entreprises d' investissement et visant au renforcement de la surveillance prudentielle

Journal officiel n° C 052 du 19/02/1994 p. 0015


Avis sur la proposition de directive du Conseil modifiant les directives du Conseil 77/780/CEE et 89/646/CEE dans le domaine des établissements de crédit, les directives du Conseil 73/239/CEE et 92/49/CEE dans le domaine de l'assurance non-vie, les directives du Conseil 79/267/CEE et 92/96/CEE dans le domaine de l'assurance vie et la directive du Conseil 93/22/CEE dans le domaine des entreprises d'investissement et visant au renforcement de la surveillance prudentielle (1) (94/C 52/05)

Le 1er septembre 1993, le Conseil a décidé, conformément aux dispositions de l'article 198 du Traité instituant la Communauté économique européenne, de consulter le Comité économique et social sur la proposition susmentionnée.

La section de l'industrie, du commerce, de l'artisanat et des services, chargée de préparer les travaux du Comité en la matière, a élaboré son avis le 3 décembre 1993 (rapporteur: M. Moreland).

Le Comité économique et social, lors de sa 311e session plénière des 21 et 22 décembre 1993 (séance du 21 décembre 193), a adopté l'avis suivant à l'unanimité.

1. Résumé de la proposition de la Commission

1.1. La proposition de directive concerne le secteur bancaire, le secteur des assurances et celui des valeurs mobilières. Elle a pour objet de renforcer les pouvoirs des autorités de surveillance, afin qu'elles soient mieux à même de prévenir les fraudes et autres irrégularités dans le secteur des services financiers.

1.2. La Commission invoque, à l'appui de sa proposition, un certain nombre de cas de fraude dans le secteur des services financiers et, en particulier, l'affaire de la Bank for Credit and Commerce International (BCCI). (D'où le nom qui lui est souvent donné de directive « BCCI »).

1.3. Un certain nombre d'enquêtes ont été menées sur ces cas, comme l'étude du Comité consultatif bancaire de la CE, le rapport du Comité de Bâle sur la surveillance bancaire et le rapport Bingham au Royaume-Uni.

1.4. Le projet de directive est le fruit des conclusions de ces enquêtes et propose les modifications législatives suivantes:

a) Lorsque l'entreprise financière fait partie d'un groupe, la structure de celui-ci doit être suffisamment transparente pour permettre une surveillance adéquate de l'entreprise financière elle-même.

b) Afin de pouvoir maintenir un contact étroit entre les autorités de surveillance et l'organe de décision de l'entreprise financière, l'administration centrale et le siège statutaire doivent être situés dans le même État membre. (En matière de contrôle bancaire, il s'agit d'un renforcement des dispositions existantes puisque la deuxième directive du Conseil du 15 décembre 1989 visant à la coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l'accès à l'activité des établissements de crédit et son exercice, et modifiant la directive 77/780/CEE (89/646/CEE) (2) se contentait d'affirmer au huitième considérant que « pour l'application de la présente directive, un établissement de crédit est considéré comme situé dans l'État membre où se trouve son siège statutaire et que les États membres doivent exiger que l'administration centrale soit située dans l'État membre où est fixé le siège statutaire ». Toutefois, la mesure est déjà prévue à l'article 3, § 2 de la directive 93/22/CEE dans le domaine des entreprises d'investissement et visant au renforcement de la surveillance prudentielle (3).

c) Les autorités chargées de la surveillance de l'activité des liquidateurs ou des vérificateurs peuvent échanger des informations confidentielles. La liste des destinataires potentiels de celles-ci devrait comprendre également les inspecteurs et les organes chargés du contrôle de l'application du droit des sociétés et des systèmes de paiement.

d) Les vérificateurs extérieurs des comptes doivent signaler aux autorités compétentes les irrégularités qu'ils auraient constatées dans les comptes des entreprises.

L'objectif est essentiellement de renforcer les pouvoirs des autorités de surveillance, afin qu'elles soient mieux à même de prévenir les fraudes et autres irrégularités dans le secteur financier, et cela en assurant une meilleure information des autorités de surveillance.

2. Observations générales

2.1. Le Comité prend acte avec satisfaction de la volonté de la Commission de renforcer les pouvoirs des autorités de surveillance, afin qu'elles soient mieux à même de prévenir les fraudes et autres irrégularités et de corriger, en temps voulu, certaines erreurs de gestion préjudiciables à l'intérêt général.

2.2. La directive aura un impact limité sur la prévention des fraudes et des autres irrégularités, d'une part, parce qu'il ne s'agit que de « dépoussiérer » le cadre réglementaire existant et, d'autre part, parce que la responsabilité de la répression des fraudes doit relever des autorités nationales pour que le droit pénal puisse être appliqué.

2.3. Le Comité est préoccupé par le manque de précision dans certains articles, qui pourrait donner lieu à des divergences d'interprétation. La transposition de la directive dans le droit national et l'application de la législation devront, par conséquent, être contrôlées en vue d'aplanir les discordances et éviter des réglementations inutiles.

2.4. La directive pose le problème de la contradiction entre la responsabilité des vérificateurs extérieurs des comptes vis-à-vis des actionnaires (et leur désignation par ceux-ci) et leur utilisation croissante en tant que bras des autorités de contrôle. Comme le souligne le rapport Bingham (page 189 - paragraphe 3.45), fixer par la loi les responsabilités des vérificateurs présente certains avantages, néanmoins le rôle de ceux-ci, leurs obligations professionnelles et les personnes à qui ils doivent en référer doivent faire l'objet d'un examen complet. Il conviendrait de préciser très clairement que la mission confiée aux personnes chargées du contrôle légal des comptes doit rester dans les limites nécessaires au contrôle des établissements financiers.

3. Observations particulières

3.1. Avant-dernier considérant

Ce considérant déclare que « il est souhaitable qu'un seul vérificateur soit chargé d'organiser et de coordonner les différentes vérifications, lorsque c'est possible; qu'il ne convient toutefois pas de prévoir une obligation en ce sens dans la présente directive ». Le rapport Bingham souligne (page 188, paragraphe 3.39) que le fait de désigner un seul vérificateur présente à la fois des inconvénients et des avantages. En tout état de cause, cela favorise les grandes entreprises comptables internationales. Ce considérant devrait par conséquent être supprimé.

3.2. Article premier - Définition

3.2.1. Dans le contexte de la surveillance prudentielle, le « contrôle » semble plus pertinent que la « participation ». L'article 1er de la directive 83/349/CEE visé en b) est complet; autrement dit, la lettre a) relative à la participation est superflue.

3.2.2. Il devrait être précisé que dans les « groupes » sont également comprises les sociétés de pays tiers opérant dans la Communauté.

3.3. Article 2 - Structures de groupe

3.3.1. Comme indiqué dans le rapport Bingham (page 184, paragraphe 3.16), la structure du groupe BCCI, et l'impossibilité pour toute autorité de surveillance de s'y retrouver, ont permis les fraudes qui ont été commises. Aussi le Comité est-il favorable à toute mesure qui lèverait les obstacles empêchant les autorités de surveillance d'avoir une vision claire de la structure des groupes. Toutefois, le taux de participation de 20 % est trop bas et pourrait conduire à ce que cette autorité ait plus d'informations à traiter qu'elle n'en a besoin et, partant, des difficultés à discerner les cas qui posent problème.

3.3.2. L'article 2, paragraphes 1, 2 et 3 est trop vague. L'expression « suffisamment détaillées », en particulier, devrait être précisée (voir observations sous 2.3).

3.3.3. L'article 2, paragraphe 4, lettres a) et b) pourrait être rédigé plus simplement en accord avec la redéfinition de l'article 1 (voir 3.2).

3.4. Article 3 - Administration centrale et siège statutaire

Le Comité approuve cette exigence qui permettrait un contact plus étroit entre les autorités compétentes et les « organes de décision », et qui n'est pas de nature à entraver l'expansion des entreprises dans le marché unique.

3.5. Article 4 - Échange d'informations

3.5.1. Le Comité comprend qu'il s'applique en premier lieu à la situation du Royaume-Uni.

3.5.2. Qu'entend-on par « membres des organes d'administration, de gestion et de surveillance des sociétés » ?

3.5.3. Il conviendrait de s'attacher à trouver un régime général prévoyant un ensemble harmonisé de passerelles servant de relais d'information à destination des autorités compétentes de la CE, qui la transmettraient à leur tour à des organismes agréés. Lorsque l'information provient d'une autorité compétente d'un autre État membre, sa divulgation pourrait quand même se faire par les passerelles nationales, mais sur la seule base de l'accord de l'autorité d'origine de l'information.

3.5.4. L'article 4, paragraphe 1, lettre b) devrait se lire comme suit: « - et les personnes chargées du contrôle légal des comptes des entreprises financières, ainsi, le cas échéant, que les autorités responsables de l'agrément de ces personnes ».

3.5.5. L'ajout d'un quatrième tiret à l'article 12, § 5 de la directive 77/780/CEE modifiée par l'article 16 de la directive 89/646/CEE, ainsi que l'article 16, § 5 de la directive 92/49/CEE et de l'article 15, § 5 de la directive 92/96/CEE, ainsi que de l'article 25, § 5 sous b) de la directive 93/22/CEE, consistant à prévoir la transmission d'informations à des organes de surveillance bancaire chargés de la détection des infractions au droit des sociétés, paraît inacceptable, tout au moins dans la mesure où ces informations ne concernent pas le contrôle bancaire. Ce n'est pas la mission des autorités de contrôle bancaire que de chercher à débusquer, pour les dénoncer, des infractions d'ordre pénal. Le devoir premier d'une telle autorité est de chercher à obtenir le redressement des situations irrégulières, et cela dans les limites nécessaires au contrôle des établissements financiers.

3.6. Article 5 - Rôle des personnes chargées du contrôle légal des comptes

3.6.1. Cet article a des implications à long terme considérables quant au rôle des vérificateurs (voir 2.4), qui doit être examiné de manière approfondie par toutes les instances concernées.

3.6.2. On peut comprendre que dans un domaine où le cadre réglementaire varie d'un État membre à l'autre, la Commission ne veuille pas adopter une attitude trop prescriptive. Cependant, l'article est rédigé dans des termes très généraux et laisse beaucoup de marge pour une interprétation subjective de la part des vérificateurs. Reste à clarifier, par exemple, si c'est à partir d'une forte présomption d'irrégularités ou en présence de faits précis que le vérificateur doit contacter les autorités compétentes. Il y aurait lieu d'envisager d'établir un code de bonnes pratiques avec la profession comptable afin de lui fournir des lignes directrices appropriées quant à la procédure à suivre pour rapporter les cas de fraude.

3.6.3. La Commission a fait valoir qu'il convenait que le vérificateur discute des irrégularités, à des fins de clarification, avec son client. Dans ce cas, le terme « immediately » après « to report », dans la version anglaise, peut induire en erreur et devrait être supprimé. Le texte français dit simplement « de signaler » sans autre précision.

4. Autres considérations

4.1. Il y aurait lieu de prendre en considération une autre recommandation du rapport Bingham, à savoir que les liens de certaines institutions financières avec « certains centres financiers qui offrent la plus grande discrétion et qui, de ce fait, tendent à avoir la faveur d'opérateurs ayant quelque chose à cacher », devraient, lorsque les circonstances s'y prêtent, constituer un motif de refus ou de retrait de l'autorisation (page 186, paragraphe 3.28).

4.2. La Communauté devrait prendre l'initiative pour ce qui est de promouvoir des propositions en matière de surveillance prudentielle internationale.

Fait à Bruxelles, le 21 décembre 1993Le Président

du Comité économique et social

Susanne TIEMANN

(1) JO n° C 229 du 25. 8. 1993, p. 10.

(2) JO n° L 386 du 30. 12. 1989.

(3) JO n° L 141 du 11. 6. 1993, p. 27).