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31.7.2015 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
L 203/31 |
DÉCISION (UE) 2015/1321 DE LA COMMISSION
du 23 juin 2010
concernant l'aide d'État C 38/07 (ex NN 45/07) mise à exécution par la France en faveur d'Arbel Fauvet Rail SA
[notifiée sous le numéro C(2010) 4112]
(Le texte en langue française est le seul faisant foi.)
(Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE)
LA COMMISSION EUROPÉENNE,
vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, et notamment son article 108, paragraphe 2, premier alinéa (1),
vu l'accord sur l'Espace économique européen, et notamment son article 62, paragraphe 1, point a),
après avoir invité les intéressés à présenter leurs observations conformément auxdits articles (2),
considérant ce qui suit:
1. PROCÉDURE
1.1. Procédure devant la Commission
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(1) |
Par une plainte, la Commission a été informée de certaines mesures de soutien mises en œuvre par la France en faveur de la société Arbel Fauvet Rail SA (ci-après «AFR»). En date des 28 janvier 2006, 25 octobre 2006, 30 janvier 2007 et 6 juin 2007, la France a soumis des informations complémentaires. |
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(2) |
Par lettre du 12 septembre 2007, la Commission a informé la France de sa décision d'ouvrir la procédure formelle d'examen prévue à l'article 108, paragraphe 2, du TFUE à l'encontre de cette aide. |
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(3) |
La France a présenté des commentaires par communications du 12 octobre 2007 et des 18 et 19 décembre 2007. |
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(4) |
La décision de la Commission d'ouvrir la procédure formelle d'examen a été publiée au Journal officiel de l'Union européenne (3). La Commission a invité les intéressés à présenter leurs observations sur l'aide en cause. |
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(5) |
La Commission n'a pas reçu d'observations de la part d'intéressés. |
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(6) |
Le 2 avril 2008, la Commission a adopté à l'égard des mesures en cause une décision négative (4) avec ordre de récupération (ci-après «la décision originelle AFR»). |
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(7) |
La décision originelle AFR a été attaquée par la Région Nord-Pas-de-Calais (T-267/08) le 9 juillet 2008 et par la Communauté d'Agglomération du Douaisis (T-279/08) le 17 juillet 2008. Un des moyens d'annulation soulevés par les parties requérantes était le défaut de motivation du calcul de l'élément d'aide. Les parties requérantes ont aussi fait valoir que la Commission aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en qualifiant erronément AFR d'entreprise en difficulté. |
1.2. L'arrêt Biria
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(8) |
Le calcul du montant de l'aide dans la décision originelle AFR du 2 avril 2008 était fondé sur une méthode formulée dans une décision antérieure de la Commission relative à l'affaire C 38/2005 «Biria group» (ci-après «la décision Biria») (5). |
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(9) |
Par les recours (6) du 5 avril 2007 (T-102/07) et du 16 avril 2007 (T-120/07), la décision Biria a été attaquée respectivement par l'autorité ayant octroyé l'aide et par le successeur légal des bénéficiaires de l'aide. Le 3 mars 2010 (7), le Tribunal a annulé la décision Biria. |
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(10) |
Bien que le Tribunal ait confirmé dans une large mesure le raisonnement de la Commission, la décision fut néanmoins annulée pour défaut de motivation sur un point particulier. La Cour de justice a considéré que la Commission ne pouvait se contenter d'une simple référence à la communication de la Commission de 1997 concernant la méthode de fixation des taux de référence et d'actualisation (8) (ci-après «la communication de 1997 sur les taux de référence») dans sa motivation relative au calcul des primes de risques lorsqu'elle détermine le montant de l'élément d'aide contenu dans un prêt à une entreprise en difficulté. |
1.3. Retrait
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(11) |
La décision originelle AFR se réfère explicitement au considérant de la décision Biria qui a donné lieu à l'annulation de cette décision par le Tribunal. Le raisonnement contenu dans la décision Biria et celui de la décision originelle AFR, en ce qui concerne la prime de risque à retenir, sont fondés sur des éléments similaires. |
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(12) |
Dès lors, la Commission constate, à la lumière de l'arrêt Biria, que la décision originelle AFR du 2 avril 2008 n'est pas motivée à suffisance de droit en ce qui concerne le niveau de la prime de risque à retenir. Cette décision n'étant pas devenue définitive, il y a donc lieu de la retirer et d'adopter une nouvelle décision. |
2. DESCRIPTION DE L'AIDE
2.1. Le bénéficiaire
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(13) |
AFR est un constructeur ferroviaire spécialisé dans les wagons de marchandises et les conteneurs-citernes. Il s'agit d'un des producteurs les plus importants sur le marché européen du matériel roulant ferroviaire. La société est implantée à Douai (Nord) et employait environ 265 personnes en 2008. |
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(14) |
En 2005, AFR était détenue à 100 % par la société Arbel SA (9). AFR employait alors environ 330 personnes. |
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(15) |
L'exploitation d'AFR a été déficitaire pendant plusieurs années. Les difficultés économiques de la société se sont accentuées à partir de 2001. Cette tendance n'a fait que se renforcer entre 2002 et 2005. Le tableau suivant reprend quelques indicateurs clef de la performance d'AFR dans la période qui précédait l'octroi de l'aide:
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2.2. Les mesures de soutien
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(16) |
Le 4 juillet 2005, la Région Nord-Pas-de-Calais et la Communauté d'agglomération du Douaisis ont accordé à AFR une avance remboursable conjointe de 1 million d'EUR chacune, soit au total 2 millions d'EUR. |
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(17) |
Selon les informations fournies par les autorités françaises, les termes des avances étaient les suivants:
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3. RAISONS AYANT CONDUIT À L'OUVERTURE DE LA PROCÉDURE FORMELLE D'EXAMEN
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(18) |
Dans sa décision d'ouverture de la procédure formelle d'examen, la Commission a estimé que les avances remboursables constituaient des aides d'État au sens de l'article 107, paragraphe 1, du TFUE. À cet égard, la Commission a notamment relevé que lesdites avances conféraient un avantage à AFR dans la mesure où l'entreprise, compte tenu de sa situation financière, n'aurait pas pu se procurer des fonds à des conditions aussi favorables sur le marché financier. |
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(19) |
La Commission a également considéré qu'AFR était une entreprise en difficulté au sens des «lignes directrices communautaires concernant les aides d'État au sauvetage et à la restructuration d'entreprises en difficulté» (ci-après «les lignes directrices») (10) et que, partant, la compatibilité de l'aide d'État dont elle avait bénéficié devait être appréciée au regard des lignes directrices. Selon la Commission, il y avait lieu de douter de la compatibilité de l'aide en cause avec le marché intérieur au regard des lignes directrices. |
4. COMMENTAIRES DE LA FRANCE
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(20) |
Les autorités françaises ont fait valoir que si AFR traversait une phase difficile dans la période au cours de laquelle les avances remboursables ont été accordées puis versées (soit juillet et deuxième semestre 2005), la société a néanmoins toujours conservé la confiance de ses clients et de ses banquiers. |
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(21) |
À l'appui de leurs affirmations, les autorités françaises ont invoqué les éléments suivants, qualifiés de «marques de confiance» des clients et des banques à l'égard d'AFR:
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(22) |
Les autorités françaises ont appuyé leurs commentaires de documents dont il ressort notamment ce qui suit:
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(23) |
Les autorités françaises ont aussi fait valoir qu'AFR aurait envisagé des mesures «pour redresser le carnet de commandes, l'activité, l'exploitation et les comptes d'AFR». Ces mesures, qualifiées par les autorités françaises de «plan de restructuration», s'articuleraient autour de trois axes: a) une nouvelle stratégie commerciale (visant à un meilleur positionnement des produits d'AFR); b) la réduction des effectifs; et c) un plan de financement et de recapitalisation. La mise en œuvre à partir de 2004 des ces mesures aurait produit des résultats positifs, se traduisant notamment par une augmentation du chiffre d'affaires (de 22,6 millions d'EUR en 2004 à 45 millions d'EUR en 2005) et du résultat net, qui reste toutefois négatif (passant de – 11,9 millions d'EUR en 2004 à – 8,1 millions d'EUR en 2005). |
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(24) |
Il convient aussi de relever que dans le contexte des recours introduits contre la décision originelle AFR, les parties requérantes citées au considérant 7 ont allégué qu'AFR n'était pas une entreprise en difficulté au moment de l'octroi de l'aide. À cet égard, elles font valoir que la Commission a commis une erreur manifeste d'appréciation, en ne tenant pas suffisamment compte des mesures de «redressement» d'AFR (visées au considérant 23) dont les résultats positifs (se traduisant notamment par une série de contrats de fournitures conclus par AFR en 2004 et au cours du premier semestre de 2005) invalideraient les arguments invoqués par la Commission à l'appui de la conclusion qu'AFR était une entreprise en difficulté. |
5. APPRÉCIATION DE L'AIDE AU REGARD DE L'ARTICLE 107 DU TRAITÉ
5.1. Existence d'une aide d'État
5.1.1. Ressources d'État
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(25) |
L'article 107, paragraphe 1, du TFUE dispose que, sauf dérogations prévues par le traité, sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre les États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d'État qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions. |
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(26) |
En ce qui concerne les avances remboursables, la Commission relève ce qui suit. |
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(27) |
L'article 107 du TFUE ne vise pas uniquement les aides apportées par les gouvernements nationaux des États membres mais aussi les aides émanant de collectivités territoriales, telles que la Région Nord-Pas-de-Calais ou la Communauté d'agglomération du Douaisis. Les fonds de ces collectivités constituent des ressources d'État et leurs décisions d'accorder les avances en cause à AFR sont imputables à l'État. |
5.1.2. Aide favorisant certaines entreprises
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(28) |
Les avances ont été octroyées alors qu'AFR se trouvait dans une situation financière délicate. Dans la décision d'ouverture, la Commission a considéré qu'AFR, compte tenu de sa situation économique telle qu'elle ressort du considérant 15 de la présente décision était une entreprise en difficulté au sens des lignes directrices au moment de l'octroi de l'aide. La Commission a aussi relevé que les avances avaient été accordées sans aucune sûreté garantissant leur remboursement, alors que les taux d'intérêt appliqués sont réputés correspondre au taux applicable à des emprunts «assortis de sûretés normales» (11). La Commission considère dès lors qu'il est exclu qu'AFR, compte tenu de sa situation financière, aurait été en mesure d'obtenir des fonds à des conditions aussi avantageuses sur le marché du crédit. Par conséquent, les avances en cause constituent un avantage en faveur d'AFR. |
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(29) |
À cet égard, il convient de relever que les autorités françaises ont affirmé, en s'appuyant sur les exemples cités au considérant 24, qu'AFR bénéficiait encore de la confiance de ses banquiers et de ses clients au moment de l'octroi de l'aide. La Commission interprète ces commentaires en ce sens que la France conteste qu'AFR ait été dans l'incapacité d'obtenir des fonds à des conditions similaires sur le marché du crédit (ce qui revient à contester que les avances remboursables aient apporté un avantage à AFR) et, a fortiori, qu'AFR était une entreprise en difficulté au sens des lignes directrices au moment de l'octroi des avances remboursables. |
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(30) |
Les commentaires de la France ne sauraient cependant modifier l'analyse formulée dans la décision d'ouverture de la procédure formelle d'examen, et ce pour les raisons suivantes. |
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(31) |
Les exemples de crédits invoqués par les autorités françaises (notamment l'autorisation de découvert de compte courant et les acomptes de clients) ne sont pas comparables aux avances remboursables en cause. Le découvert d'un compte courant est un crédit à très court terme, contrairement aux avances remboursables qui portent sur trois ans. Ces différentes formes de crédit ne font donc pas l'objet des mêmes analyses de risque de la part des créanciers, et le fait qu'un débiteur puisse obtenir un crédit à court terme ne permet pas de juger de ses possibilités d'obtenir un prêt à plus longue échéance, dont le remboursement dépendra de la capacité de survie du débiteur. |
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(32) |
En ce qui concerne les acomptes de clients, la Commission relève qu'ils étaient contre-garantis par la […], une institution indépendante, ce qui signifie que les clients et fournisseurs ne couraient pas de risques liés à la situation financière d'AFR et, partant, qu'ils n'avaient pas de raison de soumettre le versement des acomptes à une analyse de la solidité financière de l'entreprise similaire à celle à laquelle aurait procédé un créancier envisageant d'octroyer un prêt sans sûreté. |
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(33) |
En conclusion, les commentaires de la France ne permettent pas de constater qu'AFR aurait été en mesure d'obtenir des fonds à des conditions similaires sur le marché du crédit. |
5.1.3. Entreprise en difficulté
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(34) |
En ce qui concerne la qualification d'AFR en tant qu'entreprise en difficulté au sens des lignes directrices, la Commission constate ce qui suit. |
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(35) |
Il ressort du point 10 a) des lignes directrices qu'une entreprise est en difficulté lorsque plus de la moitié de son capital social a disparu, plus du quart de ce capital ayant été perdu au cours des douze derniers mois. Cette disposition traduit la présomption qu'une société qui connaît une perte massive de son capital social sera incapable d'enrayer des pertes qui la conduiront vers une mort économique quasi certaine à court ou moyen terme. La Commission estime que cette présomption, logiquement, s'applique a fortiori à une société qui a perdu l'intégralité de son capital social et présente des capitaux propres négatifs. |
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(36) |
Ainsi qu'il ressort des données financières citées au considérant 15 (qui n'ont pas été contestées par la France dans le cadre de la procédure formelle d'examen), AFR était en capitaux propres négatifs depuis 2001 et n'avait, au moment de l'octroi de l'aide, pas été capable d'enrayer cette tendance et de retrouver des capitaux propres positifs. Dans ces conditions, la Commission considère qu'AFR était une société en difficulté au sens du point 10 a) des lignes directrices au moment de l'octroi de l'aide. |
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(37) |
De surcroît, le Tribunal a également confirmé dans l'arrêt Biria qu'une diminution de capital substantielle est en effet un signe de difficultés et que la Commission a conclu à raison qu'une entreprise dotée d'une valeur de fonds propres négative est une entreprise en difficulté indépendamment des dispositions très spécifiques des lignes directrices. |
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(38) |
À titre subsidiaire, la Commission relève qu'AFR répondait aussi, au moment de l'octroi de l'aide, à la définition d'une entreprise en difficulté, figurant au point 11 des lignes directrices, qui prévoit que même lorsque les conditions énoncées au point 10 des lignes directrices ne sont pas remplies, une société peut être considérée comme étant en difficulté, en particulier si elle présente des indices habituels d'une entreprise en situation de difficulté, dont notamment un niveau croissant de pertes et la diminution du chiffre d'affaires. Le point 11 des lignes directrices, prévoit néanmoins qu'une entreprise en difficulté n'est éligible qu'après mise en évidence de son incapacité à assurer son redressement avec ses ressources propres, ou avec des fonds obtenus auprès de ses propriétaires/actionnaires ou de sources de marché. Cette disposition rappelle donc que la qualification d'entreprise en difficulté doit se faire au regard de tous les indices pertinents, un poids décisif étant néanmoins attaché à la capacité de l'entreprise de se redresser sans l'intervention des pouvoirs publics. La Commission rappelle également que, conformément à une jurisprudence constante (12), de tels «signes» ne sont ni cumulatifs ni exhaustifs et qu'il n'y a pas un nombre minimum de signes qui doivent être présents pour qu'il soit satisfait à ce critère. |
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(39) |
À cet égard, la Commission relève (ainsi qu'il ressort du tableau figurant au considérant 15) qu'AFR a connu depuis 2001 une diminution continue de son chiffre d'affaires ainsi qu'un niveau persistant de pertes. Il s'agit là d'indices caractéristiques d'une entreprise en difficulté au sens du point 11 des lignes directrices. Dans sa décision d'ouverture de la procédure formelle d'examen, la Commission avait déjà relevé ces indices au soutien de sa conclusion préliminaire qu'AFR était une entreprise en difficulté. De surcroît, la tendance négative de la situation financière d'AFR ressort du fait que, dès janvier 2004, l'entreprise s'est trouvée dans l'incapacité de payer à bonne date des dettes sociales et fiscales à hauteur de 4,3 millions d'EUR et a par conséquent été obligée de solliciter un moratoire et l'établissement d'un plan d'apurement de la dette auprès des autorités compétentes. |
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(40) |
Les principaux éléments invoqués par la France qui pourraient être de nature à constituer des indices dans le sens contraire sont les crédits accordés à AFR (découvert de compte courant et acomptes) ainsi que le fait qu'AFR bénéficiait de certaines garanties de la part de la […]. La Commission estime qu'il convient de tenir compte de ces indices dans le cadre de l'examen, exigé par le point 11 des lignes directrices, de la capacité de l'entreprise de se redresser à l'aide des fonds dont elle pourrait disposer sur le marché financier. À cet égard, la Commission constate ce qui suit:
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(41) |
En ce qui concerne les mesures de redressement d'AFR mises en œuvre à partir de 2004, la Commission observe en premier lieu que la mise en œuvre de mesures de restructuration constitue une condition de compatibilité de l'aide au regard des lignes directrices, pour autant que lesdites mesures soient conformes à ces dernières. Néanmoins, elles n'ont pas nécessairement d'effet sur la qualification d'entreprise en difficulté qui s'analyse quant à elle, au regard de la santé financière du bénéficiaire au moment de l'octroi de l'aide. Cette analyse s'effectue principalement sur la base des données comptables les plus récentes arrêtées pour l'entreprise. En l'espèce, il s'agit des données pour l'année comptable 2004, dont l'analyse, pour les raisons évoquées plus haut, conduit à la conclusion qu'AFR était en difficulté au moment de l'octroi de l'aide. |
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(42) |
Les autorités françaises (et les parties requérantes ayant introduit un recours contre la décision originelle) ont fait valoir que les mesures de redressement d'AFR auraient produits des résultats positifs dans les mois précédant l'octroi des avances remboursables. La Commission constate néanmoins que les résultats invoqués à l'appui de cet argument sont modestes, aléatoires et portent sur une période relativement courte. Le résultat net de l'entreprise est en outre demeuré largement négatif. |
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(43) |
Comparées aux éléments qui démontrent la présence de graves difficultés, menaçant à court ou moyen terme la survie de l'entreprise — notamment le fait qu'AFR était en capitaux propres négatifs depuis 2001 (indicateur très fort et portant sur une période longue) –, les tendances invoquées par les autorités françaises ne peuvent être considérées comme des indices sérieux d'un redressement de la situation financière d'AFR. Lesdites tendances ne sauraient dès lors invalider les très forts indices démontrant qu'AFR était bien une entreprise en difficulté. |
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(44) |
Il y a donc lieu de conclure que, au moment de l'octroi de l'aide, AFR connaissait de graves difficultés financières qui menaçaient sa survie à court ou moyen terme et qu'elle n'était pas en mesure d'enrayer sans l'intervention des pouvoirs publics. |
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(45) |
La Commission estime donc, compte tenu des considérations qui précèdent et notamment des résultats financiers repris au tableau figurant au considérant 15, qu'AFR était une entreprise en difficulté au sens du point 10 des lignes directrices et, à titre subsidiaire, du point 11 des lignes directrices, au moment de l'octroi des avances remboursables. Étant donné les difficultés que connaissait AFR, la Commission estime qu'AFR n'aurait pas été en mesure d'obtenir des fonds à des conditions aussi avantageuses sur le marché du crédit. Les avances en cause ont donc conféré un avantage à AFR en lui permettant de se financer à des conditions plus favorables que celles qu'elle aurait pu obtenir sur le marché du crédit. |
5.1.4. Affectation des échanges et de la concurrence
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(46) |
Les avances remboursables favorisent AFR par rapport aux autres entreprises qui se trouvent dans une situation comparable, dans la mesure où elles lui sont exclusivement destinées. |
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(47) |
Le secteur de la construction de matériel ferroviaire roulant est caractérisé par la présence de plusieurs opérateurs européens et d'échanges au sein de l'Union. L'avantage accordé à AFR est donc susceptible de fausser la concurrence et les échanges entre les États membres. |
5.1.5. Conclusion
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(48) |
Eu égard aux considérations qui précèdent, la Commission estime que les avances remboursables accordées à AFR constituent une aide d'État au sens de l'article 107, paragraphe 1, du TFUE. |
5.2. Montant de l'aide
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(49) |
Dans le cas d'aides octroyées sous la forme de crédits à des entreprises en difficultés, l'élément d'aide est constitué par la différence entre l'intérêt effectivement appliqué et l'intérêt auquel l'entreprise bénéficiaire aurait pu obtenir le même crédit sur le marché privé. |
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(50) |
Conformément à la communication de 1997 sur les taux de référence, la Commission établit des taux de référence qui sont supposés refléter le niveau des taux d'intérêt moyens requis sur le marché pour des prêts à moyen et long terme, ces prêts étant assortis de sûretés normales. Ladite communication souligne aussi que le taux de référence est un taux plancher qui peut être majoré dans des situations impliquant un risque particulier, par exemple lorsque l'entreprise est en difficulté ou lorsque les sûretés normalement requises par les banques ne sont pas présentes. Dans de tels cas, la majoration peut être de 400 points de base ou plus. La communication de 1997 sur les taux de référence ne précise pas si différentes primes de risques peuvent être cumulées si l'on prend en compte différents risques. Bien que ce cumul ne soit pas exclu, la Commission doit motiver dans sa décision la méthode utilisée en vue de cumuler les différentes primes de risque en recourant à une analyse de la pratique des marchés financiers (13). |
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(51) |
En 2004, le cabinet d'audit Deloitte & Touche Wirtschaftsprüfungsgesellschaft GmbH a mené une étude (14) pour le compte de la Commission (ci-après «l'étude»). Sur la base d'une recherche empirique, l'étude identifie les primes observables sur le marché pour différentes catégories de risques relatifs à des entreprises ou à des transactions (dotées de sûretés variables). L'étude montre clairement que la présence simultanée de différents aspects de risques (solvabilité de l'emprunteur, sûretés) se matérialise sous forme de majorations devant être ajoutées au taux de base. |
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(52) |
Consécutivement à l'étude, l'approche de la Commission concernant le calcul de l'élément d'aide dans les prêts a été affinée et précisée dans sa communication de 2008 relative à la révision de la méthode de calcul des taux de référence et d'actualisation (15) (ci-après «la communication de 2008 sur les taux de référence»). Cette communication reflète la méthode préconisée par l'étude et prévoit l'ajout de différentes majoration aux taux de base, tant en fonction de la solvabilité de l'entreprise que des sûretés offertes. |
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(53) |
Or, il y a lieu de constater que la détermination de l'élément d'aide dans les mesures se réfère à la notion d'aide d'État et, comme l'indique de manière constante la jurisprudence de la Cour de justice, «la notion d'aide d'État répond à une situation objective qui s'apprécie à la date à laquelle la Commission prend sa décision» (16). |
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(54) |
En conséquence, la Commission considère que la méthode appropriée pour déterminer l'élément d'aide est celle contenue dans la communication de 2008 sur les taux de référence et entend examiner les mesures en question au regard de cette communication. |
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(55) |
La communication de 2008 relative aux taux de référence prévoit que la majoration permettant d'exclure la présence d'une aide d'État dans le cas d'une entreprise en difficulté offrant un bas niveau de sûretés équivaut à 1 000 points de base. |
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(56) |
Comme il a été montré à la section 5.1.3, la Commission considère qu'AFR était une entreprise en difficulté au moment où les mesures (d'aide) ont été octroyées. La Commission observe de surcroît qu'aucune sûreté n'avait été offerte au soutien des avances remboursables et que le niveau de sûretés peut donc être considéré comme bas. |
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(57) |
Dès lors, l'élément d'aide équivaut, en principe, à la différence entre le taux de base majoré de 1 000 points et le taux auquel la mesure a été octroyée. Prenant en compte, cependant, qu'elle a considéré dans sa décision originelle du 2 avril 2008 que la majoration applicable est de 800 points de base, que le bénéficiaire de l'aide n'a pas attaqué cette décision, qu'aucun concurrent du bénéficiaire n'a non plus mis en doute la légalité de la décision initiale et compte tenu de l'ensemble des circonstances de la présente espèce, la Commission est d'avis qu'il n'y a pas lieu d'accroître cette majoration dans le cas présent. |
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(58) |
La Commission conclut que l'élément d'aide équivaut à la différence entre le taux d'intérêt de référence applicable majoré de 800 points de base et le taux d'intérêt auquel la mesure a été octroyée. |
5.3. Compatibilité de l'aide avec le marché intérieur
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(59) |
Compte tenu de la situation économique d'AFR au moment de l'octroi de l'aide, telle qu'elle ressort du tableau au considérant 15 (exploitation déficitaire sur une série d'années, capital propre négatif, chiffre d'affaires en baisse), la Commission estime qu'AFR était une entreprise en difficulté au sens des lignes directrices au moment de l'octroi des avances remboursables. Pour les raisons évoquées aux considérants 41 à 44, les commentaires de la France ne permettent pas de modifier cette analyse. |
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(60) |
Il est vrai qu'AFR, en 2005, faisait partie d'un groupe contrôlé par le holding Arbel SA. Outre son pôle ferroviaire (composé d'AFR et de Lormafer), le groupe comprenait un pôle «bâtiment» regroupant des entreprises spécialisées dans la construction de fenêtres pour l'industrie du bâtiment. Il ressort néanmoins des informations fournies par les autorités françaises dans la correspondance échangée avant l'ouverture de la procédure formelle d'examen que les difficultés rencontrées par AFR lui étaient spécifiques au sein du groupe, son activité n'ayant aucun lien avec le pôle «bâtiment». En outre, la Commission relève que les difficultés d'AFR semblent avoir été trop importantes pour être résolues par le groupe, compte tenu des résultats médiocres de ce dernier. La Commission estime donc que le point 13 des lignes directrices ne fait pas obstacle à ce qu'AFR soit considérée comme éligible aux aides au sauvetage ou à la restructuration, malgré son appartenance à un groupe. |
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(61) |
La compatibilité de l'aide doit donc être appréciée au regard des lignes directrices. |
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(62) |
La Commission constate que les conditions de compatibilité des aides à la restructuration prévues par les lignes directrices ne sont pas remplies compte tenu des éléments suivants. |
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(63) |
Les autorités françaises ne lui ont pas présenté un plan de restructuration conformément aux points 34 à 37 des lignes directrices. En effet, les mesures de restructuration citées au considérant 24, présentées par les autorités françaises comme un «plan de restructuration» qui aurait été mis en œuvre à partir de 2004 (voir considérant 24) ne s'inscrivaient pas, à la date de leur octroi, dans le cadre d'un plan de restructuration viable sur lequel l'État membre concerné s'engage (point 35 des lignes directrices). Contrairement à ce qui est prévu par les lignes directrices, le prétendu plan ne fait pas état d'une étude de marché. Or une telle étude est requise pour vérifier les chances de retour à la viabilité ainsi que les mesures internes de restructuration (point 35 des lignes directrices). En outre, rien ne prouve qu'en juillet 2005, il existait un plan de restructuration qui décrivait «les circonstances qui ont entraîné les difficultés de l'entreprise» pour servir de «base pour évaluer si les mesures proposées sont adaptées» (point 36 des lignes directrices Restructuration). Enfin, aucune mesure compensatoire ne ressort du prétendu plan, comme l'exige pourtant le point 38 des lignes directrices. |
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(64) |
Pour les raisons citées au considérant qui précède, la Commission considère qu'aucun plan de restructuration conforme aux lignes directrices ne lui a été présenté. |
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(65) |
L'aide ne semble pas davantage remplir les conditions de compatibilité des aides au sauvetage prévues par les lignes directrices, étant donné que les avances remboursables ont été accordées pour une période dépassant six mois (voir point 25 des lignes directrices). |
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(66) |
En conclusion, l'aide en question n'est pas compatible avec le marché intérieur. |
6. CONCLUSION
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(67) |
La Commission constate que la France a illégalement mis à exécution l'aide en question en violation de l'article 108, paragraphe 3, du TFUE. L'aide étant incompatible avec le marché intérieur, la France doit y mettre fin et récupérer les montants déjà octroyés auprès du bénéficiaire, |
A ADOPTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:
Article premier
La décision de la Commission C(2008) 1089 final du 2 avril 2008 dans l'affaire C 38/2007 est retirée.
Article 2
L'aide d'État mise à exécution illégalement par la France, en violation de l'article 108, paragraphe 3, du TFUE, en faveur d'Arbel Fauvet Rail SA est incompatible avec le marché intérieur.
Article 3
1. La France est tenue de se faire rembourser par le bénéficiaire l'aide visée à l'article 2.
2. Les sommes à récupérer produisent des intérêts à partir de la date à laquelle elles ont été mises à la disposition du bénéficiaire, jusqu'à leur récupération effective.
3. Les intérêts sont calculés sur une base composée conformément au chapitre V du règlement (CE) no 794/2004 de la Commission (17).
4. La France annule tous les paiements en suspens de l'aide visée à l'article 2 à compter de la date de notification de la présente décision.
Article 4
1. La récupération de l'aide visée à l'article 1er est immédiate et effective.
2. La France veille à ce que la présente décision soit mise en œuvre dans les quatre mois suivant la date de sa notification.
Article 5
1. Dans les deux mois suivant la notification de la présente décision, la France communique les informations suivantes à la Commission:
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a) |
le montant total (principal et intérêts) à récupérer auprès du bénéficiaire; |
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b) |
une description détaillée des mesures déjà prises et prévues pour se conformer à la présente décision; |
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c) |
les documents démontrant que le bénéficiaire a été mis en demeure de rembourser l'aide. |
2. La France tient la Commission informée de l'état d'avancement des mesures nationales prises pour mettre en œuvre la présente décision jusqu'à la récupération complète de l'aide visée à l'article 1er. Elle transmet immédiatement, sur simple demande de la Commission, toute information sur les mesures déjà prises et prévues pour se conformer à la présente décision, ainsi que des informations détaillées concernant les montants de l'aide et les intérêts déjà récupérés auprès du bénéficiaire.
Article 6
La République française est destinataire de la présente décision.
Fait à Bruxelles, le 23 juin 2010.
Par la Commission
Joaquín ALMUNIA
Vice-président
(1) À compter du 1er décembre 2009, les articles 87 et 88 du traité CE sont devenus respectivement les articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne («TFUE»). Dans les deux cas, les dispositions sont, en substance, identiques. Aux fins de la présente décision, les références faites aux articles 107 et 108 du TFUE s'entendent, s'il y a lieu, comme faites respectivement aux articles 87 et 88 du traité CE.
(2) JO C 249 du 24.10.2007, p. 17.
(3) Voir note de bas de page no 2.
(4) Décision de la Commission C(2008) 1089 final du 2 avril 2008 (JO L 238 du 5.9.2008, p. 27).
(5) Décision de la Commission C(2007) 130 final du 24 janvier 2007 (JO L 183 du 13.7.2007, p. 27).
(6) Les deux affaires ont été jointes par décision du président du 24 novembre 2008.
(7) Affaires jointes T-102/07, Freistaat Sachsen/Commission et T 120/07 MB Immobilien and MB System/Commission, non encore publié au Recueil.
(8) JO C 273 du 9.9.1997, p. 3.
(9) Le 29 juin 2007, AFR a été reprise par la société IGF Industries. Sa raison sociale a été changée en «IGF Industries — Arbel Fauvet Rail».
(10) JO C 244 du 1.10.2004, p. 2.
(*1) Toutes les informations […] sont confidentielles.
(11) Voir la communication de la Commission concernant la méthode de fixation des taux de référence et d'actualisation (JO C 273 du 9.9.1997, p. 3).
(12) Voir arrêt du Tribunal du 15 juin 2005, Corsica Ferries, T-349/03, Rec., p. II-2197, point 191; décision de la Commission du 13 mai 2003 dans l'affaire C 62/2000, Kahla, JO L 227 du 11.9.2003, p. 12, considérant 117; et décision de la Commission du 14 juillet 2004 dans l'affaire C 5/2003, MobilCom, JO L 116 du 4.5.2005, p. 55, considérants 148 à 164; voir enfin l'arrêt Biria précité, points 133-135.
(13) Voir l'arrêt Biria dans les affaires jointes T-102 et 120/07 Freistaat Sachsen MB Immobilien Verwaltungs GmbH MB System GmbH/Commission, non encore publié au Recueil, points 218-222.
(14) «Study by Deloitte & Touche GmbH in relation to the updating of the reference rates of interest applied to State aid control in the EU», October 2004. http://ec.europa.eu/competition/state_aid/studies_reports/full_report.pdf
(15) JO C 14 du 19.1.2008, p. 6.
(16) Voir l'arrêt de la Cour du 1er juillet 2008, Chronopost, affaires jointes C-341/06 P et C-342/06 P, Rec., p. I-4777, point 95.
(17) Règlement (CE) no 794/2004 de la Commission du 21 avril 2004 concernant la mise en œuvre du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil portant modalités d'application de l'article 93 du traité CE (JO L 140 du 30.4.2004, p. 1).