7.4.2022   

FR

Journal officiel de l’Union européenne

C 153/1


RECOMMANDATION DU CONSEIL

du 5 avril 2022

concernant la politique économique de la zone euro

(2022/C 153/01)

LE CONSEIL DE L’UNION EUROPÉENNE,

vu le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, et notamment son article 136 en liaison avec l’article 121, paragraphe 2,

vu le règlement (CE) n° 1466/97 du Conseil du 7 juillet 1997 relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaires ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques économiques (1), et notamment son article 5, paragraphe 2,

vu le règlement (UE) n° 1176/2011 du Parlement européen et du Conseil du 16 novembre 2011 sur la prévention et la correction des déséquilibres macroéconomiques (2), et notamment son article 6, paragraphe 1,

vu la recommandation de la Commission européenne,

vu les conclusions du Conseil européen,

vu l’avis du comité économique et financier,

vu l’avis du comité de politique économique,

considérant ce qui suit:

(1)

Après une très forte récession en 2020, l’économie de la zone euro connaît une reprise solide et rapide. La croissance du produit intérieur brut (PIB) au deuxième trimestre 2021 a dépassé les attentes, de sorte que le PIB de la zone euro devrait croître de 5,0 % cette année, selon les prévisions économiques d’automne 2021 de la Commission. Au dernier trimestre 2021, le PIB de la zone euro devrait retrouver son niveau d’avant la crise. Sept pays de la zone euro avaient retrouvé leur niveau de PIB d’avant la crise dès le deuxième trimestre 2021. Le PIB annuel de la zone euro devrait croître de 4,3 % en 2022, mais la reprise devrait être inégale d’un pays à l’autre et d’un secteur à l’autre. La demande intérieure est le principal moteur de croissance du PIB, en lien avec l’assouplissement des restrictions liées à la pandémie de COVID-19 à la suite du déploiement de la vaccination, l’amélioration progressive de la situation sur les marchés du travail, l’utilisation du surplus d’épargne accumulé au cours des périodes de confinement et la forte croissance des investissements bénéficiant de conditions de financement favorables ainsi que du soutien apporté par NextGenerationEU, l’instrument pour la relance établi par le règlement 2020/2094 du Conseil (3). Conformément aux recommandations, les États membres de la zone euro ont pris des mesures, à la fois individuellement et collectivement au sein de l’Eurogroupe, en vue d’assurer une orientation politique qui soutient la reprise après la crise de la COVID-19. Pour l’avenir, le degré d’incertitude reste élevé, avec des risques importants, notamment liés à l’évolution de la pandémie, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’Union, ce qui justifie un suivi attentif.

(2)

Au cours de l’année 2021, la forte croissance de la demande intérieure s’est heurtée à des contraintes du côté de l’offre, en ce compris des problèmes de rareté des intrants et à des perturbations logistiques. En outre, les pénuries de main-d’œuvre et de compétences sont devenues une préoccupation croissante dans certains secteurs et dans certains États membres. Après plusieurs années où elle a été très faible, l’inflation est en augmentation dans la zone euro depuis le début de l’année 2021, en particulier du fait des effets de base, de la flambée des prix de l’énergie et des goulets d’étranglement dans l’approvisionnement, ce qui laisse entrevoir un phénomène transitoire lié au processus d’ajustement postconfinement. L’inflation a atteint 4,9 % dans la zone euro en novembre 2021. Selon les prévisions économiques de l’automne 2021 des services de la Commission, elle devrait tomber à 2,2 % en 2022 et à 1,4 % en 2023.

(3)

En 2021, la stratégie européenne de relance s’est concentrée sur la mise en application de NextGenerationEU et de son principal instrument, la facilité pour la reprise et la résilience (FRR), établie par le règlement (UE) 2021/241 du Parlement européen et du Conseil (4). À la mi-novembre, le Conseil avait adopté les plans pour la reprise et la résilience de 22 États membres, dont 18 pays de la zone euro, à la suite d’évaluations positives de la Commission. Au cours des prochaines années, la mise en œuvre effective des réformes et des investissements dans le cadre de la facilité pour la reprise et la résilience aura une forte incidence positive sur le fonctionnement des économies des États membres de la zone euro. Compte tenu de la clé utilisée pour répartir ses ressources, la mise en œuvre effective de la FRR favorisera la convergence économique et sociale vers le haut entre les États membres de la zone euro. La FRR a également renforcé la confiance et contribue à soutenir la croissance et la stabilité macrofinancière, ce qui permet d’équilibrer le dosage macroéconomique et de compléter les actions de la Banque centrale européenne (BCE). Outre le soutien à la relance, la FRR vise à transformer la structure des économies des États membres, notamment en ce qui concerne la réalisation des transitions écologique et numérique. La mise en œuvre de réformes et d’investissements cohérents dans le cadre de la FRR ainsi que l’utilisation des fonds de cohésion visent à améliorer la résilience de la zone euro face aux chocs futurs, à accroître la production potentielle de manière durable, à soutenir l’emploi et à relever les défis sociaux. En outre, l’émission par l’Union de titres de créance libellés en euros afin de financer la FRR augmentera la profondeur et la liquidité des marchés de capitaux européens et contribuera à renforcer l’euro en tant que monnaie internationale. L’émission d’obligations vertes dans le cadre de NextGenerationEU contribuera également à promouvoir l’investissement durable.

(4)

La mise en œuvre des réformes et des investissements prévus dans les plans pour la reprise et la résilience ouvrira la voie au décaissement du financement de la FRR et contribuera efficacement à la réalisation des priorités stratégiques de la zone euro, y compris celles énoncées dans la recommandation du Conseil du 13 juillet 2021 concernant la politique économique de la zone euro (5). Cette mise en œuvre concernera, entre autres, le renforcement des cadres institutionnels nationaux, le soutien des investissements publics de qualité, et des mesures politiques en faveur de la cohésion sociale et de transitions écologique et numérique justes. Cette mise en œuvre devrait contribuer à assurer une reprise durable et inclusive, à maintenir le potentiel de croissance et à renforcer la résilience. Cela est conforme à la communication de la Commission du 24 novembre 2021 intitulée «Examen annuel de la croissance durable 2022» et aux quatre dimensions de la durabilité compétitive, à savoir la durabilité environnementale, la productivité, l’équité et la stabilité macroéconomique.

(5)

Des politiques soutenant adéquatement l’économie et se renforçant mutuellement ont permis d’aboutir à une stabilisation macroéconomique efficace et de maîtriser l’incidence sur les résultats du marché du travail, en atténuant les risques de ralentissement et en soutenant une reprise économique rapide. Pour assurer le bon fonctionnement de la zone euro, il demeurera essentiel d’opérer un dosage judicieux entre les politiques monétaire et budgétaire ainsi que des réformes structurelles et des politiques financières, dans le plein respect des rôles respectifs des États membres et des institutions en vertu du traité.

(6)

Les mesures de politique monétaire de la BCE visent à garantir le bon fonctionnement des différents segments des marchés financiers, à maintenir intacts les canaux de transmission monétaire et, enfin, à préserver la stabilité des prix à moyen terme. En juillet 2021, la BCE a publié sa nouvelle stratégie de politique monétaire qui adopte un objectif d’inflation symétrique de 2 % à moyen terme. Le Conseil des gouverneurs de la BCE a également confirmé que la fixation des taux d’intérêt de la BCE demeurait son principal instrument de politique monétaire. En octobre 2021, la BCE a lancé une phase d’étude de deux ans concernant l’émission éventuelle d’un projet d’euro numérique. La création d’un euro numérique nécessiterait une intervention des législateurs de l’Union, et la Commission entend faire une proposition législative sur la base de l’article 133 du traité. En fonction de sa conception, une telle monnaie numérique de banque centrale pourrait, entre autres, offrir un approvisionnement en fonds publics sous forme numérique, soutenir le passage au numérique de l’économie européenne et encourager activement l’innovation dans le domaine des paiements de détail. En outre, elle pourrait contribuer à renforcer le rôle international de l’euro et l’autonomie stratégique ouverte de l’Union.

(7)

Le 19 octobre 2021, la Commission a adopté une communication intitulée «L’économie de l’UE après la COVID-19: implications pour la gouvernance économique», relançant le débat sur l’examen de la gouvernance économique afin de dégager un large consensus sur la façon de renforcer le cadre de gouvernance économique, de lutter contre les déséquilibres macroéconomiques et de relever les défis budgétaires d’une manière qui soit compatible avec la transition et la croissance, en tenant compte des enseignements tirés de la crise de la COVID-19.

(8)

Le déficit des administrations publiques dans l’ensemble de la zone euro devait atteindre 7,1 % du PIB en 2021, mais retomber à 3,9 % en 2022. L’orientation budgétaire de la zone euro, selon les prévisions économiques de l’automne 2021 des services de la Commission, devait rester favorable en 2021, avec une expansion supérieure à 1,75 % du PIB, et en 2022, avec une expansion proche de 1 % du PIB. En 2022, les investissements publics financés à la fois par les États membres et par l’Union contribueront à cette orientation favorable. Dès novembre 2021, les 18 plans nationaux pour la reprise et la résilience des pays de la zone euro que le Conseil a approuvés à cette époque apporteront aux États membres de la zone euro un soutien financier de grande ampleur pouvant atteindre 262 milliards d’euros sous forme de subventions et 139 milliards d’euros sous forme de prêts sur la période allant jusqu’en 2026. La coordination des politiques budgétaires nationales, dans le plein respect du pacte de stabilité et de croissance, est essentielle pour apporter une réponse efficace au choc économique causé par la crise de la COVID-19, permettre une reprise durable et assurer le bon fonctionnement de l’Union économique et monétaire (UEM). La clause dérogatoire générale restera active en 2022, mais devrait être désactivée à partir de 2023. Alors que la reprise économique est bien engagée, la politique budgétaire passe de mesures temporaires d’urgence à des mesures ciblées de soutien à la reprise. L’augmentation des ratios de dette publique de 85,5 % à 100 % du PIB entre 2019 et 2021 a reflété les effets combinés de la contraction de la production et de la nécessaire réaction politique au choc de grande envergure causé par la COVID-19. Néanmoins, étant donné que les ratios d’endettement étaient déjà élevés dans certains États membres de la zone euro auparavant, une réduction compatible avec la croissance, progressive et continue de la dette constituera un objectif stratégique pour une grande partie de la zone euro.

(9)

Dans ce contexte, il apparaît particulièrement pertinent d’améliorer la composition des finances publiques, notamment en promouvant l’investissement, en améliorant la qualité des mesures budgétaires et en veillant à la viabilité des finances publiques à moyen et à long terme, y compris dans la perspective du changement climatique et des transitions écologique et numérique. Une budgétisation verte, des réexamens de dépenses, le bon fonctionnement des systèmes de gestion des investissements publics et des cadres efficaces en matière de marchés publics peuvent améliorer la transparence et l’efficacité des finances publiques et créer une marge de manœuvre budgétaire pour des investissements publics supplémentaires. Les réformes visant à rendre la politique des recettes plus efficace et plus juste sont devenues encore plus cruciales au lendemain de la crise de la COVID-19. Il est encore possible de rendre les systèmes fiscaux de la zone euro plus favorables à la croissance et à l’environnement, en particulier en remédiant aux distorsions et en réduisant la pression fiscale sur le travail, qui reste élevée dans la plupart des États membres de la zone euro. Les mesures visant à lutter contre la planification fiscale agressive, l’évasion fiscale et la fraude fiscale peuvent rendre les systèmes fiscaux plus efficaces et plus justes, tout en soutenant la reprise et l’augmentation des recettes. La mondialisation a rendu nécessaire l’adaptation du cadre fiscal à une économie de plus en plus numérisée. Un accord sur la réforme de la fiscalité mondiale ayant pour objectif de relever les défis fiscaux découlant du passage de l’économie au numérique et de limiter la concurrence fiscale dommageable a été conclu dans le cadre inclusif sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices de l’Organisation de coopération et de développement économiques et du G20.

(10)

La réaction forte et rapide à l’échelon national et à celui de l’Union, y compris par l’intermédiaire de NextGenerationEU, a permis d’atténuer efficacement l’incidence de la crise sur les ménages et les entreprises. Grâce à cette action coordonnée, les disparités se sont moins creusées que prévu initialement et les effets néfastes à long terme ont été atténués. Le soutien politique, y compris au moyen de dispositifs de chômage partiel et d’autres mesures de maintien de l’emploi, a contribué à préserver l’activité des entreprises tout au long de la crise et a limité la hausse du taux de chômage et la baisse du revenu disponible. Même s’ils sont en hausse, les taux d’insolvabilité sont restés contenus en 2021, malgré la suppression progressive des mesures de soutien. Les marchés du travail affichent également des améliorations progressives, le taux d’emploi, qui avait atteint un pic à 72,9 % au quatrième trimestre 2019, avant la crise de la COVID-19, étant revenu à 72,1 % au deuxième trimestre 2021. L’adoption accélérée de technologies numériques tout au long de la crise de la COVID-19 pourrait avoir une incidence positive sur la productivité si elle était maintenue dans la durée. Néanmoins, cette crise a eu d’importantes implications territoriales, sectorielles et distributives, ce qui nécessitera des réaffectations tant au sein des pays et des secteurs qu’entre ceux-ci, avec des coûts de transition considérables pour les travailleurs et les entreprises.

(11)

Bien que l’augmentation des faillites soit restée limitée jusqu’à présent, de nombreuses entreprises présentent des bilans plus faibles en raison de la crise de la COVID-19, ce qui pourrait peser sur leur capacité à financer des projets d’investissement à court terme et compromettre leur capacité de remboursement. Avec la reprise qui se confirme, les mesures de soutien devraient être progressivement revues à la baisse et mieux ciblées. Une moindre utilisation des instruments de dette limiterait les passifs éventuels et contribuerait à préserver la capacité d’investissement des entreprises. Le retrait en temps utile des mesures de soutien est un exercice d’équilibrage supposant de soutenir l’investissement et l’emploi et d’éviter la faillite d’entreprises viables, sans empêcher la sortie ordonnée des entreprises non viables à moyen terme. Dans ce contexte, il est essentiel d’améliorer l’accès des entreprises au financement, de consolider leurs bilans et de renforcer la capacité et l’efficacité des cadres en matière d’insolvabilité. Les régimes nationaux d’insolvabilité varient considérablement d’un pays de la zone euro à l’autre et des mesures de renforcement des capacités seront nécessaires pour faciliter l’efficacité de l’administration et du système judiciaire. L’amélioration des cadres en matière d’insolvabilité peut également contribuer à l’amélioration des bilans dans le secteur bancaire, ce qui aura une incidence positive sur l’offre de crédit. La directive (UE) 2019/1023 du Parlement européen et du Conseil (6) relative à la restructuration et à l’insolvabilité, qui vise à introduire des normes minimales en matière de restructuration préventive et de remise de dettes pour les entrepreneurs dans les États membres, doit être transposée en droit national d’ici au 17 juillet 2022. En outre, l’intégration des marchés des capitaux de l’Union est essentielle pour fournir aux entreprises d’autres sources de financement en complément des prêts bancaires. Les progrès réalisés dans le cadre de l’union des marchés des capitaux sont susceptibles d’améliorer l’accès des entreprises de la zone euro au financement, mobiliser des investissements à long terme dans les nouvelles technologies et infrastructures vertes, promouvoir les investissements en fonds propres et supprimer les obstacles transfrontières à l’investissement, y compris en harmonisant certains aspects du droit matériel relatif aux procédures d’insolvabilité.

(12)

Bien que l’emploi reprenne rapidement, certains secteurs, certaines catégories spécifiques de travailleurs et certaines régions devraient être impactés sur le long terme par la crise de la COVID-19 et par la forte pression au verdissement de l’économie et à l’accélération du passage au numérique. Les jeunes ont été particulièrement touchés, ainsi que les personnes peu qualifiées et les personnes issues de l’immigration. Les nouveaux emplois en cours de création pourraient être différents de ceux qui ont été détruits en raison de ladite crise. Certains groupes, dont les femmes, continuent de rencontrer des difficultés structurelles en matière d’intégration sur le marché du travail. Les goulets d’étranglement dans la chaîne d’approvisionnement et la flambée des prix de l’énergie pourraient ralentir le rebond de l’emploi dans certains secteurs. Des mesures politiques qui facilitent les transitions professionnelles et la réinsertion sur le marché du travail seront donc essentielles pour soutenir l’ajustement et atténuer les répercussions sociales, notamment à la lumière des transitions écologique et numérique. La Commission a présenté la recommandation (UE) 2021/402 (7) concernant un soutien actif et efficace à l’emploi à la suite de la crise de la COVID-19, invitant les États membres à élaborer des trains de mesures cohérents combinant des mesures visant à combler les pénuries de compétences et à aider les individus à assurer le succès des transitions écologique et numérique. Ces trains de mesures se composeraient de trois volets: i) des mesures, limitées dans le temps et bien conçues, d’incitation à l’embauche et à la transition et de soutien à l’entrepreneuriat; ii) des possibilités de reconversion et de perfectionnement professionnels liées aux besoins du marché du travail; et iii) un soutien accru de la part des services de l’emploi. En parallèle, pour la cohésion de la zone euro la protection sociale reste fondamentale au vu des crises sanitaire et économique et afin d’assurer une double transition juste. Le socle européen des droits sociaux continue d’être une boussole pour l’emploi, les compétences et l’action en matière de politique sociale, en favorisant une convergence économique et sociale vers le haut et en promouvant de meilleures conditions de vie et de travail dans les États membres. Adopté en mars 2021, le plan d’action sur le socle européen des droits sociaux fixe trois grands objectifs de l’Union concernant i) l’emploi, ii) l’éducation des adultes et iii) la réduction de la pauvreté d’ici à 2030, que les actions stratégiques pertinentes contribueront à réaliser. Les dirigeants de l’Union ont accueilli favorablement ces objectifs lors du sommet social de Porto du 8 mai 2021 et du Conseil européen des 24 et 25 juin 2021.

(13)

Les États membres ont élaboré des plans de réforme et d’investissement ambitieux, avec le soutien financier et stratégique de la FRR, et leur mise en œuvre est essentielle. Il sera essentiel d’améliorer la qualité des institutions, en particulier en renforçant les capacités administratives, pour garantir une absorption rapide des fonds correspondants tout en évitant les doubles emplois et les interférences avec d’autres instruments de l’Union. Les États membres peuvent affiner les conditions-cadres pour les investissements privés en améliorant l’environnement des entreprises. Afin d’assurer le bon fonctionnement du marché unique, il sera essentiel de préserver et de renforcer la résilience de la chaîne d’approvisionnement, en détectant les pénuries et les goulets d’étranglement et en y remédiant, ainsi qu’en préservant l’ouverture des marchés, la convergence des normes, une plus grande diversification, la circularité et l’utilisation efficace des ressources. La recommandation du Conseil du 13 juillet 2021 concernant la politique économique de la zone euro, qui préconise de poursuivre l’intégration du marché unique des biens et des services, y compris le marché unique numérique, en éliminant les restrictions inutiles, en renforçant la surveillance du marché et en garantissant des capacités administratives suffisantes, reste pertinente.

(14)

Grâce aux réformes précédentes, le secteur bancaire a montré sa résilience générale lorsqu’il a été confronté à de graves tensions économiques. Le soutien massif apporté par les pouvoirs publics au creux de la crise et la solide reprise enregistrée en 2021 ont jusqu’à présent atténué les inquiétudes relatives à l’affaiblissement des bilans des entreprises. Toutefois, il est possible que les banques de la zone euro connaissent une certaine détérioration de la qualité de leurs actifs. Un suivi en temps utile des risques, un engagement proactif auprès des débiteurs et une gestion active des prêts improductifs, ainsi qu’une rentabilité renforcée et un cadre réglementaire solide, sont importants pour maintenir la stabilité du secteur bancaire et sa capacité à financer la reprise économique.

(15)

La taille et l’intégration économiques de la zone euro, ainsi que les actions mises en place pour faire face à la crise de la COVID-19, ont constitué des facteurs stabilisateurs à l’échelle mondiale tout au long de cette crise. Compte tenu de l’interconnexion des économies, les États membres de la zone euro devront, dans les années à venir, réaliser les investissements et les réformes convenus pour sortir renforcés de la crise, tout en approfondissant encore l’UEM afin d’accroître sa résilience face aux chocs futurs et sa capacité à se montrer plus forte sur la scène internationale. Les évolutions dans les économies de marché avancées et émergentes ont des répercussions directes sur la zone euro via un certain nombre de canaux, y compris en matière de politique sanitaire et de vaccination, de trajectoires de politique monétaire, de flux financiers, de chaînes de valeur mondiales et de commerce. Les contraintes qui sont apparues dans les chaînes d’approvisionnement mondiales à la suite de la reprise témoignent encore de l’interconnexion croissante de l’économie mondiale. En parallèle, l’excédent de la balance courante de la zone euro a poursuivi sa baisse progressive et a atteint, en 2020, un niveau proche de celui suggéré par les fondamentaux. Toutefois, selon les prévisions, il devrait remonter de 2,6 % à 3,4 % entre 2020 et 2023. Le renforcement du rôle international de l’euro – qui est resté globalement stable ces dernières années –, y compris au moyen du développement d’un euro numérique, pourrait renforcer l’autonomie économique et financière de la zone euro et de l’Union et améliorer la stabilité financière mondiale.

(16)

L’approfondissement de l’UEM reste essentiel. L’union bancaire et l’union des marchés des capitaux sont des projets qui se renforcent mutuellement pour promouvoir la croissance, préserver la stabilité financière et soutenir une véritable UEM. Combler les lacunes restantes renforcerait encore la stabilité et la résilience de la zone euro, aiderait les économies de la zone euro à prospérer et renforcerait le rôle international de l’euro. Il reste essentiel d’achever l’union bancaire – parallèlement à la ratification en temps utile des accords modifiant le traité instituant le mécanisme européen de stabilité (8) et l’accord intergouvernemental sur le Fonds de résolution unique, fait à Bruxelles le 21 mai 2014 – et l’union des marchés des capitaux. Cet achèvement favorisera également les transitions écologique et numérique, qui nécessitent des investissements importants. Le sommet de la zone euro du 25 juin 2021 a réaffirmé l’engagement en faveur de l’achèvement de l’union bancaire et a invité l’Eurogroupe en configuration ouverte à convenir, sans tarder et de manière consensuelle, d’un plan de travail progressif et assorti d’échéances pour tous les éléments en suspens. Il a également appelé à une mise en œuvre rapide du plan d’action 2020 pour l’Union des marchés des capitaux, exposé dans la communication de la Commission du 24 septembre 2020 intitulée «Une Union des marchés des capitaux pour les citoyens et les entreprises – nouveau plan d’action», conformément aux priorités énoncées dans les conclusions du Conseil du 3 décembre 2020 sur ledit plan d’action. La recommandation du Conseil du 13 juillet 2021 concernant la politique économique de la zone euro, qui appelle à l’achèvement de l’UEM et au renforcement du rôle international de l’euro, reste pertinente,

RECOMMANDE que les États membres de la zone euro prennent des mesures individuellement, y compris dans le cadre de la mise en œuvre de leur plan pour la reprise et la résilience, et collectivement, au sein de l’Eurogroupe, pour la période 2022-2023, pour:

1)

continuer à utiliser et coordonner les politiques budgétaires nationales dans l’ensemble des États membres pour soutenir efficacement une reprise durable et inclusive; maintenir une orientation budgétaire modérément favorable dans l’ensemble de la zone euro en 2022, en tenant compte des budgets nationaux et du financement apporté par la facilité pour la reprise et la résilience; orienter progressivement les mesures budgétaires vers des investissements qui favorisent une reprise durable, inclusive et compatible avec les transitions écologique et numérique, en accordant une attention particulière à la qualité des mesures budgétaires; compte tenu du degré d’incertitude, maintenir une politique budgétaire souple afin de pouvoir réagir à l’évolution de la pandémie de COVID-19; moduler les politiques budgétaires en tenant compte de la vigueur de la reprise, en veillant à la viabilité des finances publiques et en renforçant les investissements, tout en ayant à l’esprit la nécessité de réduire les disparités;

2)

promouvoir des politiques de lutte contre la planification fiscale agressive, la fraude fiscale et l’évasion fiscale afin de garantir des systèmes fiscaux justes et efficaces; œuvrer à limiter la concurrence fiscale dommageable, y compris par la mise en œuvre d’une solution consensuelle à l’échelle mondiale pour relever les défis fiscaux découlant du passage au numérique et de la mondialisation de l’économie; diminuer la pression fiscale sur le travail et promouvoir un déplacement de la fiscalité du travail vers une fiscalité moins génératrice de distorsions; passer des mesures d’urgence à des mesures de reprise sur les marchés du travail en garantissant des politiques relatives aux marchés du travail actives et efficaces: i) soutenir les transitions professionnelles, en particulier vers l’économie verte et numérique, ii) combiner des mesures visant à remédier aux pénuries de compétences, renforcer la reconversion et le perfectionnement professionnels, proposer des incitations ciblées à l’embauche, et iii) renforcer la capacité des services publics de l’emploi à remédier aux inadéquations entre l’offre et la demande sur le marché du travail; renforcer les systèmes d’éducation et de formation inclusifs et de qualité; promouvoir l’intégration des jeunes, des femmes et des groupes vulnérables sur le marché du travail, garantir des conditions de travail adéquates et remédier à la segmentation du marché du travail, élaborer et adapter, le cas échéant, des systèmes de protection sociale pour relever les défis qui se font jour après la crise de la COVID-19 et ceux liés aux transitions écologique et numérique; garantir la participation effective des partenaires sociaux à l’élaboration des politiques, renforcer le dialogue social et encourager la négociation collective; assurer le partage et la convergence des bonnes pratiques qui renforcent la résilience économique et sociale en matière de marché du travail et de politiques sociales;

3)

contrôler l’efficacité des mesures de soutien aux entreprises, mettre l’accent sur un soutien plus ciblé à la solvabilité des entreprises viables qui ont été mises en difficulté pendant la crise de la COVID-19 et recourir davantage aux instruments de capitaux propres; accroître la capacité des cadres en matière d’insolvabilité à traiter efficacement et en temps utile les faillites et les restructurations de dettes, maximiser la préservation de la valeur et promouvoir une allocation efficace des capitaux dans l’économie réelle et des investissements transfrontières; progresser rapidement dans l’approfondissement de l’union des marchés des capitaux, au sujet duquel la Commission a fait des propositions législatives mettant l’accent sur le soutien au financement de l’économie, l’accroissement des possibilités d’investissement pour les entreprises et les particuliers, et la suppression des obstacles transfrontières injustifiés aux investissements dans le marché unique;

4)

continuer à renforcer les cadres institutionnels nationaux, poursuivre les réformes visant à éliminer les obstacles à l’investissement et à la réaffectation des capitaux et veiller à ce que les fonds de l’Union soient utilisés de manière efficace et en temps utile; réduire la charge administrative pesant sur les entreprises et améliorer leur environnement; renforcer l’efficacité et le passage au numérique de l’administration publique; améliorer la gestion des finances publiques, y compris au moyen d’une budgétisation verte et en améliorant l’efficacité des cadres de gestion des investissements publics, et utiliser les réexamens des dépenses afin d’améliorer la composition et la qualité des finances publiques, en particulier la qualité des investissements publics et l’investissement dans les personnes et les compétences, et de mieux diriger les dépenses publiques vers les besoins en matière de reprise et de résilience;

5)

assurer la stabilité macrofinancière et maintenir les canaux de crédit à l’économie, en continuant de s’attaquer aux prêts non performants, entre autres en surveillant la qualité des actifs, en s’engageant rapidement et de manière proactive auprès des débiteurs en difficulté, en particulier ceux qui sont viables, et en poursuivant le développement de marchés secondaires pour les prêts improductifs; poursuivre les travaux sur l’achèvement de l’union bancaire, au moyen d’un plan de travail progressif et assorti d’échéances sur tous les éléments nécessaires restants et avec le même niveau d’ambition, et sur le renforcement du rôle international de l’euro; continuer à soutenir les travaux exploratoires sur l’introduction éventuelle d’un euro numérique.

De nouvelles mesures d’approfondissement de l’UEM devraient tenir compte des enseignements tirés de la riposte économique globale face à la crise de la COVID-19. Des progrès dans l’approfondissement de l’UEM restent à accomplir, dans le plein respect du marché intérieur de l’Union et de manière ouverte et transparente vis-à-vis des États membres ne faisant pas partie de la zone euro.

Fait à Luxembourg, le 5 avril 2022.

Par le Conseil

Le président

B. LE MAIRE


(1)  JO L 209 du 2.8.1997, p. 1.

(2)  JO L 306 du 23.11.2011, p. 25.

(3)  Règlement (UE) 2020/2094 du Conseil du 14 décembre 2020 établissant un instrument de l’Union européenne pour la relance en vue de soutenir la reprise à la suite de la crise liée à la COVID-19 (JO L 433 I du 22.12.2020, p. 23).

(4)  Règlement (UE) 2021/241 du Parlement européen et du Conseil du 12 février 2021 établissant la facilité pour la reprise et la résilience (JO L 57 du 18.2.2021, p. 17).

(5)  JO C 283 du 15.7.2021, p. 1.

(6)  Directive (UE) 2019/1023 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 relative aux cadres de restructuration préventive, à la remise de dettes et aux déchéances, et aux mesures à prendre pour augmenter l’efficacité des procédures en matière de restructuration, d’insolvabilité et de remise de dettes, et modifiant la directive (UE) 2017/1132 (directive sur la restructuration et sur l’insolvabilité) (JO L 172 du 26.6.2019, p. 18).

(7)  Recommandation (UE) 2021/402 de la Commission du 4 mars 2021 concernant un soutien actif et efficace à l’emploi (EASE) à la suite de la crise de la COVID-19 (JO L 80 du 8.3.2021, p. 1).

(8)  Traité instituant le mécanisme européen de stabilité entre le Royaume de Belgique, la République fédérale d’Allemagne, la République d’Estonie, l’Irlande, la République hellénique, le Royaume d’Espagne, la République française, la République italienne, la République de Chypre, la République de Lettonie, la République de Lituanie, le Grand-Duché de Luxembourg, Malte, le Royaume des Pays-Bas, la République d’Autriche, la République portugaise, la République de Slovénie, la République slovaque et la République de Finlande, fait à Bruxelles le 2 février 2012.