30.7.2005   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

L 200/92


DÉCISION DE LA COMMISSION

du 30 octobre 2002

relative à une procédure d’application de l’article 81 du traité CE et de l’article 53 de l’accord EEE

(Affaire COMP/E-2/37.784 — Maisons de vente aux enchères d’objets d’art)

[notifiée sous le numéro C(2002) 4283 final, et rectificatifs C(2002) 4283/7 et C(2002) 4283/8]

(Le texte en langue anglaise est le seul faisant foi.)

(Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE)

(2005/590/CE)

Le 30 octobre 2002, la Commission a adopté une décision [C(2002) 4283 final] relative à une procédure d’application de l’article 81 du traité CE et de l’article 53 de l’accord EEE. Le 6 novembre 2002, elle a approuvé par procédure écrite C(2002) 4283/7 un rectificatif apporté à la version C(2002) 4283/5 de la décision C(2002) 4283 final, et par procédure écrite C(2002) 4283/8 un rectificatif apporté à la version C(2002) 4283/6 de la décision C(2002) 4283 final. Conformément à l’article 21 du règlement no 17 (1), la Commission publie ci-après les noms des parties et l’essentiel de la décision, en tenant compte de l’intérêt légitime des entreprises à ce que leurs secrets d’affaires ne soient pas divulgués. Une version non confidentielle du texte intégral de la décision est disponible dans la langue faisant foi en l’espèce et dans les langues de travail de la Commission sur le site internet de la direction générale de la concurrence à l’adresse suivante: http://europa.eu.int/comm/competition/index_fr.html

I.   RÉSUMÉ DE L’INFRACTION

1.   Destinataires

(1)

Les entreprises et/ou associations d’entreprises suivantes sont destinataires de la présente décision:

Christie’s International plc,

Sotheby’s Holdings Inc.

2.   Durée et nature de l’infraction

(2)

Du 30 avril 1993 au 7 février 2000 au moins, Christie’s International plc (ci après dénommée «Christie’s») et Sotheby’s Holdings, Inc. (ci-après dénommée «Sotheby’s»), qui sont les deux principaux concurrents opérant sur le marché mondial de la vente aux enchères à la commission d’objets d’art, d’antiquités, de mobilier, d’objets de collection et de souvenirs (ci-après également dénommés de façon générique «objets d’art»), ont conclu et mis en œuvre de façon ininterrompue un accord et/ou une pratique concertée contraires à l’article 81, paragraphe 1, du traité CE et à l’article 53 de l’accord EEE, qui ont porté sur les prix ainsi que sur d’autres conditions de vente aux enchères.

(3)

Les deux sociétés ont notamment convenu d’adopter une structure identique pour les commissions facturées aux vendeurs, de passer à une échelle non négociable pour les taux de ces commissions de vente (qui devaient remplacer les anciennes commissions négociables), de les augmenter et de ne plus accorder de conditions spéciales aux vendeurs. Elles ont également déterminé certaines autres conditions commerciales, entravant ou faussant ainsi la concurrence entre elles sur le marché de la vente aux enchères d’objets d’art. En outre, elles ont introduit un mécanisme de contrôle afin de garantir le respect de leur accord et/ou pratique concertée.

3.   Le marché de la vente aux enchères d’objets d’art

(4)

Les objets d’art, antiquités, meubles, objets de collection et souvenirs sont communément mis en vente dans le cadre d’enchères. Aucune limite particulière n’est fixée quant à la nature des objets qui peuvent être vendus aux enchères ou à leur valeur minimale. Les enchères peuvent porter sur une collection particulière ou être axées sur un thème, une catégorie d’objets, une période ou un type d’art donnés.

(5)

Les principales salles de vente aux enchères d’objets d’art des deux maisons sont situées à Londres et à New York, mais des ventes sont également organisées régulièrement dans des places telles que Genève, Zurich, Amsterdam, Rome, Milan, Hong Kong et Melbourne. Les grandes ventes aux enchères sont planifiées et organisées de façon à constituer des événements exceptionnels, fréquentés par des personnes fortunées.

(6)

Les ventes sont organisées longtemps à l’avance en fonction d’une «saison» internationale. Les principales ventes ont traditionnellement lieu au printemps et en automne; les produits et bénéfices d’exploitation des maisons de vente aux enchères culminent donc au cours des deuxième et quatrième trimestres.

(7)

Les propriétaires de biens qui désirent vendre «remettent» la marchandise à la maison de vente aux enchères, qui fournit son expertise en matière de vente, organise les enchères, publie un catalogue et organise des actions publicitaires préalables. Les biens sont d’ordinaire mis en vente individuellement (ce que l’on appelle des «lots»), mais même les articles qui font partie d’une collection sont généralement vendus sous forme de lots individuels. La maison de vente aux enchères vend les objets en tant qu’agent du vendeur. Elle facture les biens à l’acheteur et remet ensuite les fonds perçus au vendeur, après déduction de la commission, des frais et des taxes. La commission facturée sous forme de pourcentage au vendeur est communément appelée «commission de vente»; cette commission est généralement calculée sur le prix d’adjudication (prix «au marteau»), c'est-à-dire le prix auquel la marchandise a été adjugée au dernier enchérisseur. Les personnes qui achètent des objets dans des ventes aux enchères doivent également payer un pourcentage sur le prix d’adjudication (appelé commission d’achat).

4.   Fonctionnement du cartel

(8)

À partir d’avril 1993, Christie’s et Sotheby’s ont appliqué un accord commun destiné à restreindre la concurrence sur plusieurs des facteurs par lesquels celle-ci s’exerce. Il s’agissait essentiellement des conditions applicables aux vendeurs, mais également de celles applicables aux acheteurs, ainsi que d’autres éléments. Les différents volets de cet accord ont été modifiés et améliorés lors de réunions «au sommet» tenues les années suivantes et ont cessé d’être respectés en février 2000.

(9)

De façon plus précise, l’accord et/ou les pratiques concertées entre Christie’s et Sotheby’s ont porté sur les éléments suivants.

a)

Pour ce qui est des vendeurs:

accord en vue d’introduire une nouvelle «échelle mobile» pour les commissions de vente (2),

accord sur les conditions applicables à cette échelle, y compris le fait qu’elle soit non négociable, c’est-à-dire qu’aucune exception ne soit acceptée (sauf accord),

accord sur les modalités ainsi que sur le calendrier d’introduction de cette échelle,

accord sur le contrôle du respect de cette échelle grâce à un échange de listes relatives aux exceptions autorisées afin de surveiller la mise en œuvre de l’accord et d’empêcher tout manquement, ou d’en discuter le cas échéant,

accord visant à ne pas donner aux vendeurs de garantie sur un prix de réserve lors des enchères,

accord sur une formule de partage avec les vendeurs des profits «supplémentaires», lorsque les biens sont vendus à un prix supérieur au prix garanti,

accord visant à ne pas consentir d’avances aux vendeurs sur des lots individuels,

accord et/ou concertation sur les conditions d’octroi d’avances dans des ventes aux enchères particulières,

accord sur le taux d’intérêt minimal à appliquer aux prêts,

accord visant à fixer un seuil pour la commission versée aux vendeurs professionnels et aux marchands, ainsi qu’à limiter la pratique consistant à fournir une assurance à ces professionnels,

accord de limitation du versement d’une commission de prospection (à 1 % de la commission d’achat lorsqu’il n’y a pas versement d’une commission de vente).

b)

Pour ce qui est des acheteurs:

accord visant à limiter à quatre-vingt-dix jours les crédits accordés aux acheteurs professionnels.

c)

Autres éléments:

accord de limitation des actions marketing (en évitant toute déclaration sur les parts de marché ou toute revendication de la position de numéro un sur le marché de l’art ou l’un de ses segments particuliers).

(10)

En outre, afin d’appliquer et/ou de modifier les accords le cas échéant, les parties se sont concertées et ont échangé des informations, lors de réunions régulières ou au cours de contacts téléphoniques, sur tous les sujets ou questions (enchères, vendeurs, marchands, acheteurs) susceptibles de susciter ou de favoriser la concurrence entre elles ou de porter atteinte, d’une manière ou d’une autre, à leur accord de non concurrence.

II.   AMENDES

1.   Montant de départ de l’amende

Gravité de l’infraction

(11)

Compte tenu de la nature du comportement en cause, de son incidence réelle sur le marché de la vente aux enchères des objets d’art et du fait qu’il couvrait l’ensemble du marché commun et, à la suite de sa création, l’ensemble de l’Espace économique européen (EEE), la Commission considère que les entreprises visées par la présente décision ont commis une infraction très grave à l’article 81, paragraphe 1, du traité CE et à l’article 53, paragraphe 1, de l’accord EEE.

Nature de l’infraction

(12)

L’entente a constitué une violation délibérée de l’article 81, paragraphe 1, du traité CE et de l’article 53, paragraphe 1, de l’accord EEE. En pleine connaissance de l’illégalité de leurs agissements, les participants se sont concertés pour mettre en place des mécanismes secrets et institutionnalisés illégaux destinés à restreindre la concurrence entre les deux plus importantes maisons de vente aux enchères d’objets d’art. Cette infraction a essentiellement consisté en des pratiques impliquant la fixation de prix, qui constituent, de par leur nature même, le type le plus grave de violation de l’article 81, paragraphe 1, du traité CE et de l’article 53, paragraphe 1, de l’accord EEE.

(13)

Les arrangements collusoires en cause ont été conçus, dirigés et encouragés au plus haut niveau dans chacune des entreprises participantes. De par sa nature même, une entente du type de celle décrite ci-dessus entraîne des distorsions de concurrence importantes, qui profitent exclusivement aux sociétés membres du cartel et portent un tort considérable aux clients.

Incidence de l’infraction dans l’EEE

(14)

L’infraction a été commise par les deux entreprises les plus importantes du marché de la vente aux enchères d’objets d’art et a concerné l’ensemble de leurs ventes dans l’EEE et ailleurs. Le projet commun d’accroissement du chiffre d’affaires a été mis en œuvre par les deux sociétés. Compte tenu de leurs parts de marché élevées et du fait que l’accord a porté sur l’ensemble des ventes des sociétés dans l’EEE, l’infraction a eu une incidence effective sur le marché de l’EEE.

Taille du marché géographique en cause

(15)

Aux fins de la détermination de la gravité de l’infraction, la Commission considère donc que c’est l’intégralité de la Communauté puis, après sa création, de l’EEE, qui ont été affectés par l’entente.

(16)

La Commission fixe donc le montant de départ de l’amende pour les deux entreprises à 25,2 millions EUR.

Durée de l’infraction

(17)

La Commission estime que la durée qui doit être prise en considération va du 30 avril 1993 au 7 février 2000. L’infraction s’étend donc sur une période de six ans et neuf mois. Elle peut donc être considérée comme une infraction de longue durée, ce qui entraîne une augmentation du montant fixé en fonction de la gravité de l’ordre de 65 %.

(18)

Compte tenu de ce qui précède, la Commission a fixé les montants de base suivants pour l’amende:

Christie’s: 41,58 millions EUR,

Sotheby’s: 41,58 millions EUR.

2.   Circonstances aggravantes ou atténuantes

(19)

La Commission estime qu’il n’y a aucune circonstance aggravante ou atténuante distincte dans la présente affaire.

3.   Application du plafond de 10 % du chiffre d’affaires

(20)

Étant donné que le montant ainsi calculé pour Sotheby’s excède 10 % du chiffre d’affaires mondial réalisé par celle-ci au cours de l’exercice social précédant la présente décision, le montant de base applicable à cette entreprise sera limité à 34,05 millions EUR, conformément à l’article 15, paragraphe 2, du règlement no 17.

4.   Application de la communication sur la clémence de 1996 (3)

(21)

Étant donné que les demandes de mesures de clémence ont été introduites en 2000, dans le cadre de la communication en vigueur à cette date, c’est la communication de 1996 qui est applicable en l’espèce, et non la version modifiée adoptée en 2002.

Non-imposition d’amende ou réduction très importante de son montant («section B»)

(22)

Christie’s a été la première à informer la Commission de l’existence de l’entente et à lui communiquer des preuves décisives, sans lesquelles l’entente n’aurait pas pu être révélée. Au moment où ces informations lui ont été communiquées, la Commission n’avait pas encore entrepris d’enquête et n’avait pas non plus en sa possession suffisamment d’informations pour établir l’existence de l’entente. De plus, Christie’s avait cessé de participer à l’entente en confirmant à la Commission qu’elle n’avait eu aucun contact avec Sotheby’s à propos du comportement révélé et en faisant sa déclaration publique sur son nouveau barème de commissions de vente quelques jours seulement après avoir apporté les preuves en question à la Commission. En outre, elle a coopéré avec la Commission de façon continue et il n’a pas pu être déterminé qu’elle avait forcé Sotheby’s à prendre part à l’entente ni joué un rôle déterminant dans celle-ci par rapport à celui de Sotheby’s.

(23)

La Commission considère que Christie’s remplit par conséquent les conditions pertinentes fixées dans la section B de la communication sur la clémence.

Réduction importante du montant de l’amende («section D»)

(24)

La Commission note que Sotheby’s a pleinement coopéré avec elle au cours de l’enquête. Sotheby’s lui a en outre fourni des informations et des éléments de preuve qui ont contribué sensiblement à confirmer l’existence de l’infraction commise. Elle n’a pas non plus contesté sur le fond les faits sur lesquels la Commission base ses accusations. Elle a admis l’existence d’un certain nombre d’éléments de l’infraction décrits par la Commission dans la présente décision.

(25)

Sotheby’s répond donc aux conditions énoncées à la section D, premier et deuxième tirets, de la communication.

Conclusion relative à l’application de la communication sur la clémence

(26)

En conclusion, compte tenu de la nature de leur coopération et à la lumière des conditions définies dans la communication sur la clémence, la Commission accordera aux destinataires de la présente décision les réductions suivantes du montant respectif de leur amende:

Christie’s: 100 %,

Sotheby’s: 40 %.

5.   Décision

(27)

Les amendes suivantes sont infligées:

Christie’s International plc: 0 million EUR,

Sotheby’s Holdings Inc.: 20,4 millions EUR.

(28)

Les entreprises susmentionnées mettent immédiatement fin aux infractions dans la mesure où elles ne l’ont pas déjà fait. Elles s’abstiennent désormais de tout acte ou comportement tel que l’infraction constatée dans la présente affaire, ainsi que de toute mesure ayant un objet ou un effet équivalent.


(1)  JO 13 du 21.2.1962, p. 204/62. Règlement modifié en dernier lieu par le règlement (CE) no 1216/1999 (JO L 148 du 15.6.1999, p. 5).

(2)  Une échelle mobile signifie que le pourcentage facturé aux vendeurs à titre de commission de vente varie selon certains seuils. En pratique, plus le prix de remise est élevé, plus le pourcentage facturé au vendeur est bas.

(3)  Communication de la Commission concernant la non-imposition d’amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO C 207 du 18.7.1996, p. 4).