10.12.2005   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

L 324/89


DÉCISION DE LA COMMISSION

du 8 décembre 2005

accordant aux Pays-Bas une dérogation demandée en application de la directive 91/676/CEE du Conseil concernant la protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de sources agricoles

[notifiée sous le numéro C(2005) 4778]

(Le texte en langue néerlandaise est le seul faisant foi.)

(2005/880/CE)

LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,

vu le traité instituant la Communauté européenne,

vu la directive 91/676/CEE du Conseil du 12 décembre 1991 concernant la protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de sources agricoles (1), et notamment l’article 2, point b), de son annexe III,

considérant ce qui suit:

(1)

Si la quantité d’effluents d’élevage qu’un État membre a l’intention d’autoriser pour l’épandage par hectare chaque année diffère de la quantité indiquée dans les phrases d’introduction et au point a) du paragraphe 2 de l’annexe III de la directive 91/676/CEE, cette quantité doit être fixée de manière à ne pas compromettre la réalisation des objectifs définis dans l’article 1er de cette directive et doit être justifiée sur la base de critères objectifs comme, dans le cas présent, des périodes de végétation longues et des cultures à forte absorption d'azote.

(2)

Le 8 avril 2005, les Pays-bas ont présenté à la Commission une demande de dérogation en application du paragraphe 2, point b), de l’annexe III de la directive 91/676/CEE.

(3)

Dans leur demande de dérogation, les Pays-Bas indiquent leur intention d’autoriser l’épandage de 250 kg d’azote par hectare et par an provenant d’effluents d’élevage dans des exploitations dont les terres se composent à 70 % au moins de pâturages. Cette demande de dérogation concerne environ 25 000 fermes aux Pays-Bas, soit environ 900 000 hectares.

(4)

La législation néerlandaise mettant en œuvre la directive 91/676/CEE a été adoptée et s’applique de la même manière à la demande de dérogation.

(5)

La législation néerlandaise mettant en œuvre la directive 91/676/CEE prévoit des normes en matière d’épandage aussi bien pour l’azote que pour le phosphate. Les normes d’épandage concernant le phosphate ont pour objet de parvenir à un équilibre dans la fertilisation par des engrais phosphatés d’ici 2015.

(6)

Les Pays-Bas ont traité la question des surplus d'éléments fertilisants provenant d’effluents d’élevage et d'engrais minéral au moyen de plusieurs instruments politiques et, durant la période 1992-2002, ont réduit les cheptels porcin, ovin et caprin de 17 %, 14 % et 21 % respectivement. La teneur en azote et en phosphore du fumier a baissé, respectivement, de 29 % et de 34 % durant la période 1985-2002. Les excédents d’azote et de phosphore ont diminué, respectivement, de 25 % et de 37 % durant la période 1992-2002.

(7)

Les données relatives à la qualité de l’eau montrent une tendance à la baisse de la concentration de nitrates dans les nappes d’eau souterraines, ainsi que de la concentration d’éléments fertilisants (y compris de phosphore) dans les eaux de surface.

(8)

Les documents scientifiques et techniques dont fait état la notification des Pays-Bas montrent que la quantité proposée de 250 kg par hectare et par an d’azote provenant d’effluents d’élevage dans les fermes dont les terres sont constituées à 70 % au moins de pâturages est compatible avec le respect de la concentration de 11,3 mg/l d’azote (correspondant à 50 mg/l de NO3) dans l’eau quelle que soit la composition du sol, et d’un surplus de phosphore quasiment nul, dans des conditions de gestion optimale.

(9)

Lesdits documents techniques et scientifiques montrent que la quantité proposée de 250 kg par hectare et par an d’azote provenant d'effluents d'élevage dans les fermes dont les terres se composent à 70 % au moins de pâturages est justifiée par des critères objectifs tels que des périodes de végétation longues et des cultures à forte absorption d'azote.

(10)

La Commission considère donc que la quantité d’effluents d’élevage sur laquelle porte la demande des Pays-Bas n'est pas de nature à compromettre la réalisation des objectifs de la directive 91/676/CEE, sous réserve du respect de certaines conditions.

(11)

Ces conditions comprennent la mise en place de plans de fertilisation pour chaque ferme, l’établissement de rapports sur les pratiques en matière de fertilisation au moyen de registres de fertilisation, des analyse régulières des sols, l’épandage d'engrais vert en hiver après le maïs, des dispositions en matière de labourage des prairies, aucun épandage de fumier avant le labourage des prairies et l’adaptation de la fertilisation en fonction de la part des légumineuses. Ces dispositions ont pour objet de garantir une fertilisation en fonction des besoins des cultures, ainsi que de réduire et de prévenir les pertes d’azote dans l’eau.

(12)

Afin d’éviter que la mise en œuvre de la dérogation sollicitée ne conduise à une intensification, il conviendrait que les autorités compétentes garantissent que la production de fumier ne dépasse pas le niveau de l’année 2002, sur le plan des pertes d’azote et de phosphore, conformément au programme d’action que les Pays-Bas doivent mettre en œuvre.

(13)

En conséquence, la dérogation sollicitée devrait être approuvée.

(14)

La présente décision devrait être appliquée parallèlement au programme d’action des Pays-Bas pour la période 2006-2009.

(15)

Les mesures prévues par la présente décision sont conformes à l'avis du comité «Nitrates» institué en vertu de l'article 9 de la directive 91/676/CEE,

A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:

Article premier

La dérogation sollicitée par les Pays-bas par lettre du 8 avril 2005 dans le but d’autoriser une quantité plus élevée d’engrais animal que celle prévue dans les phrases introductives et au point a) du paragraphe 2 de l'annexe III de la directive 91/676/CEE est accordée, sous réserve du respect des conditions définies dans la présente décision.

Article 2

Définitions

Aux fins de la présente décision, on entend par:

a)

«exploitations herbagères», des exploitations dans lesquelles 70 % au moins de la surface disponible pour l’épandage de fumier est constituée de prairies;

b)

«herbivores», le bétail (à l’exclusion des veaux de lait), moutons, chèvres et chevaux, ânes, cerfs et buffles d’eau;

c)

«surface d’exploitation», la surface possédée, ou louée, ou gérée par l’agriculteur en vertu d’un autre contrat individuel écrit, sur laquelle l’agriculteur exerce une responsabilité de gestion directe;

d)

«prairie», les prairies permanentes ou temporaires qui restent en place moins de quatre ans.

Article 3

Champ d'application

La présente décision s’applique au cas par cas et sous réserve du respect des conditions énoncées aux articles 4, 5 et 6 pour les exploitations herbagères.

Article 4

Autorisation annuelle et engagement

1.   Les agriculteurs désireux de bénéficier d’une dérogation présentent chaque année une demande aux autorités compétentes.

2.   Parallèlement à la demande annuelle visée au paragraphe 1, ils s’engagent par écrit à remplir les conditions définies aux articles 5 et 6.

3.   Les autorités compétentes font en sorte que toutes les demandes de dérogation et les registres de fertilisation fassent l’objet d’un contrôle administratif. Lorsque le contrôle effectué par les autorités nationales concernant les demandes visées au paragraphe 1 montre que les conditions définies aux articles 5 et 6 ne sont pas remplies, l'auteur de la demande en est immédiatement informé. Dans ce cas, la demande est considérée comme refusée.

Article 5

Épandage de fumier et d’autres fertilisants

1.   La quantité d’effluents d’élevage provenant des herbivores épandue chaque année sur les terres des exploitations herbagères, y compris par les animaux eux-mêmes, ne dépasse pas la quantité de fumier contenant 250 kg d’azote par hectare, sous réserve du respect des conditions visées aux paragraphes 2 à 7.

2.   Les apports totaux en azote sont conformes au besoin en éléments fertilisants de la culture concernée et de l’apport fourni par le sol.

3.   Chaque exploitation établit un plan de fertilisation décrivant la rotation des cultures sur les terres agricoles et les prévisions d’épandage de fumier et d'engrais azotés et phosphatés. Ce plan est disponible dans l’exploitation le 1er février au plus tard.

Le plan de fertilisation comprend les éléments suivants:

a)

le nombre de têtes de bétail, une description des bâtiments qui l’abritent et du système de stockage, y compris le volume de stockage de fumier disponible;

b)

un calcul de la quantité d'engrais azoté (moins les rejets des bâtiments abritant les animaux et du stockage) et phosphoré produite dans l’exploitation;

c)

l’assolement et la superficie cultivée pour chaque culture, y compris un croquis cartographique indiquant l’emplacement de chaque champ;

d)

les besoins prévisibles en azote et en phosphore des cultures;

e)

la quantité et le type de fumier fourni aux contractants et non utilisé sur les terres de l’exploitation;

f)

la quantité de fumier importé utilisée sur les terres de l’exploitation;

g)

un calcul de la contribution de la minéralisation de la matière organique, des cultures de légumineuses et des retombées atmosphériques, ainsi que de la quantité d’azote présente dans le sol au moment où les cultures commencent à l'utiliser dans des proportions importantes;

h)

l’épandage d’azote et de phosphore provenant d’effluents d’élevage sur chaque champ (parcelles de l’exploitation agricole homogènes du point de vue de la culture et du type de sol);

i)

l’épandage d’azote et de phosphore avec des fertilisants chimiques et autres sur chaque champ;

j)

des calculs effectués en vue de l’évaluation de la conformité aux normes en matière d’épandage d’azote et de phosphore.

Les plans sont corrigés au plus tard sept jours après l’introduction de modifications dans les pratiques agricoles pour garantir la cohérence entre les plans et les pratiques agricoles effectives.

4.   Chaque exploitation agricole tient des registres de fertilisation. Ils sont soumis à l’autorité compétente pour chaque année civile. Ils indiquent les éléments suivants:

a)

les surfaces cultivées;

b)

le nombre et le type de têtes de bétail;

c)

la production de fumier par animal;

d)

la quantité de fertilisants importée par l’exploitation;

e)

la quantité de fumier sortie de l’exploitation et les destinataires.

5.   Chaque exploitation herbagère bénéficiant d’une dérogation individuelle accepte que l’épandage de fumier et le registre de fertilisation soient soumis à un contrôle.

6.   Une analyse périodique de la concentration d’azote et de phosphore dans le sol est effectuée dans chaque exploitation qui bénéficie d’une dérogation à titre individuel, au minimum tous les quatre ans pour chaque zone de l’exploitation homogène du point de vue de la rotation des cultures et des caractéristiques du sol.

Une analyse de la concentration d’azote en ce qui concerne l'azote minéral et des paramètres permettant d'évaluer la contribution de l'azote à la minéralisation de la matière organique est effectuée après le labourage des prairies, pour chaque zone homogène de l’exploitation agricole.

En ce qui concerne les analyses visées dans les premier et deuxième alinéas, une analyse pour 5 hectares de terres est requise au minimum.

7.   Le fumier ne peut pas être épandu en automne avant une culture d’herbage.

Article 6

Occupation des sols

1.   Au minimum 70 % de la superficie disponible pour l'épandage d'effluents d'élevage dans les exploitations est occupée par des prairies. Les exploitants agricoles bénéficiant d’une dérogation individuelle prennent les mesures suivantes:

a)

sur les sols sablonneux et de loess, les cultures d’herbage et autres assurant une couverture du sol pendant l’hiver sont cultivées après le maïs de façon à réduire notablement l’infiltration potentielle;

b)

les cultures herbagères servant de piège à nitrates ne sont pas labourées avant le 1er février, de manière à maintenir en permanence une couverture végétale sur les terres arables afin de compenser les pertes de nitrates du sous-sol en automne et de limiter les pertes hivernales;

c)

les herbages sur des sols de sable et de loess sont labourés au printemps;

d)

les prairies labourées sur tous types de sol sont suivies immédiatement par une culture ayant un besoin élevé d’azote et la fertilisation repose sur une analyse du sol portant sur la concentration d’azote minéral et sur d’autres paramètres donnant des indications pour évaluer la libération d’azote issue de la minéralisation de la matière organique contenue dans le sol.

e)

si l’assolement comprend des légumineuses ou d’autres plantes fixant l’azote de l’air, l’épandage d’engrais est réduit en conséquence.

2.   Par dérogation au point c), le labourage des prairies est autorisé en automne pour planter des bulbes de fleurs.

Article 7

Mesures relatives à la production d'effluents d'élevage

Les autorités nationales font en sorte que la production d’effluents d’élevage ne dépasse pas, du point de vue de la concentration d’azote et de phosphore, le niveau de l’année 2002.

Article 8

Surveillance

1.   Des cartes montrant le pourcentage d’exploitations herbagères, le pourcentage de bétail et le pourcentage de terres agricoles couverts par une dérogation individuelle dans chaque municipalité sont établies par l’autorité compétente et mises à jour chaque année.

Ces cartes sont soumises à la Commission chaque année et pour la première fois au cours du deuxième trimestre de l’année 2006.

2.   Un réseau de surveillance comprenant des exploitations retenues comme sites de surveillance dans le cadre de la dérogation est mis en place pour l’échantillonnage des eaux dans le sol, des cours d’eau et des nappes phréatiques peu profondes.

Le réseau de surveillance, qui couvre au minimum 300 exploitations bénéficiant d’une dérogation individuelle, comprend des sites représentant chaque type de sol (argile, tourbe, sable et mélange de sable et de loess), de pratiques de fertilisation et d’assolement. La composition du réseau de surveillance n’est pas modifiée pendant la période d’application de la décision.

3.   Les relevés et les analyses en continu de la teneur en éléments nutritifs fournissent des informations sur l’occupation des sols à l’échelon local, sur les assolements et sur les pratiques agricoles dans les exploitations couvertes par une dérogation individuelle. Ces données peuvent être utilisées pour calculer, à partir de modèles, l’ampleur de la lixiviation de nitrates et des pertes de phosphore à partir des champs sur lesquels sont épandus des effluents d’élevage contenant jusqu’à 250 kg d’azote par hectare et par an.

4.   Les nappes phréatiques peu profondes, les eaux dans le sol, les eaux de drainage et les cours d’eau appartenant à des exploitations comprises dans le réseau de surveillance fournissent des données sur la concentration d’azote et de phosphore dans l’eau quittant la rhizosphère et pénétrant dans le réseau des eaux souterraines et des eaux de surface.

5.   Une surveillance renforcée des eaux prend en considération les captages agricoles dans les sols sablonneux.

Article 9

Contrôles

1.   L’autorité nationale compétente effectue des contrôles administratifs portant sur toutes les exploitations bénéficiant d’une dérogation individuelle, en vue de déterminer si la limite maximale de 250 kg d’azote par hectare et par an provenant d’effluents d’élevage est respectée et d’évaluer la conformité aux normes d’épandage d’azote et de phosphate et aux conditions d’utilisation des sols.

2.   Un programme d’inspections est établi sur la base d’une analyse des risques, des résultats des contrôles effectués les années précédentes, ainsi que des résultats des contrôles aléatoires généraux portant sur l’application de la législation mettant en œuvre la directive 91/676/CEE.

Au moins 5 % des exploitations bénéficiant d’une dérogation individuelle concernant l’utilisation des sols, le cheptel et la production d’effluents d’élevage sont soumises à des inspections spécifiques.

Au moins 3 % des exploitations sont soumises à des inspections sur place visant à déterminer si les conditions définies aux articles 5 et 6 sont respectées.

Article 10

Établissement de rapports

1.   L’autorité compétente soumet chaque année à la Commission les résultats des travaux de surveillance, accompagnés d’un rapport concis sur les méthodes d’évaluation (contrôles au niveau d’une exploitation, notamment les informations relatives aux exploitations non conformes, au vu des résultats des contrôles administratifs et des inspections sur place) et sur l’évolution de la qualité de l’eau (sur la base des travaux de surveillance portant sur le lessivage de la rhizosphère, de la qualité des eaux de surface et des eaux souterraines et des calculs effectués à partir de modèles).

Le premier rapport est transmis au plus tard en mars 2007, puis chaque année au plus tard en mars 2008, 2009 et 2010.

2.   Le rapport comprend, outre les données visées au paragraphe 1, les éléments suivants:

a)

données relatives à la fertilisation dans toutes les exploitations bénéficiant d’une dérogation individuelle;

b)

évolution du cheptel pour chaque catégorie aux Pays-Bas et dans les exploitations couvertes par une dérogation;

c)

évolution de la production nationale d’effluents d’élevage du point de vue de la quantité d’azote et de phosphate contenue dans ces effluents;

d)

synthèse des résultats des contrôles concernant les taux d’excrétion d’éléments nutritifs des déjections de porcs et de volailles, au niveau national.

3.   Les résultats ainsi obtenus seront pris en considération par la Commission dans le cas d’une éventuelle nouvelle demande de dérogation des autorités néerlandaises.

4.   Afin de fournir des éléments concernant la gestion des exploitations herbagères auxquelles une dérogation s’applique et le niveau d’optimisation de la gestion atteint, l’autorité compétente prépare et présente chaque année à la Commission un rapport sur la fertilisation et le rendement pour les différents types de sols et de cultures.

Article 11

Application

La présente décision est applicable à partir du 1er janvier 2006.

Elle expire le 31 décembre 2009.

Article 12

Le Royaume des Pays-Bas est destinataire de la présente décision.

Fait à Bruxelles, le 8 décembre 2005

Par la Commission

Stavros DIMAS

Membre de la Commission


(1)  JO L 375 du 31.12.1991, p. 1. Directive modifiée par le règlement (CE) no 1882/2003 du Parlement européen et du Conseil (JO L 284 du 31.10.2003, p. 1).