18.3.2006   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

L 81/13


DÉCISION DE LA COMMISSION

du 6 octobre 2004

relative à l’aide d’État que l’Italie entend mettre à exécution en faveur de l’entreprise agricole «Cooperativa Agricola Moderna» S.c.r.l.

[notifiée sous le numéro C(2004) 3639]

(Le texte en langue italienne est le seul faisant foi.)

(2006/224/CE)

LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,

vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment l’article 88, paragraphe 2, premier alinéa,

après avoir invité (1) les parties intéressées à présenter leurs observations conformément à l’article précité et vu les observations transmises,

considérant ce qui suit:

I.   PROCÉDURE

(1)

Par lettre datée du 8 février 2001 et enregistrée le 9 février 2001, la Représentation permanente de l’Italie auprès de l’Union européenne a informé la Commission de la mesure en cause en application de l’article 88, paragraphe 3, du traité CE.

(2)

Par lettres datées du 21 août 2001 (enregistrée le 24 août 2001), du 3 décembre 2001 (enregistrée le 5 décembre 2001) et du 11 avril 2002 (enregistrée le 17 avril 2002), la Représentation permanente de l’Italie auprès de l’Union européenne a transmis à la Commission les compléments d’information demandés aux autorités italiennes par lettres du 9 avril 2001 et du 27 septembre 2001 et dans le cadre de contacts informels.

(3)

Par lettre datée du 5 juin 2002, la Commission a notifié à l’Italie sa décision d’ouvrir la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 2, du traité concernant l’aide en cause.

(4)

La décision de la Commission d’ouvrir la procédure a été publiée au Journal officiel des Communautés européennes  (2). La Commission a invité les tierces parties intéressées à présenter leurs observations concernant l’aide en cause.

(5)

Les tierces parties intéressées n’ont transmis à la Commission aucune observation.

(6)

Par lettre datée du 16 septembre 2002 et enregistrée le 17 septembre 2002, l’Italie a transmis à la Commission de nouvelles informations sur la mesure prévue.

II.   DESCRIPTION DÉTAILLÉE DE L’AIDE

(7)

La Cooperativa Agricola Moderna S.c.r.l. est l’une des entreprises admises à bénéficier de l’aide au sauvetage envisagée et approuvée par la Commission dans le cadre du dossier no N 354/2000 (3). La décision d’approbation prévoyait la transformation de l’aide au sauvetage en une aide à la restructuration, à condition que l’Italie présente, dans les six mois à compter de l’autorisation de l’aide, un plan de restructuration de l’entreprise, conformément au point 23 des lignes directrices communautaires pour les aides d’État au sauvetage et à la restructuration d’entreprises en difficulté (ci-après dénommées «lignes directrices») (4). Conformément à cette obligation, les autorités italiennes ont transmis le plan de restructuration de la coopérative. La présente décision porte dès lors sur l’aide à la restructuration.

(8)

Dans le cadre du plan de restructuration, l’aide au sauvetage octroyée, d’un montant de ITL 900 000 000 (EUR 464 810), a été transformée en une contribution en compte de capital.

A.   Description de l’entreprise

(9)

La Cooperativa Agricola Moderna S.c.r.l. est une société coopérative de petite taille composée de 69 membres et spécialisée dans la viticulture et la céréaliculture (production primaire). Elle exploite actuellement 75 ha de sa propriété, 207 en bail à ferme et 178 autres en livraisons.

B.   Étude de marché

(10)

D’après les autorités italiennes, l’activité principale de la coopérative est la production de raisin destiné à la vinification (80 % de sa production brute vendable). Le marché concerné est donc le marché vitivinicole. La production vitivinicole totale de la Région des Marches, qui a une superficie viticole de 23 500 ha, dont 13 000 sont consacrés aux AOC, s’élève à 147 milliards de lires. Avec ses 125 ha de vignes, la coopérative occupe 0,53 % de la superficie viticole totale de la Région et 0,96 % de la superficie en AOC, pour une production représentant 0,38 % de la production moyenne régionale (chiffres des trois dernières années).

(11)

La tendance actuelle du secteur est à une consommation de vins de qualité supérieure (la consommation de vins d’appellation d’origine contrôlée (AOC) augmente tandis que celle des vins de table diminue (5). Les marchés internationaux sont de plus en plus importants et le vin italien accroît sa notoriété à l’étranger, bien qu’il soit confronté à la forte concurrence des producteurs traditionnels et d’autres pays émergents dans le secteur. Près des trois quarts des entreprises vinicoles exportent à l’étranger: il s’agit pour l’essentiel de PME dont le chiffre d’affaires est inférieur à 50 milliards. Les vins AOC des Marches ont un bon potentiel. Le Verdicchio dei Castelli di Jesi, qui est considéré comme l’un des meilleurs vins blancs italiens, est avec le Rosso Conero l’un des vins de la Région les plus appréciés en Italie et dans le monde. Le volume des exportations atteint 30 % (6). Les perspectives visées dans le plan de restructuration représentent une vision moyennement optimiste de l’évolution du marché vitivinicole, qui ne prévoit pas de crise de la demande pour les vins de qualité produits dans des zones géographiques restreintes. Le plan de restructuration de la Cooperativa Moderna prévoit la reconversion partielle vers la production de tels vins.

C.   Origines des difficultés de la coopérative

(12)

D’après les autorités italiennes, les difficultés financières de la coopérative dont dues:

a)

au poids excessif des charges financières liées au financement d’investissements par des emprunts à court terme;

b)

à la diminution constante des prix sur les marchés, non accompagnée d’une réduction analogue des coûts des facteurs de production (main-d’œuvre, moyens techniques). La faible mécanisation de la production et l’état de vétusté de certains vignobles, notamment, ne garantissent pas des marges de rentabilité suffisantes;

c)

à des réserves insuffisantes: au cours des cinq dernières années, les réserves en fonds d’amortissement ont été inférieures à qu’elles auraient dû être compte tenu de la durée de vie utile des équipements, ce qui a grevé la situation financière;

d)

à des calamités: les conditions atmosphériques défavorables des campagnes 1998/1999 (grêle) et 1999/2000 (grêle et sécheresse) ont provoqué des pertes qui n’ont été compensées que partiellement par les assurances et qui n’ont bénéficié d’aucune aide compensatoire dans le cadre d’un régime national ou régional;

e)

à la réalisation de nouvelles plantations de vignes pour lesquelles le soutien public a été nettement inférieur au niveau maximal prévu par la législation communautaire. La Région avait fixé le plafond des dépenses admissibles à ITL 17 000 000 par hectare et le niveau de l’aide à 35 %. Dans les zones à forte déclivité, les coûts de plantation ont dépassé de beaucoup ce plafond (ITL 32 000 000 par hectare).

(13)

D’après les autorités italiennes, le bilan des pertes (version modifiée) de la coopérative se présente comme suit:

Différence des résultats économiques pour la période 1995-2000 (7)

ITL 776 432 609 (EUR 400 994)

Différence de l’aide publique aux investissements

ITL 179 363 240 (EUR 92 633)

Perte de production brute vendable à la suite des calamités de 1998/1999

ITL 165 120 000 (EUR 85 277)

Perte de production brute vendable à la suite des calamités de 1999/2000

ITL 194 599 000 (EUR 100 502)

Total des pertes

ITL 1 315 514 849 (EUR 679 406)

D.   L’aide au sauvetage

(14)

Dans le cadre de l’aide N 354/2000, la Commission avait accepté que l’Italie applique, aux fins de l’évaluation de la situation de difficulté des cinq entreprises bénéficiaires d’une aide au sauvetage, les critères indiqués ci-après. Les entreprises admissibles devaient satisfaire à au moins deux indicateurs de rentabilité et deux indicateurs financiers/structurels.

Catégories d’indicateurs

Indicateur

Valeur

Indicateurs de rentabilité

Pertes d’exploitation

Pertes subies au cours des trois dernières années

Bénéfice d’exploitation/capacité d’exploitation

Inférieur à 3 % au cours des cinq derniers exercices ou réduction, les cinq derniers exercices, jusqu’à une valeur inférieure à 3 % au cours du dernier exercice (1,5 % pour les entreprises coopératives)

Bénéfice d’exploitation/valeur de la production

Réduction de 50 % au cours des cinq derniers exercices, avec un taux de diminution annuel d’au moins 5 % et non supérieur à 20 % au cours du dernier exercice

Chiffre d’affaires/stocks

Réduction entre 20 et 40 % au cours des cinq derniers exercices, avec un taux de diminution non supérieur à 15 % au cours du dernier exercice

Charges financières/chiffre d’affaires

Entre 4 et 15 % au cours des cinq derniers exercices

Indicateurs financiers et structurels

Retards de paiement aux fournisseurs

Augmentation de 70 % au cours des cinq derniers exercices, avec un taux de croissance d’au moins 10 % et non supérieur à 30 % au cours du dernier exercice

Bénéfice d’exploitation/charges financières

Réduction de 25 à 30 % au cours des cinq derniers exercices, avec un taux de diminution annuelle d’au moins 3 à 4 % et non supérieur à 15 % au cours du dernier exercice

(Actif circulant – magasin)/ passif

Inférieur à 0,6 au cours des trois derniers exercices ou réduction, au cours des cinq derniers exercices, jusqu’à une valeur inférieure à 0,6 au cours du dernier exercice

Actif circulant/passif

Inférieur à 0,8 au cours des trois derniers exercices ou réduction, au cours des cinq derniers exercices, jusqu’à une valeur inférieure à 0,8 au cours du dernier exercice

Capital permanent/immobilisations

Inférieur à 0,6 au cours des trois derniers exercices ou réduction, au cours des cinq derniers exercices, jusqu’à une valeur inférieure à 0,6 au cours du dernier exercice

Dette bancaire à court terme/ passif

Non inférieur à 0,35 et non supérieur à 0,6 au cours des cinq derniers exercices, avec une augmentation absolue non supérieure à 0,2 au cours du dernier exercice

Dans le cas d’espèce, la Cooperativa Moderna remplissait cette condition. La situation de difficulté avait été constatée sur la base des rapports suivants: charges financières/chiffre d’affaires, chiffre d’affaires/stocks, (actif circulant-magasin)/passif, dette bancaire à court terme/passif.

E.   La restructuration

(15)

Le plan de restructuration de la coopérative prévoit la reconversion de superficies viticoles parvenues au terme du cycle de production vers les variétés AOC les plus représentatives de la Région (Verdicchio dei Castelli di Jesi et Rosso Conero), ainsi que la réalisation d’investissements en machines visant à réduire les coûts de main-d’œuvre et à augmenter la rentabilité de l’entreprise. Les actions prévues sont les suivantes:

a)

le renouvellement et la restructuration de 10 hectares de vignoble à appellation d’origine contrôlée selon un programme d’investissements quinquennal mis à exécution dans le cadre de la réglementation communautaire (règlements (CE) no 1493/1999 et (CE) no 227/2000);

b)

la réalisation (en cours) de 10,5 hectares de vignoble à AOC (2,5 de Verdicchio dei Castelli di Jesi et 8,5 de Rosso Conero);

c)

l’achat, pour un montant de ITL 386 900 000 (EUR 199 820), d’une vendangeuse qui, grâce à la mécanisation de certaines opérations de culture, permet de réduire les coûts de main-d’œuvre de près de ITL 184 800 000 (EUR 95 440) par an.

(16)

Le coût des investissements de renouvellement et de restructuration des vignes à réaliser dans les cinq ans faisant l'objet du plan sera le suivant:

Description

Montant (en ITL)

Vignoble (10 ha × 45 millions de ITL)

450 000 000

[Investissement admissible (10 ha × 40 millions d’ITL)]

[400 000 000]

Contribution y afférente (40 % de 400 millions d’ITL)

– 160 000 000

Solde à financer

290 000 000

(EUR 149 773)

(17)

Les membres de la coopérative ont procédé à une nouvelle augmentation du capital social de ITL 100 000 000 (EUR 51 650). Celui-ci est dès lors passé de 92,7 millions de lires (EUR 47 880) à 192,7 millions de lires (EUR 99 520) au cours de l’exercice 2000. En outre, les membres ont accordé à la coopérative un prêt de ITL 500 000 000 (EUR 258 230).

(18)

L’aide à la restructuration couvre également les coûts de consultance et encadrement du plan de restructuration, pour un montant de ITL 120 000 000 (EUR 61 975). Ces tâches sont confiées à la coopérative Moncaro pour une période de trois années. La structure financière du plan de restructuration sera dès lors la suivante:

ITL

A.

Endettement hérité du passé (tel qu’il résulte du tableau précédent)

–1 315 514 849

B.

Charges supportées par les membres (moindre rémunération des livraisons, plus augmentation de capital)

534 233 484

Endettement net (A – B)

– 781 281 365

Contribution de 50 % à l’achat d’équipements

– 193 450 000

Coûts d’encadrement

– 120 000 000

Total

–1 094 731 365

F.   Utilisation de l’aide au sauvetage

(19)

La transformation de l’aide au sauvetage de ITL 900 000 000 (EUR 464 811) en une contribution en compte de capital permettra de réduire de ITL 792 000 000 (EUR 409 034) l’endettement total susvisé et de couvrir partiellement l’achat de la vendangeuse et les coûts d’encadrement liés à la réalisation du plan de restructuration.

(20)

En contrepartie, la coopérative s’est engagée à réduire sa capacité de production dans le secteur vitivinicole. Au 31 décembre 2001, cette capacité, compte tenu des variétés cultivées et des normes de production fixées par les cahiers des charges relatifs aux diverses AOC, était de 1 674,1 tonnes. Avec la réduction de 16 % prévue pour une période de cinq années, conformément aux dispositions du point 74, point i), des lignes directrices, la capacité de production sera réduite à 1 406,2 tonnes. Ce niveau sera maintenu jusqu’en 2005. Le plan de restructuration a été présenté au début de 2001.

G.   Motifs de l’ouverture de la procédure

(21)

Les bilans de la coopérative ne font état de résultats négatifs nets qu’en 1996. Dès lors, la Commission s’interrogeait sur la situation réelle d’endettement et de difficulté de la coopérative au cours de la période 1995-1999.

(22)

La Commission s’interrogeait sur la possibilité de rétablir la rentabilité de l’entreprise avec une réduction de 16 % de sa capacité de production et elle doutait en particulier des chiffres fournis par l’Italie, selon laquelle une production réduite aurait eu un effet négligeable sur l’équilibre économique de l’entreprise (produit des ventes en baisse d’à peine 1–2 % sur la période 2002–2005).

(23)

La Commission s’interrogeait également concernant le montant de l’aide prévu, qui semblait dépasser le strict minimum pour permettre la restructuration. En particulier, aux fins du calcul des besoins réels, la Commission doutait que les réserves en fonds d’amortissement non réalisées pussent être considérées comme des pertes, et elle s’interrogeait sur l’admissibilité, dans le cadre d’un plan de restructuration, d’une aide à l’investissement en équipement pour une production non déficitaire.

(24)

Récemment, la Commission s’est montrée perplexe en ce qui concerne les coûts d’encadrement du plan de restructuration, ne pouvant exclure l’octroi d’une aide indirecte à la coopérative chargée d’assumer ces fonctions.

III.   OBSERVATIONS PRÉSENTÉES PAR L’ITALIE

(25)

Par lettre datée du 16 septembre 2002, l’Italie a transmis à la Commission de nouvelles informations et précisions.

(26)

Concernant les difficultés que connaît la coopérative, l’Italie a réitéré que la Cooperativa Moderna répondait aux quatre critères appliqués par la Région et approuvés dans le cadre de l’aide N 354/2000. Elle a souligné la spécificité des entreprises coopératives, qui tendent généralement à clore leurs bilans en équilibre même si elles se trouvent dans une situation de difficulté dont attestent aussi les charges financières consécutives à l’endettement très élevé, en mettant en évidence un bénéfice d’exploitation qui permet de compenser les charges financières.

(27)

L’Italie a spécifié que, pour obtenir cet équilibre dans les années 1994-1999, l’entreprise a effectué les évaluations suivantes de certains postes budgétaires: a) moindre rémunération des productions des terrains des membres (inférieure aux prix du marché), qui contraint de fait les membres à contribuer par une intervention financière consistante (ITL 434 000 000); b) réserves en fonds d’amortissement atteignant 50 % des taux correspondant au niveau réel d’utilisation des machines et autres. Cela a entraîné l’incapacité à générer des moyens financiers à affecter au renouvellement des plantations, ce qui a également eu des effets négatifs sur la gestion financière.

(28)

En outre, l’importante perte de l’exercice 1996 (ITL 182 000 000, soit 13 % du chiffre d’affaires), n’a pas été comblée avec les bénéfices des différents exercices. Les exercices 1998 et 1999 se sont soldés par un passif éventuel de 78 millions et de 134 millions de lires, consécutif à des revenus moindres que ceux estimés sur les livraisons de produits agricoles.

(29)

Sur le point de savoir si la coopérative peut redevenir rentable malgré la réduction de la capacité de production, l’Italie a souligné et confirmé que l’engagement à réduire de 16 % la production viticole de l’entreprise pour une période de cinq années (en la maintenant dans une limite de 1 406,2 tonnes de raisin par rapport à la production maximale possible) n’entraîne pas une réduction correspondante en pour cent de la valeur de la production, dans la mesure où la modification de l’assortiment de la production en faveur de raisin de meilleur qualité entraîne une réduction nettement moindre du produit des ventes. L’Italie a confirmé les calculs présentés au cours de la procédure.

(30)

S’agissant de l’admissibilité d’une aide aux investissements en machines (dans le cas d’espèce, la vendangeuse), l’Italie a précisé que cet achat est indispensable au rétablissement de la rentabilité de l’entreprise, dans la mesure où la machine en question permet de mécaniser certaines opérations de récolte et de réduire le nombre d’heures de travail nécessaires pour la gestion des vignobles et, partant, de réduire (de ITL 185 000 000) les coûts de production, remettant en positif le compte économique de la branche viticole de l’entreprise.

(31)

L’Italie a fourni un tableau dont l’on déduit les coûts réels de la plantation des vignes en situation de forte déclivité par rapport aux valeurs de référence sur lesquelles avait été versée une aide publique, et qui ont entraîné un manque à gagner de ITL 179 363 240.

(32)

L’Italie a en outre fourni des explications sur les coûts de l’activité de consultance et d’encadrement. Plus précisément, le montant de ITL 120 000 000 comprend les coûts d’analyse de la situation économique et financière dans les années 1994-1999, l’élaboration du projet de restructuration, l’élaboration des bilans prévisionnels jusqu’à 2005, l’assistance technique et administrative nécessaire à la mise à exécution des interventions prévues par le projet, le suivi des actions entreprises et l’évaluation des éventuelles mesures correctrices. En ce qui concerne la quantification des coûts de consultance et d’encadrement et la conformité du montant, l’Italie fait référence au décret no 645 du président de la République du 10 octobre 1994, lequel fixe les honoraires des services professionnels des diplômés en sciences commerciales.

IV.   ÉVALUATION DE L’AIDE

(33)

Au sens de l’article 87, paragraphe 1, du traité, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d’État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions.

(34)

L’aide en cause répond à cette définition, en ce qu’elle confère un avantage économique à une entreprise déterminée, est financée au moyen de ressources publiques (régionales) et est susceptible d’affecter les échanges, étant donné la place qu’occupe l’Italie dans le secteur vitivinicole (l’Italie est le deuxième producteur de vin de l’Union et, en 1998, elle a réalisé 32 % de la production communautaire).

(35)

Toutefois, dans les cas prévus à l’article 87, paragraphes 2 et 3 du traité, certaines mesures peuvent, par dérogation, être considérées comme compatibles avec le marché commun.

(36)

Dans le cas d’espèce, la seule dérogation applicable est celle de l’article 87, paragraphe 3, point c), selon lequel peuvent être considérées comme compatibles avec le marché commun les aides destinées à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques, quand elles n’altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun.

(37)

Compte tenu de sa nature, afin de pouvoir bénéficier de la dérogation précitée, l’aide en cause doit être conforme aux conditions fixées par les lignes directrices.

(38)

Les lignes directrices fixent les conditions suivantes pour l’autorisation des aides à la restructuration:

a)

l’entreprise doit pouvoir être considérée comme étant en difficulté;

b)

il y a lieu de présenter un plan de restructuration permettant de rétablir dans un délai raisonnable la rentabilité économique et financière de l’entreprise;

c)

des mesures doivent être prises pour atténuer les conséquences défavorables pour les concurrents (contreparties);

d)

le montant et l’intensité de l’aide doivent être limités au strict minimum pour permettre la restructuration;

e)

l’aide doit être unique.

(39)

Partant du constat qu’il n’existe pas de définition communautaire de la notion d’«entreprise en difficulté» (point 4), les lignes directrices précisent que, aux fins de l’évaluation des aides au sauvetage et à la restructuration, l’on considère qu’une entreprise est en difficulté lorsqu’elle est incapable, avec ses propres ressources financières ou avec les ressources que sont prêts à lui apporter ses propriétaires/actionnaires et ses créanciers, d’enrayer des pertes qui la conduisent, en l’absence d’une intervention extérieure de pouvoirs publics, vers une mort économique quasi certaine à court ou moyen terme. Les difficultés d’une entreprise se manifestent habituellement par le niveau croissant des pertes, la diminution du chiffre d’affaires, le gonflement des stocks, la surcapacité, la diminution de la marge brute d’autofinancement, l’endettement croissant, la progression des charges financières ainsi que l’affaiblissement ou la disparition de la valeur de l’actif net.

(40)

Dans le cas d’espèce, la situation de difficulté de l’entreprise avait déjà été constatée dans le cadre d’un régime d’aide au sauvetage (N 354/2000 approuvé par la Commission par la décision SG(2000) D/106283) sur la base de la méthode d’évaluation indiquée au point 14 supra qui fait partie intégrante de la décision d’autorisation. La coopérative avait été déclarée en difficulté en fonction des critères suivants: charges financières/chiffre d’affaires, chiffre d’affaires/stocks, actif circulant-magasin/passif, dette bancaire à court terme/passif.

(41)

Bien que l’aide au sauvetage déjà approuvée et l’aide à la restructuration visée par la présente décision fassent l’objet d’un examen et d’une autorisation distincts, on note que, dans le cas d’espèce, le sauvetage et la restructuration sont deux phases d’une seule opération, même s’ils répondent à des mécanismes distincts (point 9 des lignes directrices). La Commission estime dès lors pouvoir considérer comme acquis (dans la mesure où il a été constaté préalablement) la situation de difficulté de l’entreprise.

(42)

Par ailleurs, un examen approfondi des renseignements fournis par l’Italie corrobore cette conclusion. L’équilibre budgétaire, sur lequel la Commission s’interrogeait, est une donnée comptable qui, dans le cas d’espèce, et pris isolément, ne fournit pas un cadre complet de la rentabilité économique et financière réelle de l’entreprise. Dans le cas de la Cooperativa Moderna, l’équilibre budgétaire s’est avéré une donnée artificielle, obtenue par l’absorption substantielle des pertes par les membres, qui ont accepté une moindre rémunération des livraisons (8), ainsi que grâce à la non-réalisation de réserves en fonds d’amortissement, qui – bien qu’autorisée par la loi italienne (9) – reflète l’incapacité de l’entreprise à financer sur son propre flux de trésorerie le processus normal de renouvellement des équipements de production.

(43)

La preuve de la situation de difficulté de l’entreprise doit être recherchée dans l’endettement à court terme et dans le manque de liquidités, associés à une baisse du chiffre d’affaires. Avec un endettement de ITL 1 254 832 000 (EUR 648 070) en 2000, une gestion financière sévèrement déficitaire (ITL – 238 951 430 en 2000) (EUR 123 408) et un indice de liquidités de 0,555 en 2000, face à un chiffre d’affaires décroissant, la Cooperativa Moderna semble incapable de rétablir sa rentabilité économique et financière avec ses propres ressources ou celles de ses membres, qui sont du reste déjà intervenus plusieurs fois (avec des prêts et une moindre rémunération des livraisons).

(44)

L’octroi de l’aide est conditionné à la mise en œuvre du plan de restructuration, dont la durée doit être aussi limitée que possible et qui doit permettre de rétablir dans un délai raisonnable la rentabilité à long terme de l’entreprise, sur la base d’hypothèses réalistes concernant les conditions d’exploitation future. Il convient notamment de présenter une étude de marché. L’amélioration de la rentabilité doit résulter principalement des mesures internes. La restructuration doit impliquer l’abandon des activités, qui, même après restructuration, resteraient structurellement déficitaires (point 32 des lignes directrices).

(45)

Les autorités italiennes ont présenté un plan de restructuration accompagné d’une étude de marché et de l’évaluation des perspectives de la coopérative avec et sans le soutien public de ITL 900 000 000.

(46)

Le plan de restructuration décrit au point 15 supra et articulé sur trois années identifie les raisons des difficultés de l’entreprise et prévoit une série de mesures internes pour permettre le rétablissement de sa rentabilité.

(47)

Les mesures prévues sont:

a)

la reconversion d’une partie des vignobles vers des productions AOC (raisins Verdicchio et Rosso Conero), pour lesquelles l’étude de marché indique des perspectives commerciales intéressantes, avec un soutien public;

b)

la réalisation (en cours) de 10,5 hectares de vignes AOC (sur la base de droits de replantation);

c)

l’achat d’une vendangeuse pour automatiser la production et réduire les coûts.

(48)

La Commission s’interrogeait sur l’admissibilité d’une aide pour des investissements en équipements qui ne semblaient pas indispensables au rétablissement de la rentabilité (la vendangeuse). Toutefois, il résulte d’un examen approfondi des informations envoyées que la mécanisation de la production représente un élément clé du rétablissement de la rentabilité de l’entreprise. D’après les calculs fournis par l’Italie, l’achat de la machine en question entraîne une économie annuelle de ITL 185 000 000 dans la gestion des vignobles, d’où sont issus 80 % de la production brute vendable de la coopérative, sans entraîner d’augmentation de production.

(49)

L’Italie s’est engagée à réduire de 16 % la capacité de production viticole de la coopérative pour une période de 5 années. La Commission s’interrogeait sur l’affirmation de l’Italie, selon laquelle cette réduction n’entraînerait aucune diminution substantielle du produit des ventes. Cependant, un examen attentif des tableaux présentés par le pays (points 50 et 51 infra) a confirmé la thèse selon laquelle la conversion vers des variétés de raisin AOC (Verdicchio Superiore, Verdicchio Riserva, Verdicchio Passito) mieux rémunérées par le marché génère des revenus supérieurs, lesquels compensent en grande partie la réduction de capacité prévue. Dès lors, le rétablissement de la rentabilité n’est pas compromis par la réduction de capacité prévue.

(50)

Calcul des produits des ventes sans réduction de capacité:

Raisin

ha

t/ha

Capacité de production

Max/t

Prix

EUR/ql

Valeur totale

Verdicchio Castelli Jesi

0,62

14,00

8,7

42,09

3 653,52

Verdicchio Castelli Jesi

99,00

14,00

1 386,0

46,48

644 228,34

Verdicchio Superiore

0,00

11,00

0,0

50,61

0,00

Verdicchio Riserva

0,00

11,00

0,0

61,97

0,00

Verdicchio Passito

0,00

11,00

0,0

103,29

0,0

Rosso Conero DOC Riserva

2,22

14,00

31,1

87,80

27 287,52

Esino rosso

8,96

15,00

134,4

33,31

44 770,62

Marche IGT bianco

4,89

18,00

88,0

20,66

18 183,41

Marche IGT rosso

1,44

18,00

25,9

22,21

5 756,22

TOTAL

117,13

14,29

1 674,1

 

743 879,62

Total ITL

 

 

 

 

1 440 351 800

(51)

Calcul des produits des ventes avec réduction de capacité:

Raisin

ha

t/ha

Capacité de production

Max/t

Prix

EUR/ql

Valeur totale

Verdicchio Castelli Jesi

0,62

12,32

7,6

42,09

3 215,10

Verdicchio Castelli Jesi

59,00

12,60

743,4

46,48

345 540,65

Verdicchio Superiore

20,00

10,45

209,0

50,61

105 780,70

Verdicchio Riserva

15,00

10,45

156,8

61,97

97 145,54

Verdicchio Passito

5,00

9,22

46,1

103,29

47 607,00

Rosso Conero DOC Riserva

9,18

12,60

115,7

87,80

101 553,81

Esino rosso

2,00

12,60

25,2

33,31

8 394,49

Marche IGT bianco

4,89

16,20

79,2

20,66

16 365,07

Marche IGT rosso

1,44

16,20

23,3

22,21

5 180,60

TOTAL

117,13

12,01

1 406,3

 

730 782,97

Variation

 

 

 

 

–1,76 %

(52)

Le point 32 des lignes directrices prévoit que la restructuration doit impliquer l’abandon des activités qui, même après restructuration, resteraient structurellement déficitaires. Dans le cas d’espèce, il n’y a pas de production structurellement déficitaire, étant donné que les difficultés de l’entreprise sont essentiellement de nature financière et que l’achat des équipements en cause permettra à la coopérative d’augmenter les marges de rentabilité découlant de l’activité vitivinicole. Dès lors, le plan de restructuration n’est pas en contradiction avec le critère des lignes directrices.

(53)

Conformément aux points 35 à 39 des lignes directrices, des mesures doivent être prises pour atténuer, autant que possible, les conséquences défavorables de l’aide pour les concurrents, souvent par une limitation de la présence que l’entreprise peut assumer sur le marché (contrepartie). Les modalités d’application de ce principe général au secteur agricole sont précisées au chapitre 5 des lignes directrices. En principe, étant donné que, dans le secteur agricole, même les aides de très faible ampleur sont susceptibles de fausser la concurrence, la Commission exige une contrepartie de tous les bénéficiaires d’une aide à la restructuration, sous la forme de réductions de capacité. Dans le cas de la production primaire, l’on prévoit une réduction ou une fermeture de capacité de cinq années au moins.

(54)

En ce qui concerne les mesures ciblées sur des produits ou des opérateurs particuliers, la réduction de la capacité de production doit atteindre normalement 16 % de celle pour laquelle l’aide à la restructuration est effectivement accordée, un taux qui peut être diminué de deux points de pourcentage dans les régions assistées. Dans le cas d’espèce, l’Italie a prévu une réduction de capacité s’élevant à 16 % de la capacité de production de l’entreprise pour une période de 5 années. Cette condition est dès lors remplie.

(55)

Conformément au point 40 des lignes directrices, le montant et l’intensité de l’aide doivent être limités au strict minimum nécessaire pour permettre la restructuration en fonction des disponibilités financières de l’entreprise. Les bénéficiaires de l’aide doivent contribuer de manière importante au plan de restructuration sur leurs propres ressources ou par un financement extérieur. Pour limiter au minimum les distorsions de concurrence, il convient d’éviter que l’aide amène l’entreprise à disposer de liquidités excédentaires qu’elle pourrait consacrer à des activités agressives susceptibles de provoquer des distorsions sur le marché et qui ne seraient pas liées au processus de restructuration.

(56)

Dans l’examen du respect de ce critère des lignes directrices, la Commission a tenu compte des éléments suivants:

(57)

Le plan de restructuration bénéficiera en tout des contributions publiques suivantes:

ITL 900 000 000 (EUR 464 810) à titre de contribution en compte de capital, plus

ITL 160 000 000 (EUR 82 630) pour la plantation des vignes (40 % des dépenses admissibles).

(58)

Une partie des ITL 900 000 000 servira à couvrir les frais réels déjà exposés (pertes dues aux intempéries, investissements réalisés à perte, réserves en fonds d’amortissement non réalisées), une autre partie sera utilisée dans le cadre du plan de restructuration (coût d’encadrement et contribution à l’achat d’équipements). En substance, l’aide se limitera à combler les dettes de l’entreprise et à financer les investissements indispensables à la restructuration.

(59)

Sur la base du plan d’entreprise présenté par la coopérative, au cours des exercices ultérieurs à l’intervention de restructuration, le flux de trésorerie généré ne permettra pas à l’entreprise d’effectuer des opérations qui ne seraient pas liées directement aux investissements prévus dans le plan de restructuration. En outre, la petite taille de l’entreprise et son importance modeste dans le secteur vitivinicole de la Région (0,38 % de la production régionale) garantissent que l’aide est destinée à avoir un impact négligeable sur la concurrence.

(60)

En ce qui concerne les coûts d’encadrement, les éclaircissements fournis par l’Italie (voir point 32 supra) ont convaincu la Commission de la conformité des montants prévus et dissipé les doutes sur l’éventuelle présence d’une aide à l’égard de la coopérative Moncaro, chargée de fournir les services en question.

(61)

En ce qui concerne la contribution de la coopérative et de ses membres au plan de restructuration, il convient de souligner que les investissements prévus par le plan de restructuration seront financés à hauteur de 50 % au moins par la coopérative même. Afin de générer les ressources nécessaires, les membres ont augmenté le capital social de ITL 100 000 000 en 2000 et confirmé un prêt de ITL 500 000 000 à la coopérative. Dès lors, le critère correspondant des lignes directrices peut être considéré comme rempli.

(62)

Le point 48 des lignes directrices prévoit que les aides à la restructuration ne doivent être accordées qu’une seule fois. L’Italie a confirmé que ce principe est respecté.

V.   CONCLUSIONS

(63)

La mesure est conforme aux lignes directrices communautaires pour les aides d’État au sauvetage et à la restructuration d’entreprises en difficulté.

A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:

Article premier

L’aide d’État d’un montant de ITL 900 000 000 (EUR 464 810) que l’Italie entend mettre à exécution en faveur de la Cooperativa Agricola Moderna est compatible avec le marché commun.

L’exécution de cette aide est dès lors autorisée.

Article 2

La République italienne est destinataire de la présente décision.

Fait à Bruxelles, le 6 octobre 2004.

Par la Commission

Franz FISCHLER

Membre de la Commission


(1)  JO C 251 du 18.10.2002, p. 3.

(2)  Voir note no 1 de bas de page.

(3)  Lettre SG(2000) D/106283 du 14.8.2000.

(4)  JO C 288 du 9.10.1999, p. 2.

(5)  Étude Ismea-Nielsen.

(6)  Étude de marché réalisée par l’ASSIVIP (Association des producteurs de vins de qualité).

(7)  Le montant de ITL 776 432 609 (EUR 400 994), qui ne se retrouve pas dans le bilan de l’entreprise en tant que poste du passif, est établi en tenant compte du fait que:

a)

au cours des cinq dernières années, les livraisons des membres ont été rémunérées à des prix inférieurs à ceux du marché, pour une perte réelle absorbée par les membres égales à ITL 434 233 484 (EUR 224 262,88);

b)

la coopérative, pour garantir la rémunération du travail fourni conformément aux conventions en vigueur, a renoncé à réaliser 50 % des réserves d’amortissement des machines, équipements et assainissements agricoles, pour un total de ITL 375 911 000 (EUR 194 142) sur cinq ans.

(8)  50 % du prix du marché, comme le souligne l’Observatoire des prix publié par la revue Terra e Vita no 2 du 2002.

(9)  DM du 29.10.1974 et DM du 31.12.1988.