12.12.2008   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

L 334/62


DÉCISION DE LA COMMISSION

du 20 mai 2008

concernant les aides octroyées par la France au Fonds de prévention des aléas pêche et aux entreprises de pêche (aide d’État C 9/06)

[notifiée sous le numéro C(2007) 5636]

(Le texte en langue française est le seul faisant foi.)

(Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE)

(2008/936/CE)

LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,

vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 88, paragraphe 2, premier alinéa,

après avoir invité les intéressés à présenter leurs observations, conformément audit article,

considérant ce qui suit:

1.   PROCÉDURE

(1)

La Commission a eu connaissance de diverses informations relatives à l’existence d’un fonds destiné à compenser la hausse du carburant subie par les entreprises de pêche de France depuis l’année 2004. Selon ces informations, ce fonds, dénommé Fonds de prévention des aléas pêche (FPAP), avait pour objectif annoncé de lisser les variations à court terme du prix du carburant à la pêche mais a eu en pratique pour effet de permettre à ces entreprises de bénéficier d’un prix pour le carburant nettement inférieur au prix du marché.

(2)

Il était apparemment prévu, au départ, que ce fonds devait fonctionner uniquement grâce à des contributions des professionnels. Le principe de fonctionnement aurait été simple: le fonds aurait pris en charge la partie du coût du carburant supérieur à un prix de référence déterminé par litre et, en contrepartie, les entreprises auraient apporté des contributions au FPAP quand le prix du carburant serait redescendu au-dessous de ce prix de référence. De cette manière, un équilibre aurait été atteint pour le financement du système sans qu’il y ait apport de fonds publics.

(3)

Cependant, le prix de marché du carburant étant toujours resté très largement au-dessus du prix de référence, la Commission a supposé que le fonctionnement du FPAP n’était possible que grâce à l’apport financier de l’État et que cet apport financier constituait une aide d’État au sens de l’article 87 du traité CE.

(4)

Le 25 août 2005, la Commission a demandé à la France de lui faire connaître, pour le 5 septembre 2005, si des mesures spécifiques avaient été adoptées ou envisagées par l’État pour faire face à l’augmentation des coûts du carburant. La Commission rappelait en outre que, si ces mesures impliquaient des aides d’État, elles devaient lui être notifiées en application de l’article 88, paragraphe 3, du traité.

(5)

En l’absence de réponse, et conformément à l’article 10 du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil du 22 Mars 1999 portant modalités d’application de l’article 93 [devenu 88] du traité CE (1), la Commission a demandé à la France, le 21 septembre 2005, de lui fournir, dans un délai de trois semaines, les informations relatives à ce fonds, afin qu’elle puisse examiner s’il y avait effectivement présence d’aide d’État et, le cas échéant, si cette aide d’État était ou non compatible avec le marché commun.

(6)

La France a répondu le 7 octobre 2005 à la demande de la Commission du 25 août 2005 en indiquant qu’«aucune mesure relevant du régime d’aide d’État n’a été mise en œuvre en France pour faire face aux difficultés en raison de la récente augmentation considérable des prix du carburant.» La France indiquait toutefois avoir encouragé «une démarche initiée par les professionnels» consistant en la création d’un fonds de prévention des aléas pêche. Aucune mention n’était faite, dans ce courrier, des avances de trésorerie consenties par l’État. Il ressortait au contraire implicitement de la réponse des autorités françaises que le financement du fonds, géré par les professionnels, reposait exclusivement sur une mutualisation de la capacité financière des adhérents.

(7)

Le 21 octobre 2005, la Commission a rappelé aux autorités françaises sa demande formelle d’informations sur le FPAP datée du 21 septembre 2005, en leur accordant un nouveau délai de deux semaines.

(8)

En l’absence de réponse de la France dans les délais impartis, la Commission a décidé, conformément au paragraphe 3 de l’article 10 précité, d’adresser à la France une injonction de fournir les informations nécessaires à cet examen. Cette injonction, datée du 5 décembre 2005, a été notifiée le 6 décembre 2005 avec un délai de réponse de trois semaines.

(9)

La France a répondu par un courrier daté du 21 décembre 2005 et reçu à la Commission le 27 décembre 2005. Ce courrier renvoyait à une réponse précédente, datée du 6 décembre et reçue le 8 décembre, réponse envoyée suite au courrier de la Commission du 21 septembre 2005 (voir considérant 5 de la présente décision). Par ces deux courriers, la France a communiqué à la Commission les statuts du FPAP et les trois conventions relatives à la mise en place d’une avance remboursable de l’État au FPAP.

(10)

Après examen de ces réponses et des documents qui y étaient joints, la Commission a informé la France, le 8 mars 2006, de sa décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen prévue par l’article 88, paragraphe 2, du traité CE et par l’article 6 du règlement (CE) no 659/1999.

(11)

La décision de la Commission d’ouvrir la procédure formelle d’examen a été publiée au Journal Officiel de l’Union européenne du 19 avril 2006 (2). La Commission a invité les intéressés à présenter leurs observations sur les mesures en cause dans le délai d’un mois.

(12)

La France a fait connaître ses observations par courrier du 21 avril 2006, sous la forme d’une note de ses autorités. Cette note est accompagnée d’un argumentaire paraissant avoir été originellement destiné à un usage interne; cet argumentaire explique la position à prendre face aux arguments de la Commission.

(13)

Le 17 mai 2006, le cabinet Ménard, Quimbert et associés, avocats à Nantes (ci-après MQA) a indiqué par télécopie son intention de formuler ultérieurement des observations pour le compte du FPAP, et demandé en conséquence qu’un délai lui soit octroyé. La Commission a accepté une prorogation de deux semaines. MQA a ensuite transmis, par courrier ordinaire daté du 17 mai et reçu à la Commission le 23 mai, un mémoire sous en-tête de la Coopération Maritime signé de M. de Feuardent, Secrétaire Général du FPAP et daté du 18 mai. Un troisième courrier de MQA, toujours daté du 17 mai et reçu le 14 juin à la Commission, était constitué d’«une nouvelle version de [ses] observations après corrections de quelques erreurs de clerc»; en réalité, il s’agissait de documents non encore transmis à la Commission correspondant à des observations complémentaires au mémoire de M. de Feuardent cité ci-dessus, accompagnées d’une série de documents relatifs au fonctionnement du FPAP (statuts, mode d’emploi, notes d’information, traitement fiscal des cotisations, lettre de mission conjointe de l’Inspection générale des finances et de l’Inspection générale de l’agriculture et de la pêche). Enfin, un dernier courrier de MQA, daté du 12 juin 2006 et adressé le même jour par télécopie à la Commission, et faisant suite à son courrier du 19 mai «daté par erreur du 17 mai, [vous] adressant les observations de M. de Feuardent, secrétaire général de la Confédération de la coopération, de la mutualité et du crédit maritime, datées du 18 mai 2006» contenait les mêmes observations complémentaires que celles transmises par le troisième courrier du 17 mai, mais sans les pièces annexes.

(14)

Le 14 juin 2006, la Commission a communiqué à la France le troisième courrier du 17 mai 2006 de MQA (version annoncée comme corrigée des erreurs de clerc) et le dernier courrier de MQA du 12 juin 2006, en demandant que les observations de la France lui parviennent sous un délai d’un mois. Le 12 juillet 2006, la France a sollicité un report du délai jusqu’au 1er septembre. Le 18 juillet 2006, la Commission a accepté un délai complémentaire d’un mois. Le 26 septembre 2006, la France a répondu qu’elle ne souhaitait apporter aucune observation particulière, mais faisait observer que la lettre de MQA des 17/19 mai 2006 ne correspondait pas aux observations de M. de Feuardent. Le 9 octobre 2006, la Commission a donné à la France le détail des courriers reçus de MQA, en lui demandant de confirmer sous dix jours que les autorités françaises avaient bien eu connaissance du mémoire de M. de Feuardent. La France a répondu le 23 octobre 2006 qu’elle ne disposait pas de ce mémoire qui n’avait été en fait mentionné précédemment par elle que parce que le courrier [de MQA] daté du 12 juin le mentionnait. La France déclarant donc n’avoir pas reçu ce courrier, la Commission le lui a communiqué par transmission officielle du 27 octobre 2006, en demandant que ses observations éventuelles lui soient transmises le 15 novembre au plus tard.

(15)

Le 27 novembre 2006, la France a informé la Commission qu’elle n’avait pas de commentaire particulier sur ce document.

2.   DESCRIPTION

2.1.   Présentation du FPAP et de ses activités

(16)

Le FPAP est constitué, conformément à la loi française du 21 mars 1884 modifiée par la loi du 12 mars 1920, sous forme de syndicat professionnel. Le projet de statuts a été approuvé par l’assemblée constitutive qui s’est tenue le 10 février 2004 et les statuts eux-mêmes portent la date du 9 avril 2004.

(17)

Selon ces statuts (article 4), ce syndicat est créé pour une durée de 99 ans. Le siège est fixé à Paris, 24, rue du Rocher, à la même adresse que la Confédération de la coopération, de la mutualité et du crédit maritimes (ci-après dénommée «Coopération Maritime»).

(18)

Selon l’article 7, les membres fondateurs sont la Coopération maritime, la centrale d’achats et de développement CECOMER, société coopérative de commerçants détaillants, qui est en fait la centrale d’achat des coopératives maritimes qui ont notamment pour fonction l’approvisionnement en matériel et produits de fonctionnement des entreprises de pêche, le Centre de gestion de la pêche artisanale et deux personnalités du monde de la pêche. Par l’assemblée constitutive du 10 février 2004, ces cinq membres fondateurs ont été désignés administrateurs du FPAP jusqu’à l’assemblée générale ordinaire qui devra se tenir en 2007. Il apparaît ainsi que le FPAP est une émanation du secteur de la pêche et d’organismes qui lui sont économiquement liés (coopératives maritimes, centrale d’achat, centres de gestion des entreprises de pêche).

(19)

Les adhérents postulants doivent apporter la preuve que leur activité se trouve être impliquée dans la pêche; toutefois, le syndicat peut admettre en son sein «toute autre personne prête à apporter son appui moral au syndicat» sous réserve que l’effectif de cette catégorie d’adhérents ne dépasse pas 5 % du nombre des adhérents du syndicat. La France précise, dans son courrier du 6 décembre 2005, que le FPAP compte 2 013 adhérents et 2 385 navires représentant 30 % de la flotte française.

(20)

L’article 2 des statuts indique que: «Le syndicat a pour objet de développer des produits destinés à permettre aux entrepreneurs de pêche d’assurer la couverture des risques suivants: fluctuation des prix du gazole, pollution maritime ou risque sanitaire relatif à la pollution, fermeture des quotas ou réduction importante des possibilités de pêche, risque relatif au marché. Il prend le nom de Fonds de prévention des aléas pêche.» Le FPAP est ainsi conçu comme une société d’assurance mutuelle proposant à ses adhérents, en contrepartie de leurs cotisations, un certain nombre de prestations.

(21)

La France a transmis les copies de trois conventions passées entre l’État et le FPAP et relatives à la mise en place d’avances remboursables par l’État en faveur de ce fonds. Ces avances sont versées par l’intermédiaire de l’Office national interprofessionnel des produits de la mer et de l’aquaculture (OFIMER). La première convention, datée du 12 novembre 2004, porte sur un montant de 15 millions EUR; la seconde, datée du 27 mai 2005, sur un montant de 10 millions EUR; la troisième, datée du 11 octobre 2005, sur un montant de 40 millions EUR. Selon ces trois conventions, c’est donc un montant de 65 millions EUR qui a été avancé au FPAP.

(22)

Il est en outre possible, selon l’argumentaire joint à la note de la France du 21 avril 2006 (voir considérant 12 de la présente décision), qu’une autre avance, d’un montant de 12 millions EUR ait été versée au FPAP (voir considérant 40 de la présente décision).

(23)

Selon l’article 1er de ces conventions, «le FPAP fonctionne sur la base de cotisations versées par ses adhérents de façon à couvrir la mise en place de couvertures financières contre les aléas résultant des fluctuations des cours du pétrole et des frais de gestion qui en découlent.» Ces conventions montrent que le FPAP, bien qu’étant formellement conçu, de par ses statuts, comme ayant un objet assez large pour ce qui concerne les prestations qu’il pourrait assurer (voir considérant 20 de la présente décision), a en réalité limité son activité à la couverture financière des entreprises de pêche contre la hausse du carburant.

(24)

Selon l’article 2 de la convention du 12 novembre 2004, «l’avance de trésorerie a pour objet la mise en place d’un mécanisme de couverture contre les fluctuations des cours internationaux du pétrole à compter du 1er novembre 2004; cette avance pourra permettre l’acquisition sur les marchés à terme d’une option financière. Les compensations versées à l’adhérent du fonds doivent correspondre au différentiel de prix constaté entre le prix maximum couvert et le prix moyen mensuel de l’indice de référence pour le mois considéré.» L’article 2 de la convention du 27 mai 2005 a une rédaction presque similaire: il prévoit, au lieu de la «mise en place» d’un mécanisme de couverture, la «poursuite» de ce mécanisme et il indique le 1er mars 2005 comme date à partir de laquelle la couverture pourra opérer pour l’avance versée dans le cadre de cette convention. Il en est de même pour la convention du 11 octobre 2005; l’article 2 prévoit que, pour l’avance versée, le fonds poursuit son activité de couverture «… à compter du 1er juillet 2005 et au moins jusqu’au 31 décembre 2005 en achetant des options financières sur les marchés à terme, à concurrence de 17 centimes d’euros/l.» Il est précisé que «les compensations versées à l’adhérent du fonds doivent correspondre, au maximum, au différentiel de prix constaté entre le prix de 30 centimes d’euros/l et le prix moyen mensuel de référence pour le mois considéré, si ce dernier est supérieur à 30 centimes d’euros/l.»

(25)

Il résulte du mode d’emploi détaillé du FPAP que ce mécanisme de couverture fonctionne par le moyen de conventions de garantie passées entre le FPAP et les entreprises adhérentes. Les adhérents payent un droit d’inscription de 150 EUR, puis une cotisation de garantie assise sur une quantité estimée de carburant exprimée en litres à raison de 0,035 centime par litre de carburant. En contrepartie, les entreprises de pêche reçoivent une indemnité déterminée à partir du volume consommé, dans la limite du volume assuré, et dont les modalités de calcul sont détaillées dans ce mode d’emploi.

(26)

L’article 3 des conventions visées au considérant 21 indique que les avances ne peuvent être versées par l’OFIMER qu’après fourniture de certaines pièces justificatives. Parmi ces pièces, doit figurer le procès-verbal de l’organe délibérant du FPAP autorisant la gestion de l’avance de l’État et, pour les deux premières conventions, détaillant l’utilisation qui sera faite de cette avance, ainsi qu’un budget prévisionnel. Par sa note datée du 6 décembre 2005, la France a confirmé que les montants indiqués, représentant un total de 65 millions EUR, ont été effectivement consentis au FPAP. Cette note précise que ces avances sont consenties «afin d’assurer le fonctionnement du FPAP, dans les plus brefs délais, pour la période allant de novembre 2004 à fin décembre 2005.»

(27)

Par ailleurs, le FPAP s’engage à tenir une comptabilité permettant de connaître, sur demande, l’utilisation des avances ainsi que l’affectation des ressources et des dépenses. Les pièces comptables doivent être conservées pendant dix ans et sont mises à la disposition des différents corps de l’État sur simple demande.

(28)

L’article 4 fixe le taux d’intérêt qui affectera le remboursement de ces avances par le FPAP à l’OFIMER à 4,45 %. Le montant de 15 millions EUR faisant l’objet de la convention du 12 novembre 2004 devra être remboursé au plus tard le 1er novembre 2006; celui de 10 millions EUR, objet de la convention du 27 mai 2005, au plus tard le 1er mai 2007 et celui de 40 millions EUR, objet de la convention du 11 octobre 2005, au plus tard le 1er juillet 2007.

(29)

Au regard des trois (éventuellement quatre) conventions signées entre l’État français et le fonds, l’activité du FPAP, dans le cadre du premier des objectifs définis à l’article 2 des statuts (permettre aux entreprises de pêche d’assurer la couverture des risques liés à la fluctuation des prix du gazole), est donc double:

a)

faire face aux fluctuations des prix du pétrole moyennant l’acquisition d’options sur les marchés à terme dans le secteur des produits pétroliers; et

b)

compenser partiellement le surcoût induit par les cours élevés du pétrole pour les navires des adhérents de ce fonds, lorsque le prix du combustible dépasse un certain seuil.

(30)

En ce qui concerne l’aide d’État, le fonds doit être considéré sous ces deux aspects, d’une part lorsqu’il agit comme opérateur économique sur des marchés à terme, et d’autre part lorsqu’il indemnise les entreprises de pêche d’une partie des coûts correspondant aux achats de carburant dans le but de diminuer leur coûts de production.

2.2.   Motifs de l’ouverture de la procédure formelle d’examen

(31)

Les motifs de l’ouverture de la procédure formelle d’examen ont été les suivants.

2.2.1.   En ce qui concerne l’acquisition d’options sur les marchés à terme

(32)

L’avance consentie au FPAP peut être considérée comme un prêt à court terme à un taux de 4,45 %. La Commission note cependant que le fonds ne possède aucun bien immobilier et que ses capitaux propres sont extrêmement réduits car ils ne proviennent que des cotisations de ses adhérents. C’est pourquoi une institution bancaire n’aurait jamais accordé un tel prêt.

(33)

Ce fonds bénéficie par conséquent d’un avantage financier par rapport à d’autres entreprises actives sur les mêmes marchés à terme. Cet avantage constitue une aide d’État en faveur du fonds. Aucune disposition de l’article 87 du traité CE ou des lignes directrices que la Commission a adoptées pour l’analyse des régimes d’aide d’État ne permet de la considérer comme compatible avec le marché commun.

(34)

D’autre part, grâce à cette activité, les entreprises de pêche adhérentes du FPAP peuvent acheter du carburant à prix réduit. Cela constitue une aide qui a pour effet de réduire les coûts de production des entreprises bénéficiaires du Fonds. Or, conformément au paragraphe 3.7 des lignes directrices pour l’examen des aides d’État dans le secteur de la pêche et de l’aquaculture (3), ce type d’aide au fonctionnement, qui n’est assorti d’aucune obligation, doit normalement être considéré comme étant incompatible avec le marché commun.

2.2.2.   En ce qui concerne la compensation aux entreprises de pêche d’une partie des coûts induits par les achats de carburant

(35)

Là encore, il s’agit d’une aide ayant pour effet de réduire les coûts de production des entreprises adhérentes du FPAP. De la même manière, aucune disposition de l’article 87 du traité CE ou des lignes directrices que la Commission a adoptées pour l’analyse des régimes d’aide d’État ne permet de la considérer comme compatible avec le marché commun. De même, conformément au paragraphe 3.7 des lignes directrices spécifiques au secteur de la pêche, ce type d’aide au fonctionnement, qui n’est assorti d’aucune obligation, doit être considéré comme étant incompatible avec le marché commun.

2.2.3.   Conclusion

(36)

Au vu de l’ensemble des informations en sa possession, la Commission a considéré qu’il existait des doutes sérieux sur la compatibilité avec le marché commun de cette mesure d’aide qui bénéficie à la fois au FPAP lui-même et aux entreprises de pêche qui en sont adhérentes.

3.   COMMENTAIRES DE LA FRANCE ET DES INTÉRESSÉS

3.1.   Commentaires de la France

(37)

Les commentaires de la France sont présentés dans la réponse du 21 avril 2006. Aucune observation complémentaire n’a par la suite été formulée sur les arguments développés par le FPAP et MQA.

(38)

La France fait valoir que l’analyse de la Commission devrait se concentrer sur la nature et les conditions d’octroi de l’avance consenties par l’État et non sur les activités du FPAP.

(39)

Elle observe en ce sens que:

les taux applicables sont supérieurs aux taux de référence retenus pour la Commission pour déterminer l’existence d’une aide d’État dans un prêt bonifié;

cette intervention ne peut pas être qualifiée d’aide d’État tant que l’échéance de remboursement n’est pas passée. La France rappelle, à cet égard, que ces échéances ont été fixées, respectivement, au 1er novembre 2006, 1er mai 2007 et 1er juillet 2007;

l’argument de la Commission selon lequel aucun organisme bancaire n’aurait accordé une telle avance au FPAP ne serait pas fondé, car des mécanismes de cautionnement auraient pu être mis en place. En outre, la France souligne que le FPAP est la seule structure professionnelle française regroupant des entreprises de pêche ayant pour but d’agir sur le marché à terme du pétrole et que l’adhésion à ce fonds est libre.

(40)

La Commission remarque enfin que la France indique, dans l’argumentaire joint à sa réponse (voir considérant 12 de la présente décision), qu’«il n’apparaît pas nécessaire d’indiquer qu’une avance de 12 millions EUR a été décidée, puisqu’à ce jour la convention n’est pas signée, cependant, il convient de ne pas se mettre dans une impasse. Il est proposé d’indiquer qu’une réflexion est en cours.»

3.2.   Commentaires du FPAP

(41)

La Commission a reçu de MQA plusieurs courriers aux contenus divers et envoyés de manière désordonnée (voir détails au considérant 13 de la présente décision), que l’on peut synthétiser ainsi: un mémoire sous en-tête de la Coopération maritime daté du 18 mai 2006 et signé du secrétaire général du FPAP, et des observations complémentaires de MQA pour le compte du FPAP, accompagnées d’une série de documents relatifs au fonctionnement du FPAP (statuts, mode d’emploi, notes d’information, traitement fiscal des cotisations, lettre de mission conjointe de l’Inspection générale des Finances et de l’Inspection générale de l’Agriculture et de la Pêche).

(42)

De l’analyse des documents reçus de MQA, il ressort que le FPAP rejoint l’argument de la France en indiquant que l’on ne peut préjuger «une annulation pure et simple de la dette à son terme» tant qu’aucune défaillance de remboursement n’a été constatée. Pour le reste, contrairement à la France, le FPAP concentre son argumentation non pas sur la nature et les conditions d’octroi de l’aide, mais sur le statut et les activités du Fonds.

(43)

Les axes retenus par le FPAP pour contester la nature d’aide d’État, ou son incompatibilité au regard du marché commun, des avances consenties par l’État français peuvent être résumés comme suit:

le FPAP ne serait pas un opérateur économique banal, car il s’agit d’un syndicat professionnel agissant dans l’intérêt exclusif de ses membres sans préoccupation de profit et s’étant constitué en «groupement de prévention». Ainsi, lorsqu’il organise la mutualisation des risques avec un système de compensation par rapport à un prix de référence, il n’agirait pas en tant qu’opérateur commercial ordinaire, «mais comme le fédérateur de consommateurs de produits pétroliers qui cherchent plus à se protéger du marché qu’à y intervenir». Il a été théoriquement conçu à l’origine pour être autosuffisant puisqu’il était envisagé une éventuelle restitution de cotisations versées et non utilisées. Le FPAP insiste en outre sur la totale transparence de sa gestion; à ce titre, n’ayant aucune activité économique pour son compte propre, il ne serait pas susceptible d’affecter le marché à terme pertinent. Le FPAP mentionne également l’existence d’un audit conjoint de l’Inspection générale des Finances et de l’Inspection générale de l’Agriculture et de la Pêche;

le FPAP n’agirait pas sur un marché pertinent, car le marché des produits de la pêche serait exposé à de nombreuses autres distorsions de concurrence tenant aux différentes politiques nationales de mise en œuvre de la politique commune de la pêche. Le marché devrait donc s’analyser comme une «mosaïque de micromarchés régionaux». Cette intervention n’altèrerait donc pas les conditions des échanges. Le FPAP indique en outre que l’analyse de concurrence doit être circonstanciée parce qu’une part importante de l’augmentation et de la distorsion des coûts subie par la pêche reposerait sur des «péages» ou «pénalités» résultant notamment de mesures communautaires, ce qui ne correspondrait en rien à l’optique d’un vaste marché ouvert.

(44)

L’intervention du FPAP viserait en fait à faciliter le maintien de la pêche dans un cadre régional et à empêcher les navires hauturiers de se replier sur des fonds d’accès plus proches ou les chalutiers de s’orienter vers des pêcheries plus spécifiques et moins consommatrices d’énergie. Son but serait de protéger la ressource, les équilibres et la diversité du système par une phase d’adaptation. De cette manière, le FPAP aurait anticipé les plans de sauvetage et restructuration et le relèvement envisagé du plafond des aides de minimis. Pour ces raisons, le FPAP fait part des arguments suivants:

il ne serait pas exact de dire que les avances consenties par l’État l’ont été sans condition, puisqu’elles ont au contraire été «conditionnées à une gestion transparente immédiate [et] surtout à la définition d’une politique durable dont la définition fait l’objet d’une inspection générale»;

un peu plus du tiers de son intervention (25 millions EUR sur 65 millions) concernerait directement des avances aux salariés et s’analyserait comme une aide sociale directe;

l’aide serait consécutive à une situation extraordinaire puisque la Commission admet elle-même les difficultés économiques et sociales exceptionnelles du secteur;

le FPAP fait observer qu’il est civilement responsable selon le droit français et que sa responsabilité est illimitée. Pour cette raison, en l’absence de défaillance dans le remboursement, le critère retenu par la Commission pour qualifier cette intervention d’aide d’État serait insuffisant.

(45)

Enfin, MQA a transmis, dans le cadre de ses observations, les copies de deux lettres du ministre chargé du Budget au FPAP qui indiquent que le FPAP et tous ses adhérents bénéficient de mesures fiscales. Celles-ci consistent, pour le FPAP, en une exonération des impôts sur les sociétés ainsi que, probablement, de la taxe professionnelle et, pour les patrons-pêcheurs, en la possibilité de déduire les cotisations versées au syndicat de leurs revenus imposables.

4.   APPRÉCIATION

(46)

La présente décision ne concerne pas les avantages fiscaux évoqués au considérant 45. En effet, la Commission n’en avait pas connaissance au moment où elle a décidé d’ouvrir la procédure formelle d’examen. Ces avantages fiscaux font l’objet d’une analyse spécifique, dans le cadre du dossier NN 38/2007, afin de déterminer s’ils correspondent à des aides d’État et, si tel est le cas, si ces aides sont compatibles avec le marché commun.

(47)

Le FPAP a un objet qui doit être considéré, au regard des aides d’État, d’une manière double:

en premier lieu, il a pour objet d’acquérir des options financières sur les marchés à terme. Même si cela n’est pas explicitement précisé, les dits marchés à terme sont manifestement ceux du pétrole ou de ses produits dérivés. Il apparaît ainsi que le FPAP, tout en étant constitué sous la forme d’un syndicat, agit sur ces marchés à terme en acquérant des options, comme le ferait une société privée ordinaire active sur ce genre de marchés et fonctionnant selon les règles de l’économie de marché. L’aide à l’acquisition d’options sur les marchés à terme est analysée ci-après dans la partie 4.1 de la présente décision;

en second lieu, le FPAP a pour objet de verser aux entreprises de pêche adhérentes la différence entre le prix moyen mensuel de référence et, selon les conventions des 12 novembre 2004 et 27 mai 2005, le «prix maximal couvert» ou, selon la convention du 11 octobre 2005, le prix de 30 centimes d’euro par litre si le prix moyen mensuel de l’indice de référence est supérieur à ce prix. Le prix moyen mensuel de référence est fixé par le FPAP. Les compensations versées par FPAP aux entreprises de pêche pour l’achat de carburant sont analysées ci-après dans la partie 4.2 de la présente décision.

4.1.   Aide en faveur du FPAP: aide à l’acquisition d’options sur les marchés à terme

4.1.1.   Existence d’une aide d’État

4.1.1.1.   Le FPAP est une entreprise au sens de l’article 87 du traité CE.

(48)

Il importe en premier lieu de déterminer si le FPAP peut être qualifié d’entreprise. Si ce n’est pas le cas, l’article 87, paragraphe 1, ne s’applique pas au FPAP. Sur cette question, la Commission rappelle que selon une jurisprudence constante, dans le contexte du droit de la concurrence, la notion d’ «entreprise» comprend toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement (4). Toute activité consistant à offrir des biens et des services sur un marché donné constitue une activité économique (5).

(49)

Les sociétés intervenant sur les marchés à terme des produits des matières premières sont ordinairement des sociétés privées fonctionnant selon les règles de l’économie de marché. Le but des opérations menées sur ces marchés à terme consiste, pour l’opérateur, à miser sur le fait que le prix d’achat du produit, au cas où il serait acquis dans le futur au prix normal du marché, serait différent du prix auquel est souscrite l’option. Ainsi, un opérateur actif sur un tel marché prend un risque du fait de l’incertitude sur l’évolution des prix. Dans le cas présent, le FPAP a effectivement agi comme opérateur sur les marchés à terme des produits pétroliers. Ce faisant, il est également un acteur économique du secteur de la pêche puisqu’il procure à la société CECOMER, membre fondateur et administrateur du FPAP, et centrale d’achats des coopératives maritimes, du carburant à un prix différent de celui que cette société achèterait au prix normal du marché. Si l’opération d’acquisition d’options, qui est une opération de nature spéculative, est réussie, le prix du carburant rétrocédé aux coopératives est inférieur au cours du marché. Le FPAP prend ainsi un risque en espérant que cette prise de risque lui sera financièrement profitable. Les coopératives maritimes, pour leur part, revendent ensuite ce carburant aux entreprises de pêche en fonction du prix auquel elles ont pu l’acquérir auprès de CECOMER. Les caractéristiques des opérations de transfert de propriété du carburant acquis par le FPAP vers CECOMER, société coopérative de commerçants détaillants, ne sont pas connues; toutefois, et bien que CECOMER soit membre fondateur du FPAP, il s’agit d’opérations effectuées entre deux entités indépendantes. Ces opérations de transfert de propriété de carburant s’analysent comme étant de nature contractuelle; en effet, bien qu’elles présentent très probablement des particularités, les conventions selon lesquelles s’effectuent ces opérations n’en demeurent pas moins des conventions de droit privé et par là-même des contrats de droit privé. L’activité du FPAP, consistant donc en une intervention sur les marchés à terme des produits pétroliers pour acheter ces produits en vue de les rétrocéder à CECOMER, société commerciale, est à l’évidence une activité de nature économique. Par ailleurs, dans la décision d’ouverture de procédure, la Commission observait: «Le FPAP a pour objet de permettre l’acquisition d’options financières sur les marchés à terme. Même si cela n’est pas explicitement précisé, les dits marchés à terme sont manifestement ceux du pétrole ou de ses produits dérivés. Il apparaît ainsi que le FPAP, tout en étant constitué sous la forme d’un syndicat, agit sur ces marchés à terme en achetant et vendant des options, comme le ferait une société privée ordinaire active sur ce genre de marchés et fonctionnant selon les règles de l’économie de marché.». Dans leurs réponses, la France et le FPAP n’ont pas contesté que le FPAP menait de telles opérations d’achat et de vente d’options. La France ne fait pas de commentaires à cet égard; quant au FPAP, il se contente de faire observer que «le FPAP est intervenu sur le marché mondial des “comodities” en relation avec des courtiers ou des établissements financiers spécialisés. Il est difficile d’imaginer un marché plus compétitif, plus étendu et plus volatil. Dès lors, le fonds n’a bénéficié d’aucun avantage tarifaire, ni de conditions particulières vis-à-vis de tous les autres opérateurs du marché … La question se résume donc à l’origine des fonds avancés…»; il ne met donc pas en doute l’affirmation de la Commission selon laquelle il agirait comme un opérateur ordinaire sur ces marchés à terme. En outre, il convient de noter que la fonction du FPAP n’est nullement celle d’un administrateur de fonds publics dans l’intérêt public. Elle ne peut pas non plus être considérée comme l’exercice par l’État ou par un organisme sous sa responsabilité de prérogatives de puissance publique.

(50)

Le FPAP doit donc à l’évidence être considéré comme une entreprise au sens du droit communautaire de la concurrence. Il n’est pas besoin de se pencher sur sa nature et son statut. En particulier, le fait qu’il serait éventuellement sans but lucratif est sans pertinence. Par ailleurs, même si on le considère, pour reprendre les propres termes du FPAP, «comme le fédérateur de consommateurs de produits pétroliers qui cherchent plus à se protéger du marché qu’à y intervenir», ces «consommateurs» sont en fait des opérateurs économiques (coopératives maritimes et entreprises de pêche) qui cherchent à diminuer leurs coûts de production. Cette réaction, parfaitement logique de la part d’opérateurs économiques, empêche toutefois de considérer ces opérateurs comme des consommateurs individuels au sens de l’article 87, paragraphe 2, point a), du traité, qui autorise des aides à caractère social en faveur de ces consommateurs individuels. Donc, les arguments présentés par la France ou le FPAP lui-même, concernant tant son statut, son mode de fonctionnement, ses objectifs que sa situation spécifique sur le marché des produits pétroliers, ne peuvent pas être retenus.

4.1.1.2.   Principe du créancier privé (6)

(51)

La Commission estime que dans la présente affaire, elle est fondée à apprécier l’existence d’une aide d’État en appliquant le principe du créancier privé.

(52)

Les fonds provenant des trois avances dont les conditions d’octroi sont connues devaient être remboursés avec un taux d’intérêt de 4,45 %. Quant à la possible quatrième avance, d’un montant de 12 millions EUR, on peut supposer que son octroi s’est fait dans des conditions identiques ou très comparables. Cet apport de l’État correspond donc en pratique à un prêt accordé à ce taux. Certes, ce taux est supérieur au taux de référence utilisé par la Commission pour déterminer l’élément d’aide existant dans un prêt bonifié, taux de référence fixé à 4,43 % en 2004 (7) et à 4,08 % depuis le 1er janvier 2005 (8). Par conséquent, théoriquement, il pourrait ne pas y avoir eu d’aide d’État dans les avances consenties si celles-ci l’avaient été dans les conditions normales d’une économie de marché.

(53)

La Commission considère toutefois que ces avances n’ont pas été accordées aux conditions normales du marché, dans la mesure où aucun créancier privé n’aurait accepté d’accorder les montants en cause, en l’absence de garantie sur la viabilité de l’activité du FPAP et la probabilité de recouvrement à l’échéance.

(54)

Le capital initial du FPAP est constitué des cotisations des adhérents (voir considérant 23 et 25). Ni la France ni le FPAP n’ont fourni d’indications chiffrées sur les ressources provenant de ces cotisations. Selon l’argumentaire joint à la réponse du 21 avril 2006, les autorités françaises estiment d’ailleurs, après avoir indiqué que «lors de l’élaboration de la réponse du 6 décembre 2005, ces informations avaient été proposées dans le projet mais supprimées lors de la validation interministérielle», qu’«il n’apparaît pas nécessaire d’apporter une réponse maintenant.»

(55)

La Commission suppose toutefois qu’il s’agit de montants relativement modestes comparativement à l’ampleur probable des dépenses. En effet, sur la base des indications figurant dans le mémoire signé du secrétaire général du FPAP, dans le «Mode d’emploi détaillé du FPAP» de novembre 2004, et dans la «note d’information du FPAP» de janvier 2006, une évaluation grossière peut être avancée: environ 2 500 adhérents (nombre d’adhérents du FPAP selon les autorités françaises) versent un droit d’adhésion de 150 EUR soit 375 000 EUR, auxquels s’ajoutent les cotisations couvrant la garantie risque proprement dite (voir considérant 25). En admettant que la totalité du volume de gazole consommé est assuré, et en se fondant sur la consommation indicative d’un chalutier de 24 mètres telle que rapportée par le FPAP (environ 10 tonnes de carburant par semaine), l’hypothèse maximale d’une activité pendant 48 semaines par an, soit une consommation de 480 tonnes (bien que le nombre de semaines d’activité soit probablement plus proche de 38 à 40 que de 48), et la valeur unitaire de la contribution au FPAP, soit 0,0035 euro par litre, on parvient, pour 2 500 navires, à un total de 4 200 000 EUR par an. La troisième source de cotisations provient de la possibilité, prévue par les statuts, que le syndicat admette en son sein, dans la limite de 5 % des adhérents, «toute personne prête à apporter un soutien moral au syndicat». Il s’agit probablement d’un montant marginal. En l’absence de toute indication sur le nombre de ces adhérents prêts à apporter un soutien moral et sur le montant de leur contribution, on admettra l’hypothèse très haute d’un supplément de recettes de l’ordre de 125 000 EUR (125 adhérents n’ayant pas d’activités en rapport avec la pêche, soit le maximum autorisé par les statuts du FPAP [5 % de 2 500 adhérents] × 1 000 EUR).

(56)

Le total des recettes provenant des diverses cotisations s’élèverait ainsi à 4 200 000 + 375 000 + 125 000 soit 4 700 000 EUR par an. Il s’agit là d’une hypothèse extrêmement optimiste, calculée sur la base de la consommation indicative d’un chalutier de 24 mètres ayant une durée d’activité de 48 semaines par an, et sur l’hypothèse que la totalité de la consommation est assurée. La Commission ne la retient qu’afin de rechercher quel pouvait être le montant maximal théorique des recettes du FPAP. Or, si l’on considère que la France indique un chiffre de navires adhérents de 2 385, parmi lesquels une proportion non négligeable de navires côtiers de moins de 12 mètres, dont la consommation annuelle de carburant est plus proche de 200 tonnes que des 480 retenues pour le calcul ci-dessus, il est probable que le montant réel est significativement moindre. En effet, étant donné que la flotte française compte environ 1 500 navires de plus de 12 mètres et que 95,3 % des navires de cette taille sont couverts par le FPAP (9), soit environ 1 400 navires, on en déduit qu’environ 1 000 navires de moins de 12 mètres sont aussi couverts par le FPAP. Le total des recettes annuelles est donc très certainement inférieur à ce montant de 4,7 millions EUR.

(57)

Ces calculs hypothétiques de recettes étant faits, la Commission observe que le FPAP, d’une part, ne possède apparemment aucun bien immobilier et que, d’autre part, ses biens mobiliers, constitués uniquement des cotisations des adhérents, sont très réduits. Pour cette raison, la Commission estime que dans les conditions normales d’une économie de marché, une banque, telle que par exemple le Crédit Maritime, qui se présente, d’après ses propres termes, comme «le partenaire naturel de la filière pêche», n’aurait jamais prêté (ou «avancé» pour reprendre les termes des conventions passés entre l’État et le FPAP) les sommes en question (voire seulement une partie de ces sommes) au FPAP pour intervenir sur un marché à terme, sans avoir préalablement acquis l’assurance raisonnable de sa solvabilité probable à l’échéance du prêt.

(58)

La France objecte que cette conclusion est «une allégation qui n’est fondée sur aucune enquête précise auprès des organismes bancaires, et que des systèmes de cautionnement auraient pu être mis en place.» Cependant, une enquête effectuée par la Chambre nationale des conseils et experts financiers (10) auprès de trente-cinq banques fournit une image assez précise des normes en usage dans les institutions bancaires françaises lors de l’attribution de crédits à leur clientèle. Le souci de limiter leur risque de crédit vis-à-vis de leurs clients conduit les dirigeants d’établissements bancaires à imposer le respect de normes-plafond fondées sur une série de ratios permettant d’analyser la santé financière et la capacité de l’entreprise à servir sa dette, en fonction de divers critères tels que fonds propres, bilan, niveau d’endettement à terme, chiffre d’affaires et frais financiers. Il ressort notamment de cette analyse qu’un ratio «endettement total bancaire sur fonds propres» supérieur à 2,50 déclenche l’apparition d’un clignotant de risque qui, certes, ne compromet pas définitivement l’octroi d’un prêt, mais conduit l’établissement à prendre des garanties accrues. Dans le cas du FPAP, si l’on rapporte les 65 millions d’avance à l’estimation optimiste de fonds propres présentée ci-dessus (4,7 millions EUR, voir considérant 56), le ratio s’établit à 13,82, soit près de six fois la limite supérieure de risque. Naturellement, si le montant réel des avances était plus élevé (77 millions, en tenant compte de la possible avance complémentaire de 12 millions évoquée au considérant 22, ou si le montant réel des fonds propres était sensiblement plus faible, ce ratio hypothétique augmenterait encore. Avec un tel niveau de risque, un organisme bancaire n’aurait jamais considéré l’éventualité d’un prêt, même si le recours à des sûretés réelles (telles que nantissement des options d’achat ou mise en gage des stocks de carburant acquis par le FPAP) ou personnelles (prise d’hypothèques sur les biens personnels des adhérents et nantissement de leurs navires) fait effectivement partie des techniques bancaires permettant de minimiser le risque d’insolvabilité. On observera toutefois que, dans le cas d’un recours à des sûretés personnelles sur les adhérents, les entreprises de pêche auraient vraisemblablement montré plus de réticence à adhérer au FPAP. Il existe également d’autres techniques de transfert ou de partage du risque-client, tels que le cofinancement du prêt par plusieurs établissements bancaires, le recours à des sociétés de caution ou l’adossement à des fonds de garantie régionaux et départementaux (en général eux-mêmes contre-garantis par des sociétés de caution) mais, dans tous les cas, la garantie n’est généralement consentie qu’au bénéfice d’entreprises fondamentalement saines et potentiellement rentables, et pour un montant n’excédant jamais 50 % de l’endettement (soit dans le cas du FPAP, pour un montant d’un peu plus de 30 millions EUR, ce qui laisse subsister un risque résiduel de près de trois fois la limite supérieure de risque).

(59)

Lorsque la France remarque, à propos de ces techniques, que des systèmes de cautionnement «auraient pu» être mis en place, elle admet implicitement qu’ils ne l’ont pas été dans le cas présent et que l’avance de l’État a été consentie sans que des garanties comparables à celles en usage dans les établissements bancaires n’aient été recherchées. Dans ces conditions, la Commission conclut que la France ne s’est pas comportée comme un créancier privé et qu’elle n’avait pas de garantie que le FPAP soit en mesure de rembourser les fonds mis à sa disposition.

(60)

Par ailleurs, le FPAP, par la voix de son Conseil, fait observer qu’il est civilement responsable selon le droit français et que cette responsabilité est illimitée, en notant que l’action syndicale peut générer une responsabilité pour des sommes importantes. Certes, la Commission remarque que des sommes très importantes peuvent être en jeu, avec un organisme du genre du FPAP où les opérations menées sur les marchés à terme sont des opérations qui présentent des risques certains et peuvent entraîner des pertes importantes. Cela étant, rien ne dit que la responsabilité du FPAP, en cas de pertes importantes, sera couverte par les membres. Aucun des documents fournis (statuts, mode d’emploi, note d’information) ne fait état d’un tel mécanisme. La seule considération de nature financière figurant dans ces documents concerne la cotisation pour laquelle il est indiqué qu’elle reste acquise au profit du syndicat quand un membre se retire (article 10). D’autre part, la Commission observe que la loi du 21 mars 1884, loi en vertu de laquelle le FPAP a été créé, est la loi qui a permis, en France, la création des syndicats professionnels. Il n’est certainement pas dans l’esprit d’une telle loi d’entraîner une responsabilité de nature économique, et de là financière, des membres du syndicat concerné. Par conséquent, en cas de pertes financières importantes, la Commission ne voit pas comment ces pertes peuvent être compensées par ses adhérents.

(61)

Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, la Commission estime que le principe du créancier privé n’a pas été respecté.

4.1.1.3.   Existence d’un avantage financier octroyé au moyen de ressources

(62)

La Commission considère que le montant estimé des recettes provenant des diverses cotisations des adhérents, même dans l’hypothèse haute, n’aurait jamais permis au FPAP d’intervenir sur un marché à terme sans apport de fonds extérieurs. Ces fonds extérieurs ont été fournis par l’État, par l’intermédiaire de l’OFIMER, sous la forme d’au moins trois avances de trésorerie échelonnées entre novembre 2004 et octobre 2005, pour un montant total s’élevant, selon les informations communiquées par la France, à 65 millions EUR. Une quatrième avance de 12 millions EUR a probablement aussi été versée; en effet, les termes de l’argumentaire cité au considérant 22 laissent entendre que la signature de la convention était en cours à cette date.

(63)

La France n’a pas apporté d’élément qui viendrait contredire cette analyse. Dans cet argumentaire, on peut d’ailleurs lire: «Le FPAP est considéré [par la Commission] ne pas pouvoir intervenir au regard de ses moyens sans l’avance remboursable de l’État. Contre cette démonstration, aucun argument ne peut être avancé.» Aussi, pour la Commission, ces avances ont-elles bien été consenties dans des conditions qui ne sont pas les conditions normales du marché (voir considérants 51 à 61 de la présente décision)

(64)

Par ailleurs, la Commission observe que ni la France ni le FPAP n’ont donné à la Commission d’indication sur le montant des fonds engagés par le FPAP sur ces marchés à terme, ou sur le résultat des transactions qui y ont été opérées. D’après le même argumentaire, les autorités françaises ont délibérément choisi de ne pas communiquer ces informations; il y est en effet indiqué que «… ces éléments pourraient être fournis à la Commission; cependant il convient de mesurer l’intérêt de fournir de tels éléments maintenant.» Or, la Commission constate que ces éléments ne lui sont pas parvenus, ni par ce courrier ni ultérieurement.

(65)

Enfin, la France ainsi que le FPAP et son Conseil, estiment que la Commission ne peut préjuger l’existence d’une aide d’État tant qu’aucune défaillance de remboursement n’a été constatée (France: «l’avance remboursable ne peut être qualifiée d’aides d’État tant que l’échéance de remboursement n’est pas échue». FPAP: «Cette somme peut-elle ou non être remboursée? C’est la question principale que pose la Commission»; MQA: «Aucun des emprunts consentis par la France au FPAP n’est arrivé à terme. Il n’y a encore à ce stade aucun défaut de remboursement ni aucune manifestation de l’État français, laissant supposer une annulation pure et simple de la dette à son terme»). La Commission rappelle à cet égard que la qualification d’aide d’État en faveur du FPAP est d’abord liée à la décision de la France d’octroyer au FPAP un prêt qu’il n’aurait pas obtenu autrement, et ce même si les échéances de remboursement avaient été respectées. C’est pourquoi, lorsque la Commission s’interroge sur la solvabilité du FPAP à l’échéance du prêt, c’est d’abord parce que cette question de la solvabilité du FPAP est au cœur de l’appréciation de sa situation au regard des conditions normales d’octroi d’un prêt par un établissement bancaire privé et non parce qu’elle suspecte la transformation d’un prêt en simple concours financier.

(66)

De ce point de vue, s’il apparaissait que les avances n’ont pas été remboursées dans les délais, voire pas remboursées du tout, cela confirmerait à la fois que le FPAP n’était pas en mesure de mener les actions prévues par ses statuts sans un apport extérieur de crédits et que cet apport ne lui aurait jamais été consenti par un organisme bancaire dans des conditions normales de marché. Or, à ce propos, la Commission observe que la France ne l’a pas informée d’un éventuel remboursement des avances dont a bénéficié le FPAP. Celles-ci devaient être remboursées, respectivement le 1er novembre 2006 pour l’avance de 15 millions EUR faisant l’objet de la convention du 12 novembre 2004, le 1er mai 2007 pour l’avance de 10 millions EUR faisant l’objet de la convention du 27 mai 2005 et le 1er juillet 2007 pour l’avance de 40 millions EUR faisant l’objet de la convention du 11 octobre 2005 (voir considérant 21). Quant à la quatrième avance dont pourrait avoir bénéficié le FPAP (voir considérant 22), ni la date de la convention ni la date d’échéance du remboursement ne sont connues.

(67)

Les trois dates d’échéance connues sont maintenant passées. La première était même déjà passée quand la France a envoyé son dernier courrier à la Commission, le 27 novembre 2006, après la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen. La Commission estime que, si cette avance avait été effectivement remboursée, la France ou le FPAP lui-même en auraient informé sans tarder la Commission puisque l’un des arguments avancés pour contrer l’analyse de la Commission était que ces avances ne pouvaient pas être qualifiées d’aide d’État tant que l’échéance de remboursement n’était pas passée. Nul doute que si le remboursement de la première avance avait été effectué, la France en aurait fait part à la Commission dans son courrier du 27 novembre 2006 et aurait ensuite fait la même chose pour les deuxième et troisième avances qui devaient être remboursées pour le 1er mai et le 1er juillet 2007 ainsi que pour l’éventuelle quatrième avance. Par ailleurs, les échos parus dans la presse professionnelle suggèrent qu’il n’y a pas eu, jusqu’à maintenant, de remboursement. Ainsi, la Commission considère que l’aide initialement octroyée sous forme d’avance s’est transformée en une aide sous forme de subvention directe.

(68)

Par conséquent, pour l’ensemble des motifs exposés ci-dessus, la Commission estime que les avances de l’État représentent un avantage financier accordé au moyen de ressources de l’État.

4.1.1.4.   Existence d’un avantage financier imputable à l’État

(69)

La Commission observe que les trois conventions passées entre l’État et le FPAP prévoient expressément que les fonds publics versés ont pour objet la mise en place d’un mécanisme de couverture contre les fluctuations des cours internationaux du pétrole et que ce mécanisme permettra l’acquisition sur les marchés à terme d’options financières. Or il est patent que la trésorerie initiale du FPAP, qui n’était alimentée que par les seules cotisations de ses adhérents, n’aurait pas pu lui permettre de mener de telles opérations, tout au moins pas à l’échelle à laquelle elles l’ont été. En effet, la première convention, datée du 12 novembre 2004, indique que l’avance de 15 millions EUR a pour objet «de permettre le démarrage du dispositif». C’est donc bien grâce à ces avances que le FPAP a été en mesure de mener des opérations d’acquisition sur les marchés à terme dans des proportions significatives.

(70)

En d’autres termes, il apparaît que l’État a concrètement soutenu la création du FPAP, constitué sous forme de syndicat, et son engagement sur les marchés à terme des produits pétroliers, alors même que cette activité ne correspond pas à l’activité ordinaire d’un syndicat, et ce, dans des conditions de concurrence avec des opérateurs privés qui ne sont pas des conditions de concurrence normales. La France reconnaissait d’ailleurs, dès le 7 octobre 2005, que «le gouvernement a encouragé une démarche initiée par les professionnels qui est la création d’un fonds de prévention des aléas pour la pêche. Ce fonds géré par des professionnels permet aux pêcheurs (…) de mutualiser leur capacité financière pour acheter des options financières sur le marché à terme pour se couvrir contre le risque de fluctuations du prix du carburant», tout en omettant de préciser que ladite «capacité financière» des pêcheurs existait grâce à des ressources d’État, deux avances ayant déjà été versées à cette date. Il ne fait pas de doute toutefois que le FPAP devait tenir compte des exigences des pouvoirs publics en décidant de l’utilisation des fonds mis à sa disposition. De ce point de vue, la création d’une mission interministérielle d’inspection chargée «d’auditer le mécanisme du FPAP dans son fonctionnement actuel, et de vérifier que les conditions de la dépense sont satisfaisantes au regard du droit et des règles de la dépense publique, tout en étant conformes aux engagements pris par les gestionnaires de ces fonds» démontre le souci de l’État de s’assurer que les fonds du FPAP ont bien été utilisés conformément à la destination prévue dans les conventions.

(71)

Dès lors, la Commission considère, au vu de cet ensemble d’indices, que l’avantage financier que représentent les avances octroyées au FPAP pour l’acquisition d’options financières sur les marchés à terme du pétrole est imputable à l’État (11).

4.1.1.5.   Existence d’un avantage financier qui fausse ou menace de fausser la concurrence

(72)

Le FPAP bénéficie d’un avantage financier par rapport aux autres sociétés intervenant sur les marchés à terme, qu’il s’agisse de sociétés habituellement actives sur ces marchés ou bien de sociétés étant ou pouvant être constituées de la même manière que le FPAP sous forme de syndicat professionnel dans les autres États membres, voire en France même.

(73)

La France fait valoir que «le FPAP ne peut être considéré comme favorisé par rapport à d’autres structures privées qui auraient pu jouer le même rôle, car il est la seule structure professionnelle française qui a pour objectif de regrouper des entreprises de pêche pour acheter des options sur le marché à terme.» La Commission observe en réponse que la situation du FPAP au regard des règles de concurrence ne doit pas être appréciée seulement vis-à-vis d’autres structures françaises regroupant des entreprises de pêche et jouant le même rôle que lui, mais vis-à-vis de tous les opérateurs français et européens susceptibles d’intervenir sur le marché à terme des produits pétroliers.

(74)

Le FPAP conteste en outre le fait qu’il aurait bénéficié de conditions privilégiées pour exercer son activité d’investisseur sur le marché à terme: selon ses propres termes, «Le fonds est intervenu sur le marché mondial des “commodities” en relation avec des courtiers ou des établissements financiers spécialisés (…) [Il] n’a bénéficié d’aucun avantage tarifaire, ni de conditions particulières vis-à-vis de tous les autres opérateurs du marché.» La Commission ne soutient pas que l’avantage financier du FPAP proviendrait d’un traitement privilégié du FPAP par les autres acteurs du marché, mais bien que le fonds n’a pu intervenir sur ce marché que parce qu’il disposait d’une marge d’intervention financière octroyée par l’État allant au-delà des capacités financières propres au FPAP, tandis que l’État ne l’a pas accordée dans des conditions similaires à d’autres entreprises qui pouvaient avoir le même intérêt que le FPAP à intervenir sur ce marché (des entreprises d’autres secteurs d’activité touchés par la hausse du coût du pétrole, par exemple) ou qui interviennent sur ce marché pour des raisons liées à leurs stratégies économiques et commerciales (entreprises pétrolières, par exemple).

(75)

Le FPAP reconnaît d’ailleurs l’existence de cet avantage. Dans un document de la Confédération de la Coopération Maritime, non communiqué à la Commission mais publié sur le site des «Assises de la pêche et de l’aquaculture de la Région Bretagne» (12), M. de Feuardent, résumant les principaux points abordés lors d’une rencontre avec la région Bretagne le 24 mai 2006, indique: «L’État a consenti un effort de 65 millions EUR à cette date. Le FPAP a par ailleurs enregistré sur le marché des “commodities” plusieurs millions EUR de bénéfices d’options, qui constituent une incontestable valeur ajoutée.» La Commission en conclut que le FPAP n’a pu mener des opérations d’acquisition d’options financières sur le marché des produits pétroliers que grâce aux fonds publics dont il disposait, et dont ne disposaient pas d’autres structures ou entreprises, et qu’il en a tiré un profit direct. Par conséquent, l’avantage dont il a bénéficié fausse ou menace de fausser la concurrence.

4.1.1.6.   Existence d’un avantage financier qui affecte les échanges entre États membres

(76)

En étant intervenu, comme l’indique M. de Feuardent, sur le marché des «commodities», le FPAP est intervenu sur le marché mondial du pétrole.

(77)

Son activité a donc dépassé le cadre strictement français, de telle sorte qu’il y a bien lieu de considérer que les avances consenties affectent les échanges entre États membres.

4.1.1.7.   Conclusion

(78)

Ainsi, les quatre conditions requises pour constater l’existence d’une aide d’État sont présentes: les avances versées au FPAP proviennent de ressources d’État, elles sont imputables à l’État, elles faussent ou menacent de fausser la concurrence et elles affectent les échanges entre États membres. L’aide dont bénéficie le FPAP constitue donc bien une aide d’État au sens de l’article 87 du traité CE pour ce qui concerne la part de trésorerie provenant de ressources d’État et utilisée pour l’acquisition d’options sur le marché à terme des produits pétroliers.

4.1.2.   Compatibilité avec le marché commun

(79)

Comme l’indiquent les conventions passées entre l’État et le FPAP, cette aide d’État sous forme d’avances a eu pour objet de permettre le démarrage des interventions du FPAP sur les marchés à terme du pétrole et de ses produits dérivés ainsi que leur poursuite. Il s’agit donc d’une aide au fonctionnement du FPAP. La France reconnaît d’ailleurs, par son courrier du 6 décembre 2005, que les montants indiqués ont été avancés «afin d’assurer le fonctionnement du FPAP».

(80)

Selon l’article 87, paragraphes 2 et 3, du traité, certaines catégories d’aide sont ou peuvent être considérées comme compatibles avec le marché commun. Il convient d’examiner si cette aide au fonctionnement du FPAP peut entrer dans l’une de ces catégories.

(81)

La Commission observe que cette aide ne correspond pas aux cas de figure prévus par l’article 87, paragraphe 2.

(82)

En effet, elle n’est pas destinée à remédier à des dommages causés par les calamités naturelles ou par d’autres événements extraordinaires. La Commission rappelle à ce propos que les fluctuations du cours du pétrole sont inhérentes à l’activité économique. Ces fluctuations touchent également d’autres secteurs d’activité consommateurs de produits pétroliers dans l’ensemble des États membres de l’Union européenne et ne peuvent pas être considérées comme une calamité naturelle ou un événement extraordinaire au sens de l’article 87 du traité. Cette aide n’est donc pas compatible avec le marché commun en vertu de l’article 87, paragraphe 2, point b), du traité.

(83)

Cette aide ne peut pas non plus être considérée comme compatible avec le marché commun sur la base d’une application directe de l’article 87, paragraphe 3, du traité, avec les différents cas de figure qui y sont prévus.

a)

Il ne s’agit manifestement pas d’une aide destinée à favoriser le développement économique de régions dans lesquelles le niveau de vie est anormalement bas ou dans lesquelles sévit un grave sous-emploi [cas prévu à l’article 87, paragraphe 3, point a)]. Cette aide a en effet pour but de permettre au FPAP d’intervenir sur les marchés à terme pertinents. Elle n’a donc pas de rapport avec les aides visées audit point a).

b)

Le FPAP ne peut pas être considéré comme un projet important d’intérêt européen ou comme une aide destinée à remédier à une perturbation grave de l’économie d’un État membre [cas prévus à l’article 87, paragraphe 3, point b)]. En effet, le FPAP est spécifiquement français et les autres États membres n’ont pas exprimé l’intention d’instituer des fonds du même genre; la dimension européenne de ce fonds fait par conséquent défaut. Quant à considérer qu’il s’agit d’une aide destinée à remédier à une perturbation grave de l’économie d’un État membre, la Commission observe qu’il n’y a aucun élément permettant de dire que l’apport d’argent à un fonds de ce genre permettrait d’apporter un tel remède. Pour ce qui concerne l’aide en faveur du FPAP lui-même, l’aide bénéficie seulement à une seule entité économique et, même si on la relie à l’aide accordée aux entreprises de pêche, ne bénéficie pas à l’économie d’un État membre dans son ensemble. Par ailleurs, la Commission rappelle qu’elle a toujours considéré qu’il n’appartient pas aux autorités publiques d’intervenir financièrement contre cette hausse du pétrole; leur rôle doit au contraire consister notamment à mener des politiques d’incitation envers les entreprises afin qu’elles s’adaptent aux nouvelles conditions économiques créées par cette hausse. C’est pourquoi une aide ayant pour objectif de permettre à une entité économique d’intervenir sur les marchés à terme pertinents ne correspond pas à l’objectif souhaité.

c)

L’existence du FPAP ne peut pas, par elle-même, répondre à la condition de l’article 87, paragraphe 3, point c), qui prévoit que peuvent être compatibles avec le marché commun les aides destinées à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques quand elles n’altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun. En effet, aucun élément n’indique que le développement ou l’accroissement d’une activité d’intervention sur les marchés à terme du pétrole soit souhaitable. En outre, cette activité n’est pas liée à une région économique. C’est pourquoi cette aide ne peut pas être considérée comme compatible avec le marché commun en vertu dudit point c).

d)

Enfin, cette sorte d’aide ne figure pas parmi les catégories d’aide qui auraient été considérées comme compatibles avec le marché commun par décision du Conseil adoptée conformément à l’article 87, paragraphe 3, point e).

(84)

La Commission note par ailleurs qu’aucune des lignes directrices qu’elle a adoptées pour l’analyse des aides d’État ne s’applique à la présente aide au fonctionnement du FPAP.

(85)

Il en résulte donc, en conclusion, que l’aide au FPAP pour l’acquisition d’options sur les marchés à terme ne peut être considérée comme compatible avec le marché commun au regard d’aucune des dérogations autorisées par le traité.

4.2.   Aide en faveur des entreprises de pêche: allégement des dépenses de carburant

(86)

Avant de procéder à l’analyse des aides ayant donné lieu à l’ouverture formelle de la procédure d’examen, la Commission doit prendre position sur l’argument du FPAP qui estime que les aides consenties à lui-même et aux entreprises de pêche devraient être considérées à la lumière d’un relèvement du seuil de minimis dans le secteur de la pêche. Selon le FPAP, les montants en cause (environ 16 000 EUR par entreprise en moyenne, en excluant l’aide qu’il considère comme étant une aide sociale directe aux pêcheurs) seraient nettement inférieurs à ceux qui étaient en cours d’adoption au moment du versement des compensations par le FPAP (30 000 EUR par entreprise) (13). Les autorités françaises, dans leur réponse, font également référence au relèvement du seuil de minimis mais sans en revendiquer l’application pour la présente aide.

(87)

Tout d’abord, la Commission rappelle que, selon l’article 3 du règlement (CE) no 1860/2004 de la Commission du 6 octobre 2004 concernant l’application des articles 87 et 88 du traité CE aux aides de minimis dans les secteurs de l’agriculture et de la pêche (14), disposition en vigueur à l’époque où ces aides aux entreprises de pêche ont été octroyées, le montant maximal d’aide de minimis était de 3 000 EUR par entreprise sur trois ans; les aides considérées dans la présente décision excèdent largement ces montants et la France n’a d’ailleurs pas fait état, dans ces observations, d’une éventuelle application de ce plafond pour les entreprises qui auraient pu en bénéficier. D’autre part, même si le montant de 30 000 EUR, qui figure dans le règlement (CE) no 875/2007 récemment adopté par la Commission (15), est supérieur aux 16 000 EUR évoqués ci-dessus par le FPAP, ce montant n’est qu’un montant moyen. Par ailleurs, c’est à tort que la France parvient à ce montant de 16 000 EUR en excluant la part d’aide qu’elle qualifie d’aide sociale et qui doit être prise en compte dans l’analyse (voir considérant 122 et 123). Ainsi, vu la diversité de la taille des entreprises de pêche adhérentes du FPAP, on peut être assuré que le montant de l’aide accordée à certaines entreprises est supérieur à 30 000 EUR. Par exemple, pour des chalutiers de 20 à 25 mètres, le montant annuel de l’indemnité s’établit aux alentours de 35 000 EUR, soit 70 000 EUR pour les deux années 2005 et 2006 (16). Quoi qu’il en soit, comme indiqué ci-dessus, la France n’a pas revendiqué l’application du nouveau plafond de minimis et n’a apporté aucun élément de preuve indiquant qu’elle l’aurait fait. Par conséquent, au vu de l’ensemble de ces éléments, dans le cadre de l’examen permanent des régimes d’aide d’État, la Commission est dans l’obligation de vérifier la conformité de ces aides au regard des dispositions de l’article 87 du traité.

4.2.1.   Existence d’une aide d’État

(88)

La France estime que la Commission n’est pas fondée à faire porter son analyse de l’existence d’une aide d’État sur cet aspect des activités du fonds. D’après la France, «la qualification d’aide d’État ne doit reposer que sur une analyse ad hoc de l’avance remboursable de l’État, et non en se fondant sur une analyse des activités du FPAP. Ainsi les autorités françaises souhaitent que ne soit développée que la première partie 3.1. de l’appréciation. La partie 3.2. revient à condamner les activités du FPAP qui est un syndicat professionnel qui pratique son activité d’achat d’options pour couvrir ses adhérents contre les fluctuations du prix du gazole.» (17)

(89)

En réponse, la Commission rappelle que conformément à une jurisprudence constante, les aides ne sont pas caractérisées par leurs causes ou leurs objectifs, mais sont définies en fonction de leurs effets (18). Outre l’acquisition d’options financières sur les marchés à terme, le FPAP a pour objet, selon les conventions passées avec l’État, de verser aux entreprises de pêche une compensation correspondant au différentiel de prix entre le prix maximum couvert et le prix moyen mensuel de l’indice de référence pour le mois considéré. Par conséquent, la Commission estime que les entreprises de pêche ont bénéficié d’avantages spécifiques à travers le système mis en place par le FPAP et qu’il y a bien lieu d’analyser les effets des avances octroyées par l’État non seulement sous l’angle de l’avantage consenti au FPAP, mais aussi sous celui des avantages consentis aux entreprises de pêche.

4.2.1.1.   Existence d’un avantage financier octroyé au moyen de ressources d’État

(90)

L’avantage tiré par les entreprises de pêche des activités du FPAP est d’une double nature: il consiste d’une part dans la possibilité de se procurer du carburant à un prix avantageux, et d’autre part dans la perception d’une indemnité compensant partiellement leurs dépenses de carburant.

(91)

Concernant le premier aspect, l’acquisition d’options sur les marchés à terme par le FPAP, qui rétrocédait ensuite le carburant acheté à terme à la société CECOMER, centrale d’achats des coopératives maritimes, a permis aux entreprises adhérentes au FPAP d’acheter du carburant acquis par ces coopératives à un prix inférieur à celui du marché ordinaire. Or, comme indiqué ci-dessus (voir considérant 75 de la présente décision), ceci n’a été possible que parce que «L’État a consenti un effort de 65 millions EUR à cette date. Le FPAP a par ailleurs enregistré sur le marché des “commodities” plusieurs millions EUR de bénéfices d’options, qui constituent une incontestable valeur ajoutée.» La Commission constate donc que la fourniture de carburant aux entreprises de pêche à un prix inférieur à celui du marché ordinaire a été possible grâce aux avances consenties par l’État et aux ressources propres du FPAP, c’est-à-dire le produit des cotisations de ses adhérents et les bénéfices tirés d’opérations spéculatives sur le marché à terme des produits pétroliers.

(92)

On retrouve cette même double provenance dans les fonds (ressources d’État et ressources tirées de l’activité privée du FPAP) qui ont servi à financer la compensation versée aux entreprises de pêche.

(93)

Comme cela est décrit au considérant 24 de la présente décision, le FPAP prend en charge la différence de prix existant, selon les conventions des 12 novembre 2004 et 27 mai 2005, entre le «prix maximum couvert» et le prix moyen mensuel de l’indice de référence et, selon la convention du 11 octobre 2005, entre 30 centimes d’euro par litre et le prix moyen mensuel de référence si ce dernier est supérieur à 30 centimes d’euro.

(94)

Le mécanisme de «lissage» envisagé initialement reposait sur l’hypothèse que les surcoûts par rapport à un prix de référence en période de cours élevés pourraient être compensés grâce aux cotisations versées par les adhérents en période de cours plus modérés. Le système se serait de la sorte autofinancé. Si l’on se réfère au document de M. de Feuardent déjà mentionné au considérant 75 de la présente décision, «le FPAP était techniquement en mesure de prendre les premières options dès avril 2004; à cette époque, les besoins CECOMER (environ 200 millions de litres) pour 2005 pouvaient être couverts à 0,28 cts/litre pour environ 4 millions EUR» Ainsi, le FPAP aurait peut-être pu faire face, au début de 2004, aux besoins relativement modestes de l’«assurance gazole» grâce à ses ressources propres. Il apparaît donc bien que, dans sa conception originelle, le fonds aurait pu être auto-suffisant.

(95)

Cependant, les cours du pétrole s’étant maintenus à un niveau très élevé et l’adhésion au FPAP s’étant très largement généralisée, le nombre d’adhérents au FPAP s’est rapidement et considérablement accru. Il en est résulté que le coût de cette «assurance gazole» a explosé et n’a pu être supporté que grâce à l’utilisation des avances consenties par l’État au FPAP.

(96)

Si l’on tente une estimation des crédits nécessaires au FPAP pour faire face aux dépenses de l’«assurance gazole» pour 2005, on peut partir de l’hypothèse que le niveau de la consommation de carburant pour laquelle une compensation était demandée par les entreprises de pêche est probablement passé de 200 millions de litres (voir considérant 94) à un volume qu’on peut estimer à près de 900 millions de litres. En effet, si l’on reprend les moyennes de consommation annuelle ayant servi de base aux calculs figurant aux considérants 55 et 56, la consommation de 1 000 navires de moins de 12 mètres serait de 1 000 navires × 200 tonnes/navire soit 200 000 tonnes et celle des navires de plus de 12 mètres serait de 1 400 navires × 480 tonnes/navire soit 672 000 tonnes, ce qui fait au total 872 000 tonnes (ou 872 millions de litres). En réalité, comme indiqué au considérant 55, si l’on considère que les navires sont en pêche plutôt 38 semaines par an que 48, la consommation est probablement plus proche de 700 000 tonnes (1 000 navires de moins de 12 m × 158 tonnes soit 158 000 tonnes et 1 400 navires de plus de 12 m × 380 tonnes soit 532 000 tonnes). Dans l’hypothèse d’un plafonnement de la compensation à 12 centimes par litre, plafonnement appliqué pour la troisième avance (19), les besoins financiers du FPAP atteignaient ainsi un montant annuel de l’ordre de 85 millions EUR. En considérant le fait que les entreprises de pêche n’ont peut-être assuré qu’une partie de leur consommation de carburant, le besoin de crédits a probablement été moins important, mais l’ordre de grandeur reste de plusieurs dizaines de millions EUR par an, à comparer avec l’estimation initiale de 4 millions EUR pour l’année 2005. Il devient alors évident que le FPAP n’aurait pas pu faire face à la couverture garantie à ses adhérents, en contrepartie de leurs cotisations, sans bénéficier d’un apport de fonds extérieurs, en l’occurrence les avances consenties par l’État.

(97)

Dans ce contexte, le FPAP a bénéficié de fonds publics afin de répondre aux besoins de cette «assurance gazole», à charge pour lui de gérer au mieux ces fonds. La trésorerie du FPAP se compose ainsi de fonds provenant des cotisations des adhérents, des avances de l’État, et des bénéfices éventuels de ses activités sur les marchés à terme du pétrole. La partie de ces fonds provenant des avances de l’État correspond incontestablement à des ressources d’État. Quant aux bénéfices réalisés sur les marchés à terme et qui ont permis aux entreprises de pêche de se fournir en carburant moins cher, ils n’ont pu être réalisés que grâce à l’existence de ressources d’État, qui ont donné les moyens au FPAP de mener des opérations financières sur les marchés à terme. Par ailleurs, bien que les caractéristiques exactes des conventions passées entre le FPAP et CECOMER ne soient pas connues et ne puissent être déduites d’aucun des documents communiqués par la France, la Commission suppose que la compensation versée aux entreprises adhérentes, correspondant à un différentiel de prix, a été moins élevée que si CECOMER et les coopératives maritimes avaient livré aux pêcheurs du carburant qui aurait été acheté sur le marché ordinaire, c’est-à-dire sans intervention par le FPAP sur les marchés à terme. Ainsi, le bénéfice des opérations du FPAP sur les marchés à terme a été transféré à CECOMER, coopérative d’approvisionnement des coopératives maritimes, et finalement aux entreprises de pêche qui se fournissent en carburant auprès d’elles. L’effet pratique a certainement été que le FPAP a pu continuer à verser des compensations pendant une période plus longue que si le FPAP n’avait été qu’un organisme intermédiaire uniquement chargé de répartir les 65 (ou 77) millions EUR fournis par l’État sous couvert du mécanisme de l’«assurance gazole»

(98)

La Commission considère par conséquent que c’est bien au moyen de ressources d’État, qu’elles aient directement alimenté la trésorerie du FPAP ou qu’elles aient été utilisées pour dégager des bénéfices venant augmenter cette trésorerie, que les entreprises de pêche ont pu bénéficier d’un avantage financier, d’une part en ayant la possibilité de se fournir en carburant à un prix avantageux, et d’autre part en percevant une indemnité compensatrice calculée par rapport à un prix de référence.

4.2.1.2.   Existence d’un avantage financier imputable à l’État

(99)

Les trois, éventuellement quatre, conventions passées entre l’État et le FPAP prévoient que les fonds publics versés sous forme d’avances ont pour finalité dernière de compenser partiellement les frais de carburant des entreprises de pêche. La compensation versée aux pêcheurs sous forme d’indemnité correspondant à la différence entre un prix de référence et un prix à la pompe se conjugue avec une diminution du prix du gazole à la pompe du fournisseur qui est le plus souvent la coopérative maritime.

(100)

La trésorerie du FPAP, initialement constituée par les cotisations des adhérents, puis abondée par une première avance de l’État, lui a permis d’agir sur les marchés à terme et d’en tirer des bénéfices, mais sans que ces bénéfices ne soient suffisants pour lui permettre d’assumer, en même temps, le versement de l’indemnité compensatrice garantie aux entreprises de pêche en contrepartie de leurs cotisations. Deux, éventuellement trois, avances supplémentaires lui ont toutefois permis de continuer ses activités avant de devoir progressivement dénouer ses positions pour disposer des liquidités nécessaires au paiement des indemnités. La Commission observe que les décisions relatives aux opérations sur les marchés à terme ont été prises par le président du FPAP. Leur mise en œuvre concrète s’est effectuée par le recours à des courtiers et des établissements financiers spécialisés (voir considérant 74), dont la rémunération a été assurée par le FPAP dans des proportions inconnues de la Commission. Or, si les statuts du FPAP prévoient que le Président doit obligatoirement consulter le conseil d’administration «pour décider des projets de couverture à mettre en œuvre», l’État n’est pas représenté dans ce conseil d’administration. Ainsi, même si le FPAP avait l’obligation, en toute généralité, de «tenir une comptabilité permettant de connaître, sur demande, l’utilisation de l’avance ainsi que l’affectation des ressources et des dépenses du Fonds», l’État ne décidait ni de la stratégie à suivre par le FPAP pour l’acquisition de ces options financières, ni du niveau de la compensation financière devant être versée aux entreprises. Par conséquent, si, comme il a été montré au paragraphe 4.1.1.4, il ne fait pas de doute que l’aide constituée par l’octroi des trois, éventuellement quatre, avances est imputable à l’État, il n’en va pas de même pour les avantages supplémentaires dont les entreprises de pêche ont pu bénéficier grâce d’une part à leurs cotisations et d’autre part à une gestion avisée de l’ensemble de la trésorerie du FPAP. En effet, si, grâce aux opérations menées sur les marchés à terme, l’aide finalement versée aux pêcheurs a été supérieure aux fonds publics initialement reçus par le FPAP, la partie de l’aide allant au-delà du montant des fonds publics avancés n’a pas résulté d’une décision de l’État. Ainsi, pour la Commission, même s’il n’est pas possible, d’un point de vue comptable, d’isoler précisément ce qui provient de ressources d’État et ce qui provient de ressources propres, puisque c’est l’ensemble de la trésorerie qui a été utilisée pour agir sur les marchés à terme du pétrole et pour payer une indemnité compensatoire, l’avantage correspondant à la différence entre le montant total des aides dont ont bénéficié les entreprises de pêche et le montant total des avances de l’État transférés aux entreprises de pêche n’est pas imputable à l’État.

4.2.1.3.   Existence d’un avantage financier qui fausse ou menace de fausser la concurrence

(101)

La Commission considère que l’allégement dont bénéficient les entreprises de pêche adhérentes au FPAP pour leurs dépenses de carburant favorise ces entreprises, parce qu’elles sont les seules à pouvoir bénéficier de cet allégement. Leur position se trouve renforcée par rapport à d’autres entreprises se trouvant en concurrence avec elles sur le marché communautaire, qu’il s’agisse d’autres entreprises de pêche ou bien d’entreprises d’autres secteurs d’activité économique ayant un intérêt à diminuer leurs coûts de production liés aux dépenses de carburant. De plus, étant donné que ce mécanisme de couverture s’adresse uniquement aux entreprises de pêche, l’avantage ainsi accordé à ces entreprises s’analyse comme un avantage sectoriel non accessible aux autres secteurs. Or, toute forme d’aide, en privilégiant un secteur particulier, fausse ou menace de fausser la concurrence [voir la décision 2006/269/CE de la Commission du 8 février 2006 relative aux déductions fiscales pour les pêcheurs professionnels (Suède) (20), considérants 31 et 35].

(102)

La France objecte que cette aide n’a pas favorisé les entreprises adhérentes du FPAP, dans la mesure où «l’adhésion au FPAP est libre et ouverte à toutes les entreprises de pêche sous réserve de cotiser». MQA ajoute que cette adhésion est ouverte «sans considération de structure ou de nationalité des intérêts bénéficiaires». Le FPAP précise enfin que «les entreprises adhérentes du FPAP sont détenues par des capitaux français, mais également espagnols et néerlandais».

(103)

La Commission observe en réponse que les entreprises de pêche qui peuvent adhérer au FPAP sont seulement celles qui ont des navires enregistrés en France métropolitaine ou dans les départements d’outre-mer. Des entreprises à capitaux néerlandais ou espagnols et détenant des navires français peuvent donc effectivement adhérer au FPAP; c’est certainement au cas de ces navires que la France et le FPAP font allusion dans leurs réponses. Mais les autres navires communautaires ne peuvent pas y adhérer.

(104)

L’ensemble des entreprises bénéficiaires de la compensation versée par le FPAP sont en concurrence sur le marché communautaire avec les entreprises dont les navires battent pavillon des autres États membres et qui ont aussi un intérêt à diminuer leurs coûts de production liés aux dépenses de carburant mais qui n’ont pas à leur disposition un système de compensation du genre de celui mis en place par le FPAP. Pour cette raison, l’avantage dont bénéficient les entreprises de pêche adhérentes ou celles qui n’ont pas encore adhéré mais qui seraient en mesure de le faire, c’est-à-dire toutes les entreprises ayant des navires de pêche battant pavillon français, représente clairement une distorsion de concurrence.

(105)

Le FPAP estime en outre que les facteurs de distorsion de concurrence doivent être recherchés ailleurs. En se référant à l’existence de surcoûts importants qui sont, selon lui, sans fondement économique, tels ceux dérivant de la gestion des plans d’orientation pluriannuels de la flotte de pêche, c’est-à-dire de la gestion de la capacité globale de cette flotte, ou ceux liés à la gestion des «droits à produire», le FPAP indique notamment que «Les “droits” liés à des “politiques” nationales représentent (…) le vrai facteur de distorsion de concurrence européenne [et] ils sortent largement du domaine économique.»

(106)

La Commission observe à ce propos que ces coûts, qu’ils soient en France inférieurs ou supérieurs à ceux existant dans les autres États membres, résultent des contraintes dues à l’encadrement réglementaire dans lequel s’exerce aujourd’hui l’activité de pêche. Par sa communication (21) du 26 février 2007 relative aux instruments de gestion fondés sur les droits de pêche, la Commission rappelle que le secteur communautaire de la pêche se caractérise par une multiplicité d’instruments et de mécanismes de gestion et que des situations comparables sont traitées parfois de manière très différente suivant les États membres. Il en résulte notamment que la vente et l’achat de droits de pêche est une pratique courante dans certains États membres, que ce soit dans le cadre de marchés établis ou de manière indirecte. Les coûts mentionnés par le FPAP sont des coûts auxquels sont confrontées les flottes des divers États membres et correspondent à l’évolution économique du secteur de la pêche. Ils résultent de la mise en œuvre au niveau national des mesures de gestion que la politique commune de la pêche impose ou rend nécessaire. Cette mise en œuvre n’apporte pas de justification à la mise en place dans un État membre particulier d’aides spécifiques. Pour cette raison, contrairement à ce qu’avance le FPAP, la distorsion de concurrence ne doit pas s’apprécier dans la limite d’un «marché pertinent», par exemple un «micromarché régional», notion à laquelle il se réfère, mais, comme cela est prévu dans le cadre du traité, dans l’ensemble du marché commun. Ainsi, si l’aide du FPAP a pour effet de faciliter le maintien de la pêche dans un cadre régional et de protéger la ressource en empêchant les navires hauturiers de se replier sur des fonds d’accès plus proches ou les chalutiers de s’orienter vers des pêcheries plus spécifiques, comme cela est avancé par le FPAP, elle correspond parfaitement à une aide qui fausse ou menace de fausser la concurrence et donc, à cet égard, à une aide d’État.

(107)

Aussi, pour l’ensemble des raisons exposées ci-dessus, la Commission considère-t-elle que les fonds avancés par l’État et dont ont bénéficié les entreprises de pêche, via le FPAP, faussent ou menacent de fausser la concurrence.

4.2.1.4.   Existence d’un avantage financier qui affecte les échanges entre les États membres

(108)

Le FPAP conteste le fait que les aides accordées aux entreprises de pêche adhérentes du syndicat affectent les échanges entre les États membres. En effet, selon le FPAP, ces entreprises exerceraient leurs activités dans «un marché qui n’est en aucun cas unique, mais qui repose plutôt sur une “mosaïque” de micromarchés régionaux».

(109)

La Commission constate en réponse que la valeur globale des exportations de produits de la pêche et de l’aquaculture de la France vers le reste du monde atteignait 1 290 millions EUR en 2005, dont 80 % à destination de pays membres de l’Union européenne. De même, la valeur globale des importations de cette catégorie de produits en France s’élevait en 2005 à 3 693 millions EUR, dont 40 à 60 %, selon les sources, en provenance de pays membres de l’Union européenne (22). Par comparaison, la valeur totale de la production française s’établissait à 1 868 millions EUR. Par conséquent, sans qu’il soit besoin de se livrer à une analyse économique chiffrée extrêmement détaillée (23), il est manifeste que, quelles que soient les variations de prix par espèce constatées chaque jour dans les ports français ou européens, le volume des échanges entre la France et le reste de l’Europe pèse d’un poids considérable dans son bilan d’approvisionnement en produits de la pêche et de l’aquaculture. Des mesures visant à favoriser un nombre important d’entreprises de pêche françaises (plus de 30 % de la flotte) par la réduction de leurs coûts de production ont nécessairement un impact sur les échanges entre États membres dans le domaine de la pêche.

(110)

Il est donc manifeste que l’avantage dont ont bénéficié les entreprises de pêche par la prise en charge d’une partie de leurs coûts de production affecte les échanges entre États membres.

4.2.1.5.   Conclusion

(111)

Les quatre conditions requises pour constater l’existence d’une aide d’État ne sont que partiellement présentes. L’avantage dont ont bénéficié les entreprises de pêche résulte bien de l’emploi de ressources d’État, il fausse ou menace de fausser la concurrence et il affecte les échanges entre États membres. En revanche, il n’est imputable à l’État que dans la limite du montant des avances, dans la mesure où ces avances ne constituent qu’une partie de la trésorerie du FPAP, et où l’État n’est pas intervenu dans les choix opérés pour le FPAP pour faire fructifier les fonds mis à sa disposition. Ainsi, la Commission ne peut conclure à l’existence d’une aide d’État au sens de l’article 87 du traité CE que dans la limite de l’apport de fonds publics, c’est à dire 65, ou 77 millions EUR.

(112)

La Commission observe enfin que les autorités françaises, nonobstant leurs réponses des 7 octobre 2005 et 21 avril 2006, ne contestent pas véritablement les conclusions de la Commission sur l’existence d’une aide d’État. En effet, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2007 par l’Assemblée nationale, le ministre de l’Agriculture et de la Pêche, interrogé sur l’avenir du FPAP, répond: «le FPAP est opérationnel depuis le 1er novembre 2004, mais la Commission européenne le surveille de près, car il s’agit d’une aide d’État.» (24).

4.2.2.   Compatibilité avec le marché commun

(113)

Selon l’article 87, paragraphes 2 et 3, du traité, certaines catégories d’aide sont ou peuvent être considérées comme compatibles avec le marché commun.

(114)

La Commission observe que ces aides ne correspondent pas aux cas de figure prévus à l’article 87, paragraphe 2, du traité.

a)

En affirmant que le FPAP a agi comme «une organisation de défense de consommateurs», ou comme le «fédérateur de consommateurs de produits pétroliers», MQA semble suggérer que les aides en faveur des entreprises de pêche pourraient être assimilées aux «aides à caractère social octroyées à des consommateurs individuels» prévues à l’article 87, paragraphe 1. A cet égard, la Commission observe seulement que ce paragraphe vise expressément des «consommateurs individuels», et non des entreprises, et que, par conséquent, il ne peut pas s’appliquer au cas d’espèce (voir aussi considérant 50 de la présente décision). Cette aide n’est donc pas compatible avec le marché commun en vertu de l’article 87, paragraphe 2, point a), du traité.

b)

Ces aides ne constituent pas des aides destinées à remédier à des dommages causés par les calamités naturelles ou par d’autres événements extraordinaires. En effet, les fluctuations du cours du pétrole sont inhérentes à l’activité économique. Elles touchent également d’autres secteurs d’activité consommateurs de produits pétroliers dans l’ensemble des États membres de l’Union européenne et ne peuvent pas être considérées comme une calamité naturelle ou événement extraordinaire au sens de l’article 87, paragraphe 2, point b). Toutefois, à cette analyse, MQA objecte que l’aide est bien consécutive à une situation extraordinaire «puisque la Commission elle-même admet les difficultés économiques et sociales exceptionnelles du secteur». Il est certes vrai que le secteur de la pêche doit faire face à des difficultés particulières que la Commission a analysées en détail dans sa communication (25) du 9 mars 2006 intitulée «Améliorer la situation économique de la pêche». Dans cette communication, la Commission a montré que les sources des difficultés économiques et sociales du secteur se trouvent dans son inadaptation structurelle aux contraintes pesant sur son activité. Elle a par ailleurs formulé, dans cette communication, diverses propositions pour surmonter les difficultés économiques du secteur de la pêche. Examinant la compatibilité de certaines aides au fonctionnement, elle indique très clairement: «Les difficultés que connaît actuellement le secteur de la pêche ont été aggravées par la hausse récente des prix des carburants. Cette situation a poussé l’industrie de la pêche à demander une intervention publique afin de compenser cette soudaine augmentation des coûts. Ce type d’assistance représenterait une aide au fonctionnement incompatible avec le traité. La Commission ne pourrait approuver aucune aide notifiée à cette fin.» Evoquant ensuite un mécanisme de garantie comparable à celui initialement conçu lors de la mise en place du FPAP, elle ajoute «La Commission ne pourrait approuver un tel programme que s’il prévoit des garanties de remboursement, dans des conditions commerciales, de l’ensemble des aides publiques, ce qui, au vu des circonstances économiques actuelles, semble très peu probable.» Les fluctuations du coût des intrants, dont celui du carburant, sont inhérentes à l’activité économique et ne peuvent constituer en elles-mêmes un événement extraordinaire.

Compte tenu de ce qui précède, la Commission considère que les aides d’État en cause dont ont bénéficié les entreprises de pêche ne sont pas compatibles avec le marché commun en vertu de l’article 87, paragraphe 2, point b), du traité.

(115)

Ces aides ne peuvent pas non plus être considérées comme compatibles avec le marché commun sur la base d’une application de l’article 87, paragraphe 3, du traité, avec les différents cas de figure qui y sont prévus.

a)

Il ne s’agit pas d’aides destinées à favoriser le développement économique de régions dans lesquelles le niveau de vie est anormalement bas ou dans lesquelles sévit un grave sous-emploi [cas prévu à l’article 87, paragraphe 3, point a), du traité]. Ces aides ont pour but de réduire les coûts de fonctionnement des entreprises de pêche. Certes, le FPAP indique que ces aides ont pour but de faciliter le maintien de la pêche dans un cadre régional. Cependant, la Commission constate que ces aides sont accordées aux entreprises de pêche quel que soit le lieu du siège de ces entreprises ou le port d’attache des navires qu’elles exploitent. Elles n’ont donc pas de rapport avec les aides visées audit point a).

b)

Ces aides ne peuvent pas non plus être considérées comme des aides destinées à promouvoir la réalisation d’un projet important d’intérêt européen commun ou à remédier à une perturbation grave de l’économie d’un État membre. Elles n’ont pas de lien avec un projet important d’intérêt européen commun. Elles ne peuvent pas non plus être qualifiées d’aide destinée à remédier à une perturbation grave de l’économie d’un État membre. En effet, les aides accordées aux entreprises de pêche ont pour objet de remédier aux difficultés des entreprises d’un secteur économique particulier et non à celles de l’ensemble de l’économie française. La nature sectorielle de cette aide est incontestable puisque la hausse des coûts du pétrole n’a pas seulement affecté les entreprises du secteur de la pêche mais l’ensemble des entreprises, tous secteurs d’activité confondus. Et, à cet égard, la Commission a toujours considéré qu’il n’appartient pas aux autorités publiques d’intervenir financièrement pour compenser cette hausse, mais au contraire d’inciter les entreprises à s’adapter aux nouvelles conditions économiques qui en résultent. Ainsi, au vu de l’ensemble de ces éléments, la Commission considère que l’aide du FPAP en faveur des entreprises de pêche ne peut pas être considérée comme compatible en vertu de l’article 87, paragraphe 3, point b).

c)

Pour ce qui concerne l’article 87, paragraphe 3, point c), l’allégement des dépenses de carburant ne peut pas, par lui-même, répondre à la condition dudit point c), selon lequel peuvent être compatibles avec le marché commun les aides destinées à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques quand elles n’altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun. En effet, les aides en cause ne visent pas à favoriser le développement des activités de pêche dans le sens d’une pêche durable, conformément aux objectifs de la politique commune de la pêche, mais pérennisent au contraire le niveau de l’effort de pêche sans inciter les entreprises de pêche à réduire leurs dépenses en carburant. Par conséquent, elles ont pour effet de ralentir la nécessaire adaptation des entreprises du secteur de la pêche aux contraintes résultant de la hausse des prix du pétrole. En outre, cette activité n’est pas liée à une région économique. C’est pourquoi ces aides ne peuvent pas être considérées comme compatibles avec le marché commun en vertu de l’article 87, paragraphe 3, point c).

d)

Enfin, ces catégories d’aide ne figurent manifestement pas parmi les aides destinées à promouvoir la culture et la conservation du patrimoine, ni parmi des aides considérées comme compatibles avec le marché commun par décision du Conseil adoptée conformément à l’article 87, paragraphe 3, point e).

(116)

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que l’aide d’État octroyée aux entreprises de pêche pour l’allégement de leurs dépenses de carburant ne répond à aucune des dérogations prévues par l’article 87 du traité.

(117)

S’agissant d’aides à des entreprises de pêche, celles-ci doivent également être analysées à la lumière des lignes directrices pour l’examen des aides d’État destinées aux secteurs de la pêche et de l’aquaculture (ci-après dénommées «lignes directrices»).

(118)

Ces aides ont pour effet de diminuer les coûts de production des entreprises de pêche. Elles présentent le caractère d’aides au fonctionnement.

(119)

La Commission rappelle tout d’abord qu’aux termes du point 3.5 de ces lignes directrices, «les aides d’État ne doivent pas revêtir un caractère conservatoire, elles doivent au contraire favoriser la rationalisation et l’efficacité de la production et de la commercialisation des produits de la pêche. Les aides doivent conduire à des améliorations durables, de telle façon que le secteur de la pêche puisse évoluer grâce aux seuls revenus du marché.»

(120)

Or, comme exposé au considérant 115, point c), de la présente décision, l’allégement des dépenses de carburant ne vise pas le développement des activités de pêche dans le sens d’une pêche durable, conforme aux objectifs de la politique commune de la pêche, mais le maintien en activité à l’identique d’entreprises de pêche. C’est pourquoi la Commission considère que ces aides revêtent bien le caractère conservatoire évoqué au point 3.5 des lignes directrices et ne peuvent donc être considérées comme compatibles avec ce principe posé par les lignes directrices.

(121)

La France a certes indiqué, dans ses réponses à l’ouverture de la procédure formelle d’examen, que «les actions du FPAP ont anticipé des mesures utiles que les plans de sauvetage et de restructuration, une fois entérinés, ne feront qu’illustrer et confirmer». Cependant, ce n’est que bien plus tard, en janvier 2008, que la France a informé la Commission de la mise en œuvre de mesures présentées comme étant des mesures d’aide au sauvetage et à la restructuration en faveur des entreprises de pêche, mesures enregistrées par la Commission sous le numéro NN 09/2008 et actuellement en cours d’analyse. Cela étant, même si on accepte l’argument de la France selon lequel les actions du FPAP auraient anticipé d’une certaine manière ces mesures d’aide au sauvetage et à la restructuration, cela n’a pas d’incidence sur leur compatibilité avec le marché commun en raison des différences fondamentales qui existent entre les mesures mises en œuvre par le FPAP et les conditions auxquelles doivent répondre les régimes d’aide au sauvetage et à la restructuration des entreprises, conditions décrites dans les lignes directrices communautaires concernant les aides d’État au sauvetage et à la restructuration d’entreprises en difficulté (26). En effet, contrairement à ce qui est requis dans ces lignes directrices, les aides résultant des actions du FPAP ont été octroyées indistinctement à l’ensemble des entreprises de pêche et non pas seulement aux entreprises en difficulté. D’autre part, les aides au sauvetage ne peuvent excéder six mois et doivent revêtir la forme d’un prêt remboursable ou d’une garantie; quant aux aides à la restructuration, elles doivent être octroyées dans des conditions précises pour une durée limitée. Or, les aides octroyées par la France par le moyen du FPAP ne remplissent aucune des conditions exigées: les entreprises de pêche bénéficient de ces aides depuis 2004, elles ne sont pas consenties sous forme de prêt ou de garantie, et leur remboursement dans le contexte d’un plan de restructuration n’est pas envisagé.

(122)

Le FPAP considère aussi que les aides octroyées se justifient par le fait qu’il s’agirait en réalité d’une aide aux revenus des salariés. Le FPAP écrit à ce propos: «Le FPAP se constitue en “groupement de prévention” en vue de constituer pour les 2 500 entreprises adhérentes un périmètre juridique de sauvegarde au sens de la Loi française…. À ce titre, l’aide aux revenus des salariés inscrite dans le périmètre de restructuration est autorisée. Elle n’affecte en rien les règles de concurrence. Elle relève au contraire des principes communautaires qui garantissent aux salariés un revenu minimum décent.» Le FPAP poursuit en indiquant que le système du paiement des marins à la part d’équipage aurait pour effet, en France, de priver les salariés des entreprises de pêche de salaire, voire de les mettre en dette vis-à-vis de l’armement. Il précise enfin que 25 des 65 millions d’avance consentis par l’État «concernent directement des avances aux salariés et s’analysent comme une action sociale directe». MQA ajoute: «Si les emprunts sont considérés comme des aides au profit, non pas du FPAP transparent, mais des entreprises de pêche adhérentes, il s’agirait véritablement d’aides sociales. Le concours financier qui serait ainsi apporté serait en effet directement lié à la rémunération des marins.»

(123)

Ces affirmations appellent plusieurs commentaires de la part de la Commission:

1)

Tout d’abord, elle s’étonne de lire que près de 40 % (25 millions sur 65) des avances de trésorerie consenties par l’État afin, selon les trois conventions décrites ci-dessus (voir considérant 21 de la présente décision), de permettre l’acquisition d’options financières sur les marchés à terme des produits pétroliers, «concernent directement des avances aux salariés et s’analysent comme une aide sociale directe».

2)

La Commission suppose qu’il s’agit ici, de la part du FPAP, d’un raccourci rhétorique visant à montrer que les actions mises en œuvre par le FPAP, en réduisant les coûts de production des entreprises de pêche et étant donné le système du salaire à la part, bénéficieraient in fine aux salariés de ces entreprises. C’est dans ce sens que ces actions pourraient s’analyser «comme une aide sociale directe». En effet, aucun élément du dossier ne laisse supposer qu’il y aurait eu des aides sociales directes, c’est-à-dire des aides versées par le FPAP directement aux salariés de ces entreprises; cela n’est d’ailleurs nullement prévu par les statuts du FPAP (voir considérant 20 de la présente décision).

3)

Quoiqu’il en soit, c’est-à-dire que des aides aient été éventuellement versées directement aux salariés ou bien que les actions du FPAP aient eu pour effet de bénéficier à ces salariés en permettant d’abonder leur revenu en raison du système du salaire à la part, la Commission rappelle que, conformément à une jurisprudence bien établie (27), la notion d’aide comprend les avantages consentis par les autorités publiques qui, sous des formes diverses, allègent les charges qui normalement grèvent le budget d’une entreprise. En ce sens, les salaires font indiscutablement partie de ces charges et une entreprise ne peut pas compter sur un financement public pour y faire face. Par conséquent, le fait que les avantages tirés par les entreprises de pêche de la possibilité d’acheter du carburant à prix préférentiels et d’une compensation partielle de leurs dépenses de carburant aient en réalité, selon le FPAP et MQA, bénéficié aux salariés de ces entreprises, est sans pertinence aux fins d’apprécier la compatibilité de ces aides au regard du marché commun. Il suffit de constater que les avantages consentis aux entreprises de pêche grâce à des fonds publics ont eu pour effet d’alléger les charges qui grèvent normalement le budget des dites entreprises.

4)

Dans la même ligne, la Commission ne peut pas accepter l’affirmation selon laquelle l’aide aux revenus des salariés serait autorisée, d’une part, parce qu’elle relèverait des principes communautaires qui garantissent aux salariés un revenu minimum décent, et d’autre part, parce que le système du paiement à la part serait particulièrement défavorable aux marins français. En effet, en application du principe de subsidiarité, la réglementation relative à l’existence d’un salaire minimum relève de la seule compétence des États membres. En France, pour ce qui concerne le salaire des marins, cette obligation est posée par les articles L.742-2, D.742-1 et D.742-2 du Code du travail. Comme le rappelle un arrêt de la Cour d’Appel de Rennes du 16 juin 1998 (28), ces dispositions, de portée générale, s’appliquent aux salariés relevant du Code du travail maritime, quel que soit le mode de rémunération adopté. Le fait que l’armateur et ses salariés soient convenus au départ que les marins seront payés à la part (à profit éventuel) ne dispense pas l’armateur de garantir aux marins, pendant la période d’embarquement, une rémunération au moins égale au salaire minimum. En d’autres termes, les parts de pêche doivent être au minimum équivalentes à la rémunération calculée en application du salaire minimum de croissance. L’article 34 du Code du travail maritime (29) renvoie à cet égard à «un accord national professionnel ou des accords de branche étendus [pour fixer], indépendamment de la durée du travail effectif, la ou les périodes retenue pour le calcul du salaire minimum de croissance des marins rémunérés à la part». L’accord de branche garantissant, par son article 9 premier alinéa, une rémunération annuelle brute minimale aux marins salariés rémunérés à la part, a été signé le 28 mars 2001 (30). Cette disposition a été rendue obligatoire, pour tous les employeurs et tous les salariés compris dans le champ d’application de cet accord, par un arrêté interministériel du 3 juillet 2003 (31). Le coût salarial induit par cette obligation légale constitue ainsi un coût de production des entreprises de pêche, au même titre que les dépenses de carburant. Dans ces conditions, la Commission ne peut donc accepter l’argument selon lequel l’État français serait fondé à intervenir financièrement parce que les armateurs se dérobent à l’obligation légale qui leur est faite d’assurer un salaire minimum à leurs salariés, même lorsqu’ils sont rémunérés à la part.

(124)

Selon MQA, il pourrait s’agir également de mesures socio-économiques: «les lignes directrices (…) considèrent que peuvent être déclarées compatibles des mesures socio-économiques. En l’espèce, le FPAP est totalement transparent et les mesures qualifiées d’aides par la Commission ont un caractère à l’évidence socio-économique.»

(125)

La Commission constate que MQA n’apporte aucun élément permettant d’examiner les aides en cause au regard du point 4.5. des lignes directrices qui prévoient que, au cas par cas, peuvent être considérées comme compatibles avec le marché commun, des aides directes aux travailleurs correspondant à des mesures socio-économiques. En effet, ce paragraphe précise qu’elles ne peuvent être considérées comme compatibles qu’«à condition qu’elles fassent partie d’un ensemble de mesures de soutien à caractère socio-économique visant à compenser les pertes de revenu liées à une adaptation des capacités décidée conformément à l’article 11, paragraphe 1, du règlement (CE) 2371/2002» [règlement (CE) no 2371/2002 du Conseil du 20 décembre 2002 relatif à la conservation et à l’exploitation durable des ressources halieutiques dans le cadre de la politique commune de la pêche] (32). Or, la création du FPAP ne s’inscrit pas dans un plan d’ensemble décidé conformément au règlement no 2371/2002 en vue de l’adaptation des capacités de pêche. L’argument avancé par MQA ne peut donc nullement justifier l’octroi de ces aides au fonctionnement.

(126)

MQA indique aussi qu’il n’est pas exact d’affirmer que les aides ont été accordées sans condition. Selon MQA, «l’État a exigé pour consentir ces prêts que le FPAP produise des pièces justificatives multiples, pièces justificatives destinées à établir la rigueur de la gestion du fonds et aussi la détermination du fonds et de ses membres à mettre en œuvre des solutions durables aux nouvelles conditions de production du secteur de la pêche». MQA insiste sur cette exigence d’une comptabilité transparente et sur la décision de l’État de demander la conduite d’une mission interministérielle d’inspection.

(127)

La Commission prend acte de cette exigence de transparence et de contrôle, tout en notant qu’elle paraît élémentaire, s’agissant d’une intervention financée par des fonds publics. Elle regrette toutefois que, dans un tel contexte de transparence, les autorités françaises ne lui aient pas transmis toutes les informations chiffrées détaillées sur les activités du fonds, malgré les requêtes exprimées au cours de la procédure. Elle constate enfin qu’elle n’a jamais été informée de la mission d’inspection mentionnée par MQA, ni a fortiori de ses conclusions, demandées par les autorités françaises pour la mi-novembre 2005.

(128)

Par conséquent, la Commission estime que les avances octroyées par l’État entrent bien dans la catégorie des aides au fonctionnement visées au point 3.7. des lignes directrices, selon lequel: «les aides d’État qui sont octroyées sans être assorties d’une quelconque obligation pour les bénéficiaires de répondre aux objectifs de la politique commune de la pêche et qui sont destinées à améliorer la situation des entreprises et à accroître leur trésorerie (…) sont, en tant qu’aides au fonctionnement, incompatibles avec le marché commun». Ces avances sont donc incompatibles avec le marché commun.

5.   CONCLUSION

(129)

La Commission constate que la France a illégalement mis à exécution, en violation de l’article 88, paragraphe 3, du traité, les diverses mesures d’aide qui sont l’objet de la présente décision.

(130)

Sur la base de l’analyse développée dans la partie 4.1 de la présente décision, la Commission estime que l’abondement de la trésorerie du FPAP par l’octroi de trois, éventuellement quatre avances, pour un montant total de 65, éventuellement 77 millions EUR constitue une aide d’État incompatible avec le marché commun en vertu de l’article 87, paragraphes 2 et 3, du traité. En effet, étant donné qu’aucun organisme bancaire n’aurait accordé d’avances du genre de celles qui ont été accordées au FPAP et que, selon les informations disponibles, ces avances n’ont pas été remboursées, ces avances se sont transformées en subvention directe (voir considérant 67), et donc en aide d’État pour le montant en cause.

(131)

Sur la base de l’analyse développée dans la partie 4.2 de la présente décision, la Commission estime que l’aide octroyée sous forme d’avances au FPAP et qui a permis aux entreprises de pêche d’acheter du carburant à un prix avantageux et de bénéficier d’une indemnité compensatoire dans le cadre de l’assurance gazole, constitue une aide d’État incompatible avec le marché commun en vertu de l’article 87, paragraphes 2 et 3, du traité.

6.   RÉCUPERATION

(132)

Le montant de l’aide d’État mise en place par la France est de 65 millions EUR, ou 77 millions s’il y a eu une quatrième convention. Conformément à l’article 14, paragraphe 1, du règlement no 659/1999, en cas de décision négative concernant une aide illégale, la Commission décide que l’État membre prend toutes les mesures nécessaires pour récupérer l’aide auprès des bénéficiaires. L’objectif est atteint dès que les aides en cause, augmentées le cas échéant des intérêts de retard, ont été restituées par les bénéficiaires ou, en d’autres termes, par les entreprises qui en ont eu la jouissance effective (33). L’objectif de récupération sera donc atteint quand ce montant de 65 ou 77 millions EUR aura été restitué.

(133)

Afin de déterminer ce qui doit être récupéré d’une part auprès du FPAP et d’autre part auprès des entreprises de pêche, il convient de prendre en compte le fait que le FPAP, tout en agissant en tant qu’opérateur économique sur les marchés à terme, a pour objectif d’octroyer des indemnités aux entreprises de pêche dans le cadre du système de l’assurance gazole qu’il a mis en place et de leur fournir du carburant à un prix avantageux. L’analyse faite dans la présente décision sur l’économie générale de ce système particulier montre que le FPAP a rempli sa mission en transférant progressivement l’aide octroyée par l’État. Pour cette raison, l’aide à récupérer auprès du FPAP est la partie des 65 ou 77 millions EUR qui n’a pas été transférée vers les entreprises de pêche, et celle qui est à récupérer auprès des entreprises de pêche est alors la partie qui leur a été transférée.

(134)

La Commission n’a pas connaissance du montant qui a été effectivement transféré du FPAP vers les entreprises de pêche. La Commission observe à ce propos que, malgré une injonction adressée à la France de fournir toutes informations nécessaires sur le fonctionnement du FPAP, celle-ci n’a communiqué ni le mode d’utilisation de la trésorerie de ce fonds ni sa comptabilité. En l’absence de ces informations et pour tenir compte de la jurisprudence de la Cour (34), la Commission considère qu’il est utile de fournir certaines orientations sur la méthodologie à employer pour déterminer le montant des aides à récupérer.

(135)

En définissant ces orientations, la Commission a pris en considération le fait que, au vu des conventions, le FPAP a l’obligation de tenir une comptabilité permettant de connaître l’utilisation des avances ainsi que l’affectation des ressources et des dépenses et qu’il s’est engagé à conserver les pièces comptables pendant une période minimale de 10 ans et à les mettre à la disposition des différents corps de l’État sur simple demande (voir considérant 27). A partir de ces éléments, les autorités ou organismes chargés de mettre en application la décision de récupération auront la possibilité de connaître les mouvements de trésorerie du FPAP ainsi que la situation de cette trésorerie au moment où cette décision devra être mise en œuvre. En outre, la comptabilité des entreprises de pêche étant généralement tenue par des groupements de gestion appartenant au Centre de gestion de la pêche artisanale, qui est représenté au conseil d’administration du FPAP, il est également possible d’identifier dans la comptabilité des entreprises les indemnités qui ont été versées par le FPAP.

6.1.   Récupération auprès du FPAP

(136)

Le montant de l’aide incompatible à récupérer auprès du FPAP correspond à la partie de l’aide d’État qui n’a pas été finalement transférée aux entreprises de pêche, c’est-à-dire le montant des avances qui a financé les frais de fonctionnement du FPAP ainsi que le montant de ces avances que celui-ci a conservé dans sa trésorerie. Le montant total des frais de fonctionnement pourra être connu par l’autorité chargée de mettre en œuvre la récupération à partir de la comptabilité du FPAP. Etant donné le caractère fongible de l’argent et l’impossibilité de distinguer sa provenance en fonction de son utilisation, la Commission considère que la part des avances de l’État ayant financé ces frais de fonctionnement correspond au montant total de ces frais affecté du ratio de ces avances par rapport à la somme de ces avances et des fonds propres du FPAP (cotisations des adhérents). De la même manière, le montant des avances conservé dans la trésorerie peut être déterminé en affectant la trésorerie restante du même ratio.

6.2.   Récupération auprès des entreprises de pêche

(137)

Comme indiqué ci-dessus, l’aide à récupérer auprès de l’ensemble des entreprises de pêche correspond aux 65 ou 77 millions des avances, diminués de la somme à récupérer auprès du FPAP conformément aux indications données au considérant 136. Pour ce qui concerne l’aide d’État à récupérer auprès de chacune de ces entreprises, on doit tenir compte du fait qu’il n’est pas possible, d’un point de vue comptable, d’opérer une distinction entre l’aide qui est qualifiée d’aide d’État et celle qui n’est pas imputable à l’État (voir paragraphe 4.2.1.2 de la présente décision).

(138)

La Commission considère que l’aide d’État à récupérer auprès de chaque entreprise peut être calculée sur la base de l’indemnité reçue par chaque entreprise au titre de l’assurance gazole.

(139)

En prenant cette indemnité comme base de calcul, la Commission laisse de côté l’équivalent-subvention de l’économie réalisée par chaque entreprise de pêche du fait de l’achat de carburant à un prix inférieur à celui du marché. La Commission estime qu’il est justifié de le faire parce que les entreprises qui ont bénéficié de prix préférentiels pour leur carburant sont les mêmes que celles qui ont bénéficié d’indemnités au titre de l’assurance gazole, et ceci dans des proportions respectives tout à fait comparables puisque plus une entreprise achetait du carburant à un prix préférentiel plus elle obtenait des indemnités élevées et inversement. En choisissant cette base, il n’y aura donc pas d’introduction de distorsion entre les entreprises concernées par rapport aux obligations de reversement auxquelles elles vont devoir faire face. Par ailleurs, la Commission note que, si l’on voulait prendre en compte ces équivalent-subventions dans la base de calcul, il serait nécessaire à cet effet de calculer, pour chaque avitaillement en carburant effectué pendant la période d’activité du FPAP sur les marchés à terme du pétrole, la différence entre la dépense qui aurait résulté d’un achat au cours du jour et le coût effectivement facturé par la coopérative après avoir déterminé quel aurait été le cours du jour applicable au type de carburant acheté et au lieu d’approvisionnement. Cette méthode aurait été plus difficile à mettre en œuvre. C’est la raison pour laquelle la Commission estime préférable de recommander une base de calcul qui facilitera la tâche des autorités et organismes chargés de mettre en œuvre la décision de récupération.

(140)

Par conséquent, la Commission estime que l’aide d’État à récupérer auprès de chaque entreprise peut être calculée sur la base de l’indemnité reçue par chaque entreprise au titre de l’assurance gazole. L’aide d’État à récupérer doit être calculée en affectant cette indemnité d’un pourcentage correspondant au ratio du montant global de l’aide d’État à récupérer auprès des entreprises de pêche sur le montant global des indemnités versées aux entreprises de pêche par le FPAP au titre de l’assurance gazole.

(141)

Le montant à récupérer auprès de chaque entreprise de pêche doit ainsi être calculé selon les formules suivantes:

Formula

R*Ent

=

montant à récupérer auprès de l’entreprise de pêche

I

=

montant de l’indemnité perçue par l’entreprise de pêche au titre de l’assurance gazole

Avances

=

65 ou 77 millions EUR

R*FPAP

=

montant à récupérer auprès du FPAP conformément aux indications figurant au considérant 136

Total I

=

montant total des indemnités versées par le FPAP aux entreprises de pêche au titre de l’assurance gazole

(142)

Cette formule tient compte du postulat selon lequel le FPAP a fait des bénéfices sur les marchés à terme, bénéfices qui ont été ensuite entièrement rétrocédés aux entreprises de pêche. Comme cela est décrit dans la présente décision, cela est le cas le plus plausible. Cependant, il convient aussi de prévoir le cas théorique où le FPAP aurait essuyé des pertes sur les marchés à terme et où il en serait alors résulté que les entreprises de pêche auraient bénéficié d’un montant global d’indemnités inférieur au montant des avances diminué du montant à récupérer auprès du FPAP. Dans un tel cas, le quotient (Avances – R*FPAP)/Total I serait généralement supérieur à 1, notamment si le montant «R*FPAP» est faible; l’application de la formule ci-dessus aurait alors pour effet que la somme globale à récupérer auprès des entreprises de pêche serait supérieure à celle dont ils ont bénéficié. Pour cette raison, dans ce cas particulier, il convient de prévoir que le montant à récupérer auprès de chaque entreprise correspond au montant de l’indemnité perçue par cette entreprise au titre de l’ «assurance gazole». Dans ce cas de figure, le solde entre les avances de l’État et les indemnités versées aux entreprises de pêche serait à récupérer auprès du FPAP, lequel aurait effectivement consommé cette différence.

(143)

Les aides d’État bénéficiant aux entreprises de pêche peuvent ne pas être soumises à récupération si, à la date à laquelle elles ont été octroyées, elles remplissent les conditions du règlement no 1860/2004 ou celles du règlement no 875/2007 concernant les aides de minimis,

A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:

Article premier

L’aide octroyée au Fonds de prévention des aléas pêche (FPAP) pour l’acquisition d’options financières sur le marché à terme du pétrole et mise en œuvre illégalement par la France, en violation de l’article 88, paragraphe 3, du traité, est incompatible avec le marché commun.

Article 2

L’aide octroyée aux entreprises de pêche sous forme de l’allégement de leurs dépenses de carburant et mise en œuvre illégalement par la France en violation de l’article 88, paragraphe 3, du traité, est incompatible avec le marché commun.

Article 3

Une aide individuelle octroyée à une entreprise de pêche au titre de l’article 2, paragraphe 1, du règlement (CE) no 994/98 du Conseil (35) n’est pas soumise à récupération si, au moment de son octroi, elle remplit les conditions fixées par le règlement adopté en vertu de l’article 2 du règlement (CE) no 994/98, applicable au moment de l’octroi de l’aide.

Article 4

1.   La France est tenue de se faire rembourser par les bénéficiaires les aides incompatibles visées aux articles 1er et 2.

2.   Les sommes à récupérer produisent des intérêts à partir de la date à laquelle elles ont été mises à la disposition des bénéficiaires, jusqu’à leur récupération effective.

3.   Les intérêts sont calculés sur une base composée conformément au chapitre V du règlement (CE) no 794/2004 de la Commission (36).

4.   La France annule tous les paiements en suspens des aides visées aux articles 1er et 2 à compter de la date d’adoption de la présente décision.

Article 5

1.   La récupération des aides visées aux articles 1er et 2 est immédiate et effective.

2.   La France veille à ce que la présente décision soit mise en œuvre dans les quatre mois suivant la date de sa notification.

Article 6

1.   Dans les deux mois suivant la notification de la présente décision, la France communique à la Commission les informations suivantes:

a)

le montant total (principal et intérêts) à récupérer auprès du FPAP;

b)

une description détaillée des mesures déjà prises et prévues pour se conformer à la présente décision;

c)

les documents démontrant que le FPAP a été mis en demeure de rembourser l’aide.

2.   La France tient la Commission informée de l’avancement des mesures nationales prises pour mettre en œuvre la présente décision jusqu’à la récupération complète de l’aide visée à l’article 1er. Elle transmet immédiatement, sur simple demande de la Commission, toute information sur les mesures déjà prises et prévues pour se conformer à la présente décision. Elle fournit aussi des informations détaillées concernant les montants de l’aide et les intérêts déjà récupérés auprès du FPAP.

Article 7

1.   Dans les deux mois suivant la notification de la présente décision, la France communique à la Commission les informations suivantes:

a)

la liste des entreprises de pêche qui ont reçu une aide visée à l’article 2 et le montant total reçu par chacune d’elles;

b)

le montant total (principal et intérêts) à récupérer auprès de chaque bénéficiaire;

c)

une description détaillée des mesures déjà prises et prévues pour se conformer à la présente décision;

d)

les documents démontrant que les bénéficiaires ont été mis en demeure de rembourser l’aide.

2.   La France tient la Commission informée de l’avancement des mesures nationales prises pour mettre en œuvre la présente décision jusqu’à la récupération complète de l’aide visée à l’article 2. Elle transmet immédiatement, sur simple demande de la Commission, toute information sur les mesures déjà prises et prévues pour se conformer à la présente décision. Elle fournit aussi des informations détaillées concernant les montants de l’aide et les intérêts déjà récupérés auprès des bénéficiaires.

Article 8

La République française est destinataire de la présente décision.

Fait à Bruxelles, le 20 mai 2008.

Par la Commission

Joe BORG

Membre de la Commission


(1)  JO L 83 du 27.3.1999, p. 1.

(2)  JO C 91 du 19.4.2006, p. 30.

(3)  JO C 229 du 14.9.2004, p. 5.

(4)  Arrêt de la Cour de justice du 17 février 1993, affaires jointes C-159/91 et C-160/91, AGF-Cancava, Rec. 1993, p. I-637.

(5)  Arrêt de la Cour de justice du 10 janvier 2006, C-222/04, Cassa di Risparmio, Rec. 2006, p. I-289.

(6)  Arrêt de la Cour de justice du 29 avril 1999, C-342/96, Espagne c/ Commission, Rec. 1999, p. I-2459; arrêt de la Cour de justice du 29 juin 1999, C-256/97, DMTransports, Rec. 1999, p. I-3913.; arrêt du Tribunal de première instance du 11 juillet 2002, T-152/99, Andrès Molina, Rec. 2002, p. II-3049.

(7)  JO C 307 du 17.12.2003, p. 11.

(8)  JO C 220 du 8.9.2005, p. 2.

(9)  Contrairement à ce qui figurait dans la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen, les navires de cette catégorie (plus de 12 mètres) ne représentent pas 95,3 % des navires adhérents au FPAP. Ce sont en fait 95,3 % des navires de cette catégorie qui sont couverts par le FPAP.

(10)  N. COULON, Les nouveaux ratios bancaires d’endettement des entreprises BANQUE no 511, Décembre 1990, cité par Alain Galesnes in «Le diagnostic bancaire de l’entreprise» in Editions du Centre d’Etudes et de Recherches Financières appliquées (CEREFIA) Rennes, 1994/2004.

(11)  Arrêt de la Cour de Justice du 16 mai 2002 C-482/99, France c/ Commission, Rec. 2002, p. I-4397, notamment points 53 à 56.

(12)  http://pecheaquaculture.region-bretagne.fr

(13)  Ce seuil est celui qui a finalement été retenu dans le règlement (CE) no 875/2007 de la Commission (voir note 14).

(14)  JO L 325 du 28.10.2004, p. 4.

(15)  Voir note 14 de bas de page.

(16)  Source : Observatoire économique régional des pêches de Bretagne. «Résultats des flottilles artisanales 2005/2006» Note de synthèse

(17)  Les références aux parties 3.1 et 3.2 renvoient à la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen mentionnée au considérant 11. La partie 3.1 traitait de l’aide à l’acquisition d’options sur les marchés à terme et des avantages financiers qui en résultaient pour le FPAP et les entreprises de pêche ; la partie 3.2 traitait de la compensation pour l’achat de carburant pour ces mêmes entreprises.

(18)  Notamment : arrêts de la Cour de justice du 2 juillet 1974, Italie c/ Commission, 173/73, Rec. 1974, p. 709; du 26 septembre 1996, France c/ Commission, dit «Kimberly Clark», C-241/94, Rec. 1996 p. I-4551; du 12 octobre 2000, Espagne c/ Commission, C-480/98, Rec. 2000, p. I-8717; et du 12 décembre 2002, Belgique c/ Commission, C-5/01, Rec. 2002, p. I-11991.

(19)  Voir paragraphe II du discours de M. D. Bussereau, ministre de l’Agriculture et de la Pêche, tenu le 30 juin 2005 lors de l’assemblée générale du Comité national des pêches maritimes et des élevages marins; document figurant à l’adresse Internet suivante: http://agriculture.gouv.fr/IMG/pdf/discours_300605_ag-cnpm.pdf

(20)  JO L 99 du 7.4.2006, p. 21.

(21)  COM(2007) 73 final.

(22)  Sources : OFIMER Les chiffres-clés de la filière pêche et aquaculture en France, édition 2006. Egalement, Eurostat et Global Trade Information Service.

(23)  Arrêt du Tribunal de première instance du 30 avril 1998, T-241/95, Het Vlaamse Gewest c/Commission, Rec. 1998, p. II-717, point 67.

(24)  Assemblée nationale — Compte rendu de la séance du 25 octobre 2006, audition de M. Dominique Bussereau, ministre de l’Agriculture et de la Pêche.

(25)  COM(2006) 103 final.

(26)  JO C 244 du 1.10.2004, p. 2.

(27)  Arrêt de la Cour de justice du 5 octobre 1999, C-251/97, République française c/ Commission, Rec. 1999, p. I-6639, point 35.

(28)  Arrêt de la cour d’Appel de Rennes du 16 juin 1998, Marziou c/ Louzaouen, in Le Droit Maritime Français, no 588, Décembre 1998, p. 1201 et s. (Editions Lamy).

(29)  Disponible sur www.legifrance.gouv.fr/

(30)  Bulletin officiel du ministère de l’Equipement no 13 du 25 juillet 2003, disponible sur www2.equipement.gouv.fr/bulletinofficiel/fiches/BO200313/Une.htm

(31)  Publié au Journal officiel de la République française 203 du 3 septembre 2003, p. 15051.

(32)  JO L 358 du 31.12.2002, p. 59.

(33)  Arrêt de la Cour de justice du 29.4.2004, Affaire C-277/00, Allemagne c/ Commission, Rec. 2004, p. I-3925, point 75.

(34)  Arrêt de la Cour de justice du 12.10.2000 Affaire C-480/98, Espagne c/ Commission, Rec. 2000, p. I-8715, point 25.

(35)  JO L 142 du 14.5.1998, p. 1.

(36)  JO L 140 du 30.4.2004, p. 1.