31.5.2011 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
L 143/16 |
DÉCISION DE LA COMMISSION
du 26 janvier 2011
concernant les régimes d’aide C 50/07 (ex N 894/06) que la France envisage de mettre à exécution en faveur du développement des contrats d’assurance maladie solidaires et responsables et des contrats d’assurance complémentaires collectifs contre les risques de décès, incapacité et invalidité
[notifiée sous le numéro C(2011) 267]
(Le texte en langue française est le seul faisant foi.)
(Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE)
(2011/319/UE)
LA COMMISSION EUROPÉENNE,
vu le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, et notamment son article 108, paragraphe 2, premier alinéa (1),
après avoir invité les intéressés à présenter leurs observations conformément audit article (2) et vu ces observations,
considérant ce qui suit:
I. PROCÉDURE
(1) |
Par lettre du 28 décembre 2006, la France a notifié à la Commission des régimes d’aide en faveur du développement des contrats d’assurance maladie solidaires et responsables tels qu’envisagés dans un projet de loi de finances rectificative pour 2006. Les dispositions de ces régimes ont été reprises à l’article 88 de la loi no 2006-1771 du 30 décembre 2006 de finances rectificative pour 2006 (3). La France a communiqué des informations complémentaires à la Commission par lettres des 26 février, 11 mai et 18 septembre 2007. |
(2) |
Par lettre du 13 novembre 2007, la Commission a informé la France de sa décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, du traité (TFUE) à l’encontre de cette aide. |
(3) |
La décision de la Commission d’ouvrir la procédure formelle d’examen a été publiée au Journal officiel de l’Union européenne (4). La Commission a invité les intéressés à présenter leurs observations sur les régimes d’aide en cause. |
(4) |
La France a transmis ses observations sur la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen par lettre du 21 décembre 2007. |
(5) |
La Commission a reçu des observations à ce sujet de la part de plusieurs tiers intéressés. Elle les a transmises à la France en lui donnant la possibilité de les commenter, et a reçu les commentaires de celle-ci par lettre du 8 mai 2008. |
(6) |
La France a transmis des informations complémentaires à la Commission par lettre du 31 octobre 2008. |
(7) |
Certains tiers intéressés ont transmis des informations complémentaires à la Commission dans le courant du mois de février 2009. |
(8) |
À l’issue d’une réunion entre les services de la Commission et les autorités françaises le 2 juin 2009, ces dernières se sont engagées à analyser la possibilité d’introduire certaines modifications aux régimes notifiés et à faire part de leur analyse aux services de la Commission dans les plus brefs délais. |
(9) |
Par courrier du 22 septembre 2009, la Commission a octroyé un délai de 20 jours ouvrables à la France pour transmettre son analyse. |
(10) |
Par lettre du 3 novembre 2009, les autorités françaises ont sollicité une suspension de la procédure formelle d’examen jusqu’au 1er avril 2010. |
(11) |
En date du 17 novembre 2009, la Commission a marqué son accord sur la suspension de la procédure formelle d’examen jusqu’au 1er avril 2010, en application du code de bonnes pratiques pour la conduite des procédures de contrôle des aides d’État (5) afin de permettre à la France d’adapter son projet législatif et de procéder aux consultations nécessaires. |
(12) |
Par lettre du 26 avril 2010, les autorités françaises ont informé la Commission qu’un éventuel projet de régime modifié lui parviendrait le 17 mai 2010. |
(13) |
Par courrier du 27 mai 2010, les autorités françaises ont transmis des informations à la Commission, sans toutefois envisager de modifications aux régimes notifiés. |
II. DESCRIPTION DÉTAILLÉE DE L’AIDE
(14) |
Deux dispositifs fiscaux distincts ont fait l’objet de la décision d’ouverture formelle d’examen: |
(15) |
La première mesure notifiée est un régime d’exonération d’impôt sur les sociétés, introduit à l’article 207-2 du code général des impôts (CGI), et de contribution économique territoriale (6) (article 1461-1o du CGI) à raison des opérations de gestion de certains contrats d’assurance maladie dits «solidaires et responsables». Ces exonérations bénéficieraient à l’ensemble des organismes diffusant ces contrats: mutuelles et unions régies par le code de la mutualité, institutions de prévoyance régies par le titre III du livre IX du code de la sécurité sociale ou par le livre VII du code rural ainsi que toutes les entreprises d’assurance régies par le code des assurances. |
(16) |
L’objectif principal de cette mesure est, par le développement de ce type de contrats, d’élargir la couverture maladie complémentaire de la population française. À ce titre, la mesure serait complémentaire au régime d’exonération de la taxe sur les conventions d’assurance qui s’applique au même type de contrats et que la Commission a autorisé par ses décisions du 2 juin 2004 (7) et du 29 octobre 2010 (8). |
(17) |
Les contrats d’assurance maladie concernés par ce régime d’exonération ont été introduits en France en 2001 (9). Il s’agit, d’une part, des contrats relatifs à des opérations collectives à adhésion obligatoire et, d’autre part, des contrats relatifs à des opérations individuelles et collectives à adhésion facultative. |
(18) |
Pour être éligible, ces contrats doivent plus particulièrement satisfaire aux conditions suivantes:
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(19) |
Pour bénéficier du régime préférentiel, les organismes assureurs devront en outre respecter des seuils relatifs au nombre de contrats d’assurance maladie à caractère solidaire et responsable dans l’ensemble de leur portefeuille de contrats d’assurance maladie. Ces seuils varient en fonction de la nature des contrats:
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(20) |
Enfin, les organismes bénéficiaires devront également satisfaire à au moins l’une des conditions suivantes:
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(21) |
Selon les autorités françaises, ces derniers critères imposent une mutualisation tarifaire ou générationnelle et la réalisation d’un niveau minimal de solidarité effective. Ils viseraient à encourager la diffusion des contrats solidaires et responsables et la couverture de l’ensemble de la population, en particulier en accueillant une proportion significative de personnes jeunes ou âgées, deux catégories qui rencontrent le plus de difficultés pour obtenir une assurance (complémentaire) maladie en raison de la faiblesse de leurs ressources (les jeunes) ou du coût potentiel qu’elles représentent (les personnes âgées). |
(22) |
Le dispositif impose en outre que ces critères soient appréciés au niveau des groupes, au titre de leurs activités imposables en France. Cette disposition aurait pour objet d’éviter le contournement du dispositif ou des montages aboutissant à une concentration de ce type de risque dans quelques structures ad hoc, en contradiction avec l’objectif de mutualisation. |
(23) |
Selon les autorités françaises, l’ensemble de ces conditions auraient pour objectif d’inciter les organismes d’assurance à développer la diffusion de ces contrats, à participer à la mise en œuvre de la couverture maladie universelle de base et complémentaire et à offrir une couverture maladie complémentaire à l’ensemble de la population dans des conditions tarifaires maîtrisées. Sont visées, en particulier, les personnes dont l’état de santé ou les capacités financières ne leur permettent pas de disposer à titre individuel d’une couverture. |
(24) |
L’entrée en vigueur de ce dispositif fiscal, initialement prévue pour le 1er janvier 2008 en ce qui concerne l’exonération d’impôt des sociétés et l’exercice 2010 en ce qui concerne l’exonération de la contribution économique territoriale, a été reportée au 1er janvier 2012 et à l’exercice 2013 respectivement, dans l’attente d’une approbation des régimes concernés par la Commission. |
(25) |
Ce deuxième dispositif fiscal vise à permettre aux organismes d’assurance de bénéficier de la déduction fiscale des dotations aux provisions d’égalisation afférentes à certains contrats d’assurances complémentaires collectifs (article 39 quinquies GD du CGI) au-delà de ce que permet le régime de droit commun (article 39 quinquies GB) pour de telles provisions. |
(26) |
La constitution d’une provision technique d’égalisation (16) est prévue par la réglementation comptable et prudentielle des organismes d’assurance. L’article 30 de la directive 91/674/CEE du Conseil 19 décembre 1991 concernant les comptes annuels et les comptes consolidés des entreprises d’assurances (17) définit la provision d’égalisation de la manière suivante: «la provision pour égalisation comprend tous les montants provisionnés conformément aux dispositions légales ou administratives permettant d’égaliser les fluctuations des taux de sinistres pour les années à venir ou de couvrir les risques spéciaux». |
(27) |
Dans le cas d’espèce, la provision d’égalisation est destinée à faire face aux fluctuations de sinistralité afférentes aux opérations collectives couvrant les risques de décès ou de dommages corporels (incapacité et invalidité). Ces fluctuations de résultat (d’un exercice à l’autre) seraient liées à l’exécution effective des garanties prévues par les contrats d’assurance souscrits par rapport aux hypothèses de mise en œuvre des obligations de garanties qui avaient été retenues lors de l’élaboration de la tarification des primes d’assurances. La provision permet le lissage des résultats techniques afférents aux opérations concernées en vue de couvrir des fluctuations de sinistralité importantes susceptibles d’être constatées ultérieurement. |
(28) |
Selon les autorités françaises, la nouvelle provision d’égalisation visée à l’article 39 quinquies GD participe à l’objectif général de développement et d’amélioration de l’offre, par les organismes d’assurances, des garanties de prévoyance souscrites dans le cadre d’une procédure dite «de désignation». Sont concernées les garanties collectives complémentaires résultant de conventions ou accords collectifs professionnels ou interprofessionnels, d’accords d’entreprises ou de décisions de l’employeur réalisées dans le cadre desquels l’organisme assureur est désigné par les partenaires sociaux («procédure de désignation»). Cette désignation emporte pour l’organisme désigné l’obligation de respecter les conditions conventionnelles négociées par les partenaires sociaux (18) (y compris les clauses en matière de réajustement des tarifs). La désignation s’exerce pour une période de cinq ans au maximum, période au terme de laquelle un réexamen obligatoire de l’organisme désigné doit être réalisé. Les contrats avec clause de désignation mis en place au niveau des branches professionnelles par accord entre les partenaires sociaux font toujours l’objet d’un arrêté d’extension par le ministre chargé de la sécurité sociale. Ils sont dès lors applicables de plein droit à tous les salariés et anciens salariés de la branche ainsi qu’à leurs ayants droit (quels que soient leur état de santé et leur âge), et leurs employeurs sont tenus d’y souscrire et de rejoindre l’organisme désigné (19). |
(29) |
Selon les autorités françaises, la désignation permet d’obtenir de l’organisme désigné un rapport cotisation/garantie plus avantageux et de faire accéder tous les salariés d’un secteur économique aux mêmes garanties, quelle que soit la taille de l’entreprise à laquelle ils appartiennent. Elle impliquerait également un réexamen périodique des modalités d’organisation de la mutualisation des risques et de la désignation de l’organisme considéré. |
(30) |
Cette mesure permettrait également d’améliorer, au bénéfice du consommateur individuel, la maîtrise des tarifs et la qualité des prestations fournies lors de la réalisation de risques graves comme l’invalidité, l’incapacité ou le décès qui ont pour l’assuré ou sa famille des conséquences sociales et financières significatives (dépenses supplémentaires, pertes de revenus, exclusion, etc.). |
(31) |
Plus précisément, le mécanisme de la provision en faveur des garanties décès, invalidité et incapacité souscrites dans le cadre d’une procédure de désignation vise à permettre aux organismes d’assurance désignés:
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(32) |
En pratique, la dotation annuelle à la provision est admise en déduction dans la limite du bénéfice technique (20) des opérations concernées. Le montant total de la provision ne peut excéder 130 % du montant total des cotisations afférentes à l’ensemble de ces opérations réalisées au cours de l’exercice. La provision est affectée à la compensation des résultats techniques déficitaires de l’exercice dans l’ordre d’ancienneté des dotations annuelles. |
(33) |
Les dotations annuelles non utilisées dans un délai de dix ans sont transférées dans une réserve spéciale en exemption d’impôt. Le montant de cette réserve spéciale ne peut excéder 70 % du montant total des cotisations afférentes à l’ensemble des opérations concernées réalisées au cours de l’exercice. L’excédent de ces dotations est rapporté au bénéfice imposable après une période de dix ans suivant leur comptabilisation. |
(34) |
Dans le régime de droit commun, les entreprises d’assurance et de réassurances (article 39 quinquies GB) peuvent actuellement constituer en franchise d’impôt des provisions d’égalisation afférentes aux opérations d’assurance de groupe contre les risques de décès, incapacité ou invalidité dans les limites suivantes:
Chaque provision est affectée à la compensation des résultats techniques déficitaires de l’exercice dans l’ordre d’ancienneté des dotations annuelles. Par ailleurs, les dotations qui n’ont pas pu être utilisées dans un délai de dix ans sont rapportées au bénéfice imposable. |
III. RAISONS AYANT CONDUIT À L’OUVERTURE DE LA PROCÉDURE FORMELLE D’EXAMEN
(35) |
Dans sa décision d’ouverture formelle d’examen du 13 novembre 2007, la Commission a exprimé ses doutes quant à l’application de l’article 107, paragraphe 2, point a), du TFUE concernant les deux mesures fiscales concernées (21). |
(36) |
En ce qui concerne la première mesure (exonérations d’impôt des sociétés et de contribution économique territoriale à raison des activités de gestion des contrats solidaires et responsables), la Commission a estimé que la France n’avait pas apporté la preuve du transfert intégral de l’avantage vers les consommateurs. |
(37) |
La Commission s’est également interrogée sur le respect de la condition de non-discrimination quant à l’origine du produit en raison de l’existence de seuils relatifs au nombre (120 000/150 000 contrats) ou à la proportion (taux de 80/90 %) de contrats solidaires et responsables dans le portefeuille de contrats d’assurance maladie des organismes assureurs concernés. |
(38) |
Quant à la deuxième mesure (déduction fiscale des dotations aux provisions d’égalisation), la Commission était d’avis qu’aucune des trois conditions d’application de l’article 107, paragraphe 2, point a), du TFUE ne semblait satisfaite. |
(39) |
Premièrement, le caractère social de la mesure ne semblait pas pleinement démontré selon la Commission lorsque l’on se place au stade de la souscription du contrat d’assurance, c’est-à-dire avant la survenance desdits événements graves. |
(40) |
Deuxièmement, le transfert intégral de l’aide vers le consommateur/assuré semblait encore plus hypothétique et aléatoire que pour la mesure précédente. Le transfert de l’avantage semblait en outre également pouvoir profiter aux employeurs dans la mesure où ils contribuent également au financement du contrat. |
(41) |
Troisièmement, le haut degré de concentration du marché des contrats de désignation entre les mains des institutions de prévoyance dans le contexte actuel semblait pouvoir se traduire par une discrimination de facto au profit de ces institutions. |
IV. OBSERVATIONS DES INTÉRESSÉS
(42) |
À la suite de la publication de la décision d’ouverture, des commentaires ont été reçus de la part de la Fédération nationale de la mutualité française (FNMF), de la Fédération française des sociétés d’assurances (FFSA), du Centre technique des institutions de prévoyance (CTIP), de l’Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux (UNIOPSS), de la Fédération nationale des comités féminins pour le dépistage des cancers, de l’Union fédérale des consommateurs — Que choisir (UFC – Que choisir), ainsi que d’un tiers anonyme. |
(43) |
Une majorité des intéressés considèrent positivement les deux mesures fiscales en question et leurs commentaires rejoignent en grande partie les arguments exposés par les autorités françaises. Ils soulignent l’existence d’une forte concurrence sur le marché de l’assurance complémentaire santé ainsi que l’excellente liquidité du marché. Ils soulignent également que les couvertures concernées par les deux mesures viennent pallier les insuffisances de la sécurité sociale. En créant des incitations fiscales accessibles facilement par tous les acteurs de l’assurance complémentaire santé, les autorités françaises créeraient les conditions pour transformer le segment des personnes peu intéressantes a priori en terme de profil de risque ou de solvabilité en un segment présentant un nouvel attrait économique. |
(44) |
En ce qui concerne la première mesure (exonération pour les contrats solidaires et responsables), la FFSA s’inquiète néanmoins de l’existence de seuils trop élevés qui constitueraient un avantage manifeste pour les opérateurs déjà fortement présents sur le marché. Si la FFSA comprend le principe d’un seuil pour éviter des situations trop complexes à gérer, elle estime en revanche qu’il est indispensable que ce seuil ne constitue pas, du fait de son niveau, un obstacle à l’octroi de l’aide. Elle estime également que les critères liés à la structure de la population couverte (pourcentage de moins de 25 ans, de retraités, etc.) conduisent à sélectionner les bénéficiaires de l’aide sans réelle justification au regard de l’objectif affiché. Ces critères avantageraient les mutuelles homogènes dont l’accès est subordonné à des critères de statut ou de profession, au détriment des mutualités ouvertes à tous les publics. Ces critères introduiraient également une différence potentielle de traitement entre assurés. |
(45) |
Le CTIP précise quant à lui que les services proposés par les organismes assureurs nécessitent, pour être de qualité, des investissements importants qui doivent pouvoir être amortis sur des groupes d’assurés suffisamment nombreux. Cet objectif expliquerait les seuils. |
(46) |
Le CTIP fait également référence à l’obligation pour les entreprises d’assurance au sein de l’Union européenne de constituer une marge de solvabilité. Si la totalité des bénéfices techniques devait revenir aux assurés, la solvabilité ne serait pas satisfaite. Il ne serait donc pas anormal qu’une partie au moins de l’avantage serve à couvrir, en totalité ou en partie, l’accroissement chaque année de l’exigence de solvabilité. |
(47) |
Le CTIP précise par ailleurs que, selon la jurisprudence de la Cour de justice, les régimes professionnels de nature conventionnelle ne relèvent pas, en raison de leur nature et de leur objet, des dispositions du droit de l’Union européenne relatives à la concurrence (22). De tels régimes ne peuvent en outre être concernés par les impôts commerciaux, s’agissant de couvertures qui viennent pallier les insuffisances de la sécurité sociale et qui sont fondées sur des conventions et accords collectifs. |
(48) |
La FNMF invoque également la compatibilité de la première mesure sur la base de l’article 107, paragraphe 3, point c), du TFUE. D’une part, l’aide serait destinée à faciliter le développement de la couverture santé complémentaire qui respecte les caractères solidaires et responsables dans des conditions qui n’altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun. La mesure viserait à pallier une défaillance du marché qui tend à produire une segmentation entre les populations, le marché ne permettant pas de manière efficiente d’assurer le bien-être global des populations non rentables. D’autre part, l’aide serait nécessaire et proportionnée, les dispositifs mis en place précédemment n’ayant pas permis d’atteindre l’objectif poursuivi. |
(49) |
Un tiers anonyme souligne le déficit de connaissances et de données statistiques de l’État français sur la situation économique et financière des entreprises actives sur le marché des assurances complémentaires maladie. Cela rendrait toute analyse objective de la situation impossible. |
(50) |
Le même tiers anonyme fait également référence à l’évolution entre 2001 et 2007 des marges bénéficiaires réalisées par les entreprises du secteur. Tandis que le chiffre d’affaires des entreprises concernées aurait augmenté de 50 % pendant la période mentionnée, les dépenses de prestation des mêmes assureurs n’auraient progressé que de 35 %. Les marges brutes d’exploitation auraient donc encore progressé de 15 % en l’espace de six ans. |
(51) |
Quant à la deuxième mesure (provision d’égalisation), la FFSA est d’avis que rien ne justifie un régime fiscal plus avantageux pour les contrats avec clause de désignation que pour les contrats de groupe d’entreprises couvrant les mêmes risques. La logique de constitution de la provision ainsi que les risques sont les mêmes, avec une mutualisation plus large qui en limite l’intensité dans le cas des contrats avec clause de désignation. En outre, la mesure serait de fait réservée aux institutions de prévoyance. Bien que le choix de l’organisme assureur par les partenaires sociaux soit juridiquement ouvert, la quasi-totalité de ce type de contrats désigne en pratique l’institution de prévoyance constituée à l’initiative des partenaires sociaux. |
(52) |
Le CTIP estime pour sa part qu’il est normal que les partenaires sociaux aient de préférence opté pour la constitution d’une institution de prévoyance dont ils peuvent ensuite assurer la gestion. |
(53) |
Le CTIP rappelle par ailleurs les contraintes qui pèseraient sur les organismes d’assurance en cas de désignation:
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(54) |
Le CTIP estime en outre que les régimes conventionnels de protection sociale complémentaire sont constitutifs de rémunérations pour les salariés et ne peuvent, à ce titre, être assujettis aux impôts commerciaux. En conséquence, le dispositif de déduction complémentaire des provisions d’égalisation ne devrait pas être considéré comme ayant la qualification d’aide d’État. |
(55) |
Le CTIP ainsi que la FNMF invoquent également la compatibilité de la deuxième mesure sur pied de l’article 107, paragraphe 3, point c), du TFUE en précisant que celle-ci serait destinée à faciliter le développement du marché de la prévoyance sans altérer les conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun. |
(56) |
En outre, le CTIP fait référence à l’arrêt Albany (23) en précisant que les régimes conventionnels de protection sociale à adhésion obligatoire remplissent une mission d’intérêt économique général. Soumettre les opérations liées à des régimes conventionnels de protection sociale mis en œuvre par un organisme d’assurance aux impôts commerciaux, entrerait en contradiction avec l’exercice de la mission d’intérêt économique général conférée aux organismes d’assurance. |
V. COMMENTAIRES DE LA FRANCE
(57) |
En ce qui concerne la répercussion de l’aide sur les consommateurs individuels, les autorités françaises affirment que cette répercussion sera assurée par le caractère concurrentiel du marché de l’assurance maladie complémentaire et l’économie même de la mesure. |
(58) |
Non seulement le nombre d’acteurs sur le marché serait élevé (24), mais également les circuits de distributions seraient nombreux et variés (agents généraux d’assurance, courtiers, salariés des organismes d’assurance, ventes directes par internet, etc.). Le caractère concurrentiel de ce secteur serait en outre garanti par l’Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles (ACAM). |
(59) |
Les mécanismes de marché devraient donc garantir la répercussion de l’avantage aux consommateurs sous la forme d’une diminution de la participation financière de l’assuré, sans qu’il soit nécessaire de mettre en place un mécanisme de redistribution obligatoire de l’économie fiscale. En outre, l’économie de la mesure garantirait que l’avantage profite aux catégories de consommateurs exclues d’une couverture santé complémentaire en raison de l’âge ou des ressources de ceux-ci. |
(60) |
Quant à la question d’une éventuelle discrimination en faveur de certains organismes, la France précise que les seuils créent une incitation des organismes d’assurance à mutualiser le «mauvais risque», caractérisé par l’âge ou le niveau de ressources de personnes concernées, dans leur portefeuille. |
(61) |
Une proportion ou un nombre insuffisant de contrats solidaires et responsables ne permettrait pas d’atteindre cet objectif de mutualisation et, à défaut de tels seuils, les exonérations prévues se traduiraient pour les organismes concernés par un effet d’aubaine. Le seul jeu de la concurrence (sans établissement de seuil) aurait pour seul effet de répercuter l’avantage fiscal sur le consommateur final et de permettre aux organismes assureurs de conserver leurs parts de marché, sans assurer une augmentation du taux de couverture. Le mécanisme du double seuil (pourcentage ou valeur absolue) serait donc un élément indispensable à l’augmentation du taux de couverture des catégories de la population actuellement non couvertes. |
(62) |
Dans un contexte de renchérissement constant des assurances complémentaires santé, proposer une incitation fiscale à destination de ces catégories de la population relèverait d’un véritable enjeu de solidarité nationale. |
(63) |
Les autorités françaises relèvent tout d’abord que le dispositif fiscal ne devrait pas être considéré dans son intégralité comme une aide. La qualification d’aide d’État ne devrait être réservée qu’à la seule partie du dispositif qui ne serait pas justifiée par la spécificité de l’activité d’assurance concernée eu égard aux normes prudentielles. |
(64) |
Les spécificités des contrats de désignation, tenant aux fortes contraintes en termes de tarifs, de sélection des risques et de gestion, rendraient ces contrats particulièrement sensibles aux risques de dérives de la sinistralité par rapport aux estimations d’origine et justifieraient donc pleinement un régime de dotation particulièrement prudent. |
(65) |
D’une part, les risques couverts par les contrats de désignation conclus dans le cadre d’accords collectifs de branche concernent une population spécifiquement liée à un secteur d’activité et donc particulièrement sensible aux retournements de cycles affectant ce secteur. L’anticipation sur le long terme de ces cycles nécessiterait donc un lissage sur le long terme des résultats de la désignation. |
(66) |
D’autre part, les contrats de désignation issus d’accords d’entreprise concerneraient une population nécessairement restreinte et justifieraient donc des taux de provisionnement majorés en raison des fluctuations importantes de sinistralité. |
(67) |
La déduction fiscale des dotations à de telles provisions dans des conditions adaptées et renforcées, au-delà du dispositif fiscal de droit commun prévu à l’article 39 quinquies GB du CGI, se justifieraient ainsi sur un plan réglementaire et prudentiel. |
(68) |
Les autorités françaises indiquent néanmoins qu’il est très difficile de justifier précisément les taux de dotations admissibles pour ces opérations en raison de la difficulté technique d’évaluer un niveau «normal» de provisionnement pour des risques aussi spécifiques. Les autorités françaises précisent néanmoins que les plafonds de déductibilité des dotations aux provisions ont été fixés en concertation avec la profession. |
(69) |
En ce qui concerne la compatibilité de l’aide au regard de l’article 107, paragraphe 2, point a), du TFUE, la France affirme que les trois conditions de cette disposition sont bien respectées. En ce qui concerne le caractère social de l’aide, elle précise que les contrats collectifs négociés dans le cadre des accords de branche assurent un degré élevé de mutualisation des risques ainsi qu’un niveau de primes plus bas que sur le marché des contrats individuels tout en permettant aux salariés et à leur famille d’accéder à des garanties élevées. |
(70) |
En réponse à l’argument de la Commission selon lequel le caractère social de la mesure ne serait pas pleinement démontré si l’on se place au moment de la souscription du contrat, la France relève que l’attribution de l’aide avant la réalisation du risque est le seul moyen d’atteindre l’objectif social poursuivi. |
(71) |
Quant au transfert de l’aide sur le consommateur final, la France établit tout d’abord une distinction entre les accords collectifs de branche et les accords d’entreprise. Bien que le premier ensemble puisse effectivement se caractériser par une prédominance des institutions de prévoyance, ce marché ferait l’objet d’une nouvelle dynamique et les autres acteurs de l’assurance s’intéresseraient désormais à ce marché. La concurrence entre les institutions de prévoyance serait en tout état de cause réelle et permettrait déjà de garantir une répercussion maximale au profit de l’assuré. En ce qui concerne le second ensemble (accords d’entreprise), il existe une très forte concurrence entre les accords et aucune situation de monopole au profit des institutions de prévoyance ne saurait être caractérisée. |
(72) |
Selon les autorités françaises, le même raisonnement peut être appliqué lorsque la diminution ou modération de la tarification se fait au profit de l’entreprise. En effet, la participation de l’employeur au financement de la garantie correspond à un complément de salaire pour l’employé/assuré et donc à un avantage pour ce dernier. |
(73) |
Concernant l’existence d’une discrimination de facto au profit des institutions de prévoyance, la France précise que la mesure traite de manière égalitaire tous les opérateurs, quels que soient leur statuts. Le marché de la prévoyance ne serait pas dans une situation de monopole au profit des institutions de prévoyance et se caractériserait d’ores et déjà par une concurrence importante entre les principaux acteurs. |
(74) |
La France rappelle également que le choix de l’organisme assureur (procédure de désignation) relève de la responsabilité de l’employeur et des représentants du personnel. La transparence et la mise en concurrence de ce processus s’exerceraient dans les conditions usuelles d’un marché ouvert à la concurrence. La mise en concurrence se ferait par appel d’offres auprès de plusieurs assureurs, sur la base d’un cahier des charges élaboré par les partenaires sociaux. |
(75) |
La France estime par ailleurs que la mesure évaluée pourrait en tout état de cause être considérée comme une aide destinée à faciliter le développement de certaines activités économiques et qui n’altère pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun conformément à l’article 107, paragraphe 3, point c), du TFUE. L’objectif social démontré de la mesure prouverait l’importance que revêt à l’avenir le développement du marché de la prévoyance. |
(76) |
Selon les autorités françaises, le développement de contrats de prévoyance comportant une procédure de désignation viserait à développer la mise en place de régimes de protection sociale complémentaire plus favorables et plus protecteurs pour les salariés tout en favorisant le dialogue social et la participation des travailleurs. |
(77) |
Enfin, la France ajoute que les prestations d’assurances complémentaires en matière de prévoyance dans le cadre de la procédure de désignation peuvent être considérées comme constitutives d’un service d’intérêt économique général au sens de l’article 106, paragraphe 2, du TFUE, en particulier lorsque l’adhésion au régime de prestations est obligatoire et que sa gestion s’effectue dans un cadre paritaire. |
(78) |
La convention collective prévoyant des garanties et désignant l’assureur peut être rendue obligatoire à l’ensemble des salariés, anciens salariés et ayants droits selon une procédure d’extension (articles L 911-3 et 911-4 du Code de la sécurité sociale) par arrêté du ministre compétent. C’est cet arrêté qui devrait être considéré comme l’acte par lequel un État membre confie les obligations de service public à une entreprise. |
(79) |
La France admet que le montant de la compensation (économie fiscale) pour le service d’intérêt économique général ne respecte pas les conditions posées par l’encadrement communautaire des aides sous la forme de compensations de service public (25). Néanmoins, elle estime que ces conditions ne sont pas adaptées aux particularités des opérations concernées. Selon la France, le mécanisme de la déductibilité fiscale est plus adapté et plus souple qu’une subvention sur la base d’une évaluation précise des coûts supplémentaires résultant de la gestion du service. |
VI. RÉACTION DE LA FRANCE AUX COMMENTAIRES DES TIERS
(80) |
Les autorités françaises prennent note des commentaires des tiers et répondent plus spécifiquement aux observations de la Fédération française des sociétés d’assurance (FFSA). |
(81) |
En ce qui concerne l’exonération fiscale en faveur des contrats solidaires et responsables, les autorités françaises indiquent que la composition des portefeuilles des organismes d’assurance est homogène, de sorte que la proportion de contrats solidaires et responsables par rapport aux autres types de contrats d’assurance maladie serait aujourd’hui équivalente dans les trois grandes catégories d’organismes d’assurance intervenant sur ce marché (entreprises relevant du code des assurances, mutuelles relevant du code de la mutualité et institutions de prévoyance relevant du code de la sécurité sociale). |
(82) |
Quant à la nouvelle provision d’égalisation, la France souligne que la possibilité de conclure des contrats de désignation professionnelle est ouverte à l’ensemble des opérateurs, aussi bien français qu’étrangers, actifs sur le marché de la prévoyance complémentaire. |
(83) |
La France ajoute enfin que les institutions de prévoyance ne bénéficient pas d’une situation de monopole et que, par conséquent, il n’y a pas d’avantage discriminant. Le fait que l’ouverture du marché à la concurrence soit lente et progressive tiendrait à un facteur historique mais ne remettrait pas en cause la concurrence existante entre les institutions de prévoyance. Le fait que les institutions de prévoyance soient davantage spécialisées dans ce secteur ne suffirait pas à établir une quelconque discrimination. |
VII. INFORMATIONS COMPLÉMENTAIRES SOUMISES PAR LA FRANCE APRÈS LA SUSPENSION DE LA PROCÉDURE
(84) |
En cours de procédure d’examen, les services de la Commission ont proposé certaines pistes à la France afin de rendre les régimes d’aide compatibles avec le marché intérieur sur pied de l’article 107, paragraphe 2, du TFUE. |
(85) |
En ce qui concerne la première mesure (exonérations d’impôt des sociétés et de contribution économique territoriale relatives à la gestion des contrats solidaires et responsables), les pistes suivantes ont été proposées:
|
(86) |
Par son courrier du 27 mai 2010, la France a néanmoins indiqué qu’elle avait décidé de maintenir inchangé le régime d’aide qu’elle avait notifié et a confirmé son analyse selon laquelle les régimes notifiés étaient compatibles avec le marché intérieur au sens de l’article 107, paragraphe 2, point a), du TFUE. |
(87) |
Dans ce même courrier, la France a ajouté que les contrats d’assurance complémentaire santé constituent un produit de fidélisation des assurés qui permet de proposer ensuite aux mêmes assurés des produits plus rémunérateurs, à l’instar des contrats d’assurance vie. Pour fidéliser le client, les acteurs du marché seraient donc incités à pratiquer une politique tarifaire attractive. Dans ces conditions, l’avantage fiscal consenti par un organisme et répercuté par ce dernier sur les cotisations des assurés aura pour effet direct une adaptation tarifaire de ses concurrents, assurant ainsi une répercussion au profit de l’ensemble des assurés. |
(88) |
En ce qui concerne la deuxième mesure (déduction fiscale complémentaire pour les provisions d’égalisation), les services de la Commission ont proposé les pistes suivantes à la France:
|
(89) |
Comme pour la première mesure, la France a néanmoins décidé de maintenir inchangé le régime d’aide qu’elle avait notifié en faveur du développement de la prévoyance collective. |
(90) |
Dans son courrier du 27 mai 2010, la France a réaffirmé le caractère particulièrement contraignant de la désignation qui justifierait un régime de dotation particulièrement prudent. Ce n’est donc que dans une mesure très limitée que la provision pour égalisation pourrait être considérée comme une aide d’État et que sa compatibilité avec le marché intérieur devrait être examinée. |
VIII. APPRÉCIATION DE L’AIDE
VIII.1. Exonérations d’impôt des sociétés et de contribution économique territoriale à raison des activités de gestion des contrats solidaires et responsables
(91) |
En référence à la jurisprudence de la Cour de justice dans l’affaire Albany (26), le CTIP affirme que les régimes professionnels de nature conventionnelle ne relèvent pas, en raison de leur nature et de leur objet, des dispositions du droit communautaire relatives à la concurrence. |
(92) |
La Commission note toutefois que la mesure visée par la jurisprudence précitée se rapporte principalement à l’affiliation légale obligatoire d’entreprises industrielles à un fond sectoriel de pension bénéficiant d’un droit exclusif. À cet égard, il y a lieu d’observer que le régime d’exonération relatif à la première mesure vise également des contrats individuels ainsi que des contrats collectifs à adhésion facultative. En outre, les contrats collectifs à adhésion obligatoire visés par la mesure s’inscrivent dans le cadre du libre choix des partenaires sociaux de conclure de telles conventions collectives et non dans le cadre d’une obligation légale de conclure de tels accords ou d’adhérer à un fonds sectoriel ou intersectoriel, comme c’était le cas dans l’affaire Albany. |
(93) |
L’arrêt de la Cour confirme ensuite que les régimes de couverture de risques complétant le système légal de sécurité sociale, tel que celui notifié en l’espèce par les autorités françaises, sont soumis aux règles de concurrence et que les fonds constitutifs de tels régimes répondent bien à la notion d’entreprise au sens des articles 101 et suivants du TFUE (27). |
(94) |
La Commission estime donc que le régime de couverture visé par la première mesure n’échappe pas aux règles du traité en matière de concurrence et en particulier aux règles en matière d’interdiction des aides d’État. |
(95) |
La sécurité sociale (régime d’assurance maladie obligatoire) ne rembourse qu’une partie des soins de santé des assurés sociaux. Les assurances complémentaires santé prennent donc en charge la partie des prestations non financée par le régime d’assurance maladie obligatoire. |
(96) |
Le marché de l’assurance complémentaire santé comporte principalement les trois groupes d’acteurs suivants:
|
(97) |
Selon un courrier des autorités françaises du 21 décembre 2007, 263 entreprises d’assurances, 66 institutions de prévoyance et 1 201 mutuelles interviendraient sur le marché de l’assurance complémentaire santé. Les autorités françaises indiquent également que, en 2006, les 20 premiers acteurs du marché ne représentaient que 35 % du marché sans qu’aucun ne dépasse plus de 4 % et, en outre, que 65 % du marché était constitué d’acteurs représentant moins de 1 % de parts de marché (28). |
(98) |
Or, selon des chiffres officiels publiés en 2009, le nombre d’acteurs sur ce marché ne représenteraient néanmoins plus que 876 opérateurs à la fin de l’année 2008 et serait en constante diminution depuis 2001 (48 % de diminution en 2008 par rapport à 2001) (29). Les mutuelles seraient au nombre de 748, les sociétés d’assurances de 92, et le nombre d’institutions de prévoyance s’élèverait quant à lui à 36. |
(99) |
Selon une analyse récente faite par l’Autorité française de la concurrence, les plus grandes parts de marché sur le marché de l’assurance complémentaire santé individuelle seraient détenues par la Mutuelle générale de l’Éducation nationale — MGEN (7,7 % de part de marché), la mutuelle d’assurance Groupama (30) (6,7 % de part de marché), ou encore la société d’assurances Swiss Life (4 % de part de marché) (31). |
(100) |
Quant au marché de l’assurance complémentaire collective, les plus grandes parts de marché reviendraient à la société d’assurance Axa (17,51 % de part de marché), le groupe d’institutions de prévoyance Malakoff-Médéric (8,7 % de part de marché), ou encore l’ensemble AG2R-La Mondiale-Prémalliance (32) (6,9 % de part de marché) (33). |
(101) |
Malgré des demandes en ce sens adressées aux autorités françaises, la Commission ne dispose pas d’informations plus précises sur la structure du marché de l’assurance complémentaire santé, telles que relatives aux regroupements de sociétés mutuelles, mutuelles, unions de mutuelles et institutions de prévoyance. De plus, malgré des demandes en ce sens de la Commission, les autorités françaises n’ont pas été en mesure de transmettre des statistiques propres aux contrats solidaires et responsables (tant au niveau global qu’au niveau de chaque catégorie d’acteurs du marché). Les statistiques reprises dans le tableau figurant aux considérants 102 et 103 se rapportent donc à l’ensemble du marché de l’assurance complémentaire santé, y compris les contrats ne remplissant pas les conditions permettant de bénéficier de la mesure notifiée. Un rapport publié par la Cour des comptes française en 2008 (34) souligne d’ailleurs les carences statistiques importantes en ce qui concerne l’assurance complémentaire, quant au nombre d’assurés, leur répartition entre les différentes catégories d’assureurs et les différents type de contrats (contrat individuel, contrat collectif facultatif et contrat collectif obligatoire) ainsi que le montant des dépenses remboursées suivant les catégories de ménages et de revenus. Sur la base d’analyses effectuées par l’autorité nationale de la concurrence, ce marché apparaît néanmoins comme fragmenté, voire très fragmenté en ce qui concerne les contrats individuels (35), qui ne constitue toutefois qu’un des sous-marchés concernés par la première mesure notifiée. |
(102) |
Entre 2001 et 2007, ce secteur s’est fortement développé comme en témoigne le tableau figurant à la fin du présent considérant (36). Le chiffre d’affaires global de ces organismes a atteint 27,4 milliards d’EUR en 2007, en progression de 55,8 % par rapport à 2001, soit un taux de croissance annuel moyen de 7,6 %. Le chiffre d’affaires relatif à l’année 2008 dépasserait 29 milliards d’EUR et présenterait une progression de 6 % par rapport à 2007 (37). Évolution du chiffre d’affaires des organismes complémentaires 2001-2007
|
(103) |
Selon les chiffres transmis par les autorités françaises, la répartition entre les contrats individuels et collectifs s’opérerait de la manière suivante (chiffres relatifs à l’année 2004):
|
(104) |
Tandis que les mutuelles et unions mutualistes diffusent principalement des contrats individuels, les institutions de prévoyance diffusent essentiellement des contrats de type collectif (contrats d’entreprises ou de branches). Les sociétés d’assurances ont quant à elles un portefeuille plus équilibré. |
(105) |
Le taux de couverture de la population s’est par ailleurs significativement accru en passant de 84 % en 1996 à 92,8 % en 2006. On compte entre 32 millions et 38 millions de bénéficiaires dans le pôle mutualiste, 13 millions dans les sociétés d’assurances et 11 millions dans les institutions de prévoyance auxquels il faut ajouter plus de 4 millions de bénéficiaires du fonds CMU-C (couverture maladie universelle) qui offre une couverture complémentaire santé gratuite aux plus démunis. Cela signifie qu’aujourd’hui 7 % à 8 % des Français ne disposeraient pas de couverture complémentaire (38). |
(106) |
Aux termes de l’article 107 du TFUE sont «incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d’État, sous quelque forme que ce soit, qui faussent ou menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions». |
(107) |
La qualification d’une mesure en tant qu’aide d’État suppose donc que les conditions cumulatives suivantes soient remplies, à savoir: 1) que la mesure en question confère un avantage, 2) au moyen de ressources d’État, 3) que cet avantage soit sélectif et 4) que la mesure en cause fausse ou menace de fausser la concurrence et soit susceptible d’affecter les échanges entre États membres. |
(108) |
Il ne fait pas de doute que les exonérations ou réductions d’impôt des sociétés et de contribution économique territoriale consistant à supprimer ou à réduire une charge que les entreprises concernées devraient normalement supporter sont constitutifs d’un avantage dans le chef de leur bénéficiaire (39). À ce titre, ces exonérations ou réductions fiscales constituent donc des avantages économiques. |
(109) |
Au regard des renvois faits par le CTIP à une éventuelle mission de service public, la Commission note que les conditions identifiées dans l’affaire Altmark (40) (pour exclure la qualification même d’aide dans certains cas de services d’intérêt économique général) ne sont pas remplies dans le cas d’espèce (voir notamment le paragraphe 144, la troisième condition Altmark consistant en effet en une absence de surcompensation). On est donc bien en présence d’un avantage économique. |
(110) |
Ces avantages sont accordés par l’État français qui, ce faisant, renonce à percevoir des recettes fiscales. Il accorde donc cet avantage au moyen de ressources d’État. |
(111) |
La mesure présente également un caractère sélectif. La sélectivité résulte d’une part de la limitation de la mesure en cause à un secteur de l’économie, à savoir le secteur des assurances, et d’autre part de sa limitation au sein de ce secteur à un type particulier de contrats (sous-secteur). À cet égard, il convient tout d’abord de constater que l’impôt des sociétés constitue un impôt dont le champ d’application couvre l’ensemble des sociétés, quel que soit le secteur dans lequel ces dernières opèrent. Une exonération de cet impôt bénéficiant exclusivement au secteur des assurances constitue donc une dérogation au régime général de l’impôt des sociétés qui favorise ainsi de manière spécifique certaines entreprises. Il en est de même en ce qui concerne l’exonération de la contribution économique territoriale. Par ailleurs, l’exemption en cause favorise également, au sein du secteur des assurances, la production de certains contrats d’assurance maladie, en l’espèce les contrats d’assurance maladie solidaires et responsables. La mesure favorise donc les opérateurs liés par des contrats «solidaires», au détriment des opérateurs liés par des contrats «classiques». |
(112) |
Enfin, outre le fait que le secteur de l’assurance fasse l’objet d’échanges au sein de l’Union européenne, il convient de rappeler que lorsqu’un État membre octroie une aide à une entreprise, l’activité intérieure peut s’en trouver maintenue ou augmentée, avec cette conséquence que les chances des entreprises établies dans d’autres États membres de pénétrer sur le marché de cet État membre en sont diminuées (41). |
(113) |
La position des entreprises concernées sera par conséquent renforcée dans les échanges au sein de l’Union européenne. Cette mesure est donc susceptible de créer des distorsions de concurrence et d’affecter les échanges au sein de l’Union européenne. |
(114) |
Il faut donc conclure que la première mesure constitue effectivement une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, du TFUE. La France ne conteste pas cette qualification. |
(115) |
La mesure notifiée étant constitutive d’aide d’État, il y a lieu de procéder à une analyse de sa compatibilité avec le marché intérieur. Les autorités françaises considèrent que la mesure en question constitue une aide d’État compatible en application de l’article 107, paragraphe 2, point a), du TFUE. |
(116) |
L’article 107, paragraphe 2, point a), du TFUE se lit: «Sont compatibles avec le marché intérieur: a) les aides à caractère social octroyées aux consommateurs individuels, à condition qu’elles soient accordées sans discrimination liée à l’origine des produits». |
(117) |
Une mesure d’aide d’État est compatible sur la base de cette disposition dès lors que les trois conditions suivantes sont réunies:
|
(118) |
Il y a lieu de préciser tout d’abord que l’article 107, paragraphe 2, du TFUE déroge au principe d’interdiction des aides d’État tel qu’énoncé à l’article 107, paragraphe 1, du TFUE et doit donc être interprété de manière restrictive (42). |
(119) |
En ce qui concerne plus particulièrement l’application de l’article 107, paragraphe 2, point a), du TFUE, il faut cependant relever que la pratique décisionnelle de la Commission n’exclut pas que l’aide soit accordée à un intermédiaire qui se charge de la répercuter sur les consommateurs individuels (43). Néanmoins, dans un tel cas de figure, il est nécessaire que le mécanisme mis en place garantisse une répercussion effective sur le consommateur final. |
(120) |
La Commission estime que le caractère social (premier critère) de la mesure est bien établi dans la mesure où elle vise à permettre aux personnes qui, en raison de leur âge, de leur état de santé ou de leurs ressources, éprouvent des difficultés à accéder à une couverture santé complémentaire. L’article 207 du CGI prévoit en effet des critères de nature sociale à respecter par les organismes d’assurance pour bénéficier de la mesure (44). Ces critères introduisent des proportions minimales de certaines populations fragilisées, comme les personnes à faibles revenus ou les personnes âgées, dans le portefeuille d’assurance des organismes concernés. L’avant-projet de décret transmis par les autorités françaises qui précise certaines modalités de modulations tarifaires en fonction de la situation sociale des assurés (45) confirme le caractère social de la mesure en faveur des populations fragilisées. |
(121) |
En revanche, l’examen de la mesure par la Commission n’a pas permis de considérer que l’aide bénéficierait effectivement aux consommateurs individuels (deuxième critère). |
(122) |
D’après les autorités françaises, les aides accordées aux entreprises bénéficieront indirectement aux consommateurs individuels. La forte concurrence sur le marché de l’assurance complémentaire santé garantirait le transfert des aides reçues par les entreprises vers le consommateur par le biais de la fixation du montant des primes demandées au consommateur. |
(123) |
À cet égard, il convient de noter que l’exonération appliquée par la France de la taxe sur les contrats d’assurance maladie solidaires avait été considérée par la Commission comme une aide compatible en application de l’article 107, paragraphe 2, point a), du TFUE (46). Il n’y avait en effet pas de doute dans ce cas que l’exonération de la taxe bénéficiait en premier lieu aux consommateurs individuels, sur lesquels la charge de la taxe pesait effectivement. Le montant de la taxe constituait une composante du montant des primes et l’exonération de la taxe en faveur des contrats solidaires réduisait d’autant le montant des primes. |
(124) |
Dans le cas d’espèce, l’aide n’est pas octroyée par l’intermédiaire d’une exonération de taxe indirecte proportionnellement au montant des primes à charge des assurés mais par le biais d’une exonération à l’impôt des sociétés qui est calculée sur la base des bénéfices réalisés par l’organisme d’assurance sur l’ensemble des assurés ayant souscrit un contrat solidaire et responsable. |
(125) |
La répercussion effective de l’exonération d’impôt des sociétés sur le consommateur final est pour le moins incertaine. D’une part, la Commission ne dispose pas d’éléments permettant de démontrer que l’impôt des sociétés (et l’exonération d’un tel impôt) se répercute effectivement sur les consommateurs individuels dans le marché concerné. Par ailleurs, un rapport récent de la Cour des comptes française a révélé l’existence d’augmentations très significatives des marges bénéficiaires dans le secteur de l’assurance santé au cours des dernières années (de 12 % en 2003 à 23 % en 2007) (47). Dans ce contexte d’augmentation significative des marges bénéficiaires, il est difficile de conclure à l’existence d’un mécanisme de marché garantissant la répercussion effective de l’exonération d’impôt des sociétés sur les consommateurs finaux. |
(126) |
Le CTIP relève d’ailleurs qu’une partie des bénéfices doit être affectée à la constitution de réserves afin de respecter les obligations en matière de solvabilité et qu’il ne serait donc pas anormal qu’une partie au moins de l’avantage serve à couvrir, en totalité ou en partie, l’accroissement chaque année de l’exigence de solvabilité. Cet argument tendrait à démontrer que la mesure donnera lieu à une augmentation des bénéfices pour les organismes assureurs plutôt qu’à une diminution des prix de couverture des risques concernés pour les consommateurs. |
(127) |
Enfin, l’appréciation de la Commission n’est nullement remise en cause par l’argument de la France selon lequel les contrats d’assurance complémentaire santé constituent un produit de fidélisation pour les organismes assureurs qui seraient incités à pratiquer une politique tarifaire attractive. Il faut en effet rappeler que l’article 107, paragraphe 2, point a), du TFUE requiert que l’avantage soit effectivement rétrocédé aux consommateurs individuels. Par conséquent, l’existence d’une simple incitation à rétrocéder une partie de l’avantage aux consommateurs finaux ne pourrait satisfaire à l’exigence d’une rétrocession effective. |
(128) |
La Commission estime donc que la mesure ne garantit pas le transfert effectif de l’avantage aux consommateurs individuels, tel qu’exigé par l’article 107, paragraphe 2, point a), du TFUE. |
(129) |
L’examen de la Commission conclut également au non-respect de la condition relative à l’absence de discrimination quant à l’origine du produit (troisième critère). Pour s’assurer du respect de cette condition, il y a lieu de vérifier si les consommateurs bénéficient de l’aide en cause quel que soit l’opérateur économique fournissant le produit ou le service susceptible de remplir l’objectif social invoqué par l’État membre concerné et qu’il n’existe aucune barrière à l’entrée pour les organismes assureurs établis dans l’Union européenne (48). Or, outre les conditions relatives au type de contrats éligibles, les entreprises désireuses de bénéficier du régime doivent respecter des seuils relatifs au nombre (120 000/150 000 contrats) ou à la proportion (taux de 85 %/93 %) de contrats solidaires et responsables dans leur portefeuille de contrats d’assurance complémentaire santé. |
(130) |
Les autorités françaises estiment que ces seuils constituent un incitant pour développer massivement ce type de contrats en mutualisant le «mauvais risque» caractérisé par l’âge ou le niveau de ressources de l’assuré dans leur portefeuille et sont en outre nécessaires pour éviter que l’avantage fiscal ne porte sur une fraction trop faible de l’activité des organismes et ainsi pour atteindre les objectifs de solidarité et de mutualisation. La poursuite de l’objectif social de la mesure ne pourrait être assurée que par un mécanisme imposant aux organismes d’assurance de détenir dans leur portefeuille de contrats d’assurance maladie un nombre minimal ou une proportion significative de contrats solidaires et responsables. En l’absence de ce mécanisme de seuil, aucune disposition n’aurait permis de garantir une augmentation du taux de couverture des populations actuellement non couvertes et les exonérations fiscales se traduiraient simplement par un effet d’aubaine pour les organismes d’assurance. Le seuil exprimé en pourcentage permettrait aux petits organismes qui auraient pour activité quasi-exclusive ces contrats sans atteindre un seuil purement quantitatif de bénéficier de la mesure tandis que les seuils en valeur absolue permettraient aux organismes offrant un nombre significatif de ce type de contrat (sans être exclusif) de bénéficier de la mesure. |
(131) |
La Commission constate tout d’abord qu’aucune information précise n’a pu être fournie par les autorités françaises concernant la répartition actuelle des contrats solidaires et responsables entre les différents acteurs du marché, ni concernant le nombre et la proportion de ces contrats dans leurs portefeuilles. Selon l’analyse de la Commission, il ressort néanmoins que les mutuelles et les unions de mutuelles sont légalement tenues de n’offrir que des contrats solidaires (49). Dans la pratique, il apparaît également que les institutions de prévoyance sont soumises à la même obligation. Les mutuelles et les institutions de prévoyance devraient donc toujours satisfaire au critère de seuil exprimé en pourcentage, alors que les sociétés d’assurance ayant une présence limitée sur le marché des contrats solidaires et souhaitant s’y investir, pourraient avoir des difficultés à remplir les critères de seuil (tant en terme de proportion qu’en terme absolu) et donc à bénéficier des exonérations fiscales. Ce serait plus particulièrement le cas pour les sociétés d’assurance ayant un important portefeuille existant de contrats complémentaire santé «classiques» ne remplissant pas les conditions pour être considérés comme des contrats solidaires. |
(132) |
Dans ce contexte, les seuils ne conduiraient donc pas à un effort équivalent, quel que soit l’organisme d’assureur, et n’auraient pas d’effet incitatif pour les organismes d’assurance remplissant déjà les critères de seuil (en particulier les mutuelles, unions de mutuelles et institutions de prévoyance). Contrairement à ce qu’affirme la France, l’introduction des seuils n’est donc pas de nature à éviter un éventuel effet d’aubaine. |
(133) |
Selon la Commission, ces seuils auront tout simplement pour effet d’entraîner une discrimination quant à l’origine du produit. Ainsi, les seuils semblent susceptibles d’exclure un certain nombre d’organismes du bénéfice de l’exonération, alors même que ceux-ci offriraient les contrats solidaires et responsables que les autorités françaises souhaitent soutenir. L’existence de ces seuils pourrait en outre avantager les organismes déjà présents sur le marché et constituer une barrière à l’entrée sur le marché considéré pour certains acteurs qui ne pourraient pas ou qui craindraient de ne pas pouvoir les respecter. |
(134) |
Enfin, il est probable que le montant de l’aide varie d’un organisme d’assurance à l’autre en fonction des bénéfices réalisés sur les opérations concernées, ce qui ne serait pas conforme à l’exigence selon laquelle les consommateurs doivent bénéficier de l’aide en cause quel que soit l’opérateur économique fournissant le produit ou le service susceptible de remplir l’objectif social invoqué par l’État membre concerné (50). |
(135) |
Il faut donc conclure que le régime d’aide notifié par la France en faveur du développement des contrats solidaires et responsables n’est pas compatible avec le marché intérieur sur la base de l’article 107, paragraphe 2, point a), du TFUE. |
(136) |
Si la France n’invoque pas explicitement d’autre disposition relative à la compatibilité des aides d’État, il y a lieu de constater qu’aucun des critères de compatibilité prévus à l’article 107, paragraphes 2 et 3, du TFUE ne s’applique au cas d’espèce. |
(137) |
En ce qui concerne les dispositions de l’article 107, paragraphe 2, du TFUE, autres que le point a), il convient de constater que les critères de compatibilité prévus aux points b) et c) ne trouvent de toute évidence pas à s’appliquer au cas d’espèce. |
(138) |
Sur la base de l’article 107, paragraphe 3, point c), du TFUE, une aide peut être considérée comme compatible si elle est destinée à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques, quand elle n’altère pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun. |
(139) |
Selon le FNMF, l’aide serait destinée à faciliter le développement de la couverture complémentaire santé qui respecte les caractères solidaires et responsables dans des conditions qui n’altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun. Néanmoins, malgré ses demandes, la Commission n’a pas obtenu des autorités françaises des informations chiffrées permettant d’étayer l’applicabilité du critère de compatibilité mentionné au considérant précédent, ni concernant l’effet des mesures fiscales existantes sur la diffusion des contrats solidaires et responsables, ni encore concernant le rapport entre l’avantage supplémentaire envisagé et les coûts ou exigences supplémentaires liés à la gestion de ce type de contrats. La Commission n’est donc pas en mesure de s’assurer du caractère nécessaire et proportionné des nouvelles exonérations envisagées pour atteindre l’objectif décrit. Il faut de toute façon constater que l’exonération d’impôt des sociétés n’est pas liée à la réalisation d’investissements ni à la création d’emplois ou de projets spécifiques. Elle constitue donc un allègement de charges continu constitutif d’aide au fonctionnement qui n’est pas, selon une pratique constante, susceptible d’être déclarée compatible dans le cadre de l’article 107, paragraphe 3, du TFUE. |
(140) |
Enfin, aucun autre critère de compatibilité prévu à l’article 107, paragraphe 3, du TFUE n’a été invoqué par la France. |
(141) |
Selon le CTIP, les mesures fondées sur des conventions et accords collectifs, telles que la mesure en cause, auraient pour objet de pallier les insuffisances de la sécurité sociale. La Commission observe que le CTIP n’invoque pas explicitement l’existence d’un service économique d’intérêt général et la France, à laquelle il incomberait de démontrer la compatibilité avec le traité de l’aide en cause, n’invoque pas l’article 106, paragraphe 2, du TFUE. Dans ces circonstances, la Commission n’est pas en mesure d’apprécier la compatibilité de l’aide en cause à la lumière de l’article 106, paragraphe 2, du TFUE. Par ailleurs, la Commission remarque ce qui suit. |
(142) |
L’article 106, paragraphe 2, du TFUE prévoit que les entreprises chargées de la gestion de services d’intérêt économique général ou présentant le caractère d’un monopole fiscal sont soumises aux règles du traité, notamment aux règles de concurrence, dans les limites où l’application de ces règles ne fait pas échec à l’accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur a été impartie. Le développement des échanges ne doit pas être affecté dans une mesure contraire à l’intérêt de l’Union. |
(143) |
Il ressort de la jurisprudence de la Cour de justice qu’à l’exception des secteurs dans lesquels cette question fait déjà l’objet d’une réglementation de l’Union européenne, les États membres disposent d’un large pouvoir d’appréciation quant à la nature des services susceptibles d’être qualifiés d’intérêt économique général. Or, même à supposer qu’il s’agisse dans le cas d’espèce d’un service d’intérêt économique général (ce qui n’a pas été allégué par la France), il y a lieu de constater que, aux fins de l’article 106, paragraphe 2, du TFUE, la compensation versée aux entreprises chargées d’une mission de service public ne peut excéder les coûts de fourniture du service public, en tenant compte des recettes y relatives ainsi que d’un bénéfice raisonnable pour l’exécution de ces obligations. |
(144) |
À ce propos, il suffit de relever que la mesure fiscale en cause ne contient pas de mécanisme permettant d’exclure une surcompensation par rapport aux coûts de la charge encourus par les opérateurs concernés. Il faut constater en effet que le montant de l’aide en cause (exonérations fiscales sur les opérations concernées) n’est en aucune manière lié aux coûts additionnels supportés par les organismes assureurs. Il n’est pas davantage lié aux primes payées par les assurés ni au nombre de contrats. |
(145) |
Dans ce contexte, la Commission conclut que, en tout état de cause, la mesure concernée ne pourrait pas être déclarée compatible avec le marché intérieur sur la base de l’article 106, paragraphe 2, du TFUE. |
VIII.2. Déduction fiscale des dotations aux provisions d’égalisation afférentes à certains contrats d’assurance complémentaires collectifs
(146) |
Le marché de la «prévoyance» regroupe les opérations ayant pour objet la prévention et la couverture du risque décès, des risques portant atteinte à l’intégrité physique de la personne ou liés à la maternité ou des risques d’incapacité de travail ou d’invalidité ou du risque de chômage (51), en complément du système légal de sécurité sociale. |
(147) |
Les couvertures de prévoyance permettent:
|
(148) |
Trois catégories d’entreprises sont présentes sur ce marché: les sociétés régies par le code des assurances (compagnies d’assurances, mutuelles d’assurances et filiales de banques), les mutuelles régies par le code de la mutualité, et les institutions de prévoyance régies par le code de la sécurité sociale. |
(149) |
L’assurance prévoyance peut être souscrite soit à titre collectif, en adhérant à un contrat collectif par l’intermédiaire de l’employeur, d’une branche professionnelle ou interprofessionnelle, soit à titre individuel en s’adressant directement à une société d’assurance ou une mutuelle. |
(150) |
Aujourd’hui, une très large majorité de salariés sont couverts par un contrat de prévoyance collectif. L’adhésion peut revêtir un caractère obligatoire ou facultatif. |
(151) |
Un régime collectif de prévoyance s’inscrit dans une relation triangulaire:
|
(152) |
Selon les estimations communiquées par les autorités françaises pour l’année 2005, le marché de la prévoyance représentait un chiffre d’affaires annuel de 20 milliards d’EUR (assurances collectives et individuelles). Les sociétés d’assurances représenteraient la plus large part de ce marché avec 71 % des cotisations encaissées, tandis que les institutions de prévoyance et les mutuelles représenteraient respectivement 21 % et 8 % du marché. Il faut néanmoins préciser que ces derniers chiffres se rapportent à l’ensemble des catégories de contrats dans ce secteur: contrat individuel, contrat collectif à adhésion facultative et contrat collectif à adhésion obligatoire. |
(153) |
Les autorités françaises estiment par ailleurs que le marché de la désignation professionnelle (53) pour les risques décès, incapacité et invalidité est supérieur à 4 milliards d’EUR et couvrirait la quasi-totalité des opérations de prévoyance couvertes par les institutions de prévoyance (4,2 milliards d’EUR) ainsi qu’une partie des contrats collectifs des entreprises d’assurance et des mutuelles. Aucun chiffre précis n’a néanmoins été communiqué concernant la part de ces derniers dans le marché de la désignation. |
(154) |
Bien que la France ait admis la qualification d’aide d’État de la mesure dans sa notification, elle a fait remarquer par la suite qu’une partie au moins du dispositif ne devait pas être considérée comme une aide au sens de l’article 107, paragraphe 1, du TFUE en raison des spécificités des contrats de désignation (contraintes fortes en termes de tarifs, de sélection des risques et de gestion) qui rendraient ces contrats particulièrement sensibles aux risques de dérives de la sinistralité par rapport aux estimations d’origine et justifieraient donc pleinement un régime de provision particulièrement prudent et donc une déductibilité fiscale des dotations aux provisions plus élevée sans que cela donne lieu à l’existence d’un avantage. |
(155) |
La France estime donc qu’une partie de la déduction fiscale des dotations dans des conditions adaptées et renforcées, allant au-delà du dispositif fiscal de droit commun existant à l’article 39 quinquies GB du CGI, se justifierait sur un plan réglementaire et prudentiel et ne serait pas constitutif d’un avantage. |
(156) |
Il convient donc d’examiner en premier lieu si la mesure donne lieu à l’existence d’un avantage dans le chef des organismes d’assurance concernés. |
(157) |
L’article 39, paragraphe 1, point 5, du code précité prévoit que sont déductibles «les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu’elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l’exercice». Le code prévoit dans certains cas une déductibilité forfaitaire pour certains types d’opérations. Ceci est plus particulièrement le cas dans le domaine de l’assurance et de la réassurance où les articles 39 quinquies G à 39 quinquies GD du code prévoient des règles spécifiques en matière de déductibilité des provisions, afin de tenir compte des spécificités du secteur des assurances dont l’activité principale consiste précisément à couvrir des risques. Pour déterminer l’existence éventuelle d’un avantage, il y a donc lieu de vérifier si les opérations couvertes par la mesure entraînent effectivement des pertes ou charges supplémentaires au sens de l’article 39, paragraphe 1, point 5, du code précité dans la mesure prévue par l’article 39 quinquies GD. |
(158) |
À titre préliminaire, il convient d’accepter le principe selon lequel la nature et l’intensité des risques de sinistralité dans le secteur de l’assurance complémentaire contre les risques de décès, incapacité et invalidité sont susceptibles de varier en fonction des types de population couverte et des modalités de couverture (contrats individuels/collectifs, contrats facultatifs/obligatoires). |
(159) |
Les contrats issus d’accords d’entreprise, y compris les contrats de désignation issus de tels accords, concernent une population restreinte. Ils entraînent un risque de «pointe» (risque de sinistre dans l’entreprise concernée) sans toujours offrir la possibilité de mutualisation au sein d’une large population. Les contrats collectifs visant un secteur (branche) concernent quant à eux une population plus large et entrainent donc a priori une plus grande mutualisation. Pour ce dernier type de contrat, il y aurait néanmoins une forte corrélation entre la sinistralité et les périodes de crise pouvant affecter l’ensemble d’un secteur économique. Selon le CTIP, les périodes de crise seraient des amplificateurs de volatilité des sinistres au niveau de la branche. |
(160) |
En ce qui concerne les contrats collectifs de désignation issus d’accord d’entreprise, la Commission estime qu’il n’y a pas de raison de penser que la nature et l’intensité (et par conséquent la fluctuation) du risque de sinistralité soient significativement différentes de la situation où ce même type de contrat est conclu en dehors d’une négociation au niveau paritaire entre syndicat et patronat (et donc en dehors du processus de désignation). |
(161) |
Par ailleurs, en l’absence d’informations précises sur la fréquence des sinistres dans ce secteur, rien ne permet de conclure que les fluctuations de risques propres aux contrats de désignation de branche (contrats caractérisés par une plus grande sensibilité à la conjoncture mais aussi par une plus grande mutualisation) seraient d’une plus grande ampleur que les mêmes risques relatifs aux contrats d’entreprise (contrats caractérisés par un risque de pointe et par une plus petite mutualisation). |
(162) |
En outre, au cas même où les contraintes de la désignation invoquées par la France auraient effectivement pour effet d’entraîner une pression supplémentaire au niveau des primes perçues par les organismes d’assurance, force est de constater qu’il s’agit d’une circonstance pouvant affecter les revenus et non les charges de sinistres. Ce type de risque (perte de revenus) n’est donc pas visé à l’article 39, paragraphe 1, point 5, du CGI et n’est donc pas susceptible de bénéficier de dotations aux provisions déductibles. |
(163) |
Il n’y a donc pas de différence de risque démontrée entre les contrats avec clause de désignation et les contrats de groupe au sein d’entreprises couvrant les mêmes risques. Par conséquent, la déductibilité fiscale complémentaire prévue à l’article 39 quinquies GD a pour effet de réduire ou supprimer une charge d’impôt des sociétés que les entreprises concernées devraient normalement supporter. À ce titre, la déduction complémentaire constitue donc un avantage économique. |
(164) |
Au regard des renvois faits par la France et le CTIP à une éventuelle mission de service public, la Commission note que les conditions identifiées dans l’affaire Altmark (pour exclure la qualification même d’aide dans certains cas de services d’intérêt économique général) ne sont pas remplies dans le cas d’espèce (voir notamment le considérant 189 — la troisième condition de la jurisprudence Altmark consistant en effet en une absence de surcompensation). On est donc bien en présence d’un avantage économique. |
(165) |
Les avantages octroyés par la mesure sont accordés par l’État français qui, ce faisant, renonce à percevoir des recettes fiscales. Il accorde donc cet avantage au moyen de ressources d’État. |
(166) |
Pour les raisons déjà exposées en ce qui concerne la première mesure, la deuxième mesure présente également un caractère sélectif. La sélectivité résulte d’une part de la limitation de la mesure en cause à un secteur de l’économie, à savoir le secteur des assurances, et d’autre part de sa limitation au sein de ce secteur à un type particulier de contrats (sous-secteur). La mesure bénéficie à certaines entreprises du secteur des assurances qui concluent des contrats collectifs couvrant les risques de décès et de dommages corporels dans le cadre de la procédure de désignation par les partenaires sociaux. La mesure ne s’applique donc pas aux contrats couvrant les mêmes risques en dehors de la procédure de désignation. Il convient en outre de constater que la mesure ne s’applique pas aux entreprises de réassurance exposées au même type de risque. |
(167) |
Il convient néanmoins de vérifier si cette sélectivité n’est pas justifiée par la nature et la logique du système fiscal de référence. Bien que le CGI prévoie, en matière de déduction des provisions, une déductibilité forfaitaire des dotations pour certains types de provisions, force est de constater que, pour les raisons exposées ci-dessus (voir considérants 156 à 163), la déductibilité excédant le montant prévu à l’article 39 quinquies GB n’est pas justifiée par la logique du système qui prévoit un provisionnement à hauteur des pertes ou charges que les évènements en cours rendent probables. |
(168) |
Enfin, outre le fait que le secteur de l’assurance fasse l’objet d’échanges au sein de l’Union européenne, il convient de rappeler que lorsqu’un État membre octroie une aide à une entreprise, l’activité intérieure peut s’en trouver maintenue ou augmentée, avec cette conséquence que les chances des entreprises établies dans d’autres États membres de pénétrer sur le marché de cet État membre en sont diminuées. La position des entreprises concernées sera renforcée dans les échanges au sein de l’Union européenne. Il faut également ajouter que le caractère obligatoire des contrats de désignation renforce la distorsion de concurrence. Cette mesure est donc susceptible de créer des distorsions de concurrence et d’affecter les échanges au sein de l’Union européenne. |
(169) |
Il faut donc conclure que la deuxième mesure constitue effectivement une aide au sens de l’article 107, paragraphe 1, du TFUE, dans la mesure où elle prévoit un niveau de déductibilité supérieur à celui qui est prévu à l’article 39 quinquies GB du CGI. |
(170) |
La mesure étant constitutive d’aide d’État, il y a lieu de procéder à une analyse de sa compatibilité avec le marché intérieur. Les autorités françaises considèrent que la mesure en question constitue une aide d’État compatible en application de l’article 107, paragraphe 2, point a), du TFUE. |
(171) |
La Commission estime tout d’abord que le caractère social (premier critère) de la mesure est établi dans la mesure où, comme l’invoquent les autorités françaises, les opérations gérées dans le cadre d’une clause de désignation visent à favoriser la couverture la plus large possible des salariés contre les risques faiblement pris en charge par la sécurité sociale (décès, incapacité, invalidité). Le caractère social se décline à travers la mutualisation importante entre les générations et entre les catégories de salariés, l’unicité de la cotisation (pas de discrimination selon l’âge, le sexe, l’état de santé), ainsi que la mise en œuvre de mesures à caractère social (droits gratuits en cas de chômage, pour les enfants à charge, etc.). Dans un cadre facultatif et purement individuel, il faut également s’attendre à ce que les populations de salariés à faible revenus choisissent de ne pas souscrire les garanties couvrant des risques graves mais exceptionnels. |
(172) |
Dans sa décision d’ouverture, la Commission avait estimé que le caractère social de la mesure n’était pas pleinement démontré lorsque l’on se place au stade de la souscription du contrat d’assurance (avant la survenance desdits évènements graves). Il faut néanmoins constater, comme le relève la France, que l’attribution de l’aide avant la réalisation du risque, par le biais d’une assurance couvrant les risques en question, est effectivement le seul moyen d’atteindre l’objectif social poursuivi. |
(173) |
En revanche, pour les raisons déjà exposées dans le cadre de l’examen de la première mesure, l’examen de la mesure par la Commission n’a pas permis de démontrer que l’aide garantirait une répercussion effective de l’avantage aux consommateurs individuels (deuxième critère). La déductibilité complémentaire des provisions d’égalisation a pour effet de réduire ou de supprimer la charge d’impôt des sociétés et a donc un effet équivalent au dispositif d’exonération propre à la première mesure. |
(174) |
En ce qui concerne l’argument invoqué par la Commission dans sa décision d’ouverture selon lequel l’éventuelle répercussion de l’avantage octroyé aux organismes d’assurance devrait pouvoir profiter non seulement aux assurés/employés mais également aux employeurs (qui contribuent au paiement d’une partie des primes), la France ainsi que le CTIP estiment que la participation de l’employeur au financement de régimes conventionnels de protection sociale complémentaire sont constitutifs de rémunération pour les salariés et d’avantage pour ces derniers. La Commission est néanmoins d’avis que, si le financement d’un régime de couverture au profit des salariés par l’employeur constitue effectivement un avantage dans le chef des salariés, il est indéniable qu’une éventuelle réduction des cotisations constituera également une réduction des charges dans le chef de l’employeur et donc un avantage dans son chef. |
(175) |
Quant à l’existence éventuelle d’une discrimination liée à l’origine des produits (troisième critère), la Commission confirme son appréciation suivant laquelle le haut degré de concentration entre les mains des institutions de prévoyance, qui caractérise actuellement les activités relatives aux contrats de désignation, se traduit par une discrimination de facto au profit de ces institutions. Bien que la France n’ait pas été en mesure de fournir des informations précises concernant la répartition du marché de la désignation entre les différents acteurs du marché, la Commission observe que, sur la base des informations dont elle dispose, la grande majorité des contrats de désignation sont actuellement gérés par les institutions de prévoyance. |
(176) |
Bien que, comme le précisent les autorités françaises, l’organisme d’assurance désigné par les partenaires sociaux relève du seul choix de ceux-ci, force est de constater qu’aucune disposition légale n’oblige les partenaires sociaux à mettre en concurrence l’ensemble des acteurs du marché lors de la désignation de l’organisme. La FFSA soutient, sans être contredite à ce propos par les autorités françaises, que les partenaires sociaux optent de préférence pour la constitution d’une institution de prévoyance dont ils peuvent ensuite assurer la gestion. |
(177) |
Bien qu’il résulte de la jurisprudence Albany précitée que les accords conclus dans le cadre de négociations collectives entre partenaires sociaux et poursuivant des objectifs sociaux ne relèvent pas de l’article 101, paragraphe 1, du TFUE relatif à l’interdiction des ententes, force est de constater que cette jurisprudence n’implique nullement, ainsi qu’il a été indiqué plus haut, qu’une aide accordée à un organisme assureur dans le cadre d’une procédure de désignation soit compatible avec l’article 107, paragraphe 2, point a), du TFUE. |
(178) |
Les organismes assureurs autres que les institutions de prévoyance, en particulier les sociétés d’assurance actives sur le marché de la prévoyance collective au niveau des entreprises, sont donc susceptibles de faire l’objet de discrimination en raison de l’absence d’obligation pour les partenaires sociaux de faire appel à la concurrence qui aurait pour but de permettre à tout acteur du marché intéressé de soumettre une offre pour couvrir les prestations convenues entre les partenaires sociaux et d’être choisi en raison de la qualité supérieure de ses services et/ou du prix inférieur de ceux-ci. À titre de comparaison, il convient de noter que certains dispositifs français d’assurance complémentaire santé prévoient un mécanisme de sélection de l’(des) organisme(s) assureur(s) sur la base d’une procédure transparente d’appel à la concurrence (54). |
(179) |
Il faut donc conclure que deux des trois critères de compatibilité ne sont pas remplis et que le régime d’aide notifié par la France en faveur des contrats de désignation dans le domaine de la prévoyance n’est pas compatible avec le marché intérieur sur la base de l’article 107, paragraphe 2, point a), du TFUE. |
(180) |
Les critères de compatibilité prévus à l’article 107, paragraphe 2, points b) et c), du TFUE ne trouvent de toute évidence pas à s’appliquer au cas d’espèce. |
(181) |
Quant à la compatibilité de la mesure sur la base de l’article 107, paragraphe 3, point c), du TFUE, la France précise que l’objectif social démontré de la mesure prouverait l’importance que revêt à l’avenir le développement du marché de la prévoyance. Ce développement s’inscrirait dans un objectif de santé publique, de lutte contre la précarité et de cohésion économique et sociale, de développement du dialogue social, et de protection des travailleurs, qui sont des objectifs de l’Union européenne d’intérêt commun. La Commission estime néanmoins que le caractère nécessaire et proportionné de la mesure n’est pas démontré. Ainsi qu’elle l’a déjà exposé dans son examen de l’existence d’un avantage, la Commission est d’avis que rien ne justifie l’exclusion du bénéfice de la mesure pour les contrats de groupe au niveau des entreprises couvrant les mêmes risques mais non conclus dans le cadre de la désignation. La mesure est donc disproportionnée dans la mesure où elle n’inclut pas les contrats hors désignation. Par ailleurs, il convient de constater, comme la Commission l’a déjà fait pour la première mesure, que la mesure constitue un allègement de charges continu constitutif d’aide au fonctionnement qui n’est pas, selon une pratique constante, susceptible d’être déclarée compatible dans le cadre de l’article 107, paragraphe 3, du TFUE. |
(182) |
Enfin, aucun autre critère de compatibilité prévu à l’article 107, paragraphe 3, du TFUE n’a été invoqué par la France. |
(183) |
Selon la France et le CTIP, les prestations d’assurance complémentaire en matière de prévoyance dans le cadre de la procédure de désignation peuvent être considérées comme constitutives d’un service d’intérêt économique général au sens de l’article 106, paragraphe 2, du TFUE, en particulier lorsque l’adhésion au régime de prestations est obligatoire et que sa gestion s’effectue dans un cadre paritaire. Le CTIP fait également référence à la jurisprudence de la Cour de justice dans l’affaire Albany (55), en précisant que les régimes conventionnels de protection sociale à adhésion obligatoire remplissent une mission d’intérêt économique général. |
(184) |
Cette disposition prévoit que les entreprises chargées de la gestion de services d’intérêt économique général ou présentant le caractère d’un monopole fiscal sont soumises aux règles du traité, notamment aux règles de concurrence, dans les limites où l’application de ces règles ne fait pas échec à l’accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur a été impartie. En outre, le développement des échanges ne doit pas être affecté dans une mesure contraire à l’intérêt de l’Union européenne. |
(185) |
Ainsi que déjà relevé dans le cadre de l’examen de la première mesure (56), les États membres disposent d’un large pouvoir d’appréciation quant à la nature des services susceptibles d’être qualifiés d’intérêt économique général. |
(186) |
La Commission observe également que, dans l’affaire Albany précitée, la Cour conclut que l’attribution d’un droit exclusif de gérer dans un secteur déterminé un régime de pension complémentaire peut être considérée comme un service d’intérêt économique général, en soulignant l’importance de la fonction sociale dévolue aux pensions complémentaires. |
(187) |
Dans ce contexte, il n’est pas exclu que les prestations fournies par les organismes assureurs dans le cadre de la désignation par les partenaires sociaux puissent être considérées comme un service d’intérêt économique général dans la mesure où l’accord entre les partenaires sociaux dans le cadre de la désignation est rendu obligatoire à toutes les entreprises du secteur concerné (ou à l’entreprise concernée) et couvre des risques non couverts ou insuffisamment couverts par le système public de sécurité sociale. Toutefois, comme déjà mentionné dans le cadre de l’examen de la première mesure (57), les mesures financières de soutien à un tel mécanisme doivent être limitées à ce qui est nécessaire pour compenser les coûts additionnels pour les organismes assureurs au titre des obligations de service public. |
(188) |
L’encadrement communautaire des aides d’État sous la forme de compensation de service public (58) définit les conditions dans lesquelles la Commission considère une telle compensation comme compatible au titre de l’article 106, paragraphe 2, du TFUE. En particulier, la compensation versée ne peut excéder les coûts de fourniture du service public, en tenant compte des recettes y relatives ainsi que d’un bénéfice raisonnable pour l’exécution de ces obligations. |
(189) |
À cet égard, il convient néanmoins de constater que l’économie fiscale résultant de la déductibilité complémentaire des dotations aux provisions d’égalisation ne remplit pas cette condition. En effet, il n’est pas possible d’établir un quelconque lien entre le montant de l’économie fiscale et les coûts relatifs à la fourniture du service public. |
(190) |
La France admet dans son courrier du 31 octobre 2008 que le montant de la compensation (économie fiscale) pour le service d’intérêt économique général ne respecte pas les conditions posées par l’encadrement communautaire. Néanmoins, elle estime que ces conditions ne sont pas adaptées aux particularités des opérations concernées. Selon la France, le mécanisme de la déductibilité fiscale est plus adapté et plus souple qu’une subvention sur la base d’une évaluation précise des coûts supplémentaires résultant de la gestion du service. |
(191) |
La Commission est néanmoins d’avis que les critères établis par l’encadrement communautaire doivent être strictement respectés car ils permettent d’assurer l’équilibre nécessaire entre d’une part le bon fonctionnement des services d’intérêt économique général et d’autre part l’absence de développement des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt de l’Union européenne. |
(192) |
La Commission est donc d’avis que les conditions de l’article 106, paragraphe 2, du TFUE telles que développées dans l’encadrement communautaire ne sont pas respectées et que la mesure ne peut donc pas être déclarée compatible avec le marché intérieur sur la base de cette disposition. |
IX. CONCLUSION
(193) |
La Commission constate que les régimes d’aide notifiés par la France en faveur du développement des contrats solidaires et responsables ainsi que des contrats collectifs de prévoyance constituent des aides d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, du TFUE. Elle constate en outre que, malgré l’objectif social démontré des régimes d’aide concernés, les modalités de leur mise en œuvre empêchent de remplir l’ensemble des conditions prévues à l’article 107, paragraphes 2 et 3, de même qu’à l’article 106, paragraphe 2, du TFUE. Les deux régimes d’aide doivent donc être considérés comme incompatibles avec le marché intérieur, |
A ADOPTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:
Article premier
Les régimes d’aide que la France envisage de mettre à exécution en faveur, d’une part, du développement des contrats d’assurance maladie solidaires et responsables et, d’autre part, du développement des contrats d’assurance complémentaires collectifs contre les risques de décès, incapacité et invalidité, en application de l’article 207, paragraphe 2, des articles 1461, 1er et 39 quinquies GD du code général des impôts, constituent des aides d’État incompatibles avec le marché intérieur.
Ces régimes d’aide ne peuvent, pour cette raison, être mis à exécution.
Article 2
La France informe la Commission, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision, des mesures prises pour s’y conformer.
Article 3
La République française est destinataire de la présente décision.
Fait à Bruxelles, le 26 janvier 2011.
Par la Commission
Joaquín ALMUNIA
Vice-président
(1) À compter du 1er décembre 2009, les articles 87 et 88 du traité CE sont devenus respectivement les articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE). Dans les deux cas, les dispositions sont, en substance, identiques. Aux fins de la présente décision, les références faites aux articles 107 et 108 du TFUE s’entendent, s’il y a lieu, comme faites respectivement aux articles 87 et 88 du traité CE. Un certain nombre de changements de terminologie ont également été apportés par le TFUE, tels que le changement de «Communauté» en «Union» et de «marché commun» en «marché intérieur».
(2) JO C 38 du 12.2.2008, p. 10.
(3) Journal officiel de la République française no 303 du 31 décembre 2006, p. 20228, texte no 2 (source: http://www.legifrance.gouv.fr).
(4) Voir note 2 de bas de page.
(5) JO C 136 du 16.6.2009, p. 13, point 41.
(6) La notification fait référence à l’exonération de la taxe professionnelle. Néanmoins, cette dernière a, entretemps, été remplacée par la contribution économique territoriale, composée d’une cotisation foncière des entreprises et d’une cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises.
(7) Voir décision de la Commission du 2 juin 2004, France, aide d’État no E 46/2001, Exonération de la taxe sur les contrats d’assurance maladie, http://ec.europa.eu/competition/state_aid/register/ii/by_case_nr_e2001_0030.html#46
(8) Voir décision de la Commission du 29 octobre 2010, France, aide d’État no N 401/2010, modification du dispositif d’exonération de la taxe spéciale sur les conventions d’assurances des contrats d’assurance maladie solidaires et responsables.
(9) Les dispositions relatives au caractère responsable du contrat (pas de couverture des dépassements d’honoraires sur certains actes et financement de certaines prestations liées à la prévention) ont été introduites en 2006.
(10) Un projet de décret fixe cette proportion à 85 %.
(11) Un projet de décret fixe cette proportion à 93 %.
(12) Aide octroyée par l’État sous forme de réduction des primes d’assurance pour les personnes bénéficiant de ressources financières en dessous d’un plafond déterminé par la situation familiale. Le montant de l’aide varie de 100 à 500 EUR en fonction de l’âge du bénéficiaire.
(13) La proportion minimale serait de 3 % selon le projet de décret.
(14) La proportion minimale pour cette tranche d’âge serait de 16 % selon le projet de décret.
(15) La proportion minimale pour cette tranche d’âge serait de 31 % selon le projet de décret.
(16) Une provision «pour risques et charges» est un montant inscrit au passif du bilan afin de couvrir des charges dont l’échéance ou le montant n’est pas fixé de façon précise. La constitution d’une provision implique la comptabilisation, d’une part, de dotations aux provisions (compte de charge) et, d’autre part, d’une provision au passif (compte de bilan). La provision technique d’égalisation constitue un type de provision pour risques et charges.
(17) JO L 374 du 31.12.1991, p. 7.
(18) Voir article L912-1 du code français de la sécurité sociale.
(19) Sous le dispositif de désignation, l’organisme assureur désigné ne peut décider unilatéralement une modification du régime de couverture, comme par exemple l’augmentation des cotisations. Ce sont les partenaires sociaux qui décident de l’évolution du régime (amélioration des prestations, ajustement des taux de cotisation, etc.).
(20) Différence entre, d’une part, le montant des primes ou cotisations, diminué des dotations aux provisions légalement constituées, et, d’autre part, le montant des charges de sinistres, augmenté des frais imputables aux contrats concernés.
(21) La qualification d’aide d’État étant admise par la France au stade de la notification pour les mesures notifiées, la Commission s’est contentée d’une analyse succincte de cette qualification.
(22) Voir arrêt de la Cour du 21 septembre 1999 dans l’affaire C-67/96, Albany International BV et Stichting Bedrijfspensioenfonds Textielindustrie, Rec. 1999, p. I-5751.
(23) Voir affaire C-67/96, Albany International BV et Stichting Bedrijfspensioenfonds, arrêt de la Cour précité à la note 22 de bas de page.
(24) Selon un rapport d’activité 2006 de l’Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles, 263 entreprises d’assurance, de même que 66 institutions de prévoyance et 1 201 mutuelles interviennent sur le marché de l’assurance complémentaire santé.
(25) JO C 297 du 29.11.2005, p. 4.
(26) Affaire C-67/96, Albany International BV et Stichting Bedrijfspensioenfonds Textielindustrie, arrêt de la Cour précité à la note 22 de bas de page.
(27) Voir points 71 et suivants de l’arrêt précité à la note 22 de bas de page.
(28) Rapport annuel 2006 du Fonds CMU, http://www.cmu.fr/userdocs/Rapport%202006.pdf, annexe 13 – liste des 100 organismes complémentaires les plus importants.
(29) Rapport d’activité 2008 du Fonds CMU du 13.5.2009, p. 33.
(30) Il ne s’agit pas d’une mutuelle relevant du code de la mutualité mais bien d’une société mutuelle d’assurances relevant du code des assurances.
(31) Voir décision no 09-DCC-61 du 4 novembre 2009 de l’Autorité française de la concurrence relative aux prises de contrôle exclusif de la mutuelle Altéis et de la mutuelle Releya par la mutuelle Prévadiès, p. 4.
(32) Ce groupe rassemble entre autres des institutions de prévoyance, des mutuelles d’assurance, des mutuelles et des unions de mutuelles.
(33) Voir la décision précitée à la note 31 de bas de page, p. 5.
(34) Enquête sur la répartition du financement des dépenses de maladie depuis 1996 et sur les transferts opérés entre l’assurance maladie obligatoire, les assurances complémentaires et les ménages, Cour des comptes, avril 2008.
(35) Voir à ce sujet le Bulletin officiel de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes no 7 bis du 15 septembre 2006, p. 2 (publication de la lettre du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie du 9 août 2006 aux conseils de la mutuelle Préviade-Mutouest, relative à une concertation dans le secteur de l’assurance complémentaire santé).
(36) Voir rapport d’information no 385 du Sénat du 8 juin 2008 sur la répartition du financement de l’assurance maladie depuis 1996 et le transfert de charges entre l’assurance maladie obligatoire, les assurances complémentaires et les ménages, p. 11.
(37) Rapport d’activité 2008 du Fonds CMU du 13.5.2009, p. 33.
(38) Idem, p. 13.
(39) Voir arrêt de la Cour de justice du 22 juin 2006 dans les affaires conjointes C-182/03 et C-217/03, Forum 187 ASBL, Rec. 2006, p. I-5479, point 86, et jurisprudence citée.
(40) Arrêt de la Cour du 24 juillet 2003 dans l’affaire C-280/00, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, Rec. 2003, p. I-7747.
(41) Voir, en ce sens, notamment, l’arrêt de la Cour du 7 mars 2002 dans l’affaire C-310/99, Italie/Commission, Rec. 2002, p. I-2289, point 84.
(42) En ce qui concerne l’interprétation restrictive de l’article 107, paragraphe 2, du TFUE, voir l’arrêt de la Cour du 29 avril 2004 dans l’affaire C-278/00, Grèce contre Commission, Rec. 2000, p. I-3997, points 81-82, et l’arrêt du Tribunal de première instance du 15 juin 2005 dans l’affaire T-171/02, Regione autonoma della Sardegna contre Commission, Rec. 2005, p. II-2123, points 165-166.
(43) Voir, à ce sujet, la décision de la Commission du 30 mai 2007, France, Protection sociale complémentaire des agents de l’État, N 911/06, considérants 34-36.
(44) Voir description de ces critères au considérant 20 de la présente décision.
(45) Selon ce projet de décret, 75 % au moins des contrats éligibles doivent prévoir: 1) soit le maintien à titre gratuit et au moins au tarif de la sécurité sociale, de l’ensemble des garanties prévu par le contrat pour l’assuré et, le cas échéant, pour les ayants droit, pendant six mois à compter de la perte par l’assuré de son emploi, du constat de son invalidité ou de la date de son décès; 2) soit la prise en charge par l’organisme pendant un an de 30 % des cotisations des assurés qui perdent leur emploi, des apprentis âgés de moins de 26 ans, et des personnes en situation de dépendance partielle ou totale.
(46) Voir décision de la Commission du 2 juin 2004 précitée à la note 7 de bas de page.
(47) Enquête sur la répartition du financement des dépenses de maladie depuis 1996 et sur les transferts opérés entre l’assurance maladie obligatoire, les assurances complémentaires et les ménages, Cour des comptes, avril 2008.
(48) Voir en ce sens les lignes directrices de la Commission relatives à l’application des articles 92 et 93 du traité CE et de l’article 61 de l’accord EEE aux aides d’État dans le secteur de l’aviation (JO C 350 du 10.12.1994, p. 11).
(49) Code de la mutualité, article L112-1, deuxième alinéa.
(50) Voir l’arrêt du Tribunal de première instance dans les affaires jointes T-116/01 et T-118/01, P&O European Ferries, Rec. 2003, p. II-2957, point 163.
(51) Article 1er de la loi no 89-1009 du 31 décembre 1989 renforçant les garanties offertes aux personnes assurées contre certains risques.
(52) À partir du moment où l’employeur contribue aux cotisations (en totalité ou en partie), tous les salariés concernés doivent adhérer au contrat de prévoyance mis en place dans l’entreprise ou la branche professionnelle.
(53) À la fin de l’année 2006, il existait plus de 100 conventions collectives couvrant les salariés contre les risques de décès, incapacité et invalidité et désignant une institution de prévoyance.
(54) Voir décision de la Commission du 30 mai 2007, N 911/06, France, Protection sociale complémentaire des agents de l’État, considérant 39 et suivants.
(55) Affaire C-67/96, Albany International BV et Stichting Bedrijfspensioenfonds Textielindustrie, précitée à la note 22 de bas de page.
(56) Voir considérant 143 de la présente décision.
(57) Voir considérant 143 de la présente décision.
(58) JO C 297 du 29.11.2005, p. 4.