7.3.2012   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

L 68/3


DÉCISION DE LA COMMISSION

du 20 septembre 2011

sur la mesure C 35/10 (ex N 302/10) que le Danemark se propose de mettre en œuvre sous la forme de taxes sur les jeux en ligne dans la loi danoise relative aux taxes sur les jeux

[notifiée sous le numéro C(2011) 6499]

(Le texte en langue danoise est le seul faisant foi.)

(Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE)

(2012/140/UE)

LA COMMISSION EUROPÉENNE,

vu le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, et notamment son article 108, paragraphe 2, premier alinéa,

vu l’accord sur l’Espace économique européen, et notamment son article 62, paragraphe 1, point a),

après avoir invité les parties intéressées à présenter des observations conformément à ces articles (1), et vu ces observations,

considérant ce qui suit:

1.   PROCÉDURE

(1)

Le 6 juillet 2010, les autorités danoises ont notifié, conformément à l’article 108, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), la proposition législative L 203 relative aux taxes sur les jeux [«spilleafgiftsloven» (2)], adoptée le 25 juin 2010 pour des raisons de sécurité juridique. La Commission a demandé de plus amples informations par lettres du 11 août et du 22 septembre 2010. Les autorités danoises ont communiqué les informations souhaitées par lettre du 20 octobre 2010.

(2)

En outre, la Commission a reçu deux plaintes distinctes concernant la proposition de loi relative aux taxes sur les jeux. La première a été déposée le 23 juillet 2010 par l’association danoise de l’industrie des jeux automatiques (Dansk Automat Brancheforening: DAB). La seconde a été déposée le 6 août 2010 par un casino physique, le «Royal Casino». Les deux plaintes ont été transmises le 23 septembre 2010 aux autorités danoises, qui ont été invitées à présenter des observations. Elles les ont communiquées le 20 octobre 2010 dans la lettre précitée.

(3)

Le 10 novembre 2010, une réunion a été organisée à Bruxelles avec les autorités danoises afin d’examiner la notification et les deux plaintes susmentionnées. Lors de la réunion, les autorités danoises ont présenté une note intitulée «The dilemna created by the pending State aid case» (le dilemme créé par l’affaire pendante concernant les aides d’État), où elles expliquaient notamment qu’elles allaient reporter l’entrée en vigueur de la loi notifiée jusqu’à ce que la Commission ait arrêté une décision sur l’affaire (3).

(4)

Dans sa décision du 14 décembre 2010, la Commission a informé le Danemark qu’elle avait décidé d’ouvrir la procédure prévue par l’article 108, paragraphe 2, du TFUE, à l’égard de la mesure notifiée. La décision de la Commission sur l’ouverture de la procédure a été publiée dans le Journal officiel de l’Union européenne  (4). La Commission y a invité les parties intéressées à lui présenter leurs observations.

(5)

Les autorités danoises ont communiqué leurs observations concernant la décision d’ouverture de la procédure dans une lettre datée du 14 janvier 2011.

(6)

Au total, 17 parties intéressées ont communiqué leurs observations entre le 11 février et le 22 février 2011 (5). Celles-ci ont été transmises, le 16 mars 2011, au Danemark, qui a pu formuler ses observations en l’espèce. Celles-ci ont été soumises à la Commission dans une lettre datée du 14 avril 2011.

2.   DESCRIPTION DE LA MESURE

(7)

Après que la Commission a ouvert la procédure d’infraction et transmis un avis motivé le 23 mars 2007 concernant les obstacles à la libre prestation de services de paris sportifs au Danemark (6), le gouvernement danois a décidé de modifier la législation nationale sur les services de jeux et de paris et de remplacer le monopole de vente actuel par un régime régulé et partiellement libéralisé. La libéralisation a notamment été considérée nécessaire pour se conformer au droit de l’Union européenne et pour faire face à la menace des jeux en ligne illégaux proposés par des prestataires de jeux dans d’autres juridictions.

(8)

La loi relative aux taxes sur les jeux fait partie d’un ensemble de lois qui doivent libéraliser le marché des jeux (7). En vertu du paragraphe 1 de la loi sur les jeux, les objectifs généraux de cette nouvelle réforme législative dans le domaine des jeux sont:

maintenir la consommation de jeux d’argent à un niveau modéré,

protéger les jeunes ou d’autres personnes vulnérables contre l’exploitation par le jeu et contre la dépendance au jeu,

protéger les joueurs en veillant à ce que les jeux soient proposés d’une manière équitable, responsable et transparente, et

garantir l’ordre public et éviter que les jeux favorisent la criminalité.

(9)

La loi sur les jeux prévoit que «l’offre ou l’organisation de jeux sont soumises à autorisation, sauf dispositions contraires dans la présente loi ou dans toute autre législation». Par ailleurs, l’offre ou l’organisation de jeux sont imposables (article 1er de la loi relative aux taxes sur les jeux).

(10)

Selon la définition de l’article 5 de la loi sur les jeux, les jeux comprennent: i) la loterie, ii) les jeux de combinaison et iii) les paris.

(11)

Par jeux de combinaison, on entend «les activités dans lesquelles un participant a une chance d’obtenir un gain et où les chances de gain reposent sur une combinaison de compétences et de hasard». Les jeux de combinaison comprennent notamment les jeux souvent proposés par les casinos, comme la roulette, le poker, le baccara, le black jack et les machines à sous.

(12)

L’article 5 de la loi sur les jeux définit les jeux en ligne comme «les jeux engagés entre un joueur et un exploitant de jeux au moyen d’une communication à distance». Cette même disposition définit les jeux physiques comme «les jeux engagés par une rencontre physique entre un joueur et un exploitant de jeux ou son distributeur». Les paris sont définis comme «les activités où un participant a une chance d’obtenir un gain et où l’on parie sur le résultat d’un événement à venir ou la survenue d’un événement à venir».

(13)

En vertu des articles 2 à 17 de la loi relative aux taxes sur les jeux, les jeux suivants sont imposables: i) la loterie, et notamment la loterie de classes et la loterie à but non lucratif; ii) les paris, et notamment les paris mutuels locaux; iii) les casinos physiques; iv) les casinos en ligne; v) les machines à sous dans les salles de jeux et les restaurants; et vi) les jeux sans mises.

(14)

La loi relative aux taxes sur les jeux prévoit plusieurs taux d’imposition pour les jeux, selon qu’ils sont proposés dans des casinos en ligne ou des casinos physiques.

(15)

En vertu de l’article 10 de la loi relative aux taxes sur les jeux, les titulaires d’une autorisation d’exploiter des jeux dans des casinos physiques doivent s’acquitter d’une taxe de base de 45 % des recettes brutes des jeux (RBJ — les mises moins les gains), diminuée de la valeur des jetons dans les troncs, et d’une taxe additionnelle sur 30 % de la tranche des RBJ (diminuée de la valeur des jetons dans les troncs) supérieure à 4 millions de couronnes danoises (calculée mensuellement) (8).

(16)

En vertu de l’article 11 de la loi relative aux taxes sur les jeux, les titulaires d’une autorisation d’exploiter des jeux dans un casino en ligne doivent s’acquitter d’une taxe de 20 % de leurs RBJ.

(17)

Les titulaires d’une autorisation d’exploiter des jeux sur des machines à sous dans des salles de jeux et des restaurants doivent s’acquitter d’une taxe de 41 % de leurs RBJ. Les appareils installés dans des restaurants et des salles de jeux seront soumis à une taxe additionnelle de 30 % sur la tranche des RBJ supérieure respectivement à 30 000 DKK et 250 000 DKK (9).

(18)

Concernant les redevances, lors de la demande d’une autorisation d’exploiter des jeux de paris ou un casino en ligne, le demandeur devra, conformément à la loi sur les jeux, s’acquitter d’une redevance de 250 000 DKK (350 000 DKK si la demande porte à la fois sur les jeux de paris et un casino en ligne) et d’une redevance annuelle d’un montant situé entre 50 000 DKK et 1 500 000 DKK en fonction du volume des recettes des jeux.

(19)

Conformément à la loi sur les jeux, les exploitants de jeux en ligne doivent être soit établis au Danemark, soit avoir désigné un représentant agréé s’ils sont établis dans un autre pays de l’Union européenne ou de l’EEE (article 27).

3.   MOTIFS JUSTIFIANT L’OUVERTURE DE LA PROCÉDURE

(20)

La Commission a ouvert la procédure d’enquête officielle conformément à l’article 108, paragraphe 2, du TFUE concernant la mesure en question, au motif que la mesure pouvait comporter une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, du TFUE.

(21)

La Commission a notamment estimé que la mesure pouvait être considérée comme sélective au regard de la jurisprudence. Elle a rappelé que, lorsqu’une mesure fiscale est jugée sélective, il y a lieu d’examiner si la mesure favorise certaines entreprises par rapport à d’autres qui, vu l’objectif poursuivi par la mesure en question, se trouvent dans une situation factuelle et juridique équivalente (10).

(22)

Compte tenu du caractère des jeux qui sont proposés en ligne et dans les établissements physiques, de l’expérience sociale que ces jeux procurent de ces deux manières et des profils socio-économiques des consommateurs, la Commission a émis des doutes quant à la mesure dans laquelle les différences entre les jeux en ligne et les jeux physiques étaient suffisamment importantes pour que les jeux ne puissent pas être considérés, de droit et de fait, comme comparables au regard de la fiscalité qui leur est applicable au titre de la loi relative aux taxes sur les jeux.

(23)

À ce stade de la procédure, la Commission a également estimé que, si la mesure devait être considérée comme manifestement sélective, les autorités danoises n’avaient pas démontré qu’elle pouvait être justifiée par la logique de la fiscalité.

(24)

À cet égard, les autorités danoises ont précisé que la taxe sur les jeux en ligne reflétait l’équilibre nécessaire entre, d’une part, la prise en compte de l’objectif de la législation danoise sur les jeux et, d’autre part, la nécessité de pouvoir faire face à la concurrence des exploitants en ligne établis dans des pays où la taxe est moins élevée.

(25)

Concernant la référence des autorités danoises aux objectifs généraux de la loi sur les jeux (voir no 8), la Commission a par ailleurs estimé que ces objectifs semblent posséder un caractère général et dépasser le cadre du système fiscal. La jurisprudence indique que seuls les objectifs intrinsèques du système fiscal peuvent être valables et la Commission n’a pas jugé que les autorités danoises avaient suffisamment étayé leur demande de justifier la mesure fiscale en question par la logique de la fiscalité.

(26)

En outre, la Commission a fait valoir que la loi notifiée comportait un avantage fiscal accordé au moyen de ressources d’État dans la mesure où, en renonçant à des recettes fiscales, un avantage a été accordé sous la forme de taxes beaucoup moins élevées pour les exploitants de jeux en ligne. Par ailleurs, étant donné qu’elle confère aux exploitants en ligne qui mènent des activités au Danemark un avantage économique important, la mesure pourrait affecter les échanges dans le marché intérieur et fausser la concurrence.

(27)

Enfin, la Commission s’est demandée à quel point la mesure notifiée bénéficiait de certaines exceptions prévues à l’article 107, paragraphes 2 et 3, du TFUE.

4.   OBSERVATIONS DES AUTORITÉS DANOISES

(28)

Les autorités danoises ont transmis, par lettre datée du 14 janvier 2011, leurs observations sur la décision de la Commission d’ouvrir la procédure.

(29)

Les autorités danoises affirment, sur la base d’une liste de différences réelles et économiques entre les jeux en ligne et les jeux physiques incluse dans leur notification de la mesure, que les jeux en ligne doivent être considérés comme une activité différente des jeux physiques.

(30)

Selon les autorités danoises, le logiciel utilisé dans certains jeux électroniques exploités dans des casinos physiques n’est pas le même que celui utilisé dans les casinos en ligne. Outre le fait que les plateformes et les fournisseurs ne sont pas les mêmes, il existe une différence significative avec ces jeux électroniques en ce sens que la présence physique des joueurs est nécessaire pour pouvoir jouer dans les casinos physiques. Cette présence physique implique divers coûts (par ex., frais de transport, paiement d’un droit d’entrée et du vestiaire, ainsi que frais de restauration) que n’occasionnent pas les jeux en ligne.

(31)

Les autorités danoises ont estimé que le fait que plusieurs États membres continuaient d’interdire les jeux en ligne, tout en autorisant les jeux physiques, reflétait les différences d’exploitation de ces deux types de jeux.

(32)

Par ailleurs, les autorités danoises ont prétendu que la Commission, dans son estimation, n’avait pas tenu compte des conclusions de l’étude de la Commission de 2006 sur les services de jeux dans le marché intérieur de l’Union européenne [Study of Gambling Services in the Internal Market of the European Union  (11)], selon laquelle les casinos en ligne et les casinos physiques doivent être considérés comme des marchés distincts.

(33)

Les autorités danoises ont également souligné que la Commission se concentre uniquement sur les casinos physiques dans son évaluation et qu’elle ne tient pas compte de ce que des jeux automatiques (à savoir les machines à sous, mais pas la roulette, le black jack, le poker, etc.) sont installés dans des restaurants et des salles de jeux physiques.

(34)

Concernant la justification de la mesure par rapport à la logique de la fiscalité, les autorités danoises indiquent que la Commission a probablement mal interprété l’objectif de la mesure notifiée. L’objectif de cette mesure n’est pas de protéger l’industrie des jeux danoise contre la concurrence internationale mais, au contraire, de réaliser les quatre objectifs prévus dans la législation (maintenir la consommation des jeux d’argent à un niveau modéré; protéger les jeunes ou d’autres personnes vulnérables contre l’exploitation par les jeux ou le développement d’une dépendance au jeu; protéger les joueurs en veillant à ce que les jeux soient proposés d’une manière équitable, responsable et transparente; et garantir l’ordre public et éviter que les jeux favorisent la criminalité).

(35)

Concernant les taux d’imposition différents pour les jeux en ligne et les jeux physiques, les autorités danoises expliquent qu’elles sont confrontées à un dilemme en matière de législation et de contrôle. D’un côté, elles ne peuvent plus maintenir la situation de monopole actuelle et reporter la libéralisation du marché des jeux en ligne. D’un autre côté, l’introduction d’un niveau d’imposition unique pour les jeux en ligne et les jeux physiques nuirait aux objectifs politiques du gouvernement en la matière.

(36)

Les autorités danoises ont notamment indiqué que l’établissement d’un niveau d’imposition unique pour tous les jeux entraînerait des solutions inégales, quel que soit le modèle d’imposition choisi. Si les autorités danoises optaient pour un modèle fondé sur une taxe faible de 20 % pour tous les jeux, cela constituerait un encouragement important à jouer dans les casinos physiques pour les consommateurs, ce qui serait contraire au principe général de protection du consommateur.

(37)

Par contre, un modèle fondé sur une taxe plus élevée que celle appliquée aux jeux physiques découragerait les exploitants en ligne de demander l’autorisation d’exploiter des jeux au Danemark, c’est-à-dire irait à l’encontre de l’objectif de libéralisation de la loi. Parallèlement, ce serait contraire au principe général de la protection du consommateur, car il ne serait pas possible de contrôler efficacement les jeux en ligne.

(38)

Pour appuyer leur point de vue, les autorités danoises ont transmis une note datée du 6 mars 2010 émanant du ministère danois chargé des contributions et adressée aux porte-parole politiques des partis représentés au Parlement concernant l’établissement du niveau d’imposition (12). Selon la note, il convient de considérer les différences actuelles de traitement fiscal comme une conséquence de la recherche du juste milieu entre, d’une part, la garantie du respect de la loi et, d’autre part, la maximisation des recettes fiscales et le maintien à un niveau modéré de la consommation des jeux d’argent.

(39)

Selon les autorités danoises, il convient à cet égard de prendre également en considération la concurrence internationale et le caractère mondial de l’industrie des jeux en ligne. Dans ce contexte, les autorités danoises renvoient à l’étude de 2006 sur les services de jeux dans le marché intérieur de l’Union européenne («Study of Gambling Services in the Internal Market of the European Union»), qui indique que le coût pour un exploitant que représente l’offre de jeux localement ne doit pas être supérieur au coût de la même offre faite à partir de l’étranger, de manière à ce qu’il soit plus attirant et pour le consommateur et pour l’exploitant de jouer et d’exploiter des jeux au sein de la juridiction nationale en question (13).

(40)

Les autorités danoises n’estimaient par ailleurs pas que le principe établi par l’arrêt de la Cour de justice dans l’affaire Salzgitter, et qui signifie que la Commission ne doit pas comparer le niveau d’imposition notifié avec les niveaux d’imposition dans d’autres États membres quand elle évalue si la mesure notifiée constitue une aide d’État (14), soit pertinent dans le cadre de la loi notifiée, puisque la différenciation fiscale des jeux physiques et des jeux en ligne ne repose que sur des considérations fiscales nationales. Le gouvernement danois n’a pas tenu compte des taux d’imposition en vigueur dans d’autres États membres pour renforcer la position concurrentielle de l’industrie des jeux danoise, mais a simplement souhaité trouver un équilibre adéquat entre les quatre objectifs précités de la loi notifiée.

(41)

En outre, les autorités danoises ont précisé que la Commission n’interprétait pas correctement l’arrêt Salzgitter, en ce qu’elle ne s’en est pas inspirée pour l’évaluation du caractère sélectif de la mesure notifiée mais, au contraire, pour l’étude destinée à savoir si la sélectivité de la mesure notifiée pouvait être considérée comme justifiée.

(42)

Les autorités danoises estiment pour ces raisons que la mesure fiscale notifiée, pour autant qu’elle soit jugée sélective, doit être considérée comme justifiée par rapport à la logique de la fiscalité.

5.   OBSERVATIONS DES PARTIES INTÉRESSÉES

(43)

La Commission a reçu les observations de 17 parties intéressées, dont les plaignants. Parmi elles, sept étaient des associations (15), sept étaient des entreprises (16) et trois étaient des États membres (17).

(44)

Concernant la sélectivité de la mesure, certaines parties intéressées ont affirmé que les casinos en ligne et les casinos physiques ne se trouvent pas dans une situation factuelle et juridique comparable, vu que ces entreprises n’opèrent pas sur le même marché et que la mesure fiscale ne déroge par conséquent pas au système fiscal général. La mesure fiscale ne doit dès lors pas être considérée comme sélective.

(45)

Les parties intéressées étayent ce point de vue en indiquant qu’il existe une différence importante entre les produits exploités par les casinos physiques et les casinos en ligne. Les activités des casinos physiques possèdent une dimension sociale où la conversation, la présence et l’environnement physique occupent, au contraire des jeux en ligne, une place importante dans l’expérience de jeu. Les jeux physiques doivent dès lors être considérés comme participant de l’expérience récréative globale que viennent compléter d’autres activités, parmi lesquelles la restauration, le bar, les infrastructures de conférence et l’hôtellerie.

(46)

Ces parties intéressées prétendent également que les jeux en ligne et les jeux physiques ne comportent pas le même risque de développement d’une assuétude. Cette opinion est appuyée par la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne qui constate que «les caractéristiques propres à l’offre de jeux de hasard par Internet peuvent […] s’avérer une source de risques de nature différente et d’une importance accrue en matière de protection des consommateurs» (18). Il est également fait référence à l’étude réalisée par l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (19), selon laquelle les jeux en ligne comportent un risque réel de développement d’une assuétude, auquel il convient de faire face par la réglementation du marché des jeux en ligne.

(47)

Certaines parties intéressées ont par ailleurs précisé que le marché des jeux est divisé en fonction du canal de distribution, qui devrait être décisif pour distinguer des marchés différents dans ce domaine. Elles évoquent à cet égard une déclaration du 20 janvier 2011 de l’Autorité de la concurrence française, qui indique que l’on peut opérer une distinction entre les jeux en ligne et les jeux dans les clubs ou les établissements spécialisés (20).

(48)

Certaines parties intéressées ont également souligné que les exploitants physiques sont soumis à une concurrence limitée au sein de la zone géographique spécifique où ils exploitent leurs jeux. Les exploitants en ligne sont par contre en forte concurrence avec d’autres exploitants en ligne. Étant donné que les produits des jeux dans les casinos physiques sont liés à un lieu physique, les clients doivent se déplacer physiquement jusqu’à ce lieu. Au Danemark, il n’existe que six casinos physiques. Les jeux en ligne permettent en revanche aux joueurs d’accéder à un grand nombre d’opportunités de jeu proposées par différents exploitants internationaux. La forte concurrence parmi les casinos en ligne est par ailleurs encore renforcée par les sites web spécialisés qui comparent différentes offres d’exploitants de jeux en ligne et par les nombreux blogs et forums qui permettent aux joueurs de comparer les produits, les prix et les services des exploitants en ligne.

(49)

Ces parties intéressées soulignent également que les marges commerciales des jeux en ligne sont sensiblement plus basses que celles des jeux physiques en raison de la forte concurrence entre les exploitants en ligne et de l’absence d’une telle concurrence entre les casinos physiques. Les marges commerciales des casinos en ligne, calculées par rapport au pourcentage de remboursement, à savoir le pourcentage de mises remboursées aux clients, seront dès lors beaucoup plus faibles. Les casinos physiques peuvent en outre proposer d’autres produits que l’on ne trouve pas dans un environnement en ligne et réalisent une marge sur ceux-ci, par exemple l’hôtel du casino, le bar et la restauration. Vu que les exploitants de jeux physiques peuvent par conséquent réaliser un bénéfice plus élevé sur les jeux que les exploitants en ligne, la différenciation fiscale peut être considérée comme justifiée au regard du principe de la «capacité économique à payer» au titre duquel ceux qui peuvent supporter une charge fiscale plus importante doivent payer des taxes plus élevées.

(50)

Outre les arguments ci-dessus, certaines parties intéressées ont également indiqué que, même si l’on a estimé que la mesure danoise était sélective, elle se justifierait au regard de la nature et de l’économie du système fiscal. L’objectif des différents taux d’imposition danois était de veiller à ce que les exploitants en ligne demandent l’autorisation danoise et soient alors soumis à la fiscalité danoise, et également de garantir la prise en compte de la protection du consommateur telle qu’établie dans la législation danoise sur les jeux.

(51)

Certaines parties intéressées ont évoqué à cet égard la communication de la Commission de 1998 sur l’application des règles relatives aux aides d’État aux mesures relevant de la fiscalité directe des entreprises (21), qui précise que la raison d’être du système fiscal est de collecter des recettes destinées à financer les dépenses de l’État. Elles ne veulent pas dire par là que l’objectif d’optimiser les recettes fiscales de l’offre de jeux en ligne aux Danois sera réalisé grâce à un taux d’imposition plus élevé que celui fixé pour les jeux en ligne dans la loi notifiée.

(52)

À la différence des arguments ci-dessus, des observations contre la position des autorités danoises ont été présentées par d’autres parties intéressées - principalement des exploitants de jeux physiques.

(53)

Ces parties intéressées affirment essentiellement que le régime fiscal danois doit être considéré comme sélectif dans la mesure où il instaure une différence de traitement fiscal entre deux groupes d’entreprises qui se trouvent dans une situation juridique et factuelle comparable au regard de l’objectif de la mesure. Ces parties prétendent que les casinos en ligne et les casinos physiques mènent des activités concurrentes sur un seul et même marché et se trouvent dès lors dans une situation comparable.

(54)

Pour appuyer cette position, les parties intéressées affirment que les jeux exploités par les casinos physiques et les casinos en ligne sont similaires. On peut dire que les règles des jeux de casino sont identiques et l’interaction virtuelle avec des croupiers et d’autres joueurs en ligne peut être comparée à l’interaction réelle dans les casinos physiques. Les producteurs de jeux automatiques physiques créeront les mêmes modèles pour l’utilisation en ligne que pour l’utilisation physique. D’un point de vue technique, les jeux de casino exploités en ligne et dans les établissements physiques seront dès lors identiques en ce qui concerne la plateforme technologique, les descriptions, les fonctions, les formats et les paramètres.

(55)

Les parties intéressées affirment en outre que les profils des consommateurs des casinos en ligne et des casinos physiques concordent. La question du consommateur ne doit par conséquent pas être employée comme un argument essentiel en faveur de la distinction à opérer entre les jeux en ligne et les jeux physiques.

(56)

Certaines parties intéressées n’estiment pas que les jeux en ligne doivent être considérés comme une activité différente des jeux physiques mais simplement comme un autre canal de l’offre de jeux.

(57)

Les parties intéressées estiment, dans le prolongement des arguments précédents, que le marché des jeux actuel doit être considéré comme un seul marché qui présente un développement important caractérisé par le fait qu’un grand nombre de joueurs migrent des casinos physiques vers les casinos en ligne. Plusieurs causes peuvent expliquer cette récente évolution, entre autres l’expansion permanente de l’internet, les frais de fonctionnement faibles des casinos en ligne à tous les niveaux (infrastructures, personnel et frais fixes), la possibilité qu’ont les casinos en ligne de proposer un accès illimité aux jeux en ligne, partout et à toute heure, en raison du progrès actuel des nouvelles technologies.

(58)

Les parties intéressées prévoient que ce décalage de parts de marché entre les jeux physiques et les jeux en ligne va s’étendre du fait de l’évolution technologique rapide, des idées entrepreneuriales et de la pénétration du marché qui caractérisent le commerce électronique et qui ont rendu ce segment des jeux très dynamique et flexible. À cet égard, elles évoquent la déclaration de l’avocat général Bot dans l’affaire concernant la Liga Portuguesa de Futebol Profissional  (22), qui indique que l’influence des nouveaux moyens de communication signifie que les jeux de hasard et d’argent, qui pouvaient uniquement être proposés dans certains lieux par le passé, peuvent à présent être organisés quels que soient le moment et le lieu grâce au développement de nouvelles technologies comme le téléphone, la télévision interactive et l’internet.

(59)

Il est également fait référence à l’étude de la Commission de 2006 sur les services de jeux dans le marché intérieur (23). Selon cette étude, les jeux dans les casinos seront à l’avenir de plus en plus fondés sur des serveurs, car les jeux automatiques sont de plus en plus des logiciels de jeux qui peuvent être téléchargés sur internet (24). Cette évolution se caractérisera par le développement de nouveaux établissements de jeux hybrides.

(60)

Les parties intéressées concluent, sur la base de l’argument ci-dessus, que la mesure est sélective, dans la mesure où les casinos en ligne et les casinos physiques constituent une forme d’entreprise comparable de droit et de fait. Cette sélectivité ne peut en outre pas se justifier par la logique de la fiscalité. Elles n’estiment par ailleurs pas que l’instauration d’une taxe plus élevée empêchera les exploitants en ligne de demander une autorisation au Danemark.

(61)

La référence faite par le Danemark aux systèmes fiscaux nationaux d’autres États membres pour justifier la nécessité d’attirer les exploitants de casinos en ligne n’est d’ailleurs pas pertinente puisque la jurisprudence indique que la justification ne peut se fonder que sur le système fiscal national (25). L’argument des autorités danoises, selon lequel une diminution de la taxe applicable à certaines entreprises est indispensable pour mettre en place une forte concurrence sur le marché, est un argument régulièrement rejeté dans la jurisprudence.

6.   OBSERVATIONS DU DANEMARK SUR LES OBSERVATIONS DES PARTIES INTÉRESSÉES

(62)

Les autorités danoises font valoir que la mesure notifiée ne constitue pas une aide d’État et n’est pas sélective, et soulignent que tous les pays qui ont présenté des observations partagent leur point de vue selon lequel il convient, du point de vue juridique, de distinguer les casinos en ligne des casinos physiques.

(63)

Elles précisent en outre que la méthode employée pour définir le marché en cause en vertu des articles 101 et 102 du TFUE s’applique aux entreprises privées et est fondée sur une évaluation de la possibilité de substitution du produit d’un point de vue de l’offre et de la demande et qu’elle ne doit par conséquent pas servir dans le cadre de l’évaluation d’une aide d’État. L’emploi d’une telle méthode serait contraire à la portée des règles en matière d’aide d’État appliquées dans le cas présent à des compétences souveraines d’un État membre dans le domaine des impôts et des taxes.

(64)

Selon elles, il convient de distinguer les jeux en ligne des jeux physiques. À cet égard, elles évoquent la position de la Commission dans des affaires de concentrations selon laquelle les jeux automatiques (jackpots, machines à sous et jeux automatiques employant respectivement argent liquide et jetons) constituent un marché de produit distinct (26). Par ailleurs, elles citent notamment un arrêt rendu par l’Autorité française de la concurrence qui établit que le poker physique ne fait pas partie du même marché que le poker en ligne, étant donné que le poker physique exige un contrôle de ses propres attitudes physiques, l’observation des autres joueurs et souvent des mises plus élevées et qu’il comporte une limite géographique (27). Il est également fait référence à une décision concernant une fusion, prise par le British Office of Fair Trading, où une distinction est effectuée entre, d’une part, les guichets de jeu autorisés qui proposent des paris et, d’autre part, les paris proposés au moyen du téléphone et de l’internet (28).

(65)

Concernant les différences sur les marchés de produit, les autorités danoises soulignent que bon nombre des parties intéressées indiquent que d’autres services essentiels sont proposés dans les établissements de jeux. Elles maintiennent que d’un point de vue sociologique, les joueurs en ligne et les joueurs physiques possèdent des profils de consommation différents, ce qui ressort également du nouveau livre vert de la Commission du 24 mars 2011 sur les jeux en ligne dans le marché intérieur, selon lequel les joueurs en ligne possèdent à première vue un autre profil que les clients traditionnels des casinos et les clients des guichets de jeux (29).

(66)

Les autorités danoises répètent également que le pourcentage de remboursement des exploitants en ligne est sensiblement plus élevé en raison de leurs frais de fonctionnement plus réduits. Elles soulignent aussi que les différences entre les casinos en ligne et les casinos physiques s’expriment entre autres dans les aspects techniques du logiciel utilisé, les diverses règles pour obtenir l’autorisation et la position dominante des casinos physiques au niveau local.

(67)

Les autorités danoises contestent par ailleurs l’interprétation de certaines parties intéressées de la déclaration précitée de l’avocat général Bot dans l’affaire de la Liga Portuguesa. Elles indiquent que cette déclaration, effectuée dans le cadre d’une affaire de libre circulation des services, est conforme au principe selon lequel les exploitants de jeux en ligne se trouvent dans une autre situation juridique et factuelle que les exploitants physiques.

(68)

Les autorités danoises reconnaissent cependant que certains types de jeux en ligne peuvent constituer une autre forme de vente, par exemple les paris.

(69)

Concernant l’objectif de la loi notifiée, les autorités danoises rejettent l’argument de certaines parties intéressées selon lequel la loi notifiée doit avoir pour but d’attirer les exploitants de jeux étrangers. L’objectif du gouvernement est celui défini dans la loi relative aux taxes sur les jeux. L’objectif général de la nouvelle loi reste en outre inchangé, à savoir générer des recettes grâce aux jeux comme toute autre réglementation équivalente destinée à collecter des recettes pour financer le budget de l’État.

(70)

Les autorités danoises s’associent à certaines parties intéressées pour dire que la capacité de paiement des assujettis doit être considérée comme une justification valable. La capacité de paiement des exploitants de jeux en ligne sera certainement, dans le cas présent, sensiblement inférieure.

(71)

Enfin, les autorités danoises font valoir que leur régime fiscal pour les jeux en ligne a pour objectif de garantir un niveau de recettes le plus élevé possible. La taxe moins élevée pour les jeux en ligne reflète en effet la nécessité d’équilibrer les quatre objectifs définis dans la loi notifiée avec le besoin de maximiser les recettes fiscales.

7.   APPRÉCIATION DE LA MESURE

7.1.   Aides d’État au titre de l’article 107, paragraphe 1, du TFUE

(72)

Selon l’article 107, paragraphe 1, du TFUE, sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d’État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions.

7.1.1.   Ressources d’État

(73)

Selon l’article 107, paragraphe 1, du TFUE, il s’agit d’aides accordées par les États ou d’aides accordées au moyen de ressources d’État. Une perte de recettes fiscales équivaut à la consommation de ressources d’État sous la forme de dépenses fiscales.

(74)

Dans le cas présent, aucune des parties, que ce soit les autorités danoises, les plaignants ou les parties intéressées, n’a contesté le fait qu’il s’agit de ressources d’État.

(75)

En imposant aux exploitants de jeux en ligne une taxe relativement faible, fixée à 20 % de leurs RBJ (30), les autorités danoises renoncent à une recette, c’est-à-dire des ressources d’État. La Commission estime par conséquent que la mesure en question comporte une perte de recette et qu’elle est dès lors mise en œuvre au moyen de ressources d’État.

7.1.2.   Avantage

(76)

La mesure devra en outre conférer un avantage au bénéficiaire. Par avantage, il ne faut pas uniquement comprendre les prestations positives mais également des interventions qui, sous des formes diverses, allègent les charges qui normalement grèvent le budget d’une entreprise (31).

(77)

Dans le cas présent, aucune des parties, que ce soit les autorités danoises, les plaignants ou les parties intéressées, n’a contesté le fait qu’il s’agit d’un avantage.

(78)

Conformément à la loi relative aux taxes sur les jeux, les exploitants en ligne doivent s’acquitter d’une taxe de 20 % de leurs RBJ. Ce taux est considérablement plus faible que celui imposé aux exploitants de jeux physiques. Les exploitants de jeux en ligne bénéficient ainsi d’un avantage sous la forme d’une charge fiscale moindre. La mesure en question confère par conséquent un avantage aux entreprises qui exploitent les jeux en ligne.

7.1.3.   Distorsion de la concurrence et altération des échanges

(79)

Selon l’article 107, paragraphe 1, du TFUE, la mesure doit affecter les échanges entre les États membres de l’Union européenne et fausser ou menacer de fausser la concurrence. Dans le cas présent, les exploitants de jeux en ligne qui souhaitent s’établir au Danemark seront soumis à la concurrence et participeront aux échanges entre les États membres. La loi relative aux taxes sur les jeux, qui comporte un traitement fiscal préférentiel des entreprises danoises qui exploitent les jeux en ligne, affecte dès lors les échanges entre les États membres et fausse ou menace de fausser la concurrence.

7.1.4.   Sélectivité

(80)

Pour être considérée comme une aide d’État au titre de l’article 107, paragraphe 1, du TFUE, la mesure devra être sélective, à savoir favoriser certaines entreprises ou certaines productions.

(81)

Selon la jurisprudence, le critère de sélectivité est interprété de façon telle qu’une mesure est considérée comme sélective si elle exempte partiellement ces entreprises des charges pécuniaires découlant de l’application normale du système général de contributions obligatoires imposées par la loi (32). Une mesure est notamment considérée comme sélective si elle déroge au système fiscal général. La jurisprudence prévoit à cet égard qu’il convient d’examiner si une mesure donnée favorise certaines entreprises par rapport à d’autres qui se trouveraient, au regard de l’objectif poursuivi par ledit régime, dans une situation factuelle et juridique comparable (33).

(82)

Si l’on estime qu’une mesure s’écarte du système fiscal général, il convient d’examiner, selon la jurisprudence, si l’écart découle de la nature ou de l’économie du système fiscal dont il fait partie (34). Autrement dit, il y a lieu d’examiner si la mesure en question, qui semble à première vue sélective, peut se justifier par la logique de la fiscalité (35).

(83)

Dans le cas présent, il convient de définir le système de référence comme le régime fiscal appliqué aux jeux danois. L’objectif de la loi relative aux taxes sur les jeux est de réguler le paiement des taxes de tous les jeux exploités ou organisés au Danemark, qu’il s’agisse des jeux en ligne ou des jeux physiques. C’est dès lors sur la base de ce système fiscal de référence que la mesure en question (à savoir le traitement fiscal préférentiel des jeux en ligne) sera appliquée.

(84)

Étant donné que la loi notifiée prévoit que les titulaires d’une autorisation d’exploiter des jeux dans des casinos en ligne doivent s’acquitter d’une taxe de 20 % sur les recettes brutes des jeux (RBJ), tandis que les titulaires d’une autorisation d’exploiter des jeux dans des casinos physiques doivent payer une taxe de base de 45 % des RBJ, augmentée d’une taxe additionnelle jusqu’à 30 % des RBJ, la question se pose de savoir dans quelle mesure les exploitants de jeux en ligne et les exploitants de jeux physiques, qui sont donc soumis à des charges fiscales différentes, doivent être considérés comme comparables de droit et de fait.

(85)

À cet égard, les autorités danoises ont maintenu que les jeux en ligne et les jeux physiques ne se trouvent pas dans une situation juridique et factuelle comparable en matière de plateforme, de frais, de marges commerciales, d’expérience sociale, de fournisseurs et de produits.

(86)

À l’instar d’autres parties intéressées, elles ont en outre souligné une différence significative entre les deux catégories d’exploitants, à savoir la forte concurrence à laquelle sont soumis les casinos en ligne, comparés aux exploitants physiques, qui ne connaissent pas de concurrence.

(87)

Malgré plusieurs différences objectives entre les exploitants de jeux en ligne et les exploitants de jeux physiques (notamment la présence physique comparée à la présence en ligne), la Commission estime que lesdites différences entre les casinos en ligne et les casinos physiques ne suffisent pas pour opérer, de droit et de fait, une distinction claire entre les deux types d’entreprises.

(88)

La Commission remarque à ce propos que les jeux proposés par des exploitants de jeux physiques et des exploitants de jeux en ligne sont équivalents. Les jeux exploités à la fois par les exploitants de jeux en ligne et les exploitants de jeux physiques — entre autres roulette, baccara, punto banco, black jack, poker et machines à sous — constituent la même forme de jeux, qu’ils soient exploités en ligne ou dans un lieu physique. D’un point de vue technique, il semble que les jeux de casinos, exploités en ligne et dans des établissements physiques, soient par ailleurs comparables au niveau de leur plateforme technologique, leurs formats et leurs paramètres.

(89)

Dans ce contexte, la Commission estime que les jeux en ligne peuvent être considérés, d’un point de vue fiscal, comme un nouveau canal de distribution du même type de jeux. La Commission appuie cet avis en évoquant les efforts importants réalisés par les casinos en ligne pour simuler l’expérience dans un casino physique, de sorte que les joueurs en ligne ont l’impression de jouer dans un casino physique et non dans un environnement virtuel.

(90)

Les autorités danoises ont appuyé leur avis en indiquant que les jeux en ligne et les jeux physiques ne peuvent pas être comparés d’un point de vue juridique et factuel, entre autres en faisant référence à une décision prise par le British Office of Fair Trading où une distinction est effectuée entre, d’une part, les guichets de jeux autorisés qui exploitent les jeux de paris et, d’autre part, les jeux de paris exploités via le téléphone et l’internet (36). Cette décision n’étaye cependant pas la position des autorités danoises, en ce sens que celles-ci considèrent les paris en ligne et les paris physiques comme des services identiques (37). Il est à cet égard illogique que les autorités danoises considèrent les paris physiques et les paris en ligne comme un seul et même service et qu’elles les aient par conséquent soumis au même régime fiscal, alors qu’elles considèrent d’autres types de jeux en ligne et de jeux physiques comme des activités distinctes et qu’elles appliquent à ces jeux des taux d’imposition différents.

(91)

Les autorités danoises ont également évoqué la décision de la Commission dans l’affaire Candover/Cinven/Gala (38), selon laquelle les jeux automatiques (jackpots, machines à sous et jeux automatiques employant respectivement argent liquide et jetons) constituent un marché de produit indépendant (39). Bien que cette décision ne concernât ni l’application des règles en matière d’aide d’État, ni la question de la sélectivité, il en ressort toutefois que les jeux automatiques (jackpots, machines à sous et jeux automatiques employant respectivement argent liquide et jetons) constituent un marché de produit distinct, de sorte qu’ils peuvent également être considérés comme faisant partie de l’offre de jeux aux différents endroits où ils sont exploités, à savoir les casinos, les clubs de banco, les salles de jeux, les bars, les guichets de jeux, etc. (40)

(92)

Les prétendues différences de profil socio-économique des consommateurs, le risque de développement d’une dépendance aux jeux et l’évolution du marché ne représentent pas non plus des conditions suffisantes pour affirmer que les jeux en ligne et les jeux physiques constituent deux types d’activités différents, qui ne sont pas comparables de droit et de fait. Certaines études auxquelles se réfèrent les autorités danoises et également les plaignants semblent comporter des données probantes qui soutiennent la conclusion opposée. Concernant l’étude de la Commission de 2006 sur les services de jeux dans le marché intérieur (41), les autorités danoises affirment en effet que ce rapport devrait montrer que le marché en ligne et le marché physique sont différents (42). Certaines parties intéressées (43) ont elles aussi évoqué ce rapport, mais aux fins de démontrer que le marché des jeux en ligne ne doit pas être considéré comme un nouveau marché, mais au contraire comme une évolution du marché des jeux caractérisée par le développement de nouveaux établissements de jeux hybrides (44).

(93)

L’étude menée par l’Institut de recherche sociale danois (45) et à laquelle les autorités danoises et les plaignants font référence comporte également des propos contradictoires. Alors que les autorités danoises prétendent que les joueurs des casinos diffèrent en termes d’âge, de genre et de formation par rapport aux joueurs des casinos en ligne, les plaignants évoquent cette même étude pour arriver à la conclusion opposée, à savoir qu’il n’existe aucune différence réelle entre les profils des consommateurs dans les casinos physiques et les casinos en ligne. Selon eux, l’étude montre que les joueurs, tant dans les casinos physiques que dans les casinos en ligne, font typiquement partie du même groupe d’hommes jeunes dans la tranche d’âge de 18 à 24 ans (46).

(94)

Sur la base de cette même étude, la Commission conclut que les casinos en ligne et les casinos physiques doivent être considérés comme étant dans une situation juridique et factuelle comparable. Dans la mesure où les jeux en ligne et les jeux physiques comportent les mêmes risques, la mesure notifiée concerne tant les jeux en ligne que les jeux physiques. La mesure comporte un traitement fiscal préférentiel pour les exploitants de jeux en ligne au détriment des casinos physiques. Il en découle que la mesure en question doit à première vue être considérée comme sélective au sens de l’article 107 du TFUE, puisqu’elle s’écarte du système fiscal général.

(95)

Au regard de la jurisprudence, il conviendra d’évaluer si une mesure qui semble à première vue sélective, peut se justifier par rapport à la nature et à l’économie du système fiscal. Les principes fondamentaux ou les lignes directrices du système fiscal peuvent servir de justification valable de la sélectivité d’une mesure.

(96)

À cet égard, les autorités danoises ont indiqué que, compte tenu des conditions particulières qui caractérisent le secteur concerné, le traitement fiscal préférentiel des exploitants de jeux en ligne constituait l’unique manière de garantir l’efficacité du système fiscal danois. L’établissement d’une taxe plus élevée empêcherait notamment les exploitants de jeux en ligne de demander une autorisation danoise, alors que l’instauration d’une taxe plus réduite pour tous les exploitants de jeux serait contraire à l’objectif général de maintenir la consommation de jeux à un niveau modéré.

(97)

Les autorités danoises affirment également que la capacité de paiement des exploitants de jeux en ligne, qui serait apparemment inférieure à celle des exploitants de casinos physiques, pourrait justifier les taux d’imposition différents appliqués à ces deux groupes d’exploitants.

(98)

À la lumière des arguments ci-dessus, la Commission rappelle qu’un État membre, selon la jurisprudence (47) et la communication de la Commission sur l’application des règles relatives aux aides d’État aux mesures relevant de la fiscalité directe des entreprises (48), doit justifier que la mesure en question découle des principes fondamentaux du système. Une justification tirée de la nature ou de l’économie du système fiscal en cause constitue une exception au principe d’interdiction des aides d’État et doit, par conséquent, être comprise de manière stricte (49).

(99)

Les autorités danoises sont notamment appelées à établir que la mesure fiscale en question est justifiée par la logique de la fiscalité. Or, les autorités danoises n’ont pas présenté de documentation suffisante ou convaincante à l’appui de leur position selon laquelle une baisse de la taxe pour un segment particulier (exploitants en ligne) dans une catégorie plus large (exploitants de jeux), afin d’encourager les premiers nommés à demander une autorisation, découle des principes et de la logique de la fiscalité. L’objectif d’attirer les exploitants étrangers de jeux en ligne au Danemark et de les soumettre aux règles danoises doit être considéré comme un but d’ordre public qui ne relève pas de la logique de la fiscalité.

(100)

Concernant la capacité de paiement jugée inférieure des exploitants de jeux en ligne, les autorités danoises ne sont pas non plus parvenues à justifier la différence entre la rentabilité des casinos en ligne et des casinos physiques, qui peut expliquer la différence de traitement fiscal. Les autorités danoises n’ont pas non plus justifié que la capacité économique à payer soit un principe intrinsèque du système danois de fiscalité directe des entreprises qui, dans le cas présent, peut permettre de justifier la différence de traitement fiscal entre les casinos en ligne et les casinos physiques.

(101)

Sur la base de ce qui précède, la Commission considère que la sélectivité de la loi notifiée ne peut pas être justifiée par la logique du régime fiscal.

7.1.5.   Conclusion

(102)

À la lumière de ce qui précède, la Commission estime que les critères de l’article 107, paragraphe 1, du TFUE sont remplis et que la mesure, à savoir l’imposition d’une taxe moins élevée pour les jeux en ligne, constitue une aide d’État pour les exploitants de jeux en ligne établis au Danemark.

7.2.   Compatibilité de la mesure avec le marché intérieur au titre de l’article 107, paragraphe 3, point c), du TFUE

(103)

L’article 107, paragraphes 2 et 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne fixe des règles permettant de déterminer quand certaines mesures d’aide sont compatibles avec le marché intérieur et quels types de mesures d’aide peuvent être considérés comme compatibles avec le marché intérieur.

(104)

La Commission estime que la présente mesure peut être considérée comme compatible avec le marché intérieur conformément aux exceptions prévues à l’article 107, paragraphe 3, point c), du TFUE, qui autorise «les aides destinées à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques, quand elles n’altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun».

(105)

La Commission fait remarquer que la mesure ne relève pas des lignes directrices actuelles pour l’application de l’article 107, paragraphe 3, point c), du TFUE. Elle doit dès lors être considérée comme directe au sens de cette disposition du traité. Une mesure d’aide doit, pour être compatible avec le marché intérieur au sens de l’article 107, paragraphe 3, point c), du TFUE, poursuivre un objectif d’intérêt commun d’une manière nécessaire et équilibrée. Quand la Commission estime qu’une mesure d’aide peut être considérée comme compatible avec le marché intérieur, l’influence positive de la mesure s’écarte de la réalisation d’un objectif d’intérêt commun avec ses éventuelles implications négatives, comme l’altération des échanges et la distorsion de la concurrence. L’appréciation se base sur un examen en trois étapes. Les deux premières étapes concernent les effets positifs de l’aide d’État et la troisième étape est consacrée aux retombées négatives et à l’examen des conséquences positives et négatives (50). L’examen est structuré de la manière suivante:

1)

La mesure d’aide possède-t-elle un objectif d’intérêt commun bien défini?

2)

L’aide convient-elle à la réalisation de l’objectif d’intérêt commun, à savoir l’aide examinée corrige-t-elle un dysfonctionnement du marché ou poursuit-elle un autre but? À cet égard, il est notamment question de savoir si:

a)

la mesure d’aide constitue un instrument adéquat, c’est-à-dire s’il existe des instruments différents ou plus appropriés?

b)

un effet d’incitation peut être démontré, c’est-à-dire si la mesure d’aide altère le comportement des bénéficiaires potentiels?

c)

la mesure d’aide est équilibrée, c’est-à-dire si le même changement de comportement peut être obtenu avec une aide moins élevée?

3)

La distorsion de la concurrence et l’altération des échanges sont-elles limitées à un point tel que l’effet cumulé est positif?

7.2.1.   Objectif d’intérêt commun

(106)

Les autorités danoises ont expliqué qu’elles avaient décidé de mener une réforme de la législation en vigueur sur les jeux et les paris et de remplacer le monopole actuel par un régime régulé et partiellement libéralisé. La libéralisation a notamment été estimée nécessaire pour respecter le droit de l’Union européenne à la suite de l’ouverture par la Commission de la procédure d’infraction et de la publication d’un avis motivé le 23 mars 2007 (51) ainsi que pour faire face à la menace des jeux en ligne illégaux proposés par des exploitants de jeux établis dans d’autres pays.

(107)

À ce jour, le marché des jeux danois a principalement été soumis à un monopole d’État, vu que la seule autorisation d’exploiter des jeux a été délivrée à une société d’État, Danske Spil A/S. Même si la législation interdit aux exploitants de jeux étrangers de proposer leurs services aux consommateurs danois, de nombreux exploitants de jeux en ligne établis dans un autre État membre ou dans des pays tiers, ont proposé leurs services par des canaux extérieurs au Danemark, par exemple grâce à des programmes télévisés par satellite diffusés à partir du Royaume-Uni. Dans leur notification, les autorités danoises ont fait valoir que, sur la base de l’affaire danoise en cours concernant la mesure dans laquelle l’actuel monopole des jeux danois constitue une restriction de la libre circulation des services, elles ne peuvent pas appliquer dans la pratique l’interdiction imposée à d’autres exploitants de jeux de commercialiser leurs services au Danemark. Il en découle la perpétuation d’une situation insatisfaisante où la légalité du monopole des jeux actuel a été remise en question, pas uniquement au cours de l’affaire, mais également à la suite de l’offre directe de jeux en ligne par des exploitants sans autorisation qui sont établis dans d’autres juridictions.

(108)

Selon les observations concernant la loi sur les jeux, le processus de libéralisation s’est justifié par la récente évolution technologique par laquelle le Danemark a fait partie d’une société de communication mondiale où les consommateurs ont accès à une offre importante de services proposés par des exploitants établis dans des juridictions différentes. Au cours des dix dernières années, les jeux sont devenus une marchandise importante sur l’internet, en particulier après l’arrivée du poker en ligne. L’internet a permis aux Danois de comparer les produits et assortiments de produits de Danske Spil avec ceux des exploitants de jeux en ligne au Royaume-Uni, à Malte, Gibraltar et dans d’autres pays. Ces dernières années, un nombre fortement croissant de joueurs danois a commencé à jouer chez les exploitants de jeux étrangers. Comme l’expliquent les autorités danoises, le gouvernement a craint que l’offre de jeux puisse entraîner des retombées négatives pour la société, sous forme de criminalité et de désordre public et du développement d’une dépendance aux jeux chez des personnes vulnérables, si elle n’était pas régulée et contrôlée de manière efficace. Parallèlement, les bénéfices de Danske Spil ont baissé progressivement. Les autorités danoises avaient par conséquent besoin de pouvoir réguler et contrôler les jeux proposés aux Danois, ainsi que de soumettre ces jeux à des cadres contrôlés et de prévenir des conséquences négatives dans la société.

(109)

La Commission rappelle à cet égard que le marché des jeux n’a jamais été harmonisé au niveau de l’Union. Conformément à l’article 2 de la directive «services», les jeux sont en fait directement exclus du champ d’application de la directive (52). Bien qu’il n’existe pas de droit dérivé dans le domaine, les jeux transfrontaliers peuvent relever des libertés fondamentales du traité, notamment le droit d’établissement (article 49 TFUE) et la libre circulation des services (article 56 TFUE).

(110)

L’article 56 du TFUE exige en principe la suppression de toute restriction de la libre circulation des services, même si elle s’applique indistinctement aux prestataires nationaux et à ceux des autres États membres, lorsqu’elle est de nature à prohiber ou gêner autrement les activités du prestataire établi dans un autre État membre, où il fournit légalement des services analogues (53). La jurisprudence prévoit également que si la législation d’un État membre interdit à un prestataire de services établi dans un autre État membre de proposer des services via l’internet sur le territoire du premier État membre, il s’agit d’une restriction de la libre circulation des services telle qu’établie à l’article 56 du TFUE (54). La libre circulation des services bénéficie en outre tant aux exploitants qu’aux bénéficiaires des services (55).

(111)

Bien que l’offre de jeux relève principalement de la liberté fondamentale inscrite à l’article 56 du TFUE, le droit d’établissement est également affecté par la législation danoise dans le cas présent. Conformément à l’article 27 de la loi sur les jeux, le Danemark exige que les exploitants de jeux en ligne soient établis au Danemark ou dans un autre pays de l’Union européenne ou de l’EEE, a souligné un représentant agréé. Les justifications des restrictions du droit d’établissement s’appliquent également aux restrictions de la libre circulation des services.

(112)

Les restrictions de ces libertés fondamentales ne se justifient que dans le cas de mesures spécifiques, comme le prévoit expressément l’article 52 du TFUE, ou d’exigences générales impérieuses, selon la jurisprudence de la Cour de justice. L’article 52, paragraphe 1, du TFUE justifie les restrictions fondées sur des considérations d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique.

(113)

Concernant les jeux, plusieurs exigences générales impérieuses sont reconnues dans la jurisprudence de la Cour de justice, comme celles de la protection du consommateur, la prévention de la fraude et la suppression des incitants à un usage excessif des jeux, ainsi que l’exigence de prévenir, de manière générale, les troubles de l’ordre social. Les conditions morales, religieuses et culturelles ainsi que les conséquences morales et économiques préjudiciables pour les personnes et la société, liées aux jeux et aux paris, peuvent dans ce contexte justifier que les autorités nationales disposent de certaines marges d’appréciation qui leur permettent de définir la réglementation nécessaire à la protection des consommateurs et de l’ordre social. Selon cette jurisprudence, les restrictions doivent se fonder sur des exigences générales impérieuses qui ont pour but de garantir la réalisation de l’objectif qu’ils poursuivent et elles ne peuvent pas aller au-delà de ce qui est nécessaire à la réalisation de cet objectif. Les restrictions doivent être appliquées sans discrimination (56).

(114)

Il convient cependant de noter qu’une perte de recettes fiscales ne fait pas partie des raisons prévues à l’article 52 du TFUE ou reconnues dans la jurisprudence (57), et elle ne peut dès lors pas être considérée comme une exigence générale impérieuse pouvant justifier une mesure qui, en principe, est contraire à une liberté fondamentale.

(115)

Concernant plus particulièrement la justification des restrictions de l’offre de jeux transfrontaliers, la Cour a statué ce qui suit (58):

«57.

Dans ce contexte, il convient d’observer […] que la réglementation des jeux de hasard fait partie des domaines dans lesquels des divergences considérables d’ordre moral, religieux et culturel existent entre les États membres. En l’absence d’une harmonisation communautaire en la matière, il appartient à chaque État membre d’apprécier, dans ces domaines, selon sa propre échelle des valeurs, les exigences que comporte la protection des intérêts concernés.

58.

La seule circonstance qu’un État membre a choisi un système de protection différent de celui adopté par un autre État membre ne saurait avoir d’incidence sur l’appréciation de la nécessité et de la proportionnalité des dispositions prises en la matière. Celles-ci doivent seulement être appréciées au regard des objectifs poursuivis par les autorités compétentes de l’État membre concerné et du niveau de protection qu’elles entendent assurer.

59.

Les États membres sont par conséquent libres de fixer les objectifs de leur politique en matière de jeux de hasard et, le cas échéant, de définir avec précision le niveau de protection recherché. Toutefois, les restrictions qu’ils imposent doivent satisfaire aux conditions qui ressortent de la jurisprudence de la Cour en ce qui concerne leur proportionnalité (arrêt Placanica e.a., précité, point 48).

[…]

69.

Il convient de relever à cet égard que le secteur des jeux de hasard offerts par l’Internet ne fait pas l’objet d’une harmonisation communautaire. Un État membre est donc en droit de considérer que le seul fait qu’un opérateur […] propose légalement des services relevant de ce secteur par l’Internet dans un autre État membre, où il est établi et où il est en principe déjà soumis à des conditions légales et à des contrôles de la part des autorités compétentes de ce dernier État, ne saurait être considéré comme une garantie suffisante de protection des consommateurs nationaux contre les risques de fraude et de criminalité, eu égard aux difficultés susceptibles d’être rencontrées, dans un tel contexte, par les autorités de l’État membre d’établissement pour évaluer les qualités et la probité professionnelles des opérateurs.

70.

En outre, en raison du manque de contact direct entre le consommateur et l’opérateur, les jeux de hasard accessibles par l’Internet comportent des risques de nature différente et d’une importance accrue par rapport aux marchés traditionnels de tels jeux en ce qui concerne d’éventuelles fraudes commises par les opérateurs contre les consommateurs.»

(116)

Dans un arrêt plus récent, la Cour de justice de l’Union européenne décrit en détail les risques des jeux en ligne (59):

«103.

Il convient de relever que les caractéristiques propres à l’offre de jeux de hasard par Internet peuvent, de la même manière, s’avérer une source de risques de nature différente et d’une importance accrue en matière de protection des consommateurs, et singulièrement des jeunes et des personnes ayant une propension particulière au jeu ou susceptibles de développer une telle propension, par rapport aux marchés traditionnels de tels jeux. Outre le manque de contact direct entre le consommateur et l’opérateur, précédemment mentionné, la facilité toute particulière et la permanence de l’accès aux jeux proposés sur Internet ainsi que le volume et la fréquence potentiellement élevés d’une telle offre à caractère international, dans un environnement qui est en outre caractérisé par un isolement du joueur, un anonymat et une absence de contrôle social, constituent autant de facteurs de nature à favoriser un développement de l’assuétude au jeu et des dépenses excessives liées à celui-ci ainsi que, partant, à accroître les conséquences sociales et morales négatives qui s’y attachent, telles qu’elles ont été mises en exergue par une jurisprudence constante.

104.

Par ailleurs, il y a lieu d’observer que, eu égard au pouvoir d’appréciation dont disposent les États membres quant à la détermination du niveau de protection des consommateurs et de l’ordre social dans le secteur des jeux de hasard, il n’est pas requis, au regard du critère de proportionnalité, qu’une mesure restrictive édictée par les autorités d’un État membre corresponde à une conception partagée par l’ensemble des États membres en ce qui concerne les modalités de protection de l’intérêt légitime en cause (voir, par analogie, arrêt du 28 avril 2009, Commission/Italie, C-518/06, Rec. p. I-3491, points 83 et 84).

105.

Eu égard à tout ce qui précède, il convient d’admettre qu’une mesure d’interdiction visant toute offre de jeux de hasard via Internet peut, en principe, être tenue pour propre à poursuivre les objectifs légitimes de prévention de l’incitation à des dépenses excessives liées au jeu et de lutte contre l’assuétude à celui-ci ainsi que de protection des jeunes, alors même que l’offre de tels jeux demeure autorisée par des canaux plus traditionnels.»

(117)

Le manque d’harmonisation du marché des jeux et les différences d’accès aux jeux dans les différents États membres, à savoir quels jeux peuvent être exploités et qui peut les exploiter, donne lieu à un marché intérieur très fragmenté en ce qui concerne l’offre de jeux transfrontaliers. Certains États membres ont limité ou même interdit l’exploitation de certains jeux, alors que d’autres ont choisi de mettre en place un marché plus ouvert. De nombreux États membres ont cependant révisé leur législation sur les jeux récemment ou sont en train de le faire face au marché croissant des jeux en ligne.

(118)

Les autorités danoises n’ont pas transmis de chiffres détaillés sur l’ampleur de la consommation de jeux illégaux par les Danois, mais elles ont souligné que le développement du marché non réglementé des jeux en ligne est préoccupant d’un point de vue social.

(119)

Cette tendance se précise dans le livre vert de la Commission européenne de mars 2011 (60). Dans le document de travail correspondant de la Commission, il est indiqué que les recettes brutes des jeux en ligne au Danemark en 2008 s’élèvent au total à 250 millions d’EUR, dont 14 % revenaient aux jeux de casino (34 millions d’EUR) et 22 % au poker (56 millions d’EUR) (61). Tant les jeux de casino en ligne que le poker en ligne sont par définition interdits.

(120)

Ces chiffres devraient augmenter. Le livre vert indique que l’offre de services en ligne constitue le segment du marché des jeux dont la croissance est la plus rapide; il représente 7,5 % des recettes annuelles de l’ensemble du marché des jeux en 2008 (UE-27) et ce chiffre devrait doubler avant le début de 2013 (62). Il estime en outre que les jeux en ligne représentent 21,9 % de la consommation intérieure de jeux au Danemark, à savoir le second niveau dans l’Union européenne, où la moyenne se situe à 7,5 % (63).

(121)

Compte tenu de la jurisprudence précitée ainsi que des caractéristiques générales du marché des jeux dans l’Union européenne, la Commission considère que les arguments avancés par les autorités danoises pour justifier l’adoption de la mesure notifiée sont fondés. La Commission se base notamment sur les conditions particulières qui caractérisent le marché en question. Les jeux en ligne exploités via l’internet ont altéré le secteur et créé un marché mondial où les frontières physiques sont fluctuantes. La Commission mentionne également à cet égard, et comme évoqué dans le livre vert de 2011 précité (64), la nécessité de contrôler le marché des jeux en ligne et de prévenir les retombées négatives préjudiciables que peuvent avoir les jeux en ligne pour les consommateurs. Outre le risque dangereux de développer une assuétude, comme le soulignent différentes études sociales (65), il convient également de rester attentif aux mineurs et aux autres personnes vulnérables, notamment les joueurs à faibles revenus, les joueurs qui ont précédemment souffert d’une dépendance aux jeux et les jeunes adultes qui ne connaissent pas les risques liés à un comportement de jeu problématique. En vue de protéger ces catégories de joueurs potentiels, les États membres devraient pouvoir contrôler le marché des jeux en ligne et notamment pouvoir instaurer des limites d’âge et des conditions de licence, contrôler les systèmes de paiement et réduire la commercialisation et la publicité des jeux en ligne.

(122)

La réforme entamée au Danemark et qui a mené à l’adoption de la loi notifiée est dès lors conforme à l’objectif du livre vert de la Commission européenne du 24 mars 2011 sur «les jeux en ligne dans le marché intérieur» de contribuer à mettre en place des cadres juridiques pour les jeux en ligne dans les États membres et ainsi de garantir une sécurité juridique plus importante pour toutes les parties concernées (66). Le livre vert fait suite aux conclusions du Conseil de décembre 2010, dans lesquelles celui-ci exprime son insatisfaction vis-à-vis du fait que la Commission entreprendrait une vaste consultation sur les jeux en ligne dans le marché intérieur qui permettrait des échanges de vues en interne sur les questions que soulèvent notamment les services de jeux en ligne (67), et à la résolution du Parlement européen du 10 mars 2009 où la Commission est invitée, en étroite collaboration avec les gouvernements nationaux, à examiner les retombées économiques et d’autres effets de la prestation de services de jeux transfrontaliers (68). Il y a lieu de souligner que la réforme législative entreprise au moyen de la loi notifiée est conforme aux objectifs soutenus par la Commission européenne et qui ont mené à l’ouverture de la procédure d’infraction et à l’envoi d’un avis motivé aux autorités danoises en mars 2007 (69).

(123)

La Commission estime par conséquent que la loi notifiée relative aux taxes sur les jeux, pour autant qu’elle entraîne une libéralisation du marché et permette aux exploitants de jeux en ligne danois et étrangers de proposer leurs services aux Danois et garantisse en même temps que ces exploitants respectent les dispositions établies pour obtenir l’autorisation des autorités danoises, sert un objectif bien défini d’intérêt commun.

7.2.2.   Une mesure d’aide appropriée

(124)

Une mesure d’aide est considérée comme étant nécessaire et équilibrée quand elle constitue un instrument ciblé qui permet de réaliser l’objectif d’intérêt commun fixé, quand elle possède un effet d’incitation sur les bénéficiaires de l’aide et quand elle ne fausse pas inutilement la concurrence.

(125)

Le gouvernement danois a décidé de libéraliser le marché danois des jeux en ligne et de permettre la délivrance d’un nombre illimité d’autorisations d’exploiter des jeux en ligne. La délivrance d’une telle autorisation est cependant soumise à certaines conditions, et notamment à celle selon laquelle le directeur et les membres du conseil d’administration de l’entreprise qui demande une autorisation soient de réputation honnête. Afin de garantir une libéralisation réussie, le gouvernement danois a également décidé de réduire les taxes pour les exploitants en ligne et de maintenir le niveau d’imposition des exploitants de jeux physiques. À cet égard, les plaignants ont fait valoir qu’une taxe moins élevée pour les exploitants en ligne ne constituait pas la mesure la plus adéquate. Le blocage des paiements et de l’internet (instruments de protection) pourrait par exemple toujours remplir les objectifs du processus de libéralisation, sans instaurer nécessairement une taxe plus faible pour les exploitants en ligne. Selon les plaignants, le Danemark aurait ainsi pu choisir d’appliquer l’interdiction des jeux en ligne illégaux en employant le blocage des paiements et de l’internet (filtrage des noms de domaine, blocage des adresses IP et blocage des paiements) ou en limitant le nombre d’autorisations.

(126)

Concernant l’utilisation de «systèmes de blocage», il ressort du livre vert de la Commission précité que l’efficacité d’un système de blocage dépend d’une liste préétablie et actualisée d’éléments à bloquer, ainsi que d’un logiciel efficace. Comme l’ont cependant souligné les autorités danoises, il n’est pas certain que ces systèmes de blocage puissent garantir les résultats escomptés car les joueurs en ligne peuvent contourner le blocage de l’internet en modifiant le «port» utilisé, et le blocage de certains paiements pourrait d’ailleurs bloquer des transactions commerciales légales qui n’ont rien à voir avec le paiement de paris et le versement de gains.

(127)

Concernant la possibilité de délivrer un nombre limité d’autorisations en ligne, l’effet dépendra du nombre d’autorisations. Si celui-ci est limité à seulement quelques autorisations, le faible nombre d’exploitants nuira à la concurrence et influencera l’offre, ce qui signifiera des prix plus élevés pour les consommateurs sous la forme de pourcentages de remboursement plus bas que si le nombre d’autorisations était illimité. Un nombre limité d’autorisations nuit également au choix et à la qualité des jeux que les consommateurs peuvent trouver sur le marché et il encourage dans une moindre mesure les producteurs à tenir compte des désirs et des besoins des consommateurs (70). Une limitation du nombre d’autorisations soulève en outre la question des critères employés pour fixer de manière non arbitraire le nombre d’autorisations, de la méthode employée et de qui doit contrôler les conditions d’obtention de l’autorisation et de la manière d’aborder l’offre illégale de jeux, à savoir qui prend quelles mesures à l’encontre de l’offre illégale de jeux (71).

(128)

Au regard de ces considérations, la Commission estime que le taux d’imposition plus faible pour les jeux en ligne constitue une mesure adéquate en vue de réaliser l’objectif de libéralisation de la nouvelle loi sur les jeux. La mesure d’aide garantirait que les exploitants en ligne qui souhaitent proposer des services de jeux aux Danois demandent une autorisation et respectent les règles nationales en vigueur.

(129)

La Commission juge que la mesure d’aide est de nature à modifier le comportement des exploitants de jeux en ligne étrangers, dans la mesure où cette taxe moins élevée constitue une incitation à ce que ces exploitants demandent une autorisation au Danemark et, ainsi, proposent pour la première fois légalement des jeux en ligne.

(130)

Une mesure d’aide ne peut être considérée comme proportionnelle, à savoir équitable, que si l’on ne peut obtenir une modification identique du comportement par une aide moindre et consécutivement une distorsion moindre. L’ampleur de l’aide doit être limitée au strict nécessaire pour la mise en œuvre de l’activité en question. La Commission estime dans le cas présent que les autorités danoises ont élaboré la mesure de façon telle que l’ampleur de l’aide d’État est limitée et que les distorsions de la concurrence qui découlent de la mesure sont réduites au minimum.

(131)

Dans la note du 6 mars 2010 du ministère danois chargé des contributions adressée aux porte-parole politiques des partis représentés au Parlement danois concernant l’établissement du niveau d’imposition (72), le choix du taux d’imposition moins élevé, fixé à 20 % des recettes brutes des jeux (RBJ) pour les jeux en ligne, a été justifié grâce aux critères suivants:

a)

l’offre de jeux dans les autorisations danoises doit être adaptée en fonction de l’offre actuelle des exploitants de jeux étrangers, c’est-à-dire qu’il faut adapter le taux de façon à correspondre aux pourcentages de remboursement élevés proposés par les exploitants de jeux étrangers, afin qu’ils demandent effectivement une autorisation;

b)

l’offre globale des jeux doit être augmentée pour entraîner une hausse globale du chiffre d’affaires;

c)

les produits de jeux doivent être tellement attractifs que les joueurs ne souhaitent pas jouer chez des exploitants de jeux (illégaux) étrangers;

d)

il convient d’utiliser des instruments de protection (systèmes de blocage) en combinaison avec les trois actions précitées afin de garantir que les exploitants de jeux illégaux constituent une minorité.

(132)

Dans cette note, les autorités danoises font valoir qu’au Royaume-Uni, dont la législation sur les jeux peut être considérée comme très semblable à la législation danoise, la taxe sur les jeux en ligne est de 15 %. Les autorités danoises ont estimé que le taux d’imposition pour les jeux en ligne pourrait être fixé à un niveau supérieur qu’au Royaume-Uni, dans la mesure où le Danemark, au contraire du Royaume-Uni, instaurerait également des systèmes de blocage qui feraient en sorte qu’il soit plus difficile pour les joueurs de jouer chez des exploitants étrangers qui n’ont pas demandé l’autorisation danoise.

(133)

Les autorités danoises citent également la France et l’Italie, qui ont libéralisé leur marché et instauré des taxes plus élevées que le Royaume-Uni. Les autorités danoises font remarquer que ces marchés sont considérablement plus importants que le marché danois. L’ampleur des marchés peut contribuer directement à ce que les exploitants souhaitent y pénétrer, même si la taxe est plus élevée, puisque les frais qui sont toujours liés à l’établissement sur un nouveau marché tendent à être relativement plus élevés quand celui-ci est petit.

(134)

La note contient un calcul des conséquences au niveau des recettes avec un niveau d’imposition à 15, 20 et 25 %, en fonction des modifications possibles dans le modèle de jeu des joueurs et des actes des exploitants de jeux. Les calculs montrent qu’un niveau d’imposition de 20 % serait sans doute suffisamment attractif pour que les exploitants de jeux demandent une autorisation danoise et pour que les joueurs aient accès à une offre de jeux attractive au Danemark. Si la taxe est fixée à un niveau plus élevé (à savoir 25 %), on peut s’attendre à ce que la pression sur les pourcentages de remboursement s’intensifie et que les conséquences positives sur les recettes avec une taxe de 25 % puissent dès lors se révéler moindres qu’avec une taxe de 20 %.

(135)

Les autorités danoises concluent par conséquent que si la taxe avait été fixée à un niveau plus élevé, il semble qu’il en aurait résulté un marché des jeux pas assez attractif pour les joueurs, et cela aurait également entraîné une réduction du chiffre d’affaires et ainsi sapé la prévision immédiate de recettes fiscales plus élevées.

(136)

Les conclusions des autorités danoises concernant le niveau d’imposition optimal pour les jeux en ligne sont également étayées par un rapport d’une société de consultants d’entreprise qui montre qu’avec une taxe de 20 %, l’État ne perdrait pas les recettes qu’il aurait pu obtenir autrement (73). Selon le rapport, cette taxe est le taux le plus élevé qui soit également avantageux économiquement — un taux plus important serait défavorable puisqu’il serait tout simplement trop élevé pour que les exploitants de jeux considèrent le marché comme intéressant d’un point de vue commercial et qu’ils souhaitent s’y installer. Au-delà de ce niveau, les recettes fiscales commenceraient à baisser.

(137)

Au regard de ce qui précède, la Commission n’estime pas que la taxe de 20 % des RBJ pour les exploitants en ligne soit plus basse que nécessaire en vue de réaliser les objectifs de la loi sur les jeux. La mesure d’aide remplit dès lors l’exigence de proportionnalité établie dans la jurisprudence de la Cour de justice.

7.2.3.   Retombées sur la concurrence et les échanges entre les États membres

(138)

Concernant les retombées de la mesure d’aide sur la concurrence et les échanges, il est possible de distinguer plusieurs distorsions potentielles des échanges entre les États membres, d’une part, et des distorsions potentielles de la concurrence au Danemark, d’autre part, notamment de la concurrence avec les exploitants de jeux physiques existants.

(139)

Concernant les échanges entre les États membres, aucune retombée négative n’est attendue. La loi sur les jeux garantit aux Danois la possibilité de jouer légalement sur les sites web des exploitants en ligne autorisés. Ces sites web ne sont pas réservés aux utilisateurs danois, mais peuvent être utilisés par des citoyens de tous les États membres de l’Union selon les conditions établies dans la législation nationale du pays. L’établissement de la taxe pour les jeux en ligne à 20 % des RBJ signifie que la mesure d’aide danoise s’en tient au même niveau d’imposition que d’autres États membres, qui ont déjà mené des réformes de leur législation sur les jeux, appliquent dans le domaine. À titre d’exemple, la Belgique et le Royaume-Uni ont fixé la taxe pour les jeux en ligne à 15 % des RBJ, alors que d’autres États membres appliquent des taxes encore plus basses [par exemple, l’Estonie (5 % des RBJ), la Lettonie (10 % des RBJ) et la Finlande (8,25 % des RBJ)]. Seule la Slovaquie possède une taxe plus élevée dans le domaine, à savoir 27 % des RBJ.

(140)

Concernant la distorsion de la concurrence au Danemark, la mesure pourrait bénéficier à un grand nombre d’exploitants de jeux en ligne danois et étrangers différents qui, jusqu’à présent, n’ont pas été autorisés à proposer leurs services aux Danois. Le Danemark a transmis une liste d’exploitants de jeux en ligne qui ont déjà déclaré qu’ils souhaitaient demander une autorisation. Dans la mesure où seule la société d’État a reçu l’autorisation d’exploiter des jeux en ligne, la libéralisation augmenterait de manière générale la concurrence sur le marché.

(141)

Même si la mesure constitue une aide d’État et ne peut pas être mise en œuvre sans conséquences négatives pour les exploitants de jeux physiques existants, qui sont soumis à une taxe pouvant s’élever à 75 % des RBJ, la Commission estime que la mise en œuvre de la mesure est globalement positive.

(142)

Comme il ressort de ce qui précède, l’instauration d’une taxe pour les jeux en ligne qui corresponde ou soit approximativement similaire à la taxe en vigueur pour les jeux physiques aurait provoqué une situation où les exploitants et les joueurs n’auraient pas réagi à la possibilité d’exploiter ou de jouer légalement à des jeux en ligne sur le marché danois, et les objectifs d’intérêt commun définis et recherchés par la loi sur les jeux n’auraient dès lors pas été réalisés.

(143)

La Commission conclut par conséquent que la mesure est compatible avec le marché intérieur au sens de l’article 107, paragraphe 3, point c), du TFUE.

8.   CONCLUSION

(144)

La Commission estime que la loi notifiée comporte un avantage fiscal pour les exploitants de jeux en ligne, accordé au moyen de ressources d’État. La mesure est à première vue considérée comme sélective dans la mesure où elle différencie les exploitants de jeux en ligne des casinos physiques qui, au regard de l’objectif de la mesure, se trouvent dans une situation factuelle et juridique comparable. Les autorités danoises ne sont pas parvenues à établir que la sélectivité apparente de la loi notifiée puisse se justifier par la logique de la fiscalité. La loi notifiée est par conséquent considérée comme une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, du TFUE.

(145)

La Commission estime cependant que l’aide remplit les conditions pour être considérée comme compatible avec le marché intérieur au sens de l’article 107, paragraphe 3, point c), du TFUE,

A ADOPTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:

Article premier

La mesure C 35/10, que le Danemark se propose de mettre en œuvre sous la forme de taxes sur les jeux en ligne dans la loi danoise relative aux taxes sur les jeux, est compatible avec le marché intérieur au sens de l’article 107, paragraphe 3, point c), du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

La mise en œuvre de la mesure est approuvée conformément à ces dispositions.

Article 2

Le Royaume de Danemark est destinataire de la présente décision.

Fait à Bruxelles, le 20 septembre 2011.

Par la Commission

Joaquín ALMUNIA

Vice-président


(1)  JO C 22 du 22.1.2011, p. 9.

(2)  Loi no 698 relative aux taxes sur les jeux («Lov om afgifter af spil»).

(3)  La mesure notifiée devait initialement entrer en vigueur le 1er janvier 2011 mais, pour respecter les règles en matière d’aide d’État, l’article 35, paragraphe 1, de la loi relative aux taxes sur les jeux prévoit que le ministre danois en charge des impôts fixe la date d’entrée en vigueur de la loi.

(4)  Voir note 1 de bas de page.

(5)  Voir titre 5 ci-dessous.

(6)  Procédure d’infraction no 2003/4365. Voir également IP/07/360.

(7)  Loi sur les jeux (Lov om spil no 848 du 1er juillet 2010), loi sur la répartition de l’excédent de la loterie et des jeux de paris hippiques et canins (Lov om udlodning af overskud fra lotteri samt heste- og hundevæddemål no 696 du 25 juin 2010) et loi relative à Danske Spil A/S (Lov om Danske Spil A/S no 695 du 25 juin 2010).

(8)  1 couronne danoise (DKK) ≈ 0,13 EUR.

(9)  Au titre de l’article 12 de la loi relative aux taxes sur les jeux, les montants mensuels suivants doivent également être versés: 3 000 DKK par jeu automatique jusqu’à 50 machines et 1 500 DKK par machine au-delà de ce nombre.

(10)  Voir points 73 et suivants de la décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen.

(11)  Institut suisse de droit comparé, Study of Gambling Services in the Internal Market of the European Union, Final Report, Commission européenne, 2006, http://ec.europa.eu/internal_market/services/docs/gambling/study1_en.pdf.

(12)  La version anglaise de la note est jointe à l’annexe B des observations des autorités danoises datant du 14 janvier 2011 à la suite de la décision de la Commission d’ouvrir la procédure. La version danoise de la note est jointe à l’annexe 20 de la notification des autorités danoises datant du 6 juillet 2010.

(13)  Institut suisse de droit comparé, Study of Gambling Services in the Internal Market of the European Union, Commission européenne, 2006, chapitre 7, p. 1402.

(14)  Affaire T-308/00, Salzgitter contre Commission des Communautés européennes, Recueil 2004 II, p. 1933, point 81, libellé comme suit: «Par conséquent, pour identifier ce que constitue un avantage, au sens de la jurisprudence relative à la notion d’aide d’État, il est impératif de déterminer le point de référence, dans le cadre d’un régime juridique donné, à l’aune duquel cet avantage sera comparé. En l’espèce, en vue de déterminer ce qui constitue une charge fiscale “normale”, au sens de ladite jurisprudence, il ne saurait être procédé à un examen comparatif des règles fiscales applicables dans l’ensemble des États membres, voire simplement de certains d’entre eux, sans dénaturer la vocation des dispositions relatives au contrôle des aides d’État. En effet, en l’absence d’harmonisation au niveau communautaire des dispositions fiscales des États membres, cet examen reviendrait à comparer des situations factuelles et juridiques différentes qui résultent de disparités législatives ou réglementaires entre les États membres. Les données fournies par la requérante dans le cadre du présent recours illustrent d’ailleurs la disparité qui existe entre les États membres, notamment quant à l’assiette et aux taux d’imposition des biens d’investissement», décision de la Commission C2/09, MoRaKG, Conditions générales régissant les investissements en capitaux (JO C 60 du 14.3.2009, p. 9), no 25.

(15)  European Gaming and Betting Association (EGBA), Remote Gambling Association (RGA), Automatenverband, Eupportunity, Van Speelautomaten, Dansk Erhverv et European Casino Association (ECA).

(16)  PokerStars, Betfair, Club Hotel Casino Loutraki, Royal Casino (avec DAB), BWin, Compu-Game, neuf casinos en Grèce (Club Hotel Casino Loutraki, Regency Casino Parnes, Regency Casino Thessaloniki, Casino Xanthi (Vivere Entertainment SA), Casino Rio (Theros International gaming Inc.), Casino Corfu (Greek Casino Corfu), Casino Rodos, Porto Carras Grand Resort 20 et Casino Syrou).

(17)  Estonie, France et Espagne.

(18)  Affaire C-46/08, Carmen Media Group, [2009], pas encore publié, point 103.

(19)  Institut national de la santé et de la recherche médicale, Jeux de hasard et d’argent — Contextes et addictions, juillet 2008, http://lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr/BRP/084000697/0000.pdf.

(20)  Autorité de la concurrence française, Avis 11-A-02 du 20 janvier 2011.

(21)  Communication de la Commission sur l’application des règles relatives aux aides d’État aux mesures relevant de la fiscalité directe des entreprises, JO C 384 du 10.12.1998, point 26.

(22)  Conclusions de l’avocat général Bot (14 octobre 2008) dans l’affaire C-42/07, Liga Portuguesa de Futebol Profissional, Recueil 2009 I, p. 10447, point 41 et suivants.

(23)  Institut suisse de droit comparé, Study of Gambling Services in the Internal Market of the European Union, Commission européenne, 2006.

(24)  Ibid., p. 1403.

(25)  Affaire T-308/00, Salzgitter contre Commission des Communautés européennes, Recueil 2004 II, p. 1933, point 81.

(26)  Décision de la Commission du 14 mars 2003 dans l’affaire COMP/M.3109, Candover/Cinven/Gala, point 16.

(27)  Autorité de la concurrence, Avis no 11-A-02 du 20 janvier 2011 relatif au secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne.

(28)  Office of Fair Trading, décision ME/1716-05 du 15 août 2005 concernant l’acquisition par William Hill des bureaux de pari agréés de Stanley Plc.

(29)  Commission européenne, Livre vert sur les jeux d’argent et de hasard en ligne dans le marché intérieur, COM(2011) 128 final, p. 3.

(30)  Voir les points 15 et 16 ci-dessus.

(31)  Affaire 30/59, De Gezamenlijke Steenkolenmijnen in Limburg contre la Haute Autorité de la Communauté européenne du charbon et de l’acier, Recueil 1961 III, p. 19.

(32)  Affaire 173/73, République italienne contre Commission des Communautés européenne, Recueil 1974, p. 709, point 3 du résumé.

(33)  Affaire C-88/03, République portugaise contre Commission des Communautés européennes, Recueil 2006 I, p. 7115, point 54; affaire C-172/03, Wolfgang Heiser contre Finanzamt Innsbruck, Recueil 2005 I, p. 1627, point 40; affaire C-169/08, Presidente del Consiglio dei Ministri contre Regione Sardegna, Recueil 2009 I, p. 10821, point 61.

(34)  Affaire C-487/06, British Aggregates Association contre Commission des communautés européennes, op. cit., Recueil 2008 I, p. 10515, point 83.

(35)  Affaire 173/73, République italienne contre Commission des Communautés européennes, Recueil 1974, p. 709, point 15; communication de la Commission sur l’application des règles relatives aux aides d’État aux mesures relevant de la fiscalité directe des entreprises, JO C 384 du 10.12.1998, point 23.

(36)  Voir note 28 de bas de page.

(37)  Article 6 de la loi relative aux taxes sur les jeux.

(38)  Voir point 64 ci-dessus.

(39)  Voir note 26 de bas de page.

(40)  Ibid.

(41)  Institut suisse de droit comparé, Study of Gambling Services in the Internal Market of the European Union, 2006.

(42)  Voir la réponse des autorités danoises du 20 octobre 2010 à la suite d’une demande d’information, point 2.10; observations des autorités danoises du 14 janvier 2011, p. 9, point 42.

(43)  Voir les observations de Dansk Automat Brancheforening et Royal Casino, transmises le 18 février 2011, p. 1.

(44)  Ibid., p. 1403.

(45)  Étude menée par l’Institut de recherche sociale danois en 2007.

(46)  Voir notamment les observations du 21 février 2011 transmises par neuf casinos grecs, p. 18.

(47)  Affaire 173/73, République italienne contre Commission des Communautés européennes, Recueil 1974, p. 709, point 15.

(48)  Communication de la Commission sur l’application des règles relatives aux aides d’État aux mesures relevant de la fiscalité directe des entreprises, JO C 384 du 10.12.1998, point 23.

(49)  Affaires jointes T-127/1999, T-129/1999 et T-148/1999, Diputación Foral de Álava m.fl. contre Commission, Recueil 2002 II, p. 1275, point 250.

(50)  Voir plan d’action dans le domaine des aides d’État — Des aides d’État moins nombreuses et mieux ciblées: une feuille de route pour la réforme des aides d’État 2005-2009, COM(2005) 107 final.

(51)  Voir note 6 de bas de page.

(52)  Directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur, JO L 376 du 27.12.2006, p. 36.

(53)  Affaire C-76/90, Säger, Recueil 1991 I, p. 4221, point 12; affaire C-58/98, Corsten, Recueil 2000 I, p. 7919, point 33.

(54)  Affaire C-243/01, Gambelli, Recueil 2003 I, p. 13031, point 54.

(55)  Affaires jointes 286/82 et 26/83, Luisi and Carbone, Recueil 1984, p. 377, point 16.

(56)  Voir affaire C-243/01, Gambelli, Recueil 2003 I, p. 13031, points 63 à 65, et affaires jointes C-338/04, C-359/04 et C-360/04, Placanica m.fl., Recueil 2007 I, p. 1891, points 46 à 49.

(57)  Affaire C-446/03, Marks & Spencer, Recueil 2005 I, p. 10837, point 44; affaire C-319/02, Manninen, Recueil 2004 I, p. 7477, point 49, et les arrêts correspondants. Voir affaire C-243/01, Gambelli, Recueil 2003 I, p. 13031, points 61 et 62, concernant les restrictions de l’entreprise de jeux.

(58)  Affaire C-42/07, Liga Portuguesa de Futebol Profissional, Recueil 2009 I, p. 10447, points 57 et suivants.

(59)  Affaire C-46/08, Carmen Media Group, 2009, non encore publiée, point 103.

(60)  Commission européenne, Livre vert sur les jeux en ligne dans le marché intérieur, COM(2011) 128 final, p. 8.

(61)  Commission européenne, Livre vert sur les jeux en ligne dans le marché intérieur, document de travail de la Commission SEC(2011) 321, p. 10.

(62)  Voir note 60 de bas de page.

(63)  Commission européenne, Livre vert sur les jeux en ligne dans le marché intérieur, document de travail de la Commission SEC(2011) 321, p. 9.

(64)  Commission européenne, Livre vert sur les jeux en ligne dans le marché intérieur, COM(2011) 128 final, p. 19.

(65)  De plus amples informations concernant ces études se trouvent dans le Livre vert sur les jeux en ligne dans le marché intérieur, COM(2011) 128 final, p. 19 et suivantes.

(66)  Commission européenne, Livre vert sur les jeux en ligne dans le marché intérieur, COM(2011) 128 final, p. 7.

(67)  Conclusions sur le cadre relatif aux jeux de hasard et aux paris dans les États membres de l’Union européenne, adoptées lors de la réunion 3057 du Conseil (concurrence) à Bruxelles, le 10 décembre 2010, document du Conseil 16884/10.

(68)  Résolution du Parlement européen du 10 mars 2009 sur l’intégrité des jeux d’argent en ligne, [2008/22125(INI)], P6-2009-0097. Ces questions concernent la publicité et la commercialisation, les mineurs, la fraude et d’autres formes de criminalité, l’intégrité, la responsabilité sociale, la protection des consommateurs et la fiscalité.

(69)  Voir point 7 ci-dessus.

(70)  Institut suisse de droit comparé, Study of Gambling Services in the Internal Market of the European Union, Commission européenne, 2006, p. 1108.

(71)  Schweizerisches Institut für Rechtsvergleichung, International vergleichende Analyse des Glücksspielwesens, 2009, p. 18, http://mpk.rlp.de/mpkrlpde/sachthemen/studie-zum-gluecksspielwesen/.

(72)  Voir point 38 ci-dessus.

(73)  H2 Gambling Capital, An independent model assessment of various taxation/licensing models for regulating remote gambling in the Netherlands, février 2011.