2.2.2005   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

L 29/24


DÉCISION DE LA COMMISSION

du 30 mars 2004

relative au régime d'aides mis à exécution par le Royaume-Uni en faveur des «qualifying companies» de Gibraltar

[notifiée sous le numéro C(2004) 928]

(Le texte en langue anglaise est le seul faisant foi.)

(Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE)

(2005/77/CE)

LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,

vu le traité instituant la Communauté européenne et, notamment, son article 88, paragraphe 2, premier alinéa,

vu l'accord sur l'Espace économique européen et, notamment, son article 62, paragraphe 1, point a),

après avoir mis les parties intéressées en demeure de présenter leurs observations, conformément aux articles précités (1), et vu ces observations,

considérant ce qui suit:

I.   PROCÉDURE

(1)

Par lettre du 12 février 1999 (D/50716), la Commission a invité le Royaume-Uni à lui fournir des informations sur une série de mesures fiscales, dont le régime des «qualifying companies» de Gibraltar. Le Royaume-Uni a répondu par lettre du 22 juillet 1999. La Commission a demandé un complément d'information le 23 mai 2000 et un rappel a été envoyé le 28 juin 2000. Le Royaume-Uni a répondu le 3 juillet 2000. Par lettre du 12 septembre 2000, le Royaume-Uni a fourni des renseignements sur le régime des «exempt companies» (A/37430). Une réunion a eu lieu avec les autorités britanniques et gibraltariennes le 19 octobre 2000 afin de discuter des régimes fiscaux «offshore» de Gibraltar, du régime des «qualifying companies» et de celui des «exempt companies». En réponse aux questions posées durant cette réunion, des informations complémentaires ont été communiquées par le Royaume-Uni le 8 janvier 2001 (A/30254).

(2)

Par lettre du 11 juillet 2001 (D/289757), la Commission a notifié au Royaume-Uni sa décision d'ouvrir la procédure prévue à l'article 88, paragraphe 2, du traité CE en ce qui concerne le régime des «qualifying companies» de Gibraltar. Après prorogation du délai de réponse d'un mois, le Royaume-Uni a répondu par lettre du 21 septembre 2001 (A/37407).

(3)

Par requête déposée au greffe du Tribunal de première instance des Communautés européennes le 7 septembre 2001, le gouvernement de Gibraltar a formé un recours en annulation contre la décision SG(2001) D/289755 d'ouvrir la procédure formelle d'examen en ce qui concerne le régime des «qualifying companies» de Gibraltar. Le recours a été enregistré sur le numéro d'affaire T-207/01. Une autre requête a été déposée par le gouvernement de Gibraltar le même jour en vue de l'adoption de mesures provisoires destinées à suspendre la décision SG(2001) D/289755 d'ouvrir la procédure formelle d'examen et d'enjoindre la Commission de ne pas la publier (affaire T-207/01 R). Par ordonnance du 19 décembre 2001, le président du Tribunal de première instance a rejeté la demande de mesures provisoires (2). Dans son arrêt du 30 avril 2002, le Tribunal de première instance a rejeté le recours en annulation formé contre la décision (3).

(4)

Le 21 novembre 2001, la Commission a demandé des informations sur le taux d'imposition applicable aux «qualifying companies». En l'absence de réponse, la Commission a envoyé un rappel officiel le 21 mars 2002 (D/51275). Le Royaume-Uni a répondu le 10 avril 2002 (A/32681). La Commission a demandé de nouveaux éclaircissements le 28 octobre 2002 (D/56088). Le Royaume-Uni a répondu le 11 novembre 2002 (A/38454) et a transmis des observations supplémentaires par lettre du 13 décembre 2002 (A/39209).

(5)

La décision de la Commission d'ouvrir la procédure formelle d'examen a été publiée au Journal officiel des Communautés européennes et invitait les parties intéressées à présenter leurs observations (4). Par lettres du 27 février 2002 (A/31518) et du 28 février 2002 (A/31557), la Commission a reçu des commentaires de Charles A. Gomez & Co, Barristers and Acting Solicitors, et du gouvernement de Gibraltar. Ces commentaires ont été communiqués au Royaume-Uni, qui a répondu par lettre du 28 avril 2002 (A/33257).

II.   DESCRIPTION DE LA MESURE

(6)

La définition d'une «qualifying company» est donnée dans l'Income Tax (Amendment) Ordinance de Gibraltar du 14 juillet 1983 (ordonnance portant modification de l'ordonnance relative à l'impôt sur le revenu). Les modalités détaillées d'application du régime des «qualifying companies» ont été adoptées dans les Income Tax (Qualifying Companies) Rules du 22 septembre 1983. L'ensemble de ces règles est désigné dans la présente décision sous l'appellation de «réglementation sur les “qualifying companies”».

(7)

Pour bénéficier du statut de «qualifying company», une société doit, notamment, remplir les conditions suivantes:

elle doit être enregistrée à Gibraltar conformément à la Companies Ordinance (ordonnance sur les sociétés),

elle doit posséder un capital libéré en actions de 1 000 livres sterling (GBP) (ou l'équivalent dans une autre devise),

elle doit déposer une caution de 1 000 GBP auprès du gouvernement de Gibraltar pour les impôts futurs,

elle doit acquitter un droit de 250 GBP pour obtenir le certificat de «qualifying company»,

aucun ressortissant ou résident de Gibraltar ne peut détenir une participation bénéficiaire dans la société,

elle ne peut conserver aucun registre d'actions en dehors de Gibraltar et son acte de constitution ou ses statuts doivent le lui interdire,

la société ne peut, sans l'autorisation préalable du directeur du Gibraltar Finance Centre, commercer ou faire des affaires à Gibraltar avec des ressortissants ou des résidents de Gibraltar. Elle peut toutefois commercer avec d'autres «exempt companies» ou «qualifying companies».

(8)

Une société qui remplit les conditions susvisées obtient un certificat de «qualifying company». Une fois délivré, ce certificat a une validité de vingt-cinq ans.

(9)

Une «qualifying company» est assujettie à l'impôt sur les bénéfices à un taux toujours inférieur au taux normal de l'impôt sur les sociétés, actuellement fixé à 35 %. Le taux d'imposition appliqué est négocié entre l'entreprise concernée et la Finance Centre Division, une section du ministère du commerce, de l'industrie et des télécommunications de Gibraltar. Aucun texte réglementaire ne précise comment ces négociations doivent être menées. La plupart des «qualifying companies» acquittent un impôt compris entre 2 et 10 % et, récemment, la politique des autorités gibraltariennes a consisté à faire en sorte que toutes les «qualifying companies» paient un impôt variant entre 2 et 10 % de leurs bénéfices. À l'intérieur de cette fourchette, le taux d'imposition est fixé afin d'assurer une cohérence entre toutes les sociétés actives dans le même secteur (5). Les taux d'imposition sont les suivants:

(en %)

Secteur

Taux d'imposition

Investissement privé

5

Services financiers

5

Jeux d'argent

5

Exploitation de satellites

2

Services de transport, y compris la réparation et la rénovation

2

Opérateurs en général

5

Services de conseil

5

Autres (par exemple, services philatéliques, commissionnaires)

2-10

(10)

Le statut de «qualifying company» présente d'autres avantages:

les honoraires dus aux non-résidents (y compris les directeurs) et les dividendes versés aux actionnaires sont imposés au même taux que celui applicable aux bénéfices de la société,

il n'y a pas de droit de timbre sur le transfert d'actions d'une «qualifying company».

(11)

Selon les informations fournies par le Royaume-Uni, lorsque la société considérée requiert une présence «physique» à Gibraltar, l'entreprise exerçant ladite activité doit généralement obtenir le statut de «qualifying company» plutôt que celui d'«exempt company» (6). Les «qualifying companies» sont également particulièrement intéressantes lorsqu'une filiale doit transférer des fonds à sa société mère et est tenue d'acquitter un certain niveau d'impôt afin de réduire l'imposition complémentaire dans le pays d'origine.

III.   RAISONS AYANT CONDUIT À L'OUVERTURE DE LA PROCÉDURE

(12)

Dans son évaluation des informations fournies par le Royaume-Uni durant son examen préliminaire, la Commission a estimé que la réduction du montant total de l'impôt exigible sur les sociétés était susceptible de conférer un avantage aux «qualifying companies». Elle a jugé que cet avantage était accordé au moyen de ressources d'État, affectait les échanges entre États membres et était sélectif. La Commission a également conclu qu'aucune des dérogations à l'interdiction générale des aides d'État prévues à l'article 87, paragraphes 2 et 3, du traité CE, ne s'appliquait. En conséquence, la Commission a émis des doutes quant à la compatibilité de la mesure avec le marché commun et a dès lors décidé d'ouvrir la procédure formelle d'examen.

IV.   COMMENTAIRES DU GOUVERNEMENT DE GIBRALTAR

(13)

Le gouvernement de Gibraltar formule des commentaires qui peuvent être classés en quatre catégories, à savoir:

la réglementation sur les «qualifying companies» ne constitue pas une aide d'État au sens de l'article 87 du traité CE,

si la réglementation sur les «qualifying companies» constitue une aide d'État, il s'agit d'une aide existante et non pas d'une aide nouvelle et illégale,

si la réglementation sur les «qualifying companies» constitue une aide d'État, elle est compatible avec le marché commun en application de la dérogation prévue à l'article 87, paragraphe 3, point b), du traité CE,

si la réglementation sur les «qualifying companies» constitue une aide illégale et incompatible, l'injonction de récupération de l'aide serait contraire aux principes généraux du droit communautaire.

(14)

Ces commentaires peuvent se résumer comme suit.

(15)

L'article 87, paragraphe 1, du traité CE ne s'applique pas aux régimes fiscaux, comme la réglementation sur les «qualifying companies», qui sont destinées à fonctionner dans un contexte international. En particulier, étant donné que le statut de «qualifying company» est accordé dans la mesure où ces sociétés n'exercent pas d'activité à l'intérieur de Gibraltar, il n'existe pas d'avantage sous la forme d'une exonération des taux d'imposition normalement applicables, puisque Gibraltar n'est pas compétent pour accorder un avantage concernant une autre juridiction.

(16)

Bien que le gouvernement de Gibraltar accepte que les avantages conférés par le régime des «qualifying companies» sont totalement isolés du marché domestique au sens du point B du code de conduite dans le domaine de la fiscalité des entreprises (7), adopté par la résolution du Conseil et des représentants des gouvernements des États membres réunis au sein du Conseil du 1er décembre 1997, aucune ressource d'État n'est impliquée. La mesure ne fait peser aucune charge financière sur le budget du gouvernement de Gibraltar.

(17)

La mesure n'est pas sélective au motif qu'une «qualifying company» peut être constituée par toute personne physique ou morale, quelle que soit sa nationalité ou son activité économique. Le gouvernement de Gibraltar admet que le statut de «qualifying company» n'est pas accessible aux entreprises qui commercent à Gibraltar ou dans lesquelles des ressortissants ou des résidents de Gibraltar détiennent une participation bénéficiaire. Toutefois, ceci constitue tout au plus un acte de discrimination à rebours qui n'affecte pas la concurrence.

(18)

La mesure n'est pas couverte par le champ d'application de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE, dans la mesure où certaines «qualifying companies» sont constituées par des particuliers pour des raisons fiscales, pour posséder des avoirs ou des biens fonciers, ou pour gérer leur fortune personnelle. Ces sociétés ne font pas de commerce, ne produisent pas et n'exercent pas de concurrence sur le marché.

(19)

Gibraltar ne fait pas partie du territoire douanier commun de la Communauté et est traité comme un pays tiers aux fins des échanges de biens. L'article 87 du traité CE ne saurait donc s'appliquer à une aide considérée comme accordée à des entreprises actives dans les échanges de biens étant donné que les biens produits à Gibraltar ne circulent pas librement dans le marché commun, mais sont soumis à des formalités douanières. Les échanges entre États membres ne peuvent dès lors pas être affectés.

(20)

La motivation de la décision 2000/394/CE de la Commission du 25 novembre 1999 concernant les mesures d'aides en faveur des entreprises implantées sur le territoire de Venise et de Chioggia, prévues par les lois no 30/1997 et no 206/1995 instituant des réductions de charges sociales (8), qui conclut que l'avantage accordé à certaines entreprises ne constituait pas une aide d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE, s'applique aux «qualifying companies» constituées à des fins fiscales et aux sociétés qui échangent des biens.

(21)

Un grand nombre des entreprises bénéficiant du statut de «qualifying company» profiteraient des règles de minimis actuellement en vigueur.

(22)

La réglementation sur les «qualifying companies» remonte à 1983, à une époque où ni la Commission, ni les États membres, ni les opérateurs économiques ne savaient clairement si et dans quelle mesure les règles en matière d'aides d'État devaient s'appliquer systématiquement à la législation nationale sur la fiscalité des entreprises. Il existe peu ou prou d'exemples de mesures prises par la Commission dans le cadre des règles en matière d'aides d'État à l'encontre de mesures générales sur la fiscalité des entreprises avant les années 1990. La réglementation de Gibraltar précède de dix ans la libéralisation des mouvements de capitaux et de quinze ans la définition précise de la notion d'aide d'État formulée par la Commission dans sa communication sur l'application des règles relatives aux aides d'État aux mesures relevant de la fiscalité directe des entreprises (9) (ci-après la «communication»). La réglementation sur les «qualifying companies» s'est inspirée de la réglementation de 1967 sur les «exempt companies», qui est antérieure à l'adhésion de Gibraltar à l'Union européenne en 1973.

(23)

La réglementation sur les «qualifying companies» a été notifiée au groupe «Primarolo» institué en application du point H du code de conduite sur la fiscalité des entreprises par le gouvernement britannique avant même la publication de la communication de 1998. À l'époque, rien ne laissait supposer que des mesures qualifiées de dommageables par le code de conduite sur la fiscalité des entreprises seraient traitées par la Commission comme de nouvelles mesures d'aides non notifiées.

(24)

La communication contient la première définition approfondie, quoique non exhaustive, d'une «aide fiscale d'État». Il s'agit d'une innovation administrative et elle peut être considérée davantage comme une déclaration politique sur l'action future de la Commission en la matière que comme une «clarification» de la législation en vigueur.

(25)

L'article 1er, point b) v), du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil du 22 mars 1999 portant modalités d'application de l'article 93 du traité CE (10) dispose que des mesures peuvent devenir une aide par la suite en raison de l'évolution du marché commun et du fait de la libéralisation de certaines activités. La réglementation sur les «qualifying companies» constitue une mesure, au sens de cette disposition, qui n'est devenue une aide que par la suite. En ne considérant pas la réglementation sur les «qualifying companies» comme une aide existante, la Commission applique, de manière rétroactive, les critères relativement affinés de 2001 sur les aides d'État à la situation économique et juridique différente qui prévalait en 1983. À cet égard, le régime irlandais en matière d'impôt sur les sociétés n'a pas été qualifié d'aide au départ, bien que le point de vue de la Commission ait changé par la suite (11) et traduise le resserrement progressif de la discipline communautaire en ce qui concerne de tels régimes d'incitations fiscales.

(26)

En faisant usage de son pouvoir discrétionnaire pour traiter la réglementation sur les «qualifying companies» comme une aide nouvelle et illégale, la Commission a violé le principe de proportionnalité. Ce traitement a des conséquences économiques désastreuses. Les dommages considérables qui seront causés sont disproportionnés par rapport à l'intérêt communautaire susceptible d'être servi par l'ouverture d'une procédure pour aide illégale, en particulier au vu de la taille réduite de l'économie de Gibraltar et de l'impact nécessairement insignifiant de la réglementation en cause sur la concurrence et le commerce international. La Commission aurait adopté une approche plus équitable en considérant la réglementation sur les «qualifying companies» sous l'angle du code de conduite dans le domaine de la fiscalité des entreprises, des articles 96 et 97 du traité CE ou de la procédure applicable aux aides existantes.

(27)

Enfin, la Commission a enfreint les principes de sécurité juridique et de confiance légitime en attendant dix-huit ans avant de remettre en cause la réglementation sur les «qualifying companies» et en ne procédant pas à un examen de ladite réglementation dans un délai raisonnable. La conformité de cette réglementation avec le droit communautaire n'a jamais été mise en doute par la Commission avant février 1999. Par analogie avec l'affaire Defrenne (12), ce défaut prolongé d'agir de la Commission a fait naître une confiance légitime dans le chef des autorités de Gibraltar.

(28)

Les examens de la Commission devraient être soumis à un délai de prescription. De la sorte, en application de l'article 15 du règlement (CE) no 659/1999, toute aide individuelle accordée dans le cadre d'un régime d'aide dix ans avant que la Commission ne prenne des mesures doit être réputée être une aide existante. Selon cette règle, la Commission aurait dû considérer la réglementation sur les «qualifying companies» comme un régime d'aide existant. En tout état de cause, la Commission a violé les principes de confiance légitime et de sécurité juridique en laissant s'écouler un laps de temps excessivement long après avoir entamé son examen de la législation. En effet, l'examen préliminaire a débuté le 12 février 1999, mais la procédure formelle d'examen n'a commencé que deux ans et demi plus tard. L'examen préliminaire a été ponctué de longues périodes d'inactivité de la Commission. Étant donné que jusqu'en novembre 2000, la Commission nourrissait certains doutes sur l'utilité d'ouvrir la procédure relative aux aides d'État en ce qui concerne les mesures dommageables identifiées par le groupe «Code de conduite», il est raisonnable de prétendre que la procédure relative aux aides existantes aurait dû être suivie.

(29)

L'article 87, paragraphe 3, point b), du traité CE dispose que les aides destinées à remédier à une perturbation grave de l'économie d'un État membre peuvent être considérées comme compatibles avec le marché commun. La réglementation sur les «qualifying companies» est entrée en vigueur un an avant la fermeture du chantier naval de la Royal Navy (annoncée en 1981) et à une époque où la présence militaire britannique à Gibraltar se réduisait. Le chantier naval était la principale source d'emploi et de revenus pour Gibraltar et représentait 25 % de l'emploi et 35 % du produit intérieur brut (PIB) du Rocher. Sa fermeture a provoqué de graves perturbations de l'économie gibraltarienne, dont des changements structurels et une catastrophe économique en termes de chômage, des coûts sociaux accrus et l'exode de travailleurs qualifiés. La réglementation sur les «qualifying companies» était une réponse à ces perturbations graves.

(30)

Bien que la Commission et la Cour de justice aient interprété l'article 87, paragraphe 3, point b), du traité CE au sens strict comme signifiant que la perturbation en cause doit affecter l'ensemble de l'économie de l'État membre et pas seulement celle d'une de ses régions ou parties de territoire (13), il est justifié d'appliquer la dérogation visée à l'article 87, paragraphe 3, point b), du traité CE à Gibraltar. À la différence d'une région ou d'un territoire d'un État membre, Gibraltar est à tous égards totalement séparé du Royaume-Uni, notamment au plan constitutionnel, politique, législatif, budgétaire et géographique. C'est le seul territoire dans lequel le droit communautaire s'applique en vertu de l'article 299, paragraphe 4, du traité CE. Les économies de Gibraltar et du Royaume-Uni sont totalement distinctes et séparées. Gibraltar ne reçoit aucune aide financière du Royaume-Uni et perçoit ses propres recettes pour répondre à ses dépenses. En conséquence, des perturbations qui affectent une économie n'affectent généralement pas l'autre, comme c'est le cas avec la crise de l'encéphalopathie spongiforme bovine, traitée comme un événement extraordinaire au sens de l'article 87, paragraphe 2, point b), du traité CE.

(31)

Pour l'essentiel, un raisonnement similaire à celui résumé aux considérants 22 à 28 sur l'aide existante peut être avancé pour plaider en faveur du principe de confiance légitime dans le cadre de la récupération de l'aide. Ces arguments couvrent notamment l'incertitude quant à la portée des règles relatives aux aides d'État, le caractère novateur de l'action de la Commission en ce qui concerne les mesures relatives à la fiscalité des entreprises et l'importance de la communication en tant que déclaration politique, l'âge de la mesure, la notification au groupe Primarolo, l'évolution du marché commun et sa libéralisation, la proportionnalité, le défaut prolongé d'agir de la Commission et la longueur de l'examen préliminaire. La confiance légitime empêche donc une injonction de récupération. En particulier, à tous moments, le gouvernement de Gibraltar et les bénéficiaires ont agi de bonne foi.

(32)

Le considérant 26 de la décision d'ouvrir la procédure formelle d'examen (14) incluait une demande spécifique de commentaires sur une éventuelle confiance légitime qui ferait obstacle à la récupération de l'aide. Dans ses mémoires en défense dans les affaires T-207/01 et T-207/01 R, la Commission a confirmé ses hésitations quant à la possibilité d'une injonction de récupération et a souligné le caractère inhabituel de la demande de commentaires spécifiques. La Commission a également indiqué que l'insécurité qui a pu exister et la possibilité que la mesure se situe dans une «zone grise» d'insécurité juridique a tout au plus suscité une confiance légitime et un débat sur la récupération de l'aide déjà payée. Dans son ordonnance du 19 décembre 2001, le président du Tribunal de première instance a fait observer que cette démarche inhabituelle pourrait convaincre des sociétés de ne pas quitter Gibraltar et doit, à première vue, calmer considérablement les éventuelles inquiétudes des bénéficiaires (15). En conséquence, la Commission a fait croire au gouvernement de Gibraltar et aux bénéficiaires que la récupération ne serait pas demandée.

(33)

L'application de l'article 87 du traité CE à un régime «offshore» classique est nouvelle et pose encore des difficultés conceptuelles en ce qui concerne la détermination d'un avantage, la charge financière pesant sur l'État et la sélectivité.

(34)

La Commission elle-même, lors de l'ouverture de l'examen formel, n'était pas en mesure, exceptionnellement, de statuer sur la question de l'aide existante.

(35)

La récupération serait contraire au principe de proportionnalité. En droit communautaire, lorsqu'il existe un choix entre plusieurs moyens d'action, le moyen le moins onéreux doit être retenu. Les désavantages provoqués ne doivent pas être disproportionnés par rapport aux objectifs poursuivis.

(36)

La récupération d'une aide accordée au cours des dix années précédentes imposerait une charge disproportionnée aux autorités gibraltariennes. Gibraltar est un petit territoire dont les ressources administratives sont limitées – durant chaque exercice, 2 000 sociétés seulement sont assujetties à l'impôt. La récupération impliquerait notamment de demander les comptes pertinents des «qualifying companies» (y compris de celles qui ne sont plus actives), d'évaluer l'obligation fiscale pour chaque exercice, d'établir les demandes, de traiter les recours et les pourvois et d'engager des poursuites pour non-paiement de l'impôt dû. La charge administrative, les pouvoirs d'enquête limités de l'administration fiscale de Gibraltar, l'impossibilité de retrouver les sociétés qui ont cessé leur activité et l'absence de biens des sociétés à Gibraltar paralyseraient l'activité gouvernementale, sans pour autant apporter de garantie quant à une récupération satisfaisante.

(37)

La récupération aurait un effet disproportionné sur l'économie de Gibraltar et constituerait une sanction disproportionnée au vu des circonstances qui ont conduit à l'adoption de la réglementation sur les «qualifying companies», de son effet limité sur la concurrence et les échanges et de la petite taille des bénéficiaires. Les services financiers représentent approximativement 30 % du PIB de Gibraltar et l'emploi directement lié aux «qualifying companies» est estimé à 1 400 personnes (sur une main-d'œuvre totale de quelque 14 000 personnes). Le secteur financier a un impact considérable sur la quasi-totalité des autres secteurs de l'économie. Un ordre de récupération de l'aide entraînerait la liquidation, la faillite ou l'exode des «qualifying companies», une déstabilisation du secteur des services financiers et un chômage massif, qui déclencheraient, à leur tour, une instabilité politique, économique et sociale.

(38)

Un grand nombre de «qualifying companies» ne seraient pas assujetties à l'impôt à Gibraltar étant donné que leurs revenus ne proviennent pas de Gibraltar, n'y sont pas générés et n'y sont pas perçus. Du fait des conditions d'éligibilité, dans de nombreux cas, les bénéficiaires ne possèdent aucun actif à Gibraltar. D'autres, qui ont cessé leur activité, ne pourraient pas être retrouvées.

(39)

De nombreux bénéficiaires seraient les destinataires d'une aide couverte par la règle de minimis.

V.   COMMENTAIRES DE CHARLES A. GOMEZ & CO

(40)

Les commentaires de Charles A. Gomez & Co peuvent se résumer comme suit.

(41)

Les professions juridiques à Gibraltar dépendent dans une large mesure du travail du Finance Centre, auquel les «qualifying companies» apportent une contribution non négligeable. Quelque 130 juristes emploient plusieurs centaines de personnes et contribuent donc largement de manière indirecte à l'emploi à Gibraltar et en Espagne.

(42)

Le recours à l'article 87, paragraphe 3, point a), du traité CE ne saurait être restreint aux régions où le niveau de vie est déjà bas ou dans lesquelles sévit déjà un grave sous-emploi. Le principe qui sous-tend l'article 87, paragraphe 3, point a), du traité CE doit également s'appliquer pour éviter le chômage et la pauvreté. À l'époque de l'entrée en vigueur de la réglementation sur les «qualifying companies», Gibraltar faisait face à vingt années de sanctions économiques de l'Espagne et à la fermeture imminente du chantier naval de la Royal Navy. Devant la perspective de la pauvreté, du chômage et de l'émigration, les autorités ont trouvé une source alternative de prospérité en instituant le Finance Centre, auquel contribue largement la réglementation sur les «qualifying companies». L'intérêt européen ne saurait lier l'acceptation de la pauvreté et le chômage, en excluant l'application de l'article 87, paragraphe 3, point a), du traité CE à cette situation, alors que des alternatives viables existent. À la différence d'autres grands centres financiers, celui de Gibraltar est né de la nécessité. Cette nécessité, l'autodéfense et le devoir de limiter les dommages causés par d'autres justifient la réglementation sur les «qualifying companies».

(43)

Depuis l'adhésion à la Communauté en 1973, les institutions communautaires n'ont jamais défendu les droits et intérêts des ressortissants de l'Union résidant à Gibraltar. En dépit d'un arrêt de la Cour de justice, les ressortissants de l'Union établis à Gibraltar ne sont pas représentés au Parlement européen. En l'absence de toute implication dans le «territoire communautaire de Gibraltar», l'insistance de la Commission concernant la notification des mesures défensives prises par Gibraltar paraît excessive.

VI.   COMMENTAIRES DU ROYAUME-UNI

(44)

Le Royaume-Uni a restreint ses commentaires initiaux à la question de la récupération de l'aide et à la sélectivité régionale et a formulé d'autres observations sur les commentaires du gouvernement de Gibraltar. Le point de vue britannique peut se résumer comme suit.

(45)

Si la réglementation sur les «qualifying companies» est considérée comme une aide illégale incompatible avec le marché commun, il existe un principe de droit communautaire, celui de la confiance légitime, qui exclut toute injonction de récupération d'une aide déjà versée. Bien que la confiance légitime ne survienne que dans des circonstances exceptionnelles où un bénéficiaire pouvait légitimement croire que l'aide était licite (16), ces circonstances sont réunies dans le cas d'espèce et il serait inapproprié et illégal que la Commission rende une injonction de récupération.

(46)

La procédure au titre de l'article 88, paragraphe 2, du traité CE découle de l'adoption du code de conduite dans le domaine de la fiscalité des entreprises en 1997, dans lequel la Commission s'engageait à appliquer de manière stricte les règles en matière d'aides d'État aux mesures relatives à la fiscalité directe des entreprises. Implicitement, cet engagement reconnaissait que, dans le passé, les règles relatives aux aides d'État n'avaient pas été appliquées de manière stricte aux régimes fiscaux du type visé dans le code de conduite dans le domaine de la fiscalité des entreprises.

(47)

Il est extrêmement improbable qu'en 1984 le gouvernement de Gibraltar ou celui du Royaume-Uni aient envisagé la possibilité que les règles en causes enfreignaient les obligations britanniques en matière d'aides d'État. Même s'il était clair, à l'époque, qu'un avantage fiscal sectoriel ou extrêmement spécifique était susceptible de constituer une aide d'État, l'application des règles en matière d'aides d'État à des régimes plus généraux de fiscalité des entreprises, comme le régime des «qualifying companies», n'avait fait l'objet d'aucun véritable commentaire ou déclaration théorique de la Commission. Il serait déraisonnable d'attendre d'opérateurs diligents qu'ils posent des questions sur la compatibilité de la mesure avec les règles en matière d'aides d'État. Ils avaient élaboré leurs plans d'exploitation et modifié leur situation économique en fonction de la réglementation sur les «qualifying companies» et étaient en droit de supposer que les avantages fiscaux étaient licites.

(48)

Le point 26 de la communication énumère les circonstances dans lesquelles des sociétés non résidentes sont traitées plus favorablement que les sociétés résidentes. C'était la première fois qu'un traitement fiscal différenciant des sociétés résidentes et non résidentes était reconnu par la Commission comme un acte de sélection ou une «spécificité» susceptible de faire intervenir les règles relatives aux aides d'État. La réglementation sur les «qualifying companies» existait alors depuis de nombreuses années, sans avoir été la cible d'une quelconque critique ou commentaire de la part de la Commission.

(49)

Le seul fait que le régime des «qualifying companies» soit une caractéristique de la législation gibraltarienne qui ne s'applique pas dans le reste du Royaume-Uni ne saurait aboutir à l'élément de sélectivité requis par l'article 87, paragraphe 1, du traité CE. Gibraltar est une juridiction distincte du reste du Royaume-Uni au plan fiscal et jouit d'une autonomie dans le domaine fiscal. Il n'est pas vrai qu'une différence entre la législation fiscale applicable à Gibraltar et celle applicable au reste du Royaume-Uni donnerait automatiquement lieu à une aide d'État. Une juridiction d'un État membre, jouissant de l'autonomie fiscale, ne saurait créer une aide d'État au seul motif qu'un aspect particulier de son régime fiscal entraîne un niveau d'imposition inférieur (ou supérieur) à celui applicable dans le reste de l'État membre. Si une mesure fiscale est d'application générale au sein de la juridiction fiscale en cause, elle ne saurait relever de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE. Une autre conclusion reviendrait à remettre en cause les diverses compétences fiscales et de levée d'impôt des administrations décentralisées dans la Communauté. Cela constituerait une ingérence grave dans les dispositions constitutionnelles des États membres.

(50)

Le Royaume-Uni souscrit au moyen du gouvernement de Gibraltar selon lequel la réglementation sur les «qualifying companies» devrait être considérée comme une aide existante conformément à l'article 1er, point b) v), du règlement (CE) no 659/1999. Dans les années 1970 et 1980, il était universellement supposé que la souveraineté des États membres dans le domaine fiscal n'était pas limitée par les règles relatives aux aides d'État pour des régimes complets de fiscalité des entreprises. La Commission n'a pas tenté d'appliquer lesdites règles au régime fiscal de Gibraltar ou à d'autres régimes fiscaux de la Communauté offrant un traitement fiscal favorable à certaines catégories d'entreprises par rapport à d'autres. Ce n'est qu'à la suite de l'accord sur la libéralisation complète des mouvements de capitaux et des services financiers dans les années 1980 et au début des années 1990, respectivement, et lors de l'avènement de la monnaie unique dans les années 1990 que l'attention s'est sérieusement portée sur la limitation de la concurrence dommageable suscitée par les régimes fiscaux des États membres. Le recours aux dispositions du traité en matière d'aides d'État pour donner effet à cette politique fiscale est un phénomène qui n'est apparu qu'il y a quatre ans. Le marché commun a évolué au cours des trois dernières décennies et de nombreux instruments d'aide aujourd'hui n'auraient pas été considérés comme des aides d'État il y a trente, vingt, voire dix ans d'ici.

(51)

À supposer même que la Commission ait raison, en l'état actuel du droit communautaire, de considérer l'introduction de la réglementation sur les «qualifying companies» comme une mesure d'aide d'État qui nécessiterait une notification si elle était adoptée aujourd'hui, ni la Commission ni la Cour de justice ne l'auraient considérée comme une aide d'État requérant une notification à l'époque où elle a été adoptée. En 1984, l'Espagne n'était pas encore un État membre et de nombreux États membres appliquaient des législations bancaires et des contrôles des changes pour éviter l'utilisation d'avantages fiscaux du type de ceux existant à Gibraltar. Il est loin d'être évident que les mesures adoptées par Gibraltar étaient de nature à fausser la concurrence et à affecter les échanges entre États membres à l'époque.

(52)

À cette époque, la Commission elle-même réglait, dans la mesure du possible, les cas de traitement fiscal différencié en recourant à l'article 95 du traité CE (devenu article 90) plutôt que de s'appuyer sur les règles relatives aux aides d'État. Les commentateurs et les juristes spécialisés en droit fiscal n'estimaient pas que les principes des aides d'État s'appliquaient à d'autres cas que ceux où des exonérations fiscales spécifiques étaient accordées à des entreprises individuelles ou à des groupes d'entreprises pour des raisons de politique sectorielle. Il n'est pas possible de soutenir que des mesures telles que la réglementation de Gibraltar sur les «qualifying companies» pouvaient constituer une aide d'État jusqu'à la publication de la communication du 10 décembre 1998.

(53)

Quant à la récupération de l'aide, le Royaume-Uni partage les arguments du gouvernement de Gibraltar selon lesquels l'application systématique par la Commission des règles relatives aux aides d'État aux mesures de fiscalité directe est une nouveauté et que toute aide serait impossible à récupérer. La récupération ferait peser une charge disproportionnée sur les autorités de Gibraltar; de nombreuses «qualifying companies» ne seraient pas assujetties à l'impôt sur les sociétés à Gibraltar; il serait impossible d'évaluer et/ou de récupérer l'aide dans un grand nombre de cas et de nombreux bénéficiaires auraient reçu une aide de minimis.

VII.   APPRÉCIATION DE LA MESURE

(54)

Après avoir étudié les observations des autorités britanniques, du gouvernement de Gibraltar et de Charles A. Gomez & Co, la Commission maintient la position qu'elle avait exposée dans sa décision d'ouverture de la procédure au titre de l'article 88, paragraphe 2, du traité CE du 11 juillet 2001 (17), adressée au Royaume-Uni, à savoir que le régime en cause constitue une aide d'État illégale couverte par le champ d'application de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE.

(55)

Pour être considérée comme une aide d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE, une mesure doit remplir les quatre critères suivants.

(56)

Premièrement, la mesure doit procurer à ses bénéficiaires un avantage qui allège les charges qui grèvent normalement leur budget. Conformément au point 9 de la communication, l'avantage fiscal peut être accordé par différents types de réduction de la charge de l'entreprise et, notamment, par une réduction du montant de l'impôt. Le régime des «qualifying companies» remplit manifestement ce critère. En effet, plutôt que d'être assujetties à l'impôt sur les revenus au taux normal de l'impôt sur les sociétés de 35 % en vigueur à Gibraltar, les «qualifying companies» négocient leur taux d'imposition avec les autorités fiscales, ainsi que l'indique le considérant 9 ci-dessus.

(57)

L'observation selon laquelle la réglementation sur les «qualifying companies» est un régime fiscal destiné à fonctionner dans un contexte international n'est pas pertinente aux fins de sa qualification comme aide d'État. Bien que la Commission accepte l'argument selon lequel Gibraltar n'est pas compétent pour accorder des avantages fiscaux pour d'autres juridictions, le fait que les «qualifying companies» négocient leur taux d'imposition démontre clairement qu'elles génèrent des revenus qui, si leur traitement spécial n'existait pas, seraient assujettis au taux standard de l'impôt sur les sociétés. Quel que soit le type d'activités qu'exercent les «qualifying companies», le statut de «qualifying company» leur est accordé dans la mesure où elles sont enregistrées à Gibraltar ou sont des filiales enregistrées de sociétés étrangères. En conséquence, les «qualifying companies» bénéficient d'un traitement fiscal spécial et plus favorable que celui d'autres sociétés enregistrées à Gibraltar.

(58)

Deuxièmement, l'avantage doit être accordé par l'État membre ou au moyen de ressources d'État. L'octroi d'une réduction d'impôt, telle que celle négociée entre une «qualifying company» et les autorités gibraltariennes, implique une perte de recettes fiscales qui, conformément au point 10 de la communication, équivaut à la consommation de ressources d'État sous la forme de dépenses fiscales.

(59)

L'argument du gouvernement de Gibraltar selon lequel, du fait de l'isolement, la mesure ne fait peser aucune charge apparente sur son budget, doit être rejeté. En effet, de l'avis de la Commission, aux fins de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE, l'avantage fiscal est accordé au moyen de ressources d'État étant donné que cet avantage trouve son origine dans la renonciation par l'État membre aux recettes fiscales qu'il aurait normalement perçues (18). En l'absence de l'avantage fiscal isolé, les activités des «qualifying companies», dans la mesure où elles relèvent de la juridiction des autorités de Gibraltar, seraient soumises au taux plein de l'impôt sur les sociétés en vigueur à Gibraltar. Cette différence de taux d'imposition représente la perte de recettes fiscales.

(60)

Troisièmement, la mesure doit affecter la concurrence et les échanges entre États membres. Ce critère est rempli en ce que les «qualifying companies» sont en mesure, réellement ou potentiellement, de commercer avec des entreprises établies dans d'autres États membres ou d'être actives sur les marchés de pays tiers ouverts à des entreprises d'autres États membres. C'est particulièrement vrai puisque, normalement, des «qualifying companies» ne peuvent pas commercer ou faire des affaires à Gibraltar avec des ressortissants ou des résidents de Gibraltar.

(61)

Même si certaines «qualifying companies» sont constituées par des particuliers à des fins fiscales et non pas pour commercer, produire ou exercer une concurrence sur le marché, elles ne sont pas empêchées de le faire. Cependant, le fait que la plupart des «qualifying companies» soient physiquement présentes à Gibraltar et génèrent des revenus assujettis à l'impôt sur les entreprises, quoiqu'à un taux réduit, donne à penser qu'elles exercent en fait une activité économique. Cette conclusion est confirmée par le grand éventail de secteurs dans lesquels les «qualifying companies» sont actives (voir considérant 9 ci-dessus).

(62)

La Commission relève que Gibraltar ne fait pas partie du territoire douanier commun de la Communauté. Cependant, cela n'affecte pas l'application des règles relatives aux aides d'État aux entreprises de Gibraltar actives dans le commerce des biens. Il ne leur est pas interdit de commercer avec des entreprises implantées sur le territoire douanier commun ni d'exercer une concurrence sur les marchés de pays tiers où d'autres entreprises communautaires sont actives, que ce soit réellement ou potentiellement. En conséquence, dans la mesure où l'avantage fiscal accordé aux «qualifying companies» qui échangent des biens renforce leur position, les échanges et la concurrence s'en trouvent affectés.

(63)

Les parallèles établis avec la motivation de la décision 2000/394/CE de la Commission concernant les aides aux entreprises implantées dans le territoire de Venise et de Chiogga doivent également être rejetés. Les circonstances des deux affaires sont assez différentes. En particulier, la conclusion qu'il n'y avait pas d'incidence sur les échanges et, partant, qu'aucune aide aux trois entreprises individuelles n'était fondée, entre autres, sur le caractère local des services fournis. Ces considérations ne s'appliquent manifestement pas aux «qualifying companies» qui, comme le remarque le gouvernement de Gibraltar lui-même, opèrent dans un contexte international.

(64)

La règle de minimis ne saurait être invoquée pour justifier l'application du régime des «qualifying companies». Il n'existe pas de mécanisme pour empêcher l'octroi d'une aide dépassant celles autorisées par la règle de minimis, pas plus que la mesure n'exclut des secteurs dans lesquels la règle de minimis ne s'applique pas.

(65)

Enfin, la mesure doit être spécifique ou sélective en ce qu'elle favorise «certaines entreprises ou certaines productions». Les bénéficiaires de la mesure sont les entreprises de Gibraltar dans lesquelles les ressortissants ou les résidents de Gibraltar ne peuvent pas détenir une participation bénéficiaire. En outre, les «qualifying companies» ne peuvent normalement pas commercer ou faire des affaires à Gibraltar avec des ressortissants ou des résidents de Gibraltar. La mesure est dès lors sélective en ce qu'elle accorde un traitement fiscal favorable aux entreprises qui ne sont pas aux mains de ressortissants ou de résidents de Gibraltar, mais qui opèrent à ou au départ de Gibraltar.

(66)

L'observation selon laquelle la mesure n'est pas sélective au motif que n'importe qui peut constituer une «qualifying company» et que les restrictions à l'octroi du statut de «qualifying company» constituent un acte de discrimination à rebours contre les résidents de Gibraltar ne prouve pas que la mesure n'est pas sélective. Lors de l'examen d'une mesure, une comparaison doit être opérée avec le système généralement applicable, en l'occurrence, le régime normal de l'impôt sur les sociétés à Gibraltar. Le régime des «qualifying companies» constitue manifestement une exception au système général.

(67)

La Commission prend également note des observations du Royaume-Uni sur la spécificité régionale. Elle remarque que le Royaume-Uni n'a pas cherché à alléguer que le régime des «qualifying companies» constitue une mesure générale dans la juridiction fiscale de Gibraltar. En conséquence, la Commission s'en tient à sa conclusion que la mesure est matériellement sélective dans le territoire de Gibraltar. Il n'est dès lors pas nécessaire, en l'espèce, de soulever la question de la sélectivité régionale, qui est analysée en détail dans la décision de la Commission du 30 mars 2004 sur la réforme du gouvernement de Gibraltar concernant l'impôt sur les sociétés (19).

(68)

Cette question a été examinée par le Tribunal de première instance, qui a rejeté les arguments avancés par le gouvernement de Gibraltar à l'encontre de l'appréciation provisoire d'aide illégale par la Commission du régime des «qualifying companies» (20). Indépendamment du fait qu'elle se soit inspirée du régime de 1967 sur les «exempt companies», la réglementation sur les «qualifying companies» est entrée en vigueur en 1983, après l'adhésion du Royaume-Uni à la Communauté. Elle ne saurait donc être considérée comme une «aide existante» au sens de l'article 1er, point b) i), du règlement (CE) no 659/1999. Le Tribunal de première instance a lui-même conclu que la Commission était suffisamment fondée à ouvrir la procédure formelle d'examen.

(69)

Dès 1973, la Cour de justice a expressément confirmé l'applicabilité des règles relatives aux aides d'État aux mesures fiscales (21). Même si l'on trouve peu d'exemples d'une action de la Commission à l'encontre de mesures générales de fiscalité des entreprises, cela n'affecte en rien le caractère existant ou illégal de la mesure d'aide. Dans le cas d'espèce, la réglementation sur les «qualifying companies» n'est pas une mesure générale de fiscalité des entreprises, mais une mesure très spécifique dans sa portée. En tout état de cause, l'application pour la première fois d'une disposition du traité à une situation particulière n'est pas une application rétroactive d'une nouvelle règle.

(70)

La réglementation sur les «qualifying companies» n'a pas été notifiée à la Commission en application de l'article 88, paragraphe 3, du traité CE. Le fait qu'elle ait été portée à l'attention du groupe Primarolo ne saurait être considéré comme une notification formelle à la Commission conformément aux règles relatives aux aides d'État.

(71)

Quant à la circonstance que la communication constituerait une innovation administrative ou une déclaration politique, le Tribunal de première instance a déjà confirmé (22) que «dans cette communication, la Commission n'annonce toutefois pas un changement de sa pratique décisionnelle concernant l'appréciation des mesures fiscales au regard des articles 87 CE et 88 CE». Il s'ensuit que le Royaume-Uni n'est pas fondé à alléguer que des mesures telles que la réglementation sur les «qualifying companies» ne pouvaient pas être qualifiées d'aide d'État avant la publication de la communication.

(72)

En affirmant que la réglementation sur les «qualifying companies» n'est devenue une aide qu'après son entrée en vigueur en 1983 au sens de l'article 1er, point b) iv), du règlement (CE) no 659/1999, le gouvernement de Gibraltar, soutenu par le Royaume-Uni, allègue que la mesure est antérieure de dix ans à la libéralisation des mouvements de capitaux. Toutefois, cette observation générale n'a pas été étayée par des arguments spécifiques concernant les «qualifying companies» et ne peut dès lors pas, par elle-même, démontrer que la mesure ne constituait pas une aide en 1983. Il ressort clairement de la réglementation proprement dite qu'il n'y a pas de limites aux secteurs d'activité économique dans lesquels les «qualifying companies» peuvent s'engager. La mesure dans laquelle, s'il en existe, des restrictions non précisées des mouvements de capitaux affectaient, en 1983, des entreprises bénéficiant des avantages fiscaux conférés par la mesure n'est pas claire.

(73)

Même si, comme le prétend le Royaume-Uni, la législation bancaire et des contrôles des changes de certains États membres empêchaient à l'époque de recourir à des avantages fiscaux «offshore» de ce type, l'existence des avantages fiscaux aurait néanmoins renforcé la position des «qualifying companies» sur les marchés dans lesquels ces restrictions n'avaient pas cours par comparaison avec leurs concurrents d'autres États membres. À cet égard, le gouvernement de Gibraltar avance, pour l'essentiel, les mêmes arguments que ceux développés devant le Tribunal de première instance. Le Tribunal a rejeté ces arguments dirigés contre la qualification provisoire de la réglementation sur les «qualifying companies» comme aide d'État par la Commission et a conclu que «cette argumentation générale n'est pas de nature à établir que le régime fiscal de 1983 doit, en raison de ses caractéristiques intrinsèques, être qualifié de régime d'aides existant» (23). Le Tribunal a également rejeté les parallèles établis avec l'affaire concernant le régime irlandais en matière d'impôt sur les sociétés (24) au motif que la situation factuelle et juridique se distingue nettement de celle de l'espèce (25). La Commission ne voit donc pas de raisons de modifier son point de vue.

(74)

Quant aux violations alléguées des principes de proportionnalité, de sécurité juridique et de confiance légitime, les arguments du gouvernement de Gibraltar se fondent sur un pouvoir discrétionnaire que la Commission ne possède pas. Dans l'affaire Piaggio (26), la Cour a dit pour droit que la qualification par la Commission du régime en cause comme aide existante, pour des raisons d'opportunité, alors que ce régime n'avait pas été notifié conformément à l'article 88, paragraphe 3, du traité CE, n'était pas acceptable. En conséquence, ainsi que l'a confirmé le Tribunal de première instance (27), le caractère d'aide existante ou d'aide nouvelle d'une mesure doit être déterminé indépendamment du temps qui s'est écoulé depuis l'instauration de la mesure en cause et indépendamment de toute pratique administrative antérieure, sans tenir compte des conséquences économiques alléguées. C'est pourquoi la suggestion de Charles A. Gomez & Co et du Royaume-Uni selon laquelle la Commission a agi de manière excessive en considérant que la mesure nécessitait une notification doit être rejetée. De même, le délai de prescription visé à l'article 15 du règlement (CE) no 659/1999 n'énonce pas un principe général en vertu duquel une aide illégale devient une aide existante, mais exclut simplement la récupération d'une aide instaurée plus de dix ans avant la première intervention de la Commission.

(75)

La Commission relève que la procédure prévue par les articles 96 et 97 du traité CE concerne des disparités entre les dispositions générales des États membres (28). Or, la réglementation sur les «qualifying companies» n'est pas une disposition générale, mais bien une mesure sélective à portée réduite qui tombe clairement sous le coup des règles relatives aux aides d'État. La Commission observe également que son action est parfaitement conforme au point J du code de conduite dans le domaine de la fiscalité des entreprises.

(76)

Dans la mesure où le régime des «qualifying companies» constitue une aide d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE, sa compatibilité avec le marché commun doit être appréciée à la lumière des dérogations prévues à l'article 87, paragraphes 2 et 3, du traité CE.

(77)

Les dérogations visées à l'article 87, paragraphe 2, du traité CE, qui concerne les aides à caractère social octroyées aux consommateurs individuels, les aides destinées à remédier aux dommages causés par les calamités naturelles ou par d'autres événements extraordinaires et les aides octroyées à l'économie de certaines régions de la République fédérale d'Allemagne, ne s'appliquent pas en l'espèce.

(78)

La fermeture du chantier naval de la Royal Navy, en particulier, ne saurait être considérée comme un événement extraordinaire au sens de l'article 87, paragraphe 2, point b), du traité CE. La pratique décisionnelle de la Commission a établi que cette dérogation ne s'applique qu'aux cas où l'événement extraordinaire est imprévisible et échappe au contrôle des autorités de l'État membre. Les autorités britanniques ont annoncé la fermeture du chantier naval en 1981, soit trois ans avant sa fermeture en 1984.

(79)

La dérogation visée à l'article 87, paragraphe 3, point a), dispose que l'aide destinée à favoriser le développement économique de régions dans lesquelles le niveau de vie est anormalement bas ou dans lesquelles sévit un grave sous-emploi peut être autorisée. Le point 3.5 des lignes directrices de la Commission concernant les aides d'État à finalité régionale (29) élabore une méthodologie destinée à établir la distinction entre les régions considérées comme éligibles pour bénéficier de la dérogation visée à l'article 87, paragraphe 3, point a), du traité CE. Cette approche se fonde sur des données historiques. Contrairement à l'allégation de Charles A. Gomez & Co, cette disposition ne peut être utilisée de façon prospective et ne s'applique qu'aux régions où les conditions du niveau de vie bas ou d'un grave sous-emploi existent déjà. Ces régions sont définies par la carte des aides régionales du Royaume-Uni (30). Les autorités britanniques n'ont pas proposé Gibraltar comme région assistée et ont accepté qu'aucune aide à finalité régionale ne pouvait être accordée à Gibraltar durant la période 2000-2006. Étant donné que Gibraltar n'est et n'a jamais été une région assistée, l'article 87, paragraphe 3, point a), ne s'applique pas. En tout état de cause, il n'a pas été dit que Gibraltar a un produit intérieur brut par habitant inférieur au seuil fixé au point 3.5 des lignes directrices concernant les aides d'État à finalité régionale. L'article 87, paragraphe 3, point a), ne saurait être invoqué pour remédier à des effets futurs incertains et non quantifiables, que les autorités nationales pourraient prévenir ou atténuer en utilisant d'autres instruments politiques.

(80)

Le régime des «qualifying companies» ne saurait être considéré comme un projet d'intérêt européen commun ou destiné à remédier à une perturbation grave de l'économie d'un État membre, comme le prévoit l'article 87, paragraphe 3, point b), du traité CE. Ainsi que l'a fait observer le gouvernement de Gibraltar, la Commission et la Cour de justice interprètent l'article 87, paragraphe 3, point b), au sens strict comme signifiant qu'une perturbation grave doit affecter l'ensemble de l'économie d'un État membre (31). La perturbation en cause en l'espèce, à savoir la fermeture du chantier naval, n'a pas perturbé l'ensemble de l'économie du Royaume-Uni. Bien que la Commission prenne acte de l'argument du gouvernement de Gibraltar selon lequel ce territoire est séparé du Royaume-Uni en termes constitutionnels, politiques, législatifs, économiques, budgétaires et géographiques, cela n'ôte rien au fait que, aux fins des règles en matière d'aides d'État, Gibraltar fait partie du Royaume-Uni, indépendamment du champ d'application unique de l'article 299, paragraphe 4, du traité CE. En tout état de cause, d'autres régions de la Communauté se caractérisent également par des degrés et des types divers de séparation par rapport à l'État membre dont elles font partie. Aucune de ces régions n'est traitée comme un État membre à part entière aux fins de l'article 87, paragraphe 3, point b), du traité CE. Les parallèles que le gouvernement de Gibraltar établit avec les mesures prises en réaction à la crise de l'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) au Royaume-Uni ne sont pas pertinentes. La crise de l'ESB a été considérée comme un événement extraordinaire et, en conséquence, ces mesures relevaient de l'article 87, paragraphe 2, point b), du traité CE. Aucune règle n'impose que l'événement extraordinaire affecte l'ensemble de l'État membre concerné pour que l'article 87, paragraphe 2, point b), s'applique.

(81)

Le régime des «qualifying companies» n'a pas pour objet de promouvoir la culture et la conservation du patrimoine, comme le prévoit l'article 87, paragraphe 3, point d), du traité CE.

(82)

Enfin, le régime des «qualifying companies» doit être examiné à la lumière de l'article 87, paragraphe 3, point c), du traité CE, qui dispose qu'une aide destinée à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques, quand elle n'altère pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun, peut être autorisée. Les avantages fiscaux octroyés par le régime des «qualifying companies» ne sont pas liés aux investissements, à la création d'emplois ou à des projets spécifiques. Ils constituent simplement une réduction des charges qui grèvent normalement le budget des entreprises dans le cadre de leur activité et doivent donc être considérés comme une aide d'État au fonctionnement, dont les bénéfices cessent dès que l'aide est supprimée. Conformément à la pratique constante de la Commission, cette aide ne saurait être considérée comme destinée à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques au sens de l'article 87, paragraphe 3, point c), du traité CE. Selon les points 4.15 et 4.16 des lignes directrices de la Commission concernant les aides d'État à finalité régionale, une aide au fonctionnement ne peut être accordée que dans des circonstances exceptionnelles ou dans des conditions particulières. En outre, Gibraltar ne figure pas dans la carte des aides régionales du Royaume-Uni pour la période 2000-2006, telle qu'elle a été approuvée par la Commission sous le numéro d'aide d'État N 265/2000 (32).

(83)

Selon la jurisprudence constante de la Cour de justice, lorsqu'une aide d'État accordée illégalement est jugée incompatible avec le marché commun, la conséquence logique de cette constatation est que l'aide doit être récupérée auprès des bénéficiaires (33). Grâce à la récupération de l'aide, la situation concurrentielle qui prévalait avant l'octroi de l'aide est rétablie dans la mesure du possible. Cependant, l'article 14, paragraphe 1, du règlement (CE) no 659/1999 dispose que «la Commission n'exige pas la récupération de l'aide si, ce faisant, elle allait à l'encontre d'un principe général de droit communautaire».

(84)

Les arguments du gouvernement de Gibraltar concernant le fait qu'une confiance légitime est née de l'incertitude quant au champ d'application des règles en matière d'aides d'État et du caractère rare ou nouveau de l'action de la Commission à l'encontre des mesures fiscales, qu'elles concernent ou non l'économie «offshore», doivent être rejetés. Le bénéficiaire d'une aide illégale ne peut échapper à l'obligation de rembourser ladite aide que dans des circonstances exceptionnelles et il appartient uniquement aux juges nationaux d'apprécier les circonstances individuelles de l'espèce (34). De même, étant donné que la publication de la communication n'était ni une déclaration politique de la Commission ni, ainsi que le Royaume-Uni le sous-entend, une application plus sévère des règles relatives aux aides d'État, elle ne saurait avoir fait naître une confiance légitime (35). L'application d'une disposition du traité à une situation spécifique pour la première fois ne saurait susciter une confiance légitime par rapport au passé. En tout état de cause, contrairement à ce que laisse entendre le Royaume-Uni, le traitement fiscal différent des sociétés résidentes et non résidentes a joué un rôle important dans les décisions antérieures de la Commission relatives à des aides d'État (36).

(85)

La notification de la réglementation du régime des «qualifying companies» au groupe Primarolo, loin de susciter une confiance légitime, a clairement inscrit la mesure dans le cadre de l'intention de la Commission énoncé au point J du code de conduite dans le domaine de la fiscalité des entreprises d'examiner ou de réexaminer les régimes fiscaux en vigueur, avec toutes les conséquences que supposent les examens concernant les aides d'État.

(86)

Quant à l'évolution du marché commun et à la libéralisation des mouvements de capitaux et des services financiers, le gouvernement de Gibraltar n'a avancé que des arguments généraux qui ne suffisent pas à établir l'existence d'une confiance légitime. En particulier, la Commission fait observer qu'aucun argument n'a été avancé quant à la manière dont l'évolution du marché commun a créé cette confiance ou quant à l'impact de mesures spécifiques de libéralisation. En outre, il est clair que la portée de la réglementation sur les «qualifying companies» est plus large que les secteurs qui ont pu être affectés par des restrictions imposées aux mouvements de capitaux et aux services financiers.

(87)

Le gouvernement de Gibraltar s'appuie sur l'arrêt Defrenne pour étayer sa thèse selon laquelle les retards avant et durant l'examen du régime des «qualifying companies» ont suscité une confiance légitime. Toutefois, la situation factuelle et juridique de l'affaire Defrenne se distinguait nettement de celle du cas d'espèce. En raison de son défaut prolongé d'engager des recours en manquement contre certains États membres en dépit de ses investigations sur les manquements en cause et malgré les avertissements répétés qu'elle allait engager une action, la Commission a conforté les États membres dans l'idée qu'ils s'étaient forgée de l'effet de l'article 119 du traité CE (devenu article 141). En revanche, l'attention de la Commission n'avait pas été constamment attirée sur le régime des «qualifying companies» et ce n'est que lors de l'adoption du code de conduite dans le domaine de la fiscalité des entreprises que la Commission a entamé un examen systématique des régimes fiscaux des États membres.

(88)

De même, les prétendus retards dans l'examen préliminaire ne sauraient faire naître une confiance légitime. Le non-respect par le Royaume-Uni des délais fixés dans les demandes de renseignements a contribué aux retards éventuels, s'il s'agissait bien de retards. L'examen préliminaire doit aussi être placé dans le contexte plus large du suivi donné par la Commission à l'adoption du code de conduite dans le domaine de la fiscalité des entreprises, qui l'a amené à demander des informations aux États membres sur une cinquantaine de mesures fiscales. Le régime des «qualifying companies» n'était que l'une de ces mesures. La Commission n'a pas été inactive durant l'examen préliminaire, mais elle a dû traiter le dossier des «qualifying companies» parallèlement avec son examen préliminaire des autres mesures.

(89)

Une partie du temps a été accordée à l'examen de la réglementation sur les «exempt companies» dont s'inspirait presque littéralement le régime des «qualifying companies», selon le gouvernement de Gibraltar. Dans le cas d'espèce, le gouvernement de Gibraltar a lui-même fait référence aux arguments qu'il avait avancés au sujet des «exempt companies» (par exemple, son document présenté par le Royaume-Uni dans la lettre du 12 septembre 2000), en précisant que les observations relatives aux «exempt companies» s'appliquent, mutatis mutandis, aux «qualifying companies». À la connaissance de la Commission, les autorités britanniques ont informé le gouvernement de Gibraltar de la conduite de l'enquête. Le gouvernement de Gibraltar a également eu la possibilité de discuter de l'examen de ses régimes fiscaux «offshore» lors de la réunion du 19 octobre 2000 et a pu, à tout instant, s'enquérir de l'état d'avancement de l'examen, des échéances et du résultat probable.

(90)

Il se peut que la Commission ait eu des doutes quant à l'utilité d'ouvrir la procédure d'aide d'État en ce qui concerne certaines mesures fiscales dans l'attente des progrès sur la réduction des mesures dommageables. Cependant, ces doutes concernaient en partie les mesures d'aides existantes, pour lesquelles, si elles sont démantelées conformément au code de conduite dans le domaine de la fiscalité des entreprises, l'examen concernant les aides d'État éventuelles n'aurait plus de sens. La Commission a également considéré que, au nom de l'égalité de traitement, il valait mieux engager une procédure relative à plusieurs mesures concernant plusieurs États membres en même temps, plutôt que d'adopter une approche fragmentaire.

(91)

Quant au moyen selon lequel un délai de prescription devrait être fixé, ce délai existe et est mentionné à l'article 15 du règlement (CE) no 659/1999. Il exclut la récupération d'une aide instaurée plus de dix ans avant la première intervention de la Commission, à savoir, en l'espèce, dix ans avant la lettre de la Commission du 12 février 1999.

(92)

La Commission prend note des commentaires du gouvernement de Gibraltar sur l'importance de la demande spécifique d'observations sur la récupération de l'aide faite par la Commission. Bien que la demande exprime clairement les incertitudes de la Commission sur la question de la récupération, elle a également servi à lancer un signal explicite aux bénéficiaires, leur indiquant que, si la mesure était considérée comme une aide illégale et incompatible, la récupération restait une possibilité et était, en principe, le résultat logique d'une telle constatation. Même si le président du Tribunal de première instance a fait remarquer que cette démarche inhabituelle «doit, à première vue, […] calmer considérablement les éventuelles inquiétudes des bénéficiaires actuels», il n'a pas conclu pour autant que ces inquiétudes avaient été dissipées (37). S'il l'avait fait, la Commission se serait trouvée dans la situation absurde où la conséquence perverse de demander un avis sur un moyen de recours aurait exclu l'utilisation dudit moyen de recours.

(93)

De même, tout doute que la Commission aurait pu exprimer publiquement concernant le caractère d'aide existante ou illégale de la mesure servirait à souligner qu'une constatation d'aide illégale, avec toutes les conséquences qu'elle implique, était une possibilité réelle.

(94)

Le moyen selon lequel une injonction de récupération violerait le principe de proportionnalité doit également être rejeté. Selon la jurisprudence constante de la Cour de justice (38), la récupération d'une aide étatique illégalement accordée en vue du rétablissement de la situation antérieure ne saurait, en principe, être considérée comme une mesure disproportionnée.

(95)

La Commission rejette l'allégation selon laquelle une injonction de récupération ferait peser une charge administrative disproportionnée sur les autorités de Gibraltar. Selon le Royaume-Uni, il existe environ 140 «qualifying companies», c'est-à-dire moins de 10 % des entreprises imposées chaque année à Gibraltar. Attendu que la plupart des «qualifying companies», pour ne pas dire toutes, acquittent un impôt sur le revenu, quoique à taux réduit, et que ces entreprises sont généralement physiquement présentes à Gibraltar, la Commission conclut que la charge administrative ne serait pas excessive. Quant à l'allégation selon laquelle les pouvoirs d'investigation de l'administration fiscale de Gibraltar sont limités, la Cour de justice a dit pour droit que les dispositions nationales ne sauraient être invoquées de manière à rendre la récupération impossible (39).

(96)

Des arguments similaires à ceux abordés au considérant 47 ci-dessus sur les conséquences de la récupération pour l'économie de Gibraltar ont été avancés par le gouvernement de Gibraltar pour tenter d'empêcher la publication de la décision d'ouvrir la procédure formelle d'examen (40). Ils n'ont pas abouti. Il est loin d'être certain qu'ils aboutiraient si une injonction de récupération était donnée dans le cas d'espèce. La Commission relève également que les arguments relatifs à l'impact sur l'économie gibraltarienne couvraient à la fois le régime des «exempt companies» et celui des «qualifying companies». Cependant, depuis que le gouvernement de Gibraltar a formulé ses observations, le risque de récupération s'est réduit dans la mesure où, à la suite de l'annulation de la décision de la Commission d'ouvrir la procédure formelle d'examen relative aux aides d'État (41), la législation initiale de 1967 sur les «exempt companies» fait actuellement l'objet d'un examen comme régime d'aide existant. Il ne saurait y avoir d'ordre de récupération pour cette réglementation et, en conséquence, l'impact prévu par le gouvernement de Gibraltar, dans la mesure où il se ferait sentir, sera réduit. En tout état de cause, la Commission ne saurait autoriser que de telles spéculations empêchent le rétablissement, dans la mesure du possible, de la situation concurrentielle qui prévalait avant la mise en œuvre d'une mesure d'aide illégale.

(97)

La Commission prend note des commentaires du gouvernement de Gibraltar selon lesquels certaines «qualifying companies» ne seraient pas imposables à Gibraltar, que certaines ne possèderaient aucun actif relevant de la juridiction de Gibraltar, que d'autres auraient cessé leurs activités commerciales et que d'autres encore recevraient une aide inférieure au seuil de minimis. Cependant, ces considérations n'excluent pas, par elles-mêmes, une injonction de récupération pas plus qu'elles ne libèrent les autorités d'un État membre de l'obligation de prendre les mesures nécessaires pour donner effet à une injonction de récupération, étant donné qu'elles ne sont pertinentes que dans le contexte de l'examen d'un cas individuel. Dans ces conditions, la Commission fait valoir que les avantages du statut de «qualifying company» ne sont ni limités à une aide de minimis, ni à des entreprises imposables à Gibraltar ou ne possédant pas d'actifs relevant de la compétence des autorités de Gibraltar.

(98)

La Commission ne reviendra pas sur la bonne foi ou non des autorités de Gibraltar. Cependant, il découle des arrêts de la Cour de justice (42) que lorsqu'une aide existante est modifiée, pour que la mesure devienne une nouvelle aide du fait de la modification ou pour que la modification proprement dite devienne une nouvelle aide, la modification doit étendre la portée de la mesure et/ou accroître l'avantage existant.

(99)

Dans le cas d'espèce, la Commission fait observer que, dans son arrêt, le Tribunal de première instance est d'avis que la réglementation de 1967 adoptée par Gibraltar sur les «exempt companies» doit être considérée comme une aide existante (43). La Commission remarque également que la réglementation sur les «qualifying companies» s'inspire très largement de la législation sur les «exempt companies». Les conditions d'éligibilité sont en grande partie identiques. Les différences fondamentales concernent la détermination de l'impôt annuel dû. Plutôt que de ne payer qu'un taux annuel fixe très faible, les «qualifying companies» versent un pourcentage de leurs bénéfices annuels. Par conséquent, les «qualifying companies» acquittent un impôt sur les bénéfices beaucoup plus élevé que les «exempt companies». Le régime plus restrictif des «qualifying companies» peut donc être considéré comme offrant un avantage réduit au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE par rapport à celui des «exempt companies». La Commission relève aussi que, dans l'éventualité très improbable où l'impôt acquitté par une «qualifying company» serait inférieur à l'impôt forfaitaire annuel d'une «exempt company» équivalente, la différence serait inférieure au seuil de minimis. La réglementation prévoit un taux d'imposition minimal de 0 % pour une «qualifying company», tandis que les «exempt companies» acquittent un impôt annuel forfaitaire compris entre 225 et 300 GBP.

(100)

Il ressort de la jurisprudence constante de la Cour de justice que lorsqu'un opérateur économique diligent était en mesure de prévoir l'adoption d'une mesure communautaire de nature à affecter ses intérêts, il ne saurait invoquer le principe de confiance légitime lorsque cette mesure est adoptée (44). Au vu des similitudes entre les régimes des «exempt companies» et des «qualifying companies», il est malaisé de comprendre comment un opérateur diligent aurait pu anticiper que les deux régimes feraient l'objet de procédures d'aides d'État différentes. Les différences entre les deux régimes, plutôt que d'être intrinsèques à leur conception, reflètent la pratique des autorités gibraltariennes de soumettre à l'impôt les sociétés «offshore» physiquement présentes à Gibraltar, même à un taux peu élevé. Il est donc raisonnable de supposer qu'un opérateur consciencieux, agissant de bonne foi, aurait légitimement pu croire qu'en optant pour le régime moins généreux des «qualifying companies» plutôt que pour le régime manifestement légal (dans le jargon des aides d'État: existant) des «exempt companies», il entrait dans un régime dont la légalité ne faisait pas de doute. En conséquence, la Commission conclut qu'une injonction de récupération, dans les circonstances exceptionnelles de l'espèce, serait contraire à un principe général de droit communautaire.

VIII.   CONCLUSIONS

(101)

En conclusion, le régime des «qualifying companies» de Gibraltar constitue une aide d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE, et aucune des dérogations énumérées à l'article 87, paragraphes 2 et 3, du traité CE ne s'applique. La Commission conclut également que le Royaume-Uni a illégalement mis à exécution le régime en cause, en violation de l'article 88, paragraphe 3, du traité CE. Cependant, les bénéficiaires du régime étaient en droit de nourrir une confiance légitime que la légalité du régime ne faisait aucun doute. La récupération de l'aide accordée au titre de la réglementation des «qualifying companies» ne doit donc pas être ordonnée,

A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:

Article premier

L'aide d'État mise à exécution par le Royaume-Uni en application du régime des «qualifying companies», décrit dans l'Income Tax (Amendment) Ordinance de Gibraltar du 14 juillet 1983 et dans les Income Tax (Qualifying Companies) Rules de Gibraltar du 22 septembre 1983, est incompatible avec le marché commun.

Article 2

Le Royaume-Uni supprime le régime visé à l'article 1er.

Article 3

Le Royaume-Uni informe la Commission, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision, des mesures prises pour s'y conformer.

Article 4

Le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord est destinataire de la présente décision.

Fait à Bruxelles, le 30 mars 2004.

Par la Commission

Mario MONTI

Membre de la Commission


(1)  JO C 26 du 30.1.2002, p. 9.

(2)  Affaires jointes T-195/01 R et T-207/01 R, Gibraltar contre Commission, Rec. 2001, p. II-3915.

(3)  Affaires jointes T-195/01 et T-207/01, Gibraltar contre Commission, Rec. 2002, p. II-2309.

(4)  Voir note 1 de bas de page.

(5)  Douze sociétés environ se situent en dehors de cette fourchette de 2 à 10 %. Les taux d'imposition de ces sociétés ont été négociés cas par cas. Ils varient entre 0,5 et 1,5 % et entre 21 et 34 % des bénéfices. Il n'existe pas de corrélation entre le taux d'imposition appliqué et le secteur d'activité de l'entreprise. Les entreprises concernées opèrent dans divers secteurs comme les «holdings» d'investissement privé, le «marketing» et la vente de maisons de vacances, les services bancaires «offshore», la réparation de bateaux et les services de conseil en «marketing».

(6)  Les «exempt companies» ne paient pas d'impôt sur les bénéfices, mais acquittent une taxe annuelle forfaitaire comprise entre 225 et 300 GBP.

(7)  JO C 2 du 6.1.1998, p. 2.

(8)  JO L 150 du 23.6.2000, p. 50, considérants 90, 91 et 93.

(9)  JO C 384 du 10.12 1998, p. 3.

(10)  JO L 83 du 27.3.1999, p. 1. Règlement modifié par l'acte d'adhésion de 2003.

(11)  JO C 395 du 18.12.1998, p. 19.

(12)  Affaire 43/75, Defrenne contre Sabena, Rec. 1976, p. 455, points 72, 73 et 74.

(13)  Affaires jointes T-132/96 et T-143/96, Freistaat Sachsen et autres contres Commission, Rec. 1999, p. II-3663, p. 167 et suivantes.

(14)  Voir note 1 de bas de page.

(15)  Affaires jointes T-195/01 R et T-207/01 R, points 104 et 113.

(16)  Affaire 223/85, Rijn-Schelde-Verolme contre Commission, Rec. 1987, p. 4617.

(17)  Voir note 1 de bas de page.

(18)  Voir, par exemple, affaire C-156/98, Allemagne contre Commission, Rec. 2000, p. I-6857, point 26.

(19)  Décision de la Commission du 30 mars 2004, non encore publiée.

(20)  Voir affaires jointes T-195/01 et T-207/01, points 117 à 131.

(21)  Affaire 173/73, Italie contre Commission, Rec. 1974, p. 709, point 13.

(22)  Affaires jointes T-269/99, T-271/99 et T-272/99, Diputación Foral de Guipúzcoa et autres contre Commission, Rec. 2002, p. II-4217, point 79.

(23)  Voir affaires jointes T-195/01 et T-207/01.

(24)  JO C 395 du 18.12.1998, p. 14.

(25)  Affaires jointes T-195/01 et T-207/01, points 120 et 123.

(26)  Affaire C-295/97, Piaggio contre Ifitalia et autres, Rec. 1999, p. I-3735.

(27)  Affaires jointes T-195/01 et T-207/01, point 121.

(28)  Voir point 6 de la communication.

(29)  JO C 74 du 10.3.1998, p. 9.

(30)  JO C 272 du 23 9.2000, p. 43, et lettre d'autorisation de la Commission no SG(2000) D/106293 du 17 août 2000.

(31)  Voir affaires jointes T-132/96 et T-143/96, Freistaat et autres contre Commission, Rec. 1999, p. II-3663, points 166, 167 et 168.

(32)  Affaires jointes T-132/96 et T-143/96.

(33)  Voir, par exemple, affaire C-169/95, Espagne contre Commission, Rec. 1997, p. I-135, point 47.

(34)  Voir, par exemple, affaires C-5/89, Commission contre Allemagne, Rec. 1990, p. I-3437, T-67/94, Ladbroke Racing contre Commission, Rec. 1998, p. II-1, T-459/93, Siemens contre Commission, Rec. 1995, p. II-1675.

(35)  Voir note 23 de bas de page.

(36)  Voir, par exemple, décision 95/452/CE de la Commission du 12 avril 1995 concernant les mesures d'aides sous forme d'avantages fiscaux prévues par l'article 3 de la loi italienne no 19 du 9 janvier 1991, en faveur d'entreprises opérant dans le cadre du Centre de services financiers et d'assurance de Trieste (JO L 264 du 7.11.1995, p. 30, considérant 10).

(37)  Affaires jointes T-195/01 R et T-207/01 R, Gibraltar contre Commission, point 113.

(38)  Voir, par exemple, affaires jointes C-278/92, C-279/92 et C-280/92, Espagne contre Commission, Rec. 1994, p. I-4103.

(39)  Voir, par exemple, affaire C-24/95, Rheinland Pfalz contre Alcan, Rec. 1997, p. I-1591.

(40)  Affaires jointes T-195/01 R et T-207/01 R, Gibraltar contre Commission, points 94 à 105.

(41)  Affaires jointes T-195/01 et T-207/01, point 115.

(42)  Affaires jointes T-195/01 et T-207/01, point 111.

(43)  Affaires jointes T-195/01 et T-207/01, point 113.

(44)  Voir, par exemple, affaire 265/85, Van den Bergh et Jurgens contre Commission, Rec. 1987, p. 1155, point 44.