20.9.2006   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

L 257/11


DÉCISION DE LA COMMISSION

du 2 août 2004

concernant l'aide d'État mise à exécution par la France en faveur de France Télécom

[notifiée sous le numéro C(2004) 3060]

(Le texte en langue française est le seul faisant foi)

(Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE.)

(2006/621/CE)

LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,

vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 88, paragraphe 2, premier alinéa,

vu l'accord sur l'Espace économique européen, et notamment son article 62, paragraphe 1, point a),

après avoir invité les intéressés à présenter leurs observations conformément auxdits articles (1), et vu ces observations,

considérant ce qui suit:

1.   PROCÉDURE

(1)

Par lettre du 31 janvier 2003, la Commission a informé la France de sa décision d'ouvrir la procédure formelle d'examen prévue à l'article 88, paragraphe 2, du traité (ci après «la décision d'ouverture») à l'encontre des mesures financières mises en place par les autorités françaises en faveur de France Télécom (ci-après «FT» ou «l'Entreprise») et du régime de la taxe professionnelle applicable à cet opérateur. La description des faits ayant conduit à l'ouverture de cette procédure n'est pas reprise dans la présente décision (2).

(2)

La décision d'ouverture a été notifiée à la France le 31 janvier 2003. Après corrections des erreurs matérielles, un rectificatif a été notifié à la France le 7 mars 2003.

(3)

La France a communiqué des informations complémentaires à la Commission par lettres des 4 avril 2003, 15 mai 2003 et 29 janvier 2004.

(4)

La décision de la Commission d'ouvrir la procédure a été publiée au Journal officiel de l'Union européenne  (3). La Commission a invité les tiers intéressés à présenter leurs observations sur les mesures d'aide en cause.

(5)

La Commission a reçu les observations suivantes à ce sujet de la part des tiers intéressés:

21 mars 2003: observations de Cable and Wireless plc and Cable and Wireless SA

11 avril 2003: observations de Cégétel

10 avril 2003: observations de l'AFORS Télécom

11 avril 2003: observations de LDCOM

11 avril 2003: observations de A (4)

10 avril 2003: observations de Tiscali

11 avril 2003: observations de WorldCom France (5)

11 avril 2003: observations de B (6)

11 avril 2003: observations de Bouygues SA et Bouygues Télécom (7) (ci-après «BT»)

14 avril 2003: observations de Telecom Italia

14 avril 2003: observations de C (8)

29 avril 2003: observations de B

30 avril 2003: observations de LDCOM (9).

(6)

La Commission a transmis ces observations à la France le 16 mai 2003, en lui donnant la possibilité de les commenter. Elle a reçu ses commentaires par lettres du 30 juin 2003 et du 29 juillet 2003 (10).

(7)

Le 30 mai 2003, la Commission a publié un avis de marché «pour la prestation de services d'assistance pour l'évaluation de la conformité de l'aide financière accordée à FT au principe de l'investisseur privé dans une économie de marché et pour l'analyse éventuelle du plan de redressement de FT» (11). Par un courrier en date du 3 juillet 2003, les autorités françaises ont écrit à la Commission concernant l'avis de marché précité. La Commission leur a répondu par lettre du 24 septembre 2003. Le 24 septembre 2003, le contrat de prestation de services a été octroyé en faveur du cabinet NERA (ci-après «NERA» ou «le consultant»). Les autorités françaises ont été informées de l'identité de l'expert par fac-similé du 8 octobre 2003.

(8)

La Commission a reçu d'autres informations et documents de la part des parties tierces:

23 juin 2003: lettre de LDCOM

25 juin 2003: lettre de D (12)

27 octobre 2003: lettre de MCI

16 octobre 2003: lettre de l'ECTA

25 juin 2003: lettre de XXX

7 janvier 2004: lettre de BT

16 janvier 2004: lettre de BT (13)

19 mars 2004: lettre de FT (14)

5 avril 2004: lettre de Tiscali

17 mai 2004: lettre de LDCOM

26 mai 2004: lettre de BT (15)

22 juin 2004: lettre de FT (16)

30 juin 2004: fac-similé de FT

2 juillet 2004: fac-similé de FT.

(9)

La Commission a demandé des éclaircissements supplémentaires aux autorités françaises par les lettres suivantes:

11 septembre 2003 (réponse des autorités françaises du 20 octobre 2003)

11 novembre 2003 (réponse des autorités françaises du 4 décembre 2003)

12 janvier 2004 (réponse des autorités françaises du 21 janvier 2004)

2 février 2004 (réponse des autorités françaises du 16 février 2004)

1er juin 2004 (réponse des autorités françaises lors de la réunion du 16 juin 2004).

(10)

La Commission a envoyé aux autorités françaises, le 3 mai 2004 et le 14 juin 2004, les lettres indiquées au considérant 8 ainsi que le rapport de NERA daté du 28 avril 2004 (ci-après «le rapport NERA»). Ce rapport se compose de deux parties distinctes: (i) un rapport juridique rédigé par le Professeur Berlin et (ii) un rapport économique.

(11)

La Commission a entendu les représentants des parties tierces lors de différentes réunions au cours de la procédure.

(12)

La Commission et le consultant ont rencontré les autorités françaises et FT le 22 janvier et les 16 et 23 juin 2004.

(13)

Par lettre du 14 mai 2004, confirmée le 3 juin 2004, les autorités françaises ont souligné que la décision d'ouverture ne couvrait pas tous les faits faisant l'objet de l'examen de la Commission. Par courriel du 9 juin 2004, confirmé par lettre du 10 juin 2004, les autorités françaises ont présenté des observations sur le rapport NERA, complétées par un courrier du 21 juin 2004.

2.   DESCRIPTION DE FRANCE TELECOM

(14)

Comme il ressort de la décision d'ouverture, la présente procédure concerne le groupe FT comme entité économique unique. En effet, dès l'ouverture de procédure, la Commission a toujours fait référence aux comptes consolidés de l'Entreprise. En adoptant cette approche, la Commission suit une démarche cohérente avec la réalité économique reflétée par le marché, qui évalue les performances et la solidité financière de FT sur la base des ses résultats consolidés. Dans la décision d'ouverture, le groupe FT a été décrit dans les termes suivants:

«Faisant initialement partie du Ministère des Postes et Télécommunications, FT a été constitué en 1991 en exploitant public doté de la personnalité morale. Depuis le 31 décembre 1996, l'opérateur a le statut de société anonyme et est coté sur le Premier Marché d'Euronext Paris SA et sur le New York Stock Exchange (NYSE) depuis octobre 1997. En 2002, le capital de FT était majoritairement détenu par l'État à hauteur de 56,45 %, le reste étant divisé entre le public (32,25 %), autocontrôle (8,26 %) et les salariés de l'Entreprise (3,04 %) (17) .

FT est opérateur et fournisseur de réseaux et de services de télécommunications, actif en France et dans le monde, et opère sur les marchés suivants: téléphonie fixe, téléphonie mobile, Internet et autres services d'information, services aux entreprises, télédiffusion et télévision par câble. Suite à l'acquisition d'Orange plc et à la constitution d'Orange SA comme principale filiale de téléphonie mobile de FT, à son introduction en bourse, et à l'introduction en bourse de Wanadoo SA, les activités de FT sont désormais organisées en quatre segments: (i) Orange ; (ii) Wanadoo ; (iii) Services fixes, voix et données en France, et (iv) Services fixes, voix et données hors de France, principalement au travers de sa filiale Equant.

FT emploie 211,554 employés dans le monde au 31 décembre 2001 dont 146,882 en France» (18).

(15)

Cette description reste valable pour ce qui concerne la période faisant l'objet de la présente décision. Par ailleurs, pendant cette même période, la structure du groupe a été caractérisée par «une politique de filialisation à outrance à travers la création de quatre sociétés cotées autour de FT: Orange, Wanadoo, TPSA en Pologne et Equant. Le groupe s'est ainsi constitué d'une façon tout à fait paradoxale et déséquilibrée, la maison mère FTSA portant toute la dette tandis que le filiales concentrent la croissance …» (19)

3.   DESCRIPTION CHRONOLOGIQUE DES FAITS ET SITUATION FINANCIÈRE DE L'ENTREPRISE

3.1.   Les données connues à la première moitié de l'année 2002 et les évènements de cette période

(16)

La Commission constate que l'analyse, à la lumière des règles sur les aides d'État, du comportement de l'État, doit être effectuée sur la base des données et informations disponibles au moment de chaque intervention étatique. Etant donné que la présente affaire concerne des événements intervenus en 2002 et début 2003, il est impératif de reprendre chronologiquement les éléments disponibles à partir de la publication des résultats de l'exercice 2001 pour comprendre les faits sur lesquels la Commission s'est fondée pour analyser le comportement de l'État. Il faut par ailleurs rappeler que les résultats financiers du premier semestre 2002 ont seulement été rendus publics le 13 septembre 2002. Avant cette date, les derniers résultats financiers publiés par FT étaient ceux concernant l'exercice 2001. Toutefois, certaines données complémentaires émanant des analystes financiers étaient disponibles dans leurs prévisions, avis et recommandations.

(17)

Comme il résulte de l'analyse qui suit, FT était, dès juin 2002, une entreprise caractérisée par de graves problèmes structurels et présentait un bilan déséquilibré. Dès le premier trimestre 2002, la nature de ces problèmes a été mise en évidence par la publication des comptes 2001. La publication de ces comptes a montré une progression des résultats opérationnels ainsi qu'une génération substantielle du cash flow. Néanmoins, la publication des comptes a également mis en évidence le lourd impact du passé qui a annulé entièrement le résultat net avant provisions exceptionnelles de 1,9 milliard d'euros en le convertissant en une perte de 8,3 milliards d'euros. Alors que les provisions corrigent la valeur des actifs de FT à un niveau plus réaliste, le niveau colossal de la dette, qui s'élève à 63 milliards d'euros, persiste. Ce contexte ainsi que l'insuffisance du cash flow attendu expliquent ces graves problèmes structurels. Ceci est bien démontré dans l'étude d'HSBC présenté par FT (voir section 4) qui calcule un besoin de financement de 35 millliards d'euros sur la période 2002-2005.

(18)

L'endettement net de FT s'élevait à 63,5 milliards d'euros au 31 décembre 2001, ainsi que le montrent les tableaux 1 et 2.

Tableau 1

Ratios d'endettement («Ratios de “Leverage”»)

 

1999

2000

2001

Ratio d'endettement (20)

0,78

0,89

0,92

Dette/capital social (21)

3,61

8,25

12,16

Times interest earned  (22)

14,52

5,39

3,2

Source: NERA

Tableau 2

Obligations à l'échéance du troisième trimestre (T3) 2002 au quatrième trimestre 2003

 

2002

2003

T3

T4

T1

T2

T3

T4

Total 2003

Montant en milliards d'euros  (23)

3,89

3,61

8,86

4,08

4,09

2,23

19,26

Source: NERA

(19)

A la lumière de ces données, la Commission constate que compte tenu de l'importance de sa dette, FT a dû annoncer le 21 mars 2002 non seulement un nettoyage important de son bilan par le biais de provisions comptables et de cessions à hauteur de 27,2 milliards d'euros (comprenant des cessions à hauteur de 17 milliards d'euros et des provisions exceptionnelles à hauteur de 10,2 milliards d'euros), mais également une importante augmentation du cash flow disponible à hauteur de 14 milliards d'euros pour la période 2002-2005.

3.1.1.   La dégradation de la notation de FT

(20)

Au cours de la première moitié de l'année 2002, la situation de FT s'est dégradée rapidement ce qui a été reflété par une série de downgrades de la note de l'Entreprise. Ainsi, le 27 mars 2002, l'agence de notation Moody's a annoncé une dégradation du rating de FT pour la dette à long terme (24)/ (25).

(21)

Le 28 mars 2002, Standard & Poor's («S & P») a maintenu le rating de FT mais a dégradé sa perspective à négatif (26) suite à des nouvelles concernant Mobilcom.

(22)

Le 13 mai 2002, Moody's, ayant des doutes quant à la capacité de l'Entreprise de pouvoir mener à bien sa stratégie de réduction de la dette, a annoncé une dégradation éventuelle du rating de la dette à court terme de FT (27).

(23)

Le 14 mai 2002, Standard & Poor's a maintenu le rating existant de FT (28).

(24)

Le 24 juin 2002, Moody's a dégradé le rating de FT. La perspective pour le rating de l'Entreprise a été maintenue à un niveau négatif (29). La décision de Moody's était alors motivée par le fait que l'agence ne s'attendait pas à ce que FT et Orange soient en position de générer suffisamment de cash flow pour réduire la dette consolidée du groupe. Par ailleurs, bien que Moody's n'ait pas de doutes quant à une possible crise de liquidité de l'Entreprise dans l'immédiat, l'agence de notation relevait que FT devait faire face à une dette d'environ 15 milliards d'euros venant à échéance pendant l'année 2003.

(25)

Le 25 juin 2002, Standard & Poor's a dégradé le rating de la dette de FT à court et à long terme (30) en motivant sa décision par les difficultés concernant Mobilcom et l'incapacité de l'Entreprise de réduire suffisamment sa dette de manière suffisamment rapide. S & P mentionne également les besoins importants de financement de FT, se référant également aux 15 milliards d'euros de dette venant à échéance pendant l'année 2003.

(26)

Cette tendance à la baisse a été confirmée à plusieurs reprises (31) durant les jours suivants. Le 12 juillet 2002, Standard & Poor's a même signalé un problème potentiel quant au refinancement de la dette venant à échéance en 2003. La dégradation de la note de FT a clairement révélé les problèmes d'endettement de l'Entreprise (32), aggravés par l'incertitude quant à la situation de Mobilcom.

(27)

Le tableau 3 récapitule les différentes positions de S & P, Moody's et Fitch quant au rating de FT:

Tableau 3

Evénements liés aux notations de crédit

 

S & P

Moody's

Fitch

Court terme

Long terme

Court terme

Long terme

Court terme

Long terme

Situation en mai 2002

A2

BBB+

P2

Baa1

F2

BBB+

24-juin 2002

 

 

P3

Baa3

 

 

25-juin 2002

A3

BBB

 

 

 

 

05-juillet 2002

 

 

 

 

F3

BBB-

12-juillet 2002

 

BBB-

 

 

 

 

Source: NERA

3.1.2.   L'analyse des «Credit spreads»

(28)

Par ailleurs, il est important d'examiner le comportement des «spreads» sur les marchés financiers. Les spreads relatifs à la dette d'une société reflètent l'évaluation, par les marchés, du risque lié à la capacité de ladite entreprise de pouvoir respecter ses obligations quant au paiement des intérêts et au remboursement de la dette à échéance. Les «spreads» influencent la valorisation, par le marché, des obligations ainsi que le niveau de l'intérêt exigible pour l'émission de nouvelles obligations. L'élargissement des spreads témoigne d'une augmentation du risque attribué à l'émetteur et/ou à l'obligation. La Commission a procédé à l'analyse des spreads de FT pour la période couvrant l'exercice 2002 et a constaté une évaluation du risque relativement élevée début juillet.

(29)

Normalement, les spreads pour la «dette long terme» sont plus importants que ceux pour la «dette court terme», et cela en raison de plusieurs facteurs: le manque de visibilité, l'incertitude quant aux perspectives futures, les paramètres macro-économiques, la tendance des taux d'intérêt. Cependant, un examen du tableau 3 révèle clairement que les problèmes rencontrés par FT ont été particulièrement concentrés sur la «dette court terme». Ainsi, l'étude des spreads concernant FT a démontré que les risques à très court terme étaient plus élevés que ceux à moyen et long terme. Ce phénomène s'appelle une «spread inversion». La fréquence de ces «inversions», durant laquelle la dette venant à échéance dans un an a été considérée, par le marché, comme plus risquée que la dette à trois ans, était particulièrement évidente pendant la période allant de juillet à septembre 2002.

(30)

Le tableau 4 fournit une représentation graphique du comportement des spreads de FT.

Tableau 4

Credit spreads à l'échéance de 1 et 3 ans — France Télécom

Image

Source: Bloomberg

(31)

Une manière différente d'observer l'augmentation du risque associé à la dette de FT est l'étude du prix de ses obligations. Le tableau 5 montre un sous-ensemble d'obligations de FT. La chute du prix des obligations en juin/juillet 2002 qui est l'image inverse de la hausse des «credit spreads», reflète une valeur moindre de la dette de FT en raison de l'augmentation du risque de défaillance perçu par le marché.

Tableau 5

FT Prix des obligations de FT de mai 2002 au 24 juillet 2002

Image

Source: Bloomberg

(32)

En outre, il apparaît évident qu'en dépit des difficultés de quelques autres opérateurs du secteur des télécommunications en Europe, la situation difficile à laquelle FT était confrontée résultait directement de l'état de son bilan et de sa structure financière.

(33)

Ceci est mis en évidence par une étude des spreads de Deutsche Telekom et de KPN, ainsi que le montrent les tableaux 6 et 7.

Tableau 6

Credit spreads à l'échéance de 1 et 3 ans — KPN

Image

Source: Bloomberg

Tableau 7

Credit spreads à l'échéance de 1 et 4 ans — Deutsche Telekom

Image

Source: Bloomberg

(34)

Cette étude révèle que Deutsche Telekom a également subi des «spreads inversions», mais que leur durée a été courte et leur ampleur nettement moins importante. Ainsi, les niveaux atteints par FT durant la période juin/juillet 2002 étaient largement supérieurs.

3.1.3.   Le cours de l'action de FT

(35)

Parallèlement, le cours de l'action de FT a subi une baisse significative pendant la première moitié de l'année 2002 et a atteint son niveau le plus bas dans un premier temps, le 27 juin 2002 (7,79 euros), et dans en second temps le 30 septembre 2002 (6,01 euros), ainsi que le montre le tableau 8.

Tableau 8

Cours de l'action de FT

Image

Source: Bloomberg

3.1.4.   Les événements de juillet 2002

(36)

Dans une interview publiée dans Les Echos le 12 juillet 2002, le ministre français de l'économie, des finances et de l'industrie (ci-après ministre de l'économie et des finances) a déclaré que: «L'État actionnaire se comportera en investisseur avisé et si France Télécom devait avoir des difficultés, nous prendrions les dispositions adéquates… Je répète que si France Télécom avait des problèmes de financement, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui, l'État prendrait les décisions nécessaires pour qu'ils soient surmontés» (33) .

(37)

A cette même date, comme il a déjà été mentionné, S & P a dégradé le rating de FT au niveau BBB-. Cette baisse a cependant été limitée à un rating figurant toujours au rang d'investissement: toute baisse supplémentaire aurait entraîné la qualification de la dette de l'Entreprise au rang de «junk bond», c'est-à-dire comme ne figurant plus au rang d'investissement. Le fait que le rating de FT ait été préservé au rang de «investment grade» a été souligné par l'analyste Goldman Sachs dans un rapport du 22 juillet 2002 qui précise que FT était sur le point d'être dégradée au rang de «junk bond» par S & P et Moody's (34).

(38)

Dans son communiqué de presse du 12 juillet 2002, S & P précise que la raison pour laquelle il a décidé de maintenir FT au rang d'investissement était les indications formulées par l'État sur ses intentions vis-à-vis de l'Entreprise: «FT pourrait rencontrer certaines difficultés à refinancer sa dette obligataire venant à échéance en 2003. Néanmoins, l'indication de l'État soutient la notation de FT au rang d'investissement». («FT could face certain difficulties refinancing its debt obligations coming due in 2003. Nevertheless, the State's indication underpins France Télécom's investment-grade credit quality».) Cette assurance avait été fournie, d'une part, directement par le gouvernement français à S & P: «l'État français — qui détient 55 % de France Télécom — a clairement indiqué à Standard & Poor qu'il se comporterait en investisseur avisé et qu'il prendrait les dispositions adéquates si FT devait avoir des difficultés. Notation à long terme de France Télécom dégradée à BBB- (35)». («the French State –which owns 55 % of France Télécom — has clearly indicated to Standard & Poor's that it twill behave as an aware investor and would take appropriate steps if France Télécom were to face any difficulties. France Télécom LT rating cut to BBB-».) et, d'autre part, publiquement dans l'interview mentionnée au considérant 36.

(39)

Au vu de ce qui précède, il apparaît indiscutable qu'en juillet 2002, FT faisait l'objet d'une crise de confiance. Les agences de notation et les analystes étaient convaincus que l'Entreprise risquait de ne pas pouvoir mettre en œuvre le plan de refinancement présenté par le management pour faire face à ses échéances. L'Entreprise devait donc faire face à un problème aigu de financement lié à son endettement (36). Néanmoins, les agences avaient maintenu la notation de l'Entreprise au niveau d'investissement en tenant compte des indications formulées par l'État. Une baisse du rating à un niveau inférieur aurait aggravé cette crise et diminué les moyens de l'Entreprise pour y faire face. «C'est donc à l'horizon juin 2003 que les problèmes de financement de FT pourraient devenir cruciaux voire “inextricables” (selon les mots de l'ancien président du groupe, M. Michel Bon). Si, d'ici là, France Télécom n'a pas retrouvé d'accès au marché (en raison d'une notation pénalisante), l'État se trouvera devant la nécessité de trouver des instruments aidant France Télécom à se refinancer» (37).

3.2.   Les données publiées à partir du 13 septembre 2002 et les événements de cette période

3.2.1.   Données publiées au 13 septembre 2002

(40)

La conclusion figurant au considérant 39 a été confirmée rétroactivement en septembre 2002 lorsque les comptes semestriels de FT ont été présentés. Dans son examen des comptes semestriels publiés le 13 septembre 2002, la Commission observe une progression des chiffres de FT au premier semestre 2002 par rapport par rapport à l'année précédente: progression de 10 % du chiffre d'affaires, de 13,2 % de l'EBITDA et de 17,3 % du résultat opérationnel. La Commission constate également la croissance soutenue de la téléphonie mobile et une meilleure performance de l'activité Internet. Cependant, le résultat opérationnel du segment fixe en France, qui représentait 31 % du chiffre d'affaires pour la même période, est en repli de 12,2 %.

(41)

Parallèlement aux bons résultats opérationnels décrits ci-dessus, FT a confirmé le déséquilibre de sa situation financière. Le résultat négatif à hauteur de 12,2 milliards d'euros au 30 juin 2002 est principalement lié aux importantes provisions effectuées au titre des investissements. Il résulte d'une telle perte semestrielle que les fonds propres consolidés de FT sont devenus négatifs au 30 juin 2002 à hauteur de 440 millions d'euros alors qu'ils s'élevaient à un solde positif.

(42)

Une analyse simplifiée du flux de trésorerie au 30 juin 2002 montre que la dette nette a augmenté au cours du premier semestre 2002 de 6,3 milliards d'euros car l'EBITDA, représentant 6,870 milliards d'euros, n'a pas couvert les dépenses représentées par:

les intérêts liés à la dette (3 099 millions d'euros),

les investissements (3 820 millions d'euros),

le rachat d'actions de FT à VODAFONE (4 973 millions d'euros),

le rachat d'actions Orange à E.On (950 millions d'euros), et

le paiement de l'impôt (608 millions d'euros).

(43)

Sur un endettement net de 69,69 milliards d'euros au 30 juin 2002, l'essentiel est obligataire, soit un montant de 50,6 milliards d'euros. Le tableau 9 donne une répartition, par grandes catégories, des divers composants de la dette.

Tableau 9

(milliards d'euros)

30 juin 2002

Emprunts obligataires échangeables ou convertibles

10,75

Emprunts obligataires

39,85

Opération de crédit-bail

0,42

Emprunts bancaires

6,62

Autres emprunts non bancaires

0,72

Tirages sur lignes de crédit syndiqué de 15 milliards d'euros€

8,15

Tirages sur lignes de crédit syndiqué de 1,4 milliard de dollars des Etats-Unis

1,48

Autres découverts bancaires et autres emprunts à court terme

4,14

Total dette brute

72,13

Valeurs mobilières de placement

(0,15)

Disponibilités

(2,29)

Endettement net

69,69

Source: Comptes consolidés France Télécom: semestre clos le 30 juin 2002.

(44)

L'échéancier de cette dette se caractérise par sa courte durée. Ainsi, 12,9 milliards d'euros de dettes arrivent à échéance en 2003, dont 10,5 milliards d'euros d'emprunts obligataires (38), 1,0 milliard d'euros d'emprunts aux filiales et 1,4 milliard d'euros de placements privés.

(45)

Au premier semestre 2004, sont arrivés à échéance un montant de 5,5 milliards d'euros d'emprunts obligataires et un montant de 6,4 milliards d'euros relatif à des lignes de crédit (1,4 milliard d'euros et 5 milliards d'euros relatif à la ligne de 15 milliards d'euros), soit un total de 11,9 milliards d'euros. FT a donc dû faire face à des échéances de remboursement d'un montant de 24,8 milliards d'euros entre le 1er janvier 2003 et le 30 juin 2004.

(46)

Au second semestre 2004, arriveront à échéance un montant de 2,8 milliards d'euros d'emprunts obligataires et un montant de 2,6 milliards d'euros d'emprunts aux filiales, soit un montant de 5,4 milliards d'euros et un montant total de 17,4 milliards d'euros au cours de l'année 2004.

(47)

En 2005, enfin, arriveront à échéance un montant de 8,5 milliards d'euros d'emprunts obligataires, un montant de 10 milliards d'euros correspondant au solde de la ligne de crédit de 15 milliards d'euros, et un montant de 0,1 milliard d'euros relatif à des placements privés, soit un montant total de 18,6 milliards d'euros au cours de l'année 2005.

(48)

FT devra faire face à une dette exigible au cours de la période 2003-2005 d'un montant total de 48,9 milliards d'euros.

(49)

Ainsi que cela a été mentionné dans la décision d'ouverture, la Commission souligne que la dette de FT trouve essentiellement son origine dans les acquisitions massives effectuées par l'Entreprise à partir de 1999 (39), qui ont été principalement financées en cash (40). Ainsi ce sont au total plus de 100 milliards d'euros qui ont été dépensés par FT pour sa politique de développement, dont 80 % ont été payés en cash (41).

(50)

La Commission souligne d'ailleurs que le développement externe de l'Entreprise s'est concentré sur le secteur de la téléphonie mobile (42) (notamment l'acquisition de Orange plc (43), qui a été la plus onéreuse, et l'opération Mobilcom (44) sans pour autant oublier les autres opérations concernant la téléphonie fixe (par exemple TPSA (45), l'Internet (Freeserver) ou le câble (NTL) (46).

3.2.2.   Septembre 2002

(51)

Le 12 septembre, le gouvernement a communiqué publiquement qu'il avait accepté la démission du PDG de FT, M Michel Bon, sans toutefois annoncer la nomination d'un nouveau PDG (47). Le 13 septembre, le gouvernement a répété dans un communiqué de presse son soutien à l'Entreprise et a indiqué explicitement qu'il avait décidé de participer à une future opération de renforcement de fonds propres de FT: «… Après les pertes exceptionnelles constatées au premier semestre, France Télécom se trouve confrontée à une grave insuffisance de fonds propres. Une telle situation financière fragilise le potentiel de l'entreprise. Le Gouvernement est donc déterminé à exercer la plénitude de ses responsabilités … Prenant acte de la nouvelle situation créée par la forte dégradation des comptes, M. Bon a proposé sa démission au Gouvernement qui l'a acceptée. Cette démission deviendra effective lors d'un conseil d'administration qui se tiendra dans les toute prochaines semaines et au cours duquel un nouveau président sera alors présenté… Le nouveau président proposera très rapidement au conseil d'administration un plan de redressement des comptes, permettant son désendettement et le rétablissement de sa structure financière, tout en maintenant ses atouts stratégiques. L'État apportera son soutien à France Télécom dans la mise en œuvre de ce plan et contribuera, pour sa part, au renforcement très substantiel des fonds propres de l'entreprise, dans un calendrier et selon des modalités à déterminer en fonction des conditions de marché. D'ici là, l'État prendra, si cela est nécessaire, les mesures permettant d'éviter à l'entreprise tout problème de financement..» (48).

(52)

Le même jour, l'agence Moody's changeait la perspective de la dette de FT de négative à stable en raison de la confirmation de l'engagement de soutien de FT (49).

3.2.3.   Octobre 2002

(53)

Le 2 octobre 2002, le gouvernement a nommé M Thierry Breton en qualité de PDG de FT. Un communiqué de presse du ministre de l'économie et des finances a annoncé cette nomination. Dans le même communiqué, le Gouvernement a répété ses engagements: «Sur proposition du Conseil d'administration de l'entreprise, le Conseil des ministres a décidé de nommer Thierry Breton Président de France Télécom … A cette fin, le nouveau Président va lancer immédiatement un état des lieux de l'entreprise dont les résultats seront communiqués au Conseil d'administration dans les semaines à venir et sur lequel s'appuiera un plan de redressement financier et de développement stratégique, permettant de réduire la dette de l'entreprise tout en renforçant ses atouts. Dans ce cadre, Thierry Breton disposera du soutien de l'État actionnaire qui est déterminé à exercer toutes ses responsabilités. L'État apportera son concours à la mise en œuvre des actions de redressement et contribuera, pour sa part, au renforcement des fonds propres de l'entreprise selon des modalités qui seront déterminées en liaison étroite avec le Président de l'entreprise et le Conseil d'administration. Comme il l'a déjà indiqué, l'État prendra dans l'intervalle, si cela est nécessaire, les mesures permettant d'éviter à l'entreprise tout problème de financement» (50).

3.2.4.   Décembre 2002/Janvier 2003

(54)

Le 4 décembre 2002, lors du conseil d'administration de l'Entreprise, un plan d'action «Ambition FT 2005 (51)» (ci-après «le plan Ambition 2005») a été présenté par les nouveaux dirigeants de FT visant à assurer, selon les autorités françaises (52), une amélioration sensible des performances opérationnelles de l'Entreprise et des perspectives de rentabilité satisfaisante des fonds propres investis. Ainsi, les objectifs à moyen terme étaient doubles: (i) faire face aux besoins de financement de FT, et (ii) réaliser un désendettement net et une reconstitution des fonds propres, condition sine qua non de la réhabilitation à terme de l'Entreprise en termes de crédit vis-à-vis du marché boursier. Dans le rapport de HSBC, il est précisé que: «En retenant un plan d'affaire qui intègre l'amélioration opérationnelle du programme TOP, nous estimons que FT a un besoin de refinancement sur la période 2002-2007 d'environ 22 Mds€… [Par ailleurs], en retenant un plan d'affaire qui n'intègre pas l'amélioration opérationnelle du programme TOP, nous estimons que FT a un besoin de refinancement sur la période 2002-2007 d'environ 35 Mds€.»

(55)

Les éléments essentiels du plan en question ainsi que les mesures que les autorités françaises envisageaient adopter à l'égard de FT ont été notifiées à la Commission par lettre du 3 décembre 2002 et des informations complémentaires ont été présentées par courrier les 14 et 15 janvier 2003. La description détaillée du plan Ambition 2005 et de ses différents volets (opérationnel, de renégociation de la dette et de renforcement de fonds propres) ainsi que des autres mesures envisagées par les autorités françaises figure dans la décision d'ouverture et n'est pas répétée dans la présente décision.

(56)

La présentation du plan Ambition 2005 a été accompagnée par un communiqué de presse du ministre de l'économie et des finances, dans lequel le gouvernement a confirmé son soutien au plan en question, son engagement à participer à l'opération de renforcement des fonds propres et la mise à disposition d'une avance d'actionnaire sous forme de ligne de crédit d'un montant de 9 milliards d'euros. Les paragraphes pertinents de ce communiqué pour les besoins de la présente décision sont les suivants: «Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, confirme le soutien de l'État au plan d'action approuvé par le conseil d'administration de France Télécom le 4 décembre. 1/Le groupe France Télécom constitue un ensemble industriel cohérent dont les performances sont remarquables. Toutefois, l'entreprise doit faire face aujourd'hui à une structure financière déséquilibrée, à des besoins en fonds propres et de refinancement à moyen terme. Cette situation résulte de l'échec d'investissements passés, mal menés et réalisés au plus haut de la “bulle” financière et, plus généralement, du retournement des marchés. L'impossibilité pour France Télécom de financer son développement autrement que par endettement a aggravé cette situation. 2/L'État, actionnaire majoritaire, a demandé aux nouveaux dirigeants qu'ils rétablissent les équilibres financiers de l'entreprise, tout en maintenant l'intégrité du groupe…3/Compte tenu du plan d'action élaboré par les dirigeants et des perspectives de retour sur investissement, L'État participera au renforcement des fonds propres de 15 milliards d'euros au prorata de sa part dans le capital, soit un investissement de 9 milliards d'euros. L'État actionnaire entend agir ainsi en investisseur avisé. Il appartiendra à France Télécom de définir les modalités et le calendrier précis du renforcement de ses fonds propres. Le Gouvernement souhaite que cette opération se déroule en tenant le plus grand compte de la situation des actionnaires individuels et des salariés actionnaires de l'entreprise. Pour donner à l'entreprise la possibilité de lancer une opération de marché au moment le plus opportun, L'État est prêt à anticiper sa participation au renforcement des fonds propres, à travers une avance d'actionnaire temporaire, rémunérée à des conditions de marché, mise à disposition de France Télécom. 4/L'ERAP, établissement public industriel et commercial, se verra transférer l'intégralité de la participation de l'État dans France Télécom. Il s'endettera auprès des marchés financiers pour financer la part de l'État dans le renforcement des fonds propres de l'entreprise» (53).

(57)

Quelques jours après la présentation du plan Ambition 2005, FT a lancé deux émissions obligataires successives le 11 décembre et le 12 décembre 2002 pour un montant total de 2,9 milliards d'euros. Le premier emprunt obligataire a porté sur un montant total de 2,5 milliards d'euros, à 7 ans, avec un taux fixe de 7 %, soit EURIBOR + 290pb. Pour FT, le coût de la tranche à taux fixe est de 7,165 % (all-in). Le second emprunt obligataire a été placé sur le marché de la livre sterling (GBP) pour un montant de 250 millions de GBP, à taux fixe de 8 % sur 15 ans, soit LIBOR + 330pb (54). D'autres émissions ont été réalisées le 15 janvier 2003 pour un montant total de 5,5 milliards d'euros (55). Il s'agit d'un emprunt obligataire sur 3 tranches (1 milliard d'euros à taux fixe 6 %, maturité 4,7 ans ; 3,5 milliards d'euros à taux fixe 7,5 %, maturité 10 ans; et 1 milliard d'euros à taux fixe 8,125 %, maturité 30 ans). Le 10 février 2003, la partie du crédit syndiqué de 15 milliards d'euros venant à échéance a été renouvelée, à savoir environ 5 milliards d'euros sur 3 ans au taux Euribor + 125pb.

(58)

Le 17 décembre 2002, S & P a précisé que depuis juillet 2002, le soutien du gouvernement avait été un des facteurs clefs pour le maintien de la note de FT au rang d'investissement (56) et que son annonce relative à l'avance d'actionnaire et l'engagement de souscrire, proportionnellement à sa participation, à une opération de recapitalisation de 15 milliards d'euros avaient confirmé ce soutien (57).

3.2.5.   Février/Mars 2003

(59)

FT a clôturé l'exercice 2002 avec une perte d'environ 21 milliards d'euros et une dette financière nette de presque 68 milliards d'euros.

(60)

Le 4 mars 2003, l'opération de renforcement de fonds propres de 15 milliards d'euros envisagée par le plan Ambition 2005 a été lancée. L'opération a rencontré un large succès et elle s'est clôturée le 11 avril. Le 14 avril 2003, l'État détenait 58,9 % du capital de FT, dont 28,6 % par l'intermédiaire de l'ERAP.

(61)

La Commission constate que l'augmentation de capital a largement répondu aux besoins structurels de financement de FT. Ainsi, suite à cette opération, la notation de FT a commencé à s'améliorer, S & P a relevé la notation à BBB avec perspective stable le 14 mai 2003 (de A-3 à A-2 pour sa note à court terme) et Fitch a relevé la note de FT de BBB- à BBB le 8 août 2003. La Commission souligne à ce propos que les agences ont alors cessé de considérer le soutien de l'État comme un élément clef de la notation de l'Entreprise (58).

4.   OBSERVATIONS DES PARTIES TIERCES

(62)

La Commission a reçu les observations de plusieurs parties intéressées. Le contenu de ces observations est repris pour l'essentiel dans la présente section.

4.1.   Observations de Telecom Italia

(63)

Telecom Italia souligne que toute mesure d'aide octroyée au bénéfice de FT est susceptible d'affecter la concurrence sur les marchés des télécommunications, et notamment sur le marché français. Il est donc essentiel que les mesures octroyées par les autorités françaises soient accompagnées de contreparties visant à atténuer leurs effets sur la concurrence. Dans ce contexte, il serait particulièrement approprié d'adopter des mesures de régulation facilitant et accélérant l'accès de nouveaux entrants et leur utilisation des infrastructures de FT, notamment en ce qui concerne l'accès à la boucle locale et la durée du délai de négociation des accords d'interconnexion et provisioning.

4.2.   Observations de WorldCom

(64)

WorldCom a précisé qu'elle partageait l'analyse développée par la Commission dans la décision d'ouverture. Cette entreprise a notamment fait valoir que l'aide octroyée par l'État à FT avait permis à cette dernière d'obtenir les liquidités nécessaires pour rembourser sa dette sans avoir à céder d'actifs stratégiques. Elle précise également que le soutien de l'État a permis à FT de s'assurer de la pérennité de sa stratégie industrielle, c'est-à-dire la création d'une série d'opérateurs de réseaux et de services de télécommunications verticalement intégrés. WorldCom conclut que cette stratégie industrielle entraîne des pratiques anti-concurrentielles, dont l'existence de subventions croisées et de price squeeze entre le prix proposé par FT au client final et le prix de l'accès proposé aux concurrents de l'opérateur historique, la possibilité de faire des offres sur mesure défiant toute concurrence lors de la passation de marchés publics (les marchés «Sipperec» et «Assistance publique/Hôpitaux de Paris» en seraient deux exemples).

(65)

Afin de réduire les distorsions de concurrence causées par les aides octroyées à FT, WorldCom a proposé des contreparties de nature structurelle, notamment la cession d'actifs tels que Global One/Equant, Orange, Wanadoo/Oléane et/ou le réseau de desserte local en France, ou encore la séparation structurelle effective et transparente entre FT et ses activités commerciales. Au titre des contreparties comportementales, l'entreprise fait référence à une séparation comptable souhaitable entre les activités commerciales et non commerciales de FT, la publication complète de sa comptabilité et un contrôle tarifaire.

4.3.   Observations de C

(66)

C a présenté les observations suivantes:

a)

les mesures en cause constituent une aide d'État. C fait valoir que, conformément aux lignes directrices pour les aides d'État au sauvetage et à la restructuration d'entreprises en difficulté (59) (ci-après «les lignes directrices»), l'octroi de fonds d'origine publique à une entreprise en difficulté financière entraîne la présomption de l'existence d'éléments d'aide. C précise que l'annonce et les conditions de la mise à disposition de la ligne de crédit d'un montant de 9 milliards d'euros par l'État français au bénéfice de FT, ainsi que la participation de l'État français à la recapitalisation de FT contiennent des éléments d'aides. L'entreprise souligne que le principe de l'investisseur avisé n'est pas respecté quant aux modalités de mise à disposition de la ligne de crédit, et ce en raison notamment du taux d'intérêt proposé et du montant du «commitment fee». C souligne également que le principe de concomitance n'a pas été respecté dans la mesure où les autorités françaises ont octroyé la ligne de crédit et annoncé leur participation à la recapitalisation préalablement à l'annonce du plan Ambition 2005 et préalablement à l'engagement ferme des investisseurs. Etant donné que les concurrents de FT ne sont pas en position de lever des capitaux dans ces termes et d'une telle ampleur, FT a reçu un avantage qu'elle n'aurait pas obtenu dans des conditions de marché.

b)

les mesures en cause ne peuvent être considérées comme compatibles au sens des lignes directrices. A titre subsidiaire, C précise que l'aide accordée devrait être strictement limitée à ce qui est nécessaire pour assurer la viabilité de FT et qu'elle ne doit pas participer au financement de l'expansion agressive de FT. C ajoute que la privatisation de FT assurerait le respect du principe «one time last time», applicable aux aides à la restructuration. C a attiré l'attention de la Commission concernant les distorsions de concurrence sur le marché des télécommunications allemand causées par les mesures d'aide et a proposé, au titre des contreparties prévues par les lignes directrices, la cession de tout ou partie de Orange, filiale de FT.

4.4.   Observations de A

(67)

A fait valoir qu'ainsi qu'il est indiqué dans la décision d'ouverture, l'intention de l'État de restaurer la santé financière de FT par l'octroi d'une avance d'actionnaire d'un montant de 9 milliards d'euros et l'octroi par l'État d'une garantie «immatérielle» au bénéfice de FT visant à sécuriser ses émissions obligataires, sont des mesures ne répondant pas au principe de l'investisseur privé avisé et contiennent des éléments d'aide. A a ajouté que la politique de FT concernant le prélèvement de redevances au titre de ses brevets contient des éléments d'aides.

4.5.   Observations de Bouygues et Bouygues Télécom

(68)

Bouygues et Bouygues Télécom ont présenté les observations suivantes:

a)

BT fait valoir que le soutien indéfectible et irrévocable de l'État constitue la pierre angulaire du plan de recapitalisation de FT ayant conduit au redressement de l'Entreprise. Ainsi, selon BT, seul l'État français pouvait, compte tenu de la situation financière critique de l'Entreprise, rétablir la confiance des marchés et mettre en place un cercle vertueux lui permettant de faire face à ses engagements à court terme et de lancer une vaste opération de recapitalisation dans des conditions économiques favorables. Selon BT, les mesures suivantes remplissent les conditions de l'article 87, paragraphe 1, du traité et par conséquent, constituent des aides d'État:

i)

les déclarations du ministre de l'économie et des finances durant la période du 12 juillet au 4 décembre 2002 sont constitutives d'une garantie étatique engageant les ressources de l'État;

ii)

l'avance d'actionnaire et l'opération de renforcement des fonds propres engagent des ressources d'État;

iii)

les mesures en cause octroient des avantages à France Télécom qu'elle n'aurait pas obtenus dans des conditions normales de marché;

iv)

les mesures en cause ne respectent pas le principe de l'investisseur privé avisé opérant dans des conditions de marché;

v)

les mesures en cause affectent la concurrence;

vi)

les mesures en cause affectent le commerce intra-communautaire.

b)

les mesures en cause ne peuvent être considérées comme compatibles au sens des lignes directrices.

(69)

A titre préliminaire, BT a souligné que la politique d'expansion menée au cours de l'année 2000 dans le secteur de la téléphonie mobile sous l'impulsion de l'État a entraîné la dégradation de la situation financière et économique de l'opérateur, qu'un premier plan d'économies n'est pas parvenu à contenir.

(70)

En ce qui concerne les déclarations du ministre de l'économie et des finances, le soutien indéfectible et réitéré de l'État, formulé par une série d'annonces du 12 juillet 2002 au 4 décembre 2002 et complété par une série de mesures dont l'ouverture de la ligne de crédit de 9 milliards d'euros ainsi que l'engagement irrévocable de l'État de participer à une augmentation de capital à hauteur de sa quote-part dans l'Entreprise, représentent un engagement de sa part, auquel il ne peut déroger, de pallier par tous moyens une éventuelle défaillance de l'Entreprise dans le respect de ses engagements financiers. BT souligne sur ce point que cet engagement est constitutif d'une véritable garantie étatique produisant des effets juridiques engageant les ressources d'État. BT ajoute que la garantie de l'État est illimitée en termes de montant et de temps.

(71)

BT fait valoir à cet égard la décision Crédit Foncier de France (CFF) (60), dans laquelle la Commission a considéré que les déclarations publiques du gouvernement avaient pour objectif et pour effet de rassurer les créanciers de la banque sur la qualité de leurs crédits et ne pouvaient être considérées — comme le soutenaient les autorités françaises — comme un simple engagement politique et non juridique. Ainsi, BT précise que, dans cette affaire, les déclarations de soutien avaient eu pour effet de rassurer les créditeurs du CFF qui n'avaient alors pas exigé le remboursement immédiat de leur créances, d'éviter que CFF ait à utiliser la ligne de crédit ouverte par l'État à son profit et de permettre à ce dernier de développer et de réaliser un plan de restructuration.

(72)

A titre surabondant, BT fait observer que les solutions du droit communautaire sont confortées par l'analyse du droit interne. Notamment, en droit commercial français, de telles déclarations de soutien peuvent être rapprochées des lettres d'intention que les tribunaux assimilent à de véritables garanties comme le montre la jurisprudence récente (61). BT ajoute que même si la Cour de Cassation française n'a pas encore adopté une position de principe sur la valeur générale de l'engagement unilatéral comme source d'obligation, elle en reconnaît la valeur au cas par cas.

(73)

BT a, dans le cadre de ses observations, fait appel à un expert (62), qui précise qu'il résulte d'une jurisprudence constante du juge administratif français que l'existence d'un engagement pris par une autorité administrative ne doit pas s'apprécier au regard de la forme de celui-ci mais de ses caractéristiques intrinsèques. L'expert de BT remarque qu'il est fait expressément application de cette jurisprudence dans le cas particulier des déclarations: le juge administratif considère ainsi que les promesses, alors même qu'elles ne seraient accompagnées d'aucun acte juridique particulier, constituent des engagements car elles traduisent une manifestation de volonté de l'autorité administrative. Il suffit en effet que l'administration se soit comportée de façon à donner la conviction qu'elle agira d'une certaine façon pour qu'il y ait engagement de l'État. Peu importe donc qu'elle soit écrite ou verbale ou qu'elle puisse simplement être déduite du comportement de l'administration, la seule condition posée par le juge administratif est que la promesse en cause soit ferme et précise ou suffisamment incitative.

(74)

L'expert de BT précise qu'en l'espèce, les déclarations du ministre de l'économie et des finances remplissent l'ensemble des critères requis pour caractériser un engagement de l'État. Dans chacune de ses déclarations, le ministre manifeste en effet sa volonté d'apporter son soutien inconditionnel à FT — selon des modalités qui sont de surcroît expressément précisées: le renforcement des fonds propres, la prise de mesures permettant d'éviter à l'Entreprise tout problème de financement, le recours à l'ERAP auquel serait transférée l'intégralité de la participation de l'État. Dès lors que ces déclarations sont fermes et précises et formulées sans réserve, elles s'analysent comme des engagements de l'État. De plus, le ministre ayant pris soin de faire publier ses déclarations, celles-ci ne peuvent constituer de simples déclarations d'intention.

(75)

L'expert de BT met l'accent sur le fait que puisque ces promesses s'analysent comme un engagement de l'État, elles ont par nature une valeur juridique et sont de nature à engager sa responsabilité qu'elles soient légales ou non, et ce vis-à-vis de FT, de ses créanciers ou de ses salariés.

(76)

BT fait remarquer que les déclarations du gouvernement français à partir du 12 juillet 2002 sont des «actes administratifs» qui lient l'État et qui sont susceptibles d'engager sa responsabilité devant les tribunaux administratifs. Ainsi le juge administratif appréhende tout comportement de l'administration au travers des actes administratifs qui en résultent, quelle qu'en soit la forme, qu'ils fassent grief ou non, et dont les effets résultent soit d'une modification de l'ordonnancement juridique soit d'une affectation de la situation personnelle du plaignant. BT a également soumis à la Commission le 26 mai 2004 une autre étude (63) dont la conclusion est également que les déclarations de l'État constituent l'expression d'un engagement formel, précis et irrévocable de l'État, le cas échéant juridiquement sanctionnable au travers de la mise en jeu de la responsabilité de l'État si celui-ci avait commis une faute en ne respectant pas ses engagements envers FT.

(77)

BT précise qu'il n'y a donc aucun doute sur le fait que les mesures en cause ne sont pas constitutives d'une aide psychologique — comme l'ont affirmé les autorités françaises — mais d'une garantie liant juridiquement leur auteur.

(78)

BT précise enfin sur ce point que le caractère liant des déclarations faites par l'État au titre de la garantie est confirmé par une circulaire du ministère de l'économie et des finances du 22 juillet 2003 qui fait expressément référence à l'existence de garanties implicites (64).

(79)

En ce qui concerne l'avance d'actionnaire et l'opération de renforcement des fonds propres, BT soutient que, d'une part, l'ouverture d'une ligne de crédit de 9 milliards d'euros au bénéfice de FT et, d'autre part, l'engagement irrévocable de l'État de participer à une future augmentation de capital à hauteur de sa quote-part dans FT suivie de l'opération de recapitalisation en tant que telle, sont la mise en œuvre de la garantie de l'État et sont financés par des ressources d'État. A ce propos, BT ajoute que le recours à l'ERAP dans l'octroi, par les autorités françaises, d'une ligne de crédit de 9 milliards d'euros au bénéfice de FT n'altère en rien l'origine étatique des fonds. BT fait valoir que le recours à l'ERAP a fait bénéficier FT d'un taux d'emprunt avantageux du fait de son statut d'établissement public industriel et commercial (EPIC), d'une part, et de la garantie expresse accordée par l'État pour un montant de 10 milliards d'euros, d'autre part (65). En conséquence, les mesures en cause sont financées par des ressources provenant de l'État, et ce même si la ligne de crédit n'a finalement pas été utilisée.

(80)

Dans ses observations complémentaires en date du 11 avril 2003, BT soutient que, compte tenu de la situation financière de l'Entreprise, l'opération de recapitalisation qui a été mise en œuvre le 24 mars 2003 n'a été possible qu'en raison de l'intervention préalable des autres mesures d'aide. En conséquence, la recapitalisation constitue per se une aide d'État puisqu'elle découle directement d'une aide d'État préalable (66).

(81)

En ce qui concerne la condition relative à l'avantage, BT a fait valoir que le fait générateur de la garantie se situait postérieurement à la baisse de la notation de FT par les agences de notation dans le but de restaurer la confiance du marché.

(82)

En outre sur ce point, BT précise que la garantie a eu pour effet de permettre à FT d'avoir à nouveau accès aux marchés financiers. Ainsi, la garantie a amélioré la perspective attachée à la notation de FT et lui a permis d'échapper à la classification «junk bonds». BT observe ensuite que le cours de bourse du titre de FT s'est considérablement amélioré. De surcroît, les spreads sur le marché obligataire se sont resserrés postérieurement au mois de juin 2002 et FT a été en mesure d'étaler sa dette et de faire face au mur de liquidité. BT souligne que non seulement la garantie a rendu possible le recours même de FT au marché financier mais a aussi permis aux émissions obligataires d'être effectuées à un taux ne reflétant pas la situation financière réelle de FT.

(83)

BT relève plus précisément, dans ses observations du 11 avril 2003, que l'annonce et la mise en œuvre du soutien de l'État ont engendré une aide à l'origine d'avantages liés à l'avance d'actionnaire et à la recapitalisation. Ces avantages ont notamment eu pour effet d'éloigner le mur de liquidité, c'est-à-dire d'augmenter le montant des moyens de financement pour faire face aux échéances de la dette, de permettre un décalage réel et potentiel de trésorerie exigible et une économie réelle et potentielle de coûts.

(84)

En conclusion sur ce point, BT soutient que l'avantage perçu par FT s'élève à plus de 40 milliards d'euros (3 milliards d'euros concernant l'ensemble des mesures de soutien de l'État français au bénéfice de FT et 36,7 milliards d'euros concernant la participation de l'État à la recapitalisation de FT) et que ce montant fait abstraction de l'importante latitude conférée à FT du fait de l'éloignement de toute préoccupation financière, le mur de liquidité étant éloigné de près de 43 milliards d'euros.

(85)

Dans son complément d'observations en date du 7 janvier 2004, BT a également précisé que l'avantage dont bénéficie FT du fait de l'engagement de soutien irrévocable de l'État serait chiffrable à plus de 30 milliards d'euros alors que l'avantage tiré de l'opération de recapitalisation serait chiffrable à plus de 50 milliards d'euros.

(86)

En ce qui concerne le principe de l'investisseur privé avisé, BT fait valoir que les mesures de soutien ne sont pas conformes à ce principe pour les raisons suivantes:

a)

Engagement inconditionnel illimité: BT rappelle que les déclarations de l'État constituent un engagement juridique ferme et inconditionnel qu'un investisseur n'aurait jamais pris sans formuler la moindre réserve. Il s'agit ainsi d'une garantie illimitée accordée à une entreprise extraordinairement endettée et fragile à court terme. Selon BT, la mesure en cause ne remplit pas les critères mentionnés par la communication de la Commission sur l'application des articles 87 et 88 du traité CE aux aides d'État sous forme de garanties (67) (ci-après «la communication sur les aides d'État sous forme de garantie») dans la mesure où, notamment, FT était en difficultés financières lors de l'octroi de la garantie, et où cette dernière ne porte sur aucune opération précise et ne donne lieu à aucune rémunération. FT a donc obtenu des avantages qu'elle n'aurait pas obtenus dans des conditions normales de marché.

b)

Conditions de l'octroi de l'avance d'actionnaire: BT avance que le mécanisme adopté par l'État répond dans son ensemble à une préoccupation relevant des finances publiques (le respect des critères de Maastricht notamment), et non pas du comportement d'un investisseur avisé en économie de marché. En effet, le remboursement de l'emprunt souscrit par l'ERAP pour le compte de l'État afin de participer à la recapitalisation n'est pas assuré. Ainsi le mode de remboursement envisagé au premier chef est lié à la cession de titres, ce qui est un gain potentiel et ne saurait pour cette raison conférer à l'investissement en cause un caractère «avisé». BT fait valoir que la garantie octroyée par l'État français à l'ERAP à hauteur de 10 milliards d'euros a permis à l'ERAP de réunir les fonds nécessaires à l'octroi de la ligne de crédit dans des conditions avantageuses, c'est-à-dire à un taux de 3,375 %. Tout investisseur privé avisé aurait effectué une telle opération à un coût supérieur pour lequel il aurait exigé des garanties spécifiques liées aux actifs de l'entreprise.

c)

Recapitalisation: En substance sur l'engagement de la part des autorités françaises de recapitaliser FT et l'opération de recapitalisation elle-même, BT fait valoir que le principe de l'investisseur privé avisé n'est pas respecté en l'espèce car l'État s'est engagé à participer à la recapitalisation de FT le 12 juillet 2002, soit antérieurement à l'existence du plan Ambition 2005, sans connaître la situation économique exacte de FT, qui était fortement dégradée et sans la participation concomitante d'investisseurs privés. A ce propos BT souligne les points suivants:

situation financière de l'entreprise: BT souligne que la santé financière de l'opérateur historique au moment de la prise de décision d'investir lui interdisait de recourir aux investisseurs privés sans le soutien de l'État (70 milliards d'euros de pertes, des fonds propres négatifs de 8 milliards d'euros, des échéances de remboursement de dettes s'élevant à 50 milliards d'euros pour les trois prochaines années). De plus, le plan présenté par M. Bon à cette époque n'apparaissait pas pertinent au regard du marché et avait été suivi de la dégradation de la note de FT par les agences de notation. BT précise que cette situation était reflétée par la déclaration de Thierry Breton devant la commission des finances du Sénat (68).

rendement de l'opération: BT relève que la période pour calculer le retour sur l'investissement débute au plus tôt le 12 juillet 2002, date de la première déclaration de l'État ayant pour effet de l'engager juridiquement vis-à-vis de FT comme de ses créanciers et se termine au plus tard les 4 et 5 décembre 2002, dates auxquelles a été rendu public le plan Ambition 2005 et a été ouverte la ligne de crédit de 9 milliards d'euros. BT fait valoir que le rendement raisonnable qu'un investisseur privé avisé aurait été en droit d'attendre dans un tel cas de figure ne peut être calculé de façon fiable. Ainsi, la recapitalisation de FT ne peut être comparée à aucune autre opération financière compte tenu de l'ampleur de la crise de liquidité traversée par l'Entreprise. De ce fait, l'État n'a pas été en mesure d'apprécier son risque en procédant à un calcul de probabilité et était confronté à une incertitude radicale (c'est-à-dire un risque non probabilisable) quand il a décidé de garantir FT: ainsi, tant le niveau de risque que la rentabilité n'étaient pas quantifiables. BT précise qu'en tout état de cause, l'investissement ne pouvait être qualifié de raisonnable. En particulier, une projection sur la valorisation boursière de FT et sur le retour sur investissement attendu par un investisseur privé montre que l'investissement n'est pas raisonnable. Conformément à la méthode utilisée par la Commission pour mesurer la nature avisée d'un investissement, le retour sur investissement qu'un investisseur avisé aurait exigé, compte tenu en particulier des risques liés à cette opération, pourrait être estimé à un minimum de 30 % à 40 %. Ce taux est le taux minimum qui avait été exigé par la Commission dans les affaires Alitalia (69) et Iberia (70). Or, selon les méthodes utilisées par BT, c'est-à-dire EPS (Enterprise value ou Analysts target price 12 months), le retour sur investissement dans l'opération en cause ne serait que de 16 %. Par ailleurs, l'État ne peut compter sur une rémunération en termes de dividendes car FT a annoncé qu'il n'en distribuerait pas. De manière générale, BT précise qu'il ne convient pas de faire une analyse ex post des résultats positifs de FT dans l'appréciation du principe de l'investisseur avisé. Ainsi, un investisseur privé ne se serait jamais engagé financièrement sans formuler la moindre réserve alors même que le montant total des dettes du groupe FT n'était pas arrêté. BT ajoute à cet égard que, conformément à la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés européennes, il ne peut être soutenu que les engagements pris par l'État envers FT sont le reflet du comportement d'un investisseur avisé au seul motif que FT serait devenue une entreprise rentable.

différence de situation entre un investisseur privé et l'État: BT fait valoir que compte tenu de la situation de crise prolongée de l'économie mondiale et plus particulièrement d'un secteur des télécommunications en phase de transition, et compte tenu de l'importance de la somme en cause, aucun investisseur privé n'aurait pu envisager une augmentation de capital de ce montant et sans condition, et que seul un État disposant de la qualité de signature de la France aurait pu assumer cette incertitude. BT a ainsi relevé que le financement du renforcement des fonds propres, assuré à 100 % par la dette sans aucun fonds propres, aurait pesé sur la notation de tout investisseur privé qui aurait procédé de même alors qu'à l'inverse, un État ne peut être sanctionné que par les électeurs, lesquels n'ont pas les mêmes objectifs. Les prêteurs et actionnaires de l'investisseur privé auraient demandé que l'investissement en cause soit sécurisé par un plan d'affaires comportant des engagements précis, dont des cessions d'actifs. BT conclut qu'en tout état de cause, un investisseur avisé dont les capacités financières seraient comparables à celle de l'État français et qui émettrait une telle garantie, n'aurait pas inspiré beaucoup de confiance aux marchés et qu'il est clair que c'est au regard de la qualification de «dette souveraine» dont bénéficient les engagements de l'État que la confiance a été restaurée.

critère de concomitance: BT avance que le principe de concomitance n'a pas été respecté. En effet, la date de la prise de décision d'investir de la part des autorités françaises remonte au 12 juillet 2002 et les difficultés financières de l'Entreprise, à cette date, permettent à elles seules de considérer que la recapitalisation est une aide d'État, d'autant que l'État a pris sa décision d'investir sans connaître la situation économique et financière exacte de FT et préalablement à la préparation du plan de financement. BT fait valoir que la participation des investisseurs privés n'était ni certaine ni significative lors de l'annonce, par le gouvernement, de sa participation à l'augmentation de capital, et ce même si l'analyse de la date de la prise de décision d'investir est repoussée au 5 décembre. Selon la jurisprudence de la Cour de Justice, lorsque les investisseurs ne sont disposés à intervenir qu'après que les autorités ont décidé d'accorder une aide, le fait que ces investisseurs privés soient alors disposés à intervenir en même temps n'est plus pertinent. Une telle intervention est la conséquence du soutien donné par l'État et non le résultat d'une décision d'un investisseur privé. Ainsi, en l'espèce, le fait qu'un syndicat bancaire se soit engagé à se porter garant de la bonne fin de l'opération ne peut être retenu pour conclure que le principe de concomitance est respecté. La décision d'investir de la part des autorités françaises est ferme et inconditionnelle alors que celle des investisseurs privés ne l'est pas, et les investisseurs privés n'ont apporté leur contribution qu'après avoir reçu, à plusieurs reprises et de manière certaine, l'assurance que l'État participerait lui aussi à l'opération et surtout qu'il prendrait toutes les mesures permettant à FT d'éviter tout problème de financement. En tout état de cause, BT fait valoir que conformément à la jurisprudence relative à la décision Seleco visée au considérant 80, une participation significative de la part d'investisseurs privés ne suffit pas en elle-même à exclure tout élément d'aide. BT soutient également que l'investissement de l'État est supérieur au montant de sa participation dans le capital de FT. BT fait enfin valoir que le montant très élevé des commissions bancaires permet, en deçà de la décote, de réduire le prix de revient de la souscription des actions.

(87)

En ce qui concerne l'affectation de la concurrence, BT fait notamment valoir que les mesures en cause ont eu pour effet d'affecter la concurrence sur le marché des télécommunications mobiles. En substance, BT fait référence au fait que l'origine de l'ampleur de la dette de FT est le développement des activités des télécommunications mobiles. Ainsi, Orange ne supporte pas la dette liée à ses acquisitions, laquelle est intégralement supportée par la société mère. Doté des moyens de faire face à sa dette grâce aux mesures en cause, FT permet à Orange de conforter et de développer sa place sur les marchés des télécommunications mobiles. BT rappelle qu'Orange est en position dominante sur le marché français de la téléphonie mobile avec une part de parc installé de 49,8 %. BT précise dans ses observations en date du 11 avril 2003 que l'origine de la structure du marché des télécommunications mobiles en France résulte d'une stratégie d'investissement capitalistique menée par Orange (notamment une stratégie commerciale agressive) au détriment de sa rentabilité opérationnelle, grâce au soutien qui lui est accordé par l'État par l'intermédiaire de FT, notamment par les aides en cause dans la présente affaire. BT souligne également que les mesures en cause affectent la concurrence sur l'ensemble du marché des télécommunications et dissuadent les opérateurs étrangers de venir proposer leurs services en France. La France est ainsi le seul pays européen où aucun opérateur mobile «étranger» n'a pu s'implanter.

(88)

En ce qui concerne la compatibilité de ces mesures au sens des lignes directrices, BT fait valoir que les mesures de soutien ne présentent pas le caractère exceptionnel requis pour être qualifié d'aide au sauvetage au sens des lignes directrices. BT fait référence au fait que le plan Ambition 2005 ne satisfait pas aux exigences minimales requises par les lignes directrices. Il contient des mesures ne relevant pas d'un sauvetage, comme le recours au marché obligataire ou la recapitalisation envisagée. BT précise notamment que le montant de la recapitalisation apparaît excessif pour couvrir les seuls besoins d'exploitation de FT à court terme, à l'exclusion du remboursement des crédits souscrits à l'occasion de son développement. BT fait également valoir que le plan Ambition 2005 n'est pas un plan de restructuration de nature à modifier la structure de FT en vue d'améliorer sa rentabilité, mais se limite à augmenter les liquidités de l'Entreprise afin de pallier ses difficultés actuelles. BT insiste aussi sur le fait que les mesures en cause apparaissent faibles en comparaison de celles qui ont été prises par les concurrents de l'opérateur historique, ce notamment KPN, Deutsche Telekom ou British Telecom, tant au niveau des cessions d'actifs que des mesures sociales.

(89)

Par ailleurs, le plan de restructuration ne contient pas de contreparties substantielles permettant de prévenir des distorsions de concurrence indues afin de compenser l'aide accordée par l'État. BT relève notamment l'absence de cession d'actifs de valeur ou stratégiques. Ainsi, les cessions envisagées par FT sont limitées à des actifs non stratégiques et d'un montant très faible (3,5 milliards d'euros selon les estimations mêmes de FT).

(90)

A titre subsidiaire, BT soutient que des mesures compensatoires doivent être adoptées au profit des concurrents de l'opérateur historique sur le marché des télécommunications mobiles, et particulièrement au profit du dernier entrant dont la présence est la condition de l'existence d'une véritable concurrence sur le marché français. BT propose notamment comme mesures compensatoires au sens des lignes directrices d'interdire à Orange de proposer des tarifs inférieurs à ceux de ses concurrents pour des offres de services équivalents, et ce pour une durée de 5 ans, et d'imposer une autolimitation des parts de marché mensuelles d'Orange à 33 % jusqu'à ce que la part de marché nette d'Orange soit ramenée à 40 %. BT propose également la limitation de la durée des engagements souscrits par les consommateurs vis-à-vis d'Orange à 12 mois (acquisition et renouvellement), le gel du déploiement du réseau GSM et GPRS d'Orange afin de rétablir un équilibre concurrentiel, l'obligation de céder des actifs stratégiques, et l'obligation de limiter les actions de marketing.

(91)

Dans ses observations en date du 26 mai 2004, BT a fourni notamment une analyse économique qui précise que compte tenu de l'attitude spécifique des Etats (variable selon leur crédibilité propre), le soutien de l'État a, substantiellement une portée différente de celle d'un actionnaire majoritaire. L'analyse souligne également que l'intervention étatique s'inscrit dans une longue tradition et que cette intervention se juge sur la base d'une réputation déjà établie. Selon BT, il est manifeste que l'État, en soutenant FT, engage sa réputation, et donc son aptitude à intervenir à nouveau en faveur d'autres entreprises françaises. L'analyse souligne également que la question de la crédibilité de l'État français est à mettre en relation avec la spécificité française en matière de privatisation. Une défaillance dans son soutien aurait privé l'État d'une capacité à agir ultérieurement, ce qui a été rapidement fait concernant Alstom.

(92)

BT a également fourni une analyse sur le point de savoir si les déclarations de l'État avaient un effet contraignant selon le droit de l'État de New York, État dans lequel l'Entreprise est également cotée. Selon cette analyse, il est probable que de telles déclarations seraient considérées comme contraignantes soit comme contrat unilatéral, soit en vertu du principe de l'estoppel.

(93)

BT a également fourni une étude sur le point de savoir si de telles déclarations émanant du gouvernement anglais auraient un caractère contraignant en droit anglais. La conclusion de cette étude est que de telles déclarations seraient contraignantes ou imposeraient à l'État la charge de justifier un changement de position.

4.6.   Observations de Cable & Wireless

(94)

Cable & Wireless a observé que les mesures en cause constituent une aide d'État. La confiance du marché suite à l'annonce de l'octroi de l'avance d'actionnaire par les autorités françaises a suffi à octroyer un avantage à FT. Dans la mesure où un investisseur privé avisé n'aurait pas pris la décision de recapitaliser une entreprise comme FT, laquelle était clairement inefficiente préalablement à l'adoption du plan Ambition 2005, cette dernière a bénéficié d'un avantage qu'elle n'aurait pas obtenu dans des conditions normales de marché. Cable & Wireless a également fait valoir le précédent dangereux que constituerait le fait de laisser un gouvernement garantir tout les problèmes financiers des entreprises publiques et la dynamique négative qui en résulterait pour la concurrence. Cable & Wireless a d'ailleurs ajouté que ces mesures ne peuvent être considérées comme compatibles au sens des lignes directrices. Etant donné que l'Entreprise n'est pas en difficulté financière, les lignes directrices ne sont pas applicables.

4.7.   Observations de l'AFORS Télécom

(95)

L'AFORS Télécom (Association française des Opérateurs de Réseaux et Services de Télécommunications) a observé que les mesures en cause constituent une aide d'État et, plus précisément, elle a fait valoir ce qui suit:

(96)

Par une série de décisions progressives durant l'année 2002 — dont l'option de l'État pour une rémunération des dividendes 2002 en actions et non en numéraire — jusqu'à l'ouverture d'une ligne de crédit de 9 milliards d'euros mise à disposition de FT, via l'ERAP, les autorités françaises ont restauré la confiance des investisseurs en concrétisant leur soutien. L'AFORS Télécom fait également valoir que, même dans l'hypothèse où la ligne de crédit ouverte par l'ERAP ne serait jamais utilisée par FT, elle symbolise la garantie d'un soutien de l'État et mobilise à ce titre des ressources d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité.

(97)

Les conditions d'octroi de la ligne de crédit et ses conditions de rémunération ne remplissent pas les critères du principe de l'investisseur privé avisé. L'AFORS Télécom fait valoir que les dérives financières de FT depuis l'année 2000 n'auraient pu intervenir en présence d'un investisseur avisé. Ainsi, l'État n'a pas assumé son rôle de «garde-fou» et a permis à FT d'augmenter sa dette dans des proportions inégalées. L'AFORS Télécom observe que la stratégie d'acquisitions passée de FT a été menée sans prendre la mesure des risques inhérents puisque l'État en tant qu'actionnaire assurait FT de son soutien contre toute perspective de faillite.

(98)

Le soutien de l'État a eu pour effet d'empêcher toute dégradation supplémentaire de la note de FT par les agences de notation, ce qui a permis d'accélérer le retour de FT sur le marché et le refinancement de sa dette à des conditions financières moins lourdes. FT a bénéficié d'un avantage que l'AFORS Télécom chiffre à 1,5 milliard d'euros (71). Ainsi, c'est la crédibilité de l'État français, doté d'une excellente qualité de signature, et non celle du plan de restructuration, qui a déterminé les conditions de retour de FT sur les marchés financiers. Par ailleurs, le soutien de l'État a eu l'avantage de dispenser FT de modifier son périmètre stratégique.

(99)

Le plan Ambition 2005 est constitué d'orientations et non d'engagements clairement définis, contraignants et irréversibles et ne saurait être comparé avec les processus de restructuration mis en œuvre en Europe, et notamment par British Telecom.

(100)

Les avantages retirés par FT prolongent les distorsions de concurrence préjudiciables aux membres de l'AFORS Télécom. Selon l'AFORS Télécom, l'aide octroyée par l'État français renforce les pratiques anti-concurrentielles déjà existantes et qui sont très préjudiciables aux opérateurs alternatifs. L'AFORS Télécom mentionne notamment l'utilisation exclusive du réseau de distribution de FT par Orange et Wanadoo, les offres de dégroupage qui profitent systématiquement à Wanadoo et à FT, la position de monopole détenue par FT sur le marché des services à revenus partagés (fourniture aux consommateurs de contenus à valeur ajoutée accessibles par téléphone). L'AFORS Télécom fait ensuite valoir le risque réel d'un prolongement de ces comportements que permettrait l'aide d'État.

(101)

Des contreparties devraient être imposées à FT visant, d'une part, à obtenir que le comportement de l'État soit analogue à celui d'une entreprise devant restaurer ses capacités financières sans bénéficier d'une aide exceptionnelle et, d'autre part, à restaurer une concurrence équitable. Il s'agit notamment de (i) restreindre les investissements de FT à ceux d'une entreprise endettée, c'est-à-dire par exemple de limiter la politique d'investissement globale de FT aux investissements dont la durée de retour sur investissement est inférieure à 12 mois pour les activités de détail ; (ii) mettre en place des structures transparentes entre chaque activité du groupe; et (iii) empêcher l'affectation de l'aide d'État à une guerre tarifaire, par exemple par la publication systématique de ses offres de détail sur mesure.

4.8.   Observations de Cégétel

(102)

Cégétel maintient qu'il existe deux mesures d'aides distinctes: (i) d'une part, l'annonce, par les autorités françaises, de l'octroi d'une avance d'actionnaire au bénéfice de FT et (ii) d'autre part, la participation de l'État à la recapitalisation de FT.

(103)

En ce qui concerne la première mesure, Cégétel affirme à titre préalable que la situation d'une entreprise ayant un actionnaire de référence privé et celle d'une entreprise ayant un actionnaire majoritaire public ne pouvaient être comparées. Cégétel a précisé qu'une annonce similaire faite par un actionnaire privé aurait été accueillie avec la plus grande prudence par les agences de notation et aurait conduit celles-ci à s'intéresser de près aux modalités de refinancement par l'actionnaire en cause de la ligne de crédit ainsi mise en place. Cégétel en tire la conclusion que le seul fait d'être adossé à l'État emporte un avantage considérable vis-à-vis des investisseurs et a empêché toute dégradation supplémentaire de la note de FT par les agences de notation alors même que l'opérateur se trouvait à priori dans une situation insoluble. Cégétel soutient qu'il est justifié que la Commission considère que l'État français a accordé une aide à FT avant même la signature d'une convention d'octroi d'une ligne de crédit d'un montant de 9 milliards d'euros car l'annonce du soutien a été suffisante pour rendre inutile ce financement d'urgence. Ainsi, les prêteurs avaient la certitude que FT ne pourrait jamais être en défaut de paiement parce que l'État serait toujours prêt à lui octroyer les fonds nécessaires pour qu'il puisse honorer ses engagements, ce qui a permis à FT d'obtenir directement des financements sur le marché. Cégétel conclut sur ce point que les déclarations gouvernementales ont été formulées pour que les marchés aient la certitude que prêter de l'argent à FT était strictement équivalent à prêter de l'argent directement à l'État. FT a ainsi pu bénéficier d'avantages qu'elle n'aurait pas obtenus dans des conditions normales de marché, notamment en comparaison avec la situation de Vivendi Universal. Le recours au marché obligataire lui a permis d'éviter de recourir exclusivement à des établissements financiers pour faire face à sa crise de liquidité et de subir toutes les contraintes liées à ce type de financement. Cégétel soutient que les conditions d'octroi de la ligne de crédit par les autorités françaises ne sont pas conformes à celles octroyées par un investisseur avisé vis-à-vis d'une de ses participations. Plus particulièrement, un investisseur avisé n'aurait jamais accepté la politique de financement des acquisitions par endettement qui a conduit FT à une situation financière critique telle que l'État doive procéder à une recapitalisation. Cégétel fait référence à la décision Crédit Lyonnais II, dans laquelle la Commission précise que des mesures d'aide ne sauraient être justifiées par les carences de l'État actionnaire pendant de nombreuses années (72). Par ailleurs, selon Cégétel, le choix de faire transiter les aides par l'ERAP ne traduit pas un comportement d'investisseur avisé. A ce sujet, Cégétel note particulièrement le taux d'intérêt applicable aux tirages de l'avance, et l'absence de sûretés et de garanties. Concernant le chiffrage de l'aide relatif à l'avance d'actionnaire, Cégétel soutient que le point 3.2 quatrième alinéa, de la communication sur les aides d'État sous forme de garanties s'applique et que, compte tenu du fait que, grâce au soutien de l'État, FT a pu emprunter 16 milliards d'euros pour faire face à ses échéances alors même que la situation financière de FT était catastrophique, le montant de l'aide équivaut au montant levé grâce à cette annonce.

(104)

Cégétel soutient que le même raisonnement est applicable à la recapitalisation, qu'elle analyse, d'un point de vue économique, comme la remontée de 9,2 milliards d'euros de dettes de FT vers l'ERAP, lequel bénéficie de la garantie de l'État. Cégétel comptabilise l'intégralité de ce montant comme aide. Elle met également l'accent sur le montant de l'aide correspondant aux coûts de licenciement qu'une entreprise aurait dû supporter en termes de réduction d'effectifs, c'est-à-dire 1,5 milliard d'euros, et que l'opérateur historique ne supporterait pas, en raison du transfert des fonctionnaires de FT vers l'administration publique prévu par le plan Ambition 2005.

(105)

Par ailleurs, Cégétel soutient que FT bénéficie d'une garantie formelle dans la mesure où la Cour de Cassation considère que les entreprises de droit privé dotées d'un statut législatif spécial ne sont pas soumises aux procédures de liquidation judiciaire applicables (par exemple, la SEITA ou Air France). Ainsi, en vertu de cette jurisprudence, FT doit être regardée comme échappant au régime de droit commun. Cégétel reconnaît que FT ne bénéficie plus de son statut d'EPIC depuis 1996 mais fait observer qu'en réalité la garantie n'a pas disparu car les autorités de l'État se sont employées, par leurs déclarations réitérées, à convaincre les marchés que FT conserverait en toutes circonstances le soutien de son actionnaire de référence et que si cela était nécessaire, l'État aiderait l'opérateur à faire face à ses échéances (73).

(106)

Cégétel soutient, enfin, que les mesures ne peuvent être considérées comme compatibles au sens des lignes directrices. Cégétel rappelle que selon les lignes directrices, lorsque l'État procède à une injection de capital dans une entreprise en difficulté, «il doit être considéré comme probable que les transferts financiers contiennent des éléments d'aide d'État» (74). Cégétel précise que les contreparties prises par FT ne sauraient être considérées comme suffisantes au regard des lignes directrices. Ainsi, le plan Ambition 2005 ne contient aucun volet spécifique relatif à des cessions d'actifs ou à un plan social. A titre subsidiaire, Cégétel propose notamment les contreparties suivantes sur le marché des télécommunications fixes: (i) la revente des services d'accès à la boucle locale et des services associés ainsi que (ii) le renforcement du cloisonnement de FT et des sociétés Orange et Wanadoo.

4.9.   Observations de LDCOM (75)

(107)

LDCOM identifie un double mécanisme d'aide au soutien de FT, supporté par un soutien à la mobilité des effectifs: (i) l'octroi d'une garantie illimitée; et (ii) l'octroi d'une ligne de crédit de 9 milliards d'euros.

(108)

L'octroi de la garantie illimitée: LDCOM se base sur le contenu des déclarations des autorités françaises parues depuis le 20 juin 2002 dans la presse, dans des communiqués de presse du ministère des finances et de l'économie et communiquées directement ou indirectement aux agences de notation. Ces déclarations, qui visent à rassurer les marchés financiers sur la situation de FT (76), ont contribué directement à l'amélioration de la note de FT sur les marchés et lui ont permis de faire face au mur de liquidité auquel l'Entreprise était confrontée. Selon LDCOM, l'intervention de l'État est susceptible de recevoir plusieurs qualifications juridiques. En ce qui concerne le droit français, elle rappelle qu'aucune forme n'est requise pour la création d'une obligation de droit et qu'une déclaration orale peut donc, sous certaines conditions, constituer un acte juridique créateur de droit pour son destinataire. En effet, la force obligatoire de l'acte unilatéral repose sur la théorie de l'engagement par volonté unilatérale qui constitue une source du droit des obligations. Cette obligation naît à la double condition du caractère ferme et précis de la volonté. LDCOM affirme également que la responsabilité de l'État ressort notamment, en droit des sociétés, de l'analyse de la théorie du mandat apparent et du dirigeant de fait, notamment, en ce qui concerne le dernier point, pour avoir directement contacté les agences de notation. Quant au droit international, la responsabilité contractuelle de l'État est également engagée dans la mesure où un acte juridique unilatéral a force obligatoire lorsqu'il peut être démontré que la déclaration a été exprimée publiquement et dans l'intention de lier son auteur (77). Ainsi, une simple déclaration orale et publique effectuée par un État peut donc créer à sa charge une obligation juridique. En l'espèce, selon LDCOM, le contenu des déclarations lie les autorités françaises car la lettre de ces déclarations constitue un engagement unilatéral de l'État clair et non équivoque à être le prêteur en dernier ressort de FT et à ne pas laisser cette dernière dans la crise financière qu'elle connaissait lors de l'été 2002. L'engagement de l'État ayant un caractère contraignant, tout manquement à cet engagement est susceptible d'engager sa responsabilité contractuelle (les tiers auraient pu forcer l'État à exécuter son engagement).

(109)

LDCOM a affirmé que la responsabilité délictuelle de l'État était également engagée, et ce notamment au regard du droit des sociétés. Ainsi, une société qui donne l'apparence de prendre en charge les dettes d'une autre société fait naître une créance à son égard dans le patrimoine des tiers. Or, selon LDCOM, l'État, par ses déclarations, a apporté aux tiers la garantie qu'il prendrait en charge la dette de FT arrivant à échéance. Plus précisément, LDCOM soutient que les déclarations de l'État selon lesquelles il «contribuera[it] pour sa part, au renforcement très substantiel des fonds propres de l'entreprise (78)» font naître à sa charge une obligation entraînant en elle-même sa responsabilité juridique et financière (79). Selon la doctrine: «si l'État ne respectait pas l'engagement ainsi pris, sa responsabilité serait incontestablement engagée devant les juridictions administratives, juge du contentieux des promesses non tenues de l'État» (80). Par ailleurs, LDCOM a précisé que l'article L465-1, troisième alinéa, du Code monétaire et financier réprime les personnes qui faussent le jeu normal du fonctionnement des marchés par des actions illicites qui influencent l'évolution du cours de bourse. En conséquence, selon LDCOM, l'incidence de cette qualification montre bien que l'État n'entendait nullement procéder à une annonce de faits hypothétiques futurs mais qu'il annonçait effectivement sa conduite future.

(110)

Selon LDCOM, la jurisprudence communautaire confirme également que tout article de presse, émanant de l'entreprise intéressée en cause ou du gouvernement, qui a un caractère inconditionnel démontre nécessairement la mise à disposition de ressources étatiques (81). Or, en l'espèce, les déclarations émanent directement du gouvernement et ont un caractère inconditionnel.

(111)

Il résulte de ce qui précède que les déclarations juridiquement et financièrement contraignantes de soutien des autorités françaises effectuées dès le 2 juin 2002 s'apparentent à une garantie dont l'objet est l'absence de faillite de FT et sa survie dans son périmètre d'activités existant. Il s'agit, selon LDCOM, d'une garantie illimitée. LDCOM précise que ce n'est donc pas seulement la mise à disposition d'une ligne de crédit et le montant ainsi octroyé mais bien l'annonce même de cette mise à disposition qui constitue une aide. Conformément à la communication sur les aides d'État sous forme de garanties, le critère relatif aux ressources d'État est rempli, que la garantie soit appelée ou non. Considérant que les mesures en cause ne remplissaient pas les critères de ladite communication, aux motifs que FT ne pouvait alors trouver les fonds nécessaires sur les marchés, LDCOM observe que les mesures en cause constituent une aide. LDCOM a fait également valoir que «compte tenu des montants en jeu, seul l'État pouvait être à même de fournir une telle garantie, aucun investisseur avisé ne pouvant assurer la crédibilité envers les marchés de la “reprise en main” de FT» (82). Enfin, LDCOM souligne que toute analyse contraire serait lourde de conséquence dans la mesure où non seulement elle serait contraire aux principes du droit positif interne, mais elle ouvrirait en outre la possibilité aux Etats membres de soutenir impunément le cours des sociétés dans lesquelles ils détiennent une participation (83).

(112)

L'effet de cette garantie illimitée trouve clairement des répercussions sur le marché et la réaction du marché correspond à la valeur que les investisseurs attribuent effectivement à cette garantie. Ainsi, le cours de bourse de l'action de FT a augmenté dès juillet 2002, entraînant une augmentation de la valeur boursière de l'opérateur. LDCOM avance que la valorisation ainsi créée par l'annonce de l'État représente 5,9 milliards d'euros. De même, les spreads  (84) de FT ont commencé à s'améliorer dès le mois de juillet 2002, diminuant ainsi la charge financière de l'opérateur et permettant la reconstitution de sa capacité financière. Cet écart de spreads permet d'évaluer concrètement le poids financier de l'annonce de l'État. Cet écart doit par ailleurs être rapporté à l'ensemble de la dette de FT financée par le biais d'emprunts obligataires. L'écart de spreads, selon le cas retenu, varie de 2 à 3 %, soit une économie annuelle de 1,37 milliard d'euros à 2,05 milliards d'euros. En prenant pour hypothèse que FT maintiendra un niveau d'endettement constant et par conséquent que la dette sera financée à perpétuité, LDCOM évalue l'impact de l'économie ainsi réalisée à un montant allant de 19,57 milliards d'euros à 29,36 milliards d'euros. Par ailleurs, le soutien de l'État a permis à FT de se refinancer sur les marchés obligataires à des conditions plus avantageuses que celles qu'elle aurait obtenues au préalable.

(113)

Annonce de la mise à disposition de la ligne de crédit d'un montant de 9 milliards d'euros: LDCOM n'a pas repris l'analyse de cette mesure au regard de l'article 87, paragraphe 1, du traité, et renvoit à l'analyse de la Commission dans sa décision d'ouverture en insistant sur le rôle de l'ERAP.

(114)

Selon LDCOM, le soutien de l'État ne peut se réclamer du critère de l'investisseur avisé, tant par son montant que par ses modalités ou son objectif même. Ainsi, aucun investisseur avisé n'aurait, en septembre 2002 (date à laquelle l'État a annoncé qu'il soutiendrait FT financièrement), avancé 9 milliards d'euros dans de telles circonstances économiques sans se baser sur un plan de restructuration. LDCOM a par ailleurs expliqué qu'aucun investisseur privé n'aurait eu la capacité financière de mobiliser de telles sommes en un temps aussi limité. LDCOM a également précisé que, pour un investisseur privé, le maintien de l'intégrité de la structure opérationnelle d'un groupe est un moyen au service de l'objectif de rentabilité de son investissement. En l'espèce, il s'agit pour les autorités françaises d'une fin en soi. Il est compréhensible que l'État ait des considérations sociales et politiques mais une telle appréciation dans son intervention violerait le principe d'égalité entre secteurs public et privé.

(115)

Par ailleurs, selon LDCOM, la position de l'État selon laquelle un investisseur avisé majoritaire n'aurait pas remis en cause l'intégrité fonctionnelle de FT ne résiste pas à l'analyse du comportement d'un tel investisseur dans les conditions réelles de marché qui existaient en juin–juillet 2002. Ainsi, les investisseurs ayant placé une part extrêmement importante de leurs avoirs dans une entreprise risquant de connaître une défaillance vont, les premiers, exiger une révision radicale et immédiate de la stratégie pouvant, le cas échéant, comporter des cessions massives d'actifs stratégiques. La pertinence de cette analyse se vérifie en comparant la situation dans laquelle se serait trouvée FT sans le soutien de l'État et celle de Vivendi Universal qui s'est trouvée, sous la pression des marchés, dans l'obligation de réviser son périmètre d'actifs. Ainsi, LDCOM soutient que la Commission doit non seulement refuser de prendre comme point de départ le maintien de l'intégrité fonctionnelle du groupe, mais encore analyser les effets du maintien de celle-ci comme étant la véritable atteinte à la concurrence. LDCOM soutient qu'en juillet 2002, hors intervention étatique, FT n'aurait eu d'autre choix que de réduire son périmètre d'actifs, de licencier (85) et de revoir ses objectifs stratégiques.

(116)

LDCOM évalue le montant total de l'aide à 15 milliards d'euros, cette somme correspondant au montant que FT a réussi à lever sur les marchés financiers grâce à l'aide que lui a octroyée l'État. Ainsi, le montant de l'aide ne peut en effet se limiter aux 9 milliards d'euros directement fournis par l'État, puisque c'est par le biais des différentes interventions étatiques (garantie illimitée, avance d'actionnaire, reprise d'effectifs) que FT a pu procéder à une augmentation de capital d'un tel montant.

(117)

Selon LDCOM, l'aide mise en place par l'État constitue une aide à la restructuration. LDCOM a fait une comparaison de la situation antérieure et postérieure à l'intervention publique sur les marchés de la téléphonie vocale, de l'accès internet haut débit et de l'accès internet bas débit, et de la situation qui aurait prévalu en l'absence d'intervention publique. Cette comparaison confirme que l'aide a bien eu pour effet de maintenir le statu quo ante à l'horizon 2005 (capacités opérationnelles et de marketing intactes), ce qui permet par déduction de quantifier en termes de parts de marché certains des effets de l'intervention publique. LDCOM a notamment proposé, au titre du point 35 des lignes directrices, d'imposer à FT des remèdes dont l'effet devra être de rétablir le marché dans la situation dans laquelle il aurait été si FT avait été contrainte de procéder spontanément à une modification de son périmètre d'activités. Dans la mesure où l'État s'est donné, selon LDCOM, comme objectif premier de maintenir FT comme opérateur intégré de télécommunications, les principaux marchés affectés sont celui de la téléphonie mobile et celui de la téléphonie fixe, tant en amont (interconnexion, accès DSL) qu'en aval (vente au détail de communications, accès internet par DSL notamment). LDCOM a proposé en conséquence que la Commission prenne des mesures comportementales de nature à limiter la distorsion de concurrence ainsi induite et à permettre aux opérateurs alternatifs de disposer des conditions dont ils auraient dû bénéficier en l'absence d'aides. LDCOM propose donc la réduction des parts de marché de FT et de ses filiales sur le marché de l'internet haut débit (maximum de 42 % du marché de la vente d'accès internet haut débit par DSL — en valeur) et sur le marché des télécommunications vocales (maximum de 55 % du marché des communications locales, vocales et nationales — en valeur) ainsi qu'une série de mesures visant la mise en œuvre de la limitation des parts de marché de FT (86). La seconde catégorie de mesures proposées par LDCOM est l'imposition de mesures visant à permettre le développement de concurrents (87).

(118)

Dans ses observations du 17 mai 2004, LDCOM a précisé que les déclarations du ministre de l'économie et des finances constituaient un acte étatique unilatéral dont le non-respect serait sanctionné en droit international. LDCOM a également précisé que l'interdiction de se contredire au détriment d'autrui (estoppel) constitue un principe général du droit du commerce international qui s'impose à l'État. LDCOM précise à ce titre que son applicabilité en l'espèce est incontestable, compte tenu du fait que, en l'espèce, l'État français agit en tant qu'actionnaire et donc également comme opérateur du commerce international.

(119)

LDCOM a également souligné que l'État ne pourrait revenir sur ses déclarations sans porter atteinte à sa propre crédibilité financière. En effet, dans son intervention sur le marché, l'État à un rôle d'emprunteur et un rôle d'actionnaire majoritaire d'un certain nombre d'entreprises. Ce double rôle se traduit par une double notation de la part des agences de notation, dans sa capacité d'emprunteur et dans sa capacité d'actionnaire au travers des notations données aux entreprises publiques. Cette double possibilité d'intervention suppose une vigilance particulière car toute défaillance constatée dans l'un de ces deux rôles est susceptible d'avoir des conséquences sur son autre rôle et sur sa notation (LDCOM se réfère à l'évaluation par Moody's des entreprises publiques). LDCOM met également l'accent sur le fait que la crédibilité de l'État est fondamentalement différente de celle dont peuvent bénéficier d'autres entreprises dans une situation analogue et ne pouvant rassurer le marché (cas de Vivendi Universal). La sécurité que représentent, pour les marchés financiers, les emprunts publics français est donc la justification d'une confiance inconditionnelle accordée par les investisseurs aux déclarations de l'État, car l'État a toujours respecté ses engagements. La prise en compte du soutien de l'État suite à sa prise de contact directe avec les agences de notation, dont le rôle est d'être extrêmement critique vis-à-vis du risque inhérent à un placement financier, met en exergue la crédibilité du soutien de FT par l'État. LDCOM souligne également que la notation de l'État atteint la note maximale de Aaa car il honore ses engagements. LDCOM souligne qu'un désengagement de la part de l'État entraînerait une baisse de sa notation, ce qui entraînerait la réévaluation des intérêts de la dette publique. De même, un désengagement vis-à-vis d'une entreprise publique pourrait avoir des conséquences sur la notation de l'ensemble des autres.

4.10.   Observations de B

(120)

Selon B, la mise à disposition des fonds, assortie de l'engagement public de l'État de soutenir FT, est assimilable à l'octroi d'une garantie financière de nature à rassurer non seulement les créanciers de l'Entreprise mais également l'ensemble du marché, ce qui a contribué à améliorer la situation de FT à l'égard des marchés boursiers. Ainsi, B conclut que la mesure en cause a été consentie au moyen de ressources d'État. Etant donné que le comportement de l'État ne saurait être considéré comme celui d'un investisseur privé en économie de marché, l'Entreprise a bénéficié d'un avantage qu'elle n'aurait pas obtenu dans des conditions normales de marché. Ainsi, au moment de l'ouverture de la ligne de crédit, la situation financière de FT était telle qu'aucun investisseur avisé n'aurait procédé à une opération de ce type. De même, B soutient que le principe de concomitance n'a pas été respecté, précisant que la participation des investisseurs privés n'a été rendue possible qu'eu égard à l'annonce et à la mise à disposition d'une avance d'actionnaire dont le montant était tellement colossal qu'aucun investisseur privé n'aurait été en mesure de procéder à une telle mobilisation de fonds. B souligne que les mesures de soutien ont rassuré les investisseurs privés sur le fait que tout risque de faillite de FT était écarté. B fait également valoir que le montant de la recapitalisation de FT (d'une valeur de 80 à 100 % de sa valorisation boursière) est tel que l'on ne saurait considérer qu'un investisseur privé aurait procédé à une telle opération, au vu de la situation économique de FT, en l'absence des déclarations de soutien et des mesures de préfinancement prises par le gouvernement.

(121)

B maintient que les mesures ne peuvent être considérées comme compatibles au sens des lignes directrices. A titre subsidiaire, B a cependant proposé des mesures compensatoires, notamment sur le marché de la téléphonie fixe, sur le marché de l'accès à internet et sur le marché de la téléphonie mobile. B a également précisé les différentes atteintes portées au développement concurrentiel sur le marché français (88). Concernant le marché de la téléphonie fixe, B préconise notamment la séparation comptable et l'octroi d'une véritable économie de gestion pour les activités de réseaux de FT afin d'éviter la poursuite de pratiques anti-concurrentielles. B propose également d'imposer à FT une obligation d'information des abonnés au service téléphonique fixe sur la possibilité de choisir leur opérateur pour l'acheminement de leurs appels téléphoniques afin d'atténuer le «formidable “levier concurrentiel” que lui procure sa position quasi-monopolistique sur le marché de l'accès au réseau téléphonique et sur les marchés de l'acheminement des communications téléphoniques». Concernant le marché de la téléphonie mobile, B propose notamment l'obligation pour Orange de fournir une offre de MVNO (Mobile Virtual Network Operator) aux opérateurs souhaitant pénétrer ce marché.

4.11.   Observations de Tiscalinet

(122)

Tiscalinet fait valoir que les déclarations de l'État formulées à partir du 2 juillet 2002 signalent au marché que la mise en redressement judiciaire de FT est exclue. Parallèlement, l'option de l'État d'être rémunéré pour ses dividendes 2002 en actions et non en numéraire est un autre signal de la part de l'État à destination du marché qu'il soutient FT, alors même qu'un investisseur avisé aurait opté pour la rémunération en numéraire desdits dividendes. Tiscalinet ajoute également que l'intervention du ministère de l'économie et des finances auprès de la Caisse des Dépôts et Consignations, qui détient 5 % du capital social de l'opérateur historique, pour qu'elle bloque les titres afin de les rendre moins volatils et renforcer la confiance des investisseurs, pose la question de savoir quel investisseur privé aurait pu agir de la sorte. Tiscalinet souligne également que l'ensemble des mesures législatives visant à étendre l'objet social de l'ERAP afin de lui permettre de détenir des actions de FT (89), l'octroi d'une garantie de l'État au bénéfice de l'ERAP pour lui permettre d'investir dans FT (90) et enfin le texte sur la modalité de détention par l'État du capital social de FT consolident l'analyse du caractère irrévocable de la garantie de l'État sur laquelle se sont fondés les acteurs des marchés, et plus particulièrement les obligataires, pour souscrire aux appels successifs réalisés par FT depuis cette date. Ces éléments accréditent le fait que l'État se place en «dernier ressort» vis-à-vis de FT, opération à laquelle un investisseur avisé n'aurait pas souscrite. Selon Tiscalinet, seul l'État français était à même de mobiliser de telles ressources.

(123)

Tiscalinet soutient que la garantie donnée par l'État et la souscription à l'augmentation de capital qu'aucun investisseur privé avisé n'aurait réalisée ont permis à FT d'éviter des cessions d'actifs massives dans le seul but de conserver son périmètre d'activités et de bénéficier de taux obligataires relativement faibles par rapport à sa situation financière intrinsèque.

(124)

Les aides sont incompatibles avec les lignes directrices. Tiscalinet soutient que les conditions d'octroi d'une aide à la restructuration ne sont pas remplies, notamment parce que le plan Ambition 2005 ne contient pas de contreparties suffisantes pour préserver la concurrence. Tiscalinet relève les distorsions de concurrence entraînées par le soutien de l'État français en ce qui concerne le marché de l'accès internet haut débit. Tiscalinet soutient que FT est en mesure d'investir massivement dans certains éléments de réseau, en budget publicitaire, ce dont bénéficie Wanadoo. De plus, Wanadoo n'a pas eu à céder d'actifs majeurs et continue à bénéficier des revenus des pages jaunes ainsi que du réseau d'agences commerciales de FT. Tiscalinet a également relevé que la stratégie mise en place par FT, notamment en ce qui concerne le lancement de l'offre publique mixte simplifiée d'achat et d'échange visant les actions de Wanadoo du 11 mars 2004, a pour conséquence de faire bénéficier FT d'une aide fiscale dont elle n'aurait pas bénéficié sans les mesures de soutien de l'État. Tiscali insiste par ailleurs dans son courrier du 5 avril 2004 sur la stratégie anticoncurrentielle mise en place sur le marché du DSL en France grâce à l'aide initiale de l'État français.

(125)

A titre subsidiaire, si les aides devaient être jugées compatibles au regard des lignes directrices, Tiscalinet propose des contreparties essentiellement sur le marché de l'accès internet haut débit, comme la fixation d'un prix minimal pour les offres ADSL de détail de FT à ses filiales, l'interdiction de faire des offres couplées entre les services de FT et de Wanadoo, l'interdiction de distribution des services Wanadoo dans les agences commerciales de FT, la cession des pages jaunes et des filiales étrangères de Wanadoo.

4.12.   Observations de D

(126)

D a soumis un document intitulé «Rapport d'étape sur la réalisation des engagements de campagne du Président Jacques Chirac dans les domaines de l'industrie, de l'énergie, des télécommunications et de La Poste en date de juin 2003». Concernant FT, le document mentionne que: «Grâce au soutien résolu de l'État et à la nomination de Thierry Breton, France Télécom n'est pas seulement sortie d'une asphyxie mortelle.»

4.13.   Observations de FT

(127)

FT a présenté des observations sous la forme de trois rapports: (i) rapport rédigé par M. Ehlermann et daté du 12 janvier 2004 «Avis à l'attention de France Télécom»; (ii) rapport rédigé par M. Galmot et daté du 6 janvier 2004«La jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés permet-elle d'admettre que “les mesures financières mises en place par l'État au soutien de France Télécom” et sur lesquelles la Commission a ouvert la procédure prévue par l'article 88 para 2 du Traité ont opéré un “transfert de ressources d'État” au profit de cette entreprise?»; et (iii) rapport de HSBC «Opinion de HSBC en date du 6 janvier 2004». Ces trois rapports sont brièvement décrits ci-après.

(128)

Le premier rapport analyse le comportement des autorités françaises au regard des règles applicables aux aides d'État en général et au regard du principe de l'investisseur avisé en particulier. Les arguments développés dans ce rapport, qui vise à démontrer que la déclaration du 5 décembre 2002 concernant l'avance d'actionnaire n'affecte pas les ressources de l'État, sont essentiellement les suivants: (i) l'annonce de l'avance d'actionnaire de décembre 2002 n'est pas un engagement irrévocable (mais une simple déclaration d'intention), et est conditionnelle. L'annonce n'est donc pas constitutive d'une garantie, et encore moins d'une garantie illimitée ; (ii) la décision Crédit Foncier de France (précitée) n'est pas un précédent valable et, par ailleurs, elle concerne une déclaration qui n'est pas comparable à l'annonce de décembre 2002. Le rapport vise par ailleurs à démontrer que FT n'était pas une entreprise ayant des difficultés financières au sens des lignes directrices au moment où l'État a décidé de participer à la recapitalisation et a annoncé sa disposition à consentir une avance d'actionnaire. Le rapport souligne qu'il est normal et usuel pour l'actionnaire majoritaire d'octroyer une avance pour anticiper sa participation à la recapitalisation.

(129)

Le deuxième rapport se concentre sur la question de savoir si une simple annonce de mise à disposition d'une avance d'actionnaire sous forme de ligne de crédit peut en tant que telle constituer un engagement des ressources d'État. Le rapport relève que selon la thèse de la Commission, une annonce irrévocable de s'engager à accorder une avance, couplée avec son apparente mise à disposition, suffit à établir l'engagement des ressources d'État, ce qui correspond au concept de mesure d'effet équivalent à une aide d'État, lequel a déjà été rejeté par la Cour de Justice. Selon le rapport, il n'y a pas de transfert des ressources d'État parce qu'il n'y a finalement pas eu d'ouverture de la ligne de crédit ni d'octroi d'une garantie, laquelle aurait exigé une autorisation par une loi de finances. Par ailleurs, il n'y a pas de transfert des ressources d'État parce qu'en droit français aucune déclaration orale d'une autorité publique n'est susceptible d'entraîner un effet quelconque sur les finances publiques et d'opérer le moindre transfert de ressources d'État, et en l'occurrence il ne s'agit que de simples déclarations ministérielles n'ayant aucun impact négatif sur les finances publiques.

(130)

Le troisième rapport se concentre sur la rationalité économique du comportement de l'État entre le 4 septembre 2002 (annonce des résultats du premier semestre) et le 15 avril 2003 (réalisation de l'augmentation de capital). Le rapport se base sur une analyse de la situation de FT en septembre 2002 et opère une distinction entre, d'une part, les performances opérationnelles de FT (activités saines avec un potentiel d'amélioration du cash flow opérationnel) et, d'autre part, le montant de la dette de l'opérateur (niveau d'endettement, échéancier de la dette, capitaux propres consolidés négatifs résultant de pertes liées à des éléments non récurrents). Le rapport conclut sur ce point que le décalage dans le temps entre la génération de cash flow du groupe et les échéances financières lourdes à court terme (2003-2005) pose un problème de refinancement mais non de solvabilité.

(131)

HSBC décrit également le contexte de la crise de liquidité à court terme qui est aggravé par une crise de confiance du marché vis-à-vis du groupe. HSBC précise que dans une telle situation, la rationalité imposait l'urgence et préconisait la mise en place d'un plan visant à améliorer les résultats opérationnels, une augmentation de capital, un rééchelonnement de la dette et une politique ciblée de cessions d'actifs. HSBC précise qu'en l'espèce, le plan Ambition 2005 est un plan cohérent complet et rationnel car il permet notamment la génération de 15 milliards d'euros de cash flows par une amélioration opérationnelle et une cession d'actifs n'amputant pas les cœurs de métiers. HSBC met l'accent sur le fait qu'une augmentation de capital appuyant une société mettant en place un plan de redressement opérationnel constitue une solution naturelle pour rééquilibrer le bilan. HSBC souligne que le soutien oral de la part d'un actionnaire majoritaire est également usuel et rationnel et qu'il est normal et courant que les actionnaires de référence annoncent leur décision préalablement aux autres actionnaires. HSBC a également souligné que l'avance d'actionnaire était en l'espèce une opération peu risquée, rentable et usuelle — dans l'attente d'une augmentation de capital — pour protéger les intérêts patrimoniaux de l'actionnaire majoritaire alors qu'il n'était pas possible de recapitaliser au mois de décembre pour des raisons de calendrier. HSBC a également précisé que l'avance avait été prévue aux conditions du marché.

(132)

Le rapport HSBC mentionne également l'évolution du cours de bourse de l'action de FT, en insistant sur le fait que l'action était remontée au mois de juillet 2002 en raison des rumeurs de nationalisation puis avait chuté en septembre car, alors que le marché avait connaissance de l'éventualité d'une augmentation de capital de 15 milliards d'euros, les modalités n'étaient alors toujours pas claires. Le rapport souligne également que les projections financières de FT laissent envisager, pour l'État, une rentabilité très satisfaisante: selon la méthodologie DCF — discounted cash flow — la recapitalisation comporte un taux de rentabilité annuelle de 25 % alors que le taux moyen sur le marché des télécommunications est de 9,9 %.

(133)

En réponse à l'envoi du rapport juridique et du rapport économique du consultant, FT a soumis trois notes juridiques critiquant le contenu de ces rapports et un rapport économique (91).

(134)

La première note relève que les diverses catégories juridiques relevant du droit civil, commercial ou du droit administratif français utilisées par le consultant dans l'analyse des déclarations de l'État ne sont pas pertinentes pour considérer que des déclarations ministérielles seraient de nature à créer des droits au profit des tiers. Plus particulièrement, la note relève que les conditions requises pour la mise en jeu de la responsabilité de l'État pour le non-respect de sa promesse ne sont pas réunies en l'espèce. La note précise qu'en aucune manière le seul fait de faire une promesse, même consistant à payer certaines sommes d'argent, ne suffit à engager par lui seul les finances publiques, à «immobiliser des ressources d'État» sans acte juridique. La note conclut sur ce point que la jurisprudence française ne peut démontrer qu'il y a eu en l'espèce «transfert de ressources d'État» du fait de la promesse conditionnelle d'une avance d'actionnaire. La note précise également qu'il doit exister un lien entre les ressources d'État et l'avantage octroyé. Le contentieux des promesses tenues a pour seul objet de compenser un préjudice éventuellement subi par le bénéficiaire de la promesse. L'indemnisation due ne peut donc procurer à ce dernier un avantage.

(135)

La note conclut que la Cour de Justice n'a pas défini dans quelle mesure une promesse inconditionnelle et légalement contraignante d'accorder une aide pouvait être considérée comme «étant mise à exécution».

(136)

La seconde note souligne que la Commission devrait étendre formellement la procédure aux mesures analysées par les experts nommés par la Commission car elles n'ont pas été couvertes par la décision d'ouverture. La note précise par ailleurs que «des déclarations unilatérales effectuées par une autorité étatique, dans le cadre de son rôle d'actionnaire majoritaire, doivent, en droit français et en droit communautaire, répondre à différents critères afin de pouvoir être qualifiés d'engagement irrévocable, clair et inconditionnel et afin de pouvoir être qualifié d'aide d'État». La note conclut sur ce point que les différentes déclarations auxquelles les experts se sont attachés ne remplissent manifestement pas ces conditions. Selon M. Ehlermann, l'analyse prônée par les experts aurait pour conséquence «un effet muselière à toute autorité étatique qui, lorsqu'elle est actionnaire majoritaire d'une société, est tenue d'informer préalablement la Commission de toute déclaration publique relative à ses actions, intentions ou opinions en tant qu'actionnaire majoritaire au sein ou en faveur de la société qu'elle contrôle». L'analyse des experts conduirait également à «un enrichissement sans cause de la même autorité qui, en conséquence du non respect d'une obligation au silence bénéficierait d'un ordre de récupération de fonds qu'elle n'a nullement mobilisés. L'État serait ainsi rétribué — par l'entreprise, qui n'est pas maître des déclarations de ses actionnaires — pour la violation de cette prétendue “obligation au silence”. Le calcul de l'aide tel qu'effectué par les experts, est entaché, outre d'erreurs matérielles et d'insuffisances sur le plan économiques relevées par HSBC, d'erreur de droit fondamentales qui le rendent invalide et inutilisable par la Commission.» L'auteur de la note conteste notamment la quantification de l'aide mentionnée dans le rapport d'expert et précise notamment que pour quantifier l'aide, seul doit être pris en compte le coût net pour l'État de son intervention au bénéfice de l'entreprise.

(137)

Selon la troisième note soumise par FT, l'État n'a pas mis de ligne de crédit à la disposition de FT par l'intermédiaire de l'ERAP. La note précise en outre qu'en droit interne, les déclarations n'engagent pas l'État sur le plan juridique, que ce soit envers FT ou envers les tiers. La note relève que les déclarations ne constituent pas un acte juridique au sens du droit commun, ni un acte créateur de droit au sens du droit public. Or l'État ne peut s'engager sans un acte créateur de droit pris dans le respect des règles de compétence (il s'agit en l'espèce d'une déclaration d'intention sans exécution matérielle) et de procédure budgétaire. La note soutient également que la responsabilité de l'État n'est pas engagée et qu'en tout état de cause, l'obligation de réparer résultant d'un fait délictuel ne constitue pas une aide d'État car «en cas de condamnation de l'État à des dommages et intérêts le transfert de ressources ne résulta pas du fait juridique lui-même mais de la mise en jeu de la responsabilité à raison de ce fait. Et le bénéficiaire du transfert de ressources étatiques n'est pas l'entreprise concernée mais la victime ayant subi le dommage». L'auteur de la note précise également qu'il est impossible de notifier un fait juridique alors que toute mesure d'aide doit être notifiée à la Commission conformément au traité.

(138)

L'annexe de la note relève plus particulièrement le contexte dans lequel les déclarations ont été formulées et précise que cela est nécessaire pour en mesurer la véritable portée. Ainsi une analyse des déclarations à la lumière des évènements qui se sont produits entre la fin du mois de juin et décembre 2002 montre que les déclarations ne pouvaient constituer une promesse, et ne montre pas que les mesures adéquates envisagées par l'État étaient des mesures financières. Il existait notamment des divergences au sein du gouvernement à cette époque et le ministre de l'économie et des finances ne représentait pas le point de vue du gouvernement. L'auteur précise que l'expert n'apporte aucune démonstration juridique ou factuelle de la volonté de l'État de s'engager. Une étude des faits révèle qu'il n'existait aucune intention de la part des responsables, qui étaient dans le flou quant à la solution à apporter au problème, et que les opérateurs n'avaient jamais exprimé leur croyance quant au fait que l'État s'était engagé à retenir une solution ou une autre.

(139)

Quant au rapport économique soumis par FT, il souligne que le champ d'analyse du rapport du consultant est très restrictif «car il analyse principalement les effets de la déclaration du 12 juillet 2002 et utilise une méthodologie unique, dite event studies». Le rapport précise également que la méthodologie utilisée par NERA repose sur «une démarche très théorique qui consiste à faire l'hypothèse que les marchés sont efficients et à mesurer les effets d'un événement par la quantification des variations des cours de bourse lors de cet événement. Cette démarche trop théorique ne correspondrait pas à la réalité de la situation d'un actionnaire de référence». Le rapport économique souligne également que le rapport NERA est «confus en ce qui concerne les bénéfices, les sources de bénéfices et les coûts pour FT et ses actionnaires».

(140)

Le rapport conclut que les conclusions du consultant sont erronées car:

«L'analyse de la situation du groupe FT au moment de l'annonce des résultats du premier semestre 202 montre que (i) le groupe a un bilan déséquilibré et un problème de court terme de liquidités mais (ii) les résultats opérationnels de l'activité sont très bons.

L'analyse du champ de mesures qu'un actionnaire avisé se doit d'envisager dans une situation d'endettement lourd indique qu'il était rationnel de mettre en place un plan de redressement, incluant une recapitalisation, pour un groupe à l'actif sain et dont la valeur d'entreprise intrinsèque est supérieure à la somme de la capitalisation boursière et l'endettement net.

L'analyse de création de valeur et les perspectives de rentabilité suggèrent que l'État effectue un très bon investissement en participant à une augmentation de capital et il prend peu de risque en mettant en place un prêt d'actionnaire le cas échéant».

4.14.   Observations de l'ECTA

(141)

L'ECTA est d'opinion que les mesures suivantes constituent des aides d'État: (i) les déclarations ministérielles de juillet et octobre 2002 informant le marché que l'État ne laisserait pas FT en difficulté financière; (ii) l'acceptation par l'État de dividendes en actions et non en numéraire pour l'année 2001; (iii) l'octroi d'une ligne de crédit de 9 milliards d'euros ainsi que l'engagement anticipé de l'État de participer à la future augmentation de capital ; (iv) l'octroi d'une garantie étatique au bénéfice de l'ERAP par l'État lui permettant d'emprunter sur les marchés à un taux de 3,375 % au lieu du taux de 10,4-10,9 % applicable à une entreprise ayant une notation de «junk bond» ; et (v) le transfert apparent des employés de FT au sein de l'ERAP alors que ces derniers continuent à travailler pour FT.

(142)

L'aide octroyée à FT lui a permis de maintenir une politique commerciale et publicitaire agressive et lui a également permis de préserver sa qualité d'opérateur intégré et d'augmenter sa participation au sein d'Orange. L'ECTA est d'opinion qu'une société dans la situation de FT aurait dû réagir de manière complètement différente, comme l'ont fait des opérateurs concurrents de FT sur le marché des services globaux de télécommunications comme British Telecom et KPN qui ont dû céder des actifs stratégiques afin de réduire leur dette.

(143)

L'ECTA est d'opinion que les mesures mentionnées au considérant 141 sont constitutives d'aides illégales et qu'elles ne sauraient être justifiées au titre notamment des lignes directrices, dans la mesure où aucun des critères prévus dans lesdites lignes directrices n'est rempli. A titre subsidiaire, L'ECTA précise que si la Commission devait adopter d'éventuelles mesures compensatoires, celles-ci devraient être importantes. L'ECTA précise, au titre de mesures structurelles, que sans l'aide d'État, FT aurait dû céder Orange et Wanadoo. Quant aux mesures comportementales, l'ECTA propose une réduction des parts de marché de FT, Equant, Orange et Wanadoo, tout en précisant que ces dernières mesures sont plus difficiles à mettre en place que les mesures structurelles.

5.   OBSERVATIONS DE LA FRANCE

5.1.   Résumé des faits

(144)

Les autorités françaises ont rappelé à titre préliminaire qu'elles se sont comportées conformément au principe de l'investisseur privé avisé dès l'origine. Ainsi, dès l'annonce des résultats de FT pour le premier semestre 2002, qui ont mis en évidence une structure financière déséquilibrée et des besoins en fonds propres importants malgré de bons résultats opérationnels, l'État en a tiré les conséquence en nommant un nouveau dirigeant à la tête de l'Entreprise et en réunissant un syndicat bancaire qui s'est engagé dès le mois de septembre 2002 à se porter garant le moment venu de la bonne fin d'une augmentation de capital. Parallèlement, l'État a demandé aux nouveaux dirigeants un audit approfondi de l'Entreprise. Sur la base du plan Ambition 2005 sur lequel l'actionnaire majoritaire était régulièrement informé et sur la base de l'engagement du syndicat bancaire, l'État a, le 4 décembre 2002, annoncé sa décision de participer au renforcement des fonds propres de l'Entreprise à hauteur de 9 milliards d'euros et a annoncé également qu'il était disposé à mettre à la disposition de FT, par l'intermédiaire de l'ERAP, une éventuelle avance sur cette souscription rémunérée à des conditions de marché. Toutefois, compte tenu des conditions financières de l'octroi de cette avance par les autorités françaises et des indications de la Commission quant à ses doutes sur la présence d'éléments d'aide dans cette mesure, FT a préféré recourir directement au marché obligataire.

(145)

Les autorités françaises ont ensuite précisé que le montant total du financement résultant des émissions obligataires s'est élevé à environ 9 milliards d'euros, soit l'équivalent du montant maximal de l'avance envisagée par l'avance d'actionnaire. Les autorités françaises ont précisé que le succès des émissions obligataires démontrait la capacité de FT d'accéder aux marchés financiers dans de bonnes conditions et démontrait la confiance du marché dans les mesures opérationnelles contenues dans le plan TOP et dans la capacité du nouveau dirigeant de le mettre en œuvre. Les autorités françaises ont également précisé que l'augmentation de capital avait été lancée dès que cela avait été techniquement possible, le 24 mars 2003, et qu'elle avait été un succès.

(146)

Lors de la réunion entre les autorités françaises et la Commission du 22 janvier 2004, les autorités françaises ont souligné que, selon elles, l'opération de recapitalisation respectait le principe de l'investisseur avisé et qu'en conséquence les mesures financières octroyées par l'État à FT ne contenaient aucun élément d'aide. Selon elles, le principe de l'investisseur avisé se définit comme la nécessité, avant d'agir, d'avoir nommé un nouveau dirigeant, de mener un audit et de préparer un plan crédible. La chronologie des événements illustrée par les autorités françaises démontrerait en elle-même le caractère avisé du comportement de l'État. Ces éléments en main, les autorités françaises soulignent qu'elles contrôlaient ensuite la situation (notamment le prix d'émission).

5.2.   Situation financière de l'Entreprise

(147)

Les autorités françaises soutiennent que lors de la prise de décision d'investir, FT n'était pas une entreprise en difficulté au sens des lignes directrices. En effet, le chiffre d'affaires de l'Entreprise était en croissance régulière (augmentation de 10 % entre le premier semestre 2001 et le premier semestre 2002), sa marge brute d'autofinancement était élevée et progressait plus rapidement que son chiffre d'affaires. Cela étant, les autorités françaises ont fait état de la structure financière déséquilibrée de l'Entreprise au 30 juin 2002 et ont précisé que les pertes étaient essentiellement imputables aux provisions et amortissements exceptionnels liés à des dépréciations d'actifs acquis préalablement au retournement complètement imprévisible des marchés. Les autorités françaises ont également précisé que les charges opérationnelles de FT progressaient moins vite que le chiffre d'affaires, ce qui signifiait que sa profitabilité augmentait. Par ailleurs, le résultat et le cash flow opérationnels étaient en augmentation (plus 15 % pour le cash flow par rapport au premier semestre 2001). Les autorités françaises précisent que les très bonnes perspectives de performances de FT ont encore été améliorées par le plan TOP. Ces performances ont été confirmées lors de la publication des comptes 2002, qui ont montré la dynamique vertueuse engagée dans l'Entreprise par les nouveaux dirigeants.

(148)

Sur le critère relatif à l'évolution des capitaux propres visé au point 5 a) des lignes directrices, les autorités françaises précisent que l'indicateur pertinent est, conformément à l'article L225-248 du Code de commerce, le capital social de FT SA qui est toujours resté positif et n'a jamais été diminué de moitié. Les autorités françaises soulignent que FT n'était ainsi pas dans la situation visée par les lignes directrices, dans laquelle les fonds propres deviennent inférieurs au capital social.

(149)

FT n'était pas dans une situation de cessation de paiement, il a simplement été détecté une contrainte éventuelle de liquidité à l'horizon du premier semestre 2003 dans l'hypothèse où la reprise attendue du marché ne se produirait pas. Les autorités françaises ont ajouté que FT avait alors une disponibilité anticipée de 6,9 milliards d'euros au 31 décembre 2003 et aurait pu aborder le seuil de l'année 2003 sans avoir recours au marché financier. Pendant la réunion du 22 janvier 2004, les autorités françaises ont précisé que l'Entreprise avait eu recours au crédit syndiqué, moins onéreux que le marché obligataire, et bénéficiait d'une disponibilité sur le crédit syndiqué de 4 milliards d'euros.

(150)

Les autorités françaises ont notamment observé que FT avait accès aux marchés financiers durant l'année 2002 et ont décrit l'ensemble des instruments de financement à la disposition de FT ayant cours entre le 11 juillet 2002 et le 15 janvier 2003 (92). Ils ont notamment mentionné le fait que le 14 février 2002, FT avait négocié la mise en place d'une ligne de crédit syndiquée de 15 milliards d'euros et que FT avait réalisé des émissions obligataires durant l'année 2002 (93), dont 442,2 millions d'euros d'obligations remboursables en actions.

(151)

Les autorités françaises ont également précisé que FT n'était soumise à aucun risque financier du fait de la dégradation de son rating par les agences de notation car il n'y avait notamment pas de clause d'appel anticipé dans les covenants.

(152)

En outre, selon l'opinion concordante de plusieurs banques conseils consultées entre juin et novembre 2002, FT était, préalablement à l'annonce du plan Ambition 2005 et du soutien de l'actionnaire majoritaire, en mesure de se refinancer sur les marchés obligataires. Ainsi, les autorités françaises ont indiqué que respectivement en juillet 2002 et en septembre 2002, la banque […] (94) et la banque […] avaient offert de refinancer, par des programmes d'échange réalisés dès octobre ou novembre, des dettes obligataires de FT arrivant à maturité entre 2003 et 2005.

(153)

Quant à la déclaration de l'ancien dirigeant de FT indiquant que FT n'avait plus accès au marché (95), les autorités françaises ont fait observer que son avis était nécessairement subjectif compte tenu des circonstances.

5.3.   Diligence de l'État actionnaire

(154)

En ce qui concerne le manque de diligence de l'État actionnaire quant à la conduite passée de l'Entreprise, les autorités françaises ont fait valoir que l'argument selon lequel un investisseur avisé ne se serait pas trouvé dans la situation de l'État français n'apparaît pas pertinent car, conformément à une jurisprudence constante, la Commission doit placer son analyse au moment où la décision d'investir est prise, sauf à démontrer que le comportement passé de l'État recèle des éléments d'aides, ce qui n'a pas été soulevé en l'espèce. En tout état de cause, même si l'obligation juridique d'une détention majoritaire du capital par l'État a désavantagé FT, la Commission ne peut remettre en cause le choix des autorités françaises de maintenir l'Entreprise dans le secteur public sans méconnaître le principe de neutralité figurant au traité. Les autorités françaises soulignent également qu'elles sont intervenues dès qu'elles ont eu connaissance des difficultés financières rencontrées par l'Entreprise. Dans leurs observations en date du 29 juillet 2003, les autorités françaises ont insisté sur le fait que, selon la jurisprudence Stardust (96), il convenait de se placer dans le contexte de l'époque au cours de laquelle les mesures de soutien ont été prises et que cela «[…] exclu[ait] mécaniquement la période antérieure à juillet 2002». Elles ont également souligné que la rémunération en actions des dividendes pour l'année 2001 était conforme au principe de l'investisseur privé avisé car il existait alors un fort potentiel d'augmentation du cours de l'action.

5.4.   Rationalité du plan TOP

(155)

Les autorités françaises ont souligné que compte tenu de ce qui précède, l'augmentation du cash flow et le renforcement des fonds propres prévus par le plan Ambition 2005 sont les composantes d'une stratégie qui aurait été suivie par tout actionnaire majoritaire avisé. Ainsi, en raison du fait que les fondamentaux de l'Entreprise étaient sains, la situation de FT ne peut être comparée à des entreprises comme Vivendi Universal ou le Crédit Lyonnais.

(156)

Quant à la rationalité du plan TOP, les autorités françaises précisent que le plan en question constitue un effort considérable de l'Entreprise. Les autorités françaises soulignent qu'il s'agit d'un plan global de réorientation de la gestion fondée sur des actions concrètes qui a déjà produit des premiers résultats positifs. A ce sujet, elles précisent qu'il s'agit d'un plan extrêmement précis qui permet l'augmentation de la rentabilité de l'Entreprise avec un taux de retour sur investissement (TRI) de 43 % à l'horizon 2005 pour les investisseurs ayant participé à l'augmentation de capital en avril 2003, soit un rendement nettement supérieur au TRI de référence (11 %) attendu par un investisseur privé dans le secteur des télécommunications. Le plan TOP comprend également un volet d'optimisation de la gestion des effectifs. Quant au plan de cessions, les autorités françaises précisent que la cession des actifs à la fin de l'année 2002 permettait de reporter la contrainte de liquidité éventuelle à la fin 2003 en l'absence même de tout recours aux marchés financiers. De plus, une cession d'actifs stratégiques aurait été contraire aux intérêts de FT et de ses actionnaires à moyen/long terme.

(157)

Les autorités françaises soulignent enfin que les stratégies suivies par les opérateurs concurrents n'apparaissent pas plus avisées et qu'un plan ne peut être apprécié au regard de l'ampleur ou du caractère stratégique des actifs dont la cession est envisagée, mais de la rationalité de l'ensemble du plan. De plus, le succès des émissions obligataires de décembre 2002 et janvier 2003 a confirmé a posteriori la confiance des investisseurs privés dans le potentiel opérationnel de l'Entreprise.

5.5.   Application du principe de l'investisseur avisé à la participation au renforcement des fonds propres

(158)

Quant à l'application du principe de l'investisseur privé avisé à l'annonce, par l'État, de l'anticipation de sa participation au renforcement des fonds propres, les autorités françaises ont observé qu'elles avaient lié leur accord à la présentation, par le nouveau dirigeant, d'un nouveau plan de rééquilibrage jugé crédible et à la participation des banques.

(159)

Sur le respect du principe de concomitance, les autorités françaises soulignent que dès l'origine, l'État actionnaire avait pris toutes les mesures pour s'assurer de la participation concomitante des actionnaires publics et privés et qu'il n'avait pris aucun risque préalablement aux investisseurs privés. Ainsi, l'annonce de l'intention de l'État de participer au renforcement des fonds propres date du 12 septembre 2002 (97) et, à cette date, un syndicat bancaire s'était déjà engagé, dès septembre 2002, à se porter garant le moment venu de la bonne fin de la part d'une augmentation de capital destinée aux investisseurs privés aux côtés de l'actionnaire public, à la condition que soit annoncé au marché un plan de rééquilibrage jugé crédible. Les autorités françaises ont souligné que cette condition était normale compte tenu de la situation financière déséquilibrée de FT et a précisé que la participation de l'État était également soumise à l'annonce d'un plan jugé crédible par le marché. Les autorités françaises ont précisé que si les investisseurs privés ne s'étaient pas portés garants, l'État n'aurait pas fait une telle annonce.

(160)

Les autorités françaises précisent également que les financements privés ont été apportés préalablement au financement public puisque les concours financiers d'investisseurs privés — sous forme d'emprunts obligataires et du rééchelonnement de crédits bancaires entre décembre 2002 et février 2003 — sont intervenus dans des proportions significatives. Les autorités françaises précisent que l'analyse de toute éventuelle mise à disposition de fonds étatiques doit être effectuée à la lumière de tels financements privés.

(161)

Les autorités françaises soutiennent que l'opération de recapitalisation réalisée le 24 mars 2003 respecte le principe de concomitance. En ce qui concerne l'État, ce dernier n'a procédé à aucun apport de capital préalablement à l'actionnariat privé, comme l'illustrent les modalités de l'avance d'actionnaire, décrite au point 5.6, ne contenant aucun engagement de recapitalisation inconditionnel de l'État avant mars 2003. L'engagement des banques de septembre 2002 visé au considérant 159 a ainsi été confirmé par la garantie formelle du syndicat bancaire en mars 2003 et a permis à l'État de ne prendre aucun risque quant à la participation des investisseurs privés à l'augmentation de capital. Les autorités françaises soulignent que, conformément à la jurisprudence Alitalia (98), l'État ne s'est pas engagé formellement préalablement à l'engagement formel des banques. La participation de l'actionnariat privé est significative puisqu'elle s'élève à 40 %, ce qui a été jugé conforme au principe de concomitance par la Cour de Justice. Le syndicat bancaire de garantie a été sélectionné aux termes d'un appel d'offres, ce qui a garanti que la rémunération des banques corresponde à des conditions de marché optimisées, notamment en ce qui concerne la commission versée aux banques. Les autorités françaises mentionnent également que les commissions versées en l'espèce ([…] % du montant total garanti) sont conformes aux indications figurant dans la décision Alitalia du 19 juin 2002 (99).

(162)

S'agissant du rendement attendu, les autorités françaises précisent qu'ainsi qu'il a été déjà été indiqué, le respect du principe de l'investisseur privé avisé est également démontré par les perspectives de rentabilité élevées du plan TOP, confirmées par son accueil favorable sur le marché. De plus, les autorités françaises soutiennent que lors de la prise de décision d'investir, FT n'était pas une entreprise en difficulté au sens des lignes directrices et que l'Entreprise avait accès aux marchés financiers au second semestre 2002.

(163)

Les autorités françaises ont souligné que l'augmentation de capital a été réalisée dès qu'il a été techniquement possible de présenter à l'État et aux investisseurs des affirmations actualisées sur les perspectives opérationnelles de l'Entreprise, ce qui montre le choix par l'État d'investisseurs de qualité motivés par des perspectives de rendement à long terme. Les autorités françaises précisent que les contraintes de calendrier étaient des contraintes techniques liées à FT, indépendantes d'éventuelles conditions favorables du marché boursier.

(164)

Les autorités françaises relèvent que l'opération a été un succès et que le montant ferme garanti s'est élevé à plus de cinq fois le montant de l'appel au marché.

(165)

Les autorités françaises ont également ajouté que le montant de la recapitalisation n'était pas un élément pertinent et que seul comptait le point de savoir si l'opération était rationnelle. En tout état de cause, le montant en l'espèce n'était pas excessif en comparaison notamment avec l'augmentation de capital de KPN.

(166)

En conclusion sur ce point, les autorités françaises soulignent que l'augmentation de capital paraît déjà (les observations des autorités françaises datent de juillet 2003) être un investissement avisé car le cours de l'action de FT a progressé de près de 50 % par rapport au cours de l'augmentation de capital.

(167)

Quant au remboursement de l'emprunt de l'ERAP par l'État tel qu'annoncé par le ministre délégué au budget en décembre 2002, il ne concerne que les modalités d'investissement par l'État sans incidence sur les relations entre l'État, les actionnaires et l'Entreprise.

5.6.   L'avance d'actionnaire

(168)

Les autorités françaises soutiennent que le projet d'avance n'a jamais été signé par FT en raison du coût trop élevé des conditions financières proposées à FT, d'une part, et en raison du fait que la Commission soulevait des doutes quant à la légalité de cette mesure au regard du traité, d'autre part. Par conséquent, aucune ressource d'État n'a été mise à disposition de l'Entreprise au moyen du projet d'avance d'actionnaire. Les autorités françaises précisent que l'entrée en vigueur de l'avance ne peut résulter de l'annonce faite par l'État le 4 décembre 2002, qui concerne uniquement l'engagement de l'État actionnaire à participer à l'opération de renforcement des fonds propres de l'Entreprise, alors que n'est mentionnée qu'une «éventuelle» (100) mise à disposition d'une avance d'actionnaire.

(169)

Elles ont également observé qu'en tout état de cause le projet d'annonce n'avait conféré aucun avantage à FT.

(170)

Les autorités françaises précisent ainsi que dans la mesure où elle n'est pas entrée en vigueur, l'avance n'a pas été utilisée par l'Entreprise et n'a donc pas pu retarder les besoins de liquidité de l'Entreprise. Les autorités françaises soutiennent que l'annonce de l'avance ne constitue pas une garantie. Ainsi, le droit français ne reconnaît pas de garantie implicite: toute garantie accordée par l'État doit être entérinée par une loi. Assimiler l'annonce d'une éventuelle avance de l'État à une garantie est inexacte. Les autorités françaises insistent par ailleurs sur le fait que la garantie que l'État a octroyée à l'ERAP afin de lui permettre de financer sa participation au renforcement des fonds propres de FT ne doit pas être assimilée à une garantie octroyée au bénéfice de FT. En ce qui concerne l'ERAP, les autorités françaises précisent que son rôle était complètement neutre et qu'il n'était intervenu que pour des raisons budgétaires.

(171)

De même, l'annonce par l'État d'un projet d'avance n'a pu faciliter l'accès de FT au marché obligataire. Premièrement, les emprunts obligataires ne bénéficient d'aucune sorte de garantie, leur durée étant supérieure à celle de l'avance. De plus, les titulaires d'obligations ne bénéficient d'aucun recours en cas de non-remboursement à l'échéance. Deuxièmement, les autorités françaises ont précisé qu'il n'était pas possible de comparer l'annonce, par l'État, de la possibilité d'anticiper sa participation au renforcement des fonds propres avec la garantie octroyée dans la décision Crédit Foncier de France précitée car l'avance envisagée en l'espèce étant hypothétique et strictement limitée dans sa durée et son montant, elle ne pouvait résoudre à elle seule les problèmes financiers de l'Entreprise compte tenu de l'échéancier de sa dette. Troisièmement, les autorités françaises soulignent que les émissions obligataires ont donc été uniquement déterminées par la perception qu'avait le marché de la capacité de FT d'honorer seule ses engagements sans garantie étatique. Cela est attesté par les spreads qui sont cohérents avec la notation de FT, et donc sensiblement supérieurs à ceux des autres opérateurs. Ainsi, la confiance dont a fait preuve le marché lors desdites émissions obligataires provient essentiellement du changement de l'équipe dirigeante et de l'accueil favorable de la nouvelle stratégie révélée lors de la présentation du plan Ambition 2005.

(172)

Quant au respect du principe de l'investisseur avisé en ce qui concerne l'éventuelle avance, les autorités françaises ont souligné que dès lors que la décision de participer à une augmentation de capital avait été prise et que les conditions en étaient réunies (plan et dirigeants crédibles, syndicat de garantie), il était logique que l'État anticipe sa participation. Les premières discussions relatives à ce projet d'avance remontent à novembre 2002. Les autorités françaises ont également souligné que la légitimité d'une telle mesure n'était pas contestable car, comme il est mentionné ci-dessus, elle était fondée sur un plan crédible et détaillé dont le contenu était connu pour l'essentiel lors de l'annonce du projet d'avance le 4 décembre 2002. En outre, l'État disposait déjà de l'engagement, conditionné à la présentation au marché d'un plan crédible, du syndicat bancaire et avait tous les éléments en main dès fin novembre pour apprécier le fait que cette condition serait levée, ayant observé la réaction positive des marchés depuis la nomination des nouveaux dirigeants. Les autorités françaises soulignent à ce titre qu'il n'est pas pertinent d'apprécier le montant en jeu en l'espèce mais que, conformément à la jurisprudence Alitalia, il convient d'examiner la conformité des conditions de financement de l'opération pour une entreprise de taille comparable.

(173)

Quant à la rémunération de l'éventuelle avance, les autorités françaises ont souligné qu'elle était conforme au marché et qu'elle avait été majorée de pénalités pour tenir compte de son caractère subordonné. Les autorités françaises soulignent également que le projet prévoyait une commission de non-utilisation et que l'absence de sûreté était conforme à la pratique d'un investisseur avisé dans le cas d'une avance de courte durée consentie par un actionnaire en anticipation de sa souscription à une augmentation de capital. Les autorités françaises ont également indiqué que le remboursement de la somme en actions existait bien et portait sur du numéraire.

(174)

Les autorités françaises ont précisé que conformément à la jurisprudence Alitalia, il n'appartient pas à la Commission de comparer la stratégie choisie par l'actionnaire public par rapport à des solutions alternatives qui auraient comporté des risques moindres, mais d'évaluer si, dans des conditions similaires, un investisseur privé aurait pu procéder à une telle mesure.

5.7.   Annonces de l'État

(175)

Dans leurs observations en date du 29 juillet 2003, les autorités françaises soulignent le contexte dans lequel doivent être analysées les déclarations de l'État en qualité d'actionnaire avisé et non de puissance publique. Ainsi, entre le mois de septembre et le mois de décembre 2002, l'État a impulsé un changement de gestion dont l'élément déterminant a été le changement du dirigeant de l'Entreprise et a étroitement suivi l'élaboration d'un plan de rééquilibrage tout en s'assurant du soutien d'investisseurs privés en cas de lancement ultérieur d'une éventuelle augmentation de capital (voir supra pour la description détaillée de l'intervention de l'État). Selon les autorités françaises, ces mesures opérationnelles ont eu un impact financier décisif et ont engendré l'accueil très favorable des marchés financiers et le redressement du cours de FT.

(176)

Les autorités françaises soulignent que l'État n'a jamais indiqué ou suggéré qu'il apporterait à FT un soutien inconditionnel et illimité. Elles ajoutent que «L'État a […] souligné dès l'été [les autorités françaises se réfèrent à la déclaration du Ministre de l'Économie du 12 juillet] qu'il se comporterait comme un actionnaire privé avisé et non en tant que puissance publique et qu'il entendait intervenir en tant qu'actionnaire selon des modalités (restant alors à définir) qui ne seraient pas différentes de celle que choisirait un investisseur privé, ce qui excluait nécessairement que l'État ait d'ores et déjà décidé d'intervenir de manière inconditionnelle et irrévocable» (101). Ces déclarations, qui ne seraient pas différentes des modalités que choisirait un investisseur privé, excluent de facto tout soutien inconditionnel et irrévocable. Les autorités françaises font également valoir que les déclarations des autorités françaises entre juillet et octobre 2002 constituaient de «vagues déclarations préalables» sans «mesures les matérialisant» (102). Les autorités françaises ont précisé à cet égard que les déclarations ultérieures devaient être appréciées à la lumière de la première déclaration et qu'il est erroné d'affirmer que dès le 12 juillet 2002 l'État a pris «l'engagement irrévocable de soutenir FT» et a, à cette occasion, pris «un engagement irrévocable de participer au renforcement des fonds propres». Les autorités françaises précisent que l'actionnaire a annoncé pour la première fois en septembre 2002 son intention de participer au renforcement des fonds propres de l'Entreprise et que «cela prendrait la forme d'une opération suivie par le marché (référence à un calendrier à définir en fonction des conditions du marché) (103)».

(177)

Concernant la déclaration du 2 octobre 2002, les autorités françaises ont avancé que celle-ci confirmait que la présentation d'un plan jugé crédible était une condition préalable à la participation de l'État.

(178)

Les autorités françaises ont précisé qu'en tout état de cause, il n'était pas possible «de déduire de l'absence de précision des déclarations de l'État concernant FT entre juillet et octobre 2002 alors même que l'État avait indiqué qu'il agirait en investisseur avisé une quelconque intention de l'État — ni a fortiori — un quelconque engagement de prendre des mesures qui contreviendraient aux règles communautaires sur les aides d'État. La violation des règles du Traité ne peut en effet être présumée et ne saurait résulter de vagues déclarations préalables à une prise de décision et sans aucune mesure les matérialisant» (104).

(179)

Les autorités françaises ont également soutenu que «Les seules mesures spécifiques envisagées par l'État en sa qualité d'actionnaire majoritaire de FT sont celles qui ont été exposées dans le dossier d'information/notification transmis à la Commission et annoncées publiquement le 5 décembre 2002, à savoir la participation aux côtés d'investisseurs privés à une augmentation de capital de 15 Mds€ à hauteur de la part détenue par l'État dans le capital de FT et une éventuelle annonce d'actionnaire rémunérée à des conditions de marché en anticipation de cette augmentation de capital. Le fait pour l'État d'avoir rappelé qu'il jouerait son rôle d'actionnaire avisé ne constitue en rien une garantie de l'État. Si les déclarations de l'État entre juillet et octobre 2002 avaient réellement été juridiquement équivalentes voire même simplement perçues par le marché et les agences de notation comme une promesse de “garantie illimitée” en faveur de FT, alors il n'y aurait pas eu de dégradation de la notation de FT en juillet et les spreads et la notation de FT au cours de cette période auraient reflété le risque État (notation AAA et un spread très faible). Enfin l'éventuelle prise en compte par les agences de notation de la présence de l'État en tant qu'actionnaire majoritaire indépendamment de toute garantie implicite ou explicite ou de toute mesure spécifique et indépendamment de la situation financière spécifique de la société à un moment donné ne peut en elle-même être considérée comme une aide d'État. Une telle approche serait directement contraire au principe de neutralité du droit communautaire reconnu par l'article 295 du Traité CE» (105).

5.8.   Évolution du cours de l'action et du spreads de FT

(180)

Les autorités françaises font valoir que seules les mesures opérationnelles ont eu un impact sur le cours de bourse de FT. Ainsi, le cours de l'action de l'Entreprise a rebondi le 2 octobre 2002 (progression de plus de 10,4 % sur la semaine du 2 octobre) suite à l'annonce de la nomination du nouveau dirigeant, annonciatrice d'une nouvelle gestion opérationnelle, et la progression du cours s'est poursuivie et amplifiée avec l'annonce du plan TOP et du nouveau comité exécutif le 5 décembre 2002, qui a entraîné une hausse de plus de 25 % en deux jours. Les autorités françaises soutiennent que la participation de l'État à un renforcement des fonds propres et à une éventuelle avance d'actionnaire étaient des mesures décrites dans la presse avant le 5 décembre 2002 et qu'elles ne peuvent en conséquence être considérées comme étant à l'origine de la progression du cours de l'action. Les autorités françaises précisent que les déclarations de principe faites par l'État entre juillet et octobre 2002 n'ont pas été déterminantes dans cette progression et que tant qu'il n'y a pas eu de mesures opérationnelles, l'évolution du cours est restée fluctuante, ce qui traduit l'incertitude du marché quant à la situation de l'Entreprise, et notamment le risque Mobilcom. Les autorités françaises soulignent que cette perception a entraîné une chute du cours de la bourse qui a atteint son point le plus bas le 30 septembre 2002 avec une parenthèse de relative stabilité au cours de l'été sans annonces ou rumeurs particulières. Elles précisent que, pendant cette période, les déclarations de l'État quant à son intention de jouer pleinement son rôle d'actionnaire n'ont pas enrayé la tendance à la baisse de l'action de FT.

(181)

Quant à l'évolution du spreads de FT, les autorités françaises précisent que cette dernière ne peut être invoquée pour tenter de mettre en évidence un prétendu soutien à l'Entreprise lié aux déclarations de juillet. En effet, une analyse comparative du spreads de FT et Deutsche Telekom depuis janvier 2002 montre une certaine similitude sur l'ensemble de la période: le spreads de FT a baissé en juillet 2002, ce qui reflète l'appréciation du risque télécom indépendamment des déclarations de l'État. En outre, le spreads a augmenté en décembre 2002, postérieurement à l'annonce de l'État des mesures opérationnelles qu'il envisageait de prendre. Les autorités françaises ont conclu que l'évolution du spreads de FT est liée à l'évolution du secteur des télécommunications sans que les déclarations de l'État aient été déterminantes.

(182)

En réponse à l'envoi du rapport juridique et du rapport économique du consultant, les 9 et 10 juin 2003, les autorités françaises ont soutenu que les propos tenus par le ministre de l'économie et des finances lors d'une interview publiée dans Les Echos du 12 juillet 2002 sont situés hors du champ de la procédure d'enquête ouverte par la Commission le 30 janvier 2003. La Commission ne serait plus en mesure d'étendre la procédure à ces propos puisque le délai de 18 mois prévu à l'article 7, paragraphe 6, du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil du 22 mars 1999 portant modalités d'application de l'article 93 du traité CE (106) serait quasiment expiré. En tout état de cause, les autorités françaises se sont réservé le droit de présenter à la Commission des expertises complémentaires au sujet du rapport du consultant.

(183)

Quant au rapport juridique, les autorités françaises ont présenté les observations suivantes:

Elles relèvent «tout d'abord que le rapport juridique repose sur une interprétation erronée (voire tendancieuse) des faits. En particulier … ce rapport dénature de manière manifeste des propos, pourtant clairs, tenus par le Ministre de l'Économie dans un entretien avec un journaliste publié en juillet 2002. Les autorités françaises contestent avec fermeté qu'il soit possible de proposer des interprétations aussi infondées pour prétendre tirer des conclusions juridiques, et notamment affirmer l'existence d'une quelconque garantie accordée par l'État à France Télécom».

«Elles réitèrent … que l'État, actionnaire de France Télécom, a non seulement toujours entendu se comporter en investisseur avisé à l'égard de France Télécom, mais a également fait le choix d'exprimer clairement et publiquement que cette position constituerait un préalable à toutes ses éventuelles interventions dans le dossier ...». L'interview du ministre de juillet 2002 ne révèle l'adoption d'aucune décision. «… [T]out en restant confiant dans la viabilité de l'entreprise, l'État n'avait fait que constater des doutes de la place concernant la situation de France Télécom et, en sa qualité d'actionnaire majoritaire, s'efforçait d'affiner son analyse, sans être en mesure de pouvoir, à ce stade, établir un diagnostic précis ni arrêter une quelconque décision». «Au surplus, il n'y a aucune raison de supposer a priori que les termes “dispositions adéquates” visaient spécifiquement des mesures financières».

«Les autorités françaises ont en outre relevé de nombreuses inexactitudes dans les raisonnements formulés dans le rapport juridique. Ce rapport fait ainsi preuve d'un manque évident d'objectivité, tantôt en adoptant des analyses juridiques très contestables (notamment sur la qualification des lettres d'intention et la portée d'un engagement unilatéral en droit civil et commercial), tantôt en faisant une application non justifiée aux faits examinés de certaines qualifications juridiques hors de propos (ainsi en est-il, par exemple, de l'application de la théorie de la gestion d'affaires ou des règles de droit international public dans les relations entre une société et son actionnaire majoritaire)».

«Les conclusions du rapport juridique tendant à établir l'existence d'une “garantie illimitée” accordée à France Télécom par l'État sont au demeurant totalement infondées en droit communautaire». Conformément à la jurisprudence Compagnie nationale Air France (107), les propos incriminés ne sauraient comporter un engagement ferme et inconditionnel de l'État. De même «la solution retenue dans l'affaire du Crédit foncier de France — à supposer qu'elle soit conforme à la jurisprudence communautaire, ce qui n'est pas certain, la décision n'ayant fait l'objet d'aucun recours — se rapporte à des circonstances radicalement différentes». «Il ne s'agit pas même d'un communiqué officiel émanant du gouvernement ou de France Télécom, mais d'un simple article de presse reproduisant le texte d'une interview du Ministre de l'Économie dans un contexte plus global relatif aux priorités du gouvernement, dès lors dénué de toute force probante». «Les tentatives de qualification des propos ministériels du 12 juillet 2002 au regard des catégories juridiques de droit interne (en particulier de droit des sociétés et de droit administratif) ne permettent pas davantage de démontrer l'existence d'une quelconque garantie au profit de France Télécom». Pour ce qui est du rapprochement entre les déclarations du ministre de juillet et la lettre d'intention, les autorités françaises soulignent que «(i) en premier lieu, il est de l'essence de la lettre d'intention qu'elle soit adressée à un bénéficiaire, (ii) en deuxième lieu, et dans le prolongement de l'observation qui précède, l'efficacité du procédé est conditionnée à l'acceptation dudit bénéficiaire, (iii) enfin, la portée de l'engagement donné (tant s'agissant de son objet qu'en ce qui concerne la force que son auteur souhaite y attacher) dépend exclusivement des termes employés». «Ainsi … le caractère pour le moins général des propos ministériels … exclut sans aucun doute tout engagement en faveur de France Télécom ou de ses créanciers, et a fortiori, toute obligation de résultat (et donc toute idée de garantie) ainsi que toute obligation de moyens». «la réponse du Ministre … atteste seulement de ce qu'aucune décision — autre que le fait d'agir en “investisseur avisé”– n'avait alors été prise par l'État actionnaire, qui, tout en ayant confiance dans la qualité opérationnelle de l'entreprise, n'était à cette date pas en mesure de faire un diagnostic suffisamment précis ni d'arrêter une quelconque décision». «La jurisprudence n'a … jamais considéré qu'un engagement de garantie sans bénéficiaire(s) déterminé(s) puisse être ainsi invoqué par toute personne qui y trouverait un intérêt. Il n'y a là rien d'étonnant, d'ailleurs, puisqu'il est de la nature de la garantie ou de la lettre d'intention qu'elle soit adressée à un ou plusieurs bénéficiaires. N'étant pas destiné à un quelconque bénéficiaire déterminé, on ne s'étonnera pas davantage, en second lieu, que le prétendu engagement n'ait pas été accepté». Pour ce qui est de l'hypothèse de la gestion d'affaire, ce concept est totalement inopérant en l'espèce. Quant à l'article L.465-1 du Code monétaire et financier, les AF [autorités françaises] ont souligné que «à le supposer transposable à l'égard de l'État, il ne condamnerait pas le simple fait pour l'État d'évoluer dans ses intentions, mais seulement le fait de déclarer une intention qui serait fausse ou trompeuse dès l'origine, ce qui n'était manifestement pas le cas, les propos reflétant seulement l'absence de décision de quelque nature que ce soit, en l'état des informations dont disposait alors l'actionnaire ». Pour ce qui est le droit administratif, les autorités françaises soutiennent que «[d]'une part, de simples propos à un journaliste — tels que ceux tenus par le Ministre de l'Économie le 12 juillet 2002 — ne sont pas constitutifs d'un “acte faisant grief” susceptibles de créer des droits et des obligations, et encore moins d'une garantie accordée à France Télécom par l'État. D'autre part, la responsabilité de l'État ne saurait en aucun cas être engagée sur la base des propos très généraux énoncés par le Ministre, que ce soit du fait de leur prétendue absence de mise en œuvre — hypothèse de la promesse non tenue — ou, à l'inverse, de leur mise en œuvre — hypothèse de la promesse illégale».

«Les conclusions du consultant juridique vont manifestement à l'encontre de la pratique décisionnelle de la Commission et de la jurisprudence communautaire applicables en matière d'aides d'État, qui subordonnent l'existence d'une aide à la démonstration d'un engagement ferme, précis et inconditionnel de l'État concerné, ce que ne pouvaient en aucune manière signifier les propos ministériels du 12 juillet 2002». «Une mesure étatique, quelle qu'en soit la forme, doit en effet être suffisamment précise et concrète pour que la Commission puisse notamment déterminer l'existence même d'un avantage». «Or, pour pouvoir appliquer le critère de l'investisseur avisé, la Commission doit disposer de tous les éléments d'information nécessaires concernant les modalités concrètes de la mesure examinée».

«L'adoption par la Commission des thèses du consultant juridique aurait par ailleurs des effets discriminatoires et contraires au principe de sécurité juridique. En particulier, le raisonnement retenu par le consultant aurait des conséquences procédurales absurdes, entraînant l'obligation pour chaque État membre de notifier à la Commission le moindre projet d'interview ou de déclaration publique à l'égard d'une entreprise dont il est l'actionnaire de référence». En outre, cette thèse établirait une discrimination injustifiée entre les institutions communautaires et les Etats membres. «Or il est de principe, en droit communautaire, que nul ne peut invoquer même des promesses faites par une institution communautaire en l'absence “d'assurances précises, inconditionnelles et concordantes, émanant de sources autorisées et fiables, que lui auraient fournies l'administration”» (108).

«A cet égard et plus fondamentalement, l'approche retenue par le consultant juridique est de nature à porter atteinte au principe de neutralité posé à l'article 295 du traité CE et rendrait impossible l'application du critère de l'investisseur avisé. Si le raisonnement du consultant était mené jusqu'à son terme, toute intervention publique d'un État relative à une entreprise publique serait ainsi constitutive d'une aide et un État serait dès lors toujours présumé agir en tant que puissance publique et non en qualité d'actionnaire de l'entreprise».

(184)

Quant au rapport économique, les autorités françaises ont présenté les observations suivantes:

«Les conclusions du consultant économique n'ont aucune validité propre, en tant qu'elles sont exclusivement fondées sur le postulat erroné (établi par le rapport juridique) selon lequel France Télécom aurait reçu une “garantie illimitée” de l'État».

«En outre …le rapport économique ne démontre en aucune manière que l'entreprise aurait bénéficié d'un quelconque avantage par rapport à ses concurrents».

«La méthodologie microéconomique de l'event study utilisée par le consultant économique soulève plusieurs difficultés essentielles, qui tiennent notamment à l'utilisation de l'évolution à très court terme du cours de bourse comme seule mesure d'évolution de la valeur d'une entreprise, en contradiction avec les usages reconnus (y compris par le juge communautaire (109) en matière de valorisation, et alors que les erreurs manifestes commises récemment par les marchés dans l'évaluation de la valeur d'opérateurs de télécommunications appelleraient pour le moins de sérieuses précautions. En outre, le consultant économique ignore totalement les spécificités de la situation du titre France Télécom à l'époque considérée, comme son niveau historiquement élevé de volatilité, qui disqualifient clairement l'utilisation de cette méthodologie au cas d'espèce».

«La méthode de l'event study s'avère en l'espèce d'autant plus inappropriée que le cours n'a pas connu d'évolution univoque pendant la période considérée, mais une succession rapide de fortes hausses et baisses, qui témoignent de la multitude des facteurs contradictoires susceptibles d'influencer l'évolution du cours pendant la période observée, de sorte que le consultant n'est pas fondé à conduire ses analyses au regard d'un seul facteur (l'interview ministérielle du 12 juillet 2002), en ignorant l'ensemble des autres facteurs (et alors que rien ne permet d'affirmer que les opérateurs du marché ont considéré que l'interview ministérielle était un élément important pour les investisseurs en juillet 2002)». «Ainsi, les marchés ont reçu à cette période des informations relatives à la situation de l'entreprise elle-même (par exemple sur le risque lié à MobilCom)».

«Au surplus, les calculs du consultant sont en réalité essentiellement déterminés par le choix d'hypothèses méthodologiques (notamment la fenêtre d'observation et la période d'estimation) établies sans justification solide et de manière largement arbitraire, ce qui prive de toute valeur probante les résultats avancés par le consultant». «Le montant calculé par le consultant économique est essentiellement lié à l'utilisation d'une tendance de référence du cours de France Télécom qui n'a aucun rapport avec l'évènement examiné dans l'étude (les propos ministériels du 12 juillet 2002)». «En outre, les déductions du consultant sont contredites par des tests simples et incontournables comme l'observation que, sur la période considérée, les actions et obligations de France Télécom ont évolué de manière tout à fait similaire aux titres de son plus proche comparable, Deutsche Telekom». Le rapport du consultant serait d'ailleurs critiquable pour «l'hétérogénéité non justifiée de la méthode de reconstitution de l'évolution “normale”» des actions et des obligations, ou encore l'absence de précaution prise par le consultant pour mettre en évidence une tendance «normale» d'évolution de la dette de marché à partir de certaines lignes obligataires très peu liquides, ou pour extrapoler la valeur de marché de quelques obligations à la totalité de la dette. De même, il convient de souligner l'extrême fragilité du calcul théorique fait par le consultant pour estimer, sur la base des Credit Default Swaps («CDS»), le coût de la prétendue garantie accordée par l'État à France Télécom. Celui-ci ne prend en effet aucun compte de la rareté spécifique des CDS au cours de la période étudiée, qui explique la réactivité excessive de cet instrument (notamment par rapport aux spreads obligataires) et le disqualifie comme outil pertinent de mesure sur la période.

«Les conclusions du consultant économique quant à l'existence d'une supposée aide accordée à France Télécom reposent par ailleurs sur des erreurs de raisonnement et procèdent d'une confusion entre la prétendue augmentation de la valeur de marché théorique de l'entreprise, le bénéfice tiré de cette augmentation par les actionnaires et créanciers, et l'octroi d'un supposé avantage pour l'entreprise». «Le consultant part du postulat qu'une aide d'État augmenterait la valeur de l'entreprise qui en bénéficierait … [alors que] il ne peut être ignoré que les acteurs de marché sont aujourd'hui tout à fait conscients des risques que l'octroi d'une aide incompatible ferait courir à une entreprise … En conséquence … l'octroi d'une aide, si elle était perçue comme illégale par les marchés, pourrait entraîner … une diminution du cours des titres de l'entreprise, et donc de sa valeur d'entreprise de marché».

«De telles conclusions, qui se fondent exclusivement sur une analyse ex post de la prétendue “garantie” accordée par l'État à France Télécom, sont en outre inconciliables avec l'appréciation du critère de l'investisseur qui impose une évaluation ex ante».

«Enfin, et au surplus, le rapport économique constate, s'il en était encore besoin, que France Télécom n'était pas une entreprise en difficulté à l'époque des faits considérés (car elle avait accès au marché des capitaux et n'avait pas un problème de viabilité à long terme) et que la participation de l'État actionnaire au plan de rééquilibrage du bilan de l'entreprise était conforme au critère de l'investisseur privé, confirmant ainsi l'absence de tout élément d'aide dans les mesures financières faisant l'objet de l'enquête de la Commission».

6.   OBJET DE LA PRÉSENTE DÉCISION

(185)

Le 4 décembre 2002, la Commission a reçu la notification d'un projet d'avance d'actionnaire que la France envisageait de mettre en place en faveur de FT comme anticipation de sa participation à une future opération d'augmentation de capital de l'Entreprise dans le cadre d'un plan de redressement dénommé «Ambition 2005». Le contenu de cette notification est décrit dans la décision d'ouverture. Afin de décider de la conformité des mesures en cause avec le traité, la Commission a examiné les événements liés à la notification de ce projet, dont les déclarations du gouvernement de juillet à décembre 2002 (110) (voir la section 5). En effectuant cet examen, la Commission a conclu que les mesures notifiées ne peuvent pas être analysées sans prendre en compte les déclarations du gouvernement de juillet à décembre 2002. En effet, par ces déclarations, l'État a manifesté sa volonté de prendre les mesures adéquates pour résoudre les difficultés financières de FT. Ainsi, le projet d'avance constitue la matérialisation des intentions exprimées par l'État auparavant. En effet, d'un point de vue matériel, il n'y a aucune raison juridique pour limiter l'examen des faits pertinents aux seuls faits que l'État membre a décidé d'évoquer dans la notification. La notion d'aide est une notion objective et fondée sur la réalité économique. Il s'ensuit que, si la Commission a connaissance de faits antérieurs qui sont objectivement pertinents, elle doit les intégrer dans son analyse.

(186)

Dans le cas d'espèce, la Commission constate que les mesures de décembre 2002, qui ont fait l'objet de la notification, avaient été précédées par plusieurs déclarations et mesures des autorités françaises depuis juillet. D'une part, ces déclarations et mesures permettent de mieux comprendre les raisons et la portée des mesures de décembre. D'autre part, ces déclarations et mesures préalables avaient certainement eu un impact sur la perception qu'avaient les marchés et les acteurs économiques de la situation de FT au mois de décembre. Le comportement des acteurs économiques étant lui-même influencé par le comportement de l'État, il ne constitue pas un paramètre objectif pour juger ensuite du comportement de l'État. Ces interventions préalables doivent donc être prises en compte lors de l'analyse de la présence d'aides dans les mesures de décembre.

(187)

Il est en effet possible d'analyser les déclarations et mesures successives des autorités françaises à partir de juillet 2002 comme un ensemble dont le moment de concrétisation serait les mesures de décembre (mise à disposition d'une avance d'actionnaire), mesures qui étaient celles qui avaient été notifiées. Bien entendu, on ne sera en présence d'aides que dans la mesure où les différents éléments de la notion d'aide seront présents (avantage sélectif, ressources d'État, affectation des échanges et de la concurrence).

(188)

L'analyse du cas d'espèce suggère à première vue un décalage temporaire entre les avantages pour l'entreprise, qui auraient été particulièrement marqués au mois de juillet, et l'engagement potentiel de ressources d'État, qui semble plus clairement établi au mois de décembre. En effet, on pourrait qualifier les déclarations du ministre de l'économie et des finances d'aide, dans la mesure où de telles déclarations ont clairement eu un effet sur les marchés et ont conféré un avantage à l'entreprise. Il ne serait pourtant pas facile de déterminer sans doute possible si les déclarations de juillet 2002 étaient de nature à engager au moins potentiellement des ressources étatiques. A cet égard, la Commission a bien analysé de nombreux arguments juridiques visant à démontrer, d'une part, que de telles déclarations publiques étaient équivalentes à une garantie d'État d'un point de vue juridique et, d'autre part, qu'elles mettaient en jeu la réputation de l'État avec des coûts économiques en cas de non-respect. Pris dans son ensemble, ces éléments pouvaient être conçus comme risquant effectivement de mettre en danger des ressources d'État (soit en engageant la responsabilité de l'État vis-à-vis des investisseurs, soit en augmentant le coût des transactions futures de l'État). La thèse d'après laquelle les déclarations de juillet 2002 seraient des aides est donc une thèse innovante, mais probablement pas dépourvue de fondement.

(189)

Pourtant, en l'espèce la Commission ne dispose pas d'éléments suffisants pour prouver de manière irréfutable la présence d'aide sur le fondement de cette thèse novatrice. En revanche, elle estime pouvoir établir la présence d'éléments d'aide en suivant une approche plus traditionnelle à partir des mesures de décembre qui avaient été l'objet de notification.

(190)

En effet, d'une part la présence d'un engagement de ressources étatiques est claire au mois de décembre. D'autre part, la présence d'un avantage pour l'entreprise au mois de décembre est aussi évidente dès lors que l'on tient compte de l'impact sur les marchés des déclarations et mesures préalables.

(191)

A cet égard le «principe de l'investisseur privé en économie de marché» ne saurait jouer pour justifier cette intervention de décembre comme le prétendent les autorités françaises, car les comportements des acteurs économiques en décembre étaient clairement influencés par les agissements et déclarations préalables du gouvernement depuis juillet. Si l'on peut douter que les déclarations de juillet étaient assez concrètes pour être constitutives d'aides en elles-mêmes, il ne fait guère de doute que de telles déclarations étaient plus que suffisantes pour «contaminer» la perception des marchés et influencer le comportement ultérieur des acteurs économiques. Si tel est le cas, on ne peut pas prendre ce comportement des acteurs économiques comme point de comparaison neutre pour juger ensuite du comportement de l'État. La présomption fondée sur le «principe de l'investisseur privé en économie de marché» ne peut donc pas s'appuyer sur la situation du marché telle qu'elle se présentait en décembre mais devrait logiquement se fonder sur une situation du marché non contaminée par l'impact des déclarations préalables.

7.   APPRÉCIATION DE LA MESURE EN CAUSE AU REGARD DE L'ARTICLE 87, PARAGRAPHE 1, DU TRAITÉ

(192)

L'article 87, paragraphe 1, du traité prévoit que sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre Etats membres, les aides accordées par les Etats au moyen de ressources d'État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions. Le traité ne distingue pas les interventions de l'État selon leurs causes ou leurs objectifs mais les définit selon leurs effets (111). La notion d'aide vise les mesures étatiques qui, instituées sous quelque forme que ce soit, sont susceptibles de favoriser directement ou indirectement, de façon appréciable, des entreprises, ou des produits et qui menacent, même éventuellement, de fausser la concurrence (112). Selon une jurisprudence constante, la notion d'aide comprend non seulement les subventions proprement dites mais également les interventions qui, sous des formes diverses, allègent les charges qui grèvent le budget d'une entreprise et qui par là même, sans être des subventions au sens strict du terme, sont de même nature et ont des effets identiques (113). Il résulte de ce qui précède que la notion d'aide est basée sur le concept économique d'avantage, le critère formel étant donc indifférent (114). En conclusion, la notion d'aide est une notion objective qui ne tient pas compte de la forme juridique que revêt une mesure étatique, s'attachant exclusivement aux effets de cette dernière (115). Par conséquent, l'interprétation de ces dispositions, au lieu de se fonder sur des critères formels, doit s'inspirer de la finalité desdites dispositions qui, conformément à l'article 3, point g), du traité, visent à assurer que la concurrence ne soit pas faussée (116).

(193)

La présence de plusieurs éléments est nécessaire pour qualifier une mesure d'aide: un avantage sélectif, octroyé au moyen de ressources d'État, qui fausse ou menace de fausser la concurrence et les échanges entre les État membres.

(194)

S'agissant de l'avantage, la Commission observe que l'avance d'actionnaire (qui constitue l'anticipation de la participation de l'État à la recapitalisation de l'Entreprise), octroie un avantage au bénéfice de FT car elle lui permet d'augmenter ses moyens de financement et de rassurer le marché quant à sa capacité de faire face à ses échéances. Même si la convention d'avance n'a jamais été signée, l'apparence donnée au marché de l'existence de cette avance est susceptible d'octroyer un avantage à FT, car le marché a considéré que la situation financière de l'Entreprise était plus solide (117). Cela aurait pu influencer les conditions d'emprunt de FT.

(195)

Quant à la condition relative aux ressources d'État, la Commission souligne que le fait qu'un avantage résulte de l'octroi d'un engagement étatique entraînant un transfert de ressources potentiel, mais non immédiat, n'exclut pas que cet avantage soit octroyé au moyen de ressources d'État. «À cet égard, il importe de relever en premier lieu que, selon une jurisprudence constante, il n'est pas nécessaire d'établir, dans tous les cas, qu'il y a eu un transfert de ressources d'État pour que l'avantage accordé à une ou plusieurs entreprises puisse être considéré comme une aide d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, CE» (118). Ainsi, même un avantage accordé au moyen d'une charge potentielle supplémentaire pour l'État constitue une aide d'État dès lors qu'il affecte la concurrence et les échanges entre Etats membres (119).

(196)

Contrairement à ce que soutiennent les autorités françaises et FT, la Commission observe qu'une charge potentielle supplémentaire sur les ressources d'État a été créée par l'annonce de la mise à disposition de l'avance d'actionnaire couplée avec la réalisation des conditions préalables à cette mise à disposition (120), l'apparence donnée au marché que cette avance avait été mise effectivement à disposition (121) et finalement par l'envoi du contrat d'avance paraphé et signé par l'ERAP à FT (122). Il est vrai que ce contrat n'a jamais été signé par FT; cela ne signifie pas pourtant qu'il n'y a pas eu un engagement potentiel de ressources d'État. En effet, dans la mesure où ce document constituait une offre contractuelle et aussi longtemps que celle-ci n'a pas été révoquée, FT aurait pu apporter sa signature à tout moment, s'octroyant ainsi le droit d'obtenir immédiatement le versement de la somme de 9 milliards d'euros. L'État, ne pouvant ignorer cela, devait, par conséquent, tenir à la disposition de FT à travers l'ERAP le montant de ressources correspondantes.

(197)

La Commission doit par conséquent examiner si l'avantage ainsi octroyé à FT respecte le principe de l'investisseur privé avisé et s'il affecte la concurrence et les échanges entre Etats membres.

(198)

L'avantage que les mesures en cause procureraient à FT lui permet d'atténuer ou d'éviter partiellement les conséquences découlant normalement de sa situation financière déséquilibrée. En effet, il y a lieu de rappeler que le but de l'intervention de l'État était explicitement de résoudre la crise financière tout en gardant l'intégrité substantielle de la structure opérationnelle de FT et son niveau de croissance interne (but qui a été substantiellement atteint car FT a redressé sa situation tout en gardant l'intégrité du groupe s'il est fait exception de quelques cessions d'importance relative). Dans la mesure où l'avantage octroyé à FT serait sélectif, il apparaît évident que cet avantage fausserait la concurrence entre FT et ses concurrents. Il convient de conclure que dans un secteur concurrentiel comme celui des télécommunications, les avantages dont bénéficie FT faussent ou menacent de fausser la concurrence de manière particulièrement sensible.

(199)

Lorsqu'une aide financière accordée par l'État renforce la position d'une entreprise par rapport à d'autres entreprises concurrentes dans les échanges intracommunautaires, ces derniers doivent être considérés comme influencés par l'aide (123). De même, lorsqu'un État membre consent une aide à une entreprise active sur les marchés des services et de la distribution, il n'est pas nécessaire que son bénéficiaire ait des activités en dehors de son État membre pour que le commerce entre Etats membres soit affecté (124).

(200)

Dans la mesure où FT opère sur des marchés qui ont été progressivement ouverts à la concurrence à partir de la fin des années 80, les déclarations du gouvernement à partir de juillet 2002 sont susceptibles d'affecter les échanges entre Etats membres. Le secteur des télécommunications est aujourd'hui l'un des secteurs les plus dynamiques et les plus intégrés au niveau européen. Nombreux sont les acteurs de ce secteur qui comme FT sont actifs dans plusieurs Etats membres (125).

(201)

Il ressort de ce qui précède que les mesures en question sont susceptibles d'affecter les échanges entre Etats membres.

(202)

Le principe de l'investisseur privé avisé est examiné à la section 8 dans le cadre de l'ensemble des déclarations faites par le gouvernement pendant les mois précédant le projet d'avance.

8.   PRINCIPE DE L'INVESTISSEUR PRIVÉ AVISE EN ECONOMIE DE MARCHE

(203)

Ainsi qu'il a été mentionné précédemment, la Commission souligne que les mesures notifiées ne peuvent pas être analysées sans prendre en compte les déclarations du gouvernement de juillet à décembre 2002. En effet, la teneur de ces déclarations et l'effet de ces dernières sur le marché révèlent que l'État avait décidé, dès juillet, de soutenir l'Entreprise.

(204)

La Commission souligne à titre liminaire que le droit communautaire reconnaît de manière générale l'importance des promesses et des déclarations de l'État dans l'application des règles sur les aides d'État (126). Le 12 juillet 2002, le journal Les Echos a publié une interview du ministre de l'économie et des finances français dans laquelle le ministre a confirmé à plusieurs reprises que si FT devait avoir des problèmes de financement, l'État aurait pris les mesures nécessaires pour les surmonter. Plus précisément le texte publié est le suivant:

«Vous évoquez les excès des marchés. Le cours boursier de France Télécom est très volatil. Vous êtes l'actionnaire majoritaire de cette entreprise, avez-vous un message à envoyer?

Nous sommes l'actionnaire majoritaire, avec 55 % du capital, il n'est évidemment pas question de “renationaliser” l'entreprise, comme je l'ai entendu ici ou là. Je me sens responsable des intérêts patrimoniaux de l'État. L'État actionnaire se comportera en investisseur avisé et si France Télécom devait avoir des difficultés, nous prendrions les dispositions adéquates.

L'État a-t-il été avisé en laissant France Télécom s'endetter, en s'engageant par exemple en Allemagne ?

Ce n'est pas à moi de critiquer mes prédécesseurs. Je remarque que tout le secteur a eu la même stratégie en même temps. Cela dit, la volonté idéologique de conserver la majorité du capital n'a pas facilité l'internationalisation de France Télécom, qui n'a pas pu acheter des entreprises avec du “papier”. D'où l'endettement. Je répète que si France Télécom avait des problèmes de financement, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui, l'État prendrait les décisions nécessaires pour qu'ils soient surmontés.

Vous relancez la rumeur d'une augmentation de capital…

Non, certainement pas! J'affirme simplement que nous prendrons, en temps utile, les mesures adéquates. Si c'est nécessaire.

…» (127)

(205)

Il convient de remarquer que cette interview n'a jamais été démentie par les autorités françaises (128). Bien au contraire, son contenu a été confirmé par les déclarations successives contenues dans les communiqués de presse du ministère de l'économie et des finances du 13 septembre 2002, du 2 octobre 2002 et du 4 décembre 2002. La précision ira croissant (129) avec les déclarations ultérieures, jusqu'à arriver à l'indication des modalités d'exécution de l'engagement de résoudre les problèmes de financement de France Télécom (montant de l'augmentation de capital et participation de l'État, avance d'actionnaire, soutien de la capacité de refinancement de l'Entreprise avant la recapitalisation) qui ont fait l'objet de la notification de la France. Notamment, le premier communiqué de presse du ministère de l'économie et des finances en date du 13 septembre 2002 mentionne plus clairement sa participation à la future augmentation de capital de France Télécom «L'État apportera son soutien dans la mise en œuvre de ce plan et contribuera, pour sa part, au renforcement très substantiel des fonds propres de l'entreprise, dans un calendrier et selon des modalités à déterminer en fonction des conditions de marché». Il ajoute que «D'ici là, l'État prendra, si cela est nécessaire, les mesures permettant d'éviter à l'entreprise tout problème de financement». Les mêmes propos sont tenus dans le communiqué de presse du ministère de l'économie et des finances en date du 2 octobre 2002: «L'État apportera son concours à la mise en œuvre des actions de redressement et contribuera, pour sa part, au renforcement des fonds propres de l'entreprise selon des modalités qui seront déterminées en liaison étroite avec le Président de l'entreprise et le Conseil d'administration. Comme il l'a déjà indiqué, l'État prendra dans l'intervalle, si cela est nécessaire, les mesures permettant d'éviter à l'entreprise tout problème de financement». Le communiqué du 4 décembre est également axé sur ces deux aspects, d'une part celui concernant la participation à l'augmentation de capital et, de l'autre, le refinancement de l'Entreprise au moyen, cette fois, d'une avance d'actionnaire sous forme de ligne de crédit (130).

(206)

Dans leur ensemble, ces déclarations peuvent être considérées comme ayant rendu publique l'intention de l'État selon laquelle si France Télécom avait des problèmes de financement ou des difficulté financières, l'État ferait le nécessaire pour qu'ils soient surmontés. Comme on le verra à la section 9, il était évident que déjà à l'époque de la première de ces déclarations, FT avait des difficultés financières structurelles reflétées par son bilan déséquilibré. La génération de cash flows s'est avérée inadéquate pour résoudre les problèmes liés à l'endettement. La constatation de l'insuffisance du cash flow et un optimisme indu quant aux cessions d'actifs non stratégiques ont continué à peser sur le cours de FT ainsi que sur la notation de sa dette (131). En affirmant que l'État prendra les décisions nécessaires ou les mesures adéquates, le ministre manifeste l'engagement de l'État de faire le nécessaire pour résoudre les problèmes structurels de financement de l'Entreprise. Telle a été en tout cas la perception des acteurs économiques.

(207)

Pour ce qui est de l'imputabilité de ces déclarations à l'État, cette question se pose uniquement par rapport à la déclaration de juillet. A ce propos, la Commission observe que dans le contexte économique tel qu'il vient d'être rappelé, le journal financier français de référence, Les Echos, vient trouver le ministre compétent et lui demande, non pas son sentiment sur les évènements de l'époque, mais s'il a un message à envoyer au marché. La réponse du ministre au journaliste n'est donc ni le fruit du hasard ni une analyse du passé. Il s'agit plutôt du choix du ministre et, derrière lui, du gouvernement pour adresser un message clair à toutes les composantes du marché. Le ministre a alors formulé des déclarations précises au nom de l'État et du gouvernement (d'ailleurs, dans le contexte d'une série d'articles concernant les priorités en matière de politique économique du nouveau gouvernement). Dans de telles circonstances, il n'y a pas de doutes que l'interview de ce ministre prouve pleinement la résolution prise par le gouvernement de soutenir FT et donc constitue un acte imputable à l'État. Au demeurant, comme indiqué au considérant 205, les propos tenus dans la presse n'ont été par la suite ni infirmés ou modifiés par le ministre ni démentis par le gouvernement.

(208)

La Commission souligne que ces déclarations publiques sont suffisamment claires, précises et fermes pour manifester l'existence d'un engagement crédible de l'État. Quant à la publicité, la Commission souligne que la première déclaration est publiée dans un quotidien d'audience nationale, de surcroît orienté vers un public d'opérateurs économiques et de banquiers. Bien plus, les réponses du ministre ne sont pas seulement fournies au journaliste mais sont adressées clairement à l'ensemble de la communauté financière et industrielle. En effet, la première question posée par le journaliste est très révélatrice: «Le cours boursier de France Telecom est très volatil. Vous êtes l'actionnaire majoritaire de cette entreprise avec 55 % du capital, avez-vous un message à envoyer ?». Le ministre ne peut donc ignorer qu'il est en train d'envoyer un message à l'Entreprise et à ses salariés ainsi qu'aux autres actionnaires, aux banques, aux créanciers et aux concurrents de l'Entreprise. Quant aux autres déclarations, elles ont été publiées par des communiqués de presse du ministre de l'économie et des finances destinés par leur nature même à avoir la plus grande diffusion.

(209)

Quant à la clarté, la Commission estime que déjà en juillet 2002 le message est clair, bien que les moyens d'intervention de l'État, à savoir les modalités d'exécution de son engagement, ne soient pas encore spécifiés: «Je me sens responsable des intérêts patrimoniaux de l'État. L'État actionnaire se comportera en investisseur avisé et si France Telecom devait avoir des difficultés nous prendrions les dispositions adéquates» et un peu plus loin «J'affirme simplement que nous prendrons, en temps utile, les mesures adéquates. Si c'est nécessaire». Il ressort ainsi clairement de ce passage, d'une part, que l'État prétend se placer en tant qu'actionnaire majoritaire avisé, et, d'autre part, qu'il prendra des mesures pour pallier les difficultés de France Télécom. La clarté de l'engagement de l'actionnaire majoritaire ne fait guère de doute, puisqu'il fait l'objet d'une répétition quelques lignes plus loin: «Je répète que si France Telecom avait des problèmes de financement, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui, l'État prendrait les décisions nécessaires pour qu'ils soient surmontés». La Commission souligne que la clarté de l'engagement de l'État n'a pas diminué avec les déclarations successives.

(210)

Quant à la fermeté de cet engagement, la Commission n'est pas convaincue que les expressions «si France Telecom devait avoir des difficultés» ou «si France Telecom avait des problèmes de financement» (déclarations de juillet) et «si cela est nécessaire» (communiqués de presse de septembre et octobre) peuvent être interprétées comme des conditions ayant l'effet de suspendre l'efficacité de l'engagement de l'État. En effet, à l'époque de la première déclaration, FT avait déjà vu sa notation très dégradée, avait une dette d'environ 70 milliards d'euros et le marché savait qu'elle devait faire face à certaines échéances importantes fin 2002 et début 2003 et financer un important besoin de financement pour la fin de l'année 2003. De sorte que la survenance des problèmes de financement n'était pas aléatoire, compte tenu du contexte financier général. Cette situation n'a pas évolué lors de la publication des autres déclarations. Par conséquent, les expressions en question ne peuvent être considérées comme des conditions suspensives alors que la condition suspensive est, par définition, un événement futur et incertain (132). Par ailleurs, les déclarations en question ne contiennent aucune réserve de notification préalable à la Commission. Il convient de souligner que contrairement à ce que soutiennent les autorités françaises, leur affirmation selon laquelle l'État prétend se comporter comme un investisseur avisé (une telle «précaution» a par ailleurs été simplement mentionnée en juillet et en décembre) ne peut être considérée comme une condition de l'engagement de l'État. Aucun élément ne permet de démontrer que le marché avait perçu une quelconque condition. La seule mention relative à la notion d'investisseur avisé est relevée dans le communiqué de Standard & Poor's du 12 juillet 2002, mais simplement à titre de citation des propos du ministre; l'interprétation des propos du ministre par l'agence qui suit la citation est différente (néanmoins l'indication de l'État soutient la notation de FT au rang d'investissement) (133). De plus, cela n'est pas repris dans les communiqués d'autres agences de notation comme Moody's, qui au demeurant voient dans les déclarations ministérielles l'indication de l'engagement ferme de l'État d'apporter son concours («support») à FT, quelles qu'en soient les modalités. A ce titre, il n'est pas suffisant d'affirmer vouloir se comporter en investisseur avisé pour respecter les règles sur les aides d'État, et en particulier le principe de l'investisseur privé avisé. Si tel était le cas, il suffirait aux Etats membres de soutenir qu'ils ont respecté ces règles pour qu'elles soient effectivement respectées et l'activité de contrôle de la Commission serait tout à fait superflue. Par ailleurs, il n'appartient pas aux Etats membres de juger du respect du principe de l'investisseur avisé, mais à la Commission sous le contrôle du juge communautaire. A ce propos, en dépit de ce qu'elles soutiennent, les autorités françaises ne semblent pas s'être comportées en investisseur avisé (voir le point 5.5). FT a par ailleurs souligné que l'expression «disposition adéquates» ne signifierait pas à priori que l'État se serait engagé à adopter des dispositions financières. La Commission souligne la contradiction évidente dans les arguments des autorités françaises. En effet, d'un côté, l'État prétend qu'il se comportera comme un actionnaire avisé. Compte tenu de la situation financière de l'Entreprise, des analystes financiers et des moyens de l'actionnaire privé, cela suggère que l'État entend fournir un soutien financier à FT (un changement de management ne pouvait en aucun cas être jugé suffisant, ce qui a été confirmé par la suite par la teneur du plan Ambition 2005). D'un autre côté, lorsque les autorités françaises prétendent que les mesures ne sont pas financières, cela suggère qu'elles entendaient agir en tant qu'autorité publique.

(211)

Quant à l'argument des autorités françaises basé sur la jurisprudence Compagnie nationale Air France (134), selon lequel les propos incriminés ne sauraient comporter un engagement ferme et inconditionnel de l'État car ils ne sont pas suffisamment précis, cet argument se base sur une confusion entre le problème de la date de l'engagement et l'appréciation de cet engagement au regard du principe de l'investisseur privé avisé. Or, s'agissant de la date de l'engagement, la Commission relève que cette jurisprudence n'exclut pas qu'en engagement ferme puisse exister avant la connaissance de toutes les modalités précises d'exécution. En revanche, ce que le Tribunal de première instance des Communautés européennes souligne, c'est qu'un investisseur privé en général ne prendrait pas une décision irrévocable d'investir aussi longtemps que les modalités définitives de l'investissement n'ont pas été arrêtées.

(212)

D'ailleurs, les autres circonstances pertinentes entourant lesdites déclarations confirment la clarté et la fermeté du message du ministre ainsi que la volonté de l'État de s'engager en pleine connaissance de cause. Ainsi, déjà en juillet 2002, l'État ne s'est pas contenté de déclarations publiques, il a également contacté les principaux acteurs du marché, afin que ceux-ci servent de relais auprès des investisseurs (135). L'urgence tenant à la situation financière de l'Entreprise confirme l'existence d'une décision ferme de l'État de soutenir FT. Pendant la première moitié de l'année 2002, FT a vu sa notation fortement dégradée suite à la publication de ses comptes annuels 2001. Le point culminant de la dégradation de la note de FT a été atteint le 24 juin 2002 lorsque Moddy's a dégradé le rating de l'Entreprise au rang juste supérieur à celui de «junk bonds», rendant ainsi très difficile le refinancement de sa dette (136). Cette dégradation a provoqué une très grande inquiétude sur les marchés financiers quant à la situation financière de FT (et notamment quant à sa capacité de refinancer sa dette de 15 milliards d'euros venant à échéance à la fin de l'année 2003) et les marchés étaient alors dans l'expectative d'une réaction de l'État propre à les rassurer. Ces circonstances indiquent, selon la Commission, que l'État se devait d'intervenir dans l'urgence afin de donner confiance au marché et de prévenir toute dégradation ultérieure de la notation de FT à un rang de «junk bonds», ce qui aurait eu des conséquences fortement négatives (137) sur la situation financière de l'Entreprise. L'État a ainsi préservé cette confiance au moyen des déclarations successives. De fait, l'intervention de l'État a eu pour conséquence de prévenir toute dégradation de la note de l'Entreprise à un rang de «junk bonds» comme cela est d'ailleurs clairement indiqué dans le communiqué de presse de S & P du 12 juillet 2002 qui indique que les assurances fournies par l'État étaient un facteur clef dans le fait que FT ne soit pas dégradé au rang de «junk bonds».

(213)

En conclusion, si chacune de ces déclarations prises séparément pourrait ne pas suffire à démontrer l'existence d'une décision de l'État de soutenir FT, l'ensemble des déclarations en question semble suggérer l'existence de cette décision (laquelle s'est matérialisée dans l'offre de l'avance d'actionnaire à FT comme anticipation de la participation de l'État à une future recapitalisation). Telle a été en tout cas la perception des marchés. En plus, le caractère ferme de cette décision serait confirmé au cas où il serait établi que ces déclarations sont contraignantes en droit interne et sont susceptibles de mettre en jeu la crédibilité de l'État.

(214)

A titre liminaire, la Commission observe qu'elle a étudié le point de savoir si en droit interne, un investisseur privé ayant fait les mêmes déclarations que l'État serait obligé de respecter ses promesses. Etant donné qu'en l'espèce l'investisseur est l'État, l'étude du droit interne a concerné également le droit administratif.

(215)

La Commission relève qu'elle a demandé un rapport d'expertise sur ce point et qu'elle a également reçu plusieurs rapports de la part des tiers. Sur la base de ces informations, la Commission ne peut pas exclure à ce stade que les déclarations en question aient force contraignante sur la base du droit administratif, civil, commercial et pénal français (138), ainsi que sur la base du droit de l'État de New York.

(216)

La principale critique des autorités françaises consiste à faire remarquer que les engagements unilatéraux en droit interne sont une exception, et que les lettres d'intention, qui ne sont pas une catégorie homogène, ne valent qu'exceptionnellement engagement unilatéral. Mais la question n'est pas de savoir si le droit français est univoque sur la question, mais de savoir s'il existe des éléments en droit privé qui permettraient de relever l'existence d'un engagement unilatéral dans des circonstances comme celles de l'espèce. Or, le fait qu'il existe une jurisprudence de la Cour de cassation (139) utilisable, dont les autorités françaises essaient simplement de minimiser la portée (140), n'est pas contestable.

(217)

De telles déclarations, répétées et concordantes, émanant du ministre compétent pour la gestion des participations de l'État et représentant l'actionnaire majoritaire de l'Entreprise, sont pleinement susceptibles d'être considérées comme crédibles par le marché et elles créent par conséquent une attente de ce dernier, selon laquelle l'État fera tout le nécessaire pour résoudre toute difficulté financière de FT. Si l'État n'avait pas honoré cette attente, cela aurait directement affecté sa réputation en tant que propriétaire, actionnaire ou gestionnaire d'entreprises cotées ou non, ainsi qu'en sa qualité d'émetteur d'obligations pour financer la dette publique (141). Ainsi, les déclarations du gouvernement français, à partir de celles de juillet 2002, expriment une stratégie basée sur la réputation de l'État. Cette stratégie consiste à s'engager de manière crédible sur le court et le long terme. Un actionnaire majoritaire ou un propriétaire d'entreprises (ou plus généralement un gestionnaire) qui ne se comporte pas conformément à ce qu'il avait publiquement annoncé et un émetteur d'obligations qui ne tient pas sa parole risquent logiquement, indépendamment de toute obligation juridique, de perdre leur réputation. La contrepartie de cette perte de réputation comporte des coûts économiques presque certains incombant à ce même opérateur lorsqu'il voudra emprunter de nouveau des capitaux sur le marché (tout en admettant qu'il trouve toujours quelqu'un disposé à lui octroyer un crédit) ou lorsqu'il agira en qualité de propriétaire ou gestionnaire d'entreprise (142). En l'espèce, l'actionnaire majoritaire est l'État français. L'État français est un acteur économique majeur, actif dans l'économie comme propriétaire, actionnaire ou, plus généralement, comme gestionnaire d'un grand nombre d'entreprises publiques (143). L'État français est également un emprunteur important sur le marché des capitaux pour financer sa dette publique (144). Une perte de crédibilité de celui-ci aurait alors des conséquences non négligeables, tant au niveau de sa réputation en tant qu'acteur économique majeur et émetteur sur les marchés internationaux qu'au niveau de sa réputation en tant qu'acteur politique majeur.

(218)

Pris dans leur ensemble, ces éléments peuvent être conçus comme risquant effectivement de mettre en danger des ressources d'État (soit en engageant la responsabilité de l'État vis-à-vis des investisseurs, soit en augmentant le coût des transactions futures de l'État). La thèse d'après laquelle les déclarations des autorités françaises à partir de juillet 2002 seraient des aides est donc une thèse innovante, mais probablement pas dépourvue de fondement.

(219)

Pourtant, la Commission n'estime pas pouvoir établir de manière irréfutable la présence d'aides sur cette base. Elle considère en revanche pouvoir démontrer la présence d'éléments d'aide d'une façon plus traditionnelle à partir des mesures de décembre 2002 qui avaient été l'objet d'une notification. A cet égard, il est suffisant d'établir que les déclaration préalables ont eu un impact réel sur la perception des marchés en décembre, sans avoir besoin de qualifier ces déclarations préalables comme étant en elles-mêmes aides d'État.

(220)

En l'espèce, la réaction du marché ainsi que les commentaires des analystes financiers confirment que le marché a considéré ces déclarations comme une stratégie d'engagement crédible de l'État à soutenir FT.

(221)

Quant à la réaction du marché, NERA a souligné que l'event Study effectuée sur l'annonce du 12 juillet 2002 démontre que cette annonce a provoqué un accroissement anormal et non négligeable de la valeur des actions et des obligations de FT. Ainsi, le cours de l'action de FT par rapport à un ensemble d'Index Télécom représentatifs du marché a progressé dans une fourchette comprise entre 37,8 % et 43,8 %. Quant à l'accroissement anormal du cours des obligations, il se situe dans une fourchette comprise entre 3,2 % et 9,7 %. Cette réaction implique que le marché a cru que, par cette annonce, l'État s'engageait à offrir un plus grand soutien à FT (145) et il a attribué une valeur très importante à cette annonce. Quant aux commentaires des analystes financiers, la Deutsche Bank a, par exemple, dans un rapport publié le 22 juillet 2002, mentionné à plusieurs reprises que le soutien de l'État était déterminant pour éviter une crise (146) et que le marché était convaincu, à la lumière des déclarations du gouvernement, du soutien étatique de ce dernier au bénéfice de FT (147) (même si le marché se posait des question sur la portée et les modalités de ce soutien) (148). De même, l'agence S & P a considéré les déclarations du gouvernement comme crédibles jusqu'au point d'influencer la notation de l'Entreprise. Le 12 juillet, S & P a ainsi dégradé la note de FT à BBB- mais a cependant maintenu sa notation au rang d'investissement avec une perspective stable (149), en soulignant que «l'État français — qui détient 55 % de France Télécom — a clairement indiqué à Standard & Poor qu'il se comporterait en investisseur avisé et qu'il prendrait les dispositions adéquates si FT devait avoir des difficultés. Ainsi, S & P pense que FT pourrait rencontrer certaines difficultés à refinancer sa dette obligataire venant à échéance en 2003. Néanmoins, l'indication de l'État soutient la notation de FT au rang d'investissement». («The French state-which owns 55 % of France Télécom has clearly indicated to Standard & Poor's that it will behave as an aware investor and would take appropriate steps if France Télécom were to face any difficulties … Indeed S & P believes that the company could face certain difficulties refinancing its debt obligations coming due in 2003. Nevertheless, the State's indication underpins France Télécom's investment-grade credit quality» (150). Le fait que le soutien de l'État, affiché à partir de juillet 2002, ait été crédible jusqu'au point de permettre à la note de FT de rester au rang d'investissement est également corroboré par FT elle-même (151). Ces éléments confirment l'opinion de la Commission selon laquelle le gouvernement français était obligé, pour préserver l'intégrité de sa réputation sur les marchés financiers, de respecter les promesses qu'il avait faites (d'ailleurs aucun élément dans le dossier ne peut laisser penser que cela n'a pas toujours été l'intention du gouvernement).

(222)

La Commission note par ailleurs que ces déclarations ont eu des effets très importants sur le marché. Une étude des observations et documents fournis par les autorités françaises ainsi que des travaux parlementaires disponibles montre que les déclarations de l'État ont contribué à redonner confiance aux marchés financiers (152). En effet, depuis le communiqué de presse de S & P du 13 juillet 2002, les agences de notation ont été d'accord pour souligner que le soutien affiché par l'État à partir de juillet 2002 a été déterminant pour le maintien de la note de FT au rang d'investissement. Le maintien du rating de FT à un rang d'investissement a permis ainsi à FT d'éviter des coûts financiers supplémentaires (153) sur les fonds qu'elle avait déjà empruntés en raison de la présence de step-up clauses  (154) dans certaines émissions obligataires ainsi que sur les fonds à emprunter ultérieurement. Par ailleurs, le maintien de la note au rang d'investissement a permis à l'Entreprise de redresser sa situation financière au moyen d'une opération de recapitalisation réalisée dans des conditions optimales en mars/avril 2003. En effet, déjà en septembre 2002, une des conditions imposées par les banques pour leur participation à l'opération de recapitalisation était «Le maintien au minimum des notations actuelles {rang d'investissement} de la dette à long terme de la Société par les agences de notation Moody's et Standard & Poor's; cette condition sera reprise dans le contrat de garantie et de placement» (155). Dans la mesure où l'avance constitue l'anticipation de la participation de l'État à la recapitalisation de FT, il s'ensuit que l'avance ne peut être considérée sans prendre en compte les effets de ces déclarations. Une dégradation de la notation de FT aurait rendu toute avance d'actionnaire improbable ou à tout le moins plus onéreuse.

(223)

La Commission relève que les observations des autorités françaises, pour autant qu'elles tendent à démontrer que l'avance d'actionnaire prise isolément en faisant abstraction des événements qui l'ont précédée respecte le principe de l'investisseur avisé, pourraient paraître à première vue ne pas être tout à fait dépourvues de fondement. Toutefois, cette impression se dissipe après une analyse plus détaillée. En effet, la Commission souligne que, pour les raisons exposées ci-après, la décision d'anticiper l'opération d'augmentation de capital par l'octroi d'une avance d'actionnaire ne saurait être analysée indépendamment des déclarations précitées.

(224)

A ce titre, la Commission rappelle que l'État avait déclaré dès juillet 2002 vouloir adopter les mesures nécessaires pour permettre à l'Entreprise de surmonter ses problèmes de financement. Les autorités françaises sont restées vagues dans un premier temps quant aux modalités d'exécution de ces déclarations. Elles les ont ensuite précisées lors d'interventions successives par l'annonce, au mois de septembre, de la décision de participer à une opération de renforcement de fonds propres, par l'annonce, au mois de décembre, de la mise à disposition de l'Entreprise d'une ligne de crédit d'un montant de 9 milliards d'euros, et par la mise en place des conditions nécessaires à cette mise à disposition.

(225)

Le fait que les mesures notifiées en décembre (notamment la décision d'anticiper une future recapitalisation par l'octroi d'une avance d'actionnaire), prises isolément, puissent donner l'illusion d'opérations tout à fait rationnelles n'enlève rien au fait que le comportement des acteurs économiques en décembre était clairement influencé par les agissements et déclarations formulés par l'État préalablement, et notamment à partir de juillet 2002, indiquant l'intention de l'État de pallier les problèmes de financement de l'Entreprise. La Commission rappelle, à cet égard, que les déclarations de l'État ont été déterminantes pour le maintien de la note de l'Entreprise au rang d'investissement et qu'une note «junk bond» aurait rendu l'avance d'actionnaire plus improbable et certainement beaucoup plus onéreuse.

(226)

En ce sens, la décision de l'État d'anticiper la recapitalisation de l'Entreprise par l'octroi d'une ligne de crédit constitue in fine une matérialisation des annonces de l'État.

(227)

La Commission souligne tout d'abord qu'elle est consciente que l'opération de recapitalisation de FT réalisée en avril 2003 a été un succès et que l'avance d'actionnaire n'a jamais été mise en place. Elle rappelle également que l'application du critère de l'investisseur privé avisé conduit en général la Commission à rechercher si un investisseur avisé privé, de taille comparable à celle de l'investisseur public, aurait procédé de manière comparable à l'investisseur public. Il ressort d'une jurisprudence constante que l'analyse du principe de l'investisseur privé avisé se base sur les éléments dont dispose l'investisseur au moment de sa prise de décision d'investir. Le succès de l'opération en mars-avril 2003 ne peut donc pas être pris en compte pour juger du comportement de l'État en décembre 2002. Par ailleurs, la Commission souligne que, dans la mesure où les déclarations de l'État ont influencé le marché et le comportement des acteurs économiques, la Commission n'est pas en mesure de se baser sur le comportement des autres acteurs économiques pour juger du comportement de l'État et ainsi appliquer le critère de la concomitance. En effet, les déclarations de l'État selon lesquelles il ferait le nécessaire pour permettre à l'Entreprise de surmonter ses problèmes de financement, intervenues en juillet puis réitérées, faussent le test de concomitance dans la mesure où les investisseurs privés ne peuvent là encore pas être regardés comme s'étant déterminés sur la seule base de la situation de l'Entreprise, et cela indépendamment de la question de savoir si ces déclarations recèlent une aide d'État ou pas (156). Qui plus est, l'application du principe de l'investisseur privé avisé en économie de marché ne peut pas s'appuyer sur la situation du marché en décembre, mais doit logiquement se fonder sur la situation d'un marché non contaminé par les déclarations et interventions préalables.

(228)

Il semble donc logique d'examiner les décisions en question à partir de la situation préalable à juillet 2002. Ainsi, si les décisions en question sont analysées dans le contexte de la situation préalable à juillet 2002, il semblerait qu'elles ne respectent pas le principe de l'investisseur privé avisé. Comme il a été déjà souligné, FT se trouvait, courant 2002, dans un contexte économique difficile. Le plan de désendettement annoncé par les dirigeants et centré sur une cession d'actifs importante avait été jugé irréalisable par l'agence de notation Moody's, laquelle avait dégradé la note de l'Entreprise de deux crans le 24 juin 2002 (157). En conséquence, FT avait alors perdu la confiance des marchés. A cette époque, le gouvernement n'avait encore pris aucune mesure visant à améliorer la gestion de l'Entreprise et ses résultats (158) ni commandé un audit approfondi. En particulier, le gouvernement n'avait pas encore mis en place de nouvelle équipe dirigeante et aucun plan de redressement n'était encore en route, ni même à l'étude (159). Le soutien annoncé par le gouvernement français à partir des déclarations de juillet 2002 se présente, par conséquent, comme une action unilatérale de l'État alors que le marché était plutôt sceptique quant à la capacité de l'Entreprise de redresser sa situation financière (160) et que les analystes financiers recommandaient la prudence vis-à-vis de la participation à une possible opération de renforcement des fonds propres de l'Entreprise (161).

(229)

A la lumière de la situation financière de l'Entreprise rappelée dans la présente décision, du contexte global de perte de confiance des marchés à cette époque ainsi que de l'absence d'un plan de désendettement crédible et réaliste jusqu'en décembre, la Commission considère qu'il est improbable qu'un investisseur privé aurait tenu à partir de juillet 2002 des déclarations similaires à celles formulées par le gouvernement français, susceptibles, d'un point de vue purement économique, d'engager sérieusement sa crédibilité et sa réputation et, d'un point de vue juridique, à même de l'obliger dès cette date à soutenir financièrement l'Entreprise en tout état de cause. En faisant cela, tout investisseur aurait ainsi assumé à lui seul un risque très important vis-à-vis de l'Entreprise, sans se voir compensé par elle ou par les autres actionnaires de l'Entreprise, et sans que soit envisagée une quelconque compensation comme rémunération de son soutien. Il est probable que même un actionnaire de référence, possédant les mêmes informations sur la situation économique de l'Entreprise que celles dont disposaient les autorités françaises à l'époque (162), n'aurait pas suivi une telle démarche sans entreprendre préalablement un audit approfondi de la situation financière de l'Entreprise (163) et des mesures nécessaires pour la redresser afin de se faire une idée assez précise du risque qu'il allait prendre et des perspectives de rémunération y afférentes. Par ailleurs, un tel actionnaire de référence aurait de toute manière eu besoin de la participation des marchés financiers pour redresser la situation de l'Entreprise et les marchés ne semblaient pas, à cette époque, disposés à investir ou à accorder beaucoup de crédit à FT. Il est peu probable qu'un investisseur privé avisé placé dans la même situation que l'État français aurait fait des déclarations de soutien en faveur de FT en juillet 2002 en considération de la situation économique de FT et de l'absence d'informations claires et complètes à sa disposition à ce sujet. Il est alors encore moins probable qu'il aurait octroyé une avance d'actionnaire en assumant à lui seul un risque financier très important. Quant à l'argument présenté par FT et les autorités françaises selon lequel «il pourrait être objecté que toute manifestation de soutien par l'État aurait un effet de garantie implicite au vu des moyens “illimités” dont dispose l'État» qui «reviendrait à rendre impossible l'application du principe de l'investisseur privé avisé — dont les ressources sont toujours limitées — et à traiter les comportements de l'État actionnaire de manière différente que ceux de l'investisseur privé» (164), et que cela empêcherait toute déclaration publique de l'État, la Commission ne peut accepter ces arguments. En effet, il n'est pas question d'empêcher l'État de se comporter comme un investisseur privé avisé et de formuler, le cas échéant, des déclarations de soutien qu'un investisseur privé avisé ferait (par exemple déclarer son intention de participer à un éventuel projet de recapitalisation lorsque cette opération est basée sur un plan de redressement sérieux et crédible) ni d'obliger l'État à notifier toute déclaration. La Commission souligne qu'une réserve explicite, selon laquelle toute intervention ultérieure serait préalablement notifiée à la Commission et mise en place uniquement après avoir été approuvée, rendrait de ce fait les déclarations conditionnelles et permettrait ainsi d'examiner l'intervention ultérieure de l'État sur la base de la situation de marché existant à l'époque de son adoption.

(230)

Il résulte de l'ensemble des considérations qui précèdent que le principe de l'investisseur privé avisé en économie de marché n'est pas rempli. Par conséquent, l'avantage octroyé à FT par le projet d'octroi de l'avance d'actionnaire — examiné à la lumière des déclarations et interventions préalables des autorités françaises — est une aide d'État, même si l'ampleur de l'avantage est difficile à calculer.

9.   COMPATIBILITÉ DE L'AIDE

(231)

Quant à la compatibilité de l'aide en question, la Commission précise à titre liminaire que son analyse développée aux points 122 et 123 de la décision d'ouverture reste toujours applicable en l'espèce. Par conséquent, sa compatibilité avec le marché commun pourrait être analysée selon les critères appliqués dans les lignes directrices.

(232)

La Commission observe que France Télécom était une entreprise en difficulté au sens des lignes directrices, comme le montre le tableau 10. Plus particulièrement, une entreprise est considérée comme en difficulté, lorsque «plus de la moitié de son capital souscrit a disparu et que plus du quart de ce capital a été perdu au cours des douze derniers mois (165)».

Tableau 10

France Telecom

Bilan consolidé

(Montants en millions d'euros)(Données 1998, 1 Euro = 6,55957 FRF)

 

Exercice clos le 31 décembre

PASSIF

2000

2001

2002

Capital social

4 615

4 615

4 761

Prime d'émission

24 228

24 228

24 750

Réserves

2 748

4 682

–5 434

Résultat net part du Groupe

3 660

–8 280

–20 736

Réserve de conversion

59

844

–3 315

Actions Propres

–2 153

–5 002

–9 977

Capitaux propres

33 157

21 087

-9 951

Intérêts minoritaires

2 036

8 101

9 780

Fonds non remboursables et assimilés

Dettes financières à long et moyen terme

30 547

54 543

46 898

Autres dettes à long terme

5 220

8 663

14 978

Total des dettes à long terme

35 767

63 206

61 876

Part à moins d'un an des dettes financières à long et moyen terme

7 542

1 596

13 495

Découverts bancaires et autres emprunts à court terme

25 165

11 365

10 490

Dettes fournisseurs

7 618

8 631

8 503

Charges à payer et autres provisions à court terme

7 729

7 259

7 395

Autres dettes

8 113

2 481

1 712

Impôts différés

512

374

87

Produits constatés d'avance

1 946

3 258

3 200

Total des dettes à court terme

58 625

34 964

44 882

Total du passif

129 585

127 358

106 587

Source: Rapports Annuels France Telecom 1999, 2002, 2003.

(233)

Suivant la lettre des lignes directrices qui se réfèrent au capital souscrit, les indicateurs pertinents au regard de la qualification d'entreprise en difficulté de FT ne comprennent pas tous les éléments constitutifs des capitaux propres mais sont limités au capital social et à la prime d'émission.

(234)

Au 31 décembre 2001, suivant cette définition, le capital souscrit s'élevait à 28,8 milliards d'euros (correspondant à 4,6 milliards d'euros de capital social et 24,2 milliards d'euros de prime d'émission).

(235)

Au 31 décembre 2002, le capital souscrit s'élevait à 29,5 milliards d'euros (correspondant à 4,8 milliards d'euros de capital social et 24,7 milliards d'euros de prime d'émission). Au titre de l'exercice 2002, la perte nette du groupe s'élevait à 20,7 milliards d'euros, qui correspondent à une perte du capital souscrit de 70 % (20,7 milliards d'euros/29,5 milliards d'euros). Par ailleurs, si l'on prenait en compte les réserves négatives de 8,9 milliards d'euros, on aboutirait à une perte totale du capital souscrit.

(236)

Ainsi, force est de constater que FT était une entreprise en difficulté au sens des lignes directrices.

(237)

Par ailleurs, cette conclusion est confirmée par une analyse du point 6 des lignes directrices. Ce point mentionne un certain nombre d'indices illustrant les difficultés financières d'une entreprise. Il s'agit de critères qualitatifs comme le niveau croissant des pertes, la diminution du chiffre d'affaires, la diminution de la marge brute d'autofinancement, l'endettement croissant, la progression des charges financières ainsi que l'affaiblissement ou la disparition de la valeur de l'actif net (166).

(238)

Quant aux arguments des autorités françaises relatifs à la croissance des éléments opérationnels, la Commission précise que le bilan d'une entreprise, ses résultats opérationnels et ses prévisions quant aux futurs cash flows sont des éléments faisant partie intégrante de l'évaluation d'une société. Notamment, la dette inscrite au bilan d'une entreprise pèse sur ses futurs cash flows même si elle a pour origine des évènements passés. La Commission souligne qu'elle est consciente de la progression du chiffre d'affaires de l'Entreprise et du fait que sa marge brute d'autofinancement était élevée et progressait plus rapidement que son chiffre d'affaires, cependant elle ne peut occulter la réalité du marché d'une entreprise dotée d'une dette colossale. Elle ne peut également pas dissocier les décisions stratégiques prises par une entreprise de ses décisions opérationnelles. Ainsi, contrairement à ce qu'avancent les autorités françaises, l'accent mis sur la progression du cash flow de l'Entreprise ne peut être pris isolément. Le rapport HSBC précité affirme, par ailleurs, que même avec le plan TOP, le besoin de financement de l'Entreprise serait de 21,9 milliards d'euros en 2004 et 2005; sans le plan TOP ce besoin serait de 33 milliards d'euros pour la même période.

Tableau 11

France Telecom

Compte de résultat consolidé

(Montants en millions d'euros)(Données 1998, 1 Euro = 6,55957 FRF)

 

2001

2002

Chiffre d'affaires

43 026

46 630

Coût des services et produits vendus

(17 619)

(18 558)

Frais commerciaux et administratifs

(12 520)

(12 579)

Frais de recherche et développement

(567)

(576)

Résultat d'exploitation avant amortissements des immobilisations et des écarts actuariels du plan de congés de fin de carrière (EBITDA)

12 320

14 917

Résultat d'exploitation (EBIT)

5 200

6 808

Charges financières nettes hors TDIRA

(3 847)

(4 041)

Charges d'intérêt des TDIRA

Ecart de change net

(337)

136

Effet de l'actualisation du plan de congés de fin de carrière

(229)

(216)

Résultat courant des sociétés intégrées

787

2 687

Autres produits (charges) non opérationnels, nets

(5 904)

(12 849)

Impôt sur les sociétés

2 932

(2 499)

Participation des salariés

(131)

(148)

Résultat net des sociétés intégrées

(2 316)

(12 809)

Quote-part dans les résultats des sociétés mises en équivalence

(890)

(367)

Amortissement des écarts d'acquisition

(2 531)

(2 352)

Amortissement exceptionnel des écarts d'acquisition

(3 257)

(5 378)

Résultat net de l'ensemble consolidé

(8 994)

(20 906)

Intérêts minoritaires

714

170

Résultat net (Part du groupe)

(8 280)

(20 736)

Source: Rapports Annuels France Telecom 2001, 2002.

(239)

L'analyse des différents critères cités au considérant 237 révèle que FT supportait des pertes croissantes en 2001 ainsi qu'en 2002. De plus, la dette financière nette de FT (voir tableau 12) s'élevait à 63,5 milliards d'euros au 31 décembre 2001, à 69,7 milliards d'euros au 30 juin 2002 et à 68,0 milliards d'euros au 31 décembre 2002.

Tableau 12

(en milliards d'euros)

 

31.12.2001

30.6.2002

31.12.2002

Total des dettes à long terme

63,2

64,3

61,8

Part à moins d'un an des dettes

1,6

9,2

13,5

Découverts bancaires et autres emprunts à court terme

11,4

13,8

10,5

Dette brute

76,2

87,3

85,8

Valeurs mobilières de placement

(1,1)

(0,1)

(-)

Disponibilités

(2,9)

(2,3)

(2,8)

Autres dettes à long terme

(8,7)

(15,2)

(15,0)

Dette financière nette

63,5

69,7

68,0

Source: Rapports annuels France Télécom et comptes consolidés France Télécom au 30 juin 2002

(240)

La Commission souligne également la progression des charges financières de 2 milliards d'euros en 2000 à 3,8 milliards d'euros en 2001 et à 4 milliards d'euros en 2002.

(241)

La valeur de l'actif net qui correspond à la valeur des capitaux propres a diminué de 33,2 milliards d'euros au 31 décembre 2000 à 21 milliards d'euros au 31 décembre 2001 et a atteint une valeur négative de 10 milliards d'euros au 31 décembre 2002.

(242)

Il résulte donc que, des six critères mentionnés au point 6 des lignes directrices comme indicateurs de l'état de mauvaise santé d'une entreprise, quatre sont remplis.

(243)

Finalement, les difficultés financières de l'Entreprise sont par ailleurs confirmées par les difficultés rencontrées par FT durant l'année 2002 pour se refinancer à des conditions appropriées sur le marché des capitaux. Contrairement à ce qu'affirment les autorités françaises, FT n'avait pas accès aux marchés financiers durant l'année 2002 dans des conditions appropriées, préalablement à la série de déclarations de soutien de l'État à partir de juillet jusqu'à décembre 2002 (167).

(244)

Les difficultés qu'aurait FT à se refinancer dans des conditions appropriées sans le soutien de l'État sont notamment illustrées par les rapports des analystes financiers.

(245)

Par exemple, en juillet 2002, un analyste affirmait qu'avec une note de Baa3 il aurait été difficile pour l'Entreprise de résoudre le problème de sa dette au moyen de l'acquisition de nouveaux capitaux: «La notation de Baaa3 signifiait qu'il était difficile de dire qui aurait souscrit à une éventuelle émission obligataire. La perspective négative accroît la possibilité que l'entreprise devienne un “fallen angel” au cas où elle ne pourrait résoudre ses problèmes de dettes». («[FT's Baa3 rating meant that it was] hard to say who would buy a potential bond issue. The negative outlook increases the possibility of the company becoming a fallen angel, if it is unable to solve its debt problem».) (168)

(246)

Un rapport de JP MORGAN en date du 2 décembre 2002 semble aussi confirmer que, sans le soutien de l'État, FT n'aurait pas été capable d'obtenir de nouveaux capitaux sur le marché pour refinancer sa dette. Le rapport précise que: «Nous continuons à voir le profile de FT en terme de risque/rémunération comme non attractif en attendant le résultat d'une révision stratégique. […] Bien que nous voyions une importante capacité pour FT de réduire ses coûts et produire un rendement très important et même si le PDG a une solide réputation, le rôle du gouvernement est central pour donner à FT la flexibilité dont elle a besoin. Pendant ce temps, le risque de liquidité perdure et, selon nous, une augmentation de capital n'est qu'une question de temps. […] Le rôle du gouvernement sera encore central dans le refinancement et la réduction de la dette. Cependant, face à des échéances de refinancement décourageantes pour l'année 2003, FT et les agences de notation se sont focalisées à court terme sur les risques de liquidité et de refinancement de l'entreprise. Cela serait impossible sans l'intervention du gouvernement — même France Télécom l'a reconnu lors de sa conférence téléphonique du troisième trimestre». («We continue to view FT's risk/reward profile as unattractive pending the outcome of a strategy review. […] Although we see significant scope for FT to cut costs and deliver a compelling yield and even though the CEO has strong track record execution, the government role in giving FT the flexibility it requires is pivotal. In the meantime, liquidity risk remains and in our view, a right issue is a matter of when not if. […] The government's role will again be pivotal in refinancing and reducing this debt. However it is liquidity or refinancing risk that is the near-term focus of FT and rating agencies alike, with a daunting refinancing schedule ahead in 2003. […] This would be impossible without government intervention — even FT acknowledged this in its Q3 conference call») (soulignement ajouté).

(247)

Deux rapports de Goldman Sachs et de SG Equity Research confirment que ce n'est qu'après la série de déclarations de l'État que le marché des capitaux a permis à FT de se refinancer à des conditions appropriées. Global Equity Research précise le 20 février 2003 que «[Les] problèmes immédiats de liquidité sont résolus: depuis l'anticipation de sa participation dans l'augmentation de capital de 15 milliards d'euros sous la forme d'une ligne de crédit de 9 milliards d'euros, FT a de nouveau pu accéder au marché obligataire pour réduire ses contraintes immédiates de liquidité». («[the] immediate liquidity issues are solved: since the government's upfront prepayment of its €15bn equity offering in the form of a €9bn standby facility, FT has been able to re-access the debt capital markets to solve its immediate liquidity challenges».)

(248)

L'opinion des analystes financiers est d'ailleurs confirmée par les déclarations du PDG de l'Entreprise de l'époque, M. Bon, rapportées par plusieurs articles de presse (169), ainsi que par les autorités françaises elles-mêmes lors de la notification de décembre 2002 (170). Même si les autorités françaises soutiennent que l'opinion de l'ancien PDG de FT n'est pas pertinente compte tenu des circonstances dans lesquelles elle a été formulée, il n'en reste pas moins que cette opinion a été précisément confirmée par le nouveau dirigeant de FT nommé en octobre 2002 qui, lors de son audition du 5 décembre 2002 devant la commission des finances du Sénat, a lui aussi précisé que le groupe se trouvait dans une situation préoccupante: «Face à un endettement gigantesque, l'entreprise ne semblait pas avoir pris la mesure de la situation d'un groupe qui voyait sa cotation se dégrader, qui n'avait plus accès aux marchés de capitaux…» (171).

(249)

De même, les documents fournis par les autorités françaises pour illustrer l'accès de FT au marché ne semblent pas convaincants. En effet, les offres d'échange de […] et de […], visant à remplacer les obligations remboursables à courte échéance par des obligations à plus longue durée, ne renforcent pas la thèse des autorités françaises quant à l'accès de FT sur le marché des capitaux. Ainsi, l'offre d'échange émanant de la banque […], qui est datée du mois de juillet 2002 et qui aurait été remise le 17 juillet à FT, contient seulement des remarques préliminaires sur une possible opération d'échange (172) et n'indique qu'un prix indicatif à Euribor + 380 points de base portant un coupon de 8,50 % (173). Quant à l'offre de la banque […] de septembre 2002, cette dernière n'a pas été signée par les parties et ne contient aucun taux de refinancement. La Commission souligne que dans la mesure où les offres n'ont pas été formalisées et que seule une des deux offres mentionne un taux indicatif, plus élevé que la moyenne des taux des émissions de FT courant 2002 (174), ces deux offres ne sont pas pertinentes. En tout état de cause, ces offres semblent être postérieures aux déclarations de soutien explicite de l'État de juillet 2002 et ne peuvent donc pas démontrer que FT avait un accès normal au marché des capitaux.

(250)

Quant aux différentes opérations mentionnées par les autorités françaises (175), et notamment l'émission par FT d'obligations et d'obligations remboursables en actions («ORAs») courant 2002 (176), la Commission relève qu'elles ne démontrent pas non plus que FT avait accès au marché à des conditions appropriées. A cet égard, elle précise que le montant total des émissions est très en dessous (177) de la moyenne de FT sur la période 1997-2003 (178). Seule l'émission d'ORAs a une importance significative (179), mais il s'agit précisément d'un instrument utilisé lorsque le risque est élevé et que le coût d'une émission d'obligations ordinaires serait trop important.

(251)

Quant à l'affirmation des autorités françaises selon laquelle elles ont préféré recourir au crédit syndiqué plutôt qu'au marché obligataire pour se refinancer, cette dernière n'est pas indicative de la capacité de FT de se refinancer dans des conditions appropriées. En effet, le crédit syndiqué auquel se réfèrent les autorités françaises dans leurs observations du 22 janvier 2004 date du 14 février 2002, soit antérieurement à la dégradation du rating de FT par les agences de notation. En revanche, l'utilisation pendant plusieurs mois de cet instrument de crédit à court terme à la place d'une émission d'obligations à plus long terme qui aurait permis de refinancer une partie de la dette (180) de l'Entreprise, semble plutôt confirmer que l'accès de FT au marché des capitaux n'était pas facile. Cette situation a d'ailleurs été confirmée par les autorités françaises dans leurs observations du 22 janvier 2004, selon lesquelles le recours au crédit syndiqué était moins onéreux pour FT que l'accès au marché obligataire.

(252)

En conséquence de tout ce qui précède, la Commission est d'avis que FT doit être considérée, au premier semestre 2002, comme une entreprise en difficulté au sens des lignes directrices (181).

(253)

Cependant, les mesures en cause ne peuvent être qualifiées d'aides au sauvetage et à la restructuration d'entreprises en difficulté car elles ne remplissent pas les conditions d'autorisation prévues par les lignes directrices. La Commission souligne à titre liminaire sur ce point que les autorités françaises n'ont fait valoir aucun argument en ce sens et n'ont jamais affirmé que les mesures en cause avaient pour but le sauvetage et la restructuration de FT. Au contraire, les autorités françaises ont toujours réfuté que FT soit qualifiée d'entreprise en difficulté au sens des lignes directrices et ont souligné la bonne santé opérationnelle de l'Entreprise.

(254)

Les mesures en cause ne peuvent constituer des aides au sauvetage. En effet, les lignes directrices prévoient que le crédit doit être rémunéré, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. De même, les aides doivent être justifiées par des raisons sociales aiguës, alors que la Commission n'a aucun élément indiquant qu'en absence de cette aide une situation de détresse sur le plan social se serait produite. En effet, dans la mesure où les actifs de FT étaient sains du point de vue opérationnel, dans l'éventualité où FT aurait été obligée de procéder à une cession d'actifs pour faire face à ses besoins de financement, il n'y aurait très vraisemblablement eu aucun problème social aigu. Il est également prévu, aux termes des lignes directrices, que l'aide au sauvetage doit se borner dans son montant à ce qui est nécessaire pour l'exploitation de l'Entreprise pendant la période pour laquelle l'aide est autorisée. Or, en l'espèce, la Commission n'a aucun élément lui permettant de s'assurer que l'engagement de l'État de soutenir l'Entreprise était limité à l'exploitation de FT. De plus, les autorités françaises n'ont pas formellement notifié les mesures en question comme aides au sauvetage, ni affirmé que ces mesures auraient pour but le sauvetage de FT. L'aide au sauvetage doit être remboursée dans les 12 mois de la date du dernier versement, or le remboursement par compensation en actions de FT ne saurait constituer un remboursement au sens des lignes directrices, mais constitue une simple injection de capital car rien n'assure que la valeur nominale des actions correspondra au montant de l'aide. Il est également prévu, aux termes des lignes directrices, que l'aide au sauvetage n'est accordée que pour une durée maximum de 6 mois. Or la ligne de crédit est ouverte pour une période de 18 mois, ce délai est donc supérieur au délai autorisé.

(255)

Les mesures en cause ne peuvent pas non plus constituer des aides à la restructuration. Sur la demande de la Commission lors de la décision d'ouverture, les autorités françaises ont présenté le plan Ambition 2005. La lecture du plan a confirmé que FT entrait dans une phase de restructuration profonde, tant au niveau industriel que financier. En conséquence, la Commission considère que les mesures financières octroyées par les autorités françaises au soutien de FT étaient susceptibles de constituer des aides à la restructuration au sens des lignes directrices. Cela étant, la Commission ne peut considérer ces mesures comme compatibles avec le marché commun en vertu de l'article 87, paragraphe 3, point c), du traité et des lignes directrices. Il faut en effet relever que selon les lignes directrices, «les aides à la restructuration posent des problèmes particuliers en matière de concurrence». En conséquence, ces aides ne peuvent être accordées «qu'en fonction de critères stricts, et de l'assurance que les éventuelles distorsions de concurrence seront compensées par les avantages issus du maintien en vie de l'entreprise … et le cas échéant par des contreparties suffisantes en faveur des concurrents». Or en l'espèce, les informations fournies par les autorités françaises ne contiennent aucun élément à ce sujet et notamment, les autorités françaises n'ont pas communiqué à la Commission certains éléments contenus à l'annexe I des lignes directrices, notamment une description détaillée de l'aide (proposant des contreparties) et des études de marché qui sont des éléments indispensables à la Commission pour qu'elle puisse se prononcer sur l'ampleur des distorsions de concurrence en jeu et donc des contreparties nécessaires pour vérifier la compatibilité de l'aide.

(256)

La Commission conclut que les mesures financières octroyées par les autorités françaises au soutien de FT sont incompatibles avec le marché commun au regard de l'article 87, paragraphe 3, point c), du traité et des lignes directrices.

10.   RÉCUPÉRATION DE L'AIDE

(257)

A la lumière de ce qui précède, l'avance d'actionnaire de décembre 2002 constitue une aide d'État incompatible avec le marché commun. L'article 14 du règlement (CE) no 659/1999 exige donc en principe que la Commission demande sa récupération.

(258)

Bien entendu, une condition préalable pour procéder à l'exécution de cette obligation sera soit de quantifier dans la décision de façon relativement précise le montant de l'aide, soit — si cela n'est pas possible — d'inclure les paramètres permettant à l'État membre, en coopération avec la Commission, de procéder à un tel calcul ultérieurement.

(259)

A cet égard, la Commission n'est pas en mesure de procéder à ce stade à une quantification précise des aides en question.

(260)

Il est vrai que l'analyse à partir de la situation du marché avant les déclarations de juillet 2002 suggère l'existence d'un avantage considérable octroyé à FT. Or, la Commission n'estime pas approprié de s'appuyer sur ces seuls éléments pour quantifier l'aide. En effet, l'utilisation de la situation du marché avant les déclarations de juillet 2002, si elle permet de tenir compte de l'effet sur les marchés des déclarations préalables des autorités françaises, ne permet pas d'isoler ces effets des autres éventuels effets d'événements comme le changement de la direction de FT ou le plan Ambitions 2005. Cette évaluation n'offre donc qu'une vision «brute» qui n'est probablement pas strictement équivalente à l'avantage perçu par FT.

(261)

Malgré tous ses efforts, la Commission n'a pas été en mesure d'obtenir une évaluation raisonnable de l'impact financier «net» des mesures notifiées, qui devrait être établi sur la base d'un calcul théorique isolant les effets des déclarations et agissements imputables à l'État de tout autre événement ayant pu exercer une influence sur la situation de FT ou sur la perception de cette situation par les marchés. Il ne semble pas non plus possible d'intégrer dans la décision des paramètres de calcul suffisamment précis pour pouvoir effectuer le calcul définitif lors de la phase d'exécution de la décision. Dans ces circonstances particulières, le respect des droits de la défense de l'État membre pourrait constituer un obstacle à la récupération, conformément à l'article 14, paragraphe 1, du règlement (CE) no 659/1999, d'après lequel «la Commission n'exige pas la récupération de l'aide si, ce faisant, elle allait à l'encontre d'un principe général de droit communautaire».

(262)

Cette conclusion semble aussi découler du principe de la confiance légitime. Certes, la France n'a présenté à la Commission aucun argument portant sur l'existence d'une confiance légitime dans le chef des bénéficiaires de l'aide. Cependant, il découle de la jurisprudence de la Cour (182) que la Commission est tenue de prendre d'office en considération les circonstances exceptionnelles qui justifient, conformément à l'article 14, paragraphe 1, du règlement (CE) no 659/1999, qu'elle renonce à ordonner la récupération des aides accordées illégalement lorsque cette récupération est contraire à un principe général du droit communautaire, tel que le respect de la confiance légitime des bénéficiaires.

(263)

La Commission a pris en compte les déclarations du gouvernement dans son appréciation de la conformité de la mesure en cause au regard des règles sur les aides d'État. Pris isolément, le projet d'avance d'actionnaire aurait probablement été considéré comme ne constituant pas une aide au regard du traité. Cependant, la Commission est parvenue à la conclusion que les déclarations avaient eu pour effet de ramener la confiance sur le marché en ce qui concerne l'Entreprise, excluant ainsi l'application du principe de l'investisseur privé avisé et faisant du projet d'avance d'actionnaire la matérialisation de l'aide octroyée à FT. La Commission reconnaît qu'il s'agit de la première fois qu'elle doit examiner la question de savoir si ce type de comportement constitue une aide. Dans la mesure où l'aide dépend, par conséquent, de comportements qui ont précédé la notification du projet de l'avance, un opérateur diligent aurait pu avoir confiance dans la légitimité du comportement de l'État membre concerné qui, de son côté, avait dûment notifié le projet d'avance. Comme il a été dit par l'avocat général Darmon dans ses conclusions dans l'affaire C 5/98 (183)«on ne saurait faire fi des hésitations qui peuvent saisir certaines entreprises, devant des formes “atypiques” d'aides, sur la nécessité ou non de notifier».

(264)

En conclusion, la Commission conclut que FT a pu légitimement avoir confiance quant au fait que les comportements de la France ne constituaient pas une aide d'État. A la lumière de ce qui précède, la Commission considère que, en l'espèce, ordonner la récupération de l'aide serait contraire aux principes généraux du droit communautaire.

11.   CONCLUSIONS

(265)

La Commission constate que l'avance d'actionnaire octroyée par la France à FT en décembre 2002 sous forme d'une ligne de crédit de 9 milliards d'euros placée dans le contexte des déclarations formulées depuis juillet 2002 constitue une aide d'État,

A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:

Article premier

L'avance d'actionnaire octroyée par la France à France Télécom en décembre 2002 sous forme d'une ligne de crédit de 9 milliards d'euros placée dans le contexte des déclarations formulées depuis juillet 2002 constitue une aide d'État incompatible avec le marché commun.

Article 2

L'aide visée à l'article 1er ne doit pas faire l'objet de récupération.

Article 3

La République française est destinataire de la présente décision.

Fait à Bruxelles, le 2 août 2004.

Par la Commission

Frederik BOLKESTEIN

Membre de la Commission


(1)  JO C 57 du 12.3.2003, p. 5.

(2)  Voir les points 1 à 8 de la décision d'ouverture qui doivent être considérés comme partie intégrante de la présente décision.

(3)  Voir note de bas de page no 1.

(4)  Partie souhaitant garder son identité confidentielle.

(5)  Egalement dénommée aux fins de la présente décision MCI.

(6)  Partie souhaitant garder son identité confidentielle.

(7)  Auxquelles était annexée une plainte présentée par les mêmes sociétés datée du 22 janvier 2003.

(8)  Partie souhaitant garder son identité confidentielle.

(9)  La société LDCOM a fait parvenir à la Commission un erratum qui a été envoyé aux autorités françaises le 16 juin 2003.

(10)  Les autorités françaises ont envoyé une version corrigée d'une des annexes par courrier électronique le 30 juillet 2003.

(11)  2003/S 103-091487.

(12)  Partie souhaitant garder son identité confidentielle.

(13)  Contenant une consultation effectuée par M Sureau.

(14)  Contenant trois rapports préparés par trois experts nommés par FT (M C.D. Ehlermann, M Y. Galmot et Sir Studzinski de la banque HSBC).

(15)  Cette lettre contient des études dont les auteurs souhaitent rester anonymes. Il s'agit d'une étude économique, une étude sur le droit anglais, une étude sur le droit américain et une étude sur le droit français concernant la force contraignante des déclarations de l'État.

(16)  Contenant des rapports d'expertise décrits au point 4.13.

(17)  L'État détient toujours la majorité du capital de FT. Voir considérant 60.

(18)  Points 9 à 12 de la décision d'ouverture. Selon le rapport 2003, l'État actionnaire, FT compte 240 000 collaborateurs dans 39 pays.

(19)  Audition de M Thierry Breton, PDG de FT, devant la commission d'enquête sur la gestion des entreprises publiques, séance du 4 juin 2003.

(20)  NERA: «Le ratio d'endettement est défini comme le rapport de la dette à long terme sur l'ensemble des ressources à long terme (dette et capital)». («The debt ratio is defined as the ratio of long term debt to total long term capital (debt and equity)»

(21)  NERA: «Le rapport dette sur capital social est calculé comme le rapport de la dette à long terme sur le capital». («The debt-equity ratio is calculated as the ratio of long-term debt to equity».)

(22)  NERA: «Le “times-interest-earned ratio” ou “interest cover” indique dans quelle mesure les intérêts sont couverts par le résultat avant charges d'intérêts et impôts plus amortissements (EBIT). Cette mesure indique le niveau d'adéquation du cash flow généré par l'entreprise et de son aptitude à faire face au payement de ses intérêts». («The “times-interest-earned ratio” or “interest cover” measures the extent to which interest is covered by earnings before interest and taxes (EBIT) plus depreciation. The measure gives a level of the adequacy of cash flow generation and the consequent comfort a company enjoys in meeting its interest payments».)

(23)  NERA: «Les calculs sont basés sur les données fournies par FT. Les estimations couvrent les intérêts et le principal liés aux emprunts obligataires et aux billets de trésorerie (les intérêts sur les billets de trésorerie ont été pris en compte du 25 juillet au 31 décembre 2003 en raison de l'absence de données pour les dates antérieures».) («Calculations based on data supplied by France Telecom. Figures include bond and commercial paper interest and principal (interest on commercial paper was computed from 25 July 2002 to 31 December 2003 due to data unavailability for previous dates».)

(24)  «Les “credit ratings” sont utilisés par les investisseurs comme indicateur de la probabilité d'obtenir un remboursement en conformité avec les termes régissant leur investissement. De fait, les notations de crédit libellées “rang d'investissement” (les catégories internationalement comprises entre “AAA” et “BBB” pour le long terme et “F1” — “F3” pour le court terme) indiquent une probabilité relativement basse de défaillance, tandis que les notations des catégories “spéculatives” ou “rang de non investissement” (internationalement entre “BB” et “D” pour le long terme et “B — D” pour le court terme) peuvent indiquer une haute probabilité de défaillance ou qu'une défaillance s'est déjà produite» (site internet de Fitchs Rating: http://www.fitchratings.com/)). («Credit ratings are used by investors as indications of the likelihood of repayment in accordance with the terms on which they invested. Thus, the use of credit ratings defines their function: “investment grade” ratings (international long-term “AAA” — “BBB” categories; short-term “F1” — “F3”) indicate a relatively low probability of default, while those in the “speculative” or “non-investment grade” categories (international long-term “'BB” — “D”; short-term “'B” — “D”) may signal a higher probability of default or that a default has already occurred» (site internet de Fitchs Rating: http://www.fitchratings.com/).)

(25)  Moody's: «Moody's places France Telecom and Orange's long-term debt ratings on review for downgrade — Approximately EUR60 billion of Debt Securities Affected… The France Telecom ratings under review for possible downgrade relate to the following: Convertible global bonds, Euro MTNs, Eurobonds, Floating Rate Euro MTNs, Floating Rate French Franc Bonds, French Bonds, Swiss Franc Bonds, its issuer rating and bank loan rating…. any resulting rating action should not exceed more than one notch».

(26)  «La perspective de la dette BBB+ à long terme de France Télécom est devenue négative; la notation A-2 a été confirmée… Cette décision suit la nouvelle selon laquelle l'autorité de bourse allemande va investiguer un possible accord entre France Télécom, l'actionnaire majoritaire — Gerhard Schmid — de Mobilcom AG dans laquelle France Télécom détient 28,5 % et un consortium de banques européennes concernant les conditions d'un changement de contrôle au sein de Mobilcom». («France Telecom's Long-Term“BBB+” Rating Placed on CreditWatch Negative; A-2 Rating Affirmed… The action follows news that the German stock-exchange regulatory authority will investigate a possible agreement between France Telecom, the main shareholder — Gerhard Schmid — of France Telecom's 28,5 % -owned German associate Mobilcom AG, and a consortium of European banks regarding the conditions for a change in control of Mobilcom».)

(27)  «Moody's Investors Service has today placed the Prime-2 short-term rating of France Telecom (FT) on review for possible downgrade as a result of the rating agency's decision to expand the scope of the ongoing review of FT. The ongoing review for downgrade of the Baa1 long-term debt ratings of both FT and Orange plc will continue. Although Moody's has revised its guidance, indicating that a downgrade of up to two notches is now possible for the long-term ratings, the rating agency expects the ratings to remain investment grade. The review of FT's Prime-2 rating reflects Moody's increasing concerns about FT's ability to execute its debt reduction strategy. The rating agency noted that FT's slow progress in finalising asset sales, coupled with continuing deterioration in capital market conditions in this sector, could further limit FT's ability to improve its financial flexibility and meet its debt reduction targets».

(28)  «Standard & Poor's said today that the ratings on France Telecom (BBB+/Watch Neg/A-2) remain unchanged, including the group's short-term corporate credit rating. In its CreditWatch placement of France Telecom's long-term ratings on March 28, 2002, Standard & Poor's indicated that any long-term rating downgrade would be limited to one notch and that its short-term ratings were affirmed. This indication is still valid today».

(29)  «[…] Despite expectations that FT's EBITDA will grow to around €14 billion in 2002, FT's substantial interest and capex requirements means the company is not expected to generate material free cashflow for deleveraging in the near term. FT is dependant upon asset disposals and its treasury stock to make any significant inroads into reducing its debt:

Moody's regard FT's ability to reduce debt within a relatively short period as having become increasingly constrained by the fall in its equity value, which reduces the potential value of the treasury stock FT holds, reducing the probability of conversion of numerous convertible bonds and potentially implying a lower realizable value for expected non-core asset disposals, although Moody's acknowledges that it is possible this may change. Additionally, the positive impact of expected asset disposals is expected to be partly offset by various contingent liabilities adversely impacting upon FT;

The negative outlook attached to the Baa3 rating reflects the execution risks associated with FT's high debt refinancing needs of this highly leveraged company. Although Moody's does not have any immediate liquidity concerns, the rating agency notes that FT faces around €15 billion of total long-term debt maturities in 2003;»

(30)  «Standard & Poor's said today that it has lowered its long- and short-term corporate credit ratings on France Telecom (FT) to triple-“B”/“A-3” from triple-“B”-plus/“A-2”. The downgrade primarily reflects Standard & Poor's expectations that FT will acquire the 71,5 % stake it does not already own in German wireless operator Mobilcom, as well as FT's inability to reduce debt sufficiently and rapidly enough to maintain credit measures consistent with the previous ratings. Standard & Poor's also lowered to triple-'B' from triple-“B”-plus its long-term corporate credit rating on Orange S.A., FT's majority-owned wireless subsidiary. The long-term ratings on both companies remain on CreditWatch with negative implications, where they were placed on March 28, 2002, reflecting FT's challenging refinancing needs, including €15 billion of financial obligations in 2003».

(31)  Fitch a abaissé la note de FT le 5 juillet 2002, et S & P l'a abaissé le 12 juillet 2002. Dans le communiqué de presse du 12 juillet, S & P affirmait que: «FT pourrait rencontrer certaines difficultés à refinancer sa dette obligataire venant à échéance en 2003». («FT could face certain difficulties refinancing its debt obligations coming due in 2003».)

(32)  Audition de M V. de la Bachelerie, commissaire aux comptes de FT, devant la commission d'enquête précitée: «De par la loi, en effet, nous devons mettre en vigueur la procédure d'alerte, dès l'apparition d'un certain nombre de critères et d'indicateurs. Cette procédure n'était pas applicable avant la mi 2002, date à laquelle un signal donné par le marché s'est imposé: la dégradation de la note de France Télécom. Dans le cadre de notre mission de commissaire aux comptes, nous avons été ainsi conduits à traiter la question en comité d'audit et en conseil d'administration, en exigeant qu'un plan de liquidité à court terme soit fourni aux membres du conseil d'administration, pour faire face au problème du mur des liquidités. Il faut dire que cette contrainte est apparue tardivement, dans la mesure où la société avait, jusqu'à cette date, les moyens de se refinancer, et avait d'ailleurs mis en place des financements importants, notamment des jumbos. Par conséquent, lorsque le mur des liquidités est apparu avec la dégradation de la note, nous avons demandé une actualisation des prévisions de trésorerie. A l'occasion des comptes semestriels, arrêtés début septembre 2002 et finalisés lors du conseil du 12 septembre 2002, il y a eu un examen de la situation des liquidités, à court terme — la visibilité sur la liquidité s'apprécie, en effet, sur le court terme, c'est-à-dire à moins d'un an. La situation, alors critique, fut officialisée dans les notes annexes aux états financiers au 30 juin 2002»

(33)  Le texte des déclarations du gouvernement français est reproduit plus bas au considérant 204.

(34)  Goldman Sachs: «FT était sur le point d'être dégradée au rang spéculatif par Moody's et S & P». («FT was on the brink of “junk” status with both Moody's and S & P's».)

(35)  Off Watch; Outlook Stable; Teleconf 3:30PM BST Today, Standard & Poor's Ratings direct, (12 juillet 2002).

(36)  Audition de M Thierry Breton, PDG de FT, à la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale le 11 décembre 2002: «Il a observé que le plan de financement mis en oeuvre n'avait pas été tenu et s'était trouvé aggravé, début 2001, de sorte qu'une crise de liquidité était prévisible à l'été 2003 … M. Thierry Breton a déclaré que, menacée d'une cessation de paiement, l'entreprise s'était trouvée en état de choc … du fait de l'importance de son endettement, puisqu'elle devait trouver des liquidités afin de rembourser 15 milliards d'euros en 2003 puis en 2004, et 20 milliards d'euros en 2005».

(37)  Sénat, 21 novembre 2002, avis présenté au nom de la commission des affaires économiques et du Plan (1) sur le projet de loi de finances pour 2003, adopté par l'Assemblée nationale.

(38)  Ces chiffres sont issus de l'annexe à la lettre des autorités françaises du 3 décembre 2002. Cela étant, à la page 25 de cette lettre, les autorités françaises estiment à 15 milliards d'euros les échéances d'encours obligataires en 2003. Une telle différence se retrouve dans l'estimation de la dette obligataire arrivant à échéance d'ici à fin 2004, chiffrée à 18,8 milliards d'euros dans l'annexe 2 et à 23,9 milliards d'euros page 20 de ladite lettre.

(39)  Voir le rapport fait au nom de la commission d'enquête sur la gestion des entreprises publiques afin d'améliorer le système de prises des décisions, enregistré à la présidence de l'Assemblée nationale le 3 juillet 2003 (ci-après «rapport de la commission d'enquête» ou plus brièvement «commission d'enquête»): «La commission a souhaité analyser avec précision la stratégie et la procédure des acquisitions internationales conduites par France Télécom et EDF, compte tenu de leurs graves conséquences sur les comptes de ces deux entreprises (concernant France Télécom, les pertes attribuables aux provisions et amortissements exceptionnels liés aux acquisitions de la période 1998-2002 s'établissent à 28,5 milliards d'euros pour 2001 et 2002). On y retrouve peu ou prou les mêmes éléments: précipitation dans les acquisitions d'une très grande ampleur (en un an, de 1999 à 2000, France Télécom y a consacré 65 millions d'euros), attention insuffisante aux risques économiques, politiques ou géopolitiques, modalités de financement particulièrement imprudentes … Dans ce climat d'inquiétude, d'urgence et de doute, l'entreprise s'est lancée à partir de 1999 dans une croissance externe ambitieuse et désordonnée, en privilégiant l'accès aux marchés du Royaume-Uni et de l'Allemagne».

Voir également le communiqué de presse du ministre de l'économie et des finances du 5 décembre 2002: «… l'entreprise doit faire face aujourd'hui à une structure financière déséquilibrée, à des besoins en fonds propres et de refinancement à moyen terme. Cette situation résulte de l'échec d'investissements passés, mal menés et réalisés au plus haut de la “bulle” financière et, plus généralement, du retournement des marchés. L'impossibilité pour France Télécom de financer son développement autrement que par endettement a aggravé cette situation».

(40)  «Selon les informations communiquées par les autorités françaises, ce niveau d'endettement s'expliquerait par le fait que FT a connu, depuis 1999, un développement externe très important qu'il a financé exclusivement par des emprunts sans recourir, comme ses concurrents, aux mécanismes d'augmentation de capital ou d'échange d'actions en raison de l'obligation juridique visant à ce que le capital de FT soit majoritairement détenu par l'État. Par ailleurs, les autorités françaises ont également invoqué le retournement des marchés qui a conduit à ne pas mettre en œuvre les plans successifs de la dette… Au cours de l'année 2000, l'entreprise a ainsi massivement financé ses acquisitions sur les marchés obligataires et bancaires: le total des émissions d'emprunt à long terme de FT atteint 59 Mrds€ en 2000-2001, et la ligne de crédit “15 G€” n'est elle-même que le refinancement partiel d'un financement bancaire d'acquisition mis en place mi-2000 à hauteur de 30Mrds€ ...» (points 20 et 21 de la décision d'ouverture).

(41)  Communiqué de presse de FT du 5 décembre 2002, p. 2. Voir également audition de M Thierry Breton, PDG de FT, à la commission des affaire économiques le 11 décembre 2002: «au cours de l'année 2000, procédé à des acquisitions, pour un montant total de 106 milliards d'euros (achat d'Orange PLC, NTL, Equant, TPSA)».

(42)  Audition de M Thierry Breton, PDG de FT, à la commission des affaire économiques précitée: «Au total, a-t-il observé, sur environ 100 milliards d'euros d'achats, 75 ont été utilisés pour le développement de la stratégie sur le secteur des mobiles, 10 milliards étant investis au titre de TPSA, 11,2 milliards pour Mobilcom et 9 milliards pour NTL». Voir également le rapport de Goldman Sachs du 26 septembre 2002 qui a éclairci que la dette avait été «accumulée par une série de transactions en 2000, principalement l'acquisition d'Orange et l'entreprise commune Mobilcom» («amassed through a series of transactions in 2000, mainly the acquisition of Orange and the Mobilcom joint venture»).

(43)  Commission d'enquête précitée: «Dans le cas d'Orange, qui a contribué de manière décisive à l'explosion de l'endettement du groupe».

Rapport d'information du Sénat no 274, joint au procès-verbal de la séance du 21 février 2002«Le 29 mai 2000, France Télécom et le groupe Vodafone ont conclu un accord par lequel France Télécom devait acquérir, auprès de Mannesmann, la totalité des actions composant le capital d'Orange plc, opérateur de Télécommunications mobiles britannique. Cet accord a été exécuté le 22 août 2000 par l'achat, par France Télécom, de 664 743 658 actions Orange contre paiement en numéraire de 21,5 milliards d'euros et l'apport, de Vodafone à France Télécom, de 544 559 931 actions Orange, rémunéré par l'émission de 129 201 742 actions France Télécom au prix unitaire de 140,2 euros, Vodafone s'interdisant d'utiliser les droits de vote attachés à ces actions. Concomitamment, France Télécom a accordé à Vodafone une série d'options de vente sur les actions France Télécom qui ont été émises en sa faveur et Vodafone a accordé à France Télécom une option d'achat sur tout ou partie de ses actions France Télécom. France Télécom a immédiatement racheté à Vodafone 15 355 531 actions France Télécom à leur prix d'émission, de sorte que Vodafone ne détienne pas plus de 9,9 % du capital de France Télécom … A la suite de l'introduction en bourse d'Orange SA le 13 février 2001, Vodafone et France Télécom sont parvenus à un accord le 28 février 2001 sur les modalités de vente à France Télécom des 113,85 millions d'actions France Télécom encore détenues par Vodafone. Cet accord détermine de manière globale les modalités d'exécution des options de vente et d'achat des actions France Télécom détenues par Vodafone et fixé à environ 11,63 milliard d'euros le prix total de ces actions … Le troisième versement est susceptible de faire l'objet d'un complément … Le complément pourrait s'élever jusqu'à un montant d'environ 1,5 milliard d'euros ... Sur la base de cet accord, le coût d'acquisition total d'Orange plc s'élève à 35 472 millions d'euros».

Voir également le rapport de la commission d'enquête précitée: «L'achat de 43,2 milliards d'euros (ramené à 35,4 milliards d'euros en février 2001) était financé pour moitié en cash (21,5 milliards d'euros) et pour moitié par échanges d'actions (18,1 milliards d'euros). Mais, sur ce dernier point, France Télécom s'engageait à racheter les actions données au cours minimal de 104 euros. Il ne faisait guère de doute que le vendeur exigerait la réalisation de ces options de rachat … Et, en raison de la chute de la bourse à partir de l'automne 2000, le risque que le groupe français soit contraint de payer en cash 100 % d'Orange s'est réalisé, avec deux versements à Vodafone de 6,631 milliards d'euros et de 4,973 milliards d'euros en mars 2001 et 2002».

(44)  Commission d'enquête: «C'est dans ces circonstances difficiles qu'est intervenu le projet d'entrée dans le capital de Mobilcom … . A l'évidence, la prise de participation d'un montant très élevé n'a pas fait l'objet d'une réflexion véritablement approfondie, alors même qu'elle recelait des risques considérables … En mars 2000, France Télécom a ainsi investi 3,7 milliards d'euros pour prendre 28,5 % du capital, valorisant l'opérateur à 80 fois son EBITDA (contre une valorisation boursière de l'ordre de 65 fois l'EBITDA avant les rumeurs relatives à l'opération), soit une prime de 570 millions d'euros. Cet apport, qui prenait d'abord la forme d'un prêt à garantie irrévocable, était dû par France Télécom, même en cas de non obtention de la licence UMTS.

En outre, dans le cadre d'un accord de coopération dont votre Rapporteur a pris connaissance, France Télécom s'engageait à apporter à Mobilcom, sans aucune limitation, le support financier nécessité par la participation au mécanisme d'enchères et au développement de l'activité UMTS en Allemagne ... En contrepartie de ces engagements, les risques portés par Mobilcom étaient considérables. Le plan d'affaires réalisé à l'appui de l'opération semble avoir été très imparfait. Concernant tout d'abord le développement de l'UMTS, le prix des licences était estimé à 2 ou 3 milliards d'euros, alors même que le déroulement des enchères britanniques en mars et avril 2000, mettait en évidence l'inflation des licences. En août 2000, les licences allemandes atteindront 8,4 milliards d'euros, sans que France Télécom n'ait songé à se désengager alors même qu'elle avait investi deux mois plus tôt 43 milliards d'euros dans l'acquisition d'Orange [soulignement ajouté]... Il aura en effet fallu attendre l'été 2002 pour que soient lancées deux missions d'audit sur les perspectives de l'opérateur allemand, lesquelles ont mis en évidence l'extrême fragilité de l'entreprise, la faible qualité de sa base de clientèle et l'impossibilité manifeste de rentabiliser l'investissement».

(45)  Commission d'enquête: «On rappellera en outre que, parallèlement à cette recherche de prise de participation majeure [NTL, Mobilcom, Orange], France Télécom a également persévéré dans des acquisitions opportunistes, qui ne s'inscrivaient qu'à la marge de sa stratégie internationale. Même si leur intérêt industriel était souvent réel, elles accroissaient inutilement l'exposition de l'opérateur aux risques industriels et alourdissaient ses engagements financiers ... Encore une fois, même si l'investissement pouvait paraître séduisant, il est permis de s'interroger sur son ampleur (7,69 milliards d'euros auxquels il faut ajouter 1,5 milliard d'euros d'option de rachat accordé au partenaire et un programme d'investissement de 6,7 milliards d'euros sur 7 ans qui devrait cependant être dans sa très grande majorité autofinancé), à un moment où, du fait principalement de l'acquisition d'Orange, les capacités de financement du groupe étaient très largement saturées (avec un endettement supérieur à 2,7 fois les fonds propres) et où apparaissaient des signes évidents d'une crise boursière ... Que penser dès lors des déclarations de M. Michel Bon devant votre commission sur cette opération: “Il eût été préférable de l'interrompre mais le coup était parti...”».

L'exemple de TPSA est éclairant. L'opérateur français s'est porté candidat à l'acquisition de l'opérateur historique polonais au moment de sa privatisation en septembre 1999.

(46)  Commission d'enquête: «en juillet [1999], France Télécom a voulu saisir l'opportunité de pénétrer le marché britannique en devenant l'actionnaire de référence de NTL. Certes, les justifications industrielles du projet étaient solides … Au total, l'opérateur français a concédé des engagements de 8,122 milliards d'euros dans un investissement qui, dès le rachat d'Orange concrètement envisagé, perdait à peu près tout intérêt stratégique, et sur lequel, de surcroît, il n'exerçait qu'un contrôle minoritaire. La légèreté avec laquelle la direction de l'entreprise semble avoir analysé cette situation ne laisse pas d'étonner».

(47)  «Le Ministère de l'Économie, des Finances et de l'Industrie dément les informations selon lesquelles M. Thierry BRETON aurait accepté la présidence de France Telecom en remplacement de M. Michel BON». Communiqué de presse du ministre de l'économie et des finances 12 septembre 2002, Comité technique paritaire ministériel.

(48)  Communiqué de presse du ministre de l'économie et des finances 13 septembre 2002, Situation financière de France Télécom.

(49)  «Moody's change la perspective de France Télécom et d'Orange de négative à stable et confirme la notation de Baa3 pour la dette à long terme et prime-3 pour la dette à court terme». (Moody's changes France Télécom and Orange's outlook to stable from negative and affirms the Baa3 long-term debt ratings and prime-3 short-term rating), MOODY'S INVESTORS SERVICES, September 13, 2002. La partie pertinente du communiqué de presse prévoit que: «La confiance de Moody's a été renforcée par la déclaration du gouvernement qui, une fois encore, a confirmé son fort soutien envers France Télécom. Même si la préoccupation de Moody's concernant le niveau global du risque financier et plus particulièrement concernant la situation fragile de la liquidité de France Télécom perdure, Moody's est devenu plus confiant quant au fait que le gouvernement français supportera France Télécom si l'entreprise devait rencontrer des difficultés dans le remboursement de sa dette». («Moody's have taken increased comfort from the governments statement, which once again confirmed their strong support for FT. Whilst Moody's concerns regarding the overall level of financial risk and particularly FT's weak liquidity position remain, Moody's has grown more comfortable with expectation that the French government will act in a supportive manner, if FT started to encounter difficulties with its debt repayment schedule».) (soulignement ajouté)

(50)  Communiqué de presse du ministre de l'économie et des finances Mercredi 2 octobre 2002, France Télécom.

(51)  Communiqué de presse de FT du 5 décembre 2002, p. 1.

(52)  P. 27 de la lettre des autorités françaises du 3 décembre 2002.

(53)  Communiqué de presse du ministre de l'économie et des finances du 4 décembre 2002, Soutien de l'État au plan d'action approuvé par le conseil d'administration de France Télécom.

(54)  Voir également le rapport annuel de France Télécom pour 2002: «Par ailleurs, France Télécom a émis le 29 juillet 2002 un emprunt obligataire, obligatoirement remboursable en actions ST Microelectronics au taux de 6,75 %, pour un montant de 442 millions d'euros, dont la date d'échéance est le 6 août 2005. Les taux obtenus sont indexés sur ceux du marché monétaire majorés d'une marge».

(55)  AFP du 13 janvier 2003: «France Télécom vient de lancer une nouvelle étape de son plan de refinancement via le marché obligataire avec un emprunt de 3 milliards d'euros […]. Les conditions de l'opération seront connues avant la fin de la semaine».

D'après un article du Financial Times du 15 janvier 2003: «FT va aujourd'hui dissiper les doutes des investisseurs concernant sa situation de trésorerie en levant 5,5 milliards d'euros sur le marché obligataire. […] Il aurait à présent tout le cash nécessaire pour honorer sa dette de 15 milliards d'euros arrivant à échéance cette année […] FT doit également faire face à une dette de 35 milliards d'euros en 2004 et 2005». («FT will today settle investor doubt about its cash flow situation in 2003 by raising €5.5 billion in the bond market. […] It would now have all the cash it needs to honor €15 billion of debts that falls due for repayment this year […] FT also faces €35 billion of debt repayments in 2004 and 2005».)

(56)  Research France Télécom, STANDARD & POOR'S RATINGSDIRECT, 17 décembre 2002: «Depuis juillet 2002, le soutien de l'État français à été un facteur clé de la notation du groupe, maintenant ce dernier au rang d'investissement». («Since July 2002, support from the French state has been a key rating factor, underpinning the group's investment-grade status».) (soulignement ajouté). Cette affirmation suit celle du 5 décembre «Les services de notation de Standard & Poor ont dit aujourd'hui qu'ils confirmaient la notation de BBB- de FT à long terme et de A-3 à court terme. Depuis juillet 2002, Standard & Poor a indiqué que le soutien attendu de l'actionnaire à 56 % de FT, l'État français, est un facteur vraisemblable soutenant la qualité d'investissement du groupe. L'annonce de l'État en date d'aujourd'hui qu'il allait immédiatement octroyer une avance d'actionnaire de 9 milliards d'euros pour aider FT à faire face à ses échéances pour l'année 2003 est considérée par Standard & Poor comme une preuve solide de son soutien». («Standard & Poor's rating services said today that it has affirmed its BBB- long term and A-3 short term corporate credit ratings [on FT] … Since July 2002 Standard & Poor's has indicated that expected support from FT's 56 % shareholder, the French State, is a likely factor underpinning the group investments–grade status. The French State's announcement today that it will immediately grant a 9€ billion shareholder loan to help FT face its 2003 debt obligations is viewed by Standard & Poor's as strong evidence of this support».) (Standard & Poor's, 5 décembre 2002) (soulignement ajouté)

(57)  Research France Télécom, STANDARD & POOR'S RATINGSDIRECT, 17 décembre 2002: «The state's December 2002 announcement that it will grant a €9 billion shareholder loan, coupled with its commitment to subscribe to a €15 billion capital increase, underscores this support and provides significant credit protection for FT's debtholders. Although the rights issue's timing has not been specified yet, FT and the state's targets in this respect meet Standard & Poor's expectations for the ratings. While market conditions may challenge the operation, the state's commitment to subscribe to the equity injection — so as to at least maintain its stake — strongly mitigates execution risks».

(58)  Cet élément est encore très important pour S & P le 17 décembre 2002. De même, il est fondamental pour Moody's en février 2003. Dans l'analyse des fondamentaux de l'Entreprise cette agence considère, (i) le fait que FT est le plus grand opérateur français de téléphonie fixe et mobile, (ii) la possible de privatisation de l'Entreprise «FT's path from Governement Entity to Private Corporation»; (iii) — dans la section «Governement seen As Supportive» — le fait que: «Le gouvernement français a constamment affirmé son soutien envers France Télécom et son intention de fournir un soutien financier si nécessaire pour pallier les problèmes potentiels de liquidité. Ce soutien a été mis en évidence par la mise à disposition, par l'ERAP, d'une ligne de crédit de 9 milliards d'euros en faveur de France Télécom pour une période de 18 mois, comportant des intérêts, mais étant uniquement remboursable en actions de France Télécom. Moody's intégre le soutien de l'État dans sa notation Baa3». («The French government has consistently stated its support for FT and its willingness to provide financial support if required, thereby addressing potential liquidity concerns. (soulignement ajouté) This support has been evidenced by ERAP's providing a €9 billion loan facility to FT, which pays cash interest, but is only repayable in FT's equity, upon maturity in 18 months time […]. Moody's factors governement support into the Baaa3 rating».) (soulignement ajouté); (iv) — dans la section «risks/weaknesses section» — le fait que: «le risque financier lié au considérable endettement de France Télécom ne correspond pas à sa qualité d'investissement (laquelle est compensée par de bonnes performances opérationnelles et le soutien implicite du gouvernement français». («the financial risk of the highly leveraged FT is not commensurate with investment grade (compensated by strong operational performance/implicit support of French government)».) (soulignement ajouté)

Cependant, après l'augmentation de capital, cet élément n'est plus pris en considération et la notation est basée clairement sur les données financières de FT. Par exemple, S & P écrit le 14 mai 2003«On May 14, 2003, S & P raise its long and short term corporate credit ratings on […] FT to BBB from BBB- […]. The action follows FT's recent €15 billion rights issue and S & P review of the new management's business strategy for the group as well as the debt-reduction potential arising from its plan to boost cash flow generation during the next three years».

(59)  JO C 288 du 9.10.1999, p. 2.

(60)  Décision 2001/89/CE de la Commission du 23 juin 1999 portant approbation conditionnelle de l'aide accordée par la France au Crédit Foncier de France (JO L 34 du 3.2.2001, p. 36).

(61)  BT mentionne, à la page 25 de ses observations du 22 janvier 2003, un arrêt de la Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 9 juillet 2002, arrêt No 1414 FP-P.

(62)  Note de M. Sureau en date du 14 janvier 2004.

(63)  Dont l'auteur souhaite garder son identité confidentielle.

(64)  Lettre de la direction du Budget en date du 22 juillet 2003 intitulée «Recensement des dispositifs de garantie implicite ou explicite accordée par l'État».

(65)  BT fait également référence, dans ses observations en date du 11 avril 2003, p. 14, au recours à l'ERAP pour mener à bien l'opération de soutien et aux diverses lois le concernant comme par exemple la loi relative à la modification de son statut ou l'octroi d'une garantie explicite.

(66)  BT se réfère à la décision 2000/536/CE de la Commission du 2 juin 1999 relative à l'aide d'État octroyée par l'Italie à Seleco SpA (JO L 227 du 7.9.2000, p. 24).

(67)  JO C 71 du 11.3.2000, p. 14.

(68)  Voir commission des Finances, de l'Économie Générale et du Plan, compte rendu no 26, séance du 5 décembre 2002, audition de M. Thierry Breton, PDG de France Télécom.

(69)  Décision 2001/723/CE de la Commission du 18 juillet 2001 concernant la recapitalisation de la compagnie Alitalia (JO L 271 du 12.10.2001, p. 28).

(70)  Décision 96/278/CE de la Commission du 31 janvier 1996 concernant la recapitalisation de la compagnie Iberia (JO L 104 du 27.7.1996, p. 25).

(71)  Ce chiffre contient trois avantages distincts: l'augmentation de la note de FT lors du recours aux marchés obligataires, les économies réalisées en l'absence de dégradation de la dette, cette dernière étant annexée sur la notation, et les économies réalisées du fait du choix du calendrier.

(72)  Décision 98/490/CE de la Commission du 20 mai 1998 concernant les aides accordées par la France au groupe Crédit Lyonnais, dernier paragraphe du point 8 (JO L 221 du 8.8.1998, p. 28).

(73)  «Quelques mots de l'État venu rappeler que le risque de FT est finalement un risque “quasi-souverain”». La Tribune du 3 février 2003.

(74)  Point 17 des lignes directrices.

(75)  Désormais dénommée Neuf Télécom.

(76)  LDCOM se réfère à un rapport de la Deutsche Bank en date du 22 juillet 2002.

(77)  LDCOM se réfère à l'arrêt de la Cour Internationale de Justice, Recueil de la CIJ 1974 p. 267.

(78)  Communiqué de presse du Ministère des finances du 12 septembre 2002.

(79)  Trib. Com. Rouen 10 mars 1981 , Jurisdata 1982-00382, Soc. Chapelle Darblay.

(80)  Jurisclasseur commercial, redressement et liquidation judiciaires 1995, fascicule 3110.

(81)  Arrêt de la Cour du 15 février 2001, affaire C-99-98, Autriche c/Commission, Rec. p. I-1101. En l'espèce les articles de presse n'ont pas eu force probante car ils n'émanaient ni de l'entreprise concernée, ni du gouvernement.

(82)  Observations de LDCOM du 23 juin 2003, p. 23.

(83)  Idem.

(84)  LDCOM fournit la définition suivante du spread: rémunération d'un emprunt sur le marché obligataire. Il correspond à la différence entre le taux d'intérêt payé par un émetteur en fonction de ses caractéristiques et le taux de référence (obligations de l'État dans le cadre des emprunts à long terme). Le niveau et l'évolution des spreads permettent par conséquent de visualiser les risques que les marchés associent à un émetteur donné.

(85)  LDCOM observe également que l'annonce, dans le plan TOP, de la mise en place d'une mission «mobilité» dans le but de favoriser l'affectation des salariés fonctionnaires dans l'ensemble des fonctions publiques pourrait contenir des éléments d'aide.

(86)  LDCOM propose notamment: l'interdiction des campagnes de reconquête des clients sur les marchés de la voix, le plafonnement des dépenses marketing pour la voix et les services internet haut débit, la limitation des moyens de marketing mis à disposition de Wanadoo.

(87)  LDCOM propose d'interdire le squeeze temporel ou tarifaire sur le dégroupage, d'imposer à Wanadoo une obligation d'approvisionnement auprès des tiers pour la revente Internet, d'augmenter la rentabilité des réseaux alternatifs par une hausse des tarifs de l'interconnexion entrante et de réserver aux concurrents le bénéfice de subventions publiques dans le cadre du déploiement de réseaux dans les zones à faible rentabilité.

(88)  Seules les observations liées au contrôle des aides d'État sont reprises dans la présente décision.

(89)  Décret no 2002-1409 du 2 décembre 2002 modifiant le décret no 65-1117 du 17 décembre 1967 portant organisation administrative et financière de l'ERAP.

(90)  Article 80 de la loi no 2002-1576 du 30 décembre 2002 portant loi de finances rectificative pour 2002.

(91)  La première note est une étude de Yves Galmot en date du 7 juin 2004, la seconde note est une étude de Claus-Dieter Ehlermann du 1er juin 2004, la troisième note est une étude de Michel Jeol accompagnée d'une note de Pierre Kirch du 11 juin 2004. Le rapport économique est un rapport de HSBC du 2 juin 2004.

(92)  Les autorités françaises ont notamment mentionné des émissions obligataires, des lignes de crédit, des billets de trésorerie, des emprunts à court terme, des opérations de titrisation et des produits dérivés.

(93)  Du 26 juillet 2002 jusqu'à la présentation du plan Ambition 2005, soit le 4 décembre 2002, FT a émis un emprunt obligataire de 70 millions d'euros le 26 juillet 2002 et a émis une tranche 150 millions d'euros fongible avec l'emprunt obligataire de 3,5 milliards d'euros émis en mars 2001.

(94)  Informations confidentielles

(95)  Voir considérant 39.

(96)  Arrêts de la Cour du 16 mai 2002, affaire C-482/99, France c/Commission («Stardust»), Rec. p. I-4397.

(97)  Observations des autorités françaises du 29 juillet 2003, p. 8. Dans leurs observations en date du 4 avril 2003, les autorités françaises indiquent que la décision d'investir de l'actionnaire public remonte au 4 décembre 2002.

(98)  Arrêt du Tribunal du 12 décembre 2000, affaire T-296/97, Alitalia c/Commission, Rec. p. II-3871.

(99)  Décision de la Commission du 18 juillet 2001 C54/96 et N318/02 «Troisième tranche de l'aide à la restructuration au profit de la compagnie Alitalia, approuvée par la Commission le 18 juillet 2001 et nouvelle recapitalisation à hauteur de 1,4 milliards d'euros» (JO C 239 du 4 octobre 2002, p. 2).

(100)  Observations des autorités françaises du 29 juillet 2003, p. 27.

(101)  Voir p. 8 des observations des autorités françaises du 29 juillet 2003.

(102)  Voir p. 9 des observations des autorités françaises du 29 juillet 2003.

(103)  “en fonction des conditions du marché” est en italique dans les observations des autorités françaises du 29 juillet 2003 p. 8.

(104)  Voir p. 9 des observations des autorités françaises du 29 juillet 2003.

(105)  Ibid. p. 9.

(106)  JO L 83 du 27.3.1999, p. 1. Règlement modifié par l'acte d'adhésion de 2003.

(107)  Arrêt du Tribunal du 12 décembre 1996, affaire T-358/94, Compagnie nationale Air France c/Commission, Rec. p. II-2109. Voir également décision 94/662/CE de la Commission du 27 juillet 1994 concernant la souscription de CDC-Participations à des émissions d'obligations d'Air France (JO L 258 du 6.10.1994, p. 26).

(108)  Le principe de confiance légitime est un principe général de droit communautaire qui a été consacré par une jurisprudence constante. Voir notamment arrêt du Tribunal du 29 avril 2004, affaires jointes T-236/01, T-239/01, T-244/01, T-245/01, T-246/01, T-251/01 et T-252/01, Electrodes de graphite, non encore publié, point 152. Voir également les arrêts du Tribunal du 9 juillet 2003 dans les affaires T-220/00, Cheil Jedang Corp. c/Commission, non encore publié, point 33, T-223/00, Kyowa Hakko Kogyo Co. Ltd c/Commission, non encore publié, point 38 et T-224/00, Archer Daniels Midland Company c/Commission, non encore publié, point 62.

(109)  Arrêt de la Cour du 24 octobre 1996, affaires jointes C-329/93, C-62/95, C63/95, Allemagne c/Commission, Rec. p. I-5151, points 28 et 32.

(110)  Dans la décision d'ouverture, la Commission avait en effet indiqué que ces déclarations pouvaient constituer des éléments à prendre en compte. Au point 70 de cette décision la Commission a formulé une affirmation générale: «Il convient également d'ajouter que pourrait déjà comporter l'engagement de ressources d'État, une annonce faite de la part de l'État de s'engager pour autant que cet engagement soit irrévocable et crée ainsi un effet d'attente et de confiance sur le marché reflété par la hausse de la valeur de l'action de FT et par la réaction positive des agences de notation ». Elle a ensuite lié cette affirmation aux faits indiqués dans la notification en affirmant que «... L'annonce de l'engagement de l'État couplée avec l'apparente mise à la disposition du montant de l'avance conduisent la Commission à relever que l'aide pourrait en effet être considérée comme octroyée avant même la signature d'une éventuelle convention entre FT et l'ERAP concernant la mise à disposition de la ligne de crédit» et elle a précisé dans une note de bas de page que «Sur ce point, il est rappelé que dès le mois de juillet 2002 et plus particulièrement dès le mois de septembre 2002, le marché avait déjà été rassuré par le soutien de l'État au bénéfice de FT» (note de bas de page 40). Ainsi, à l'époque de l'ouverture de la procédure, la Commission a indiqué que son investigation aurait pu couvrir les événements de juillet et de septembre 2002.

(111)  Voir l'arrêt de la Cour du 17 juin 1999, affaire C-75/97, Belgique c/Commission,. Rec. p. I-03671, point 25.

(112)  Arrêt de la Cour du 15 juillet 1964, affaire 6/64, Costa contre E.N.E.L,. Rec. p. 1141.

(113)  Arrêt du Tribunal du 13 juin 2000, affaires jointes T-204/97 et T-270/97, EPAC c/Commission, Rec. p. II-2267.

(114)  Arrêt de la Cour du 14 novembre 1984, affaire C-323/82, Intermills c/Commission, Rec. p. I-3809, point 31.

(115)  Arrêt du 27 janvier 1998, affaire T-67/94, Ladbroke c/Commission, Rec. p. II-1, point 52.

(116)  Arrêt précité Air France.

(117)  Voir par exemple «Moody's anticipe qu'une combinaison entre cette ligne de crédit et ce qui reste de la ligne de crédit syndiquée existante de 15 milliards d'euros ainsi que le flux de trésorerie disponible permettra à présent le remboursement de la dette de 15 milliards d'euros venant à échéance durant les 12 prochains mois». («Moody's now expects that a combination of this facility headroom under the existing EUR 15 billion syndicated facility and the free cash flow will enable debt maturities of EUR 15 billion to be repaid during the next 12 months.») (Moody's 9 décembre 2002)

(118)  Arrêt «Stardust.» précité, point 36. Voir aussi arrêts de la Cour du 15 mars 1994, C-387/92, Banco Exterior de España, Rec. p. I-877, point 14, et du 19 mai 1999, C-6/97, Italie/Commission, Rec. p. I-2981, point 16.

(119)  Arrêt de la Cour du 1er décembre 1998, affaire C-200/97, Ecotrade, Rec., page I-7907, point 43 et arrêt du Tribunal EPAC précité, point 80.

(120)  Comme l'adoption de la loi relative à l'extension de l'objet social de l'ERAP ou l'adoption de la loi de finances rectificative accordant une garantie étatique de 10 milliards d'euros à l'ERAP.

(121)  Voir l'ERAP «a d'ores et déjà mis à disposition de FT une avance d'actionnaire qui sera consolidée au moment du renforcement des fonds propres de l'entreprise» (Commission des Finances, Assemblée Nationale, Compte-rendu no 28, audition du ministre Alain Lambert). Voir également slide 42 de «France Telecom presentation to investors of December 5th, 2002» la ligne de crédit de l'État français (French state back-up facility) est décrite comme immédiatement disponible (immediately available). Le marché a été convaincu que l'avance était en place. Voir par exemple: «L'annonce de l'État d'aujourd'hui que ce dernier allait immédiatement octroyer une avance d'actionnaire de 9 milliards d'euros…» («The French State's announcement today that it will immediately grant 9€ shareholder loan …») (S & P 5 décembre 2002); « Cette confirmation fait suite à l'annonce de FT que la ligne de crédit de 9 milliards d'euros a été mise en place» («the confirmation follows FT's announcements that EUR9 billion loan facility has been put in place via ERAP …».) (Moody's 9 décembre 2002).

(122)  Selon les autorités françaises, ce projet aurait été adressé à FT le 20 décembre. Cependant le projet n'indique aucune date.

(123)  Arrêt de la Cour du 17 septembre 1980, affaire 730/79, Philip Morris, Rec. p. 2671, point 11.

(124)  Arrêt de la Cour du 7 mars 2002, affaire C-310/99, Italie c/. Commission, Rec. p. I-2289.

(125)  A titre d'exemple, FT a créé en Italie une entreprise commune avec Deutsche Telekom et Enel.

(126)  L'importance des déclarations des autorités publiques aux fins de l'application du droit communautaire est généralement reconnue. Il est possible de rappeler que, s'agissant de l'encouragement par un État d'actions présentées dans un discours officiel par un représentant du gouvernement, mais menées par des organismes (juridiquement) indépendants (mais sous le contrôle de l'État) et qui déploient des effets contraires au Traité, la Cour de justice a pu juger: «[qu'] une telle pratique n'échappe pas aux interdictions prévues par l'article 30 du traité du seul fait qu'elle n'est pas fondée sur des décisions ayant un effet obligatoire pour les entreprises. En effet même des actes d'un gouvernement d'un État membre dépourvus de force contraignante peuvent être de nature à influer sur le comportement des commerçants et des consommateurs sur le territoire de cet État et avoir pour effet de mettre en échec les finalités de la Communauté telles qu'énoncées à l'article 2 et élaborées par l'article 3 du traité» (Arrêt de la Cour du 24 novembre 1982, affaire 249/81, Commission c/. République d'Irlande, Rec. p. 4005, point 28). On citera également l'arrêt récent de la Cour du 13 décembre 2001, affaire C-1/00, Commission c/France, Rec. p.I-9989, dans lequel la Cour a sanctionné un manquement (consistant à ne pas s'être conformé à une décision) matérialisé par un refus inscrit dans un communiqué de presse. Plus particulièrement en matière d'aide, par exemple, le Tribunal a précisé que les promesses des autorités publiques sont pertinentes quant au critère relatif à l'incitation (Arrêt du Tribunal du 14 mai 2002, affaire T-126/99, Graphischer Maschinenbau GmbH c/Commission, Rec. p. II-2427).

(127)  Les Echos no 18695, France, vendredi 12 juillet 2002, p. 2, interview France Télécom: «Nous prendrons, en temps utile, les mesures adéquates».

(128)  Voir à ce propos l'article du Financial Times en date du 12 mai 2004.

(129)  Le lien entre les déclarations est montré par exemple par l'expression «comme il l'a déjà indiqué» figurant dans le communiqué de presse d'octobre 2002, lequel renvoie aux déclarations de juillet et septembre 2002.

(130)  «3/Compte tenu du plan d'action élaboré par les dirigeants et des perspectives de retour sur investissement, L'État participera au renforcement des fonds propres de 15 milliards d'euros au prorata de sa part dans le capital, soit un investissement de 9 milliards d'euros. L'État actionnaire entend agir ainsi en investisseur avisé.

Il appartiendra à France Télécom de définir les modalités et le calendrier précis du renforcement de ses fonds propres. Le Gouvernement souhaite que cette opération se déroule en tenant le plus grand compte de la situation des actionnaires individuels et des salariés actionnaires de l'entreprise.

Pour donner à l'entreprise la possibilité de lancer une opération de marché au moment le plus opportun, L'État est prêt à anticiper sa participation au renforcement des fonds propres, à travers une avance d'actionnaire temporaire, rémunérée à des conditions de marché, mise à disposition de France Télécom».

(131)  Voir communiqué de presse de Moody's du 24 juin précité.

(132)  Voir article 1181 du code civil français qui prévoit que: «L'obligation contractée sous condition suspensive est celle qui dépend ou d'un événement futur et incertain, ou d'un événement actuellement arrivé, mais encore inconnu des parties». La deuxième définition n'est à l'évidence pas pertinente en l'espèce.

(133)  «nevertheless the state's indication underpins FT's investment grade credit quality». De plus: «F. Mer a exclu toute privatisation du groupe mais a clairement affirmé un soutien sans faille de l'État, qui détient 54,5 % en cas de problème de financement. […] Un trader a estimé que c'était la première fois que le ministre des finances s'exprimait de façon aussi claire sur le dossier France Télécom. […] Le tout est maintenant de savoir la forme que prendra le soutien de l'État». Factiva, Reuters — 12 juillet 2002, «Bourse — FT s'envole après les propos de Mer.» Et encore: «Le risque à court terme de FT a été réduit par le gouvernement français a dit Guy Deslondes, analyste chez S & P lors d'une conférence téléphonique. […] La notation de vendredi prend en compte la confiance de S & P que le gouvernement français aidera FT à se refinancer et ce au moins en ce qui concerne la dette arrivant à échéance en 2003. La stabilité de la perspective montre que la notation a atteint son plus bas niveau, a ajouté Deslondes». («FT's short term risk has been mitigated by the French government said S & P analyst Guy Deslondes in a conference call. […] Friday's rating action took into account S & P's confidence that the French government will help FT refinance itself, at least for its 2003 obligations. The stable outlook shows that the rating has bottomed out, added Deslondes».) France Telecom Avoids Liquidity Crisis Thanks To Gvt”. Factiva, Dow Jones Capital Market Report, 12 July 2002.

(134)  Arrêt précité du Tribunal Compagnie nationale Air France. Voir également décision 94/662/CE précitée.

(135)  En effet, l'intervention directe de l'État envers les agences de notation montre bien que ces déclarations étaient l'expression d'une volonté bien définie et réfléchie. L'agence Standard & Poor's indique que: «l'État français — qui détient 55 % de France Télécom — a clairement indiqué à Standard & Poor qu'il se comporterait en investisseur avisé et qu'il prendrait les dispositions adéquates si FT devait avoir des difficultés». («the French State — which owns 55 % of France Telecom — has clearly indicated to Standard & Poor's that it will behave as an aware investor and would take appropriate steps if France Telecom were to face any difficulties».) France Télécom LT Rating cut to «BBB-»; Off Watch; Outlook Stable; Teleconf 3:30PM BST Today, Standard & Poor's Ratingsdirect, (12 juillet 2002).

(136)  Voir les déclarations du précédent PDG de FT, Michel Bon, parues dans la presse: article de la Tribune du 16 septembre 2002«… la baisse de notation empêche les refinancements envisagés» ; article du Monde du 16 septembre 2002«la dégradation à la fin juin de la note attribuée à la dette de FT par l'agence de notation Moody's [….] nous a fermé l'accès au marché» ; article du Financial Times du 16 septembre 2002«FT cannot continue to survive when no one wants to lend us money and, on the contrary, when everyone wants to be paid on the nail. In the current markets, the refinancing of our debt is simply out of question».

(137)  Certains sont même d'avis que l'Entreprise n'aurait même pas pu trouver les liquidités nécessaires sur le marché en cas de dégradation de sa note. Cf. par exemple p. 9 du rapport précité de Goldman Sachs du 22 juillet 2002: «Si ces obligations passaient du rang d'investissement du marché du revenu fixe au rang spéculatif c'est-à-dire à haut rendement, elles inonderaient le marché européen actuel des obligations à haut rendement (…) [et] nous pensons qu'il serait difficile pour les investisseurs européens d'absorber l'intégralité des obligations France Télécom». («If these bonds moved from the investment grade segment of the fixed income market, to “junk”, i.e. high yield, they would swamp the current European high yield market(…) [and] we believe it would be difficult for the existing European investor base alone to absorb all France Telecom bonds».)

(138)  Selon un auteur français en effet: «Il existe une multiplicité de mécanismes publics qui permettent d'assurer à des emprunts un niveau de garantie équivalent à celui d'une garantie d'emprunt formelle: leur trait commun est d'aggraver les risques d'incertitude sur le montant des engagements de l'État jusqu'à les rendre indéfinis et sans que pour autant, le Parlement ait exercé à leur égard son rôle de fixation prévisionnelle de la dépense publique» (A DELION, Les Garanties D'emprunt des Collectivites Locales et de L'État, Petites Affiches, 17 juin 1998 no 72, P. 19).

(139)  Voir Com, 28 mars 2000, D. 2000, cah.dr. aff. p. 210

(140)  A travers la notion d'opposabilité erga omnes qui tirait sa source d'une loi de 1985. Mais la question reste, en premier lieu, différente de celle du caractère obligatoire de l'engagement et, en second lieu, n'apparaît guère exceptionnelle puisque toute opposabilité dépend en dernier ressort d'une disposition législative.

(141)  En effet, l'obligation peut être définie comme un titre de placement à intérêt fixé en vertu duquel l'émetteur s'engage à payer au prêteur un capital fixe, à une date ultérieure donnée, ainsi qu'une série de versements d'intérêts; en d'autres termes il s'agit d'une promesse de payer le capital plus des intérêts à des dates prédéterminées.

(142)  Comme il a été relevé par NERA: «les économistes et les théoriciens ont étudié de manière approfondie l'importance et la valeur de la réputation. Dans pratiquement toutes les relations économiques, il existe un degré d'incertitude quant à la nature de l'autre partie. Cependant, dans la plupart des cas, une partie n'est pas uniquement engagée dans une mais toute une série de transactions similaires pendant une période donnée. Il est courant que l'une ou les deux parties cherche(nt) à établir une réputation car cela pourrait leur bénéficier à un stade ultérieur. […] Les économistes ont étudié de manière rigoureuse le phénomène de l'acquisition de la réputation au cours des 25 dernières années, et le nombre de publications dans les revues spécialisées est substantiel. Les applications de cette notion de base à différents domaines abondent mais nous nous limitons à trois exemples: les activités des banques centrales, l'organisation industrielle, et les marchés de la dette souveraine. (…) L'établissement de la réputation est également important dans le domaine du prêt et de l'emprunt (au niveau international). Une entité souveraine, comme tout débiteur privé, qui manque à son obligation de rembourser un prêt sera en difficulté pour attirer de nouvelles sources de crédit dans le futur. C'est la raison pour laquelle les Etats semblent parfois préférer une baisse économique avec toutes les épreuves que cela entraîne à une situation de défaillance. Dans la même veine, le gouvernement français est réputé d'honorer les engagements pris dans sa gestion de nombreuses entreprises commerciales et d'affaires touchant à sa position fiscale. Cela s'avèrerait très coûteux si sa parole ne pouvait être crue dans ces domaines».

(«economists and game theorists have studied extensively the importance and value of reputation. In almost any economic relationship there is some degree of uncertainty regarding the nature of the counter party. However, very often a party is involved in not a single but a whole series of similar transactions over a period of time. It is a common observation that one or both parties may seek to establish a reputation for themselves, as this may be beneficial later on». (David M. Kreps and Robert Wilson, Reputation and Imperfect Information, 27 JOURNAL OF ECONOMIC THEORY 253-279 (1982).

«Economists have studied the phenomenon of reputation acquisition rigorously over the past 25 years, and the list of publications in leading journals is sizeable. Applications of the basic notion to various fields abound, but we confine ourselves to three examples, i.e. central banking, industrial organization and sovereign debt markets. (…) The acquisition of reputation is also important in the area of (international) borrowing and lending. A sovereign entity, as well as a private debtor, that fails to pay back a loan will find it difficult to attract new funding in the future. That is why countries sometimes seem to prefer an economic downturn, with all its hardships, to a situation of default». (Jeremy Bulow and Kenneth Rogoff, Sovereign Debt: Is to Forgive to Forget?, 79 AMERICAN ECONOMIC REVIEW 43-50 (1989).

«In the same vein, the French government benefits from a reputation for honouring the commitment it makes regarding its management of many commercial enterprises, and matters affecting the fiscal position of the government. It would be very costly if its word could not be believed in these matters».)

(143)  Voir le rapport du ministère de l'économie des finances et de l'industrie L'État actionnaire 2003: «Au 31 décembre 2002, dernières statistiques disponibles, l'État contrôlait, directement ou indirectement, 1 616 entreprises dont 97 de premier rang. Ces entreprises sont celles dont le siège est situé en France» http://www.paris-europlace.net/links/doc062197.htm .

(144)  Pour plus d'informations sur ce point voir La gestion de la dette publique en France: les objectifs, les instruments et la gestion des risques par Christian Esters, Ecole Nationale d'Administration 2000: «On constate que le marché obligataire français s'est accru au cours des années 90. La part des émissions du Trésor sur le marché obligataire a considérablement augmenté entre 1989 et 1993 et reste depuis à un niveau d'environ 50 %, à l'exception de 1995, quand les autres émissions obligataires sur le marché français ont subi la deuxième chute consécutive, de telle façon que la part des émissions du Trésor, malgré leur stabilité en chiffres absolus, a fortement augmenté lors de cette année … L'augmentation à long terme de la part de l'État dans les marchés obligataires est la conséquence de la réforme du management de la dette publique en France à partir de 1986. Une des réformes consistait en effet dans un changement de structure de la dette: les titres d'État négociables substituaient pour la dette non négociable, ce qui s'est traduit dans la forte augmentation de la part de l'État sur le marché obligataire». http://www.ena.fr/tele/mcil99/master99esters.pdf

(145)  NERA: «The results of an event study analysing the effect on share and bond prices of the announcement on 12th July 2002. The study shows that there is a strong positive effect: as a result of the statement, market participants believed the cash flows that France Télécom would generate were going to be higher than they would have been otherwise. Moreover the effect is strongly statistically significant: it is not the result of random fluctuations in prices … The market believed that, as a result of the statement, the French Authorities would offer more support to France Télécom than they would do in the absence of any costs of non-performance».

(146)  Deutsche Bank France Télécom/Deutsche Telekom Debt Liquidity and possible solution 22 July 2002, p. 1, 3, 8.

(147)  Rapport de la Deutsche Bank de 22 juillet 2002 intitulé France Télécom/Deutsche Telekom Debt Liquidity and possible solution«Le 12 juillet 2002, S & P a dégradé la notation de France Télécom à BBB- … L'agence ne s'attend plus à ce que France Télécom atteigne son objectif de 3,5 x dette nette/EBITDA en 2003 mais a attribué une perspective stable à la notation basse de triple B. Il semble que la perspective stable soit soutenue par “l'État français — qui détient 55 % de France Télécom — a clairement indiqué à Standard & Poor qu'il se comporterait en investisseur avisé et qu'il prendrait les dispositions adéquates si FT devait avoir des difficultés”. Soulignons que S & P avait initialement dit qu'il n'incorporerait pas de support extraordinaire de la part du gouvernement français dans sa notation lorsqu'il a dégradé la notation de France Télécom à BBB en juin. Depuis lors, l'agence semble avoir changé d'avis en déclarant que les conclusions du creditwatch status “suit une analyse des liquidités de la société durant la fin de l'année 2003 et une revue de la participation potentielle de l'État français sur le marché des télécoms français” (p. 19). “France Télécom a bénéficié de la confiance croissante du marché que le gouvernement supportera d'une manière ou d'une autre le crédit” (p. 20). “Nous ne pouvons ignorer le fait que FT soit majoritairement détenu par l'État français et de récents commentaires du Ministère des Finances français ont rassuré les investisseurs sur le fait que la liquidité sera assurée.” (p. 54). “Cependant, comme nous l'avons constamment mentionné, nous pensons que la société trouvera finalement les liquidités dont elle a besoin via le dénommé ‘support implicite de l'État’. Cela pourrait prendre la forme de prêts, aux conditions de marché, fournis par les banques ou le gouvernement” (p. 21). Cependant, “quel est le prix du marché pour, disons, une dette nouvelle de 10 milliards pour un crédit BBB-? Quel est le coût réel pour une dette de 10 milliards d'euros pour une société qui n'est pas vraiment BBB- et qui est simplement appréciée de la sorte en raison du soutien du gouvernement? … Nous pensons qu'il n'existe pas de bonne réponse à ces questions, parce que si FT opérait dans un monde réel, elle ne serait pas, selon nous, en position de se refinancer sans une conversion de dette en capital.” (p. 33, dans le même sens voir p. 54). Et encore, “Mention a été faite dans la presse que le gouvernement français soutiendrait France Télécom, impliquant qu'il accepte d'être le ‘prêteur en dernier ressort’ de la société. Cette mention a amélioré de manière significative le prix des obligations et actions, les actions gagnant 90 % et les obligations 137pb en deux semaines, notamment parce que les spéculateurs couvraient leur position.” (p. 28). Soulignons que S & P a déclaré lors de sa récente conférence téléphonique sur la dégradation du crédit de FT que, en général, une entreprise générant du cash flow avec un rapport dette sur EBITDA égal à quatre serait qualifiée comme ayant un crédit BBB-, le dernier rang d'investissement. La notation actuelle de FT, BBB-, apparaît être largement plus basée sur la promesse du soutien du gouvernement d'assurer la liquidité que sur ses fondamentaux». Selon les calculs de la Deutsche Bank, le rapport dette/EBITDA de FT aurait été de 4,9 au deuxième semestre 2002 et 5,20 au 31 décembre 2002. («… on July 12, 2002, S & P … downgraded France Télécom’s ratings to BBB- ... The agency no longer expects France Télécom to hit the 3.5x net debt/EBITDA target by 2003, but did assign a «stable» outlook to the low triple B ratings. It seems that the stable outlook is anchored by «the French state … [which] has clearly indicated to Standard & Poor's that it will behave as an aware investor and would take appropriate steps if France Télécom were to face any difficulties.» … Interestingly, S & P had initially said it was not incorporating any extraordinary support from the French government into its rating when it downgraded France Télécom’s ratings to BBB in June. Since then, the agency appears to have taken an about face in stating that the conclusions of the creditwatch status 'follows an analysis of the company’s liquidity position through the end of 2003 and a review of the French state's potential involvement in the French telecommunications market» (p. 19); «France Télécom benefited from the market's increased confidence that the French government will in one way or another support the credit» (p. 20); «we cannot ignore the fact that FT is majority owned by the French State and recent comments from the French finance Ministry have reassured investor that liquidity will be provided» (page 54) «However, as we have consistently mentioned, we expect that the company will ultimately find all the liquidity it needs via the so-called “implicit government support”. This could take the form of banks or the government providing the necessary loans at market prices» (p. 21). Cependant «what is the market price for, say, 10 bn of new debt to a BBB- credit? what is the real price for a Euro 10bn of debt to a company that is not really a BBB- credit, just treaded there because the government support? … we suspect there is no right answer to these questions, because if FT was operating in the real world, it would not be able to refinance without a debt for equity swap, in our view.» (p. 33, dans le même sens, voir P. 54 ). Et encore «There have been reports in the press that the French government will stand behind France Télécom, implying that it is willing to be the “lender of last resort” to the company. These reports have resulted in a significant rally in both bonds and equity prices, with the equity rallying over 90 % and the bonds 137bp in two weeks, as nervous shorts covered position.» (p. 28); «It is worth noting that S & P states on its recent conference call on its downgrade of FT's credit that, in general, a company generating free cash flow with debt to EBITDA of four times would qualify as a BBB- credit, the last investment grade rating. FT current BBB- rating appears to be based largely on the promise of government support providing liquidity, rather than on fundamentals» (p. 30).)

(148)  Ibid., «Bonds and convertibles suggest that the market is unsure of the weight of government support» (p. 3). Voir aussi p. 22.

(149)  Ce qui indique que l'agence ne s'attendait pas à une dégradation ultérieure.

(150)  France Télécom LT Rating cut to «BBB-»; Off Watch; Outlook Stable; Teleconf 3:30PM BST Today, Standard & Poor's Ratings direct, (July 12, 2002). S & P semble plutôt faire référence aux indications fournies par le gouvernement à l'agence même, mais d'après la compréhension que la Commission a du dossier compte tenu des éléments en sa possession, le contenu de ces indications porterait substantiellement sur les mêmes engagements que ceux contenus dans les annonces effectués publiquement.

(151)  Board meeting presentation, France Télécom mission «État des lieux», Décembre 2002, p. 36.

(152)  Dans un courrier séparé, en tête du protocole financier signé par la banque […] le 12 septembre 2002, et relatif à l'engagement de ladite banque au regard de l'augmentation de capital envisagée de l'Entreprise, le représentant de la banque est sans ambiguïté sur ce point «Nous estimons que l'opération envisagée serait difficile dans les conditions actuelles et qu'une réaction positive des marchés aux déclarations et communiqués qui seront publiés à la fin de la semaine sera un des éléments clés pour créer les conditions nécessaires à la réalisation de cette opération».

(153)  Voir FT form 20-F, March 2003, P15-16 «la dégradation de la note de la dette à long terme d'un cran par S & P et Moody's augmenterait automatiquement les charges d'intérêts annuels d'environ €75 millions» («a decrease of one notch in its long term debt rating by S & P's and Moody's would automatically increase its annual interest expense by approximately € 75 million.»)

(154)  Une clause de «step up» détermine une augmentation du coupon des obligations et des taux d'intérêts sur des lignes de crédit au fur et à mesure de la dégradation de la notation.

(155)  Protocoles d'accord signés les 11 et 12 septembre 2002 entre l'État et les banques (condition h).

(156)  Voir à ce sujet la décision Seleco précitée, point 84. Voir également les conclusions de l'avocat général M.L.A Geelhoed du 27 septembre 2001 dans les affaires jointes C-328/99 et C-399/00, Italie c/Commission, Rec. 2003, p. I-4035, qui précisent que: «On peut concevoir ainsi que ces investisseurs privés n'aient été disposés à intervenir qu'après que les autorités ont décidé d'accorder de nouvelles aides. Le fait que ces investisseurs privés soient alors disposés à intervenir en même temps n'est plus pertinent».

(157)  Voir point 3.1.1.

(158)  Voir les observations de France Télécom, contenues dans le rapport de M. Ehlermann du 21 janvier 2004: «… au cours du premier semestre 2002, le marché perd progressivement confiance dans la capacité de FT à faire face à son endettement ainsi que dans l'aptitude de l'équipe dirigeante à apporter une solution au problème (point 7) … une fois connu les chiffres du premier semestre et devant l'incapacité de l'équipe dirigeante à rassurer les marchés, l'État français est intervenu en septembre 2002 (point 8).»

(159)  La mise en place d'un nouveau management et le lancement d'une étude pour la préparation d'un nouveau plan industriel sembleraient les premières mesures à adopter lorsqu'on veut reconquérir la confiance du marché (voir par exemple le rapport HSBC précité, p. 6 «… l'attitude normale d'un investisseur avisé face à une telle situation est: (i) de rétablir la confiance sur l'avenir de la société en mettant en place un management doté d'une crédibilité nouvelle». Dans le même sens voir l'Etude de la Deutsche Bank du 22 juillet 2002, précitée, «si nous supposons un changement de direction, ce qui serait nécessaire pour toute opération (…) Avec une nouvelle direction, l'opération d'augmentation de capital pourrait peut être être vendue au marché» («If we assume a management change which would be necessary for any deal ()… With a new management the equity story could then perhaps be sold to the markets» p. 33). En effet, lors de la réunion avec la Commission le 22 janvier 2003 les autorités françaises ont expliqué que leur comportement avait été comparable à celui d'un investisseur avisé car avant d'agir elles avaient attendu: le changement du management, la vérification de la situation financière de l'entreprise, la préparation du plan TOP et l'annonce du soutien de l'État et de son intention de participer à l'opération de renforcement des fonds propre de l'entreprise, et finalement le retour à la confiance du marché. La Commission est d'accord avec les autorités françaises que cette démarche serait celle que tout investisseur privé avisé aurait effectuée avant de prendre un quelconque engagement de soutien de l'Entreprise. Cependant, comme il a été montré précédemment, la Commission a conclu que l'État s'était engagé à soutenir FT bien avant qu'aucune de ces démarches ait été entamée.

(160)  Comme cela a été mentionné précédemment, les agences de notation ont dégradé la note de FT pendant les mois de juin et juillet 2002 au niveau juste supérieur à celui de «junk bond», tout en précisant dans leur communiqué de presse que la note serait encore plus basse si elle était uniquement basée sur les fondamentaux de FT.

(161)  Voir l'étude de la Deutsche Bank du 22 juillet 2002, précitée: «Selon nous, le rapport risque/rémunération actuel n'incite pas particulièrement les investisseurs à participer à une augmentation de capital». («in our view the risk reward balance is not currently very attractive for investor to participate in a capital increase».)

(162)  Information qui a été jugée partielle par la commission d'enquête précitée. Voir notamment: «L'État apparaît ainsi comme étant à la fois très présent et trop souvent inefficace ... L'État éprouve des difficultés à donner aux entreprises publiques des directives claires… Par ailleurs, l'État voit ses moyens de contrôle considérablement affaiblis par les formes que prend la croissance externe, c'est-à-dire le développement des filiales. Des décisions fondamentales pour les groupes publics sont prises au niveau des filiales, ce qui, en raison de leur forte identité (Orange ou Equant dans le cas de France Télécom) et des modalités spécifiques de leur gouvernance (le nombre de représentants “directs” de l'État dans les conseils d'administration est faible ou nul, sous réserve de la participation du contrôle d'État) réduit un peu plus les délais et la qualité de l'information transmise à l'actionnaire public». Selon l'analyse de la commission d'enquête les dysfonctionnements internes à FT ont été accompagnés par un contournement de l'État actionnaire «Le moins que l'on puisse dire est en effet qu'entre 1999 et 2000, les services du ministère des finances n'ont été que très imparfaitement informés des grandes décisions stratégiques prises par l'opérateur… La direction de France Télécom semble avoir pratiqué à l'égard de son actionnaire majoritaire une information “sélective”, au mieux incomplète, au pire inexistante, et dans la plupart des cas tardive et partielle» qui semblerait commencer à s'améliorer seulement en 2002 «Selon les documents fournis par le ministère des finances, la teneur précise du pacte d'actionnaire ne sera d'ailleurs découverte que lorsque ce dernier sera transmis aux services du ministère, le 19 février 2002 ... le ministère des finances n'affirme avoir eu connaissance qu'en février 2002, après que Gerhard Schmid en a évoqué l'existence dans la presse, de la lettre adressée le 18 avril 2000 par M. Michel Bon à Mobilcom dans laquelle France Télécom s'engageait à mettre à disposition de l'opérateur allemand, à concurrence de 10 milliards d'euros, les moyens financiers nécessaires à la mise en place de l'UMTS .. Certains engagements n'ont tout simplement pas été mentionnés par France Télécom à son actionnaire majoritaire … Ce n'est qu'à l'occasion du dénouement de cette option début 2002 que l'État a découvert un engagement de 950 millions d'euros.».

Voir également certains passages de l'audition de M Thierry Breton, PDG de FT, à la commission des affaires économiques le 11 décembre 2002, et notamment: «A M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, qui l'interrogeait sur les responsabilités de l'État actionnaire, notamment quant à sa mission de contrôle, dans la dégradation rapide de la situation de France Télécom, M. Thierry Breton a indiqué que, malgré d'incontestables progrès, l'État n'avait pas encore totalement intégré les règles de gestion moderne des entreprises cotées internationalement, ni compris que les décisions relevaient du management, sous le contrôle des actionnaires.»

Dans l'introduction de son rapport ladite commission relève que «… la «tutelle» exercée sur les entreprises publiques fait l'objet d'une double critique, en apparence contradictoire … Dans le même temps, l'État actionnaire est insuffisamment ou tardivement informé et manifestement hors d'état d'exercer un contrôle efficace sur des décisions stratégiques parfois contestables … «Ce luxe de précautions» et ces contrôles parfois «inutiles, à force d'être empilés» conduisent en réalité, comme l'a souligné devant votre commission M. Francis Mer «à ne pas (...) contrôler» les entreprises publiques. On ne saurait en effet en conclure autrement qu'en constatant, comme l'a fait M. Elie Cohen, qu'«aussi bien le Crédit Lyonnais que France Télécom étaient soumis au contrôle d'État, à la tutelle du Trésor, au contrôle de la Cour des comptes, soit une série de contrôles externes, qui, en l'occurrence, n'ont pas fonctionné».»

(163)  Ce qui a en effet été fait uniquement en octobre après la nomination de Thierry Breton.

(164)  Voir les observations de France Télécom, contenues dans le rapport de M. Ehlermann du 21 janvier 2004, point 90.

(165)  Point 5 a) des lignes directrices.

(166)  Seuls sont mentionnés ici les critères applicables à une entreprise opérant dans le secteur des télécommunications.

(167)  M Douste-Blazy, Président de la commission d'enquête «Précisons que la dégradation de la notation financière de l'entreprise lui fermait l'accès au marché obligataire, et compromettait par conséquent ses capacités d'emprunt». La dégradation à laquelle le Président se réfère est celle intervenue en mai 2002.

(168)  Sara Husband, High Yield Report, 1 juillet 2002.

(169)  Voir les déclarations du précédent PDG de FT, Michel Bon, parues dans la presse: article de la Tribune du 16 septembre 2002«… la baisse de notation empêche les refinancements envisagés» ; article du Monde du 16 septembre 2002«la dégradation à la fin juin de la note attribuée à la dette de FT par l'agence de notation Moody's [….] nous a fermé l'accès au marché» ; article du Financial Times du 16 septembre 2002«FT cannot continue to survive when no one wants to lend us money and, on the contrary, when everyone wants to be paid on the nail. In the current markets, the refinancing of our debt is simply out of question».

(170)  Voir également les affirmations des autorités françaises: «réaliser un désendettement net et une reconstitution de fonds propres [est] une condition sine qua non de la réhabilitation, à terme, de la signature de l'entreprise en termes de crédit …» p. 26 de la lettre des autorités françaises du 3 décembre 2002.

(171)  Commission des Finances, de l'Économie Générale et du Plan, compte rendu no 26, séance du 5 décembre 2002, audition de M. Thierry Breton, PDG de France Télécom. Voir également Audition de M Thierry Breton, PDG de FT, à la commission des affaires économiques le 11 décembre 2002: «[M Thierry Breton] Insistant sur la confiance retrouvée, dont témoigne notamment le très bon accueil réservé à l'émission obligataire d'1,5 milliard d'euros lancée la veille, pour la première fois depuis 2001».

(172)  Barclays Proposal for an exchange offer: «We provide below preliminary thoughts on such a transaction».

(173)  Ibid. Indicative pricing of a new 5-year transaction at 380 bp over Euribor and an estimated coupon at 8,5 %.

(174)  Voir lettre des autorités françaises du 16 février 2004.

(175)  Voir les observations des autorités françaises du 4 décembre 2003, du 22 janvier 2004 et du 16 février 2004.

(176)  Les autorités françaises ont fait référence à 5 emprunts obligataires émis entre le 26 juillet 2002 et le 23 décembre 2002 dont le total s'élève à 220 millions d'euros pour les emprunts obligataires émis antérieurement à l'annonce du plan Ambition 2005 (5 décembre 2002), auquel s'ajoute un montant de 442,2 millions d'euros correspondant à l'émission d'ORAs.

(177)  Sur la période antérieure à l'annonce du plan Ambition 2005, soit le 5 décembre 2002.

(178)  La moyenne est de 1,5 milliard d'euros.

(179)  442,2 millions d'euros.

(180)  De telles émissions ont d'ailleurs été réalisées en décembre 2002 et en janvier 2003.

(181)  A ce propos il est intéressant de rappeler certains passages de l'audition devant la commission d'enquête des commissaires aux comptes de FT:

«M. Edouard Salustro: M. le député, il faut rappeler une chose que vous connaissez mieux que personne. Avant même d'exprimer son opinion sur un ensemble d'informations financières, l'auditeur se pose la question de savoir si la société est en état de poursuite économiquement justifiée de l'exploitation. C'est la première question, c'est un principe de base qu'il décline par suite dans les comptes. Après, la question ne se pose plus, puisqu'il y est répondu au préalable.

M. Xavier de Roux: Vous avez donc considéré que la poursuite de l'exploitation allait de soi.

M. Edouard Salustro: Non! Enfin, bien sûr !… Je n'étais pas là !…

M. Vincent de La Bachelerie: Elle n'allait pas de soi nécessairement, et nous surveillions effectivement point …».

Encore plus claire à ce sujet apparaît l'explication de M Bon, ancien PDG de FT, devant la même commission d'enquête:

«Or, il est une donnée que le scénario noir n'avait jamais intégrée: le fait que l'accès au marché des capitaux nous soit fermé. Nous n'avions jamais entrevu cette possibilité parce que nous pensions qu'il tombait sous le sens que la présence de l'État comme actionnaire majoritaire empêcherait le marché d'envisager une faillite de France Télécom, sans même qu'il soit d'ailleurs nécessaire que l'État manifeste son soutien. Cette opinion était partagée par la quasi-totalité des acteurs du marché jusqu'au jour où l'une des trois agences de notation — et une seule — a décidé que France Télécom était au bord de l'insolvabilité et a revu sa notation lui fermant, du jour au lendemain, tout accès au marché ... Lorsque, au mois de juin, cette unique agence de notation a émis son avis et que l'accès au marché nous a été fermé, je savais que, faute de pouvoir réemprunter, France Télécom se trouverait en difficulté de paiement, un an plus tard, vers la fin du premier semestre 2003».

Dans le même sens, voir le rapport HSBC du 12 juin 2004, page 11: «au total, FT n'était pas une société en difficulté au sens où ses activités sont saines, mais souffraient d'une structure de financement inadaptée avec un manque de fonds propres et des échéances de refinancement de la dette trop courtes ainsi que d'une crise de cofinance des marchés face aux incertitudes créées par cette situation».

(182)  Arrêt de la Cour du 24 novembre 1987, affaire 223/85, RSV/Commission, Rec., p. 4617.

(183)  Arrêt de la Cour du 20 septembre 1990, affaire C-5/89, Commission c/Allemagne, Rec. 1990, p. I-3437.