28.12.2016   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

L 357/1


DÉCISION (UE) 2016/2391 DE LA COMMISSION

du 4 juillet 2016

relative à l'aide d'État SA.29769 (2013/C) (ex 2013/NN) octroyée par l'Espagne à certains clubs de football

[notifiée sous le numéro C(2016) 4046 final]

(Le texte en langue espagnole est le seul faisant foi)

(Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE)

LA COMMISSION EUROPÉENNE,

vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, et notamment son article 108, paragraphe 2, premier alinéa,

vu l'accord sur l'Espace économique européen, et notamment son article 62, paragraphe 1, point a),

après avoir mis les intéressés en demeure de présenter leurs observations conformément à l'article 108, paragraphe 2, du traité (1) et compte tenu de ces observations,

considérant ce qui suit:

1.   PROCÉDURE

(1)

En novembre 2009, des informations détaillées envoyées par les citoyens ont attiré l'attention de la Commission sur un possible traitement fiscal préférentiel, concernant l'impôt sur les sociétés, en faveur de quatre clubs sportifs espagnols, l'Athletic Club Bilbao, le Club Atlético Osasuna (Navarra), le FC Barcelona et le Real Madrid CF, par rapport aux sociétés anonymes sportives. L'Espagne a été invitée à formuler des observations le 15 février, le 12 avril et le 28 septembre 2010. Les observations ont été reçues le 23 mars et le 15 décembre 2010.

(2)

Par lettre du 18 décembre 2013, la Commission a fait part à l'Espagne de sa décision d'ouvrir la procédure prévue à l'article 108, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne concernant l'aide en question (ci-après la «décision d'ouverture»). Par lettre du 17 février 2014, l'Espagne a présenté ses observations sur cette décision. Le 17 décembre 2015, l'Espagne a fourni des informations supplémentaires.

(3)

La décision d'ouverture a été publiée au Journal officiel de l'Union européenne  (2). La Commission a invité les parties intéressées à présenter leurs observations concernant l'aide.

(4)

La Commission a reçu les observations des intéressés et les a transmises à l'Espagne, en lui donnant la possibilité de les commenter; ses observations ont été reçues par lettre datée du 21 novembre 2014.

2.   DESCRIPTION DÉTAILLÉE DE L'AIDE

2.1.   MESURE

(5)

L'article 19, paragraphe 1, de la loi 10/1990 sur le sport (3) a obligé tous les clubs sportifs professionnels espagnols à se transformer en sociétés anonymes sportives. La mise en place de la mesure se justifiait par le fait que de nombreux clubs avaient été mal gérés parce que ni les membres ni les administrateurs n'assumaient aucune responsabilité financière pour les pertes économiques qui pouvaient être générées. L'objectif était d'établir, avec la nouvelle société anonyme sportive, un modèle de responsabilité économique et juridique pour les clubs qui exercent une activité professionnelle afin d'augmenter leur capacité de bonne gestion.

(6)

La septième disposition additionnelle de la loi no 10/1990 exemptait de l'obligation de conversion les clubs de football ayant réalisé des bénéfices au cours des quatre ou cinq exercices antérieurs. Selon le préambule de la loi, cette exemption est fondée sur le fait que ces clubs avaient «fait preuve de bonne gestion sous le régime associatif» et n'avaient pas besoin de ce changement. Ils pouvaient garder leur structure juridique de club, sauf décision contraire de leurs assemblées (4).

(7)

Les seuls clubs qui répondaient à cette condition étaient l'Athletic Club Bilbao, le Club Atlético Osasuna (Navarre), le FC Barcelona et le Real Madrid CF. La loi n'indique pas expressément le nom de ces quatre clubs qui ont finalement bénéficié de l'exemption. Ils ne se sont pas transformés en société anonyme sportive, alors qu'ils auraient pu le faire.

(8)

Le traitement fiscal réservé aux clubs sportifs diffère du régime fiscal applicable aux sociétés anonymes sportives, qui sont soumises au régime général de l'impôt sur les sociétés. Les clubs sportifs sont des organismes sans but lucratif, et en tant que tels, ils bénéficient d'une exonération partielle de l'impôt sur les sociétés conformément à l'article 9, paragraphe 3, point a), de la loi espagnole relative à l'impôt sur les sociétés. En conséquence de cette exonération partielle, l'article 28, paragraphe 2, de la loi relative à l'impôt sur les sociétés dispose que les clubs exonérés, en leur qualité d'organismes sans but lucratif, acquittent l'impôt pour leurs recettes commerciales au taux réduit de 25 % au lieu du taux général actuel de 30 %. (qui était de 35 % jusqu'en 2006 et de 32,5 % en 2007).

(9)

La loi espagnole sur le sport ne prévoit pas de date pour une réévaluation éventuelle de ce traitement spécifique. En conséquence, seules les quatre équipes qui répondaient initialement aux conditions ont la possibilité de bénéficier de la condition fiscalement favorable de «club sportif», indépendamment de la manière dont évolue la situation financière des autres équipes. Les équipes commercialement viables ne peuvent pas non plus repasser dans la catégorie de clubs.

(10)

Les quatre clubs ont des activités professionnelles à but lucratif. Par exemple, pour la saison 2013/2014, le Real Madrid CF a perçu des recettes de 549 millions d'EUR et le FC Barcelona, de 484 millions d'EUR (5). Ces recettes provenaient de la vente des droits audiovisuels sportifs, du parrainage, du marchandisage (vente d'articles associés au club, comme des reproductions des maillots des joueurs) et l'octroi de licences, ainsi que les recettes perçues les jours de match (vente des billets et autres gains générés dans le stade). Depuis plusieurs années, les deux clubs sont les premiers sur la liste des clubs de premières divisions européennes classés en fonction des revenus. L'Athletic Club Bilbao, qui a toujours joué en première division espagnole, participe régulièrement à des compétitions internationales, telles que la Ligue des champions. Le Club Atlético Osasuna a également joué en première division espagnole jusqu'à la saison 2012/2013, où il est descendu en deuxième division de la Ligue de football professionnel espagnole, et a participé occasionnellement à des compétitions européennes de clubs professionnels.

(11)

Dans la décision d'ouverture, la Commission a indiqué qu'au moins le Real Madrid CF et le FC Barcelona avaient eu des bénéfices imposables au cours des années qui ont suivi l'an 2000. En outre, les comptes annuels, par exemple, du Real Madrid CF mentionnent des bénéfices avant impôts de 25 millions d'EUR pour la saison 2008/2009, de 31 millions d'EUR en 2009/2010, de 47 millions d'EUR en 2010/2011, de 32 millions d'EUR en 2011/2012 et de 47 millions d'EUR en 2012/2013. Ces chiffres suggèrent des revenus imposables considérables au cours des dernières années, au moins pour le Real Madrid FC, si bien qu'un taux d'imposition de 25 % au lieu de 30 % pourrait s'avérer économiquement avantageux face à ces concurrents.

2.2.   MOTIFS DE L'OUVERTURE DE LA PROCÉDURE

(12)

Dans la décision d'ouverture, la Commission a constaté que les clubs de football concernés devaient être considérés comme des organisations sans but lucratif. Cela n'exclut pas qu'ils puissent être qualifiés d'entreprises conformément à l'article 107, paragraphe 1, du traité. Les activités sportives professionnelles financées sont de nature commerciale (6). Ces activités qui générèrent des revenus revêtent un caractère économique et se déroulent dans un environnement de concurrence agressive avec les autres grands clubs européens de football professionnel. Les sources de revenus sont liées au succès des équipes dans les compétitions sportives. À son tour, ce succès dépend en grande mesure du montant des fonds dont disposent les clubs pour attirer ou conserver les meilleurs joueurs et entraîneurs.

(13)

La différentiation fiscale peut favoriser de manière sélective les quatre clubs. En conséquence, la Commission a conclu de manière préliminaire dans la décision d'ouverture que ces quatre clubs profitent d'un avantage sous la forme d'un taux d'imposition préférentiel qui n'est pas justifié par la nature du système fiscal. La différentiation fiscale entre ceux-ci et les autres clubs est la conséquence de la loi espagnole no 10/1990, qui limite le nombre de bénéficiaires. Par ailleurs, la Commission a considéré que cet avantage découle de ressources d'État, dans la mesure où l'État ne perçoit pas de possibles recettes fiscales, et que l'aide aux clubs de football professionnel affecte la concurrence et les échanges entre États membres.

(14)

La Commission a conclu à titre préliminaire dans sa décision d'ouverture que l'aide financière de l'État espagnol qui confère un avantage aux clubs sportifs professionnels Athletic Club Bilbao, Club Atlético Osasuna (Navarre), FC Barcelona et Real Madrid CF aura très probablement la capacité de fausser la concurrence et d'affecter les échanges. En conséquence, la mesure constitue une aide d'État au sens de l'article 107, paragraphe 1, du traité.

(15)

La Commission a exprimé des doutes quant à la compatibilité de cette aide avec le marché intérieur. Elle a également considéré qu'aucune des lignes directrices relatives aux critères de compatibilité ne semblait applicable à la présente affaire. En conséquence, l'évaluation de la compatibilité doit être fondée directement sur l'article 107, paragraphe 3, point c), du traité. Conformément à cette disposition, peuvent être considérées comme compatibles avec le marché intérieur les aides destinées à faciliter, dans l'intérêt commun, le développement de certaines activités ou certaines régions économiques.

(16)

La Commission doutait qu'il existe un objectif d'intérêt commun qui pourrait justifier l'octroi d'une aide au fonctionnement sélective à des acteurs très puissants dans un secteur économique hautement concurrentiel. En conséquence, dans la décision d'ouverture, la Commission a considéré que, grâce à un régime d'aides créé par la loi no 10/1990, l'Espagne conférait des aides au fonctionnement individuelles par le biais d'un taux d'imposition préférentiel aux quatre clubs sportifs Athletic Club Bilbao, Club Atlético Osasuna (Navarre), FC Barcelona et Real Madrid CF, qui ne peuvent donc pas être justifiés au titre de l'article 107, paragraphe 3, point c), du traité. La Commission a invité l'Espagne et les parties intéressées à présenter leurs observations.

3.   OBSERVATIONS PRÉSENTÉES PAR LES PARTIES INTÉRESSÉES

(17)

Après la publication de la décision d'ouverture, la Commission a reçu des observations du Real Madrid CF, du FC Barcelona, de l'Athletic Club Bilbao, de la Ligue de football professionnel espagnole, d'un citoyen et d'organisations qui ont demandé que leur identité ne soit pas publiée.

3.1.   OBSERVATIONS GÉNÉRALES

(18)

La Ligue de football professionnel espagnole invoque le caractère spécial accordé au sport en vertu de l'article 165 du traité. Elle affirme que la loi no 10/1990 cherchait à mettre en place un système volontaire de responsabilité sociale des clubs. En conséquence, la ligue soutient que la réforme n'avait aucun objectif de nature fiscale. Les conséquences fiscales seraient un effet indirect d'autres objectifs poursuivis.

(19)

L'Athletic Club Bilbao invoque l'autonomie fiscale du territoire historique de Biscaye (Pays Basque) en ce qui concerne la fiscalité des sociétés, qui a été reconnue par le Tribunal de l'Union européenne (7). Le cadre territorial de référence pour décider si l'Athletic Club Bilbao jouit d'un avantage sélectif serait, en conséquence, le territoire historique de Biscaye. Bien que l'application de la loi sur le sport soit de portée nationale, elle ne contient pas de dispositions concernant les impôts. En vertu du traité de l'Union européenne, l'Union est toutefois tenue de respecter les structures d'autonomie régionale et locale des États membres. Dans le territoire historique de Biscaye, il n'existe pas de sociétés anonymes sportives. En conséquence, selon le club, il ne peut pas non plus y avoir de traitement préférentiel d'entités sportives dans cette région. Il convient de considérer que l'Athletic Club Bilbao n'est soumis qu'au régime général de l'impôt sur les sociétés applicable dans le territoire historique de Biscaye à toutes les entités sans but lucratif.

3.2.   SUR LA JUSTIFICATION DES DIFFÉRENTS TAUX D'IMPOSITION SUR LES SOCIÉTÉS

(20)

La Ligue de football professionnel espagnole, le Real Madrid CF, le FC Barcelona et l'Athletic Club Bilbao considèrent que la différentiation de l'impôt sur les sociétés est justifiée par la nature même de celui-ci; en conséquence, elle ne donne pas lieu à un avantage sélectif. Les clubs sportifs sont sujets au même taux d'imposition et aux mêmes règles que d'autres entités sans but lucratif. Le régime général applicable à ces entités ne peut pas être considéré comme une dérogation au régime d'imposition applicable aux entreprises. Il s'agit d'un régime général de plein droit distinct applicable à toutes les entités espagnoles sans but lucratif, indépendamment du secteur, de la taille ou de la région. Ce régime juridique indépendant limite l'activité de marché des associations sans but lucratif et réduit leur capacité à dégager le même bénéfice que les entreprises à but lucratif. La principale raison pour laquelle les entreprises à but lucratif cherchent à réaliser des bénéfices est qu'elles veulent générer des dividendes pour pouvoir offrir à leurs actionnaires un rendement adéquat du capital investi.

(21)

Le Real Madrid CF se réfère à l'arrêt de la Cour de justice dans l'affaire Kennemer Golf (8), qui précise aux points 26, 31 et 35 qu'une organisation sans but lucratif ne doit pas avoir pour objectif de générer des profits pour ses membres.

(22)

Le Real Madrid CF et l'Athletic Club Bilbao allèguent que, bien que la réalisation systématique de bénéfices n'empêche pas la qualification d'une entité comme étant un organisme sans but lucratif, ces bénéfices doivent être utilisés pour la prestation de leurs services. Ils insistent sur le fait que les bénéfices d'un club sportif ne doivent pas être distribués entre les membres. En conséquence, les clubs sportifs et les sociétés anonymes sportives ne se trouvent pas dans une situation factuelle et juridique comparable. Quoi qu'il en soit, la nature ou la structure générale du système fiscal espagnol justifient une possible différence d'imposition.

(23)

Selon le Real Madrid FC, avoir pour objectif de faire des bénéfices n'est pas suffisant comme base de référence commune. La référence devrait être l'obtention de bénéfices qui peuvent être distribués, ce qui n'est pas possible dans le cas des clubs. Le Real Madrid CF considère que les clubs ont les mêmes caractéristiques que les coopératives et renvoie à cet égard aux arguments exposés par la Cour de justice dans son arrêt Paint Graphos (9).

(24)

Le Real Madrid CF, le FC Barcelona et la Ligue de football professionnel espagnole soulignent que le régime de responsabilité imposé aux organes de gestion des clubs sportifs est beaucoup plus strict que dans le cas des sociétés anonymes sportives. Le comité de direction doit apporter une garantie bancaire qui couvre 15 % des dépenses inscrites au budget du club, afin de garantir toute perte générée durant son mandat. En outre, les membres du comité de direction seront strictement et indéfiniment responsables, avec leur patrimoine personnel actuel et futur, des éventuelles pertes qui dépasseraient ce montant garanti. Par ailleurs, les clubs sportifs sont soumis à une surveillance et à un contrôle stricts de leur comportement commercial, en particulier en ce qui concerne l'obtention d'emprunts. Ce contrôle est effectué par un organisme public, le Conseil supérieur des sports.

(25)

L'Athletic Club Bilbao et la Ligue de football professionnel espagnole affirment que les clubs ne disposent pas des moyens qu'ont les sociétés anonymes pour accéder au marché des capitaux. Concrètement, ils ne peuvent pas accroître leur capital par l'émission de nouvelles actions. Par ailleurs, il n'existe pas de consolidation fiscale entre un club et les sociétés qu'il contrôle, compte tenu du fait que sont appliqués différents taux d'imposition. En conséquence, il n'est pas possible de compenser les bénéfices et les pertes entre le club et ces entreprises, à la différence des sociétés anonymes, qui peuvent consolider fiscalement les filiales qu'elles contrôlent. Le FC Barcelona signale que, dès lors, les clubs se trouvent dans une position clairement désavantageuse en comparaison avec le reste de l'Europe, où les investisseurs peuvent injecter de grandes quantités d'argent dans les clubs sportifs.

(26)

En ce qui concerne l'avantage éventuel dérivé des différents taux d'imposition, le Real Madrid CF allègue que la mise en place d'un taux d'imposition réduit pour les recettes d'exploitation des clubs, en qualité d'entités sans but lucratif, ne peut pas être en soi une mesure sélective plus favorable, équivalente à une aide d'État. Les différences substantielles entre les régimes fiscaux pour l'impôt sur les sociétés des clubs et des sociétés anonymes sont défavorables pour les clubs et compensent les effets du taux d'imposition légèrement inférieur qui leur est appliqué. Le Real Madrid CF fait référence au fait que la déduction pour le réinvestissement de bénéfices extraordinaires ou de gains en capital obtenus par transferts de capital est plus élevée dans le cas des sociétés anonymes sportives (12 %) que pour les clubs sportifs (7 %). En fonction des circonstances, cette déduction peut être très importante.

(27)

Le Real Madrid CF a présenté un rapport sur la fiscalité du club, élaboré par ses conseillers fiscaux, relatif à l'impôt sur les sociétés correspondant à la période comprise entre juillet 2000 et le 30 juin 2013. Ce rapport démontre que, dans le cas du Real Madrid CF et pendant la période considérée, son régime fiscal en tant qu'entité sans but lucratif a été beaucoup plus défavorable que si le régime général des entreprises lui avait été appliqué.

(28)

Le Real Madrid CF démontre […] (*1).

(29)

L'Athletic Club Bilbao souligne […].

3.3.   SUR LA PRÉSENCE D'UNE AIDE NOUVELLE

(30)

Le Real Madrid CF, le FC Barcelona et l'Athletic Club Bilbao affirment que l'aide présumée, si elle existait, devrait être considérée comme une aide existante. Le taux d'imposition spécial pour les organisations sans but lucratif a été introduit avant l'adhésion de l'Espagne à la Communauté européenne le 1er janvier 1986, et il n'a pas été modifié de façon substantielle depuis lors. La loi no 61/1978 du 27 décembre 1978 relative à l'impôt sur les sociétés envisageait une exonération partielle et un taux d'imposition réduit pour les revenus obtenus dans le cadre des opérations économiques réalisées par des associations sans but lucratif, comme les clubs de football.

(31)

Le FC Barcelona observe que la loi no 10/1990, en elle-même, ne crée pas une nouvelle mesure d'aide d'État, mais, au contraire, exclut la majorité des clubs du régime préférentiel. On pourrait par conséquent alléguer que cette loi n'a pas introduit cet avantage pour les quatre clubs, mais qu'elle a réduit le nombre de bénéficiaires. Il ne s'agit pas d'une aide nouvelle, mais d'une modification a posteriori visant à fausser le moins possible la concurrence, par rapport à la situation antérieure. L'Athletic Club Bilbao allègue que la loi no 10/1990 n'a absolument pas changé la situation du club, qui est toujours soumis au régime de l'impôt sur les sociétés applicable aux organisations sans but lucratif.

4.   OBSERVATIONS DE L'ESPAGNE

(32)

Les observations de l'Espagne incluent celles de la députation forale de Biscaye (Pays Basque) et de la communauté forale de Navarre.

(33)

L'Espagne confirme que la loi no 10/1990 oblige les clubs qui participent à des compétitions professionnelles à prendre le statut de sociétés anonymes sportives. Elle souligne que les règles fiscales en matière d'imposition des organisations sans but lucratif non seulement s'appliquent aux clubs de football, mais à toutes les entités sans but lucratif. La loi dispose que toutes ces entités doivent payer un impôt sur les sociétés correspondant à 25 % du bénéfice obtenu dans le cadre de leurs activités à caractère commercial. En conséquence, les revenus du sport professionnel sont soumis à l'impôt. Le traitement réservé aux clubs sportifs est, en conséquence, une mesure générale applicable à toutes les entités sans but lucratif.

4.1.   DIFFÉRENCE D'IMPOSITION ENTRE CLUBS SPORTIFS ET SOCIÉTÉS ANONYMES SPORTIVES

(34)

Le 9 février 2015, l'Espagne a notifié à la Commission une modification des règles de l'impôt sur les sociétés apportée par la loi no 27/2014 du 27 novembre 2014 relative à l'impôt sur les sociétés (10). La modification consistait en une réduction du taux général d'imposition, de 30 % à 28 % pour 2015, et de 25 % à partir de 2016. En conséquence, à partir de 2016, les sociétés anonymes sportives seront également soumises à un impôt sur les sociétés de 25 %. Selon l'Espagne, à partir de 2016, il n'y aura plus de différence d'imposition entre les clubs et les sociétés anonymes sportives.

(35)

L'Espagne souligne que la différentiation fiscale ne constitue pas un avantage, étant donné que les clubs ne payent pas moins d'impôts. Les entreprises qui dépendent d'une entité sans but lucratif, soumises à un régime fiscal différent (par exemple, parce qu'elles sont des sociétés anonymes), ne peuvent pas bénéficier du régime fiscal applicable au club propriétaire. Néanmoins, les sociétés anonymes peuvent consolider les bénéfices des différentes sociétés du groupe. Avec des données relatives au taux de l'impôt sur les sociétés appliqué entre 2008 et 2011 aux entités assujetties à cet impôt, l'Espagne montre que l'avantage n'est pas aussi important que le suggère la différence de 5 points de pourcentage sur le taux d'imposition (11):

Exercice fiscal

2008

2009

2010

2011

Entités sans but lucratif (%)

15,60

15,80

19,60

17,60

Entités soumises au régime fiscal général (%)

18,90

17,80

18,80

18,80

(36)

L'Espagne, et en particulier la députation forale de Biscaye et la communauté forale de Navarre font référence au point 25 de la communication sur l'application des règles relatives aux aides d'État aux mesures relevant de la fiscalité directe des entreprises (12), qui prévoit qu'une différence de traitement peut être justifiée en raison de la nature et de la structure générale du régime fiscal. L'application d'un taux d'imposition réduit se justifie par le fait que les clubs bénéficiaires sont des organisations sans but lucratif qui ne dégagent pas de bénéfices. En outre, elle est justifiée par le fait que les clubs, à la différence des sociétés anonymes vis-à-vis de leurs actionnaires, n'ont pas l'objectif de distribuer des bénéfices à leurs membres.

(37)

À l'appui de cette allégation, l'Espagne renvoie à l'arrêt de la Cour de justice sur les coopératives italiennes (13). Au point 61 dudit arrêt, qui fait référence à l'imposition des sociétés coopératives, la Cour indique qu'eu égard aux caractéristiques particulières propres aux sociétés coopératives, force est de constater que des sociétés coopératives de production et de travail ne sauraient, en principe, être considérées comme se trouvant dans une situation factuelle et juridique comparable à celle des sociétés commerciales, pour autant toutefois qu'elles agissent dans l'intérêt économique de leurs membres et qu'elles entretiennent une relation non pas purement commerciale, mais personnelle particulière avec ces derniers, dans laquelle ces membres sont activement impliqués et ont droit à une répartition équitable des résultats économiques.

(38)

La députation forale de Biscaye signale la différence entre les investisseurs qui comptent sur un rendement de l'investissement dans une entreprise et les membres d'un club qui n'ont pas ce droit. La Commission aurait tort de considérer que l'objectif général de l'impôt sur les sociétés est d'imposer les bénéfices des sociétés. Selon la députation forale de Biscaye, l'objectif général de l'imposition n'est pas seulement d'imposer les profits d'une entité juridique, mais aussi d'examiner si les bénéfices sont redistribués aux actionnaires et si ceux-ci payent également un impôt sur leur participation aux bénéfices.

(39)

L'Espagne fait également référence au fait que les sociétés coopératives ont moins de possibilités d'accéder au marché des capitaux, étant donné qu'elles ne peuvent pas émettre d'actions négociables. L'Espagne soutient également que les clubs n'ont pas les moyens dont disposent les sociétés anonymes pour accéder au marché des capitaux. Avec les apports en capital des actionnaires, il ne serait pas possible de financer l'amélioration de la position concurrentielle des clubs, par exemple en recrutant des joueurs de football dont la rémunération est élevée. En outre, il existe des limites pour contracter des dettes (par exemple, il faut l'approbation du Conseil supérieur des sports). L'Espagne fait aussi référence aux règles de responsabilité financière personnelle des membres des comités de direction en cas de résultats négatifs, qui sont plus strictes que celles qui concernent les dirigeants de sociétés anonymes.

(40)

Enfin, l'Espagne fait référence au fait que, conformément à l'article 30 du décret royal no 177/1981 relatif aux clubs et fédérations sportives (14), les bénéfices qu'un club réalise grâce à la vente de ses infrastructures sportives ou de ses terrains doivent être réinvestis dans la construction ou l'amélioration de biens de même nature.

4.2.   QUALIFICATION DE L'AIDE EN TANT QU'AIDE EXISTANTE

(41)

Tout comme le Real Madrid CF et l'Athletic Club Bilbao, l'Espagne affirme que, si cette aide existait, elle devrait être considérée comme une aide existante. La loi no 10/1990 faisait suite à la loi générale no 13/1980 sur la culture physique et le sport. En vertu de cette loi, lors de l'adhésion de l'Espagne en 1986, tous les clubs de football étaient des entités sans but lucratif. Depuis 1982, ces clubs sont assujettis, comme toute autre entité sans but lucratif, à un impôt sur les sociétés réduit de 15 % sur les bénéfices commerciaux. En conséquence, toute aide est une aide existant au sens de l'article 1er, point b) i), du règlement (UE) 2015/1589 du Conseil (15) (règlement de procédure), qui inclut tous les régimes d'aides et les aides individuelles qui auraient été mises à exécution avant l'entrée en vigueur du traité dans l'État membre concerné et qui sont toujours applicables après ladite entrée en vigueur. La loi no 10/1990 confirme uniquement le statut des clubs, y compris ses conséquences fiscales, bien qu'elle se limite aux clubs qui remplissent certaines conditions déterminées. L'avantage fiscal pour les clubs a donc été instauré avant l'adhésion de l'Espagne en 1986.

4.3.   AUTONOMIE FISCALE DE LA DÉPUTATION FORALE DE BISCAYE ET DE LA COMMUNAUTÉ FORALE DE NAVARRE

(42)

L'Espagne et en particulier la communauté forale de Navarre et la députation forale de Biscaye font référence à l'autonomie de ces régions en matière fiscale. Cette autonomie inclut la fixation du taux de l'impôt sur les sociétés. Le taux général de l'impôt sur les sociétés est de 30 % dans la communauté forale de Navarra et de 28 % dans le territoire historique de Biscaye. Le taux applicable aux bénéfices commerciaux des entités sans but lucratif est, respectivement, de 25 % et 21 %.

(43)

En raison de l'autonomie fiscale inscrite dans la Constitution espagnole, une mesure fiscale générale adoptée par la communauté forale de Navarre et la députation forale de Biscaye ne peut pas être considérée comme territorialement sélective. Sur aucun de ces territoires, il n'existe de sociétés anonymes sportives. En conséquence, il n'y a aucune autre entité sportive qui pourrait prétendre qu'elle a été défavorisée. La Commission a commis une erreur en ne déterminant pas l'étendue géographique du système de référence. En conséquence, si la Commission examine si un traitement fiscal déterminé est discriminatoire, le système de référence pertinent pour les régimes fiscaux des communautés autonomes, qui sont indépendantes en la matière, est le régime autonome correspondant.

(44)

La communauté forale de Navarre souligne que […].

(45)

Par ailleurs, la députation forale de Biscaye affirme, et justifie au moyen des avis d'imposition de son service interne des recettes fiscales, que l'Athletic Club Bilbao […].

5.   ÉVALUATION DE L'AIDE

5.1.   PRÉSENCE D'UNE AIDE

(46)

Selon une jurisprudence constante, pour qu'une mesure soit qualifiée d'aide au sens de l'article 107, paragraphe 1, du traité, toutes les conditions prévues dans cette disposition doivent être remplies (16). Il est ainsi bien établi que, pour qu'une mesure puisse être qualifiée d'aide d'État au sens de cette disposition, premièrement, il doit s'agir d'une intervention de l'État ou au moyen de ressources d'État; deuxièmement, cette intervention doit être susceptible d'affecter les échanges commerciaux entre les États membres; troisièmement, elle doit accorder un avantage sélectif à une entreprise et, quatrièmement, il est nécessaire qu'elle fausse ou risque de fausser la concurrence (17).

5.1.1.   RESSOURCES D'ÉTAT ET IMPUTABILITÉ

(47)

En instaurant un taux d'imposition réduit, le régime d'aides introduit par la loi no 10/1990 permet aux clubs de bénéficier d'un avantage provenant de ressources d'État, étant donné l'État ne perçoit pas d'éventuelles recettes fiscales. Cet avantage découle d'un allégement des charges économiques telles que les charges fiscales qui sont normalement comprises dans le budget d'une entreprise (18). Ce taux d'imposition réduit représente des ressources d'État non perçues par l'État. La mesure est imputable à l'État, puisqu'elle résulte de l'application de la loi no 10/1990.

5.1.2.   EXISTENCE D'UN AVANTAGE SÉLECTIF

(48)

L'article 107, paragraphe 1, du traité requiert d'examiner si une mesure publique transfère un avantage sélectif à des entreprises par rapport à d'autres entreprises se trouvant dans une situation factuelle et juridique comparable, au regard de l'objectif poursuivi par la mesure concernée.

5.1.2.1.    Avantage

(49)

Premièrement, il faut qu'un avantage soit accordé à une entreprise. Les clubs de football sont considérés comme des entreprises conformément à l'article 107, paragraphe 1, du traité s'ils exercent une activité économique, indépendamment de leur statut dans la législation nationale. La Cour de justice a défini de façon systématique les entreprises comme des entités exerçant une activité économique, indépendamment de leur statut juridique et de leur mode de financement (19). La question de savoir si l'entité a été créée à des fins lucratives ou non ne conditionne pas l'application des règles en matière d'aides d'État en tant que telles. Selon la Cour de justice et le Tribunal, les entités sans but lucratif peuvent offrir des biens et des services sur un marché et, en conséquence, peuvent aussi être considérées comme des entreprises (20). Les clubs sportifs professionnels sont donc considérés comme des entreprises commerciales et sont assujettis au droit de la concurrence de l'Union européenne, dans la mesure où ils exercent une activité économique (21). Les clubs de football obtiennent des bénéfices issus des recettes dégagées par la vente d'entrées, les activités de commercialisation, les droits audiovisuels sportifs, le marchandisage, le parrainage, etc. et sont en concurrence entre eux et avec d'autres entités de football professionnel (qui ont le statut de sociétés anonymes sportives). En conséquence, les quatre clubs de football concernés par la présente enquête sont des entreprises aux termes de l'article 107, paragraphe 1, du traité.

5.1.2.2.    Sélectivité

(50)

En ce qui concerne un avantage sélectif éventuel sous la forme de recettes fiscales non perçues, la Cour de justice a défini un ensemble de critères pour l'application de l'article 107, paragraphe 1, du traité (22).

(51)

Comme la Commission l'a expliqué dans sa décision d'ouverture, la différence d'imposition serait à première vue sélective si elle constituait une dérogation au régime fiscal général ou de référence pour certaines entreprises. Il convient d'évaluer si la mesure constitue une exception applicable à certaines entreprises par rapport à d'autres se trouvant dans une situation factuelle et juridique comparable, au regard de l'objectif poursuivi par le régime fiscal. Si tel est le cas, il convient de conclure que l'avantage conféré par la mesure est à première vue sélectif. Cependant, une mesure de ce type peut par ailleurs être justifiée par la logique et la nature du régime fiscal.

Sélectivité prima facie

(52)

En conséquence, dans la décision d'ouverture, la Commission a établi un régime fiscal de référence commun pour les clubs sportifs professionnels. Confirmant son avis préliminaire, la Commission considère que la règle générale est que, depuis 1990, ces entreprises payent des impôts comme les sociétés anonymes, conformément à la loi relative à l'impôt sur les sociétés. Cependant, les clubs dont les résultats économiques au cours des années précédentes présentent des caractéristiques déterminées, peuvent continuer de payer des impôts comme des organisations sans but lucratif. Dans la pratique, quatre clubs de football professionnel remplissaient ces conditions. Dans la décision d'ouverture, la Commission a également constaté que ces quatre clubs se trouvent dans une situation factuelle et juridique comparable à celle d'autres sociétés de sport professionnel, au regard de l'objectif poursuivi par le régime fiscal, qui consiste à générer des recettes publiques sur la base des bénéfices de la société. Dans les deux cas, la base d'imposition est le montant des bénéfices nets obtenus par l'entreprise à la fin de l'exercice fiscal. La Commission confirme sa position préliminaire.

(53)

Par dérogation à la règle consistant à appliquer des taux d'imposition normaux aux entités actives dans le secteur du sport professionnel, les revenus imposables de certains clubs de football professionnel sont soumis à un régime fiscal différent, dont le taux est inférieur à celui appliqués à ces autres entités. Ces clubs sont traités différemment, puisqu'ils bénéficient d'un taux d'imposition réduit auquel ne peuvent prétendre les clubs constitués en sociétés anonymes, qui sont dès lors assujettis à l'impôt général sur les sociétés. En conséquence, la septième disposition additionnelle de la loi no 10/1990 instaure à première vue un avantage sélectif en faveur de certains clubs de football professionnel.

(54)

L'avantage est également sélectif de fait, puisque la loi no 10/1990 a limité le nombre de bénéficiaires. Elle a introduit une distinction durable fondée sur les résultats économiques des clubs en 1990, réservant de fait aux quatre clubs la possibilité de rester en dehors du régime général de l'impôt sur les sociétés et de rester soumis au taux d'imposition réduit propre aux organisations sans but lucratif. Si l'Espagne considérait que le statut juridique de club n'était pas adapté pour les compétitions professionnelles, il aurait été logique de modifier le système pour tous les clubs.

(55)

En ce qui concerne les raisons, invoquées par l'Espagne, pour lesquelles les clubs de football professionnel et les sociétés anonymes sportives ne se trouvent pas dans la même situation factuelle et juridique, la Commission fait remarquer que les différences au niveau des résultats économiques ne peuvent pas justifier une différence de traitement en ce qui concerne la forme d'organisation obligatoire ou l'absence de choix à cet égard. Les pertes ne sont pas intrinsèques à une forme déterminée d'organisation. En conséquence, les résultats des entreprises ne constituent pas un critère objectif qui justifie des bases d'imposition différentes ou qui impose des formes déterminées de société pour une période indéfinie.

(56)

La différentiation ne peut non plus être justifiée par des mécanismes de contrôle interne plus stricts auxquels se réfèrent le Real Madrid CF et le FC Barcelona. De tels contrôles internes ne sont pas pertinents pour le niveau d'imposition de ces clubs ni ne classent les entités en deux groupes non comparables du point de vue fiscal. Par ailleurs, cette justification contredit la justification de la différence de traitement fiscal, comme on le verra plus loin (considérant 57).

Justification par la nature et la logique du régime fiscal

(57)

Cependant, cette différence de traitement peut être justifiée par la nature et la structure générale du régime fiscal (23). Comme la Commission l'a signalé dans sa décision d'ouverture, il incombe à l'État membre qui a introduit une telle différenciation en matière de charges en faveur de certaines entreprises du secteur du football professionnel de démontrer qu'elle est effectivement justifiée par la nature et l'économie du système en cause (24).

(58)

Comme indiqué plus haut, les différentes en matière de résultats économiques ne peuvent pas justifier un traitement distinct en ce qui concerne la forme d'organisation obligatoire qui entraîne une imposition différentiée. Les résultats des entreprises ne constituent pas un critère objectif inhérent à la logique de l'impôt.

(59)

En outre, la différentiation ne peut pas non plus être justifiée par des mécanismes de contrôle interne plus stricts auxquels se réfèrent le Real Madrid CF et le FC Barcelona, comme cela est expliqué au considérant 55. De tels contrôles internes ne sont pas pertinents pour le niveau d'imposition de ces clubs. Cette justification ne se concilie pas non plus avec la motivation de la différence de traitement fiscal. La différentiation introduite par la loi no 10/1990 était motivée par le fait que de nombreux clubs avaient été mal gérés, parce que ni les membres ni les administrateurs n'assumaient de responsabilité financière en cas d'éventuelles pertes économiques. La nouvelle société anonyme sportive doit être un modèle de responsabilité économique et juridique pour les clubs qui exercent une activité professionnelle, afin d'augmenter leurs possibilités de bonne gestion. Néanmoins, il semble que la réglementation prétendument plus stricte applicable aux clubs sape le fondement de cette justification. S'il s'avérait nécessaire que certains clubs soient soumis à des contrôles plus stricts, la transformation obligatoire en société anonyme ne serait pas nécessaire pour atteindre l'objectif de ladite loi.

(60)

L'Espagne et plusieurs parties intéressées soutiennent que la dérogation au taux général d'imposition est justifiée et que, par conséquent, elle n'offre aucun avantage; à cet égard, ils se réfèrent à l'arrêt Paint Graphos, rendu par la Cour de justice, concernant l'imposition des sociétés coopératives (25). Dans ledit arrêt, la Cour de justice indique qu'eu égard aux caractéristiques particulières propres aux sociétés coopératives, qui doivent se conformer à des principes de fonctionnement précis, on ne saurait considérer que ces sociétés se trouvent dans une situation factuelle et juridique comparable à celle des sociétés commerciales, étant donné que les sociétés coopératives agissent dans l'intérêt économique de leurs membres, que les membres sont activement impliqués dans les activités et qu'ils ont droit à une répartition équitable des résultats économiques (26).

(61)

L'Espagne et les parties intéressées prétendent qu'en vertu dudit arrêt, le fait que les clubs ne doivent pas distribuer les bénéfices aux actionnaires est une particularité importante qui justifie une dérogation au taux général d'imposition.

(62)

De même, la députation forale de Biscaye considère que la différence entre les investisseurs qui comptent obtenir un rendement de leur participation dans une entreprise et les membres d'un club, qui n'ont pas ce droit, justifie l'application d'un taux d'imposition réduit aux clubs. L'objectif général de l'impôt est non seulement d'imposer les profits d'une entité juridique, mais également d'examiner si les bénéfices sont redistribués aux actionnaires et si ces derniers également doivent payer un impôt sur ceux-ci.

(63)

Néanmoins, ces arguments ne peuvent pas justifier l'application d'un taux d'imposition réduit à certains clubs de football professionnel, alors qu'il n'est pas appliqué à d'autres entités de sport professionnel. La Commission signale que de tels arguments tendent à suggérer que les clubs de football ne se trouvent pas dans une situation factuelle et juridique comparable à celle de n'importe quelle autre société anonyme, plutôt qu'à expliquer que l'exception du traitement fiscal de certaines entités du sport professionnel est justifiée. Quoi qu'il en soit, et bien qu'ils soient des entités sans but lucratif, ces quatre clubs tentent activement de faire eux-mêmes des bénéfices. Dans l'arrêt Paint Graphos, la Cour de justice déclare que les sociétés coopératives ne se trouvent pas dans une situation de fait et de droit comparable à celle des sociétés commerciales, étant donné qu'elles agissent dans l'intérêt économique de leurs membres et, plus précisément, les membres ont droit à une répartition équitable des résultats économiques. La Cour de justice renvoie également au point 25 de la communication de la Commission concernant la fiscalité directe des entreprises, dans laquelle est exprimé le point de vue de la Commission selon lequel la nature ou l'économie générale du système fiscal national peut être valablement invoquée pour justifier que des sociétés coopératives qui distribuent l'ensemble de leurs profits à leurs membres ne soient pas imposées au niveau de la coopérative, pour autant que l'impôt soit perçu au niveau de leurs membres (27).

(64)

Comme le souligne l'Espagne, les entités sans but lucratif, à la différence des sociétés coopératives, se caractérisent par le fait qu'elles n'ont pas pour but de distribuer des bénéfices à leurs membres ou aux entités qui les composent. Les clubs ne sont pas autorisés à distribuer des bénéfices. Ils doivent consacrer leurs revenus aux objectifs du club, ce qui signifie qu'ils peuvent les utiliser intégralement au lieu d'en donner une partie à leurs membres.

(65)

De même, le fait que les clubs sont obligés de réinvestir les revenus qu'ils tirent de la vente de leurs infrastructures sportives ou de leurs terrains pour construire ou améliorer des infrastructures de même nature n'affaiblit pas leur position concurrentielle ni ne justifie un traitement fiscal différent et plus favorable par rapport à d'autres entités actives dans le secteur du sport professionnel. Cela leur permet plutôt d'améliorer leurs installations.

(66)

Quant au fait que les clubs peuvent avoir moins de possibilités d'accès au marché des capitaux, ne pas avoir la possibilité de vendre des actions sur le marché des capitaux, par exemple, n'empêche pas ces quatre clubs d'utiliser d'autres moyens d'accès aux liquidités. Les clubs sportifs professionnels ont diverses possibilités, telles que les emprunts ou le marchandisage, auxquels ils ont un accès comparable à celui des autres sociétés. La prétendue existence d'un accès plus limité aux marchés des capitaux proprement dit ne justifie pas un traitement différent des bénéfices imposables pour certains clubs de football. Il n'a même pas été démontré que cette mesure réduit les risques ou augmente ou diminue les possibilités d'obtenir des bénéfices. Si les inconvénients des clubs à cet égard sont aussi évidents qu'ils l'affirment, ils ont toujours la possibilité de changer de forme de société.

(67)

En ce qui concerne les autres considérations présentées par les autorités espagnoles et les parties intéressées, quant à l'allégation de l'Espagne selon laquelle il n'y a aucun avantage si l'on compare la contribution fiscale effective des entités sans but lucratif, les chiffres fournis qui figurent au considérant 35 mettent en exergue que, pas pour tous les exercices, mais pour la plupart d'entre eux, l'imposition effective des clubs de football professionnel qui sont imposés en tant qu'organisations sans but lucratif, a été inférieure à celle d'entités comparables assujetties au régime fiscal général. Même si l'on tient compte du fait qu'une entité sans but lucratif ne peut pas consolider les bénéfices des différentes sociétés qu'elle possède, cette situation ne change rien au fait que l'activité principale profite d'un taux d'imposition plus bas.

(68)

Le Real Madrid CF mentionne, en outre, le système de crédits fiscaux pour les réinvestissements. Conformément à l'article 42 de la refonte de la loi relative à l'impôt sur les sociétés, la déduction pour réinvestissement de bénéfices extraordinaires ou de gains provenant d'une cession à titre onéreux est plus élevée pour les sociétés anonymes sportives, qui sont assujetties au taux général de l'impôt sur les sociétés (12 %), que pour les clubs sportifs, assujettis au taux de l'impôt sur les sociétés de 25 % (7 %). Selon ce club, durant une période déterminée, pour le Real Madrid CF, le régime fiscal en tant qu'entité sans but lucratif a été plus défavorable que le régime général pour les sociétés anonymes. Mais même si cette circonstance se confirme, cela ne démontre pas que le système standard de crédits fiscaux pour les réinvestissements des clubs soit, en principe et à long terme, plus avantageux. Par ailleurs, le crédit fiscal n'est octroyé que dans certaines conditions, qui ne s'appliquent pas de manière continue.

(69)

Enfin, l'Espagne fait référence aux possibles désavantages que pourraient subir les clubs dans le cadre des règles relatives au principe du fair-play financier de l'UEFA. Cependant, il s'agit d'une réglementation interne établie par une organisation de football en vue de garantir une gestion financière raisonnable des entités sportives et d'éviter des pertes constantes. Cela ne peut pas justifier une imposition différenciée des bénéfices par l'État. En effet, cette justification est contraire à la logique et à la nature du système fiscal de référence et, donc, n'exclut pas l'existence de sélectivité.

(70)

Ainsi, l'imposition effective dont ont bénéficié les quatre clubs sportifs tend à être inférieure à l'imposition normale des sociétés anonymes de sport professionnel, comme le démontrent les chiffres fournis par l'Espagne qui figurent au considérant 35, même dans le cas où on tient compte, comme le Real Madrid CF l'indique, des différentes possibilités des sociétés anonymes et des entités sans but lucratif de déduire le réinvestissement des bénéfices extraordinaires ou des gains en capital obtenus par transfert de capital au cours d'un exercice déterminé durant lequel ces réinvestissements ou transferts ont eu lieu. En conséquence, réserver aux quatre clubs un traitement fiscal propre aux entités sans but lucratif, y compris un taux d'imposition inférieur à celui applicable à d'autres clubs de sport professionnel, ne correspond à la logique d'aucun système fiscal et a pour effet de créer un avantage fiscal pour certains clubs (28). Les observations de l'Espagne et des parties intéressées n'ont pas apporté d'éléments de fait ou de droit susceptibles de modifier les conclusions préliminaires de la Commission dans la décision d'ouverture d'une procédure concernant l'existence d'un avantage.

(71)

Par conséquent, des exonérations fiscales qui résulteraient d'un objectif étranger au système d'imposition dans lequel elles s'inscrivent ne sauraient échapper aux exigences découlant de l'article 107, paragraphe 1, du traité (29). La mesure publique est sélective, étant donné qu'elle profite à quatre entreprises précises qui se trouvent ainsi dans une situation différente de celle des autres clubs de sport professionnel, qui sont soumis à la fiscalité des sociétés anonymes.

5.1.3.   INCIDENCE SUR LES ÉCHANGES COMMERCIAUX ET DISTORSION DE LA CONCURRENCE

(72)

L'avantage pour un club qui joue en première division d'une ligue nationale peut également avoir une incidence sur la concurrence et les échanges entre États membres. Tous les clubs soumis à la fiscalité d'entités sans but lucratif sont, ou ont été à un moment donné, en première division de la ligue nationale. Les clubs qui jouent en première et deuxième divisions se battent pour participer aux compétitions européennes et sont présents sur les marchés du marchandisage et des droits de télévision. Les droits de radiodiffusion, le marchandisage et le parrainage sont des sources de revenus pour lesquelles les clubs de première division nationale sont en concurrence avec d'autres clubs tant dans leur pays qu'à l'étranger. Plus les clubs ont des fonds pour attirer les meilleurs joueurs disponibles, ou pour les retenir, plus ils ont des chances de gagner dans le cadre de compétitions sportives, ce qui promet plus de revenus dérivés des activités mentionnées. De même, la structure de propriété des clubs est internationale.

(73)

En conséquence, l'aide financière d'État qui accorde un avantage à quelques clubs de football professionnel sous la forme d'un taux d'imposition plus bas que celui appliqué aux opérateurs concurrents peut avoir une incidence sur les échanges commerciaux au sein de l'Union européenne et fausser la concurrence, étant donné que leur position financière sera renforcée par rapport à celle de leurs concurrents sur le marché du football professionnel en conséquence de cette aide (30). Dès lors, la mesure constitue une aide d'État au sens de l'article 107, paragraphe 1, du traité. Cette aide a été accordée aux quatre clubs chaque année depuis l'entrée en vigueur de la loi no 10/1990 en octobre 1990 et jusqu'en 2015. Le fait qu'il soit possible que cette conséquence n'a pas été l'objectif principal de la loi no 10/1990 est dépourvu de pertinence (31).

5.2.   AUTONOMIE FISCALE DE LA DÉPUTATION FORALE DE BISCAYE ET DE LA COMMUNAUTÉ FORALE DE NAVARRE

(74)

L'Athletic Club Bilbao est établi dans le territoire historique de Biscaye, et le Club Atlético Osasuna, en Navarre. La Commission ne remet pas en question l'autonomie fiscale de la députation forale de Biscaye ni celle de la communauté forale de Navarre, y compris leurs prérogatives. Elle ne remet pas en question leur pouvoir de fixer le taux de l'impôt sur les sociétés applicable sur leur territoire. La Commission est également consciente de cette autonomie dans le contexte de l'application des règles relatives aux aides d'État et de la détermination de la sélectivité d'une mesure. Cependant, dans la présente décision, la Commission examine quelles incidences les différentes formes de société peuvent avoir dans le cadre du régime fiscal applicable et si ce traitement est sélectif dans les circonstances de l'espèce, tout en tenant dûment compte des différences entre les taux de l'impôt sur les sociétés dans certains territoires.

(75)

Or la loi no 10/1990 s'applique à tout le territoire espagnol, ce qui peut donner lieu à des traitements différenciés également dans les communautés autonomes, qui fixent un taux de l'impôt sur les sociétés différent, dans la mesure où ce taux est différent pour certains clubs de football professionnel (organisations sans but lucratif) qui se trouvent dans une situation comparable à celle d'autres clubs qui ne reçoivent pas le même traitement (sociétés anonymes sportives). De fait, comme il est expliqué au considérant 42, les deux communautés appliquent un taux de l'impôt sur les sociétés différent, bien qu'il soit similaire au régime fiscal espagnol. Il n'est pas déterminant que, par le fait du hasard, une seule entité puisse bénéficier de la loi no 10/190 sur leurs territoires respectifs (32). Toutefois, la question essentielle n'est pas que l'Athletic Club Bilbao et le Club Atlético Osasuna puissent continuer de profiter de leur statut d'organisation sans but lucratif, mais qu'ils bénéficient d'un taux d'imposition inférieur à celui qui est appliqué de manière générale à d'autres entreprises dans une situation comparable.

5.3.   QUALIFICATION DE L'AIDE EN TANT QU'AIDE NOUVELLE

(76)

En ce qui concerne la remarque de l'Espagne et des parties intéressées selon laquelle les aides sous la forme d'un impôt sur les sociétés moins élevé pour les clubs sportifs seraient des aides existantes, il est évident que la différentiation générale d'imposition entre sociétés anonymes et entités sans but lucratif est antérieure à l'adhésion de l'Espagne. Comme il a été également souligné, cette différentiation profite à des organisations sans but lucratif de tous les secteurs, indépendamment de la taille de l'entreprise ou de sa localisation. L'Espagne a aussi expliqué qu'au moment de son adhésion en 1986, tous les clubs de football étaient des entités sans but lucratif. Dès lors, la Commission ne serait pas habilitée à qualifier la mesure en question d'aide nouvelle.

(77)

Au sens de l'article 1er, point b) i), du règlement de procédure, constitue une aide existante toute aide existant avant l'entrée en vigueur du traité et toujours applicable après l'entrée en vigueur du traité dans les États membres respectifs. Conformément à l'article 1er, point c), du règlement de procédure, le concept d'aide nouvelle concerne non seulement les aides entièrement nouvelles mais aussi les modifications d'une aide existante. Aux fins de l'article 1er, point c), du règlement de procédure, l'article 4, paragraphe 1, du règlement (CE) no 794/2004 de la Commission (33) décrit comme une modification importante d'une aide existante tout changement autre que les modifications de caractère purement formel ou administratif qui ne sont pas de nature à influencer l'évaluation de la compatibilité de la mesure d'aide avec le marché intérieur. Cela signifie qu'une modification d'une aide existante qui pourrait avoir une incidence sur l'évaluation initiale de la compatibilité du régime réalisée par la Commission doit être considérée comme une aide nouvelle.

(78)

L'article 4, paragraphe 2, du règlement (CE) no 794/2004 mentionne comme exemple de modifications qui requièrent une notification, le renforcement des critères d'application d'un régime d'aides. Cela comprend également une réduction du nombre de bénéficiaires possibles de l'aide (dans ce cas, très important). En conséquence, indépendamment de l'analyse de la réglementation antérieure à l'adhésion, la loi no 10/1990 a introduit un nouveau régime qui limite le traitement fiscal réservé aux entités sans but lucratif à certains clubs de football, tout en obligeant les autres clubs sportifs professionnels à passer au régime général de l'impôt sur les sociétés.

(79)

En raison de la mesure en cause, quatre entreprises se sont trouvées dans une situation plus favorable que celle des entreprises qui, conformément à la loi, étaient soumises aux taux d'imposition généraux. Dès lors, la mesure crée une différentiation dans le secteur dans lequel les clubs exercent leurs activités et a une incidence sur l'équilibre concurrentiel dudit secteur. Il s'ensuit que les quatre clubs privilégiés sont comparativement plus forts, ce qui affaiblit dans le même temps la position concurrentielle de leurs concurrents. De manière générale, la loi no 10/1990 a refusé au sport professionnel la possibilité de fonctionner comme une entité sans but lucratif, mais a permis à des entreprises du secteur du football professionnel de rester dans un cadre juridique plus avantageux. Cette modification a introduit une différentiation fiscale au sein d'un même secteur, ce qui suppose une discrimination entre entreprises de ce secteur qui n'est pas de nature purement formelle ou administrative et qui peut avoir une incidence sur l'évaluation de la compatibilité de la mesure d'aide avec le marché intérieur (comme il est démontré à la section suivante).

(80)

Dernier élément, mais non des moindres, la Commission constate que l'expiration du délai de prescription fixé à l'article 17 du règlement de procédure n'a pas pour effet de convertir cette nouvelle aide en aide existante (34).

(81)

En conséquence, la modification introduite par la loi de 1990, qui a réduit le nombre de bénéficiaires possibles et a créé une situation concurrentielle nouvelle sur le marché, doit être considérée comme une aide nouvelle.

5.4.   COMPATIBILITÉ DE L'AIDE

(82)

L'aide d'État est considérée comme compatible avec le marché intérieur si elle entre dans le cadre de l'une des catégories énumérées à l'article 107, paragraphe 2, du traité (35) et peut être considérée comme compatible avec le marché intérieur si la Commission considère qu'elle entre dans le cadre d'une des catégories énumérées à l'article 107, paragraphe 3, du traité (36). Néanmoins, la charge de la preuve de la compatibilité d'une aide avec le marché intérieur conformément à l'article 107, paragraphes 2 ou 3, du traité pèse sur l'État membre qui octroie l'aide. (37).

(83)

Ni l'Espagne ni les bénéficiaires n'ont allégué que l'une des dérogations prévues à l'article 107, paragraphes 2 et 3, du traité était applicable à la présente affaire.

(84)

À cet égard, la Commission fait remarquer que, dans la mesure où l'aide sous la forme d'une réduction d'impôt se traduit par une réduction des charges qui devraient normalement être supportées par les clubs dans le cadre de leurs activités commerciales, l'aide devrait être considérée comme une aide au fonctionnement. En règle générale, cette aide ne peut pas être considérée comme compatible avec le marché intérieur en vertu de l'article 107, paragraphe 3, point c), du traité, dans la mesure où elle ne favorise pas le développement de certaines activités ni de certains domaines économiques, et les incitations fiscales en question ne sont pas limitées dans le temps ni ne sont décroissantes ou proportionnelles à ce qui est nécessaire pour remédier à un désavantage économique spécifique des zones concernées.

(85)

La promotion du sport peut être un objectif d'intérêt commun au sens de l'article 107, paragraphe 3, point c), du traité. L'article 165, paragraphe 1, du traité indique que l'Union contribue à la promotion des enjeux du sport. Néanmoins, selon le paragraphe 2 dudit article, l'action de l'Union vise à développer la dimension européenne du sport, en promouvant l'équité et l'ouverture dans les compétitions sportives.

(86)

Ni l'Espagne ni les parties concernées n'ont présenté d'arguments qui étayent la compatibilité de l'aide en vertu de l'article 107, paragraphe 3, point c), du traité au sens de l'article 165 du traité. Il est évident que l'aide générale au sport n'est pas un des objectifs de la mesure en question, puisqu'elle soutient quatre clubs sportifs professionnels individuels.

(87)

En conséquence, la Commission ne peut pas déceler un objectif d'intérêt commun qui puisse justifier une aide sélective à certains acteurs puissants dans un secteur économique extrêmement concurrentiel et compenser une éventuelle distorsion de la concurrence dans le marché intérieur. Le régime n'est donc pas compatible avec le marché intérieur.

5.5.   RÉCUPÉRATION

(88)

Conformément au traité et à la jurisprudence constante de la Cour, la Commission est compétente, lorsqu'elle constate l'incompatibilité d'une aide avec le marché intérieur, pour décider que l'État membre intéressé doit la supprimer ou la modifier (38). La Cour a également jugé de façon constante que l'obligation pour l'État membre de supprimer l'aide considérée par la Commission comme incompatible avec le marché intérieur vise au rétablissement de la situation antérieure (39). Dans ce contexte, la Cour a déclaré que cet objectif est atteint lorsque le bénéficiaire a remboursé les montants accordés au titre d'aides illégales, perdant ainsi l'avantage dont il avait bénéficié sur le marché par rapport à ses concurrents, et que la situation antérieure au versement de l'aide est rétablie (40).

(89)

Conformément à la jurisprudence, l'article 16, paragraphe 1, du règlement de procédure dispose qu'«[e]n cas de décision négative concernant une aide illégale, la Commission décide que l'État membre concerné prend toutes les mesures nécessaires pour récupérer l'aide auprès de son bénéficiaire […]»;

(90)

En conséquence, puisque le régime en question n'a pas été notifié à la Commission et que, sur la base dudit régime, il a été concédé à quatre clubs de football professionnel des aides individuelles en violation de l'article 108 du traité, qui doivent donc être considérées comme des aides illégales et incompatibles, il convient de récupérer ces aides afin de rétablir la situation sur le marché qui existait avant leur versement. La récupération doit couvrir la période comprise entre le moment où le bénéficiaire a profité de l'avantage, c'est-à-dire lorsque l'aide a été mise à sa disposition, jusqu'à la date de la récupération effective, et les sommes à récupérer doivent produire des intérêts jusqu'à leur récupération complète. La date à laquelle l'aide a été mise à la disposition des bénéficiaires est la date à laquelle l'impôt sur les sociétés à un taux préférentiel a été payé.

(91)

Conformément à l'article 17, paragraphe 1, du règlement de procédure, les pouvoirs de la Commission en matière de récupération de l'aide sont soumis à un délai de prescription de dix ans. Conformément à l'article 17, paragraphe 2, dudit règlement, le délai de prescription commence le jour où l'aide illégale est accordée au bénéficiaire. Toute mesure prise par la Commission ou un État membre, agissant à la demande de la Commission, à l'égard de l'aide illégale interrompt le délai de prescription. Par conséquent, la date décisive aux fins de déterminer le début du délai de prescription envisagé audit article 17 est celle de l'octroi effectif de l'aide. Ladite disposition prend comme référence l'octroi de l'aide à son bénéficiaire, et non la date à laquelle le régime d'aides a été adopté.

(92)

Dans l'hypothèse d'un régime se traduisant par l'octroi périodique d'avantages, la date d'adoption de l'acte qui constitue le fondement juridique de l'aide et la date à laquelle ladite aide a été effectivement accordée aux entreprises en question peuvent être séparées par un laps de temps important. Dans un tel cas, aux fins du calcul du délai de prescription, il y a lieu de considérer que l'aide n'a été accordée au bénéficiaire qu'à la date à laquelle il l'a effectivement reçue. En conséquence, le délai de prescription commence à courir chaque année à la date à laquelle l'impôt sur les sociétés est exigible, même si l'acte qui constitue la base juridique de l'aide a été adopté en 1990 (41).

(93)

L'obligation de l'Espagne de récupérer l'aide couvrira, en conséquence, les dix années écoulées depuis que la Commission a demandé pour la première fois à l'Espagne des informations sur la mesure d'aide. Cette demande a été formulée le 15 février 2010. Dès lors, la récupération de la différence d'imposition commence avec l'exercice fiscal de 2000.

(94)

Le montant de l'aide pour les quatre clubs de football correspond à la différence entre le montant de l'impôt sur les sociétés qu'ils ont payé et le montant de l'impôt sur les sociétés qu'ils auraient dû payer s'ils avaient été soumis aux règles de l'impôt sur les sociétés applicables aux sociétés anonymes pour une année donnée.

(95)

Néanmoins, l'avantage effectif doit être déterminé en tenant compte des particularités du régime de l'impôt sur les sociétés applicable aux entités sans but lucratif, qui peut ponctuellement donner lieu, pour des années déterminées, à un impôt sur les sociétés effectif supérieur à celui qui aurait été appliqué à une société anonyme sportive. La Commission prend note des arguments invoqués par le Real Madrid CF […]. La Commission rappelle toutefois que le montant exact de l'aide qui doit être récupéré sera évalué au cas par cas lors de la procédure de récupération que les autorités espagnoles mèneront à bien en étroite collaboration avec la Commission.

(96)

À cet égard, la Commission précise que, conformément à la jurisprudence Unicredito, l'aide qui doit être récupérée ne doit pas tenir compte d'éléments hypothétiques tels que les choix, souvent multiples, qui auraient pu être faits par les bénéficiaires, étant donné que les décisions effectivement prises avec l'aide peuvent s'avérer irréversibles (42).

6.   CONCLUSION

(97)

La Commission conclut que, par la loi no 10/1990, l'Espagne a introduit illégalement une aide sous la forme d'un privilège fiscal en matière d'impôt sur les sociétés pour l'Athletic Club Bilbao, le Club Atlético Osasuna, le FC Barcelona et le Real Madrid CF, en violation de l'article 108, paragraphe 3, du traité de fonctionnement de l'Union européenne.

(98)

Cette aide n'est pas compatible avec le marché intérieur. En conséquence, l'Espagne devra mettre fin au traitement sélectif des quatre clubs et récupérer auprès de ces derniers la différence entre l'impôt sur les sociétés payé et l'impôt sur les sociétés auquel ils auraient été soumis s'ils avaient eu la forme juridique de société anonyme sportive, à compter de l'exercice fiscal de 2000,

A ADOPTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:

Article premier

En réservant le droit de profiter du taux préférentiel de l'impôt sur les sociétés applicable aux organisations sans but lucratif à certains clubs de football professionnel, la septième disposition additionnelle de la loi no 10/1990 sur le sport du 15 octobre 1990 constitue une aide d'État en vertu de l'article 107, paragraphe 1, du traité de fonctionnement de l'Union européenne en faveur de ces clubs de football, et en particulier de l'Athletic Club Bilbao, du Club Atlético Osasuna, du FC Barcelona et du Real Madrid CF. Cette aide a été mise à exécution illégalement par le Royaume d'Espagne en violation de l'article 108, paragraphe 3, du traité de fonctionnement de l'Union européenne et est incompatible avec le marché intérieur.

Article 2

L'aide individuelle accordée au titre du régime visé à l'article 1er n'est pas constitutive d'une aide si, au moment de son octroi, elle remplit les conditions établies dans le règlement adopté en application de l'article 2 du règlement (UE) no 2015/1588 du Conseil (43), applicable au moment où l'aide est octroyée.

Article 3

L'aide individuelle accordée au titre du régime visé à l'article 1er qui, au moment de son octroi, remplit les conditions définies dans un règlement adopté en vertu de l'article 1er du règlement (UE) no 2015/1588, ou dans tout autre régime d'aides approuvé alors en vigueur, est compatible avec le marché intérieur jusqu'à concurrence des intensités d'aide maximales applicables au type d'aide correspondant.

Article 4

1.   Le Royaume d'Espagne est tenu de récupérer auprès des bénéficiaires l'aide incompatible accordée au titre du régime mentionné à l'article 1er.

2.   Les sommes à récupérer produisent des intérêts à compter de la date à laquelle elles ont été mises à la disposition des bénéficiaires jusqu'à celle de leur récupération.

3.   Les intérêts sont calculés sur une base composée conformément au chapitre V du règlement (CE) no 794/2004 et au règlement (CE) no 271/2008 de la Commission (44), modifiant le règlement (CE) no 794/2004.

4.   Le Royaume d'Espagne doit supprimer le régime mentionné à l'article 1er, avec effet à compter de la date d'adoption de la présente décision.

Article 5

1.   La récupération de l'aide accordée au titre du régime mentionné à l'article 1er est immédiate et effective.

2.   Le Royaume d'Espagne veille à ce que la présente décision soit exécutée dans les quatre mois suivants la date de sa notification.

Article 6

1.   Dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision, le Royaume d'Espagne communique les informations suivantes:

a)

le montant total de l'aide reçue par chaque bénéficiaire visé à l'article 1er;

b)

le montant total (principal et intérêts) à récupérer auprès de chaque bénéficiaire;

c)

une description détaillée des mesures déjà adoptées et prévues afin de se conformer à la présente décision; et

d)

les documents démontrant que les bénéficiaires ont été mis en demeure de rembourser l'aide.

2.   Le Royaume d'Espagne tient la Commission informée de l'avancement des mesures nationales adoptées en application de la présente décision jusqu'à la récupération complète de l'aide accordée au titre du régime visé à l'article 1er. À la demande de la Commission, le Royaume d'Espagne l'informe sans délai des mesures déjà adoptées ou prévues aux fins de l'application de la présente décision. Il fournit également des informations détaillées concernant les montants de l'aide et les intérêts déjà récupérés auprès des bénéficiaires.

Article 7

Le Royaume d'Espagne est destinataire de la présente décision.

Fait à Bruxelles, le 4 juillet 2016

Par la Commission

Margrethe VESTAGER

Membre de la Commission


(1)  JO C 69 du 7.3.2014, p. 115.

(2)  Voir la note 1 de bas de page.

(3)  Loi espagnole no 10/1990 du 15 octobre 1990 sur le sport (BOE du 17 octobre 1990).

(4)  «Les clubs qui, à l'entrée en vigueur de la présente loi, participent à des compétitions officielles à caractère professionnel dans la discipline sportive du football et qui, dans le cadre des audits réalisés à la demande de la Ligue de football professionnel, depuis la saison 1985-1986, auraient dégagé, lors de toutes ces compétitions, des bénéfices, pourront garder leur structure juridique actuelle, sauf décision contraire de leurs assemblées […]».

(5)  Extrait de: Deloitte Football Money League 2015, http://www2.deloitte.com/content/dam/Deloitte/na/Documents/audit/gx-football-money-league-2015.pdf.

(6)  Arrêt Bosman, C-415/93, EU:C:1995:463, point 73; arrêt Meca-Medina et Majcen/Commission, C-519/04 P, EU:C:2006:492, point 22; et arrêt Olympique Lyonnais, C-325/08, EU:C:2010:143, point 23.

(7)  Arrêt UGT-Rioja, affaires jointes C-428/06 à 434/06, EU:C:2008:488.

(8)  Arrêt Kennemer Golf, C-174/00, EU:C:2002:200.

(9)  Arrêt Paint Graphos e.a., affaires jointes C-78/08 à C-80/08, EU:C:2011:550.

(*1)  Données confidentielles.

(10)  BOE no 288 du 28 novembre 2014, p. 96939.

(11)  Source: Recaudación y estadísticas del sistema tributario español 2001-2011 (Recouvrement et statistiques du régime fiscal espagnol 2001-2011) http://www.minhap.gob.es/Documentacion/Publico/Tributos/Estadisticas/Recaudacion/2011/Analisis_estadistico_recaudacion_2011.pdf.

(12)  JO C 384 du 10.12.1998, p. 3.

(13)  Arrêt Paint Graphos e.a., affaires jointes C-78/08 à C-80/08, EU:C:2011:550.

(14)  BOE no 39 du 14 février 1981, p. 3408.

(15)  Règlement (UE) 2015/1589 du Conseil du 13 juillet 2015 portant modalités d'application de l'article 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (JO L 248 du 24.9.2015, p. 9).

(16)  Voir l'arrêt Commission/Deutsche Post, C-399/08, EU:C:2010:481, points 38 et la jurisprudence citée.

(17)  Voir l'arrêt Commission/Deutsche Post, C-399/08, EU:C:2010:481, points 39 et la jurisprudence citée.

(18)  Arrêts Banco Exterior de España, C-387/92, EU:C:1994:100, point 13; Allemagne/Commission, C-156/98, EU:C:2000:467, point 25; Italie/Commission, C-6/97, EU:C:1999:251, point 15; Heiser, C-172/03, EU:C:2005:130, point 36.

(19)  Arrêt Pavlov e.a, affaires jointes C-180/98 à C-184/98, EU:C:2000:428, point 74.

(20)  Arrêts Van Landewyck, affaires jointes 209/78 à 215/78 et 218/78, EU:C:1980:248, point 88; FFSA e.a., C-244/94, EU:C:1995:392, point 21; MOTOE, C-49/07, EU:C:2008:376, points 27 et 28.

(21)  Arrêts Bosman, C-415/93, EU:C:1995:463, point 73; Meca-Medina y Majcen/Commission, C-519/04 P, EU:C:2006:492, point 22; et Olympique Lyonnais, C-325/08, EU:C:2010:143, point 23.

(22)  Plus récemment, dans l'arrêt du 8 septembre 2011, Paint Graphos e.a., affaires jointes C-78/08 à C-80/08, EU:C:2011:550.

(23)  Voir le point 25 de la communication de la Commission sur l'application des règles relatives aux aides d'État aux mesures relevant de la fiscalité directe des entreprises (JO C 384 du 10.12.1998, p. 3).

(24)  Arrêt République italienne/Commission, T-211/05, EU:C:2009:304, point 125.

(25)  Arrêt Paint Graphos e.a., affaires jointes C-78/08 à C-80/08, EU:C:2011:550.

(26)  Arrêt Paint Graphos e.a., affaires jointes C-78/08 à C-80/08, EU:C:2011:550, point 61.

(27)  Arrêt Paint Graphos e.a., affaires jointes C-78/08 à C-80/08, EU:C:2011:550, point 71.

(28)  Ce raisonnement est similaire à celui de l'arrêt République italienne/Commission, T-211/05, EU:T:2009:304, points 120 et 121 (confirmé par la Cour de justice dans l'arrêt Italie/Commission, C-458/09 P, EU:C:2011:769, point 60), dans lequel le Tribunal a jugé sélectif un avantage fiscal qui était uniquement reconnu aux entreprises admises à la cote d'un marché réglementé durant une brève période, tandis que les autres entreprises étaient exclues des bénéfices dudit régime puisqu'elles ne remplissaient pas les conditions requises pour être cotées durant la période couverte par le régime d'aides.

(29)  Arrêt Paint Graphos e.a., affaires jointes C-78/08 à C-80/08, EU:C:2011:550, point 70.

(30)  Arrêts Heiser, C-172/03, EU:C:2005:130, point 55; Comitato «Venezia vuole vivere» e.a./Commission, affaires jointes C-71/09 P, C-73/09 P et C-76/09 P, EU:C:2011:368, point 136. Voir également l'arrêt Allemagne/Commission, C-156/98, EU:C:2000:467, point 30 et la jurisprudence citée.

(31)  Arrêts France/Commission, C-241/94, EU:C:1996:353, point 20; Belgique/Commission, C-5/01, EU:C:2002:754, point 45; et Italie/Commission, C-458/09 P, EU:C:2011:769, point 60.

(32)  La Commission signale dans ce contexte qu'il semble qu'il existe une société anonyme sportive établie dans le territoire historique de Bizcaye, à savoir le Basket Bilbao Berri SAD.

(33)  Règlement (CE) no 794/2004 de la Commission du 21 avril 2004 concernant la mise en œuvre du règlement (UE) 2015/1589 du Conseil portant modalités d'application de l'article 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (JO L 140 du 30.4.2004, p. 1).

(34)  Arrêt France Télécom/Commission, C-81/10, EU:C:2011:811, point 73.

(35)  Les dérogations prévues à l'article 107, paragraphe 2, du traité incluent: a) les aides à caractère social octroyées aux consommateurs individuels; b) les aides destinées à remédier aux dommages causés par les calamités naturelles ou par d'autres événements extraordinaires; et c) les aides octroyées à certaines régions de la République fédérale d'Allemagne.

(36)  Les dérogations prévues à l'article 107, paragraphe 3, du traité incluent: a) les aides destinées à favoriser le développement de certaines régions; b) les aides destinées à promouvoir la réalisation d'un projet important d'intérêt européen commun ou à remédier à une perturbation grave de l'économie d'un État membre; c) les aides destinées à favoriser le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques; d) les aides destinées à promouvoir la culture et la conservation du patrimoine; et e) les aides déterminées par décision du Conseil.

(37)  Arrêt Olympiaki Aeroporia Ypiresies/Commission, T-68/03, EU:T:2007:253, point 34.

(38)  Voir l'arrêt Commission/Allemagne, 70/72, EU:C:1973:87, point 13.

(39)  Voir l'arrêt Espagne/Commission, affaires jointes C-278/92, à C-280/92, EU:C:1994:325, point 75.

(40)  Voir l'arrêt Belgique/Commission, C-75/97, EU:C:1999:311, points 64 et 65.

(41)  Arrêt France Télécom/Commission, C-81/10 P, EU:C:2011:811, points 80 à 85.

(42)  Arrêt Unicredito Italiano, C-148/04, EU:C:2005:774, points 118 et 119.

(43)  Règlement (UE) 2015/1588 du Conseil du 13 juillet 2015 sur l'application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne à certaines catégories d'aides d'État horizontales (JO L 248 du 24.9.2015, p. 1).

(44)  Règlement (CE) no 271/2008 de la Commission du 30 janvier 2008 modifiant le règlement (CE) no 794/2004 concernant la mise en œuvre du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil portant modalités d'application de l'article 93 du traité CE (JO L 82 du 25.3.2008, p. 1).