22.2.2021   

FR

Journal officiel de l’Union européenne

L 61/3


DÉCISION D’EXÉCUTION (UE) 2021/271 DE LA COMMISSION

du 17 février 2021

relative à la prolongation de la surveillance renforcée pour la Grèce

[notifiée sous le numéro C(2021) 998]

(Le texte en langue grecque est le seul faisant foi.)

LA COMMISSION EUROPÉENNE,

vu le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,

vu le règlement (UE) no 472/2013 du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2013 relatif au renforcement de la surveillance économique et budgétaire des États membres de la zone euro connaissant ou risquant de connaître de sérieuses difficultés du point de vue de leur stabilité financière (1), et notamment son article 2, paragraphe 1,

considérant ce qui suit:

(1)

À la suite de l’expiration, le 20 août 2018, de l’assistance financière octroyée au titre du Mécanisme européen de stabilité, une surveillance renforcée de la Grèce a été activée par la décision d’exécution (UE) 2018/1192 (2) de la Commission pour une durée de six mois à compter du 21 août 2018. La surveillance renforcée a été prolongée à quatre reprises (3), chaque fois pour une nouvelle période de six mois, la dernière ayant commencé le 21 août 2020.

(2)

La Grèce ayant reçu un important montant d’assistance financière depuis 2010, l’encours de ses dettes envers les États membres de la zone euro, le Fonds européen de stabilité financière et le Mécanisme européen de stabilité se monte au total à 243 700 millions d’euros. La Grèce a reçu un soutien financier à des conditions favorables de la part de ses partenaires européens, et des mesures spécifiques pour ramener sa dette sur des bases plus soutenables ont été adoptées en 2012, et à nouveau par le Mécanisme européen de stabilité en 2017. Le 22 juin 2018, un accord politique a été dégagé au sein de l’Eurogroupe sur la mise en œuvre de mesures supplémentaires visant à garantir la soutenabilité de la dette. L’activation de certaines de ces mesures, notamment le transfert à la Grèce de montants équivalents aux revenus que les banques centrales nationales de la zone euro perçoivent sur les obligations d’État grecques qu’elles détiennent dans le cadre de l’accord sur les actifs financiers nets et du programme pour les marchés de titres, peut être décidée deux fois par an par l’Eurogroupe sur la base d’un rapport favorable, élaboré dans le cadre de la surveillance renforcée, sur le respect par la Grèce de ses engagements post-programme. Les quatre premières séries de mesures conditionnelles relatives à la dette ont été débloquées après avoir été approuvées par l’Eurogroupe respectivement en avril 2019, décembre 2019, juin 2020 et novembre 2020.

(3)

La Grèce s’est engagée auprès de l’Eurogroupe à poursuivre et achever toutes les réformes clés adoptées dans le cadre du programme de soutien à la stabilité mis en place au titre du Mécanisme européen de stabilité (ci-après le «programme») et à préserver les objectifs des réformes importantes adoptées au titre de ce programme et des programmes précédents. Elle s’est également engagée à mettre en œuvre des actions spécifiques dans les domaines des politiques budgétaires, y compris structurelles, de la protection sociale, de la stabilité financière, des marchés du travail et des produits, de la privatisation et de l’administration publique. Ces actions spécifiques, qui sont exposées en annexe de la déclaration de l’Eurogroupe du 22 juin 2018, contribueront à lutter contre les déséquilibres macroéconomiques excessifs constatés en Grèce et à remédier aux sources avérées ou potentielles de difficultés économiques.

(4)

Le 26 février 2020, la Commission a publié son rapport 2020 pour la Grèce (4). La Commission a conclu que la Grèce connaissait des déséquilibres macroéconomiques excessifs (5). Si des progrès sont visibles dans un certain nombre de domaines, il subsiste d’importants facteurs de vulnérabilité et problèmes hérités du passé, liés au niveau élevé de la dette publique, à la forte proportion de prêts non performants dans le bilan des banques, ainsi qu’au secteur extérieur, alors que le potentiel de croissance reste faible et le taux de chômage élevé. Ces conclusions ont été confirmées par le rapport sur le mécanisme d’alerte, élaboré dans le contexte de la crise de la COVID-19 et adopté le 18 novembre 2020 par la Commission sur le fondement du règlement (UE) no 1176/2011 du Parlement européen et du Conseil (6), dans lequel la Grèce est mentionnée parmi les États membres qui feront l’objet d’un bilan approfondi en 2021. Le rapport sur le mécanisme d’alerte fait notamment apparaître que, si la dette publique a diminué en 2019, elle devrait dépasser 200 % du produit intérieur brut en 2020, évolution qui reflète la contraction de l’activité économique et le coût des mesures que la Grèce a dû prendre pour atténuer les effets de la pandémie. Le secteur financier de ce pays demeure confronté à une faible rentabilité conjuguée à des ratios de fonds propres inférieurs à la moyenne et à un encours élevé de prêts non performants. La position extérieure globale nette reste fortement négative, bien que l’importante dette publique extérieure soit financée à des conditions très favorables, et elle devrait encore se détériorer en raison de la baisse des entrées de trésorerie provenant du tourisme. Le chômage demeure très élevé et la lente tendance à la baisse a été temporairement interrompue par la crise.

(5)

Depuis le début de la pandémie, l’Union européenne et ses États membres ont pris des mesures sans précédent pour protéger les vies et les moyens de subsistance. En réaction à la pandémie de COVID-19, et dans le cadre d’une approche coordonnée au niveau de l’Union, la Grèce a continué d’adopter des mesures visant à accroître la capacité de son système de santé, et a élargi l’ensemble des mesures budgétaires et de soutien à la liquidité destinées à aider les personnes et les entreprises particulièrement touchées. L’Union a soutenu les efforts nationaux déployés pour faire face à la crise sanitaire et amortir les effets du choc économique. Elle a libéré son budget pour lutter contre le virus, activé la clause dérogatoire générale du pacte de stabilité et de croissance, exploité toute la souplesse offerte par les règles relatives aux aides d’État et créé un nouvel instrument pour aider les travailleurs à conserver leur emploi, l’instrument européen de soutien temporaire à l’atténuation des risques de chômage en situation d’urgence (instrument SURE). En plus des mesures prises par la Banque centrale européenne, le Mécanisme européen de stabilité et la Banque européenne d’investissement, l’Union fournit, dans le cadre de sa réaction à la pandémie, 750 milliards d’euros provenant de l’instrument Next Generation EU, qui seront alloués avant tout par l’intermédiaire de la facilité pour la reprise et la résilience. La Facilité apportera un soutien important à la mise en œuvre des réformes et des investissements nécessaires pour renforcer les économies des États membres. Elle constitue l’occasion, pour l’économie grecque, de se remettre de la crise actuelle et de relever les défis auxquels elle continue d’être confrontée. En outre, au titre du cadre financier pluriannuel pour la période 2021-2027, les financements de l’Union, supérieurs à 1 000 milliards d’euros, seront axés sur les priorités nouvelles et les priorités renforcées dans tous les domaines d’action de l’Union, y compris les transitions écologique et numérique.

(6)

La Commission a publié sa huitième évaluation dans le cadre de la surveillance renforcée de la Grèce (7) le 18 novembre 2020. Cette évaluation concluait que, malgré les difficultés dues à la pandémie, la Grèce avait pris les mesures nécessaires pour honorer ses engagements spécifiques en matière de réformes qui arrivaient à échéance. D’après le rapport, les autorités sont parvenues à relancer, ces derniers mois, les travaux sur les engagements en matière de réformes, après un arrêt au premier semestre de 2020 en raison des événements sans précédent que nous avons connus, et elles ont mené à bien plusieurs réformes fondamentales. Les institutions européennes ont salué la collaboration étroite et constructive constatée dans tous les domaines et ont encouragé les autorités à continuer sur leur lancée et, si nécessaire, à redoubler d’efforts pour achever rapidement la mise en œuvre de la législation primaire récemment adoptée, notamment en ce qui concerne les réformes du secteur financier, pour lesquelles un vaste corpus de législation secondaire doit être parachevé et adopté prochainement.

(7)

À la lumière du bilan approfondi 2020 et de l’évaluation réalisés par la Commission, le Conseil a examiné le programme national de réforme pour 2020 et le programme de stabilité pour 2020. Le Conseil a tenu compte de la nécessité de lutter contre la pandémie et de favoriser la reprise économique, laquelle est une première étape nécessaire pour permettre un ajustement des déséquilibres. Il a recommandé (8) à la Grèce de prendre toutes les mesures nécessaires pour lutter efficacement contre la pandémie, notamment en renforçant la résilience du système de santé, de mettre en œuvre des dispositifs de chômage partiel et de garantir un soutien efficace à l’activation pour atténuer les conséquences de la crise sur le plan social et sur le plan de l’emploi, de mettre en œuvre des mesures visant à fournir des liquidités et de promouvoir les investissements publics et privés dans plusieurs domaines prioritaires, notamment dans les transitions écologique et numérique. Le Conseil a également invité les autorités à poursuivre et à mener à leur terme les réformes, conformément aux engagements post-programme, afin d’amorcer une reprise économique durable, à la suite de l’assouplissement progressif des contraintes imposées par la pandémie de COVID-19.

(8)

Le secteur bancaire grec a gagné en stabilité et est devenu plus résilient aux chocs depuis la fin du programme du Mécanisme européen de stabilité, mais il subsiste des risques hérités du passé et d’importantes vulnérabilités structurelles, qui sont accentués par les effets négatifs de la pandémie de COVID-19. Les banques maintiennent une liquidité adéquate, profitant des conditions offertes par une politique monétaire accommodante, mais le niveau des prêts non performants reste élevé, représentant 58,7 milliards d’euros, soit 35,8 % des expositions brutes sur prêts à la clientèle, en septembre 2020 (9). La baisse de l’encours des prêts non performants observée depuis le pic de 107,2 milliards d’euros en mars 2016 s’est poursuivie au cours des neuf premiers mois de 2020, mais à un rythme plus lent. La grande proportion des prêts bénéficiant de moratoires de remboursement laisse présager un risque élevé d’augmentation des besoins de provisionnement et de détérioration des ratios de qualité des actifs correspondants à l’expiration des moratoires. Un élément clé de la stratégie des banques visant à lutter contre les prêts non performants reste la poursuite des opérations de titrisation dans le cadre du programme Hercules, qui devraient être conclues au cours du premier semestre de 2021. Les banques grecques respectent les exigences réglementaires de fonds propres, mais, alors que leur rentabilité est faible et devrait encore être davantage mise à mal sous les effets économiques de la pandémie, les exigences auxquelles elles sont soumises en matière de surveillance et leurs besoins en fonds propres pour financer le processus de réduction des prêts non performants à moyen terme s’accroissent. En conséquence, les banques grecques sont particulièrement exposées au risque d’augmentation potentielle des coûts de financement et de nouvelle détérioration de la qualité des actifs du fait de la pandémie. Les autorités ont mis en œuvre ou étendu de façon satisfaisante des mesures de soutien visant à maintenir l’accès au financement pour les entreprises touchées, mesures qui s’ajoutent à celles déjà prises à l’échelle des banques commerciales et des gestionnaires de crédit. Elles progressent également dans la réalisation de réformes cruciales du secteur financier, destinées à améliorer les outils existants de résolution des prêts non performants, après avoir enregistré des retards par le passé en raison de l’incidence négative de la pandémie de COVID-19. Ces réformes, en particulier la refonte récemment adoptée du régime d’insolvabilité fragmenté, peuvent contribuer à atténuer l’impact à moyen terme de la crise sur l’endettement du secteur privé. Les effets de ces réformes dépendront de leur mise en œuvre en temps opportun et de l’efficacité de celle-ci.

(9)

Malgré les progrès accomplis ces dernières années dans des domaines tels que la réduction du délai d’immatriculation des nouvelles entreprises et le renforcement de la protection des investisseurs minoritaires, la Grèce demeure confrontée à des défis majeurs en ce qui concerne l’environnement des entreprises et son système judiciaire, attestés par les performances insuffisantes obtenues dans plusieurs domaines (par exemple, l’exécution des contrats, l’enregistrement des biens immobiliers, la résolution de l’insolvabilité, etc.). Les autorités continuent d’œuvrer à l’amélioration de l’environnement réglementaire et au renforcement de la compétitivité, malgré les difficultés causées par l’actuelle pandémie de COVID-19. Si des progrès constants dans la mise en œuvre des réformes de la justice, notamment des actions en faveur de la médiation, et les récentes mesures prises pour réformer les marchés de produits et améliorer la surveillance des marchés peuvent contribuer aux perspectives de reprise en Grèce, cette dernière doit intensifier ses efforts pour améliorer l’environnement des entreprises. Les autorités progressent également dans des réformes essentielles visant à améliorer les performances numériques de la Grèce, qui demeurent parmi les plus faibles de l’Union. La Grèce s’est également engagée à mettre en œuvre une réforme majeure des marchés publics d’ici le début de 2021 tout en poursuivant la mise en œuvre de mesures complémentaires visant à alléger encore les charges administratives pesant sur les entreprises et les citoyens.

(10)

Exclue des marchés financiers en 2010, la Grèce en a retrouvé l’accès en juillet 2017, date à laquelle elle a pu émettre des obligations d’État. Le rendement des obligations de l’État grec a commencé à diminuer lentement en 2018, après la conclusion fructueuse du programme du MES, puis plus franchement en 2019. Depuis le début de la pandémie, la Grèce a émis avec succès des bons du Trésor et des obligations à long terme, signe que son accès aux marchés financiers est durable. Les conditions de financement actuellement favorables sont soutenues par des mesures de soutien à la liquidité décidées au niveau européen, dont le programme d’achat d’urgence face à la pandémie de la Banque centrale européenne. Compte tenu de l’analyse relative à la soutenabilité de la dette présentée dans le 8e rapport au titre du cadre de surveillance renforcée, les besoins de financement bruts des administrations publiques devraient avoisiner 15 % du PIB à moyen terme.

(11)

À la lumière de ce qui précède, la Commission conclut que les conditions justifiant la mise en place d’une surveillance renforcée au titre de l’article 2 du règlement (UE) no 472/2013 sont toujours présentes. Des risques continuent notamment de peser sur la stabilité financière de la Grèce, qui, s’ils se concrétisaient, pourraient avoir des retombées négatives sur les autres États membres de la zone euro. Il pourrait s’agir de retombées indirectes sur la confiance des investisseurs et, partant, sur les coûts de refinancement des banques et des émetteurs souverains dans d’autres États membres de la zone euro.

(12)

En conséquence, à moyen terme, la Grèce doit continuer d’adopter des mesures visant à remédier aux sources avérées ou potentielles de difficultés et de mettre en œuvre des réformes structurelles pour soutenir une reprise économique solide et durable, en vue d’atténuer les effets de plusieurs facteurs hérités du passé. Ces derniers sont notamment la récession grave et prolongée pendant la crise; l’ampleur du fardeau de la dette grecque; les vulnérabilités du secteur financier du pays; les liens encore relativement forts entre le secteur financier et les finances publiques grecques, y compris sous la forme de participations de l’État; le risque que des tensions graves dans l’un ou l’autre de ces secteurs ne se propagent à d’autres États membres, ainsi que l’exposition des États membres de la zone euro à la dette publique grecque.

(13)

Afin de remédier aux risques résiduels et de surveiller l’accomplissement des engagements en ce sens, il semble nécessaire et approprié de prolonger la surveillance renforcée à laquelle la Grèce est soumise selon l’article 2, paragraphe 1, du règlement (UE) no 472/2013.

(14)

Par l’intermédiaire d’une lettre envoyée le 14 janvier 2021, la Grèce a eu la possibilité d’exprimer son point de vue sur l’évaluation de la Commission. Dans sa réponse du 27 janvier 2021, la Grèce a largement souscrit à l’évaluation réalisée par la Commission concernant les défis économiques auxquels elle est confrontée, et sur la base desquels la surveillance renforcée est prolongée.

(15)

La Grèce continuera à bénéficier d’une assistance technique fournie au titre du nouvel instrument d’appui technique, qui aidera en particulier les États membres à préparer et à mettre en œuvre leurs plans respectifs pour la reprise et la résilience.

(16)

La Commission entend coopérer étroitement avec le Mécanisme européen de stabilité, dans le contexte de son mécanisme d’alerte rapide, pour la mise en œuvre de la surveillance renforcée,

A ADOPTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:

Article premier

La durée de la surveillance renforcée à laquelle la Grèce est soumise au titre de l’article 2, paragraphe 1, du règlement (UE) no 472/2013 et qui a été activée par la décision d’exécution (UE) 2018/1192 est prolongée d’une nouvelle période de six mois à compter du 21 février 2021.

Article 2

La République hellénique est destinataire de la présente décision.

Fait à Bruxelles, le 17 février 2021.

Par la Commission

Paolo GENTILONI

Membre de la Commission


(1)   JO L 140 du 27.5.2013, p. 1.

(2)  Décision d’exécution (UE) 2018/1192 de la Commission du 11 juillet 2018 relative à l’activation de la surveillance renforcée pour la Grèce (JO L 211 du 22.8.2018, p. 1).

(3)  Décision d’exécution (UE) 2019/338 de la Commission (JO L 60 du 28.2.2019, p. 17), décision d’exécution (UE) 2019/1287 de la Commission (JO L 202 du 31.7.2019, p. 110), décision d’exécution (UE) 2020/280 de la Commission (JO L 59 du 28.2.2020, p. 9) et décision d’exécution (UE) 2020/5086 de la Commission (JO L 248 du 31.7.2020, p. 20).

(4)  SWD(2020) 507 final.

(5)  COM(2020) 150 final.

(6)  Règlement (UE) no 1176/2011 du Parlement européen et du Conseil du 16 novembre 2011 sur la prévention et la correction des déséquilibres macroéconomiques (JO L 306 du 23.11.2011, p. 25).

(7)  Commission européenne: Enhanced Surveillance Report — Greece, May 2020 (rapport au titre de la surveillance renforcée — Grèce, mai 2020), Institutional Paper 127, mai 2020.

(8)  Recommandation du Conseil du 20 juillet 2020 concernant le programme national de réforme de la Grèce pour 2020 et portant avis du Conseil sur le programme de stabilité de la Grèce pour 2020 (JO C 282 du 26.8.2020, p. 46).

(9)  Source: Banque de Grèce, chiffres relatifs aux différentes banques.