30.3.2006 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
L 92/12 |
DÉCISION DE LA COMMISSION
du 14 mars 2006
relative aux dispositions nationales imposant, dans les grandes surfaces, le placement des denrées alimentaires génétiquement modifiées sur des rayonnages distincts de ceux qu’occupent les produits non génétiquement modifiés, notifiées par Chypre au titre de l’article 95, paragraphe 5, du traité CE
[notifiée sous le numéro C(2006) 797]
(Le texte en langue grecque est le seul faisant foi.)
(2006/255/CE)
LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,
Vu le traité instituant la Communauté européenne, et en particulier son article 95, paragraphe 5,
considérant ce qui suit:
I. EXPOSÉ DES FAITS
(1) |
Par lettre du 15 septembre 2005, la présidente de la commission de l’environnement de la Chambre des représentants de Chypre a notifié à l’Union européenne, conformément à l’article 95, paragraphe 5, du traité CE, un projet de loi de 2005 amendant les lois sur les denrées alimentaires (contrôle et vente) de 1996 à 2005 (dénommée «législation fondamentale») imposant, dans les grandes surfaces, le placement des denrées alimentaires génétiquement modifiées dans des endroits spécifiquement aménagés à cet effet, sur des rayonnages distincts de ceux qu’occupent les produits non génétiquement modifiés (ci-après dénommé «le projet de loi») par dérogation aux dispositions des règlements du Parlement européen et du Conseil (CE) no 1829/2003 (1) et (CE) no 1830/2003 (2). |
1. Articles 95, paragraphes 5 et 6, du traité CE
(2) |
L’article 95, paragraphes 5 et 6, du traité CE dispose que: «5. …Si, après l’adoption par le Conseil ou par la Commission d’une mesure d’harmonisation, un État membre estime nécessaire d’introduire des dispositions nationales basées sur des preuves scientifiques nouvelles relatives à la protection de l’environnement ou du milieu de travail en raison d’un problème spécifique de cet État membre, qui surgit après l’adoption de la mesure d’harmonisation, il notifie à la Commission les mesures envisagées ainsi que les raisons de leur adoption. 6. Dans un délai de six mois après les notifications visées aux paragraphes (…) 5, la Commission approuve ou rejette les dispositions nationales en cause après avoir vérifié si elles sont ou non un moyen de discrimination arbitraire ou une restriction déguisée dans le commerce entre États membres et si elles constituent ou non une entrave au fonctionnement du marché intérieur. En l’absence d’une décision de la Commission dans ce délai, les dispositions nationales visées aux paragraphes (…) 5 sont réputées approuvées.» |
2. Dispositions nationales notifiées
(3) |
Le projet de loi devrait être dénommé «loi (d’amendement) sur les denrées alimentaires (contrôle et vente) (article 2) de 2005» et devra être lu conjointement avec les lois sur les denrées alimentaires (contrôle et vente) de 1996 à 2005 (désignées ci-après par les termes «législation fondamentale»). Le tout formé par la législation fondamentale et le projet de loi devrait être désigné par les termes «loi sur les aliments (contrôle et vente) de 1996 à 2005 (article 2)». |
(4) |
Ce projet de loi vise à modifier la «législation fondamentale» par l’ajout d’un nouvel article 22(1) qui se lit comme suit: «Dans chaque grande surface, les aliments génétiquement modifiés sont installés dans un endroit spécifiquement aménagé à cet effet, sur des rayonnages distincts de ceux qu’occupent les produits non génétiquement modifiés.» |
(5) |
Le « commerçant» contrevenant aux dispositions susmentionnées ou omettant de s’y conformer se rend coupable d’un délit pénal et est passible d’une amende n’excédant pas 3 000 livres chypriotes, ou en, cas de récidive, d’une amende n’excédant pas 6 000 livres ou d’une peine d’emprisonnement d’une durée n’excédant pas six mois, ou de l’une et l’autre de ces deux peines. |
(6) |
Le projet de loi définit comme «commerçant», «toute personne physique ou morale ou tout organisme de droit public ou privé responsable ou propriétaire d’une grande surface»; il englobe le propriétaire ou l’actionnaire principal, l’administrateur, le directeur général et toutes autres personnes assurant le contrôle ou la gestion de ladite grande surface et habilitées à prendre des décisions concernant le fonctionnement de cette dernière. |
(7) |
Le projet de loi précise également que les termes «denrée alimentaire génétiquement modifiée» doivent avoir la signification qui leur est réservée dans le règlement (CE) no 1829/2003. |
3. Justifications avancées par Chypre
(8) |
Selon les autorités chypriotes, l’objectif du projet de loi est de protéger le consommateur. En effet, le placement des denrées alimentaires contenant des OGM dans des rayons séparés permettra à tous les consommateurs de reconnaître et de distinguer facilement les différents types de produits et de choisir les biens qu’ils veulent effectivement acheter. |
II. PROCÉDURE
(9) |
Par lettre du 15 septembre 2005, la Chambre des représentants de Chypre a informé la Commission, conformément à l’article 95, paragraphe 5, du traité de l’existence d’un projet de loi visant à imposer, dans les grandes surfaces, le placement des denrées alimentaires génétiquement modifiées dans des endroits spécifiquement aménagés à cet effet, sur des rayonnages distincts de ceux qu’occupent les produits non génétiquement modifiés, par dérogation aux dispositions des règlements (CE) no 1829/2003 et (CE) no 1830/2003 et à la lumière des articles 37, 95 et 152, paragraphe 4, point b), du traité CE qui constitue la base juridique des règlements précités. |
(10) |
Par lettre du 11 novembre 2005, la Commission a informé les autorités chypriotes qu’elle avait reçu leur notification au titre de l’article 95, paragraphe 5, du traité CE et que la période de six mois prévue pour son examen conformément à l’article 95, paragraphe 6, prenait cours le 16 septembre 2005, c’est-à-dire le lendemain du jour de la réception de la notification. |
(11) |
Par lettre du 20 décembre 2005, la Commission a informé les autres États membres de la demande transmise par la République de Chypre. La Commission a également publié une notification relative à cette demande au Journal officiel de l’Union européenne afin d’informer les autres parties intéressées du projet de mesures nationales que la République de Chypre a l’intention d’adopter. |
III. ÉVALUATION JURIDIQUE
(12) |
La procédure de dérogation envisagée à l’article 95, paragraphe 5, du traité n’est envisagée que pour l’adoption de dispositions nationales poursuivant les objectifs qui y sont énumérés. Dès lors, une notification d’un État membre qui ne se réclame pas d’un de ces objectifs doit être déclarée non recevable au regard de cette disposition du traité CE. |
(13) |
Le projet de loi exige le placement, dans les grandes surfaces, des denrées alimentaires génétiquement modifiées à un endroit spécifiquement aménagé à cet effet, sur des rayonnages distincts de ceux qu’occupent les produits non génétiquement modifiés. Dans la lettre d’explication accompagnant le projet de loi, les autorités chypriotes ont considéré que ce dernier pouvait interférer avec les dispositions relatives à l’étiquetage contenues dans les règlements (CE) no 1829/2003 et (CE) no 1830/2003. Ces mêmes autorités ont, par ailleurs, clairement indiqué que l’objectif affiché de cette mesure était de donner aux consommateurs la possibilité de mieux distinguer les denrées alimentaires génétiquement modifiées des autres denrées alimentaires et de leur permettre ainsi de faire leur choix en toute connaissance de cause. |
(14) |
La notification chypriote ne contient aucune référence à l'un des deux objectifs envisagés à l’article 95, paragraphe 5, du traité CE. Dans ces circonstances, la Commission n’est pas mise en mesure d’opérer la vérification envisagée par le paragraphe 6 de cette disposition. La Commission ne se prononce pas sur la question de savoir si la notification tombe dans un domaine harmonisé par la législation communautaire, ni sur la conformité de la mesure avec le droit communautaire ou les règles de l’OMC. |
IV. CONCLUSION
(15) |
La Commission considère donc que la notification opérée par les autorités chypriotes ne comprend pas les éléments permettant l’examen de la mesure envisagée au regard de l’article 95, paragraphes 5 et 6, du traité CE. La Commission estime, en conséquence, que la notification n’est pas recevable. |
(16) |
À la lumière des considérations qui précèdent et sans préjudice de tout examen que la Commission pourrait effectuer en ce qui concerne la compatibilité des mesures nationales notifiées avec le droit communautaire, la Commission est ainsi d’avis que la notification de la République de Chypre relative à l’obligation de placer, dans les grandes surfaces, les denrées alimentaires génétiquement modifiées dans des endroits spécifiquement aménagés à cet effet, sur des rayonnages distincts de ceux qu’occupent les produits non génétiquement modifiés, telle que soumise le 15 septembre 2005, en référence à l’article 95, paragraphe 5, du traité, n’est pas recevable. |
A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:
Article premier
La notification concernant un projet de loi visant à imposer, dans les supermarchés, le placement des denrées génétiquement modifiées dans un endroit spécifiquement aménagé à cet effet, sur des rayonnages distincts de ceux qu’occupent les produits non génétiquement modifiés que la République de Chypre a soumise à la Commission le 15 septembre 2005 sur la base de l’article 95, paragraphe 5, du traité CE est déclarée non recevable.
Article 2
La République de Chypre est destinataire de la présente décision.
Fait à Bruxelles, le 14 mars 2006.
Par la Commission
Markos KYPRIANOU
Membre de la Commission
(1) JO L 268 du 18.10.2003, p. 1.
(2) JO L 268 du 18.10.2003, p. 24.