24.3.2022   

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Journal officiel de l’Union européenne

L 96/4


RÈGLEMENT DÉLÉGUÉ (UE) 2022/467 DE LA COMMISSION

du 23 mars 2022

prévoyant l’octroi d’une aide d’adaptation exceptionnelle aux producteurs des secteurs agricoles

LA COMMISSION EUROPÉENNE,

vu le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,

vu le règlement (UE) no 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles et abrogeant les règlements (CEE) no 922/72, (CEE) no 234/79, (CE) no 1037/2001 et (CE) no 1234/2007 du Conseil (1), et notamment son article 219, paragraphe 1, en liaison avec son article 228,

vu le règlement (UE) n° 1306/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 relatif au financement, à la gestion et au suivi de la politique agricole commune et abrogeant les règlements (CEE) n° 352/78, (CE) n° 165/94, (CE) n° 2799/98, (CE) n° 814/2000, (CE) n° 1290/2005 et (CE) n° 485/2008 du Conseil (2), et notamment son article 106, paragraphe 5,

considérant ce qui suit:

(1)

L’invasion de l’Ukraine par la Russie le 24 février 2022 a des répercussions sur les agriculteurs de l’Union.

(2)

La première préoccupation dans les échanges commerciaux entre l’Ukraine et l’Union est la disponibilité des transports. Les aéroports ukrainiens ont été les premiers, victimes de l’attaque russe et toutes les opérations de transport maritime commercial dans les ports ukrainiens ont été suspendues.

(3)

La crise est susceptible d’avoir de graves conséquences sur l’offre de céréales au niveau mondial, entraînant une nouvelle augmentation des prix qui s’ajoute à la flambée des prix de l’énergie et des engrais, ce qui a des répercussions sur les agriculteurs de l’Union.

(4)

Une deuxième préoccupation concerne l’arrêt des livraisons de produits de l’Union à l’Ukraine et potentiellement aussi à la Russie et la Biélorussie pour des raisons logistiques et financières, ce qui entraîne des perturbations des échanges dans certains secteurs qui se traduiraient par des déséquilibres sur le marché intérieur. Cela concernerait principalement le secteur des vins et spiritueux, des aliments transformés (y compris les fruits et légumes transformés), des préparations pour nourrissons et des aliments pour animaux de compagnie dans le cas de la Russie, des fruits et légumes dans le cas de la Biélorussie, des produits animaux dans le cas de l’Ukraine.

(5)

Il existe donc une grave menace de perturbation du marché causée par des hausses de coûts significatives et des perturbations des échanges, qui nécessitent une action efficace et efficiente.

(6)

Les mesures d’intervention sur les marchés disponibles au titre du règlement (UE) no 1308/2013 sous forme d’intervention publique, d’aide au stockage privé ou de retraits du marché peuvent être efficaces pour rétablir un certain équilibre du marché en retirant temporairement ou définitivement du marché des produits; en revanche, elles ne sont pas de nature à contribuer à contrer la menace de perturbation du marché causée par l’augmentation des coûts. Si le marché doit s’adapter progressivement à des situations nouvelles, il est nécessaire de soutenir les producteurs dans les secteurs où les coûts des intrants atteignent des niveaux non viables et où les produits ne trouvent pas leur débouché normal sur le marché.

(7)

Afin de réagir de manière efficiente et efficace à la menace de perturbation du marché, il est essentiel que des aides soient mises à la disposition des producteurs des secteurs agricoles de l’Union touchés par cette perturbation du marché. Les États membres devraient sélectionner un ou plusieurs secteurs concernés, ou une partie de ces secteurs, afin de soutenir les producteurs les plus durement touchés par les perturbations du marché.

(8)

Il convient donc d’accorder aux États membres une contribution financière pour soutenir les producteurs qui participent à des activités favorisant la sécurité alimentaire ou remédiant aux déséquilibres du marché, ce qui leur permettra d’opérer l’adaptation nécessaire. Le montant qui sera mis à la disposition de chaque État membre devrait être fixé en tenant compte du poids respectif de chaque État membre dans le secteur agricole de l’Union, sur la base des plafonds nets pour les paiements directs fixés à l’annexe III du règlement (UE) no 1307/2013 du Parlement européen et du Conseil (3).

(9)

Les États membres devraient concevoir des mesures qui contribuent à la sécurité alimentaire ou remédient aux déséquilibres du marché. Les agriculteurs devraient pouvoir bénéficier d’une aide au titre de ces mesures à condition qu’ils exercent une ou plusieurs des activités suivantes poursuivant ces objectifs: économie circulaire, gestion des nutriments, utilisation efficace des ressources et méthodes de production respectueuses de l’environnement et du climat.

(10)

Il convient que les États membres distribuent l’aide par les canaux les plus efficaces sur la base de critères objectifs et non discriminatoires qui tiennent compte de l’ampleur de la perturbation du marché dans les différents secteurs, tout en veillant à ce que les agriculteurs soient les bénéficiaires finaux de l’aide et en évitant toute distorsion du marché et de la concurrence.

(11)

Étant donné que le montant alloué à chaque État membre ne compensera qu'une partie des pertes réellement subies par les producteurs des secteurs agricoles, il convient d’autoriser les États membres à leur accorder une aide nationale supplémentaire, dans des conditions identiques d'objectivité, de non-discrimination et de non-distorsion de la concurrence. Compte tenu de l’ampleur de la crise actuelle, cette aide nationale supplémentaire peut exceptionnellement atteindre au maximum le double des montants respectifs fixés à l’annexe du présent règlement.

(12)

Afin d’accorder aux États membres la souplesse nécessaire pour distribuer l'aide comme les circonstances l'imposent pour faire face aux perturbations du marché, il convient de les autoriser à la cumuler avec d'autres mesures de soutien financées par le Fonds européen agricole de garantie et le Fonds européen agricole pour le développement rural.

(13)

Il convient que l’aide prévue par le présent règlement soit octroyée en tant que mesure de soutien aux marchés agricoles conformément à l’article 4, paragraphe 1, point a), du règlement (UE) n° 1306/2013, à la suite du virement de fonds mis en réserve pour les crises dans le secteur agricole prévue à l’article 25 dudit règlement.

(14)

Étant donné que l’aide de l’Union est exprimée en euros, il est nécessaire, afin d'assurer une application uniforme et simultanée de la mesure, d'arrêter une date pour la conversion, dans leur monnaie nationale, du montant alloué aux États membres n'ayant pas adopté l'euro. Il convient donc de déterminer le fait générateur du taux de change conformément à l'article 106 du règlement (UE) no 1306/2013. À la lumière du principe énoncé au paragraphe 2, point b), dudit article et des critères établis à son paragraphe 5, point c), le fait générateur devrait être la date d'entrée en vigueur du présent règlement.

(15)

Pour des raisons budgétaires, l’Union ne devrait financer les dépenses effectuées par les États membres que si ces dépenses sont effectuées jusqu’à une certaine date d’éligibilité.

(16)

Afin d'assurer la transparence, le suivi et la gestion correcte des montants mis à leur disposition, il convient que les États membres informent la Commission des mesures concrètes à prendre, des critères objectifs appliqués, des raisons motivant la répartition de l’aide dans les différents secteurs, des mesures prises pour éviter la distorsion des marchés concernés, des effets escomptés des mesures et des méthodes destinées à vérifier la réalisation de ces effets.

(17)

Les difficultés d’accès aux intrants et les problèmes logistiques découlant d’un arrêt brutal des envois commerciaux constituent une perturbation immédiate du marché. Une action immédiate est donc nécessaire pour remédier à la situation de manière efficace et efficiente.

(18)

Afin que les producteurs puissent bénéficier de l’aide le plus rapidement possible, il y a lieu d'autoriser les États membres à mettre en œuvre le présent règlement sans délai. Il convient dès lors que le présent règlement entre en vigueur le jour suivant celui de sa publication au Journal officiel de l’Union européenne. Il devrait s’appliquer à condition que le virement de 350 000 000 EUR mis en réserve vers les lignes budgétaires finançant la mesure nécessaire soit effectué conformément au règlement (UE, Euratom) 2018/1046 du Parlement européen et du Conseil (4); à compter du jour de la publication au Journal officiel de l’Union européenne d’une communication de la Commission indiquant que le virement a été effectué,

A ADOPTÉ LE PRÉSENT RÈGLEMENT:

Article premier

1.   Une aide de l’Union d’un montant total de 500 000 000 EUR est mise à la disposition des États membres pour fournir une aide d’adaptation exceptionnelle aux producteurs des secteurs énumérés à l’article 1er, paragraphe 2, du règlement (UE) n° 1308/2013, sous réserve des conditions énoncées dans le présent règlement.

2.   Les États membres utilisent les montants dont ils disposent, tels qu’ils sont fixés à l’annexe, pour les mesures visées au paragraphe 3, dans les secteurs touchés par des perturbations du marché dues à l’augmentation des coûts des intrants ou à des restrictions commerciales. Les mesures sont prises sur la base de critères objectifs et non discriminatoires qui tiennent compte de l’ampleur de la perturbation du marché dans les différents secteurs, pour autant que les paiements qui en résultent n’entraînent pas de distorsion de concurrence.

3.   Les mesures prises par les États membres contribuent à la sécurité alimentaire ou à la correction des déséquilibres du marché et soutiennent les agriculteurs qui participent à une ou plusieurs des activités suivantes poursuivant ces objectifs:

a)

économie circulaire;

b)

gestion des nutriments;

c)

utilisation rationnelle des ressources;

d)

méthodes de production respectant l'environnement et le climat.

4.   Les États membres veillent à ce que, lorsque les agriculteurs ne sont pas les bénéficiaires directs des paiements de l’aide de l’Union, l’avantage économique de l’aide de l’Union leur soit intégralement transféré.

5.   Les dépenses des États membres liées aux paiements au titre des mesures visées au paragraphe 3 ne sont admissibles au bénéfice de l’aide de l’Union que si ces paiements ont été effectués au plus tard le 30 septembre 2022.

6.   Pour les États membres n’ayant pas adopté l’euro dans leur monnaie nationale, le fait générateur du taux de change visé à l’article 106 du règlement (UE) n° 1306/2013 en ce qui concerne les montants figurant à l’annexe du présent règlement est la date d’entrée en vigueur du présent règlement.

7.   Les mesures prises au titre du présent règlement peuvent être cumulées avec d'autres mesures de soutien financées par le Fonds européen agricole de garantie et le Fonds européen agricole pour le développement rural.

Article 2

Les États membres peuvent accorder une aide nationale supplémentaire pour les mesures prises en vertu de l’article 1er, jusqu’à 200 % du montant correspondant fixé à l’annexe pour chaque État membre, sur la base de critères objectifs et non discriminatoires, à condition que les paiements qui en résultent n’entraînent pas de distorsion de concurrence.

Les États membres versent ce soutien supplémentaire d’ici le 30 septembre 2022.

Article 3

Les États membres notifient à la Commission les éléments suivants:

a)

sans délai et au plus tard le 30 juin 2022:

1)

une description des mesures à prendre;

2)

les critères utilisés pour déterminer les modalités d’octroi de l’aide et les raisons motivant la répartition de l’aide entre les différents secteurs;

3)

les effets escomptés des mesures sous l'angle de la sécurité alimentaire et la stabilisation du marché;

4)

les actions entreprises pour vérifier que les effets escomptés sont obtenus;

5)

les actions entreprises pour éviter toute distorsion de la concurrence;

6)

le niveau de soutien supplémentaire octroyé conformément à l'article 2;

b)

au plus tard le 15 mai 2023, les montants totaux versés par mesure, le cas échéant, ventilés par aide de l’Union et aide nationale supplémentaire, ainsi que le nombre et le type de bénéficiaires et l’évaluation de l’efficacité de la mesure.

Article 4

Le présent règlement entre en vigueur le jour suivant celui de sa publication au Journal officiel de l’Union européenne.

Le présent règlement s’applique à condition que le virement de 350 000 000 EUR mis en réserve vers la ligne budgétaire finançant la mesure exceptionnelle soit effectué conformément au règlement (UE, Euratom) 2018/1046. Il s’applique à compter du jour de la publication au Journal officiel de l’Union européenne d’une communication de la Commission indiquant que le virement a été effectué.

Le présent règlement est obligatoire dans tous ses éléments et directement applicable dans tout État membre.

Fait à Bruxelles, le 23 mars 2022.

Par la Commission

La présidente

Ursula VON DER LEYEN


(1)  JO L 347 du 20.12.2013, p. 671.

(2)  JO L 347 du 20.12.2013, p. 549.

(3)  Règlement (UE) n° 1307/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 établissant les règles relatives aux paiements directs en faveur des agriculteurs au titre des régimes de soutien relevant de la politique agricole commune et abrogeant le règlement (CE) n° 637/2008 du Conseil et le règlement (CE) n° 73/2009 du Conseil (JO L 347 du 20.12.2013, p. 608).

(4)  Règlement (UE, Euratom) 2018/1046 du Parlement européen et du Conseil du 18 juillet 2018 relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union, modifiant les règlements (UE) no 1296/2013, (UE) no 1301/2013, (UE) no 1303/2013, (UE) no 1304/2013, (UE) no 1309/2013, (UE) no 1316/2013, (UE) no 223/2014, (UE) no 283/2014 et la décision no 541/2014/UE, et abrogeant le règlement (UE, Euratom) no 966/2012 (JO L 193 du 30.7.2018, p. 1).


ANNEXE

Montants mis à la disposition des États membres visés à l’article 1er, paragraphe 2

État membre

en EUR

Belgique

6 268 410

Bulgarie

10 611 143

Tchéquie

11 249 937

Danemark

10 389 359

Allemagne

60 059 869

Estonie

2 571 111

Irlande

15 754 693

Grèce

26 298 105

Espagne

64 490 253

France

89 330 157

Croatie

5 354 710

Italie

48 116 688

Chypre

632 153

Lettonie

4 235 161

Lituanie

7 682 787

Luxembourg

443 570

Hongrie

16 939 316

Malte

69 059

Pays-Bas

8 097 139

Autriche

8 998 887

Pologne

44 844 365

Portugal

9 105 131

Roumanie

25 490 649

Slovénie

1 746 390

Slovaquie

5 239 169

Finlande

6 872 674

Suède

9 109 115