7.9.2006   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

L 244/17


DÉCISION DE LA COMMISSION

du 6 avril 2005

concernant le régime d’aides d’État que l’Italie entend mettre en œuvre en faveur du crédit naval

[notifiée sous le numéro C(2005) 844]

(Le texte en langue italienne est le seul faisant foi.)

(Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE)

(2006/599/CE)

LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,

vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 88, paragraphe 2, premier alinéa,

vu l'accord sur l'Espace économique européen, et notamment son article 62, paragraphe 1, point a),

après avoir invité les intéressés à présenter leurs observations conformément auxdits articles,

considérant ce qui suit:

I.   PROCÉDURE

(1)

Le 26 novembre 1998, la Commission a approuvé le Fonds spécial de garantie pour le crédit naval institué conformément à l’article 5 de la loi no 261 du 31 juillet 1997 et a estimé que l'intensité d'aide prévue par le régime s'élevait à 1 %.

(2)

L’article 5 de la loi no 261 du 31 juillet 1997 a été modifié par la loi no 413 du 30 novembre 1998. Le 16 mai 2001, les autorités italiennes ont notifié à la Commission l’adoption du décret du ministre du trésor, du budget et de la programmation économique du 14 décembre 2000, qui complète le régime de garantie, en soutenant que, du fait de ces modifications et de ces ajouts, il y avait lieu de considérer le régime même comme ne constituant pas une aide d’État. La présente décision concerne précisément cette notification.

(3)

La notification a donné lieu à un échange de correspondance avec les autorités italiennes en vue d’obtenir des renseignements complémentaires. La Commission a en outre eu de nombreux contacts informels avec lesdites autorités et leur conseiller externe, qu’elle a rencontrés à deux occasions.

(4)

Par lettre du 30 avril 2003, la Commission a informé les autorités italiennes de sa décision d'ouvrir la procédure visée à l'article 88, paragraphe 2, du traité concernant le régime d'aides notifié.

(5)

La décision d'ouvrir la procédure a été publiée au Journal officiel de l’Union européenne  (1). La Commission a invité les tiers intéressés à présenter leurs observations.

(6)

La Commission n’a reçu aucune observation de tiers intéressés.

(7)

Par lettres du 4 juin 2003, du 22 juillet 2003 et du 3 juin 2004, les autorités italiennes ont présenté leurs observations en réponse à la décision de la Commission du 30 avril 2003. Le 27 janvier 2004, une rencontre entre les autorités italiennes et la Commission a eu lieu.

(8)

Par lettre du 3 novembre 2004, lesdites autorités ont invité la Commission à définir sa position sur le cas d’espèce. La Commission a répondu par lettre du 22 décembre 2004 et n’a pas reçu d’autre correspondance des autorités italiennes.

II.   DESCRIPTION DE L’AIDE

(9)

Le «Fonds spécial de garantie pour le crédit naval» (ci-après, «le Fonds») a été créé en vertu de l’article 5 de la loi no 261 du 31 juillet 1997. À l'issue d’un appel d’offres, la gestion financière, administrative et technique du Fonds a été confiée à Mediocredito Centrale SpA (ci-après «Mediocredito»). Le Fonds est destiné à couvrir les risques découlant du non-remboursement de prêts pour la construction et la transformation de navires octroyés par les banques à des armateurs italiens et étrangers, pour des travaux effectués par des chantiers navals italiens. À cette fin, le Fonds accorde auxdits armateurs des garanties de financement final de second rang. Les autorités italiennes ont confirmé que le Fonds n’est pas encore opérationnel et que, partant, aucune garantie n’a encore été accordée.

(10)

Le financement doit avoir une durée maximum de 12 ans, un montant maximum de 80 % du prix contractuel du navire, et un taux d’intérêt au moins égal à celui visé dans la résolution du conseil de l’OCDE du 3 août 1981, modifiée ultérieurement, ou égal au taux du marché, dans les cas où le financement ne bénéficie d’aucune autre aide publique visant à réduire la charge des intérêts. En outre, le financement est garanti par une hypothèque de premier rang sur le navire qui en fait l’objet.

(11)

Le régime prévoit l’octroi de garanties aux armateurs déclarés économiquement et financièrement sains par Mediocredito sur la base des critères définis dans le décret.

(12)

La garantie octroyée ne peut dépasser un plafond fixé à 40 % du financement total et, dans les limites de ce pourcentage, elle peut couvrir jusqu’à 90 % de la perte définitive subie par les banques en capital, intérêts contractuels et intérêts de retard — dont le taux ne doit pas dépasser le taux de référence en vigueur à la date de saisine de l’autorité judiciaire pour le recouvrement du crédit — et frais, y compris les frais légaux de justice et autres encourus.

(13)

La prime unique (una tantum) appliquée aux bénéficiaires du Fonds est fixe; elle a été fixée initialement à 1,6 % du montant garanti, indépendamment de la durée du prêt garanti. Les autorités italiennes ont par la suite informé la Commission de leur intention de modifier cette prime unique et de la porter maximum à 2,3 % du montant garanti pour les opérations d’une durée de 12 ans (en le diminuant proportionnellement pour les prêts de moindre durée). La prime unique de 2,3 % correspond à une prime annuelle de 0,5 % du montant garanti non remboursé d’un prêt sur 12 ans.

(14)

Les autorités italiennes ont envisagé d’instaurer un mécanisme de différenciation du risque permettant d’appliquer une prime différente à chaque projet en fonction du risque inhérent à celui-ci. Le système n’a toutefois été présenté que sommairement et la Commission n’a pas reçu d'autres détails ou renseignements concernant son fonctionnement.

III.   MOTIFS DE L’OUVERTURE DE LA PROCÉDURE

(15)

Dans la décision d’ouvrir la procédure, la Commission doutait que le Fonds de garantie pour le crédit naval respecte toutes les conditions visées au paragraphe 4.3 de la communication du 11 mars 2000 sur l'application des articles 87 et 88 du traité CE aux aides d’État sous forme de garanties («communication sur les garanties») (2), conditions qui permettraient d’exclure l’existence d’une aide.

(16)

La Commission se demandait également si un régime de garanties accordées par l’État qui impose la même prime à tous les bénéficiaires indépendamment des risques associés au projet financé et qui s'applique dans un secteur pour lequel il existe un marché disposé à offrir de telles garanties peut être considéré comme étant vraisemblablement en mesure d’assurer son autofinancement.

(17)

En outre, la Commission doutait que les primes versées par les bénéficiaires soient conformes au marché et, en tout état de cause, suffisantes pour couvrir tous les coûts du régime.

(18)

Enfin, la Commission ne pouvait exclure qu’un pourcentage égal à seulement 10 % de la partie la plus risquée du prêt puisse se révéler insuffisant pour garantir que le prêteur évalue correctement le degré de solvabilité de l’emprunteur et minimise les risques liés à l’opération.

IV.   OBSERVATIONS DE L’ITALIE

(19)

Selon les autorités italiennes, le Fonds ne constitue pas une aide pour les motifs suivants:

i)

les critères prévus par le Fonds pour l’octroi de la garantie permettent de ne sélectionner que les armateurs satisfaisant à des critères économiques stricts et présentant un risque inférieur à la moyenne; vu l’appartenance des bénéficiaires à des classes de risque analogues, il semble superflu de procéder à une diversification substantielle des primes;

ii)

l’enquête par échantillonnage effectuée auprès de différents établissements de crédit opérant en Italie a permis d'estimer un coût moyen du marché pour des garanties similaires qui est pratiquement équivalent à celui prévu par les autorités italiennes.

(20)

Ensuite, par lettre du 3 juin 2004, les autorités italiennes se sont dites pleinement disposées à instaurer un système de primes diversifié en fonction des risques liés aux projets financés. Le système prend pour point de départ la prime initiale de 0,5 % par an. En substance, les primes varieraient en fonction de la durée du financement et des risques liés aux projets bénéficiaires. Trois niveaux de tarification seraient envisagés. Pour un financement d’une durée de 12 ans, la prime unique proposée aux bénéficiaires serait de 2,065 % pour la catégorie de risque la plus basse, de 2,603 % pour la catégorie de risque intermédiaire et de 3,142 % pour la catégorie de risque la plus élevée. Cela représenterait un taux annuel de 0,4563 % du montant garanti pour les projets les plus sûrs et de 0,6562 % pour les projets les plus risqués.

(21)

Les autorités définiraient plusieurs fourchettes de valeurs sur la base de six paramètres économiques et financiers à prendre en considération chaque fois qu’un bénéficiaire potentiel demande à bénéficier du régime. En fonction de son efficacité globale par rapport à ces paramètres, le demandeur entrerait dans l’une des trois catégories de risque. En tout état de cause, le système n’a jamais été finalisé et les autorités italiennes n’ont pas fourni d’autres détails pratiques concernant son fonctionnement.

V.   APPRÉCIATION

1)   Présence d'une aide au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité

(22)

L’article 87, paragraphe 1, du traité dispose que sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d'État sous quelque forme que ce soit, qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence, en favorisant certaines entreprises.

(23)

La mesure à apprécier consiste en un fonds de garantie destiné à fournir des couvertures pour le financement de prêts accordés par les banques aux armateurs, en vue de la construction ou de la transformation de navires par des chantiers navals italiens. La Commission a exposé sa position concernant de telles mesures dans sa communication sur l'application des articles 87 et 88 du traité CE aux aides d’État sous forme de garanties («communication sur les garanties») (3).

(24)

La communication sur les garanties explique pour quels motifs une garantie de l’État peut constituer une aide d’État: «La garantie de l'État lui permet d'obtenir un prêt à des conditions financières plus avantageuses que celles qui sont normalement consenties sur les marchés financiers. Le plus souvent, grâce à la garantie de l'État, l'emprunteur peut bénéficier de taux plus bas et/ou offrir une sûreté moins élevée. Il est des cas où, sans la garantie de l'État, il ne trouverait pas d'établissement financier disposé à lui concéder un prêt, à quelque condition que ce soit. (…) Une garantie de l'État présente l'avantage de faire supporter par l'État le risque associé à la garantie. Cette prise de risque devrait normalement être rémunérée par une prime appropriée. Lorsque l'État y renonce, il y a à la fois avantage pour l'entreprise et ponction sur les ressources publiques. Par conséquent, même si l'État n'est pas amené à faire des paiements au titre de la garantie accordée, il y a aide au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité» (4).

a)   Avantage économique

(25)

En l’espèce, il s’agit essentiellement de déterminer si les primes proposées pour la garantie correspondent à un prix de marché adéquat. Les principes généraux sur le contrôle des aides d’État et les dispositions précitées sont à la base du principe sur lequel se fonde la communication sur les garanties: le point de référence utilisé pour apprécier si une garantie constitue une aide d’État est le marché. En effet, si l’État obtient pour la garantie une prime équivalente à celle qu’un opérateur privé obtiendrait de bénéficiaires analogues, le bénéficiaire ne jouirait d’aucun avantage et l’État agirait comme un investisseur ou un créancier privé opérant sur le marché financier. Si, au contraire, le prix payé par les bénéficiaires et les conditions appliquées aux garanties sont plus favorables que le prix et les conditions du marché, les bénéficiaires jouissent alors d’un avantage économique évident et, partant (si les autres conditions sont remplies), d’une aide d’État au sens du traité.

(26)

La communication sur les garanties définit, au paragraphe 4.3, six conditions sur la base desquelles la Commission peut déterminer si un régime public de garanties constitue une aide d’État. La Commission doit donc avant tout déterminer si le régime notifié satisfait à ces conditions, étant donné que cela permettrait d’exclure immédiatement la présence d’éléments d’aide.

(27)

Le paragraphe 4.3 dispose qu’un régime public de garanties ne constitue pas une aide d’État relevant de l’article 87, paragraphe 1, du traité lorsque toutes les conditions suivantes sont remplies:

a)

le régime ne permet pas l'octroi de garanties à des emprunteurs en difficulté financière;

b)

les emprunteurs pourraient en principe obtenir un prêt à des conditions de marché sur les marchés financiers sans intervention de l'État;

c)

les garanties sont attachées à une opération financière précise, portent sur un montant maximal déterminé, ne couvrent pas plus de 80 % du solde restant dû du prêt ou autre obligation financière (sauf s'il s'agit de titres obligataires et instruments similaires) et ne sont pas illimitées;

d)

les modalités du régime sont établies sur la base d'une évaluation réaliste du risque pour en assurer, selon toute probabilité, l'autofinancement grâce aux primes versées par les entreprises bénéficiaires;

e)

le régime prévoit les modalités selon lesquelles les garanties seront accordées et dispose que son financement général fera l'objet d'un examen au moins une fois par an;

f)

les primes couvrent à la fois les risques normaux associés à l'octroi des garanties et les coûts administratifs du régime, et permettent une rémunération normale du capital initial éventuellement fourni par l'État pour le démarrage du régime.

(28)

La Commission souligne que, dans le cas d’espèce, les conditions visées aux points a), b), c) et e) sont remplies, mais pas celles visées aux points d) et f) dans la mesure où le risque assumé par l’État n’est pas rémunéré par une prime appropriée.

(29)

Au sens du paragraphe 4.3, points d) et f), de la communication, les modalités du régime doivent être établies sur la base d'une évaluation réaliste du risque pour en assurer, selon toute probabilité, l'autofinancement, et les primes versées doivent être suffisantes pour couvrir à la fois les risques normaux associés à l'octroi des garanties et les coûts administratifs du régime (de même que pour permettre une rémunération normale du capital initial éventuellement fourni par l'État pour le démarrage du régime). L’Italie n’a pas été en mesure de démontrer à la Commission que les primes prévues par le régime peuvent en assurer l’autofinancement et en couvrir tous les coûts administratifs.

i)   Caractère inapproprié des primes proposées

(30)

Les établissements de crédit actifs sur le marché financier demanderaient des primes plus élevées pour les garanties de ce type, étant donné qu’une prime unique de 2,3 % paraît insuffisante pour garantir, selon toute probabilité, la couverture de tous les frais inhérents à d’éventuelles défaillances, ainsi que des coûts administratifs. Il en va de même pour la fourchette de primes allant de 2,065 % à 2,603 % mentionnées dans la lettre du 3 juin 2004.

(31)

N’ayant pas eu par le passé de régime public de garanties de ce genre, les autorités italiennes ne disposent pas de données historiques ou empiriques fiables (taux de défaillance du secteur, recettes du régime, coûts administratifs réels de sa gestion) sur la base desquelles pouvoir apporter la preuve de son autofinancement.

(32)

D’après les autorités italiennes, la prime proposée a été calculée sur la base d’une valeur de référence de marché analogue et il y a donc lieu de la considérer comme appropriée. Les informations dont dispose la Commission ne contiennent cependant aucune indication à ce sujet.

(33)

Premièrement, les autorités italiennes affirment, par lettre datée du 7 octobre 1998, que la commission moyenne du marché pour l’octroi d’une garantie fidéjussoire est, selon elles, de 0,915 % par an. Ce taux est nettement supérieur au coût annuel correspondant à la prime unique initialement prévue par les autorités italiennes et aux primes prévues dans la lettre du 3 juin 2004.

(34)

Deuxièmement, le caractère inapproprié de la prime prévue trouve confirmation dans les chiffres plus récents fournis eux aussi par les autorités italiennes. En 2003, celles-ci ont en effet organisé une enquête par échantillonnage afin d’évaluer la commission moyenne du marché qu'appliqueraient les établissements de crédit pour des garanties analogues. Il résulte des lettres des banques italiennes transmises à la Commission que tous les établissements consultés appliqueraient de fait des primes annuelles supérieures à 0,5 %, c'est-à-dire une fourchette de primes supérieures à celles proposées par l’Italie dans sa lettre du 3 juin 2004. Les primes proposées par les banques sont les suivantes:

Banca CARIGE

de 0,50 % à 0,75 % par an

BNL

environ 0,60 % par an

Unicredit

0,60 % par an

Citigroup

0,60 % par an

Deutsche Bank

de 0,70 % à 0,80 % par an

ABN Amro

de 0,70 % à 0,75 % par an

Banca Intesa

environ 0,75 % par an

Banca di Roma

de 0,75 % à 1,25 % par an

(35)

Troisièmement, le caractère inapproprié de la prime proposée trouve une autre confirmation dans l’expérience acquise par la Commission avec l’examen des régimes allemands de garantie pour le crédit naval, lesquels, contrairement au Fonds italien, sont opérationnels depuis plusieurs années. En décembre 2003, la Commission a approuvé les régimes de garantie des Länder allemands [aides d’État no N 512/03 (5)] parce que les mesures notifiées ne constituaient pas une aide d’État au sens du traité.

(36)

En effet, l’exemple allemand a démontré que des primes plus élevées sont nécessaires pour garantir la couverture, selon toute probabilité, du risque de défaillance (et des coûts administratifs): les régimes allemands comportaient des primes annuelles allant de 0,8 % à 1,5 %, en fonction du degré de solvabilité du bénéficiaire.

(37)

Étant donné que les régimes allemands et le régime italien sont largement identiques et qu'ils posent des problèmes similaires, la Commission a suggéré aux autorités italiennes d’examiner attentivement le contenu de la décision sur les régimes des Länder allemands, avant tout parce que, comme il a déjà été signalé, les Länder disposaient déjà, par le passé, de plusieurs régimes publics de garantie pour le crédit naval. Alors que les autorités italiennes n’ont pas été en mesure de présenter le moindre élément de preuve pour démontrer que le régime serait à même d’assurer, selon toute probabilité, son autofinancement, les autorités allemandes ont quant à elles fourni une grande quantité de données historiques fiables à l’appui de leurs estimations (6).

(38)

C’est pourquoi la Commission a envoyé à l’Italie une version non confidentielle de la décision sur les régimes allemands des Länder. En outre, faisant suite au souhait, exprimé par l’Italie, d’obtenir des informations plus détaillées et plus complètes, provenant si possible directement des autorités allemandes, la Commission a transmis aux autorités italiennes et à leur conseiller externe les renseignements nécessaires pour entrer en contact avec les autorités allemandes compétentes et leur conseiller.

ii)   Absence de diversification du risque

(39)

La Commission estime en outre que le Fonds ne s’appuie pas sur une évaluation réaliste du risque et que, partant, il n’est pas en mesure d’assurer, selon toute probabilité, son autofinancement.

(40)

Les informations dont dispose la Commission montrent que le crédit naval est un secteur dans lequel il est possible d’évaluer les risques individuels et d’en calculer le coût, et qu’il existe, pour l’octroi de garanties pour le financement final du crédit naval, un marché qui fonctionne correctement. Dès lors, un régime de garanties pour le crédit naval qui prévoirait la même prime pour tous les bénéficiaires, en admettant qu’il fonctionne sur la base des mêmes conditions et restrictions que les autres opérateurs du marché, ne paraît vraisemblablement pas en mesure d’assurer son autofinancement. Il est en effet toujours loisible aux bénéficiaires présentant un risque inférieur à la moyenne de trouver un garant disposé à couvrir l’exposition au risque à un coût inférieur à la prime moyenne. Le régime de garanties offert par les autorités publiques étant appelé à couvrir uniquement les risques supérieurs à la moyenne, à moins d’être obligatoire, il ne semble pas en mesure d’assurer un autofinancement approprié.

(41)

Les informations fournies par l'Italie indiquent que le régime de garanties pour le crédit naval instauré par l’Italie prévoit une prime prédéterminée et que le recours au système n’est pas obligatoire. Parallèlement, elles confirment qu’il est possible d'évaluer le risque individuel (et qu’il existe un marché pour l’octroi de telles garanties). Dans ces conditions, on ne saurait considérer que le régime de garanties à prime unique en cause soit en mesure d’assurer, «selon toute probabilité», son autofinancement.

(42)

Ainsi qu’il a été dit plus haut, par lettre du 3 juin 2004, les autorités italiennes se sont dites disposées à instaurer un système de primes diversifié en fonction des risques liés aux projets financés. Cette intention ne s’est toutefois traduite par aucune proposition concrète. La lettre précitée décrit le nouveau système dans les grandes lignes, mais depuis lors, aucun détail ni renseignement complémentaire sur son fonctionnement n’a été communiqué, alors que les autorités italiennes savaient l’importance fondamentale que revêtait cet aspect aux fins de la décision de la Commission.

(43)

En tout état de cause, même à considérer que ce régime soit à même d’assurer une évaluation réaliste du risque, la modicité des primes proposées (voir plus haut) suffirait à démontrer que la mesure peut conférer un avantage économique aux armateurs bénéficiaires.

iii)   Couverture des coûts administratifs

(44)

Les autorités italiennes n’ont pas fourni à la Commission d’estimation fiable et détaillée concernant tous les coûts administratifs liés à la planification, à la constitution et à la gestion du Fonds, et elles n’ont jamais comblé cette lacune bien que la question ait déjà été soulevée dans la décision d’ouvrir la procédure.

(45)

La Commission estime en outre que si les primes versées risquent déjà de se révéler insuffisantes pour couvrir toutes les pertes en cas de défaillance, elles risquent a fortiori de l’être pour couvrir aussi tous les coûts administratifs.

(46)

Enfin, les autorités italiennes ont informé la Commission qu’un montant de 258 228 449,54 euros (500 milliards de lires) a été alloué par la loi et inscrit au budget de l’État afin d’assurer le fonctionnement du Fonds, mais qu'aucune rémunération du capital n'a été prévue.

iv)   Conclusions

(47)

Pour conclure, il résulte des arguments exposés ci-dessus que la prime ou la fourchette de primes prévues par les autorités italiennes ne sont pas en mesure d’assurer l’autofinancement du régime ni la couverture des coûts administratifs. En outre, les modalités du régime ne paraissent pas établies sur la base d'une évaluation réaliste du risque. A fortiori, le critère de l’investisseur privé n’est pas rempli.

(48)

Dans ces conditions, la Commission estime que la mesure proposée peut conférer un avantage économique aux bénéficiaires du Fonds.

b)   Emploi de ressources publiques et sélectivité de la mesure

(49)

Le régime implique clairement l’emploi de ressources publiques en ce qu’il prévoit l’octroi de garanties publiques et leur financement par le budget de l’État. Les garanties de l’État peuvent en effet entraîner une perte de ressources pour l’État, qui assume un risque financier et qui renonce à une rémunération appropriée payée par les bénéficiaires.

(50)

Il est également évident que la mesure est sélective étant donné que seuls peuvent bénéficier de la garantie de l’État les armateurs qui entendent effectuer des travaux de construction et de transformation de navires dans des chantiers navals italiens (et qui répondent aux critères définis par la loi italienne).

c)   Distorsion de la concurrence et effets sur les échanges

(51)

L’avantage économique conféré à certaines entreprises par le Fonds est en soi de nature à fausser la concurrence étant donné que les garanties de l’État peuvent faciliter l’accès de ces entreprises à certaines activités autrement inaccessibles. L’octroi de garanties de l’État sans rémunération appropriée à charge des bénéficiaires peut conférer à ceux-ci et au secteur italien de la construction navale un avantage concurrentiel sur leurs concurrents européens et autres qui ne bénéficient pas de mesures analogues.

(52)

Le marché mondial de la construction navale donne lieu à de nombreux échanges intracommunautaires. La mesure en cause est dès lors susceptible d'affecter les échanges entre États membres.

(53)

En conclusion, étant donné que tous les éléments visés à l'article 87, paragraphe 1, sont réunis, le régime proposé constitue une aide d’État au sens du traité.

2)   Compatibilité de l'aide avec le marché commun

(54)

L'article 87, paragraphes 2 et 3, énonce les conditions à remplir pour qu’une aide donnée soit compatible ou puisse être considérée comme compatible avec le marché commun. L'article 87, paragraphe 3, point e), dispose que peuvent être considérées comme compatibles avec le marché commun les autres catégories d’aides déterminées par décision du Conseil statuant à la majorité qualifiée sur proposition de la Commission.

(55)

À l’époque de la notification, les aides au secteur de la construction navale étaient régies par le règlement (CE) no 1540/98 du Conseil, du 29 juin 1998, concernant les aides à la construction navale (7). En vertu de ce règlement, les aides au secteur ne sont autorisées qu’aux conditions et pour les objectifs y définis. En outre, les aides au fonctionnement dans le secteur de la construction navale ne sont plus admissibles pour les contrats conclus après le 31 décembre 2000.

(56)

Entré en vigueur le 1er janvier 2004, le nouvel encadrement des aides d’État à la construction navale (8) («Encadrement des aides à la construction navale») a confirmé l’interdiction de toute aide au fonctionnement dans le secteur. Par conséquent, seules peuvent être considérées comme compatibles les aides remplissant les conditions et poursuivant les objectifs prévus par l’encadrement.

(57)

Selon la jurisprudence de la Cour (9) et sauf dispositions contraires prévues par une réglementation transitoire, les aides d’État notifiées doivent être examinées à la lumière de la réglementation en vigueur au moment de l’adoption de la décision sur leur compatibilité. En l'espèce, l’aide doit dès lors être examinée à la lumière de l’encadrement des aides d’État à la construction navale.

(58)

La décision d’ouvrir la procédure a été adoptée alors qu’était déjà en vigueur le règlement (CE) no 1540/98, qui en constitue donc la base juridique. Il n’est cependant pas nécessaire d’ouvrir une nouvelle procédure lorsque les dispositions pertinentes de deux actes législatifs consécutifs ne sont pas très différentes. Cette condition est clairement remplie en l'espèce (10).

(59)

En vertu de l’encadrement sur les aides à la construction navale et du règlement (CE) no 1540/98, les aides en cause comprennent tous les types d’aides directes et indirectes accordées aux chantiers navals, aux armateurs ou aux tiers pour la construction ou la transformation de navires, telles que les facilités de crédit, les garanties et les avantages fiscaux (11).

(60)

Concernant la compatibilité avec le marché commun, la décision d’ouvrir la procédure se fonde sur le fait que l’aide en cause est une aide au fonctionnement et qu’en tant que telle, elle est incompatible au sens du règlement (CE) no 1540/98 du Conseil (12) du 1er janvier 2001. Cette disposition est encore en vigueur en vertu de l’encadrement des aides d’État à la construction navale, qui n’autorise pas l’octroi d’aides au fonctionnement.

(61)

La décision d’ouvrir la procédure a également examiné la possibilité d'apprécier la compatibilité de l’aide à la lumière des dispositions de l’OCDE sur les facilités de crédit octroyées pour la construction ou la transformation de navires (13). À cet égard, il était toutefois affirmé que bien que l’arrangement de l’OCDE et l’accord sectoriel prévoient des règles en matière de garanties, les dispositions de l’arrangement relatives aux primes minimales de référence n’étaient pas applicables tant qu’elles n’auraient pas été réexaminées par les parties à l’accord sectoriel (14) — ce qui est toujours le cas.

(62)

En revanche, l’aide n’a pas été examinée à la lumière d’autres dispositions sur la compatibilité prévues par le règlement (CE) no 1540/98 du Conseil, car il est évident qu'elle n’est destinée ni à la fermeture, ni au sauvetage et à la restructuration, ni à l'investissement à des fins d'innovation, ni à la recherche et au développement, ni à la protection de l’environnement. Il est également évident que l’aide n’est pas destinée à favoriser la réalisation de ces objectifs même à la lumière des dispositions, certes légèrement différentes, de l’encadrement des aides à la construction navale. De même, il est évident que l’aide ne vise pas à atteindre d’autres objectifs horizontaux (formation, emploi, promotion des PME) actuellement admis en vertu de l’encadrement précité.

(63)

Il convient en outre de souligner que les autorités italiennes n’ont jamais affirmé que l’aide devait être considérée comme compatible. Par conséquent, elles n’ont jamais fourni à la Commission d’informations qui aurait permis d’apprécier si l’aide pouvait rentrer dans le cadre d’une des dérogations à l’interdiction générale visées à l’article 87, paragraphe 1, du traité.

(64)

Compte tenu des observations susmentionnées, la Commission estime qu'en l'espèce, aucune des dérogations à l’interdiction d’octroyer des aides d’État au secteur de la construction navale n'est applicable et que, partant, la mesure, qui présente les caractéristiques essentielles de l’aide d’État, est incompatible avec le marché commun.

VI.   CONCLUSIONS

(65)

Sur la base de ce qui précède, la Commission conclut que le régime relatif au Fonds spécial de garantie pour le crédit naval constitue un régime d’aides d’État incompatible avec le marché commun,

A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:

Article premier

Le régime d’aides d’État que l’Italie entend mettre en œuvre en faveur du crédit naval au sens de l’article 5 de la loi no 261 du 31 juillet 1997, modifié par l’article 1er de la loi no 413 du 30 novembre 1998 et complété par le décret du ministre du trésor, du budget et de la programmation économique du 14 décembre 2000, est incompatible avec le marché commun.

Ledit régime d’aides ne peut donc être mis en œuvre.

Article 2

Dans les deux mois à compter de la notification de la présente décision, l'Italie communique à la Commission les mesures prises afin de s’y conformer.

Article 3

La République italienne est destinataire de la présente décision.

Fait à Bruxelles, 6 avril 2005.

Par la Commission

Neelie KROES

Membre de la Commission


(1)  JO C 145 du 21.6.2003, p. 48.

(2)  JO C 71 du 11.3.2000, p. 14.

(3)  Cf. note 2.

(4)  Points 2.1.1 et 2.1.2 de la communication.

(5)  JO C 62 du 11.3.2004, p. 2.

(6)  Il y a lieu de souligner que le marché de la construction navale semble être mondial et que celui du financement du crédit naval semble être à tout le moins paneuropéen. Aussi peut-on tirer de l’exemple allemand d’importantes conclusions même si les régimes examinés alors ne concernaient pas l’Italie.

(7)  JO L 202 du 18.7.1998, p. 1.

(8)  Encadrement des aides d’État à la construction navale (2003/C 317/06) (JO C 317 du 30.12.2003, p. 11).

(9)  Voir l’arrêt du Tribunal de première instance du 18 novembre 2004, dans l’affaire T-176/01, Ferriere Nord SpA contre Commission, en particulier les points 134 à 140.

(10)  Voir affaire T-176/01, points 74 à 82.

(11)  Voir l’article 2, paragraphe 2, du règlement (CE) no 1540/98 du Conseil et le point 11 de l’encadrement des aides à la construction navale.

(12)  Voir l’article 3, paragraphe 1, du règlement (CE) no 1540/98 du Conseil.

(13)  Voir l’article 3, paragraphe 4, du règlement (CE) no 1540/98 du Conseil.

(14)  Voir le point 23 de l’encadrement des aides à la construction navale, qui renvoie aux dispositions de l’OCDE également citées dans la décision d’ouvrir la procédure.