14.2.2012   

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Journal officiel de l'Union européenne

C 41/1


RECOMMANDATION DU COMITÉ EUROPÉEN DU RISQUE SYSTÉMIQUE

du 22 décembre 2011

concernant le mandat macroprudentiel des autorités nationales

(CERS/2011/3)

2012/C 41/01

LE CONSEIL GÉNÉRAL DU COMITÉ EUROPÉEN DU RISQUE SYSTÉMIQUE,

vu le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, et notamment l’article 2, paragraphe 2, l’article 4, paragraphe 2, point a), et le protocole (no 25) sur l’exercice des compétences partagées,

vu le règlement (UE) no 1092/2010 du Parlement européen et du Conseil du 24 novembre 2010 relatif à la surveillance macroprudentielle du système financier dans l’Union européenne et instituant un Comité européen du risque systémique (1), et notamment son article 3, paragraphe 2, points b), d) et f), et ses articles 16 à 18,

vu la décision CERS/2011/1 du Comité européen du risque systémique du 20 janvier 2011 portant adoption du règlement intérieur du Comité européen du risque systémique (2), et notamment son article 15, paragraphe 3, point e), et ses articles 18 à 20,

considérant ce qui suit:

(1)

Un cadre bien défini est une condition nécessaire à une politique macroprudentielle efficace. Avec la mise en place du Comité européen du risque systémique (CERS) au sein du système européen de surveillance financière, un cadre a été institué pour la politique macroprudentielle au niveau de l’Union européenne, laquelle s’exerce par le biais d’alertes et de recommandations qui doivent être mises en œuvre.

(2)

L’efficacité de la politique macroprudentielle dans l’Union dépend également du cadre macroprudentiel national des États membres, étant donné que la responsabilité pour l’adoption des mesures nécessaires au maintien de la stabilité financière relève en premier lieu du cadre national.

(3)

Des initiatives législatives concernant le cadre macroprudentiel sont actuellement à l’étude dans certains États membres.

(4)

Il est nécessaire de dégager des principes directeurs sur les éléments essentiels des mandats nationaux macroprudentiels qui concilient la cohérence entre les approches nationales et la souplesse requise pour tenir compte des particularismes nationaux.

(5)

La formulation explicite d’un objectif clair permettrait d’aider les autorités nationales à surmonter une certaine tendance à l’inertie. Les politiques macroprudentielles peuvent être poursuivies au niveau national à l’initiative des autorités macroprudentielles nationales, ou au titre du suivi des recommandations ou des alertes du CERS.

(6)

Généralement, la politique macroprudentielle peut être conduite soit par une seule institution soit par un collège composé de plusieurs institutions, selon le cadre institutionnel national. En tout état de cause, il convient que l’autorité responsable soit identifiée de façon claire et transparente.

(7)

Le considérant 24 du règlement (UE) no 1092/2010 dispose que: «les banques centrales nationales devraient jouer un rôle de premier plan dans la surveillance macroprudentielle en raison de leur expertise et de leurs responsabilités existantes en matière de stabilité financière». Cette conclusion est encore renforcée lorsque les banques centrales sont également chargées de la surveillance microprudentielle.

(8)

La coopération entre les autorités dont les compétences ont une influence sur la stabilité financière peut prendre différentes formes selon le cadre institutionnel national, allant de la coordination à l’échange de données et d’informations.

(9)

Le CERS examinera les éventuelles répercussions transfrontalières des mesures macroprudentielles prévues par les autorités nationales compétentes afin d’assurer un degré minimum de coordination et de limiter les retombées négatives potentielles. À cette fin, il convient que le secrétariat du CERS soit informé à l’avance des mesures macroprudentielles importantes proposées par les autorités nationales, en vue de leur examen par le comité directeur du CERS. Si le comité directeur le juge utile, les propositions de mesures macroprudentielles peuvent être portées à l’attention du conseil général.

(10)

Les missions et pouvoirs de l’autorité macroprudentielle doivent être clairement définis. En tenant compte de l’incidence que la réforme du cadre régissant les exigences de fonds propres pour les établissements de crédit (3) actuellement en cours au niveau de l’UE pourrait avoir, les procédures à suivre pour doter l’autorité macroprudentielle d’instruments devraient permettre — dans le respect des principes du cadre législatif pertinent — d’ajuster en temps utile les différents outils de la politique face à l’innovation et aux changements au sein du système financier et à la nature changeante des risques pour la stabilité financière. Il faut que l’autorité macroprudentielle justifie ex ante les raisons pour lesquelles elle a besoin de certains instruments et qu’elle puisse de sa propre initiative demander à être dotée de ces instruments. Il convient que les instruments comprennent tant ceux qui ont un effet sur les risques cycliques, tels que des niveaux de levier, des asymétries d’échéances et une croissance du crédit non soutenables, que ceux qui peuvent avoir un effet sur les structures de marché. Une séparation institutionnelle entre les instruments contraignants et non contraignants pourrait être prévue.

(11)

La transparence améliore la compréhension des politiques macroprudentielles par le secteur financier et le grand public et est une condition nécessaire de la responsabilité vis-à-vis du pouvoir législatif, représentant la population dans son ensemble. L’objectif ultime de la politique macroprudentielle étant difficile à quantifier, la responsabilité peut être exprimée en termes d’objectifs intermédiaires atteints, ou par le biais d’explications publiques sur la raison de l’utilisation des instruments macroprudentiels.

(12)

Des pressions peuvent être exercées sur les décideurs de la politique macroprudentielle afin qu’ils ne durcissent pas les politiques macroprudentielles lors d’une période d’expansion ou qu’ils les relâchent lors d’une phase de récession. Afin de sauvegarder la crédibilité de la politique, les autorités macroprudentielles devraient être protégées contre les pressions extérieures par le biais de l’indépendance. Les banques centrales auxquelles les mandats macroprudentiels sont confiés devraient être indépendantes au sens de l’article 130 du traité.

(13)

La présente recommandation est sans préjudice des mandats de politique monétaire des banques centrales dans l’Union et des missions confiées au CERS.

(14)

Les recommandations du CERS sont publiées une fois que l’intention du conseil général du CERS de procéder à la publication a été portée à la connaissance du Conseil de l’Union européenne et que celui-ci a eu la possibilité de réagir,

A ADOPTÉ LA PRÉSENTE RECOMMANDATION:

SECTION 1

RECOMMANDATIONS

Recommandation A —   Objectif

Les États membres sont invités à:

1)

préciser que l’objectif ultime de la politique macroprudentielle est de contribuer au maintien de la stabilité du système financier dans son ensemble, y compris en renforçant la résilience du système financier et en diminuant l’accumulation de risques systémiques, en assurant ainsi une contribution durable du secteur financier à la croissance économique;

2)

assurer que les politiques macroprudentielles peuvent être poursuivies au niveau national à l’initiative de l’autorité macroprudentielle nationale, ou au titre du suivi des recommandations ou des alertes du CERS.

Recommandation B —   Accords institutionnels

Les États membres sont invités à:

1)

désigner dans la réglementation nationale une autorité chargée de la conduite de la politique macroprudentielle, soit en règle générale une seule institution, soit un collège composé de plusieurs autorités dont les mesures ont une influence importante sur la stabilité financière. Il convient que la règlementation nationale précise le processus décisionnel de l’organe de direction de l’autorité macroprudentielle;

2)

mettre en place les mécanismes de coopération entre toutes les autorités dont les mesures ont une influence importante sur la stabilité financière, sans préjudice de leurs mandats respectifs, lorsqu’une seule institution a été désignée comme autorité macroprudentielle;

3)

assurer que la banque centrale joue un rôle de premier plan dans la politique macroprudentielle et que la politique macroprudentielle ne mette pas en cause son indépendance conformément à l’article 130 du traité;

4)

charger l’autorité macroprudentielle de coopérer et d’échanger des informations également au niveau transfrontalier, notamment en informant le CERS des mesures prises afin de faire face aux risques systémiques au niveau national.

Recommandation C —   Missions, pouvoirs, instruments

Les États membres sont invités à:

1)

confier à l’autorité macroprudentielle au moins les missions d’identifier, de surveiller et d’évaluer les risques pour la stabilité financière, et de mettre en œuvre des politiques afin d’atteindre son objectif en prévenant et en atténuant ces risques;

2)

assurer que l’autorité macroprudentielle a le pouvoir, sur demande motivée et avec les accords adéquats afin d’assurer la confidentialité, de demander et d’obtenir dans un délai convenable toutes les données nationales et toutes les informations pertinentes pour l’accomplissement de ses missions, y compris les informations provenant des autorités de surveillance microprudentielles et des autorités de surveillance des marchés de titres, et celles qui ne relèvent pas de la sphère de la réglementation, de même que les informations spécifiques à l’institution. Selon les mêmes principes, l’autorité macroprudentielle devrait partager avec les autorités de surveillance microprudentielles les données et les informations pertinentes pour l’accomplissement de leurs missions par ces autorités;

3)

confier à l’autorité macroprudentielle le pouvoir de désigner et/ou d’élaborer les approches en matière de surveillance afin d’identifier, en coordination avec les autorités de surveillance microprudentielles et les autorités de surveillance des marchés de titres, les institutions et les structures financières qui sont systématiquement pertinentes pour l’État membre concerné, et de déterminer le périmètre de la réglementation nationale ou de formuler des recommandations à cet égard;

4)

assurer que l’autorité macroprudentielle a le contrôle des instruments appropriés pour atteindre ses objectifs. Lorsque c’est nécessaire, il convient d’instituer des procédures claires et accélérées afin de doter l’autorité macroprudentielle d’instruments.

Recommandation D —   Transparence et responsabilité

Les États membres sont invités à:

1)

assurer que les décisions de politique macroprudentielle et leur motivation sont rendues publiques en temps utile, à moins que cela comporte des risques pour la stabilité financière, et que les stratégies de politique macroprudentielle sont définies et publiées par l’autorité macroprudentielle;

2)

confier à l’autorité macroprudentielle le pouvoir de faire des déclarations, publiques ou non, sur le risque systémique;

3)

faire en sorte que l’autorité macroprudentielle soit ultimement responsable devant le parlement national;

4)

assurer une protection juridique pour l’autorité macroprudentielle et son personnel lorsqu’ils agissent de bonne foi.

Recommandation E —   Indépendance

Les États membres sont invités à assurer que:

1)

dans la poursuite de ses objectifs, l’autorité macroprudentielle est au moins indépendante du point de vue opérationnel, notamment à l’égard des organes politiques et de l’industrie financière;

2)

les accords organisationnels et financiers ne compromettent pas la conduite de la politique macroprudentielle.

SECTION 2

MISE EN ŒUVRE

1.   Interprétation

Aux fins de la présente recommandation, on entend par:

«établissements financiers»: les établissements financiers au sens du règlement (UE) no 1092/2010;

«système financier»: le système financier au sens du règlement (UE) no 1092/2010.

2.   Critères de mise en œuvre

1)

Les critères suivants sont applicables pour la mise en œuvre de la présente recommandation:

a)

il convient que les mesures recommandées soient mises en œuvre dans la réglementation nationale;

b)

il y a lieu d’éviter l’arbitrage réglementaire;

c)

il convient de tenir dûment compte du principe de proportionnalité dans la mise en œuvre, eu égard à l’importance systémique différente des institutions financières, aux systèmes institutionnels différents, et en prenant en considération l’objectif et le contenu de chaque recommandation;

d)

aux fins de la recommandation A:

i)

les objectifs politiques intermédiaires peuvent être identifiés comme spécifications opérationnelles de l’objectif ultime;

ii)

la politique macroprudentielle devrait permettre d’agir également vis-à-vis des mesures qui ont une pertinence macroprudentielle.

2)

Les destinataires sont invités à communiquer au CERS et au Conseil les mesures prises en réaction à la présente recommandation ou à fournir une justification adéquate en cas d’inaction. Les rapports doivent au moins contenir:

a)

les informations sur le contenu et le calendrier des mesures prises;

b)

une évaluation du fonctionnement des mesures prises sous l’angle des objectifs de la présente recommandation;

c)

une justification détaillée de toute inaction ou de tout écart par rapport à la présente recommandation, y compris les éventuels retards.

3)   Calendrier du suivi

1)

Les destinataires sont invités à communiquer au CERS et au Conseil les mesures prises en réaction à la présente recommandation ou à fournir une justification adéquate en cas d’inaction, ainsi que précisé dans les paragraphes suivants.

2)

Le 30 juin 2012 au plus tard, les destinataires adressent au CERS un rapport intermédiaire couvrant au moins les aspects suivants: a) une déclaration établissant si un mandat macroprudentiel a été mis en œuvre ou si sa mise en œuvre est prévue; b) un examen du fondement juridique sur lequel repose la mise en œuvre de la présente recommandation; c) la forme institutionnelle prévue pour l’autorité macroprudentielle et les modifications institutionnelles envisagées; d) une analyse de la question de savoir si chacune des présentes recommandations est ou sera couverte par des mesures nationales concernant le mandat macroprudentiel, et dans le cas contraire, la fourniture d’explications adéquates. Le CERS peut informer les destinataires de ses remarques sur le rapport intermédiaire.

3)

Le 30 juin 2013 au plus tard, les destinataires communiquent le rapport final au CERS et au Conseil. Les mesures recommandées devraient être en vigueur le 1er juillet 2013 au plus tard.

4)

Le conseil général peut prolonger les délais mentionnés aux points 2 et 3 lorsque des initiatives législatives sont nécessaires pour se conformer à une ou plusieurs recommandations.

4)   Contrôle et évaluation

1)

Le secrétariat du CERS:

a)

fournit son assistance aux destinataires, y compris en facilitant la coordination dans l’établissement des rapports, en fournissant les modèles appropriés et en donnant des précisions sur les modalités et le calendrier du suivi lorsque cela est nécessaire;

b)

vérifie le suivi par les destinataires, y compris en répondant à leurs demandes d’assistance, et fait rapport sur le suivi au conseil général par l’intermédiaire du comité directeur dans les deux mois de l’expiration des délais prévus pour le suivi.

2)

Le conseil général évalue les mesures et les justifications communiquées par les destinataires et, le cas échéant, détermine si la présente recommandation n’a pas été suivie et si les destinataires n’ont pas donné une justification adéquate de leur inaction.

Fait à Francfort-sur-le-Main, le 22 décembre 2011.

Le président du CERS

Mario DRAGHI


(1)  JO L 331 du 15.12.2010, p. 1.

(2)  JO C 58 du 24.2.2011, p. 4.

(3)  Propositions, par la Commission, d’une directive du Parlement européen et du Conseil concernant l'accès à l'activité des établissements de crédit et la surveillance prudentielle des établissements de crédit et des entreprises d’investissement et modifiant la directive 2002/87/CE du Parlement européen et du Conseil relative à la surveillance complémentaire des établissements de crédit, des entreprises d’assurance et des entreprises d’investissement appartenant à un conglomérat financier [COM(2011) 453 final], ainsi que d’un règlement du Parlement européen et du Conseil sur les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d’investissement [COM(2011) 452 final].