12.5.2005   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

L 120/5


DÉCISION DE LA COMMISSION

du 16 mars 2004

relative à l’aide accordée par la République portugaise en faveur de Infineon Technologies, Portugal, SA

[notifiée sous le numéro C(2004) 326]

(Le texte en langue portugaise est le seul faisant foi.)

(Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE)

(2005/373/CE)

LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,

vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 88, paragraphe 2, premier alinéa,

vu l'accord sur l'Espace économique européen, et notamment son article 62, paragraphe 1, point a),

après avoir invité les intéressés à présenter leurs observations conformément aux dispositions précitées (1),

considérant ce qui suit:

I.   PROCÉDURE

(1)

Par lettre du 23 décembre 2002, enregistrée le 3 janvier 2003, le Portugal a notifié, conformément à l’encadrement multisectoriel des aides à finalité régionale en faveur de grands projets d'investissement (2) (ci-après «encadrement multisectoriel»), son intention d’accorder une aide à l’investissement en faveur de Infineon Technologies-Fabrico de Semicondutores, Portugal, SA (ci-après «Infineon Portugal»). L’aide envisagée a été enregistrée sous la référence N 1/03.

(2)

La Commission en a accusé réception par une lettre datée du 15 janvier 2003. Par sa lettre du 17 janvier 2003, la Commission a informé le Portugal que sa notification était jugée incomplète et lui a demandé un certain nombre d’éclaircissements. Après une lettre de rappel de la Commission, le Portugal a communiqué un complément d’information par sa lettre du 6 mai 2003, enregistrée le jour suivant. Par lettre du 9 juillet 2003 [C(2003) 2004 fin], la Commission a informé le Portugal de sa décision d’ouvrir la procédure prévue par l’article 88, paragraphe 2, du traité à l’égard de l’aide en cause. La décision d’ouverture de la procédure de la Commission a été publiée au Journal officiel de l’Union européenne  (3). La Commission a invité les parties intéressées à lui présenter leurs observations sur la mesure en cause.

(3)

Par ses lettres no 2531 du 6 août 2003 (enregistrée le 13 août 2003) et no 2540 du 7 août 2003 (enregistrée le 19 août 2003), le Portugal a présenté sa réponse à l’ouverture de la procédure.

(4)

La Commission a reçu des observations de quatre parties intéressées. Elles ont été transmises au Portugal pour lui donner l’opportunité de se prononcer sur leur contenu. Par sa lettre no 825 du 15 décembre 2003 (enregistrée le 23 décembre 2003), le Portugal a communiqué ses commentaires.

II.   DESCRIPTION DE L’AIDE

1.   Le bénéficiaire

(5)

Infineon Portugal est une filiale à 100 % de Infineon Technologies NV, elle-même contrôlée par Infineon Technologies AG (ci-après «Infineon»). Infineon est l’entreprise mère d’un vaste groupe international organisé en quatre divisions principales: communications filaires, solutions de sécurité pour la téléphonie mobile, mémoires et secteur automobile et industriel. Le capital d’Infineon a été ouvert à la souscription publique en mars 2000 et l’entreprise est une spin-off de Siemens AG qui a notamment repris ses activités dans le domaine des semi-conducteurs.

(6)

Par ses activités, Infineon Portugal relève de la division «Produits mémoires»: elle conçoit, développe, fabrique et commercialise des produits semi-conducteurs pour mémoires. C’est une unité de fabrication finale (back-end) qui assure l’assemblage, les essais finaux et le conditionnement de mémoires DRAM (Dynamic Random Access Memory) de 64Mb, 128Mb et 265Mb. Selon les autorités portugaises, les installations d’Infineon situées au Portugal sont le seul établissement back-end d’Europe spécialisé dans la fabrication de mémoires DRAM.

(7)

Le Portugal a communiqué les données suivantes sur le chiffre d’affaires et les effectifs employés par Infineon au niveau du marché mondial, de l’EEE et du marché portugais.

Tableau 1

Chiffre d’affaires

(en millions EUR)

 

Mondial

EEE

Portugal

Chiffre d’affaires

Effectifs

Chiffre d’affaires

Effectifs

Chiffre d’affaires

Effectifs

1998

3 178

21 861

1 861

14 401

[…] (4)

1999

4 237

24 541

2 444

15 695

2000

7 283

29 166

3 259

17 656

2001

5 671

33 813

3 005

21 821

2002

5 207

30 423

2 395

20 306

2.   Le projet

(8)

Le projet d’investissement est situé à Vila do Conde (Grand Porto), dans une zone relevant de l'article 87, paragraphe 3, point a), du traité CE. L'intensité maximale admissible de l'aide dans la région s'élève à 32 % net pour les grandes entreprises.

(9)

L’exécution du projet a démarré en juin 2000 et s’est achevée en septembre 2003. L’investissement réalisé visait à accroître la compétitivité de l’entreprise moyennant une augmentation de la production de mémoires DRAM de 16 et 64 Mb à 256 et 512 Mb. L’entreprise a en outre adopté une nouvelle technologie appelée board on chip (une nouvelle forme d’encapsulation des puces de mémoire) qui a augmenté la valeur du produit final. Infineon Portugal a lancé un nouveau produit, le Chip Sized Package qui est un type de mémoire de taille plus réduite.

(10)

Avant l’exécution de son projet d’investissement, Infineon Portugal produisait près de 2 millions de puces par semaine. Après son achèvement, sa capacité de production est passée à 5 millions de puces par semaine. L’augmentation de capacité résultant de la mise en œuvre du projet est donc chiffrée à 150 %.

(11)

Selon les autorités portugaises, Infineon détient une part de 3,5 % du marché des semi-conducteurs et de 12,8 % du marché des DRAM (données portant sur 2002).

(12)

Les coûts d’investissement admissibles s’élèvent au total à 141 036 103 EUR (valeurs de 2000). Les différents coûts associés au projet sont détaillés dans le tableau suivant.

Tableau 2

(montants en EUR)

 

Coûts totaux

Coûts admissibles

 

2000

2001

2002

2000

2001

2002

[…] (5)

TOTAL

141 472 781

141 036 103

(13)

Selon les autorités portugaises, le projet s’est traduit par la création de 252 emplois directs et, indirectement, de 30 autres emplois dans la région. En outre, le Portugal considère que le projet a permis de sauvegarder 596 emplois, chiffre qui correspond à la totalité de l’effectif existant d’Infineon Portugal.

3.   Mesures d’aide

(14)

Toujours selon les autorités portugaises, la bénéficiaire a sollicité une aide d’État en avril 1999. Cette aide prend la forme d’un prêt accordé conformément au régime N 667/99 (6) et d’une incitation fiscale attribuée sur la base du régime N 97/99 (7).

(15)

Le montant total du prêt, accordé sans intérêts, s’élève à 56 414 441 EUR. En 2005, une partie de ce montant, de 42 310 831 EUR, sera convertie en subvention non remboursable. La partie subsistante du prêt, à savoir 14 103 610 EUR, sera remboursée en 8 versements semestriels de même montant (sur la période comprise entre 2005 et 2008). Le prêt a été approuvé par les autorités portugaises le 21 novembre 2001 et aucun paiement au titre du prêt n’a encore été effectué à ce jour.

(16)

Par ailleurs, Infineon Portugal bénéficiera d’incitations fiscales d’un montant maximal de 20 450 235 EUR. Ces incitations prendront la forme d’une exonération de l’impôt sur les sociétés résultant de l’investissement notifié. L’incitation fiscale devrait être utilisée par Infineon selon le calendrier suivant: 795 000 EUR en 2004, 1 327 000 EUR en 2005, 15 331 235 EUR en 2006, 1 462 000 EUR en 2007 et 1 535 000 EUR en 2008. Les autorités portugaises ont souligné que le montant total maximal de l’incitation fiscale ne serait en aucun cas dépassé. Cette incitation a été approuvée par les autorités portugaises le 12 juin 2000.

(17)

Le tableau suivant présente sous forme résumée l’intensité d’aide des mesures précédemment détaillées.

Tableau 3

(montants en EUR)

Incitation

Incitation nominale

Incitation ESB

Incitation ESN

Prêt remboursable

14 103 610 (8)

5 074 471

3 673 917

Subvention non remboursable

42 310 831

32 068 350

23 217 486

Incitations fiscales

20 450 235

14 612 896

14 612 896

TOTAL

76 864 676

51 755 717

41 504 299

(18)

Le calcul des intensités nette et brute des mesures d’aide (ESN et ESB) se base sur les éléments suivants:

a)

Le taux de référence utilisé pour actualiser le montant de l’aide sur la base de la date de début d’exécution de l’investissement (juin 2000), également utilisé pour calculer les économies réalisées du fait de l’absence d’intérêts sur le prêt remboursable, s’élève à 5,70 %, ce qui correspond au taux applicable au Portugal en 2000.

b)

L’équivalent subvention brut des mesures (ESB) a été calculé en soustrayant le montant de l’aide des flux financiers nominaux en juin 2000.

c)

L’équivalent subvention net des mesures (ESN) a été calculé sur la base du taux de conversion prévu par la carte des aides régionales au Portugal [ESN = ESB × (1-27,6 %)], conformément à ce qu’ont demandé les autorités portugaises.

L’intensité nette de l’aide (montant ESN de l’aide/coûts admissibles totaux) s’élève donc à 29,4 % (41 504 299 EUR/141 036 103 EUR).

4.   Motifs d’ouverture de la procédure

(19)

Le 9 juillet 2003, la Commission a informé le Portugal de sa décision d’ouvrir la procédure prévue à l’article 88, paragraphe 2, du traité à l'égard de l'aide d'État envisagée. La Commission a exprimé ses doutes concernant les éléments suivants:

a)

l’éligibilité de l’entreprise aux aides régionales en faveur de l’investissement, notamment en liaison avec la situation financière d’Infineon Portugal;

b)

la question de savoir si la demande de soutien financier présentée par la bénéficiaire aux autorités portugaises a bien précédé l’exécution du projet ou si l'aide avait déjà été déboursée;

c)

les calculs présentés par le Portugal en ce qui concerne l’ESN et l’intensité de l’aide;

d)

l’application des différents facteurs de réduction de l’intensité maximale admissible de l’aide prévus par l’encadrement multisectoriel, notamment le facteur de concurrence (T) et le facteur capital/travail (I). En particulier, la Commission n’avait pas disposé d’informations fiables lui permettant de déterminer les caractéristiques du marché de manière définitive, et ne pouvait ainsi exclure la possibilité que le secteur concerné soit dans une situation de déclin absolu ou relatif. La Commission a également exprimé ses doutes concernant l’affirmation selon laquelle le projet d’investissement permettrait de sauvegarder la totalité des emplois existants dans l’entreprise portugaise.

III.   OBSERVATIONS PRÉSENTÉES PAR LES PARTIES INTÉRESSÉES

(20)

La Commission a reçu des observations de quatre parties intéressées: un institut de recherche travaillant au développement des processus de fabrication back-end, la chambre de commerce luso-allemande, un institut portugais de développement des nouvelles technologies et un cabinet d’avocats représentant un concurrent d’Infineon. Ces observations ont été transmises au Portugal par lettre datée du 10 novembre 2003, les autorités portugaises communiquant leurs commentaires en retour par lettre du 15 décembre 2003.

(21)

Trois des parties intéressées se sont prononcées en faveur de l’aide. Elles ont souligné qu’il était important de conserver en Europe des activités de production back-end de mémoires DRAM, en particulier pour les secteurs d’aval utilisateurs de DRAM. Elles ont aussi insisté sur le bénéfice que retirerait l'économie portugaise de l'existence d'industries à forte valeur ajoutée. Elles ont mentionné la coopération positive qui s'est établie entre Infineon et les universités portugaises, en particulier dans le domaine des activités de recherche. À leur avis, il est fortement souhaitable que l’Union européenne soutienne ce type d’investissement qui attire des PME très innovatrices et empêche ainsi ces entreprises de transférer leur production vers des pays d’Asie qui accordent d’importantes aides d’État.

(22)

Le cabinet d’avocats représentant un concurrent d’Infineon s’est pour sa part prononcé contre l’aide. Il a fait valoir que le groupe Infineon était actuellement en difficulté et qu’il ne pouvait donc prétendre à des aides régionales. Il a aussi soutenu que le marché des DRAM était en situation de surcapacité structurelle et que, dans l’éventualité où la Commission autoriserait l’aide, son montant devait être sensiblement réduit afin d’éviter des distorsions indues de la concurrence. Enfin, il a considéré, dans l’hypothèse où la Commission déciderait de réduire le montant de l’aide envisagée, que le Portugal devrait présenter une nouvelle notification étant donné que dix mois s'étaient écoulés depuis la notification initiale et que les conditions du marché avaient changé.

IV.   COMMENTAIRES PRÉSENTÉS PAR LE PORTUGAL

(23)

Dans ses observations sur l’ouverture de la procédure formelle, le Portugal a présenté des éléments établissant que la demande d’aide a effectivement été présentée avant la mise à exécution du projet (lettre d’avril 1999 adressée par la bénéficiaire au gouvernement portugais demandant un soutien financier en faveur du projet). Il a également présenté des éléments qui démontrent sans équivoque que l’aide n’a pas encore été déboursée (déclaration des commissaires aux comptes d’Infineon Portugal, déclaration de l’Agence portugaise de l’investissement et déclaration du ministère des finances).

(24)

Les autorités portugaises ont également communiqué les bilans et comptes de profits et pertes d’Infineon Portugal pour les exercices 1998 à 2002.

(25)

Le Portugal a fourni des données corrigées en ce qui concerne les coûts totaux et les coûts éligibles de l’investissement. On observe quelques différences peu significatives pour certaines rubriques et sous-totaux par rapport aux données précédentes, mais les montants globaux restent inchangés. Le Portugal a également affirmé que les montants d’investissement prévus sont tous exprimés en valeurs de l’année 2000, ce qui exclut de procéder à une soustraction quelconque aux fins du calcul de l’ESN et de l’intensité d’aide des mesures.

(26)

À la suite de la demande formulée par la Commission, le Portugal a communiqué des calculs détaillés sur l’ESN des mesures d’aide et leurs intensités respectives. Ces calculs estiment l’intensité nette de l’aide à 29,4 %.

(27)

En ce qui concerne les données de marché demandées par la Commission, indispensables au calcul du facteur de concurrence, le Portugal a estimé que le critère qu’il convenait d’utiliser était le taux moyen d’utilisation des capacités (conformément au point 3.3 de l’encadrement multisectoriel) plutôt que la consommation apparente. Sur cette base, les autorités portugaises ont présenté des informations qui démontrent l’inexistence de toute surcapacité d’ordre structurel sur le marché des micro chips sur la période 1998-2002.

(28)

Le Portugal a fait valoir que, dans l’hypothèse où la Commission déciderait de se baser sur des données relatives à la consommation apparente, l’indicateur pertinent correspondrait alors à la capacité consommée mesurée en bits et non à la valeur des transactions. Il a aussi souligné que la Commission doit prendre en considération les perturbations du marché provoquées par les subventions accordées à Hynix, un fabricant coréen de DRAM. La Commission elle-même avait reconnu que ces subventions ont entraîné une «chute considérable» des prix des mémoires DRAM dans l’Union européenne sur la période comprise entre 1998 et 2001, ce qui l’avait conduit à imposer un droit compensatoire de 34,8 % sur les DRAM coréens. Pour ces motifs, le Portugal considère qu’une appréciation de l’évolution du marché basée sur les prix ne permet pas d’obtenir une vision globale correcte du marché.

(29)

Les autorités portugaises ont également fourni des informations sur la part de marché qu’Infineon détient dans le secteur des DRAM (12,8 % en 2002) et une estimation de 17,1 % pour 2003. Elles en concluent qu’après réalisation de l’investissement, la part de marché d’Infineon n’a pas excédé 40 %.

(30)

En réponse aux doutes de la Commission, qui lui demandait de justifier le nombre d’emplois censés être sauvegardés par l’investissement, le Portugal a fait valoir que, compte tenu de l’échelle antérieure de la production et du type de produits fabriqués, l’établissement portugais n’aurait pas été en mesure de maintenir sa compétitivité sans l’investissement et qu’il aurait alors inévitablement perdu son marché (une estimation du coût de fermeture des installations a été fournie). Par ailleurs, l’augmentation de 150 % du volume total de la production résultant de l’investissement a exigé d’importants efforts en matière de formation afin d’adapter les effectifs existants aux nouveaux processus de fabrication. Il a également été avancé que les unités de production back-end sont d’une nature clairement mobile en raison des coûts de transport réduits et de la tendance croissante à l’externalisation de ce type d’opérations. Les autorités ont ainsi cité l’exemple d’une entreprise du secteur des DRAM qui avait cessé ses activités au Portugal parce qu’elle n’avait pas réalisé les investissements nécessaires pour préserver sa compétitivité.

(31)

Les autorités portugaises concluent de ce qui précède que la Commission doit tenir compte de la sauvegarde des 596 emplois correspondant à la totalité des effectifs employés avant la réalisation de l'investissement. Doivent en outre être pris en considération les 252 nouveaux emplois créés dans la production du fait de l’investissement. À ce total de 848 emplois correspond un ratio investissement nouveau par emploi de 166 316 EUR, soit un facteur capital-emploi de 1.

V.   APPRÉCIATION

A.   Aide d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, du traité CE

(32)

L’article 87, paragraphe 1, du traité CE dispose que, sauf dérogation prévue par le traité, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges avec les États membres, les aides qui faussent ou menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions.

(33)

Les mesures financières que doit accorder l’État, à savoir un prêt d’un montant de 56 414 441 EUR et des incitations fiscales à hauteur de 20 450 235 EUR, ont été notifiées par le Portugal en tant qu’aides. Les mesures en cause proviennent de ressources d’État et confèreront un avantage à une entreprise qui aurait autrement dû supporter intégralement les coûts de l’investissement. Compte tenu de l’existence d’une concurrence et d’échanges commerciaux dans le secteur concerné, les avantages financiers qui favorisent une entreprise par rapport à ses concurrents menacent de fausser la concurrence et d’affecter les échanges entre États membres. En conséquence, la Commission considère que les mesures en cause doivent être assimilées à une aide d’État au sens de l’article précité.

B.   Éligibilité de l’entreprise

(34)

Les informations fournies par le Portugal attestent qu’Infineon Portugal a subi des pertes s’élevant à 1,4 million EUR en 1998, puis des bénéfices de 21,2 millions EUR en 1999 et de 27,3 millions EUR en 2000. En 2001 et 2002, on observe une diminution des bénéfices, qui passent à 15,7 millions EUR et 4,4 millions EUR respectivement. Ces informations démontrent qu’Infineon Portugal ne connaissait pas de difficultés financières au moment où l’investissement a été réalisé malgré la baisse des bénéfices des dernières années.

(35)

Comme cela a été précisé plus haut, Infineon Portugal appartient à un groupe plus large, le groupe Infineon. L’année de démarrage de l’investissement (2000), le groupe a réalisé un bénéfice de 1,126 milliard EUR et disposait d’un actif total de 8,853 milliards EUR. À la fin de l’exercice 2000, ses fonds propres s’élevaient à 5,806 milliards EUR. En 2001, 2002 et 2003, le groupe a affiché des pertes s’élevant respectivement à 591 millions EUR, 1,021 milliard EUR et 435 millions EUR. Ses fonds propres à la fin de ces trois exercices se chiffraient à 6,9 milliards EUR, 6,158 milliards EUR et 5,666 milliards EUR respectivement. Le solde de trésorerie d’Infineon, de 875 millions EUR en 2000, est passé à 568 millions EUR en 2001, puis à 177 millions EUR en 2002. En 2003, ce solde a augmenté pour revenir à 328 millions EUR. Sur les deux derniers trimestres, c’est-à-dire du 1er juin au 30 septembre 2003 et du 1er octobre au 31 décembre 2003, l’entreprise a réalisé des profits de 49 et de 34 millions EUR respectivement.

(36)

Ces chiffres prouvent que, au moment de la réalisation de l’investissement, Infineon était une entreprise rentable à la situation financière solide et dotée de fonds propres adéquats. En 2001 et 2002, l’entreprise a connu des difficultés mais est parvenue à maintenir un niveau de fonds propres approprié. Au premier semestre de 2003, Infineon a également connu des difficultés, mais elle a rétabli sa rentabilité au second semestre.

(37)

Sur la base des données financières susmentionnées, la Commission considère que l’aide envisagée n’est pas une aide au sauvetage ou à la restructuration consentie à une entreprise en difficulté, et qu’il convient donc de l’apprécier en tant qu’aide régionale à l’investissement.

C.   Obligation de notification

(38)

Le coût du projet, qui s’élève à 141,5 millions EUR, dépasse le plafond de 50 millions EUR fixé au point 2.1, alinéa i), de l’encadrement multisectoriel. L’intensité cumulée de l’aide est de 29,4 % des coûts d’investissement admissibles, ce qui dépasse 50 % du plafond applicable aux aides régionales, qui est de 32 %. En outre, l’aide par emploi créé ou sauvegardé est supérieure à 40 000 EUR. En conséquence, le projet est soumis à l’obligation de notification prévue au point 2 de l’encadrement multisectoriel et doit être apprécié conformément à celui-ci.

(39)

En ce qui concerne les questions de procédure, le Portugal a approuvé les incitations fiscales en faveur d’Infineon en juin 2000 et le prêt en novembre 2002. Cependant, les autorités portugaises ont fourni des pièces qui attestent que le prêt et les incitations fiscales n’avaient pas encore été versés. La Commission considère donc l’aide en cause comme une aide notifiée.

(40)

En ce qui concerne l’effet incitatif de l’aide, le Portugal a communiqué une lettre du 9 avril 1999, adressée par Siemens aux autorités portugaises, dans laquelle l’investissement projeté est expliqué en détail et qui demande une assistance financière pour sa réalisation. Cette lettre a été transmise par Siemens et non par Infineon car, à cette date, la création d’Infineon par spin-off à partir de Siemens n’avait pas encore eu d’effets pratiques au Portugal. Les travaux relatifs au projet ayant démarré après la date de présentation de la demande d’aide, la Commission considère qu’il y a effectivement eu un effet incitatif.

D.   Le produit en cause

(41)

Selon le Portugal, l’investissement concerne la fabrication de mémoires DRAM (Dynamic Random Access Memory). Les DRAM relèvent du code 32.10 de la NACE, qui inclut la fabrication de valves et tubes électroniques et autres composants électroniques. Ce sont des semi-conducteurs qui stockent des données binaires. Les semi-conducteurs font partie des composants électroniques. Les DRAM constituent le type le plus commun de mémoires de semi-conducteurs et sont surtout utilisées pour les ordinateurs personnels et les produits à faible coût.

(42)

Les DRAM peuvent être différenciées en fonction de la dimension de la mémoire (c'est-à-dire de la quantité de données qui peut être stockée sur les puces). Cette dimension varie selon la génération de puce du fait de l’évolution technologique rapide du produit, une nouvelle génération apparaissant sur le marché tous les trois à quatre ans. Les DRAM peuvent également être différentiées en fonction de l’application à laquelle elles sont destinées (FPM-DRAM, EDO-DRAM, SDRAM ou RDRAM) ou du type de produit final dans lequel elles sont incorporées.

(43)

Il existe d’autres types de puces mémoires comme les SRAM, les EPROM et les «mémoires flash». En règle générale, leurs fonctions sont différentes de celles des DRAM et elles ne peuvent donc pas être considérées comme des produits substituables.

(44)

Les DRAM sont des produits de base dont les spécifications techniques sont normalisées. Au niveau de l’offre, il est donc possible de trouver le même type de DRAM chez de multiples fournisseurs dans le monde entier. Les nouvelles générations de DRAM entrent en concurrence avec les plus anciennes. La préférence des clients pour un type donné dépendra du rapport coût-efficacité et de la fonction de la mémoire DRAM dans le produit final.

(45)

Au niveau de l’offre, les fabricants de mémoires DRAM peuvent passer à la production de DRAM de capacité différente à partir des mêmes installations de production, dès lors que les technologies utilisées sont semblables. Toutefois, il est généralement assez difficile de passer d’une génération de DRAM à l’autre en utilisant les mêmes installations de production.

(46)

À la lumière des considérations qui précèdent, le marché des DRAM est considéré comme le marché de produits en cause (9). Il n’existe pas de code spécifique distinct de la NACE pour ce marché.

(47)

Au niveau du marché géographique en cause, on constate que les DRAM sont commercialisées à l'échelle mondiale sur la base de classifications et de normes de commercialisation identiques. Les coûts de transport sont réduits et il n'y a pas d'obstacles structurels à l’accès au marché. On doit en conséquence considérer que le marché géographique en cause a une dimension mondiale.

E.   Appréciation au regard de l’encadrement multisectoriel

(48)

En premier lieu, la Commission observe que l’aide est conforme au point 4.2 des lignes directrices concernant les aides d’État à finalité régionale (10), la contribution du bénéficiaire au financement de l’investissement, exemptée de toute aide, dépassant les 25 %.

(49)

Afin de déterminer l’intensité maximale de l’aide susceptible d’être autorisée pour un projet d’aide donné, la Commission doit, conformément à l’encadrement multisectoriel, déterminer l’intensité maximale de l’aide (plafond régional) que l’entreprise peut obtenir dans la zone aidée considérée en application du régime d’aide à finalité régionale autorisé qui est en vigueur au moment de la notification.

(50)

Vila do Conde est située dans la région du Grand Porto, une région qui est dénuée d’une structure économique régionale solide et dans laquelle le plafond d’aide pour les grandes entreprises a été fixé à 32 % ESN (11).

(51)

La Commission doit ainsi évaluer une série de facteurs d’ajustement applicables au pourcentage de 32 %, de manière à calculer l’intensité maximale admissible pour le projet en question, en particulier le facteur de concurrence (T), le facteur capital/travail (I) et le facteur d’impact régional (M).

(52)

La Commission constate que le projet créera de nouvelles capacités sur le marché européen et qu’il affectera donc ce marché.

(53)

L’autorisation des aides en faveur d’entreprises relevant de secteurs caractérisés par des surcapacités structurelles comporte un risque particulier de distorsion de concurrence. Toute augmentation des capacités qui ne serait pas compensée par une réduction des capacités dans une autre zone contribuerait à aggraver les problèmes structurels de surcapacité. Conformément au point 7.7 de l’encadrement multisectoriel, on estime qu'il y a surcapacité structurelle lorsque, en moyenne sur les cinq dernières années, le taux d'utilisation des capacités du (sous-)secteur en cause est inférieur de plus de deux points de pourcentage à celui du secteur manufacturier dans son ensemble. Une surcapacité structurelle est qualifiée de grave lorsque l'écart par rapport à la moyenne du secteur manufacturier est de plus de cinq points de pourcentage.

(54)

Conformément aux points 3.3 et 3.4 de l’encadrement multisectoriel, si les données relatives à l’utilisation des capacités sont suffisantes, la Commission se limitera à déterminer l’existence éventuelle d’une surcapacité structurelle/sérieuse dans le secteur ou sous-secteur en cause. Ce (sous-)secteur doit être défini à l’échelle la plus fine possible de la classification NACE.

(55)

Le code NACE le plus détaillé correspondant à la fabrication de DRAM est le no 32.10, qui inclut tous les types de composants électroniques. Les DRAM ne représentent qu’une petite partie de ce code NACE, de sorte que la situation des capacités au niveau de l’ensemble du code 32.10 de la NACE ne traduit pas de manière appropriée la situation sur le marché des DRAM. En conséquence, la Commission considère que l’analyse de la situation des capacités n’est pas applicable aux fins de l’évaluation du facteur concurrence.

(56)

Conformément au point 3.4 de l’encadrement multisectoriel, si les données relatives à l'utilisation des capacités sont insuffisantes, la Commission examinera si les investissements considérés sont réalisés sur un marché en déclin. Un marché sera considéré comme étant en déclin si le taux de croissance annuel moyen de la consommation apparente, au cours des cinq dernières années, est sensiblement inférieur (de plus de 10 %) à la moyenne annuelle dans l'ensemble de l'industrie manufacturière dans l'EEE, sauf si le taux de croissance relatif de la consommation apparente de ce produit marque une forte tendance à la reprise. Un marché en déclin absolu correspond à un marché sur lequel le taux de croissance annuel moyen de la consommation apparente est négatif sur les cinq dernières années.

(57)

Comme déjà indiqué, le marché des DRAM est considéré comme le marché de produits en cause au motif de leur substituabilité très limitée avec d'autres types de puces mémoires. Les DRAM sont commercialisées à l'échelle mondiale et il convient donc de considérer le marché mondial comme le marché géographique en cause.

(58)

La Commission rappelle que, selon le Portugal, Infineon détient une part de 3,5 % du marché des semi-conducteurs et de 12,8 % du marché des mémoires DRAM (données concernant 2002). Le Portugal a estimé la part de marché d’Infineon à 17,1 % en 2003. Il apparaît de la sorte que la part du marché mondial des DRAM que s’arroge le bénéficiaire ne dépasse pas les 40 %, même après réalisation de l’investissement.

(59)

Le Portugal a communiqué des données sur le taux de croissance de la consommation apparente de DRAM sur les cinq dernières années, comme le requiert l’encadrement multisectoriel. Le Portugal accepte de prendre en considération les données sur lesquelles s’était basée la Commission dans sa décision C-86/01 — Allemagne, Infineon Technologies SC 300 GmbH & Co. KG, pour ce qui concerne la période 1995-2000. Toutefois, dès lors qu’il existe des données nouvelles portant sur la période comprise entre 2001 et 2002, ces données doivent être prises en considération dans le cas examiné.

(60)

Le Portugal a fait valoir que, dans son analyse de l’évolution de la consommation apparente, la Commission devait se baser sur une période de cinq ans, soit de 1998 à 2002, et non sur une période de six ans. L’encadrement sectoriel fait référence au taux de croissance annuel moyen sur les cinq dernières années, et la Commission a donc pour pratique d’analyser la consommation apparente sur une période de six ans afin de pouvoir calculer cinq taux de croissance (12). La Commission considère que, en application du point 3.3 de l’encadrement multisectoriel, la période pertinente pour le cas à l’examen s’étend de 1997 à 2002.

(61)

Les données pertinentes relatives à la consommation apparente de mémoires DRAM sur la période 1997-2002 sont présentées dans le tableau suivant (13).

Tableau 4

(valeurs exprimées en millions EUR)

1997

1998

1999

2000

2001

2002

Croissance annuelle moyenne

17 594

12 514

19 431

31 285

12 453

16 179

– 1,66 %

(62)

Sur la base de ces données, le taux de croissance annuel moyen de la consommation apparente sur le marché des DRAM a été de – 1,66 % sur la période comprise entre 1997 et 2002. Pour la période précédente — entre 1996 et 2001 — la croissance annuelle moyenne de la consommation apparente de DRAM avait aussi été négative (– 9,13 %). Toutefois, si l’on prend en considération la période de 1998 à 2002 (comme l’ont demandé les autorités portugaises) les données sur la croissance sont positives (6,63 %).

(63)

Le marché des DRAM est très cyclique et connaît de fortes fluctuations. Les taux moyens de croissance annuelle en valeur varient fortement suivant la période considérée. Ces fluctuations sont principalement imputables à la volatilité extrême des prix, laquelle s’explique à son tour par le fait que le processus de production des DRAM se caractérise par des coûts irrécupérables relativement élevés et des coûts marginaux réduits. Les prix peuvent de ce fait évoluer dans un intervalle très ample dans la mesure où la production de mémoires DRAM peut devenir rentable pour une entreprise dès qu’elle parvient à assurer la couverture de ses coûts marginaux. Dans ces conditions, une analyse de l’évolution de la consommation apparente fondée sur la valeur des transactions ne permet pas, à elle seule, d’obtenir un éclairage adéquat du marché des DRAM.

(64)

La Commission reconnaît également que, dans le cas présent, les données sur la consommation exprimées en valeur des transactions ne permettent pas d’obtenir une image complète et entièrement représentative de la situation du marché. Comme l’ont souligné les autorités portugaises, les valeurs de transaction de la consommation apparente ont été sérieusement affectées par l’arrivée sur le marché d’importations subventionnées provenant du fabricant coréen Hynix. Une enquête sur les importations de DRAM de ce fabricant a notamment conclu que ces importations subventionnées ont provoqué un effondrement des prix des DRAM dans la Communauté entre 1998 et 2001, tout particulièrement en 2001, année où les prix des importations de Hynix ont chuté de 76 % (14). Dès lors qu’il était avéré que les importations subventionnées portaient préjudice à l’industrie communautaire, un droit compensatoire a été imposé sur les importations de DRAM provenant de Hynix, avec un taux de 34,8 % correspondant au montant des subventions dont bénéficiait l’entreprise coréenne.

(65)

L’évolution du prix moyen de vente des DRAM sur le marché mondial au cours de la période pertinente est présentée dans le tableau suivant (15).

Tableau 5

(en millions USD)

 

1997

1998

1999

2000

2001

2002

 

6,08

4,19

6,37

7,85

2,75

3,65

Croissance

 

– 31,1 %

52,1 %

23,3 %

– 65,0 %

32,5 %

Le tableau indique que les prix mondiaux des DRAM ont chuté de 65 % en 2001 et n’ont récupéré que partiellement en 2002. Compte tenu de ces éléments, la Commission considère que les valeurs de transaction de la consommation apparente en 2001, et en 2002 à une échelle moindre, ont été négativement affectées par des prix anormalement tirés vers le bas par les importations subventionnées en provenance de Hynix.

(66)

Pour les raisons précitées, la Commission a examiné d’autres types de données disponibles en vue d’obtenir une analyse du marché plus fiable et complète. L’évolution du marché mondial des DRAM peut aussi être appréciée en termes de volume, les deux statistiques de volume les plus pertinentes et les plus souvent utilisées étant basées sur les livraisons d’unités et les mégaoctets. L’évolution du marché mondial des DRAM au cours de la période pertinente sur la base de ces deux paramètres est présentée dans les tableaux suivants (15).

Tableau 6

Livraisons d’unités

(valeurs exprimées en millions d’unités)

1997

1998

1999

2000

2001

2002

Croissance annuelle moyenne

3 236

3 668

3 636

4 020

4 227

4 247

5,59 %


Tableau 7

Mégaoctets

(valeurs exprimées en millions de mégaoctets)

1997

1998

1999

2000

2001

2002

Croissance annuelle moyenne

5 289

10 814

19 367

31 919

52 583

73 277

69,17 %

Les données ci-dessus témoignent d’une évolution nettement positive du marché des DRAM sur la période considérée. Il est important de souligner que le taux de croissance du marché entre 2000 et 2001 (5,1 % pour les unités et 64,7 % pour les mégaoctets) est comparable au taux moyen de croissance annuel observé sur l’ensemble de la période. Ce fait tend à établir que la valeur transactionnelle particulièrement basse observée en 2001 s’explique principalement par la chute anormale des prix au cours de la même année. Comme la Commission et le Conseil en avaient déjà pris acte par l’adoption des deux règlements précités (voir note 11 de bas de page), cette chute des prix était pour l’essentiel imputable aux importations subventionnées en provenance de Corée.

(67)

Lorsqu’ils sont analysés conjointement, les trois indicateurs susmentionnés (valeur transactionnelle, volume en unités et volume en mégaoctets) paraissent indiquer que sur la période pertinente, le marché des DRAM a connu une croissance soutenue sauf en 2001, année où s’est produite la perturbation exceptionnelle du marché qui a entraîné une chute anormale des prix.

(68)

La Commission a également recherché des informations sur les perspectives d’avenir du marché des DRAM. Selon les dernières prévisions des World Semiconductor Trade Statistics (voir tableau ci-après), le taux moyen de croissance annuelle du marché mondial des semi-conducteurs entre 2003 et 2005 sera de 15,4 %. Les perspectives pour le segment des mémoires (incluant SRAM, DRAM et produits de mémoire non volatile) sont elles aussi favorables. Entre 2003 et 2005, le taux moyen de croissance annuelle du marché mondial des produits de mémoire devrait atteindre 21,6 %.

Tableau 8

(valeurs en millions USD)

 

2003

2004

2005

Semi-conducteurs

160 711

191 861

216 051

% de croissance

14,2

19,4

12,6

Mémoires

31 712

40 912

48 522

% croissance

17,3

29,0

18,6

(69)

Des informations provenant d’une autre source indépendante (Gartner Dataquest) confirment également que les perspectives du marché des DRAM sont fortement positives.

Tableau 9

(valeurs en millions USD, millions d’unités et millions de mégaoctets respectivement)

 

2003

2004

2005

En valeur transactionnelle

18 095

26 647

36 000

% de croissance

16,9

47,3

35,1

En livraisons unitaires

4 810

5 584

5 855

% croissance

13,3

16,1

4,9

En mégaoctets

112 426

170 036

262 690

% croissance

53,4

51,2

54,5

(70)

Une analyse restreinte aux données en valeur transactionnelle présentées ci-dessus indiquerait que le marché des DRAM connaît un déclin absolu sur la période considérée. En revanche, l’analyse fondée sur les volumes (livraisons unitaires et mégaoctets) amène à conclure que ce marché a en réalité crû à un rythme supérieur à celui de l’ensemble de l’industrie manufacturière de l’EEE. Il est évident que les importations subventionnées de DRAM en provenance de Corée ont eu un impact négatif sur les prix mondiaux et, par conséquent, sur les valeurs de marché en 2001 et, à une échelle moindre, en 2002. Eu égard à cette perturbation exceptionnelle du marché, la Commission considère que, dans le cas d’espèce, les statistiques en volume donnent probablement une image plus correcte de l’évolution du marché sur la période pertinente. Les données en mégaoctets risquent toutefois d’être sensiblement influencées par les avancées technologiques dans le secteur (augmentation du volume des DRAM en bits). En conséquence, la Commission considère que, dans le cas à l’examen, c’est l’analyse des données en termes de livraisons unitaires (unit shipments) qui offre la meilleure approche et elle en conclut que la valeur de 5,59 % constitue une estimation prudente et raisonnable du taux moyen de croissance du marché sur la période pertinente.

(71)

Comme déjà précisé, un marché est considéré comme en déclin au sens de l’encadrement multisectoriel lorsque, sur la période pertinente, le taux moyen de la croissance annuelle de la consommation apparente du produit en question est inférieure de plus de 10 % à la moyenne annuelle de l’ensemble de l’industrie manufacturière de l’EEE. Sur la période 1997-2002, l’industrie manufacturière de l’EEE a enregistré une croissance de 4,84 % en moyenne. Étant donné que le taux moyen annuel de croissance du marché des DRAM au cours de la période pertinente a été supérieur à ce niveau, la Commission considère que ce marché n’était pas en déclin et qu’il convient donc de fixer le facteur de concurrence à 1.

(72)

Enfin, la Commission observe qu’Infineon est actuellement soumise à une enquête du fait qu’elle aurait participé à un cartel dans le secteur des DRAM […]. La Commission est également informée du fait qu’Infineon est impliquée dans un litige relatif à une accusation de violation du droit des brevets aux États-Unis. La première affaire en particulier pourrait avoir une incidence sérieuse sur l’analyse de marché développée ci-dessus. Cependant, aucune de ces deux procédures n’est parvenue à son terme, et il n’est pas possible à ce stade, sans conclusions définitives, de prendre en compte leur impact éventuel sur l’analyse du marché. La Commission rappelle aux autorités portugaises que si les informations sur la base desquelles elle a bâti ses conclusions se révélaient incorrectes, conformément à l’article 9 du règlement de procédure (16), ou si, à l’issue des procédures susmentionnées, elle était amenée à conclure postérieurement que l’impact des infractions alléguées aux règles de concurrence n’a pas été négligeable, elle se réserve pleinement le droit de réévaluer la situation du marché sur la base d’une nouvelle analyse et, le cas échéant, d’abroger la présente décision.

(73)

Pour les projets à forte intensité en capital, l’encadrement multisectoriel définit un facteur capital-travail qui permet d’ajuster l’intensité maximale en vue de favoriser les projets qui contribuent effectivement à réduire le chômage grâce à la création d’un nombre relativement plus important de nouveaux emplois. Ce critère prend également en compte l’éventuel effet de distorsion de l’aide sur le prix du produit final.

(74)

Selon le Portugal, le projet conduit directement à la création de 264 emplois, distribués comme suit.

Tableau 10

Domaine

Emplois directs

Montage

131

Tests

116

TI

11

Contrôle de qualité

6

Total

264

(75)

Le Portugal précise cependant que 12 postes de travail ont été parallèlement supprimés. En termes nets, il considère donc que le nombre d’emplois directement créés par le projet s’élève à 252.

(76)

La Commission considère que les 252 emplois créés directement du fait de l’investissement peuvent être pris en compte, car il s’agit de chiffres raisonnables pour une augmentation de capacité de 150 %.

(77)

Par ailleurs, le Portugal affirme que tous les emplois déjà existants d’Infineon Portugal (596 emplois) on été sauvegardés grâce à l’investissement. Selon le Portugal, le groupe Infineon a réparti ses activités de production back-end entre le Portugal et la Malaisie. Si le projet d’investissement au Portugal n’avait pas été réalisé, le groupe Infineon aurait transféré la totalité de ses activités back-end en Malaisie, ce qui aurait entraîné la perte de la totalité des emplois situés au Portugal. Cette affirmation est confirmée par les éléments suivants:

a)

Le Portugal a présenté des éléments prouvant que le coût estimé du transfert en Malaisie des activités de l’établissement portugais est relativement réduit, compte tenu des coûts de transport de l’équipement, des indemnités à verser aux travailleurs, du remboursement des subventions publiques et des plus-values résultant de la vente des terrains et bâtiments.

b)

Les coûts d’exploitation en Malaisie sont très inférieurs à ceux du Portugal. La majorité des opérations de production back-end est située dans le Sud-Est asiatique, région qui offre des conditions d'investissement particulièrement attrayantes: salaires faibles (près de 50 % du coût de la main-d'œuvre au Portugal), marchés du travail plus flexibles, personnel qualifié disponible, coûts de formation plus bas, services publics (énergie, eau, gaz) meilleur marché, coûts des terrains et de la construction plus réduits, proximité géographique des clients, disponibilité de fournisseurs, politique plus souple en matière d’octroi de subventions, traitement fiscal plus favorable et critères de protection de l’environnement moins stricts.

c)

Un fabricant de mémoires DRAM (TI/Samsung) qui employait 740 travailleurs a cessé ses activités au Portugal avant qu’Infineon crée une unité dans ce secteur. Infineon a immédiatement repris 100 de ces travailleurs. Dans le cas d’espèce, il n’existe au Portugal aucun autre établissement dans le secteur des DRAM susceptible de reprendre les travailleurs d’Infineon.

d)

Avant la réalisation de l’investissement, la majorité des travailleurs d’Infineon participait directement ou indirectement au processus de production (489 emplois estimés, y compris lignes de production, recherche, contrôle de qualité, etc.). Les emplois dans le secteur de la production sont surtout occupés par des travailleurs peu qualifiés qui ont bénéficié d’une formation spéciale intensive (centrée sur l’équipement utilisé) dont certains sont plutôt âgés (notamment ceux provenant de TI/Samsung). Ont peut donc raisonnablement présumer que leur employabilité est relativement limitée.

e)

Pour réaliser l'investissement, d’importants efforts en matière de formation ont été nécessaires, que se soit en vue de la production de mémoires DRAM plus puissantes ou de l’introduction d’un nouveau produit (board on chip).

f)

La fabrication des produits anciens (puces de 16Mb et 64 Mb) a été interrompue après la réalisation de l’investissement. Actuellement, seules sont produites les nouvelles puces de capacité mémoire plus élevée.

(78)

La Commission conclut que, en l’absence de l’investissement, la probabilité d’une cessation des activités portugaises était réelle.

(79)

Dans ces conditions, la Commission considère que le nouvel investissement permet de sauvegarder les 596 emplois existants et de créer 252 nouveaux emplois, soit un total de 848 emplois. Le facteur capital-travail pour un investissement éligible de 141 036 103 EUR permettant la création ou le maintien de 848 emplois correspond à un ratio de 166 316 euros par emploi. En conséquence, le facteur «I» d’ajustement de l’intensité maximale de l’aide est fixé à 1.

(80)

Le facteur d’impact régional prend en considération les effets bénéfiques d’un nouvel investissement sur l’économie de la région aidée. La Commission considère que la création d’emplois peut être utilisée comme indicateur de la contribution d’un projet au développement d’une région. Un investissement intensif en capital peut créer indirectement un grand nombre d'emplois dans la région aidée concernée et les autres régions aidées voisines. Par création d'emplois, il faut entendre, dans ce contexte, les emplois créés directement par le projet et les emplois créés par les fournisseurs de premier rang et les clients du fait de l'investissement bénéficiant de l’aide.

(81)

Selon le Portugal, le projet a permis de créer indirectement 30 emplois dans la région. Ces emplois indirects ont été créés par des fournisseurs locaux d’équipements et de services. S’agissant d’un nombre d’emplois modeste par rapport au montant de l’investissement, la Commission présume que l’information fournie est correcte. En outre, la non-prise en compte de ces emplois créés indirectement n’affecterait pas la détermination du facteur d’impact régional. La Commission fixe en conséquence le facteur d’impact régional («M») à 1.

(82)

Compte tenu de ce qui précède, l’intensité maximale de l’aide admissible est calculée comme suit: 32 % × 1 × 1 × 1 = 32 % nets. L’aide envisagée d’un montant de 41 504 299 EUR que le Portugal souhaite accorder à Infineon Portugal pour son investissement à Vila do Conde correspond à une intensité d’aide de 29,4 % nets, intensité qui est donc inférieure à l’intensité maximale admissible calculée conformément à l’encadrement multisectoriel.

(83)

Pour chacun des projets aidés qu'elle aurait autorisés en vertu du présent encadrement, la Commission exige, soit que le contrat relatif à l'aide accordée conclu entre l'autorité nationale compétente et le bénéficiaire de l'aide contienne une clause de remboursement de l'aide en cas de non-respect du contrat, soit que la dernière tranche importante de l'aide (par exemple, 25 %) ne soit versée que lorsque le bénéficiaire de l'aide aura convaincu l'État membre concerné que le projet est mis en œuvre conformément à la décision de la Commission et sous réserve que cette dernière, sur la base des renseignements communiqués par cet État membre en ce qui concerne la mise en œuvre du projet, ait, dans un délai de soixante jours ouvrables, fait part de son accord ou n'ait formulé aucune objection au versement de la dernière tranche de l'aide.

(84)

La Commission constate que la réalisation de l’investissement vient de se terminer sans qu’aucune aide n’ait encore été déboursée dans l’attente de sa décision. Selon les autorités portugaises, l’investissement a été réalisé comme prévu, le nombre d’emplois créés et le montant de l’investissement correspondant en particulier aux chiffres susmentionnés.

(85)

En conséquence, la Commission considère que le Portugal s’est conformé aux obligations visées au point 6 de l’encadrement multisectoriel.

VI.   CONCLUSION

(86)

À la lumière des considérations qui précèdent, la Commission conclut que le montant de l’aide envisagée remplit les conditions permettant de le considérer comme compatible avec le marché commun,

A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:

Article premier

L’aide d’État que le Portugal envisage d’accorder en faveur d’Infineon Technologies Portugal SA, d’un montant de 41 504 299 EUR en équivalent-subvention net, remplit les conditions permettant de la considérer comme compatible avec le marché commun. Le versement de cette aide de 41 504 299 EUR en équivalent subvention net est en conséquence autorisé sur la base des informations actuellement disponibles.

Article 2

La République portugaise est destinataire de la présente décision.

Fait à Bruxelles, le 16 mars 2004.

Par la Commission

Mario MONTI

Membre de la Commission


(1)  JO C 235 du 1.10.2003, p. 55.

(2)  JO C 107 du 7.4.1998, p. 7.

(3)  Voir note 1 de bas de page.

(4)  Des parties de ce texte ont été omises afin de garantir qu’aucune information confidentielle ne soit communiquée. Ces parties sont indiquées par des points de suspension entre crochets, suivis d’un astérisque.

(5)  Des parties de ce texte ont été omises afin de garantir qu’aucune information confidentielle ne soit communiquée. Ces parties sont indiquées par des points de suspension entre crochets, suivis d’un astérisque.

(6)  Approuvé par la Commission le 26 juillet 2000 [lettre de la Commission SG(2000) D/106085 du 8 août 2000].

(7)  Approuvé par la Commission le 8 septembre 1999 [lettre de la Commission SG(1999) D/07974 du 6 octobre 1999].

(8)  Ce montant correspond à la partie remboursable du prêt, soit 56 414 441 EUR (montant total du prêt) – 42 310 831 EUR (subvention).

(9)  Cette définition du marché de produits en cause a également été appliquée par la Commission dans la procédure JV.44 Hitachi/Nec, points 14 à 20. Décision du 3 mai 2000.

(10)  JO C 74 du 10.3.1998, p. 9.

(11)  Lettre de la Commission SG(2000) D/100638 du 19 janvier 2000.

(12)  Voir décision de la Commission du 8 mai 2001, Wacker Chemie, et décision de la Commission du 3 juillet 2001, Kronoply.

(13)  Données fournies par un organisme de recherche indépendant, VLSI Research Inc.

(14)  Règlement (CE) no 708/2003 de la Commission (JO L 102 du 24.4.2003, p. 7) (droit compensatoire provisoire); règlement (CE) du Conseil no 1480/2003 (JO L 212 du 22.8.2003, p. 1) (droit compensatoire définitif).

(15)  Source: Gartner Dataquest (novembre 2003).

(16)  Règlement (CE) no 659/1999 du Conseil du 22 mars 1999 portant modalités d’application de l’article 88 du traité CE (JO L 83 du 27.3.1999, p. 1).