2.5.2023 |
FR |
Journal officiel de l’Union européenne |
L 114/15 |
DÉCISION (PESC) 2023/891 DU CONSEIL
du 28 avril 2023
concernant des mesures restrictives en raison des actions déstabilisant la République de Moldavie
LE CONSEIL DE L’UNION EUROPÉENNE,
vu le traité sur l’Union européenne, et notamment son article 29,
considérant ce qui suit:
(1) |
Le 23 juin 2022, le Conseil européen a accordé le statut de pays candidat à la République de Moldavie. |
(2) |
Dans ses conclusions du 23 mars 2023, le Conseil européen s’est engagé à continuer de fournir tout le soutien voulu à la République de Moldavie, y compris en vue de renforcer la résilience, la sécurité, la stabilité, l’économie et l’approvisionnement énergétique du pays face aux activités de déstabilisation menées par des acteurs extérieurs. |
(3) |
Les dirigeants actuels de la République de Moldavie ont accompli des progrès importants dans le renforcement de la démocratie et de l’État de droit, ainsi que dans la lutte contre la corruption, et ont déployé des efforts considérables pour mettre en œuvre les mesures précisées dans l’avis de la Commission européenne sur sa demande d’adhésion à l’Union. |
(4) |
Tout en poursuivant son ambitieux programme de réformes, le gouvernement moldave fait également face à de multiples crises et est de plus en plus confronté à des menaces directes pour sa stabilité, émanant à la fois de groupes internes ayant des intérêts particuliers et de la Russie, qui concourent souvent à détourner le pays de sa trajectoire de réformes. |
(5) |
L’Union demeure prête à faire usage de tous les instruments stratégiques dont elle dispose afin de contribuer à une sortie effective de la crise actuelle et de réagir aux actions de déstabilisation faisant peser une grave menace sur la démocratie et l’État de droit en République de Moldavie, notamment en renforçant la mise en œuvre des programmes d’assistance technique et de renforcement des capacités en vue d’accroître la capacité de la République de Moldavie à prévenir et combattre de telles actions de manière autonome au moyen d’une coopération judiciaire et policière avec les États membres. |
(6) |
L’intensité sans précédent de ces actions de déstabilisation appelle une réaction immédiate, compte tenu également de l’importance d’une République de Moldavie stable, pays candidat à l’adhésion à l’Union situé aux frontières de celle-ci et de l’Ukraine. |
(7) |
Les personnes qui font obstacle ou portent atteinte à la tenue d’élections ou tentent de renverser l’ordre constitutionnel, y compris par des actes de violence, en République de Moldavie représentent une menace pour la démocratie et l’État de droit, ainsi que pour la stabilité et la sécurité de la République de Moldavie. Les efforts visant à déstabiliser la République de Moldavie se sont intensifiés, en particulier depuis le début de la guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine. |
(8) |
Les personnes qui commettent des manquements financiers graves concernant les fonds publics et qui procèdent à l’exportation non autorisée de capitaux, constituent également une menace pour la stabilité, la démocratie et l’État de droit, dans la mesure où elles pourraient prendre le contrôle des activités des autorités étatiques ou influer fortement sur ces activités. De tels actes peuvent également menacer l’ordre constitutionnel. |
(9) |
Les efforts de déstabilisation contre la République de Moldavie menacent la stabilité et la sécurité des frontières extérieures de l’Union. |
(10) |
La Moldavie a demandé le soutien de l’Union face aux actions qui menacent de déstabiliser le pays, en adoptant des mesures restrictives. |
(11) |
Dans les circonstances actuelles, des restrictions des déplacements et des mesures de gel des avoirs devraient être imposées à l’encontre des personnes qui sont responsables d’actions ou de politiques compromettant ou menaçant la souveraineté et l’indépendance de la République de Moldavie, et la démocratie, l’État de droit, la stabilité ou la sécurité en République de Moldavie, ou qui soutiennent ou mettent en œuvre ces actions ou politiques, ainsi que des personnes, entités ou organismes qui leur sont associés. |
(12) |
Une action supplémentaire de l’Union est nécessaire pour mettre en œuvre certaines mesures, |
A ADOPTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:
Article premier
1. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour empêcher l’entrée ou le passage en transit sur leur territoire:
a) |
des personnes physiques qui sont responsables d’actions ou de politiques compromettant ou menaçant la souveraineté et l’indépendance de la République de Moldavie, ou la démocratie, l’État de droit, la stabilité ou la sécurité dans la République de Moldavie, ou qui soutiennent ou mettent en œuvre ces actions ou politiques, par l’un des agissements suivants:
|
b) |
des personnes physiques associées aux personnes désignées en vertu du point a), dont la liste figure en annexe. |
2. Un État membre n’est pas tenu, en vertu du paragraphe 1, de refuser à ses propres ressortissants l’entrée sur son territoire.
3. Le paragraphe 1 s’applique sans préjudice des cas où un État membre est lié par une obligation de droit international, à savoir:
a) |
en tant que pays hôte d’une organisation intergouvernementale internationale; |
b) |
en tant que pays hôte d’une conférence internationale convoquée par les Nations unies ou tenue sous leurs auspices; |
c) |
en vertu d’un accord multilatéral conférant des privilèges et immunités; ou |
d) |
en vertu du traité de réconciliation (accords du Latran) conclu en 1929 par le Saint-Siège (État de la Cité du Vatican) et l’Italie. |
4. Le paragraphe 3 est applicable également aux cas où un État membre est pays hôte de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE).
5. Le Conseil est dûment informé de tous les cas où un État membre accorde une dérogation conformément au paragraphe 3 ou 4.
6. Les États membres peuvent accorder des dérogations aux mesures imposées au titre du paragraphe 1 lorsque le déplacement d’une personne se justifie pour des besoins humanitaires urgents, ou lorsque la personne se déplace pour assister à des réunions intergouvernementales ou à des réunions dont l’initiative a été prise par l’Union ou que celle-ci accueille, ou à des réunions accueillies par un État membre assurant alors la présidence de l’OSCE, lorsqu’il y est mené un dialogue politique visant directement à promouvoir les objectifs stratégiques des mesures restrictives, y compris le soutien à l’État de droit, à la démocratie, à la stabilité et à la sécurité de la République de Moldavie.
7. Les États membres peuvent également accorder des dérogations aux mesures instituées en vertu du paragraphe 1 lorsque l’entrée ou le passage en transit est nécessaire aux fins d’une procédure judiciaire.
8. Tout État membre souhaitant accorder des dérogations visées au paragraphe 6 ou 7 en informe le Conseil par écrit. La dérogation est réputée être accordée sauf si un ou plusieurs États membres s’y opposent par écrit dans les deux jours ouvrables qui suivent la réception de la notification de la dérogation proposée. Si un ou plusieurs États membres s’y opposent, le Conseil, statuant à la majorité qualifiée, peut décider d’accorder la dérogation proposée.
9. Lorsque, en application des paragraphes 3, 4, 6, 7 et 8, un État membre autorise des personnes inscrites sur la liste figurant à l’annexe à entrer ou à passer en transit sur son territoire, cette autorisation est limitée à l’objectif pour lequel elle est accordée et à la personne qu’elle concerne.
Article 2
1. Sont gelés tous les fonds et ressources économiques appartenant à, ou possédés, détenus ou contrôlés par:
a) |
des personnes physiques, des entités ou des organismes qui sont responsables d’actions ou de politiques compromettant ou menaçant la souveraineté et l’indépendance de la République de Moldavie, ou la démocratie, l’État de droit, la stabilité ou la sécurité dans la République de Moldavie, ou qui soutiennent ou mettent en œuvre ces actions ou politiques, par l’un des agissements suivants:
|
b) |
des personnes physiques ou morales, des entités ou des organismes associés à des personnes désignées en vertu du point a), dont la liste figure en annexe. |
2. Aucun fonds ni aucune ressource économique n’est, directement ou indirectement, mis à la disposition des personnes physiques ou morales, des entités ou des organismes dont la liste figure en annexe, ou mis à leur profit.
3. Par dérogation aux paragraphes 1 et 2, les autorités compétentes des États membres peuvent autoriser le déblocage de certains fonds ou ressources économiques gelés, ou la mise à disposition de certains fonds ou ressources économiques, dans les conditions qu’elles jugent appropriées, après avoir établi que les fonds ou les ressources économiques concernés sont:
a) |
nécessaires pour répondre aux besoins fondamentaux des personnes dont la liste figure à l’annexe et des membres de leur famille qui sont à leur charge, notamment pour couvrir les dépenses liées au paiement de denrées alimentaires, de loyers ou de remboursement de prêts hypothécaires, de médicaments et de traitements médicaux, d’impôts, de primes d’assurance et de redevances de services publics; |
b) |
destinés exclusivement au règlement d’honoraires d’un montant raisonnable et au remboursement de dépenses engagées pour s’assurer les services de juristes; |
c) |
exclusivement destinés au règlement de frais ou de commissions liés à la garde ou à la gestion courantes de fonds ou de ressources économiques gelés; |
d) |
nécessaires pour des dépenses extraordinaires, pour autant que l’autorité compétente ait notifié aux autorités compétentes des autres États membres et à la Commission, au moins deux semaines avant l’autorisation, les motifs pour lesquels elle estime qu’une autorisation spéciale devrait être accordée; ou |
e) |
destinés à être versés sur ou depuis le compte d’une mission diplomatique, d’un poste consulaire ou d’une organisation internationale bénéficiant d’immunités conformément au droit international, dans la mesure où ces versements sont destinés à être utilisés à des fins officielles par la mission diplomatique, le poste consulaire ou l’organisation internationale. |
L’État membre concerné informe les autres États membres et la Commission de toute autorisation délivrée en vertu du présent paragraphe.
4. Par dérogation au paragraphe 1, les autorités compétentes des États membres peuvent autoriser le déblocage de certains fonds ou ressources économiques gelés, pour autant que les conditions suivantes soient réunies:
a) |
les fonds ou ressources économiques font l’objet d’une décision arbitrale rendue avant la date à laquelle la personne, l’entité ou l’organisme visé au paragraphe 1, a été inscrit sur la liste figurant à l’annexe, ou d’une décision judiciaire ou administrative rendue dans l’Union, ou d’une décision judiciaire exécutoire dans l’État membre concerné, avant ou après cette date; |
b) |
les fonds ou ressources économiques seront exclusivement utilisés pour faire droit aux demandes garanties par une telle décision ou dont la validité aura été établie par une telle décision, dans les limites fixées par les lois et règlements applicables régissant les droits des personnes formulant ces demandes; |
c) |
la décision n’est pas prise au bénéfice d’une personne physique ou morale, d’une entité ou d’un organisme inscrit sur la liste figurant à l’annexe; et |
d) |
la reconnaissance de la décision n’est pas contraire à l’ordre public de l’État membre concerné. |
L’État membre concerné informe les autres États membres et la Commission de toute autorisation octroyée en vertu du présent paragraphe dans un délai de deux semaines suivant l’autorisation.
5. Le paragraphe 1 n’interdit pas à une personne physique ou morale, à une entité ou à un organisme inscrit sur la liste d’effectuer un paiement dû au titre d’un contrat conclu avant la date à laquelle cette personne physique ou morale, cette entité ou cet organisme a été inscrit sur la liste figurant à l’annexe, dès lors que l’État membre concerné s’est assuré que le paiement n’est pas reçu, directement ou indirectement, par une personne physique ou morale, une entité ou un organisme visé au paragraphe 1.
6. Le paragraphe 2 ne s’applique pas au versement sur les comptes gelés:
a) |
d’intérêts ou d’autres rémunérations de ces comptes; |
b) |
de paiements dus en vertu de contrats ou d’accords conclus ou d’obligations contractées avant la date à laquelle ces comptes ont été soumis aux mesures prévues aux paragraphes 1 et 2; ou |
c) |
de paiements dus en vertu de décisions judiciaires, administratives ou arbitrales rendues dans l’Union ou exécutoires dans l’État membre concerné, à condition que ces intérêts, autres rémunérations et paiements continuent de faire l’objet des mesures prévues au paragraphe 1. |
7. L’interdiction énoncée au paragraphe 2 ne s’applique pas aux organisations et agences évaluées par l’Union sur la base des piliers et avec lesquelles l’Union a signé une convention-cadre de partenariat financier sur la base de laquelle les organisations et agences agissent en tant que partenaires humanitaires de l’Union, pour autant que la fourniture des fonds ou des ressources économiques visés au paragraphe 2 soit nécessaire à des fins exclusivement humanitaires en République de Moldavie.
8. Dans les cas non couverts par le paragraphe 7, et par dérogation aux paragraphes 1 et 2, les autorités compétentes d’un État membre peuvent accorder des autorisations particulières ou générales, aux conditions générales ou particulières qu’elles jugent appropriées, pour le déblocage de certains fonds ou ressources économiques gelés, ou pour la mise à disposition de certains fonds ou ressources économiques, à condition que la fourniture de ces fonds ou ressources économiques soit nécessaire à des fins exclusivement humanitaires en République de Moldavie.
Article 3
1. Le Conseil, statuant à l’unanimité sur proposition d’un État membre ou du haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité (ci-après dénommé «haut représentant»), décide d’établir et de modifier la liste figurant à l’annexe.
2. Le Conseil communique à la personne physique ou morale, à l’entité ou à l’organisme concerné la décision visée au paragraphe 1, y compris les motifs de son inscription sur la liste, soit directement, si son adresse est connue, soit par la publication d’un avis, en donnant à cette personne, à cette entité ou à cet organisme la possibilité de présenter des observations.
3. Si des observations sont formulées ou si de nouveaux éléments de preuve substantiels sont présentés, le Conseil revoit la décision visée au paragraphe 1 et en informe la personne, l’entité ou l’organisme concerné en conséquence.
Article 4
1. L’annexe indique les motifs de l’inscription sur la liste des personnes physiques et morales, des entités et des organismes visés aux articles 1er et 2.
2. L’annexe contient, si elles sont disponibles, les informations nécessaires à l’identification des personnes physiques ou morales, des entités ou des organismes concernés. En ce qui concerne les personnes physiques, ces informations peuvent comprendre: les noms et les pseudonymes; la date et le lieu de naissance; la nationalité; les numéros du passeport et de la carte d’identité; le sexe; l’adresse, si elle est connue; et la fonction ou la profession. En ce qui concerne les personnes morales, les entités ou les organismes, ces informations peuvent comprendre: les dénominations; le lieu et la date d’enregistrement; le numéro d’enregistrement; et le principal établissement.
Article 5
1. Le Conseil et le haut représentant peuvent traiter des données à caractère personnel afin de s’acquitter des tâches qui leur incombent en vertu de la présente décision, en particulier:
a) |
en ce qui concerne le Conseil, pour élaborer des modifications de l’annexe et procéder à ces modifications; |
b) |
en ce qui concerne le haut représentant, pour élaborer des modifications de l’annexe. |
2. Le Conseil et le haut représentant peuvent traiter, s’il y a lieu, les données pertinentes relatives aux infractions pénales commises par les personnes physiques figurant sur la liste, et aux condamnations pénales ou aux mesures de sûreté concernant ces personnes, dans la seule mesure où ce traitement est nécessaire à l’élaboration de l’annexe.
3. Aux fins de la présente décision, le Conseil et le haut représentant sont désignés comme étant «responsables du traitement» au sens de l’article 3, point 8), du règlement (UE) 2018/1725 du Parlement européen et du Conseil (1), pour faire en sorte que les personnes physiques concernées puissent exercer leurs droits au titre dudit règlement.
Article 6
Il n’est fait droit à aucune demande liée à tout contrat ou à toute opération dont l’exécution a été affectée, directement ou indirectement, en totalité ou en partie, par les mesures instituées en vertu de la présente décision, y compris à des demandes d’indemnisation ou à toute autre demande de ce type, telle qu’une demande de compensation ou une demande à titre de garantie, en particulier une demande visant à obtenir la prorogation ou le paiement d’une obligation, d’une garantie ou d’une contre-garantie, notamment financière, quelle qu’en soit la forme, présentée par:
a) |
des personnes physiques ou morales, des entités ou des organismes désignés inscrits sur la liste figurant à l’annexe; |
b) |
toute personne physique ou morale, toute entité ou tout organisme agissant par l’intermédiaire ou pour le compte d’une des personnes, entités ou d’un des organismes visés au point a). |
Article 7
Afin que les mesures énoncées dans la présente décision aient le plus grand impact possible, l’Union encourage les États tiers à adopter des mesures restrictives analogues à celles prévues dans la présente décision.
Article 8
La présente décision est applicable jusqu’au 29 avril 2024.
La présente décision fait l’objet d’un suivi constant. Elle est prorogée, ou modifiée le cas échéant, si le Conseil estime que ses objectifs n’ont pas été atteints.
Lors du réexamen des mesures restrictives prises en vertu de l’article 1er, paragraphe 1, point a), iii), et de l’article 2, paragraphe 1, point a), iii), le Conseil tient compte, le cas échéant, de la question de savoir si les personnes concernées font ou non l’objet d’une procédure judiciaire pour les faits ayant motivé leur inscription sur la liste.
Article 9
La présente décision entre en vigueur le jour suivant celui de sa publication au Journal officiel de l’Union européenne.
Fait à Bruxelles, le 28 avril 2023.
Par le Conseil
La présidente
J. ROSWALL
(1) Règlement (UE) 2018/1725 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2018 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions, organes et organismes de l’Union et à la libre circulation de ces données, et abrogeant le règlement (CE) no 45/2001 et la décision no 1247/2002/CE (JO L 295 du 21.11.2018, p. 39).
ANNEXE
Liste des personnes physiques et morales, entités et organismes visés aux articles 1er et 2
[…]