4.6.2008   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

L 144/37


DÉCISION DE LA COMMISSION

du 20 novembre 2007

concernant l’aide d’État C 36/A/06 (ex NN 38/06) mise à exécution par l’Italie en faveur de ThyssenKrupp, Cementir et Nuova Terni Industrie Chimiche

[notifiée sous le numéro C(2007) 5400]

(Le texte en langue italienne est le seul faisant foi.)

(Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE)

(2008/408/CE)

LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,

vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 88, paragraphe 2, premier alinéa,

vu l’accord sur l’Espace économique européen, et notamment son article 62, paragraphe 1, point a),

après avoir invité les intéressés à présenter leurs observations conformément auxdits articles (1) et vu ces observations,

considérant ce qui suit:

I.   PROCÉDURE

(1)

Dans le cadre de l’affaire C 13/06 (ex N 587/05 — Tarif d’électricité préférentiel consenti à certaines industries grosses consommatrices d’énergie en Sardaigne), la Commission a eu connaissance de la prorogation de deux mesures prévoyant l’octroi d’un tarif d’électricité préférentiel, prorogation accordée en vertu de l’article 11, paragraphe 11, du décret-loi no 35/2005, converti en loi no 80 du 14 mai 2005 (ci-après «loi no 80/2005»), et appliquée sans avoir été préalablement notifiée à la Commission. Les bénéficiaires sont le producteur d’aluminium Alcoa et les trois sociétés qui ont succédé à la société Terni: Terni Acciai Speciali, Nuova Terni Industrie Chimiche et Cementir (ci-après «sociétés ex-Terni»).

(2)

Par lettre du 23 décembre 2005, la Commission a demandé des informations aux autorités italiennes qui les lui ont communiquées par courrier du 24 février 2006. L’Italie lui a également fourni des informations supplémentaires les 2 mars et 27 avril 2006.

(3)

Par lettre du 19 juillet 2006, la Commission a informé l’Italie de sa décision d’ouvrir la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 2, du traité CE à l’encontre des deux régimes (affaire C 36/06).

(4)

Cette décision d’engager la procédure a été publiée au Journal officiel de l’Union européenne  (2) et la Commission a invité les tiers intéressés à présenter leurs observations sur les mesures en cause.

(5)

L’Italie a présenté ses observations par lettre du 25 octobre 2006 et fourni des informations complémentaires par courrier des 9 novembre et 7 décembre 2006.

(6)

La Commission a reçu des observations de tiers intéressés et les a transmises aux autorités italiennes en leur donnant la possibilité de réagir. Les observations de l’Italie lui sont parvenues par lettre du 22 décembre 2006.

(7)

Par lettre du 20 février 2007, la Commission a demandé des informations complémentaires qui lui ont été communiquées par les autorités italiennes par courrier les 16 avril, 10 mai et 14 mai 2007.

(8)

Le 18 septembre 2007, l’affaire a été scindée en un volet A, qui concerne les trois sociétés nées de la scission de la société Terni (sociétés ex-Terni), et un volet B, qui concerne Alcoa. La présente décision porte uniquement sur la prorogation du tarif préférentiel consenti aux sociétés ex-Terni.

(9)

Les échanges de correspondance concernant le volet de l’affaire relatif à Alcoa ne sont pas évoqués dans la présente décision.

II.   DESCRIPTION DÉTAILLÉEE DE LA MESURE EN CAUSE

(10)

L’article 11, paragraphe 11, de la loi no 80/2005 prévoit la prorogation de deux mesures accordant des réductions du tarif général applicable à la fourniture d’énergie électrique. Les bénéficiaires de ces deux mesures, qui sont différentes par nature et seront donc traitées séparément, sont, d’une part, le producteur d’aluminium Alcoa et, d’autre part, les trois sociétés ex-Terni.

(11)

L’Italie a nationalisé le secteur électrique par la loi no 1643 du 6 décembre 1962 (ci-après «loi de nationalisation») qui prévoyait le transfert des centrales électriques italiennes de l’époque à l’ENEL, nouvelle entreprise publique qui devait détenir le monopole de la production, de la distribution et de la fourniture d’électricité.

(12)

À l’époque de la nationalisation, la société Terni était une entreprise publique, active dans les secteurs de la sidérurgie, des produits chimiques et de la cimenterie, sur laquelle l’État exerçait un contrôle effectif par l’intermédiaire du holding public IRI et du groupe public Finsider, lesquels détenaient une participation majoritaire dans le capital de la société. De plus, la société Terni possédait et exploitait une centrale hydroélectrique dont la production servait essentiellement à alimenter ses chaînes de production.

(13)

De manière générale, la loi de nationalisation exemptait du processus de nationalisation du secteur électrique les entreprises qui produisaient de l’électricité essentiellement à des fins d’autoconsommation (autoproducteurs), lesquelles pouvaient donc conserver leurs installations de production (3). Néanmoins, en raison de son importance stratégique pour l’approvisionnement énergétique du pays, la branche hydroélectrique de Terni n’a pas échappé à la nationalisation, malgré le statut d’autoproducteur de l’entreprise. Son transfert à l’ENEL était prévu à l’article 4, paragraphe 5, quatrième alinéa, de la loi de nationalisation.

(14)

Par décret du président de la République no 1165/63, l’Italie a indemnisé la société du transfert de ses actifs électriques en lui accordant un tarif d’électricité préférentiel pour la période 1963-1992.

(15)

En 1964, la société Terni a été scindée en trois sociétés: Terni Acciai Speciali, qui fabrique de l’acier, Nuova Terni Industrie Chimiche, active dans le secteur chimique, et Cementir qui produit du ciment. Par la suite, ces entreprises ont été privatisées et rachetées par ThyssenKrupp, Norsk Hydro et Caltagirone.

(16)

Aux fins de la présente décision, les trois entreprises qui ont succédé à la société Terni sont collectivement dénommées «sociétés ex-Terni» ainsi qu’il est indiqué au considérant 1. L’expression «société Terni» fait, pour sa part, référence à la société initiale. Quant au tarif consenti à la société Terni et, plus tard, à ses ayants droit, il est dénommé «tarif Terni».

(17)

Le tarif préférentiel a continué d’être appliqué, aux mêmes conditions, aux trois sociétés ex-Terni. Le principal bénéficiaire en termes de quantité d’énergie subventionnée, tant en valeur absolue que par rapport à sa consommation totale d’énergie, est ThyssenKrupp.

(18)

La durée du tarif spécial coïncidait avec la durée générale des concessions hydroélectriques (4) en Italie, lesquelles devaient expirer en 1992. La concession de la société Terni lui avait été accordée pour une durée exceptionnelle de 60 ans (au lieu des 30 ans habituels) et devait expirer à la fin des années 80.

(19)

En 1991, par la loi no 9 du 9 janvier 1991 intitulée «Norme per l’attuazione del nuovo Piano energetico nazionale: aspetti istituzionali, centrali idroelettriche ed elettrodotti, idrocarburi e geotermia, autoproduzione e disposizioni fiscali» (ci-après «loi no 9/1991»), l’Italie a prorogé les concessions hydroélectriques existantes jusqu’en 2001. Par l’article 20, paragraphe 4, de cette loi, l’Italie a aussi prorogé jusqu’en 2001 le tarif préférentiel consenti aux sociétés ex-Terni. La quantité d’énergie électrique subventionnée fournie à ces sociétés devait diminuer de manière progressive (phasing out) au cours des six années suivantes (2002-2007) de façon à mettre un terme à l’avantage tarifaire avant la fin de 2007.

(20)

La loi no 9/1991, qui comportait diverses dispositions correspondant à autant d’aides d’État, a été notifiée à la Commission en même temps que la loi no 10/1991 intitulée «Norme per l’attuazione del Piano energetico nazionale in materia di uso razionale dell’energia, di risparmio energetico e di sviluppo delle fonti rinnovabili di energia». En 1991, la Commission a déclaré les aides prévues par ces deux lois compatibles au regard des règles en matière d’aides d’État (5).

(21)

Les modalités du tarif préférentiel consenti à la société Terni étaient précisées aux articles 6, 7 et 8 du décret du président de la République no 1165/63 «Trasferimento all’Ente Nazionale per l’Energia Elettrica dei complessi di beni organizzati destinati alle attività di cui al primo comma dell’art. 1 della legge 6 dicembre 1962 n. 1643 esercitate dalla “Terni — società per l’Industria e l’Elettricità” S.p.A.» (ci-après «DPR no 1165/1963»). Ce décret disposait que l’ENEL devait fournir à la société Terni une quantité fixe d’énergie électrique (1 025 000 MWh par an), ce qui correspondait à la consommation de la société en 1961, plus une quantité supplémentaire (595 000 MWh par an) équivalente à la hausse de consommation prévue à la suite d’investissements engagés, mais pas encore achevés en 1962.

(22)

Le prix préférentiel avait été calculé en comparant deux méthodes et en appliquant la plus favorable des deux à la société:

a)

la première méthode était fondée sur le prix moyen de l’électricité payé par les branches manufacturières de la société Terni à sa branche hydroélectrique (lequel correspondait aux coûts de production de la centrale hydroélectrique appartenant à la société Terni);

b)

la seconde méthode reposait sur le prix de référence appliqué par l’ENEL aux clients présentant le même profil (autoproducteurs) que la société Terni.

(23)

Dans la pratique, la première méthode a été appliquée jusqu’en 2000, c’est-à-dire jusqu’à ce que les modifications apportées à la structure tarifaire italienne à la suite de la libéralisation du marché de l’électricité imposent de passer à la deuxième méthode.

(24)

La révision de la structure tarifaire avait été amorcée en 1997 avec l’introduction d’un tarif en deux parties: l’élément A, correspondant aux coûts fixes et aux frais généraux, et l’élément B, reflétant les coûts variables. À partir du 1er janvier 2000, le tarif Terni a été accordé sous la forme d’un élément compensateur calculé en additionnant toutes les composantes du tarif qu’en qualité d’autoproducteur (virtuel), la société Terni n’était pas tenue de payer (soit la totalité de l’élément B et une partie de l’élément A). Ce mode de calcul correspond à la seconde méthode prévue par le DPR no 1165/1963.

(25)

Le tableau ci-dessous montre la diminution progressive des quantités d’électricité fournies aux sociétés ex-Terni au prix préférentiel au cours de la phase dégressive (2002-2007):

Année

GWh

MW

2001

1 620

270

2002

1 389

231

2003

1 157

193

2004

926

154

2005

694

116

2006

463

77

2007

231

39

(26)

Par l’article 11, paragraphe 11, de la loi no 80/2005, l’Italie a interrompu le processus de réduction progressive et prorogé une nouvelle fois le tarif Terni jusqu’en 2010. L’article 11, paragraphe 13, de la loi disposait que ces mesures étaient applicables à partir du 1er janvier 2005. Peu après, les concessions hydroélectriques ont, de manière générale, été prorogées jusqu’en 2020 (6).

(27)

Cette deuxième prorogation du tarif est la mesure à l’encontre de laquelle la Commission a engagé la procédure formelle d’examen prévue à l’article 88, paragraphe 2, du traité et qui fait l’objet de la présente décision.

(28)

La loi no 80/2005 dispose que, jusqu’en 2010, les sociétés ex-Terni continueront à jouir du traitement dont elles bénéficiaient au 31 décembre 2004 en termes de quantités fournies (globalement 926 GWh pour les trois sociétés) et de prix (1,32 cent/kWh). Les quantités d’électricité fournies se répartissent actuellement comme suit: ThyssenKrupp 86 %, Nuova Terni Industrie Chimiche 10 % et Cementir 4 %.

(29)

La loi no 80/2005, telle qu’elle est interprétée et appliquée par l’AEEG, prévoit en outre un mécanisme d’indexation sur la base duquel, à partir du 1er janvier 2006, le tarif préférentiel augmente chaque année proportionnellement aux hausses de prix enregistrées sur les bourses européennes de l’énergie d’Amsterdam et de Francfort, l’augmentation étant plafonnée à 4 %.

(30)

Le tarif préférentiel Terni était initialement géré et financé par l’entreprise publique ENEL qui détenait le monopole de la production, du transport, de l’importation, de la distribution et de la fourniture d’électricité en Italie.

(31)

En 2002, à mesure que le marché de l’électricité se libéralisait et que l’ENEL perdait sa position de monopole, la charge financière résultant des régimes tarifaires préférentiels a été transférée de l’ENEL à l’ensemble des consommateurs d’électricité (7). Les éléments compensateurs dus aux sociétés ex-Terni étaient avancés par les distributeurs d’électricité qui étaient ensuite remboursés par un organisme public, la Cassa Conguaglio per il settore elettrico (caisse de compensation pour le secteur électrique, ci-après «Cassa Conguaglio»). Ces remboursements étaient financés par un prélèvement parafiscal correspondant à l’un des postes de la facture d’électricité, soit la composante A4 du tarif en vigueur.

(32)

En 2004, l’AEEG a décidé de confier l’ensemble de la gestion administrative des régimes tarifaires préférentiels à la Cassa Conguaglio (8). Depuis septembre 2004, les sociétés ex-Terni paient l’électricité qu’elles achètent (sur le marché libéralisé) au prix du marché et reçoivent de la Cassa Conguaglio un remboursement correspondant à la différence entre le prix payé et le prix préférentiel auquel elles peuvent prétendre (l’élément compensateur) après déduction des frais de transport, de mesure et de vente. Les coûts sont acquittés par les consommateurs d’électricité italiens sous la forme du prélèvement parafiscal visé au considérant 31 ci-dessus.

(33)

Après l’ouverture de la procédure formelle d’examen, l’AEEG, par la délibération no 190/06, a subordonné les paiements au titre de la loi no 80/2005 à la constitution, par les sociétés ex-Terni, d’une garantie destinée à couvrir le risque de récupération de l’aide.

(34)

Dans cette même délibération, l’AEEG prévoyait aussi, comme alternative, la possibilité de verser, à titre d’acompte, en 2006, les montants d’aide dus jusqu’à la fin du régime précédent (2007) en vertu de la loi no 9/1991. Elle n’exigeait pas de garantie pour ces montants. Il s’agit là de l’option retenue par les sociétés ex-Terni et appliquée par l’AEEG.

(35)

Exception faite des paiements anticipés visés au considérant 34 ci-dessus, tous les montants que la Cassa Conguaglio a versés aux sociétés en cause au titre de la loi no 80/2005 sont assortis d’une garantie.

III.   DÉCISION D’OUVRIR LA PROCÉDURE PRÉVUE À L’ARTICLE 88, PARAGRAPHE 2, DU TRAITÉ CE

(36)

La Commission a décidé d’engager la procédure formelle d’examen pour les raisons exprimées aux considérants 37 à 41.

(37)

La Commission avait exprimé des doutes quant au caractère indemnitaire du tarif préférentiel étant donné qu’au moment de la nationalisation, la société Terni était une entreprise publique. L’État ne pouvant s’auto-exproprier, la Commission doutait que le transfert de la branche «électricité» de la société Terni à l’ENEL puisse constituer une expropriation de nature à conférer un droit à indemnisation, y voyant plutôt une simple réorganisation des actifs financiers de l’État.

(38)

La Commission faisait observer que, même si la vocation indemnitaire de la mesure devait être admise, il n’en subsistait pas moins des doutes quant à la proportionnalité de l’indemnisation au préjudice financier subi par la société Terni. Elle doutait plus particulièrement qu’une indemnisation puisse encore se justifier après 44 ans.

(39)

La Commission soulignait que le tarif préférentiel semblait avoir changé de nature lorsque l’ENEL avait cessé de gérer le régime et d’en assumer le financement.

(40)

La Commission a également fondé sa décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen sur la décision no 83/396/CECA (décision de la Commission du 29 juin 1983 concernant les aides que le gouvernement italien projette d’accorder en faveur de certains producteurs sidérurgiques (9), qui excluait la société Terni du bénéfice des aides, ainsi que sur l’arrêt rendu par la Cour de justice dans l’affaire C-99/92 (10) qui a confirmé la décision CECA susmentionnée en tant que preuve de la constatation du caractère d’aide d’État du tarif consenti à la société Terni.

(41)

La décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen soulignait par ailleurs que ThyssenKrupp n’avait pas encore remboursé une aide d’État déclarée incompatible (11) et qu’en vertu de la jurisprudence Deggendorf (12), elle ne pouvait donc pas bénéficier d’autres aides d’État.

IV.   OBSERVATIONS DES PARTIES INTÉRESSÉES

(42)

La majeure partie des observations envoyées par les sociétés ex-Terni au sujet du fonctionnement de la société Terni en qualité d’organisme économique public, de la nature de l’opération ayant conduit au transfert des actifs de la société, du caractère indemnitaire du tarif préférentiel, de l’interprétation de la décision CECA et de l’arrêt de la Cour de justice et, enfin, du rôle joué par la Cassa Conguaglio correspondent pour l’essentiel aux commentaires formulés par les autorités italiennes et résumés aux considérants 52 à 69 ci-dessous. En conséquence, seules les grandes lignes des observations présentées par les sociétés ex-Terni ainsi que les éventuelles informations complémentaires qu’elles ont communiquées seront exposées aux considérants 43 à 51.

(43)

Selon les sociétés ex-Terni, le tarif préférentiel constitue la compensation légitime à laquelle la société Terni pouvait prétendre à la suite de l’expropriation de ses actifs et ne peut donc pas être considéré comme une aide d’État.

(44)

S’agissant du caractère adéquat de la compensation, les sociétés ex-Terni retracent l’historique du tarif préférentiel, en insistant sur le fait que toutes les prorogations du tarif Terni postérieures à 1991 ont coïncidé avec le renouvellement général des concessions hydroélectriques accordées à d’autres producteurs et répondent de ce fait au principe de non-discrimination entre Terni et les autres autoproducteurs, qui n’ont pas été expropriés et peuvent donc continuer à produire et à consommer de l’électricité à faible coût.

(45)

Les sociétés ex-Terni font également remarquer que les montants financiers reçus sous la forme d’une réduction du tarif d’électricité n’ont jamais dépassé la différence entre le prix d’achat de l’énergie sur le marché et le coût de l’énergie autoproduite.

(46)

Les sociétés ex-Terni soutiennent que la mesure n’a aucune incidence sur les échanges intracommunautaires et invoquent à ce propos divers arguments pouvant se résumer comme suit:

a)

Cementir: dans son usine de Spoleto (bénéficiaire du tarif préférentiel), Cementir produit et commercialise essentiellement du ciment utilisé dans l’industrie de la construction et pouvant difficilement être remplacé par d’autres matériaux. Le transport du ciment sur de longues distances augmentant les coûts, le marché géographique de ce produit est soit régional soit multirégional. Les importations italiennes de ciment sont négligeables puisqu’elles ne représentent que 5 % de la demande nationale et Cementir commercialise la totalité de la production de son usine de Spoleto en Italie centrale;

b)

Nuova Terni Industrie Chimiche: l’usine qui bénéficie du tarif préférentiel produit de l’ammoniac et de l’acide nitrique. Le transport d’ammoniac n’est économiquement viable que par mer et pour autant qu’il existe, sur la côte, des installations de stockage appropriées, ce qui n’est pas le cas dans le centre de l’Italie. Il en va de même pour l’acide nitrique. Les sociétés ex-Terni affirment dès lors que le marché géographique en cause est, dans le meilleur des cas, national. La demande étant satisfaite par la production nationale, il n’y a pas d’échanges intracommunautaires;

c)

ThyssenKrupp: les sociétés ex-Terni avancent que le marché de la distribution (et non de la production ou de la vente) de produits sidérurgiques est national et précisent que l’usine ThyssenKrupp implantée à Terni ne commercialise que 6 % de sa production dans le reste de l’Union européenne.

(47)

Les sociétés ex-Terni invoquent la confiance légitime pour deux raisons:

a)

premièrement, dans une lettre adressée à l’AEEG, les autorités italiennes avaient expressément confirmé le caractère indemnitaire du tarif et affirmé que la prorogation du régime tarifaire en vigueur ne devait pas être préalablement notifiée à la Commission en vertu des règles en matière d’aides d’État (13);

b)

deuxièmement, la Commission n’avait pas contesté la mesure, que ce soit au moment de sa première prorogation par la loi no 9/1991 (prorogation approuvée dans le cadre de l’affaire NN 52/91) ou lorsqu’elle avait été informée de sa deuxième prorogation dans le cadre d’une autre procédure en matière d’aides d’État (C 13/06).

(48)

Les sociétés ex-Terni avancent que, lorsque l’article 11, paragraphe 12, de la loi no 80/2005 (qui prévoit l’octroi d’un tarif préférentiel d’électricité à certaines industries grosses consommatrices d’énergie en Sardaigne, affaire C 13/06) a été notifié à la Commission, les autorités italiennes lui ont également fourni des informations et des éclaircissements sur le tarif Terni de sorte que la notification pouvait être considérée comme complète au sens de l’article 4, paragraphe 5, du règlement (CE) no 659/1999 (14). Même en admettant, ce qui n’est pas le cas, que la mesure constitue une aide d’État, la Commission n’ayant pas pris de décision dans les deux mois qui ont suivi, il conviendrait de considérer que le tarif a été autorisé en vertu de l’article 4, paragraphe 5, du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil du 22 mars 1999 portant modalités d’application de l’article 93 du traité CE (15).

(49)

Les sociétés ex-Terni soulignent, comme preuve de leur bonne foi, que si elle avait douté de la compatibilité du tarif, ThyssenKrupp n’aurait certainement pas entrepris des investissements à grande échelle dans la région de Terni.

(50)

Les sociétés ex-Terni insistent sur le fait que, sans la loi no 80/2005, elles auraient bénéficié du tarif préférentiel prévu à l’article 20, paragraphe 4, de la loi no 9/1991 (approuvée par la Commission) jusqu’au 31 décembre 2007. L’AEEG elle-même a autorisé la Cassa Conguaglio à leur verser en 2006 (à titre d’acompte) les montants qui auraient été dus en 2007 (16). Dès lors, les montants reçus jusqu’au 31 décembre 2006 devraient être considérés comme autorisés. Les entreprises en cause estiment que les dispositions de la loi no 80/2005 n’ont, de fait, pas été appliquées à ces montants.

(51)

Pour ce qui est de la jurisprudence Deggendorf, ThyssenKrupp confirme qu’elle est en principe disposée à rembourser l’aide, pour autant qu’un accord soit trouvé sur le montant à récupérer.

V.   OBSERVATIONS DES AUTORITÉS ITALIENNES

(52)

L’Italie fait valoir que la nationalisation des biens de production de Terni dérogeait à la règle générale, fixée par la loi de nationalisation, qui voulait que les autoproducteurs ne soient pas expropriés. La loi de nationalisation de 1962 était fondée sur l’article 43 de la Constitution italienne qui dispose que certaines entreprises assurant des services essentiels d’intérêt public ou relevant du secteur énergétique peuvent être transférées à l’État par voie d’expropriation pour autant qu’il y ait indemnisation.

(53)

Pour ce qui est des doutes émis par la Commission quant à la possibilité d’exproprier des biens appartenant à une entreprise publique, l’Italie affirme que ni l’article 42, ni l’article 43 de la Constitution ne limitent la notion d’expropriation aux biens privés. Toujours selon l’Italie, l’expropriation de la branche «électricité» de la société Terni avait été imposée par la loi dans la mesure où la société était gérée par un organisme économique public (ente pubblico economico) qui, contrairement à un organisme public (ente pubblico) est tenu d’agir selon les principes de marché. La loi de nationalisation ne prévoyait aucune compensation pour les entreprises gérées par des organismes publics au sens strict, mais prévoyait d’indemniser la société Terni en raison de son statut et de son mode de fonctionnement différents.

(54)

En ce qui concerne la structure de propriété de Terni, l’Italie insiste sur le fait qu’il s’agissait d’une société par actions dans laquelle l’État détenait une participation majoritaire, mais dont le capital appartenait également à un grand nombre d’investisseurs privés. Elle a produit des documents attestant que le capital de Terni était en partie aux mains du secteur privé et que la société était cotée en bourse.

(55)

Selon les autorités italiennes, refuser à Terni le droit à indemnisation qui aurait été reconnu à une société privée aurait constitué une violation du principe de neutralité de la propriété énoncé à l’article 295 du traité CE.

(56)

L’Italie cite une série d’arrêts de la Cour de cassation et de décisions du Conseil d’État qui confirment que le tarif consenti à Terni s’inscrit dans la logique qui veut que la société soit assimilée aux autoproducteurs d’électricité à partir de sources renouvelables et que le tarif ne peut donc pas être majoré de suppléments non applicables aux autoproducteurs.

(57)

Quant aux autres producteurs d’électricité expropriés, l’Italie avance qu’à l’exception de Terni, tous étaient des entreprises exclusivement ou principalement actives dans le secteur de la production, de l’importation ou de la fourniture d’énergie électrique. De manière générale, l’indemnité qui leur a été versée par l’État correspondait à la valeur marchande des actifs, calculée de différentes manières selon le type de société. La valeur comptable nette des actifs a été utilisée comme valeur de référence, mais elle a été ajustée sur la base d’autres facteurs que l’Italie n’a pas détaillés. S’agissant des producteurs d’énergie hydroélectrique, il ressort des observations formulées par les autorités italiennes que le calcul de l’indemnité a tenu compte, dans une certaine mesure, de la durée résiduelle des concessions.

(58)

L’Italie maintient que, ni l’accord tarifaire initial — indemnisation légitime de Terni en compensation de l’expropriation de ses actifs — ni ses prorogations ultérieures ne constituent des aides d’État. À l’appui de cette thèse, elle cite divers arrêts de la Cour de justice qui considèrent que certaines formes d’indemnisation accordées aux entreprises ne constituent pas une aide (17), notamment en cas de dommages et de services d’intérêt économique général.

(59)

Pour ce qui est de l’autorisation du tarif Terni en tant qu’aide d’État, l’Italie fait remarquer que la loi no 9/1991, qui proroge le tarif pour la première fois, a été dûment notifiée à la Commission, qui l’a approuvée. Les prorogations ultérieures du tarif, qui coïncident avec celles des concessions octroyées aux producteurs d’énergie hydroélectrique, s’inscrivent dans la même logique, laquelle n’a jamais été contestée par la Commission. L’Italie estime dès lors que le tarif Terni devrait être considéré comme une mesure existante ne constituant pas une aide.

(60)

L’Italie maintient qu’elle a toujours agi de bonne foi. Elle n’a pas notifié la prorogation contestée de l’accord tarifaire Terni comme prévu à l’article 88, paragraphe 3, car, selon elle, il ne s’agissait pas d’une aide d’État. Elle insiste sur le fait que la Commission a été informée de l’existence de cette mesure (rapport de novembre 2005 et lettre de février 2006).

(61)

Quant aux motivations politiques qui ont présidé à la deuxième prorogation, l’Italie avance qu’en attendant l’achèvement des projets en cours en matière de production et de transport d’électricité, le tarif est nécessaire pour assurer l’égalité de traitement entre ces sociétés grosses consommatrices d’énergie implantées en Italie et leurs concurrents dans l’UE (18) qui bénéficient, eux aussi, de réductions des prix de l’énergie (sur une base tarifaire ou contractuelle). Si ce tarif venait à être supprimé, les sociétés en cause délocaliseraient leurs activités en dehors de l’UE, ce qui provoquerait inévitablement une crise industrielle et des licenciements lourds de conséquences dans les régions concernées. C’est pourquoi, la prorogation doit, d’après l’Italie, être considérée comme une solution transitoire. Elle invoque à ce propos les conclusions du Groupe de haut niveau sur la compétitivité, l’énergie et l’environnement  (19) lequel propose, comme solution à long terme, d’améliorer les interconnexions et l’infrastructure et, comme solution à moyen terme, de conclure des contrats de fourniture à long terme et d’établir des partenariats entre consommateurs et fournisseurs/producteurs d’énergie.

(62)

En ce qui concerne l’absence de surcompensation, l’Italie formule les observations ci-après. Si Terni avait conservé ses installations de production d’électricité, elle aurait pu céder une partie de l’énergie produite à des tiers et en tirer des bénéfices supplémentaires. Le préjudice causé à la société a été aggravé par la nette augmentation des prix de l’énergie électrique observée au fil des années. Le processus, toujours inachevé, de libéralisation des marchés de l’énergie n’assure pas encore la compétitivité des prix sur le marché de l’électricité, si bien qu’il est nécessaire de continuer à indemniser les sociétés ex-Terni. Le prix actuellement payé par ces sociétés (compris entre 40 et 72 euros/MWh) correspond largement aux tarifs d’électricité appliqués aux sociétés présentant un profil de consommation similaire dans l’UE. Si la société Terni avait conservé ses actifs énergétiques, l’électricité autoproduite ne lui coûterait qu’entre 5 et 7 euros/MWh. L’Italie en conclut que le tarif ne donne lieu à aucune surcompensation.

(63)

L’Italie a présenté une «étude» réalisée par le consultant privé Energy Advisor S.r.l. pour le compte des sociétés ex-Terni. Cette étude, qui se définirait peut-être mieux comme un simple «calcul» dans la mesure où elle consiste en un tableau assorti de quelques pages d’explications méthodologiques, se propose de calculer la valeur de la branche «électricité» et de comparer le chiffre obtenu avec l’avantage tarifaire cumulé dont ont bénéficié les sociétés ex-Terni. L’étude s’appuie sur la valeur comptable des actifs électriques qu’elle actualise à la valeur 2006 compte tenu de l’inflation. Elle calcule donc l’avantage tarifaire net conféré aux sociétés ex-Terni. Pour la période 1963-1999, elle retient la différence entre les coûts annuels représentés par l’électricité pour un consommateur analogue (méthode 2) et les coûts annuels effectivement supportés par les sociétés ex-Terni sur la base des «coûts d’autoproduction» (méthode 1). Aux fins de ce calcul, «consommateur analogue» s’entend d’un autoproducteur d’électricité (exempté, entre autres, du supplément de prix applicable à l’énergie thermique — sovrapprezzo termico). Pour la période 2000-2006, l’avantage tarifaire a été calculé comme étant la différence entre le coût annuel que les sociétés ex-Terni auraient supporté si le tarif avait été établi sur la base des coûts d’autoproduction (méthode 1 — impossible depuis la réforme du tarif) et le coût effectivement supporté sur la base de la méthode du «consommateur analogue» (méthode 2). Les résultats obtenus sont les suivants:

a)

valeur actualisée (2006) des actifs de Terni: 1 687 745 045,19 euros

b)

avantage tarifaire (lui aussi actualisé à la valeur 2006): 1 400 895 446,90 euros.

(64)

L’étude affirme donc qu’il n’y a aucune surcompensation des pertes subies par les sociétés ex-Terni. Une projection de l’avantage tarifaire accordé à Terni jusqu’en 2010 démontrerait elle aussi l’absence de surcompensation.

(65)

S’agissant de la décision no 83/396/CECA et de l’arrêt rendu par la Cour de justice dans l’affaire C-99/92, l’Italie fournit les éclaircissements d’ordre factuel exposés ci-après. La décision CECA ne concerne ni Cementir ni Nuova Terni qui n’ont jamais été actives dans le secteur sidérurgique. La décision CECA portait sur la compatibilité de l’aide d’État octroyée sous la forme du remboursement d’une composante du tarif, le sovrapprezzo termico, à l’usine sidérurgique Terni située à Lovere (en Lombardie) et non dans la région de Terni. Cette aide ne pouvait être accordée qu’à des producteurs sidérurgiques privés. La décision CECA disposait que, Terni étant une entreprise publique, son usine de Lovere ne pouvait bénéficier de l’aide. L’arrêt rendu à titre préjudiciel par la Cour de justice portait sur une éventuelle discrimination entre producteurs privés et publics et a confirmé la décision CECA en ce sens qu’il a établi qu’il n’était pas discriminatoire de prévoir des mesures d’aide différentes pour les producteurs du secteur privé et du secteur public.

(66)

L’Italie estime dès lors que ni la décision CECA ni l’arrêt de la Cour ne s’appliquent en l’espèce, puisque tous deux concernent le sovrapprezzo termico payé par l’usine de Lovere et non le tarif spécial accordé aux trois usines de la région de Terni.

(67)

L’Italie insiste en outre sur le fait que la prorogation contestée du tarif prévue à l’article 11, paragraphe 11, de la loi no 80/2005 est liée à un vaste programme d’investissements engagé par ThyssenKrupp dans la zone industrielle de Terni-Narni. Ce plan d’action prévoit le développement de nouvelles capacités de génération électrique dans la région. Le tarif se veut donc une solution temporaire dans l’attente de l’installation de ces nouvelles capacités et sa suppression compromettrait les investissements en cours.

(68)

À propos de la nature et du rôle de la Cassa Conguaglio, l’Italie affirme qu’il s’agit d’un simple intermédiaire technique dont le rôle se borne à collecter et à redistribuer des flux monétaires. La Cassa Conguaglio n’a aucune marge d’action pour fixer les tarifs et n’exerce aucun contrôle sur les fonds. De ce fait, selon l’Italie, a) les ressources gérées par la Cassa Conguaglio ne constituent pas des ressources d’État au sens de la jurisprudence de la Cour de justice (20) et b) les modifications apportées à la gestion des tarifs spéciaux à la suite de l’intervention de la Cassa Conguaglio en 2004 n’influent en rien sur la nature indemnitaire du tarif Terni.

(69)

S’agissant de la jurisprudence Deggendorf, l’Italie informe la Commission qu’elle s’emploie à exécuter l’ordre de recouvrement à l’encontre de ThyssenKrupp et que cette dernière a versé 865 538 euros sur un compte bloqué en vue du recouvrement définitif, une fois son montant convenu.

VI.   APPRÉCIATION DE LA MESURE

(70)

Une indemnisation accordée par l’État en compensation de l’expropriation d’actifs ne constitue généralement pas une aide d’État. Pour apprécier la présente mesure, il est donc nécessaire de commencer par vérifier si le transfert de la branche «électricité» à l’ENEL a fait naître une obligation d’indemnisation ou bien s’il doit être considéré comme une simple réorganisation des actifs financiers de l’État. S’il ressort que l’indemnisation se justifiait, la Commission devra alors déterminer jusqu’à quelle date et/ou à concurrence de quel montant le tarif préférentiel Terni peut être considéré comme une compensation proportionnée.

(71)

En 1962, lorsque la branche «électricité» a été cédée à l’ENEL, la société Terni appartenait à l’État et était contrôlée par un organisme économique public. Selon les autorités italiennes, ce type d’organisme devait être géré selon les principes de marché. L’État était l’actionnaire majoritaire de la société Terni, mais une partie du capital de cette dernière était aux mains d’investisseurs privés et la société était cotée en bourse. La loi de nationalisation ne prévoyait pas d’indemnisation pour les organismes publics au sens strict, mais bien pour les organismes économiques publics comme la société Terni, ce qui montre bien que le fonctionnement de ces derniers est régi par des principes différents. Par ailleurs, d’autres producteurs d’électricité «à part entière» ont été expropriés au cours de la même période et ont, eux aussi, été indemnisés (bien que selon des critères différents).

(72)

La Commission constate qu’exproprier sans indemnisation les actifs de la société Terni aurait lésé les intérêts de la société et, plus particulièrement, ceux de ses actionnaires privés. Sur la base du principe d’égalité de traitement entre entreprises privées et entreprises publiques et compte tenu également de la nécessité de protéger les droits à indemnisation des actionnaires privés de la société Terni, droits prévus par la Constitution, la Commission considère que la décision de l’Italie de traiter Terni de la même manière qu’une société privée se trouvant dans la même situation et de lui accorder une indemnisation pour l’expropriation de ses actifs se justifie.

(73)

En 1962, l’Italie a décidé d’indemniser la société Terni non pas en lui versant un montant forfaitaire déterminé par la valeur marchande des actifs expropriés (ainsi qu’elle l’avait fait pour les producteurs d’électricité «à part entière»), mais en lui fournissant une quantité donnée d’énergie électrique au prix qu’elle aurait payé si elle avait conservé ses installations de génération. Il y a lieu de préciser que cette méthode répondait à une logique économique précise: le fait d’assimiler la société Terni à un «autoproducteur virtuel» d’énergie électrique présentait l’avantage de lui éviter un nouveau préjudice en cas d’augmentation des prix de l’énergie par la suite.

(74)

La Commission peut accepter le principe à la base de cette approche. Néanmoins, l’indemnisation pour expropriation ne peut prendre la forme d’une mesure accordée pour une durée indéterminée. Elle doit être fixée de manière prévisible au moment de l’expropriation, sans préjudice de la possibilité, pour la société expropriée, de contester le montant proposé. Une fois accepté, l’accord d’indemnisation ne peut plus être remis en question.

(75)

En l’espèce, le montant total de l’indemnisation dépendait de la durée du tarif. L’accord d’indemnisation initialement proposé par les autorités italiennes prévoyait une durée de trente ans, le tarif devant donc cesser de s’appliquer en 1992. La société Terni aurait pu contester ce mécanisme sur la base de la loi de nationalisation si elle l’avait jugé inadapté (21), mais elle a décidé de n’en rien faire.

(76)

La Commission a évalué si, compte tenu de son mécanisme et de sa durée, la mesure d’indemnisation initiale pouvait être jugée adaptée.

(77)

En Italie, l’exploitation d’une centrale hydroélectrique est soumise à une concession dont la durée permet à la société concessionnaire d’amortir l’investissement consenti. À l’expiration de la concession, la société perd, en principe, le droit d’exploiter ses installations. Vu le mode d’indemnisation de la société Terni, il était logique, d’un point de vue économique, que la fourniture d’électricité au coût de production n’excède pas la durée résiduelle de la concession qui lui avait été accordée. Il semble d’ailleurs que c’est en vertu de cette logique, à la base de la mesure initiale, que la fin de la période d’application du tarif préférentiel a été fixée à 1992. S’il est vrai que la concession accordée à la société Terni aurait expiré quelques années plus tôt, il est concevable que les autorités italiennes aient décidé d’aligner la date d’échéance du tarif Terni sur la date d’échéance générale des concessions hydroélectriques italiennes (1992). De plus, la société Terni s’était vu octroyer une concession particulièrement longue (60 ans au lieu de 30) et avait donc, au moment de l’expropriation, déjà eu plus de trente ans pour amortir son investissement.

(78)

Pour conclure, la Commission estime que l’accord d’indemnisation initial était adapté et n’a en rien pénalisé la société.

(79)

La question essentielle consiste à déterminer si les prorogations répétées du régime tarifaire en cause peuvent encore être considérées comme faisant partie intégrante de l’indemnisation. La Commission estime que non. En cas d’expropriation, l’État établit au préalable, soit un montant d’indemnisation forfaitaire, soit, comme en l’espèce, un mécanisme d’indemnisation. Toute révision a posteriori du montant ou du mécanisme modifie nécessairement la nature de la mesure qui ne peut donc plus être considérée comme une mesure d’indemnisation puisqu’elle s’écarte de l’accord initial. Soutenir le contraire signifierait soustraire ce type de mesure au contrôle des aides d’État.

(80)

Un État membre peut néanmoins notifier à la Commission son intention d’accorder des avantages supplémentaires à une société expropriée. Il appartient alors à la Commission d’examiner cette notification sur le fond à la lumière des règles en matière d’aides d’État, en tenant compte des circonstances spécifiques invoquées.

(81)

L’étude évoquée au considérant 63 prétend que l’indemnisation accordée à la société Terni et aux sociétés qui lui ont succédé ne couvrait pas totalement la valeur marchande des actifs expropriés, si bien qu’il n’y a eu aucune surcompensation et que les bénéficiaires n’ont joui d’aucun avantage.

(82)

Avant toute chose, la Commission tient à souligner, à titre préliminaire, que toute analyse de l’adéquation du mécanisme d’indemnisation doit nécessairement intervenir ex ante, soit au moment de l’expropriation. Il est constaté à ce propos que le mécanisme retenu par les autorités italiennes visait à maintenir la société Terni dans la position qui aurait été la sienne si sa centrale hydroélectrique n’avait pas été expropriée en lui garantissant un approvisionnement en électricité au coût de production pendant toute la durée de la concession. L’argument selon lequel la société Terni aurait pu avoir obtenu moins, dans le cadre du mécanisme en question, que ce à quoi elle aurait pu légitimement prétendre est difficilement recevable. La Commission maintient en outre que, quand bien même les conclusions de l’étude étaient confirmées (ce qui n’est pas le cas, ainsi qu’il est démontré aux considérants 87 à 91), cet élément n’entrerait pas en ligne de compte pour déterminer si le tarif a ou non conféré un avantage aux bénéficiaires.

(83)

Il y a lieu de rappeler qu’au moment de l’expropriation, l’Italie aurait pu décider d’indemniser la société Terni en lui versant un montant forfaitaire déterminé par la valeur des biens expropriés. Elle a néanmoins choisi une autre méthode, qui consistait à la traiter comme un autoproducteur virtuel. Cette méthode était parfaitement logique d’un point de vue économique et c’est dans ce cadre de référence qu’il convient de déterminer s’il y a eu ou non avantage. Selon cette approche, il y a lieu de conclure que, jusqu’à l’échéance de la mesure tarifaire compensatoire initiale, et uniquement jusqu’à cette date, les bénéficiaires n’ont joui d’aucun avantage. Cette conclusion ne peut être remise en question par des calculs de profits et pertes, surtout s’ils sont réalisés a posteriori.

(84)

L’application a posteriori (ex post) d’une autre méthode ne peut que donner des résultats contradictoires voire illogiques, ainsi que le démontre l’exemple ci-après. Selon la méthode retenue aux fins de l’étude, si, à la suite d’une envolée des prix de l’énergie, les montants perçus par les bénéficiaires avaient déjà dépassé la valeur marchande de la centrale de Terni dix ans après la conclusion de l’accord tarifaire, force aurait été de conclure à l’existence d’une surcompensation, alors que l’accord d’indemnisation prévoyait le tarif pour une durée de 30 ans. Cette conclusion aurait été manifestement erronée, le raisonnement ne tenant pas compte de la finalité de l’accord initial. Les mêmes conclusions valent, a contrario, dans l’hypothèse où les montants effectivement perçus seraient inférieurs à la valeur des actifs.

(85)

De plus, dans le cadre d’une expropriation, recalculer les pertes et profits a posteriori n’a aucun sens. Les performances économiques à long terme de la société expropriée, imprévisibles au moment de l’expropriation, ne peuvent donner lieu à une révision des dizaines d’années plus tard dans le but de justifier de nouvelles tranches d’indemnisation.

(86)

L’étude est donc hors de propos.

(87)

La Commission en a néanmoins examiné les chiffres et les conclusions. Cette analyse a démontré que l’étude n’était pas correcte d’un point de vue méthodologique. Ainsi qu’il est démontré ci-après, elle sous-évalue systématiquement l’avantage conféré aux sociétés ex-Terni et surévalue vraisemblablement la valeur des actifs expropriés.

(88)

Pour calculer l’avantage tarifaire conféré sur la période 1963-1999, l’étude compare le prix payé par la société Terni (méthode 1 — coût de l’électricité autoproduite) au tarif ordinaire acquitté par un consommateur analogue, soit un autoproducteur exempté du paiement de certaines composantes du tarif (méthode 2). L’avantage est donc calculé comme étant la différence entre les deux traitements préférentiels prévus pour indemniser la société Terni. La Commission fait remarquer que, pour calculer l’avantage tarifaire, le prix effectivement payé par Terni aurait dû être comparé au tarif normalement acquitté par un consommateur autre qu’un autoproducteur présentant le même profil de consommation que la société en cause. L’étude sous-évalue donc l’avantage tarifaire conféré à cette dernière.

(89)

Pour la période 2000-2006, l’avantage a une fois encore été calculé comme étant la différence entre les deux traitements préférentiels, sauf que, cette fois, le prix effectivement payé par la société Terni correspond à la méthode 2 (et non plus à la méthode 1, inapplicable depuis la réforme du tarif). Appliquée sur quelques années, cette méthode aboutit à un avantage négatif, conclusion incohérente dans la mesure où la société Terni s’est toujours vu appliquer un tarif inférieur au prix du marché. En principe, pour cette période, l’avantage tarifaire aurait simplement dû correspondre à l’élément compensateur versé par la Cassa Conguaglio. Une fois de plus, l’avantage a été considérablement sous-évalué.

(90)

Une autre faiblesse de l’étude est la valeur des installations. La valeur comptable des actifs prise en compte par l’étude correspond simplement à la différence entre le poste «machines et équipements» inscrit au bilan de la société Terni en 1962 (l’année précédant la nationalisation) et le même poste l’année suivante. Il y a avant tout lieu de souligner que rien ne prouve de manière concrète que la différence soit exclusivement imputable à la perte de la centrale hydroélectrique. Néanmoins, même si cette valeur comptable était acceptée, la méthode utilisée n’en resterait pas moins inappropriée. Ainsi que l’a confirmé l’Italie, la valeur réelle de la centrale au moment de l’expropriation était fonction de la durée résiduelle de la concession (22), si bien que sa valeur comptable aurait dû être corrigée en conséquence. Dans l’étude, cette valeur comptable est simplement actualisée à la valeur 2006 sur la base de l’inflation. Certains éléments laissent donc à penser que l’étude a surévalué la valeur des actifs.

(91)

En conclusion, l’étude peut être totalement ignorée.

(92)

S’agissant des prorogations du tarif Terni, la Commission comprend qu’elles étaient motivées par la volonté de maintenir le parallélisme entre les traitements réservés à la société Terni et aux producteurs d’énergie hydroélectrique dont les concessions avaient été renouvelées. Toutefois, l’accord d’expropriation prévoyait ce parallélisme de traitement, qui est à la base du mécanisme d’indemnisation, pour trente ans et non pour une durée indéterminée. En conséquence, pour les raisons déjà exposées aux considérants 73 à 78, il ne saurait être considéré que ces prorogations ont un caractère indemnitaire.

(93)

Cette conclusion est encore plus évidente pour la deuxième prorogation du tarif. Cette dernière a en effet interrompu le processus de réduction progressive destiné à faciliter la transition vers l’application du tarif plein, ce qui montre bien que les autorités italiennes avaient la conviction que la société avait été pleinement indemnisée. L’Italie elle-même a longuement exposé les raisons de cette deuxième prorogation, lesquelles relèvent de la seule politique industrielle (voir les observations de l’Italie au considérant 60).

(94)

Compte tenu de ce qui précède, la Commission estime que le tarif Terni peut être considéré comme une indemnisation jusqu’en 1992. Jusqu’à cette date, la mesure ne constitue pas une aide d’État. A contrario, toutes ses prorogations doivent être examinées au regard des règles en matière d’aides d’État.

(95)

La Commission a donc examiné le tarif préférentiel consenti au groupe Terni depuis 1992 et, plus particulièrement, à partir du 1er janvier 2005, date d’entrée en vigueur de l’article 11, paragraphe 11, de la loi no 80/2005 qui fait l’objet de la présente procédure, afin de déterminer s’il constitue une aide d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, du traité CE.

(96)

Dans ce contexte, la Commission prend acte des éclaircissements fournis par le gouvernement italien au sujet de l’inapplicabilité de la décision no 83/396/CECA et de l’arrêt rendu par la Cour de justice dans l’affaire C-99/92 et convient que ces décisions n’ont aucune incidence sur l’appréciation du statut d’aide d’État du tarif accordé aux trois établissements de la région de Terni.

(97)

Une mesure constitue une aide d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, du traité CE si elle remplit simultanément les conditions suivantes: la mesure a) confère un avantage économique au bénéficiaire; b) est accordée par l’État ou au moyen de ressources d’État et est imputable à l’État; c) a un caractère sélectif; d) influe sur les échanges intracommunautaires et est de nature à fausser la concurrence au sein de l’UE.

(98)

S’appuyant sur l’argumentation exposée aux considérants 74 à 95, la Commission est parvenue à la conclusion que le tarif préférentiel appliqué aux sociétés ex-Terni n’a conféré aucun avantage aux bénéficiaires sur toute la durée de l’accord initial d’indemnisation, soit jusqu’en 1992. Dès lors, seules les prorogations du tarif doivent être prises en compte pour déterminer l’existence ou non d’un avantage.

(99)

Il ne fait aucun doute que la fourniture d’énergie électrique à des prix inférieurs au tarif normal en vigueur confère un net avantage économique aux bénéficiaires qui voient leurs coûts de production réduits et leur position concurrentielle renforcée.

(100)

Le régime tarifaire en cause ne s’appliquant qu’au groupe Terni, la mesure est sélective.

(101)

Pour ce qui est du financement au moyen de ressources d’État, il convient d’observer que, depuis 2002, la charge financière résultant du tarif est supportée par l’ensemble des consommateurs d’électricité sous la forme d’un prélèvement parafiscal, correspondant à la composante A4 du tarif d’électricité, perçu par la Cassa Conguaglio. Ce prélèvement est obligatoire dans la mesure où il est imposé par des délibérations de l’AEEG en exécution d’une loi nationale. La Cassa Conguaglio est un organisme public institué par la loi qui exécute ses tâches selon des instructions précises fixées par les délibérations de l’AEEG et certaines dispositions législatives et réglementaires.

(102)

Selon la jurisprudence constante, les recettes provenant d’un prélèvement obligatoire en vertu de la législation nationale et versé à un organisme public institué par la loi constituent des ressources d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, du traité lorsqu’elles sont destinées au financement d’une mesure qui satisfait aux autres critères énoncés audit article (23).

(103)

L’Italie cite l’arrêt Pearle (24) pour étayer la thèse selon laquelle les ressources qui transitent par la Cassa Conguaglio ne constituent pas des aides d’État (voir le considérant 68). Dans l’affaire Pearle, la Cour a constaté que, dans certaines circonstances précises, le produit d’un prélèvement transitant par un organisme public ne constituait pas des ressources d’État. Dans cette affaire, les mesures étaient entièrement financées par un secteur économique, sur sa propre initiative, au moyen d’un prélèvement qui ne faisait que transiter par un organisme public, et les entités qui payaient le prélèvement étaient celles-là mêmes qui tiraient avantage de la mesure d’aide. La Commission estime que la situation est manifestement différente en l’espèce. Le tarif Terni a été instauré sur l’initiative de l’État (et non d’un secteur économique), ses bénéficiaires ne supportent pas la charge financière du prélèvement, laquelle repose uniquement sur les consommateurs d’électricité, et, par une délibération de l’AEEG ou toute autre disposition législative ou réglementaire, l’État peut, à tout moment, donner, à la Cassa Conguaglio, des instructions quant à l’utilisation des fonds perçus au moyen du prélèvement. La jurisprudence Pearle ne s’applique donc pas en l’espèce.

(104)

Dans l’affaire Preussen-Elektra, également citée par l’Italie (voir le considérant 68), la Cour a estimé que l’obligation faite à des entreprises privées de fourniture d’électricité d’acheter de l’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelables à des prix minimaux supérieurs à la valeur économique réelle de ce type d’électricité ne constituait pas une aide d’État en ce sens que la mesure n’entraînait pas de transfert direct ou indirect de ressources d’État.

(105)

Une fois encore, le fond des deux affaires est clairement différent. Dans l’affaire Preussen-Elektra, les ressources nécessaires au financement de la mesure provenaient directement des fournisseurs d’électricité sans qu’intervienne, même passivement, un organisme public pour le transit des recettes et il était impossible de discerner le moindre transfert de ressources d’État. En l’espèce, par contre, les recettes proviennent du grand public, sous la forme d’une taxe parafiscale qui transite par un organisme public avant d’être redirigée vers les bénéficiaires finaux. Il s’agit donc bien d’un cas classique d’utilisation de ressources d’État.

(106)

Compte tenu de ce qui précède, le prélèvement parafiscal utilisé pour financer le tarif Terni constitue une ressource d’État.

(107)

Le critère d’imputabilité à l’État (25) est lui aussi rempli étant donné que le tarif Terni a pour bases juridiques la législation nationale et les délibérations de l’AEEG, qui est un organisme public.

(108)

S’agissant du dernier critère énoncé à l’article 87, paragraphe 1 — incidence sur les échanges intracommunautaires et distorsion de la concurrence — la Commission peut rejeter les arguments avancés par la société Terni (voir le considérant 46) pour les raisons exposées ci-après aux considérants 109 à 116.

(109)

Les bénéficiaires ont principalement fait valoir que les établissements qui bénéficient du tarif ne participent pas aux échanges intracommunautaires puisqu’ils vendent l’essentiel de leur production sur le marché national.

(110)

Il y a lieu de noter que l’analyse ne peut se limiter aux établissements situés dans la région de Terni. Les bénéficiaires appartiennent à des groupes internationaux présents dans divers secteurs de l’économie (26) et l’aide au fonctionnement octroyée à un établissement ou à une branche d’activité peut être utilisée pour financer d’autres branches du groupe dans des secteurs ouverts aux échanges intracommunautaires. À lui seul, cet élément pourrait justifier de conclure que le tarif a une incidence sur les échanges entre États membres.

(111)

De plus, même s’il était démontré, ce qui n’est pas le cas, que la majeure partie ou la totalité de la production des sociétés en cause était écoulée sur le marché national italien, cet élément ne serait guère déterminant. En effet, la Cour a dit pour droit qu’«une aide à une entreprise peut être de nature à affecter les échanges entre les États membres et à fausser la concurrence lorsque cette entreprise se trouve en concurrence avec des produits en provenance d’autres États membres sans être elle-même exportatrice (…). Lorsqu’un État membre octroie une aide à une entreprise, la production intérieure peut s’en trouver maintenue ou augmentée, avec cette conséquence que les chances des entreprises établies dans d’autres États membres d’exporter leurs produits vers le marché de cet État membre en sont diminuées»  (27).

(112)

Dès lors, la Commission a examiné s’il existait, de manière générale, des échanges intracommunautaires dans les secteurs en cause.

(113)

Pour ce qui est du cimentier Cementir, la Commission a analysé de manière approfondie le marché du ciment et ses divers segments dans sa décision du 30 novembre 1994 (28) notamment. Le ciment est un produit pondéreux à faible valeur par rapport à son poids, si bien que, vu les coûts, le transporter sur de longues distances est un non-sens économique. Néanmoins, la Commission a constaté que cette limitation n’empêchait pas les échanges intracommunautaires. Les produits à base de ciment font effectivement l’objet d’échanges entre États membres et les accords illégaux et pratiques concertées entre producteurs de ciment désireux de protéger leurs marchés nationaux, qui ont été constatés par le passé et sanctionnés par la décision susvisée, constituent une preuve supplémentaire de l’existence d’une concurrence effective au niveau de l’UE.

(114)

S’agissant de Nuova Terni Industrie Chimiche, il suffit de rappeler que, dans la décision de concentration par laquelle elle a autorisé l’acquisition de cette entreprise par Norsk Hydro (29), la Commission a constaté que les produits de la branche «chimie» de Terni faisaient l’objet d’échanges intracommunautaires et que le marché géographique en cause s’étendait, au minimum, au territoire de l’EEE.

(115)

Quant à ThyssenKrupp, la Commission fait remarquer que le marché sidérurgique est un marché mondial hautement concurrentiel. Elle a déjà constaté, dans des décisions antérieures, que les segments de marché dans lesquels ThyssenKrupp est présent s’étendent pour le moins à l’ensemble du territoire communautaire (30).

(116)

Il y a donc lieu de conclure que le tarif préférentiel d’électricité consenti aux trois sociétés ex-Terni est de nature à renforcer leur position concurrentielle par rapport aux entreprises concurrentes dans les échanges intracommunautaires. En vertu de la jurisprudence constante (31), il convient, en pareilles circonstances, de considérer qu’il y a affectation des échanges et distorsion de la concurrence.

(117)

Au vu de ce qui précède, la Commission a conclu que le tarif préférentiel consenti aux sociétés ex-Terni à partir du 1er janvier 2005 constitue une aide d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, du traité CE et qu’il ne peut être autorisé que s’il bénéficie de l’une des dérogations prévues par le traité.

(118)

Pour les raisons exposées aux considérants 119 à 132, la mesure ne peut être considérée comme une aide existante.

(119)

Les dispositions initiales de la loi no 9/1991, qui peuvent être considérées comme autorisées au regard des règles en matière d’aides d’État, ont été modifiées en 2005 par l’article 11, paragraphe 11, de la loi no 80/2005.

(120)

Il y a lieu d’observer que, sur le fond, le tarif implicitement approuvé et le tarif introduit par la loi no 80/2005 ne sont semblables qu’en apparence.

(121)

La loi no 80/2005 prévoit que le groupe Terni continue à bénéficier du tarif préférentiel jusqu’en 2010. Même si la deuxième prorogation s’était bornée à étendre la durée de la mesure précédente, elle n’en aurait pas moins constitué une aide nouvelle. En vertu de la jurisprudence constante, les modifications de la durée d’aides existantes doivent, en effet, être considérées comme des aides nouvelles (32).

(122)

Quoi qu’il en soit, une analyse plus approfondie démontre que les différences entre les deux mesures sont bien plus grandes.

(123)

Avant l’entrée en vigueur de la loi no 80/2005, le tarif Terni (et son actualisation annuelle) reposait toujours sur le parallélisme de traitement avec les autoproducteurs décidé à l’origine. La loi no 80/2005 a rompu ce lien, le tarif Terni s’écartant alors du traitement appliqué aux autoproducteurs. Le prix fixé pour 2005 coïncide avec le prix de 2004, mais le mécanisme de fixation du prix est fondamentalement différent, le nouveau prix étant actualisé en fonction des hausses moyennes du prix de l’énergie avec la garantie que, quoi qu’il advienne, l’augmentation du tarif sera plafonnée à 4 % par an.

(124)

Le niveau de l’aide augmente en outre sous l’effet de l’augmentation des quantités fournies au prix préférentiel, ce qui élimine complètement la dégressivité.

(125)

Il y a lieu de souligner, dans ce contexte, que, selon l’argumentation de l’avocat général Fennelly dans les conclusions relatives aux affaires jointes Italie et Linee Sardegna/Commission (33), la même conclusion se serait imposée quand bien même le niveau de l’aide serait resté inchangé. Chargé de se prononcer sur ce qui constitue une modification substantielle d’un régime, l’avocat général Fennelly a conclu que «l’introduction d’une méthode tout à fait nouvelle pour fournir en fait le même niveau d’aide constituait manifestement une modification importante du régime initial».

(126)

La Commission fait en outre remarquer que, le tarif étant régi par un mécanisme différent, il est impossible de discerner, dans la nouvelle mesure arrêtée en 2005, la part qui continuerait à constituer une aide existante jusqu’en 2007 et la modification à considérer comme une aide nouvelle (34).

(127)

La Commission considère dès lors que la mesure répondant à la dénomination de «deuxième prorogation» constitue en réalité un régime d’aide totalement nouveau, parce que profondément modifié par rapport au régime mis en place par la décision de 1991.

(128)

Compte tenu de ce qui précède, la mesure doit être considérée comme une aide nouvelle à partir du 1er janvier 2005, date d’application des mesures en cause fixée par la loi no 80/2005 (35).

(129)

L’affirmation des sociétés ex-Terni (voir les considérants 48 à 60) selon laquelle il convient de considérer que la mesure a été autorisée au sens de l’article 4, paragraphe 5, du règlement (CE) no 659/1999, en ce sens que la Commission en avait été informée, mais n’était pas parvenue à arrêter une décision dans les délais prévus par la procédure, est manifestement dénuée de fondement. Il existe une profonde différence entre le fait de notifier une mesure conformément à l’article 88, paragraphe 3, et celui d’informer simplement la Commission de son existence. Dans l’affaire Breda Fucine Meridionali (36), le Tribunal de première instance des Communautés européennes a en effet estimé que la transmission de documents qui ne sont pas adressés au Secrétariat général et qui ne comportent pas de référence explicite à l’article 93, paragraphe 3, du traité ne peut pas être considérée comme une notification valable.

(130)

Seules les mesures qui ont été dûment notifiées conformément à l’article 88, paragraphe 3, et qui ne sont pas mises à exécution avant que la Commission ne se soit prononcée peuvent bénéficier des délais de procédure prévus par le règlement (CE) no 659/1999. En l’espèce, il est indiscutable que l’article 11, paragraphe 11, de la loi no 80/2005 n’a pas été notifié.

(131)

De plus, l’article 4, paragraphe 6, du règlement (CE) no 659/1999 dispose que, lorsque la Commission ne prend pas de décision dans le délai de deux mois prévu par la procédure, l’aide est réputée avoir été autorisée pour autant que l’État membre ait préalablement avisé la Commission de son intention de mettre la mesure à exécution, sauf si celle-ci prend une décision dans un délai de quinze jours ouvrables suivant la réception de la notification. En l’espèce, l’Italie n’a pas avisé préalablement la Commission. Dès lors, même si les affirmations des sociétés ex-Terni étaient fondées, ce qui n’est pas le cas ainsi qu’il est expliqué aux considérants 129 et 130, l’article 4, paragraphe 6, du règlement (CE) no 659/1999 ne serait pas applicable.

(132)

L’Italie n’ayant pas notifié l’article 11, paragraphe 11, de la loi no 80/2005, l’aide est illégale.

(133)

Bien que la présente procédure ne porte que sur la deuxième prorogation du tarif, la Commission juge utile de formuler quelques considérations à propos de la première prorogation et de son autorisation sur la base des règles en matière d’aides d’État.

(134)

Le tarif Terni a été prorogé pour la première fois par l’article 20, paragraphe 4, de la loi no 9/1991, loi qui a été déclarée compatible avec les règles en matière d’aides d’État dans l’affaire NN 52/91 (37). La décision de la Commission qui a été notifiée à l’Italie ne précise pas quels articles de la loi sont compatibles. Les documents sur la base desquels la Commission a arrêté sa décision ne contenaient qu’une description et une évaluation succinctes des articles présentant un intérêt au regard des aides d’État. L’article 20, paragraphe 4, de la loi, qui prorogeait le tarif Terni, n’était pas évoqué.

(135)

Vu le peu de documentation disponible, il est malheureusement impossible de reconstituer le raisonnement suivi à l’époque et, en particulier, de déterminer si le tarif Terni a été examiné et si l’intention était de l’autoriser.

(136)

Quoi qu’il en soit, il y a lieu de préciser que la notification présentée par l’Italie et la décision d’autorisation portaient toutes deux sur la loi dans son intégralité. Force est donc de considérer que la décision de la Commission couvre la prorogation du tarif Terni.

(137)

Par dérogation à l’interdiction générale d’accorder des aides d’État énoncée à l’article 87, paragraphe 1, du traité CE, une aide peut être jugée compatible si elle peut bénéficier de l’une des dérogations prévues par le traité.

(138)

L’aide d’État accordée aux sociétés ex-Terni en application de l’article 11, paragraphe 11, de la loi no 80/2005 doit être considérée comme une aide au fonctionnement.

(139)

En vertu de la jurisprudence constante, les aides au fonctionnement, c’est-à-dire les aides qui visent à libérer une entreprise des coûts qu’elle-même aurait dû normalement supporter dans le cadre de sa gestion courante ou de ses activités normales, faussent par leur nature même les conditions de concurrence dans les secteurs où elles sont octroyées (38) dans une mesure contraire à l’intérêt commun. La Commission fait remarquer qu’une aide au fonctionnement accordée sous la forme d’un tarif préférentiel d’électricité à une entreprise grosse consommatrice d’énergie, c’est-à-dire à une entreprise pour laquelle l’énergie électrique constitue l’un des principaux facteurs de coûts, est une forme d’aide qui fausse particulièrement la concurrence dans la mesure où elle a une incidence directe et substantielle sur les coûts et, partant, sur la position concurrentielle de l’entreprise bénéficiaire.

(140)

Les aides au fonctionnement sont autorisées, sous certaines conditions spécifiques, par l’encadrement communautaire des aides d’État pour la protection de l’environnement (39), mais le tarif en cause ne poursuit aucun objectif écologique.

(141)

À titre d’exception, les régions assistées admissibles au bénéfice d’une aide en vertu de la dérogation prévue à l’article 87, paragraphe 3, point a), du traité CE peuvent bénéficier d’aides au fonctionnement. Pendant la période considérée, la région Ombrie ne pouvait prétendre à aucune aide au titre de l’article 87, paragraphe 3, point a), du traité.

(142)

Bien que, pour les raisons exposées aux considérants 123 à 127, les deux prorogations constituent des mesures différentes, la Commission juge utile de préciser qu’au moment de la notification de la première prorogation, la région Ombrie traversait une grave crise économique touchant particulièrement les industries sidérurgiques et chimiques installées près de Terni. Cette crise, qui a atteint son point culminant au début des années 90, a été reconnue par la Commission au moment où elle a approuvé, en 1997, la carte italienne des régions admissibles au bénéfice d’une aide en application de l’article 87, paragraphe 3, point c) (40). Les régions de Terni et de Pérouse ont alors été déclarées admissibles au bénéfice d’une aide au titre de l’objectif 2 des Fonds structurels.

(143)

Toutefois, en 2005, lorsque la loi no 80/2005 a été adoptée, le processus d’ajustement structurel de la région Ombrie était déjà en grande partie achevé. Dans la carte des aides à finalité régionale proposée pour la période 2007-2013, cette région perdra complètement son statut de région assistée. Dès lors, que des considérations de développement régional aient ou non influencé la décision d’autorisation initiale, il est certain que la Commission ne peut se fonder sur aucune considération de ce genre pour apprécier la deuxième prorogation du tarif.

(144)

L’Italie a par ailleurs amplement exposé les raisons de politique industrielle qui ont présidé à la seconde prorogation du tarif Terni (voir le considérant 61). Le point fondamental de l’argumentation italienne est que, dans les autres États membres, les sociétés grosses consommatrices d’énergie peuvent bénéficier de réductions des prix de l’énergie et qu’en attendant la libéralisation totale du marché de l’énergie et l’amélioration des infrastructures, le tarif constitue une mesure transitoire nécessaire pour éviter la délocalisation de ce type d’entreprises hors de l’UE. Accessoirement, ces explications sont en contradiction avec la thèse italienne selon laquelle le tarif Terni aurait toujours un caractère indemnitaire et n’apportent aucun élément justifiant une révision de l’accord d’expropriation.

(145)

La Commission fait remarquer que, selon la Cour, «la circonstance qu’un État membre cherche à rapprocher, par des mesures unilatérales, les conditions de concurrence existant dans un certain secteur économique de celles prévalant dans d’autres États membres ne saurait enlever à ces mesures le caractère d’aides» (41). De plus, la thèse italienne selon laquelle cette aide d’État se justifierait par l’existence d’autres aides d’État (faussant tout autant la concurrence) dans la Communauté doit être rejetée dans son ensemble. Une telle approche donnerait lieu à une course aux aides et serait contraire à l’objectif même du contrôle des aides d’État. Quant au risque présumé de délocalisation hors de l’UE, la Commission rappelle que jamais, tant dans sa pratique décisionnelle que dans la jurisprudence des juridictions communautaires, ce type d’argument n’a été accepté pour justifier l’octroi d’aides d’État. En l’espèce, il n’est même pas nécessaire que la Commission examine la question étant donné que les autorités italiennes n’ont produit aucune preuve à l’appui de leur argumentation. Plus particulièrement, il n’a pas été démontré que le tarif était nécessaire et proportionné au risque évoqué.

(146)

Les conclusions du groupe de haut niveau mentionnées au considérant 61 ne présentent aucun intérêt dans la mesure où elles reflètent un débat politique général et ne constituent pas des dispositions juridiquement contraignantes. Il convient de préciser, incidemment, que les solutions proposées par le groupe et évoquées par l’Italie ne prévoient pas l’octroi d’aides d’État.

(147)

L’aide ne pouvant prétendre à aucune des dérogations prévues à l’article 87 du traité CE, il convient de déclarer la deuxième prorogation du tarif préférentiel consenti à la société Terni incompatible avec le marché commun.

(148)

En vertu du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil (42), en cas d’aide illégale et incompatible avec le marché commun, il y a lieu de rétablir une concurrence effective et de récupérer l’aide, majorée des intérêts, dans les plus brefs délais.

(149)

En vertu de la jurisprudence constante, lorsqu’une aide est mise à exécution sans avoir été préalablement notifiée à la Commission conformément à l’article 88, paragraphe 3, du traité, le bénéficiaire de l’aide ne peut invoquer la confiance légitime dans la régularité de l’octroi de celle-ci (43). Un opérateur économique attentif devrait normalement être en mesure de déterminer si la procédure de notification a été respectée et si l’aide est légale.

(150)

Cependant, rien ne s’oppose à ce que le bénéficiaire d’une aide illégale invoque des circonstances exceptionnelles l’ayant amené à conclure à juste titre au caractère régulier de l’aide et s’oppose, par conséquent, à son remboursement (44). La Commission a vérifié si les circonstances exceptionnelles invoquées par les sociétés ex-Terni (voir le considérant 47) étaient de nature à faire naître une confiance légitime chez les bénéficiaires.

(151)

En substance, les bénéficiaires affirment que l’Italie leur avait donné l’assurance que la mesure ne constituait pas une aide et que la Commission ne l’avait pas contestée que ce soit au moment où elle avait été prorogée pour la première fois ou lorsque des informations concernant la deuxième prorogation avaient été communiquées.

(152)

Pour ce qui est de la première affirmation, il suffit de rappeler qu’en vertu de la jurisprudence constante, la confiance légitime ne peut se fonder sur le comportement de l’État membre qui accorde l’aide. Le Tribunal de première instance a plus précisément déclaré que «les indications erronées fournies par un État membre à propos de la légalité d’une mesure ne peuvent en aucun cas faire naître une confiance légitime, surtout quand la Commission n’en a pas été informée»  (45).

(153)

Seul le comportement de l’administration communautaire peut donc faire naître une confiance légitime. La Cour a plus particulièrement dit pour droit que «nul ne peut invoquer une violation de ce principe en l’absence d’assurances précises (soulignement ajouté) que lui aurait fournies l’administration communautaire»  (46).

(154)

Les sociétés ex-Terni prétendent que la Commission n’a pas contesté la mesure en 1991 lorsqu’elle a approuvé la loi no 9/1991. Il convient de souligner à ce propos que la décision prise par la Commission en 1991 ne couvre que la mesure prévue par la loi no 9/1991 et que, dès lors, l’autorisation de cette mesure ne saurait faire naître une confiance légitime quant à la légalité ou la compatibilité de la nouvelle mesure d’aide introduite par la loi no 80/2005. Quand bien même la Commission aurait expressément déclaré que la mesure de 1991 ne constituait pas une aide, ce qui n’est pas le cas, les bénéficiaires ne pouvaient présumer que la mesure de 2005 serait automatiquement considérée comme ne constituant pas une aide, car il existe de nombreuses circonstances susceptibles de transformer en aide d’État une mesure qui n’en était pas une.

(155)

De plus, le libellé de la décision de la Commission notifiée à l’Italie, qui conclut à la compatibilité des mesures d’aide introduites par les lois nos 9/1991 et 10/1991, donnerait éventuellement à penser le contraire, c’est-à-dire que le tarif Terni constituait bel et bien une aide.

(156)

En conséquence, la décision de la Commission ne pouvait en aucune façon donner aux bénéficiaires des assurances précises quant au fait que le tarif ne constituait pas une aide. Tout au plus pouvait-elle induire une confiance légitime quant à la compatibilité de la prorogation du tarif intervenue en 1991, mais elle ne pouvait en aucun cas faire naître une confiance légitime quant à la régularité de la prorogation de 2005. Cet argument doit donc, lui aussi, être rejeté.

(157)

Quant au manque de diligence dont la Commission aurait fait preuve après avoir reçu les informations relatives à la deuxième prorogation du tarif, il est évident que cette thèse est dénuée de fondement. Selon les déclarations de l’Italie, le tarif Terni aurait été mentionné dans le rapport sur les aides d’État de 2005. Ce n’est toutefois qu’en février 2006 que des informations détaillées sur la mesure visée à l’article 11, paragraphe 11, de la loi no 80/2005 ont été communiquées, à la demande de la Commission, dans le cadre de l’enquête en matière d’aides d’État portant sur l’article 11, paragraphe 12, du même décret législatif (aide d’État C 13/06). La procédure formelle d’examen a été ouverte par la Commission en juillet 2006.

(158)

Vu le peu de temps qui s’est écoulé entre la communication des informations et l’action engagée par la Commission, il est évident que cette dernière a agi avec la diligence voulue.

(159)

Au vu de ce qui précède, la Commission conclut à l’absence de circonstances exceptionnelles susceptibles d’avoir pu faire naître, chez les sociétés ex-Terni, une confiance légitime quant à la légalité de la mesure contestée.

(160)

Tous les montants d’aide incompatible perçus par ThyssenKrupp, Cementir et Nuova Terni Industrie Chimiche en application de l’article 11, paragraphe 11, de la loi no 80/2005 et se référant à la période commençant le 1er janvier 2005 (voir le considérant 26) doivent être récupérés, après avoir été majorés des intérêts, conformément au chapitre V du règlement (CE) no 794/2004 de la Commission du 21 avril 2004 concernant la mise en œuvre du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil portant modalités d’application de l’article 93 du traité CE (47).

(161)

Il y a lieu de rappeler, dans ce contexte, que la récupération a pour but de rétablir la position concurrentielle qu’occupait le bénéficiaire avant l’octroi de l’aide incompatible. Pour déterminer la position concurrentielle occupée par les sociétés ex-Terni avant l’application de la loi, il convient de tenir compte de la mesure d’aide existante introduite par la loi no 9/1991, qui avait été autorisée jusqu’en 2007.

(162)

La Commission estime par conséquent que les montants d’aide résiduels auxquels les bénéficiaires auraient pu prétendre en vertu de la loi no 9/1991 en 2005, 2006 et 2007 si la loi no 80/2005 n’avait pas été appliquée peuvent être déduits des montants à récupérer, pour autant que l’Italie juge que les bénéficiaires y ont droit au regard de la législation nationale.

VII.   CONCLUSION

(163)

La Commission constate que l’Italie a mis illégalement à exécution, en violation de l’article 88, paragraphe 3, du traité CE, les dispositions de l’article 11, paragraphe 11, du décret-loi no 80/2005, converti en loi no 80/2005, en modifiant et en prorogeant jusqu’en 2010 le tarif préférentiel d’électricité applicable aux trois sociétés ex-Terni. La Commission estime que cette mesure, qui constitue une simple aide au fonctionnement, ne peut bénéficier d’aucune des dérogations prévues par le traité CE et est donc incompatible avec le marché commun. En conséquence, les parties de la mesure susvisée qui n’ont pas encore été octroyées ou versées ne peuvent être mises à exécution et l’aide déjà versée doit être récupérée. Les montants auxquels les bénéficiaires auraient pu prétendre en 2005, 2006 et 2007 en application de la loi no 9/1991 peuvent être déduits du montant total à récupérer,

A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:

Article premier

1.   L’aide d’État mise à exécution par l’Italie en faveur de ThyssenKrupp, Cementir et Nuova Terni Industrie Chimiche est incompatible avec le marché commun.

2.   L’aide d’État accordée, mais pas encore versée, par l’Italie à ThyssenKrupp, Cementir et Nuova Terni Industrie Chimiche est, elle aussi, incompatible avec le marché commun et ne peut être mise à exécution.

Article 2

1.   L’Italie procède auprès des bénéficiaires au recouvrement de l’aide mentionnée à l’article 1er, paragraphe 1.

2.   Les sommes à récupérer comprennent les intérêts courus entre la date à laquelle elles ont été mises à la disposition des bénéficiaires et celle de leur récupération effective.

3.   Les intérêts sont calculés sur une base établie conformément au chapitre V du règlement (CE) no 794/2004.

Article 3

1.   L’Italie prend toutes les mesures nécessaires pour récupérer l’aide visée à l’article 1er auprès des bénéficiaires.

2.   La récupération doit intervenir sans délai et conformément aux procédures du droit national, pour autant qu’elles permettent l’exécution immédiate et effective de la présente décision.

3.   L’Italie veille à mettre la présente décision à exécution dans les quatre mois suivant sa date de notification.

Article 4

1.   L’Italie informe la Commission de l’état des procédures nationales d’exécution de la présente décision jusqu’à leur conclusion.

2.   L’Italie communique à la Commission, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision, les montants totaux (capital et intérêts) à récupérer auprès des bénéficiaires et fournit une description détaillée des mesures déjà adoptées ou prévues pour se conformer à la présente décision. Dans le même délai, l’Italie envoie à la Commission les preuves documentaires attestant qu’elle a enjoint aux bénéficiaires de rembourser l’aide.

3.   À l’échéance du délai de deux mois visé au paragraphe 2, l’Italie présente, sur simple demande de la Commission, un rapport sur les mesures déjà adoptées ou prévues pour se conformer à la présente décision. Ce rapport doit en outre contenir des informations détaillées sur les montants d’aide et les intérêts déjà récupérés auprès des bénéficiaires.

Article 5

La République italienne est destinataire de la présente décision.

Fait à Bruxelles, le 20 novembre 2007.

Par la Commission

Neelie KROES

Membre de la Commission


(1)  JO C 214 du 6.9.2006, p. 5.

(2)  Voir la note 1.

(3)  Article 4, paragraphe 6, premier alinéa, points a) et b), de la loi no 1643/62.

(4)  Les sociétés qui exploitent des ressources hydriques publiques pour produire de l’énergie électrique opèrent sur la base d’une concession hydroélectrique, qui est temporaire, mais dont la durée (généralement de 30 ans en Italie) est suffisamment longue pour leur permettre d’amortir leurs coûts d’investissement. À mesure qu’elles expirent, ces concessions devraient être réattribuées selon une procédure de sélection transparente.

(5)  Aide d’État NN 52/91, lettre SG(91) D/15502.

(6)  Article 1er, paragraphe 285, de la loi no 266/2005.

(7)  Délibération de l’AEEG no 228/01.

(8)  Délibération de l’AEEG no 148/04.

(9)  JO L 227 du 19.8.1983, p. 24.

(10)  Arrêt du 24 février 1994 dans l’affaire Terni Spa et Italsider/Cassa Conguaglio per il Settore Elettrico (demande de décision préjudicielle), Recueil 1994, p. I-00541.

(11)  Document SEC/1999/687 du 11 mai 1999 — décision de la Commission, mesures pour l’emploi, articles 15 et 26 de la loi no 196/97, JO L 42 du 15.2.2000, p. 1-18.

(12)  Arrêt du 15 mai 1997 dans l’affaire C-355/95, Deggendorf/Commission, Recueil 1997, p. I-02549.

(13)  Communication du 16.12.2005 du ministère des activités de production à l’AEEG.

(14)  JO L 83 du 27.3.1999, p. 1.

(15)  Voir la note 14.

(16)  Délibération de l’AEEG no 190/2006.

(17)  Voir, en particulier, l’arrêt du 7.2.1985 dans l’affaire C-240/83, A.D.B.H.U., Recueil 1985, p. 00531; l’arrêt du 27.9.1988 dans les affaires jointes C-106-120/87, Recueil 1988, p. 05515; l’arrêt du 24.7.2003 dans l’affaire C-280/00, Altmark, Recueil 2003, p. I-07747 et l’arrêt du 22.11.2001 dans l’affaire C-53/00, Ferring, Recueil 2001, p. I-09067.

(18)  Notamment en France, en Allemagne, en Espagne, en Grèce et en Finlande. L’Italie a fourni une description des régimes d’aides que ces pays appliqueraient aux industries grosses consommatrices d’énergie.

(19)  Le premier rapport du groupe de haut niveau date du 2 juin 2006 («Contributing to an integrated approach on competitiveness, energy and the environment policies — functioning of the energy market, access to energy, energy efficiency and the EU Emission Trading Scheme»).

(20)  Arrêt du 15.7.2004 dans l’affaire C-345/02, Pearle et autres, Recueil 2004, p. I-7139 et arrêt du 13.3.2001 dans l’affaire C-379/98, Preussen-Elektra, Recueil 2001, p. I-02099.

(21)  L’article 5, paragraphe 5, de la loi de nationalisation prévoyait un mécanisme de contestation du montant de l’indemnisation.

(22)  La législation italienne prévoit qu’à l’échéance des concessions hydroélectriques, l’entreprise perd la propriété d’une partie de ses actifs, notamment de certains travaux d’ingénierie, au profit de l’État.

(23)  Arrêt du 22.3.1977 dans l’affaire C-78/76, Steinike & Weinlig, Recueil 1977, p. 595 et arrêt du 25.6.1970 dans l’affaire C-47/69, gouvernement français/Commission, Recueil 1970, p. 00487.

(24)  Arrêt du 15.7.2004 dans l’affaire C-345/02, Pearle et autres, Recueil 2004, p. I-7139.

(25)  Arrêt du 21.3.1991 dans l’affaire C-303/88, Italie/Commission, Recueil 1988, p. I-1433, arrêt du 25.7.1970 dans l’affaire C-47/69, France/Commission, Recueil 1970, p. 4393 et arrêt du 5.4.2006 dans l’affaire T-351/02, Deutsche Bahn/Commission, Recueil 2006, p. II-1047.

(26)  Cementir appartient au groupe Caltagirone et exploite divers établissements en Italie dont certains sont actifs à l’exportation. La société produit toute une gamme de produits à base de ciment et de chaux et contrôle un producteur turc de ciment qui exporte vers l’UE. Nuova Terni Industrie Chimiche appartient au groupe Norsk Hydro, actif dans la production d’engrais chimiques et minéraux, de pétrole, de gaz et de produits pétrochimiques, tandis que ThyssenKrupp est un conglomérat mondial principalement présent, mais pas uniquement, dans le secteur sidérurgique.

(27)  Arrêt du 13.7.1988 dans l’affaire C-102/87, République française/Commission, Recueil 1988, p. 4067.

(28)  Affaire IV/33.322 — ciment, JO L 343 du 30.12.1994, p. 1.

(29)  Décision IV/M.832 du 25.10.1996 Norsk Hydro/Enichem Agricoltura — Terni (II).

(30)  Voir, entre autres, la décision IV/M.925 Krupp-Hoesch/Thyssen du 11.8.1997.

(31)  Voir, entre autres, l’arrêt du 17.9.1980 dans l’affaire 730/79, Philip Morris/Commission, point 11, Recueil 1980, p. 02671 et l’arrêt du 15.6.2006 dans les affaires jointes C-393/04 et C-41/05, Air Liquide Industries/Ville de Seraing et Province de Liège, Recueil 2006, p. I-05293.

(32)  Voir, entre autres, l’arrêt du 6.3.2002 dans les affaires jointes T-127/99 et T-148/99, Territorio Histórico de Álava — Diputación Foral de Álava, points 173 à 175, Recueil 2002, p. II- 012575.

(33)  Conclusions présentées dans le cadre des affaires jointes C-15/98 et C-105/99, Italie et Sardegna Lines/Commission, point 74, Recueil 2000, p. I-8855.

(34)  Arrêt du 30.4.2002 dans les affaires jointes T-195/01 et T-2017/01, Government of Gibraltar/Commission, Recueil 2002, p. II-2309.

(35)  La loi de conversion no 80/2005 prévoyait l’entrée en vigueur rétroactive de la prorogation à partir du 1er janvier 2005.

(36)  Arrêt du 15.9.1998 dans les affaires jointes T-126/96 et T-127/96, Breda Fucine Meridionali/Commission, Recueil 1998, p. II-3437.

(37)  Voir la note 5.

(38)  Voir l’arrêt du 6.11.1990 dans l’affaire C-86/89, Italie/Commission, point 18, Recueil 1990, p. I-3891, l’arrêt du 14.2.1990 dans l’affaire C-301/87, France/Commission, point 50, Recueil 1990, p. I-307, ainsi que l’arrêt du 8.6.1995 dans l’affaire T-459/93, Siemens/Commission, point 48, Recueil 1995, p. II-1675.

(39)  JO C 37 du 3.2.2001, p. 3.

(40)  Aide d’État N 27/1997, décision de la Commission SG(97) 4949 du 30 juin 1997.

(41)  Voir, par exemple, l’arrêt du 29.4.2004 dans l’affaire C-372/97, Italie/Commission, point 67, Recueil 2004, p. I-3679.

(42)  Voir la note 14.

(43)  Arrêt du 20.3.1997 dans l’affaire C-24/95, Alcan Deutschland, points 25, 30 et 31, Recueil 1997, p. I-1591 et arrêt du 11.11.2004 dans les affaires jointes C-183/02 P et C-187/02, Demesa et Territorio histórico de Álava/Commission, point 45, Recueil 2004, p. I-10609.

(44)  Arrêt du 20.9.1990 dans l’affaire C-5/89, Commission/Allemagne, point 16, Recueil 1990, p. I-3437.

(45)  Arrêt du 14.1.2004 dans l’affaire T-109/01, Fleuren compost/Commission, points 141 à 143, Recueil 2004, p. II-127.

(46)  Arrêt du 24.11.2005 dans l’affaire C-506/03, Allemagne/Commission, point 58.

(47)  JO L 140 du 30.4.2004, p. 1-134.