32003D0501

2003/501/CE: Décision de la Commission du 16 octobre 2002 concernant le régime d'aide d'État C 49/2001 (ex NN 46/2000) — Centres de coordination — mis à exécution par le Luxembourg (Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE) [notifiée sous le numéro C(2002) 3740]

Journal officiel n° L 170 du 09/07/2003 p. 0020 - 0028


Décision de la Commission

du 16 octobre 2002

concernant le régime d'aide d'État C 49/2001 (ex NN 46/2000) - Centres de coordination - mis à exécution par le Luxembourg

[notifiée sous le numéro C(2002) 3740]

(Le texte en langue française est le seul faisant foi.)

(Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE)

(2003/501/CE)

LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,

vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 88, paragraphe 2, premier alinéa,

vu l'accord sur l'Espace économique européen, et notamment son article 62, paragraphe 1, point a),

après avoir invité les intéressés à présenter leurs observations conformément auxdits articles(1),

considérant ce qui suit:

I. PROCÉDURE

(1) En 1997, le Conseil Ecofin a adopté un code de conduite sur la fiscalité directe des entreprises afin de mettre fin aux pratiques déloyales en la matière(2). Suite à l'engagement pris dans ce code, la Commission a publié en 1998 une communication relative à l'application des règles en matière d'aides d'État aux mesures relevant de la fiscalité directe des entreprises(3) (ci-après "la communication"), réaffirmant sa détermination à appliquer ces règles avec rigueur et dans le respect du principe d'égalité de traitement. La présente procédure s'inscrit dans ce cadre.

(2) Par lettre du 12 février 1999 (D/50716), la Commission a demandé au Luxembourg des informations relatives au régime luxembourgeois des centres de coordination. Par lettre du 26 mars 1999 (A/32604), les autorités luxembourgeoises ont informé la Commission que ladite mesure avait été abrogée le 20 février 1996.

(3) Par lettre du 25 avril 2000 (D/51738), la Commission a demandé des informations complémentaires dans la mesure où, bien qu'abrogé, le régime en question était susceptible d'avoir produit des effets et/ou de continuer à produire des effets. Ces informations complémentaires ont été fournies à la Commission par lettre des autorités luxembourgeoises datée du 10 mai 2000 (A/34012).

(4) Par lettre SG(2001) D/289761 du 11 juillet 2001, la Commission a notifié au Luxembourg sa décision d'ouvrir la procédure formelle d'examen prévue à l'article 88, paragraphe 2, du traité à l'égard du régime fiscal applicable aux centres de coordination. Par lettre du 14 septembre 2001 (A/37236), le Luxembourg a transmis des observations à l'égard de cette ouverture.

(5) La décision de la Commission d'ouvrir la procédure a été publiée au Journal officiel des Communautés européennes(4). La Commission a invité les intéressés à présenter leurs observations sur la mesure en cause. La Commission n'a pas reçu d'observations à ce sujet de la part des parties intéressées.

(6) Par lettre du 25 mars 2002 (D/51316), la Commission a demandé des renseignements complémentaires au Luxembourg, lesquels ont été transmis par lettre du 17 avril 2002 (A/32897).

II. DESCRIPTION DE LA MESURE

(7) Le statut de centre de coordination est régi par la circulaire LIR n° 119 du 12 juin 1989 (ci-après la "circulaire n° 119" ou la "circulaire"). Cette circulaire a été abrogée par la circulaire LIR n° 1119 du 20 février 1996. Il y a eu au total 5 sociétés qui ont été agréées en tant que centres de coordination, dont 4 ont été opérationnelles.

(8) Un centre de coordination est une société de capitaux résidente ayant un caractère multinational et dont l'activité se limite à fournir des services exclusivement réservés aux sociétés ou entreprises d'un même groupe international étranger. Un groupe international étranger désigne, au sens de la circulaire, des sociétés financièrement liées et établies dans au moins deux pays autres que le Luxembourg, et dont la maison mère n'est pas contribuable résident et est soumise à l'étranger à un impôt équivalent à l'impôt luxembourgeois sur le revenu des collectivités.

(9) Le statut de centre de coordination était accordé par voie d'agrément administratif préalable. L'agrément était en principe limité à quatre années d'imposition.

(10) Les services administratifs rendus par les centres de coordination au profit exclusif des autres sociétés du groupe sont les suivants:

- les services d'organisation centrale et de secrétariat,

- la publicité,

- le marketing et les études de marché,

- la fourniture, le rassemblement et le traitement d'informations techniques ou administratives,

- les relations avec les autorités nationales ou internationales,

- la centralisation de travaux comptables et financiers administratifs, d'informatique et d'expertise juridique ainsi que les prestations d'assistance et de service directement et indirectement en relation avec les activités à considérer.

(11) La circulaire précise qu'en matière d'impôt sur le revenu les prestations de services intragroupe doivent dégager un bénéfice commercial approprié conforme à un comportement normal d'un gestionnaire avisé dans ses rapports avec des tiers indépendants. Pour ce faire, le bénéfice imposable est déterminé selon la méthode dite du prix de revient majoré (cost plus). Cette méthode consiste à appliquer à l'ensemble des dépenses déductibles liées aux services rendus aux autres sociétés du groupe un taux de marge forfaitaire.

(12) Toutefois, si le total des dépenses et charges à considérer n'excède pas 30000000 de francs luxembourgeois (LUF) (environ 750000 euros), le montant du bénéfice commercial est forfaitairement fixé à 1500000 LUF (environ 37500 euros).

(13) Dans le cas où le centre de coordination exercerait des activités ayant trait à la compensation de factures à devises multiples, le bénéfice commercial n'est pas déterminé selon la méthode de coût de revient majoré, mais par la prise en compte d'une rémunération adéquate généralement payable en situation de pleine concurrence pour la prise en charge du risque de change par un tiers. Le taux de rémunération doit au moins être égal à 1 % du total des factures à considérer et être fonction du risque de change.

(14) Peuvent également bénéficier de cette méthode de calcul du bénéfice imposable les opérations relevant des activités autorisées par la circulaire et effectuées par l'intermédiaire d'un établissement stable situé au Luxembourg d'un groupe international étranger ou par une société résidente, autre qu'un centre de coordination, faisant partie d'un groupe international étranger.

III. RAISONS AYANT CONDUIT À L'OUVERTURE DE LA PROCÉDURE

(15) Dans son évaluation des informations fournies par les autorités luxembourgeoises, la Commission s'est demandé si le mode de fixation des taux de marge, l'exclusion de certaines dépenses du calcul de la base imposable et l'exercice d'un possible pouvoir discrétionnaire de la part de l'administration étaient susceptibles de conférer un avantage aux centres de coordination. Elle a également considéré qu'un tel avantage était susceptible d'être octroyé au moyen de ressources d'État, qu'il pouvait affecter la concurrence et les échanges entre les États membres et qu'il pouvait être sélectif. La Commission a enfin estimé qu'aucune des exceptions au principe général d'interdiction des aides d'État ne semblait pouvoir s'appliquer. Ces doutes ont amené la Commission à ouvrir la procédure formelle d'examen.

IV. OBSERVATIONS DU LUXEMBOURG

(16) Les observations des autorités luxembourgeoises peuvent être résumées comme suit.

(17) Le régime de centres de coordination ayant été abrogé, il ne produisait plus d'effets sauf à l'égard des entreprises pour lesquelles les dispositions de la circulaire n° 119 s'appliquaient jusqu'à la fin de l'année 2001. Les autorités luxembourgeoises ont également soulevé la problématique des prix de transfert(5) et défendu la solution adoptée au Grand-Duché. Enfin, elles ont estimé que la mesure ne constituait pas une aide au sens de l'article 87 du traité.

Les prix de transfert

(18) Les liens qui existent entre deux entreprises d'un même groupe permettent (au moins en théorie) à celles-ci de fixer des conditions de fourniture de biens ou de services entre elles qui diffèrent de celles qui auraient été applicables si les deux parties avaient agi comme des entreprises indépendantes opérant sur des marchés libres. Les entreprises peuvent ainsi être tentées de répartir leurs bénéfices au sein du groupe de manière à minimiser le total des charges fiscales qui pèsent sur l'ensemble du groupe. Dans le cas des groupes multinationaux, une telle répartition se traduit souvent par l'élargissement de la base imposable dans un pays et son rétrécissement dans un autre. Ceci explique le souci des gouvernements de veiller à ce que les prix de transfert au sein d'un même groupe se rapprochent le plus possible du prix du marché.

(19) Dans le cadre de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), dont font partie les États membres, le principe de pleine concurrence a été adopté afin d'éliminer l'incidence de conditions spéciales sur le niveau des bénéfices. Ce principe, exprimé à l'article 9 du modèle de convention fiscale de l'OCDE, sert un double objectif: asseoir correctement l'impôt dans chaque pays et éviter, dans la mesure du possible, les doubles impositions. Il permet ainsi de traiter autant que possible sur un pied d'égalité les entreprises multinationales et les entreprises indépendantes. Parmi les méthodes utilisées pour déterminer les prix de transfert figurent la méthode de prix comparables sur le marché libre ou, alternativement, la méthode de prix de revient majoré (aussi dite "cost plus").

(20) Faisant référence au souci d'éviter l'évasion fiscale et au principe de pleine concurrence, les autorités luxembourgeoises constatent que l'article 164 de la loi du 4 décembre 1967 concernant l'impôt sur le revenu constitue le fondement de la législation sur les prix de transfert. C'est dans ce contexte que la circulaire n° 119 a été adoptée pour faciliter la taxation d'un certain type d'activités. L'administration luxembourgeoise essaye normalement de comparer les prix pratiqués au sein d'un même groupe aux prix pratiqués dans le cadre des transactions comparables entre entreprises indépendantes. Toutefois, faute d'éléments de comparaison, une telle approche n'est pas toujours possible.

(21) C'est ainsi que l'administration luxembourgeoise avait opté en l'espèce pour la méthode du prix de revient majoré pour déterminer les prix de transfert pour les prestations de services intragroupe faites par des centres de coordination. En application d'une méthode uniforme, telle que préconisée par l'OCDE, le seuil minimal de 5 %, un taux comparable à celui qu'il est possible d'obtenir sur le marché libre, a été considéré comme raisonnable pour ce type de services. Néanmoins, un taux plus élevé pouvait toujours être appliqué si l'administration fiscale disposait d'éléments indiquant une marge bénéficiaire plus élevée.

La circulaire n° 119 n'entraînait pas une aide d'État au sens de l'article 87 du traité

La mesure doit procurer un avantage

(22) La mesure ne visait pas à alléger la charge fiscale incombant normalement aux centres de coordination, mais avait pour seul but, par application de la méthode du prix de revient majoré, de déterminer aussi exactement que possible un prix de marché pour les prestations des services intragroupe. Le Luxembourg constate que la Commission, au point 13 de la communication, souligne que les mesures de pure technique fiscale, par exemple les dispositions destinées à éviter la double taxation ou l'évasion fiscale, ne constituent pas des aides d'État. Étant donné que la circulaire n° 119 était une mesure générale qui avait pour objet d'éviter l'évasion fiscale et de dégager un bénéfice commercial approprié et équitable pour les centres de coordination, elle ne constituait pas une aide d'État.

(23) L'exigence que les centres de coordination appartiennent à un grand groupe international et l'imposition d'un bénéfice minimal de 1500000 LUF (environ 37500 euros) permettait d'assurer un volume d'activité suffisant au Luxembourg. Dans le cas contraire, les bénéfices auraient été tellement insignifiants d'un point de vue fiscal que l'application de la circulaire n° 119 n'aurait pas été justifiée.

(24) La circulaire n° 119 exigeait que la société mère soit assujettie à l'étranger à un impôt correspondant à l'impôt luxembourgeois sur le revenu des collectivités. De cette façon, un transfert de charges fiscales déductibles excessives vers l'État étranger semble exclu. L'État étranger dont est originaire la société mère du centre de coordination pouvait, le cas échéant, soit refuser d'appliquer le régime de la directive "mère-fille"(6) sur des distributions de dividendes par le centre de coordination luxembourgeois, soit lui appliquer des mesures anti-évasion fiscale, s'il estimait que le régime d'imposition luxembourgeois était trop favorable.

(25) Le Luxembourg note que la Commission se limite à s'interroger sur la façon dont le principe de pleine concurrence est respecté, à affirmer que cet objectif ne serait pas poursuivi dans le cadre du régime des centres de coordination ainsi qu'à affirmer que, lorsque les autorités bénéficient d'une certaine marge de manoeuvre, cela est susceptible de favoriser certaines entreprises ou groupes.

(26) Les autorités luxembourgeoises estiment que la Commission critique deux aspects en ce qui concerne l'avantage tiré par les centres de coordination: d'une part, l'application pratique de la méthode de prix de revient majoré par rapport à l'utilisation des prix de transfert réellement payés et, d'autre part, la non-prise en considération dans la base d'imposition des dépenses non déductibles.

(27) En ce qui concerne le premier aspect, le Luxembourg souligne que ce n'est que dans le cas où les prix de transfert pratiqués par l'entreprise auraient été supérieurs à ceux résultant de l'application de la méthode de prix de revient majoré que l'utilisation de ladite méthode aurait pu aboutir à un avantage pour l'entreprise qui se serait ainsi vu appliquer une base d'imposition moindre. Les autorités luxembourgeoises admettent que la circulaire 119 ne contenait pas une référence explicite au principe de l'accrochement du bilan fiscal au bilan commercial et qu'elles ne peuvent pas exclure que l'un ou l'autre contribuable ait pu essayer de tirer un avantage de cette lacune pour surfacturer au Luxembourg les prestations qu'il faisait en faveur d'autres sociétés du groupe. Néanmoins, le Luxembourg estime que les pays tiers avaient les moyens de vérifier si de telles surfacturations étaient pratiquées. Dans l'hypothèse où la Commission devrait conclure que l'application de la circulaire n° 119 dans de tels cas était constitutive d'aides d'État illégales et en demanderait la récupération, il faudrait identifier ces entreprises et un calcul individuel devrait être opéré pour chaque entreprise sur la base des prix de transfert réels.

(28) Le Luxembourg observe que la Commission accepte le recours à des méthodes telles que celle du prix de revient majoré et qu'il n'y aurait pas d'avantage lorsque le recours à ces méthodes alternatives aboutit à une imposition égale ou au moins comparable à celle qui aurait pu être obtenue entre deux opérateurs indépendants au moyen de la méthode classique selon laquelle le bénéfice imposable est obtenu par différence entre les résultats et les charges de l'entreprise. Selon le Luxembourg, la Commission estimerait qu'il y a lieu de considérer qu'il existe un avantage lorsque le résultat obtenu en appliquant la méthode du prix de revient majoré n'est pas suffisamment comparable à celui qui aurait été obtenu au moyen de la méthode classique. Toutefois, la Commission n'aborde pas la question de l'étendue du prétendu avantage et le Luxembourg estime pour sa part que la méthode de prix de revient majoré ne procurera en aucun cas un avantage à ce point important que le revenu imposable ne soit plus comparable à celui qui aurait pu être obtenu entre deux opérateurs indépendants au moyen de la méthode classique.

(29) En ce qui concerne le deuxième aspect, le Luxembourg estime que la Commission semble avancer que la non-prise en considération dans la base imposable des dépenses non déductibles en vertu de l'article 168 de la loi concernant l'impôt sur le revenu pourrait aboutir à l'octroi d'un avantage aux centres de coordination. Toutefois, les autorités luxembourgeoises estiment que de telles exclusions sont justifiées. En ce qui concerne l'exemption des dividendes de l'impôt sur le revenu des collectivités et de l'impôt sur la fortune, elles notent qu'ils constituent des affectations du résultat commercial et non de véritables dépenses, de sorte que la question de leur déductibilité ne se pose pas. En ce qui concerne les tantièmes et jetons de présence et les dons à des oeuvres culturelles, charitables ou d'intérêt général, leur exclusion de l'assiette du prix de revient majoré s'explique par la nécessité d'éviter une double imposition. Les tantièmes constituent une affectation de réserves constituées du résultat net.

(30) En effet, le Luxembourg estime que toutes ces dépenses, non déductibles, s'ajoutent déjà au résultat fiscal du centre de coordination. En d'autres termes, elles font de toute façon partie de l'assiette imposable. Si elles étaient prises en compte pour l'assiette du prix de revient majoré, ces dépenses seraient soumises deux fois à l'impôt. Le Luxembourg observe également que la circulaire n° 119 est appliquée dans son ensemble et doit ainsi présenter un avantage dans son ensemble sans que l'on puisse isoler l'un ou l'autre de ses éléments.

L'avantage doit être octroyé au moyen de ressources d'État

(31) Le Luxembourg reconnaît que si un avantage a été octroyé par la circulaire n° 119, c'est au moyen de ressources d'État.

La mesure doit être sélective

(32) En ce qui concerne la prétendue sélectivité qui découlerait de l'application d'une pratique discrétionnaire, les autorités luxembourgeoises confirment que l'administration ne dispose d'aucun pouvoir discrétionnaire pour accorder ou refuser l'application du régime des centres de coordination. En revanche, si une telle sélectivité résulte d'une exception de nature législative ou administrative aux dispositions fiscales, elles affirment que les règles en matière d'aide d'État n'ont jamais été appliquées à une situation comparable au cas présent. La Commission ne cite aucun précédent.

(33) Le Luxembourg note que, au point 20 de la communication, la Commission explique que certains avantages fiscaux sont parfois limités à certaines formes d'entreprises, à certaines de leurs fonctions ou certains types de productions et qu'ils sont susceptibles de constituer des aides d'État. Cependant, le Luxembourg constate qu'il n'existe aucun exemple de décision ou d'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes dans lesquels une mesure aurait été qualifiée de sélective en ce qu'elle ne s'appliquait qu'à certaines formes d'entreprises ou à certaines de leurs fonctions.

(34) Selon le Luxembourg, il n'est pas satisfait au critère de la spécificité parce que la circulaire n° 119 découle de l'application normale du régime fiscal luxembourgeois. Elle s'adresse à tous les groupes internationaux d'une taille suffisante et s'inscrit dans le contexte de la lutte contre des prix de transfert anormalement faibles. Les seules conditions imposées ont trait à la taille du groupe et à ses implantations dans plusieurs États. De telles limitations sont nécessaires pour garantir le sérieux et un volume d'opérations gérées depuis le Luxembourg suffisant pour entraîner l'apparition de difficultés dans la détermination des prix de transfert des entreprises concernées. Les principes de détermination du résultat imposable d'un centre de coordination proposés dans la circulaire sont fondés sur les règles de prix de transfert dégagées par l'OCDE, qui ont une portée générale et sont applicables par tous les contribuables qui se trouvent confrontés à des facturations intragroupe. La circulaire ne consiste pas en l'application d'un taux d'imposition inférieur pour les centres de coordination mais prévoit tout au plus de régler particulièrement le calcul de la base imposable en tenant compte de la spécificité des entreprises multinationales. Il s'agit donc d'une pure technique fiscale qui, selon la Commission, ne constitue pas une aide d'État.

(35) Si, en raison d'une lacune de la rédaction, la circulaire a pu être utilisée pour obtenir une imposition plus basse, ce serait une extension abusive de la notion d'aide d'État de considérer que l'exploitation d'une lacune par un contribuable constitue une aide.

(36) À titre subsidiaire, le Luxembourg considère que, même dans le cas où le régime des centres de coordination serait considéré par la Commission comme une dérogation au système normal, il est justifié par la nature et l'économie du système. Les autorités luxembourgeoises ont voulu concilier le principe de sécurité juridique avec le principe de pleine concurrence. Pour les raisons évoquées ci-dessus, elles ont choisi la méthode du prix de revient majoré afin de donner aux contribuables concernés un point de repère en fixant un seuil minimal pour déclarer les bénéfices perçus dans les opérations internes.

La mesure fausse la concurrence et affecte les échanges entre États membres

(37) Comme les règles en matière de prix de transfert visent à éviter des transferts déguisés de bénéfices à l'étranger par des méthodes de facturation inappropriées, la circulaire n° 119 visait les groupes internationaux. L'objectif n'était pas de permettre une réduction globale du bénéfice imposable au sein des groupes internationaux, mais d'éviter l'évasion fiscale. Donc, selon le Luxembourg, la circulaire ne peut pas être considérée comme un avantage pour améliorer la position concurrentielle des entreprises de ces groupes dans le marché commun.

Le principe de la confiance légitime

(38) De l'avis du Luxembourg, il existe dans le chef des contribuables auxquels s'appliquait la circulaire n° 119 une confiance légitime qui s'oppose au remboursement d'une éventuelle aide d'État découlant de l'application de ladite circulaire. Il n'existe aucun précédent pour l'application des règles d'aides d'État aux choix de méthodes de calcul de la base imposable. Une telle application consisterait en une extension radicale et imprévisible de la portée actuelle de l'article 88 du traité.

(39) En outre, à l'époque, la Commission a considéré que les réglementations fiscales relatives à l'imposition des quartiers généraux des groupes internationaux établis en Europe ne tombaient pas sous l'application des dispositions du traité en matière d'aides d'État(7). De même, la Commission n'avait pas soulevé d'objection en ce qui concerne l'imposition des centres de coordination en Belgique. Donc, le Luxembourg pouvait légitimement croire à la légalité de la circulaire.

(40) De plus, jusqu'à la publication de la communication en 1998, la politique communautaire en matière d'aides d'État n'était pas claire. Une récupération pourrait intervenir tout au plus pour les avantages obtenus après la date de la publication de la communication.

Le principe de la non-rétroactivité des lois fiscales

(41) Le Luxembourg estime qu'une demande de recouvrement des prétendues aides équivaudrait à une modification rétroactive du régime fiscal de droit commun, ce qui serait contraire au principe constitutionnel fondamental de la non-rétroactivité des lois fiscales. La Commission ne peut raisonnablement pas imposer le recouvrement lorsque les aides résultent d'un régime fiscal général attaqué a posteriori par la Commission.

Impossibilité de récupérer la prétendue aide

(42) Le Luxembourg estime qu'il est de jurisprudence constante que, lorsqu'il est effectivement impossible de récupérer une aide illégale, un État membre ne peut pas être tenu de la récupérer. Or c'est la situation dans laquelle se trouve le Luxembourg dans le cas présent. Le montant de l'aide n'est pas chiffrable parce qu'il ne serait pas possible d'établir les prix de transfert réels qui auraient dû être appliqués par les centres de coordination, ni d'envisager d'utiliser une autre des méthodes décrites par l'OCDE.

V. APPRÉCIATION DE LA MESURE

(43) Après avoir considéré les observations des autorités luxembourgeoises, la Commission confirme la position préliminaire exprimée dans sa lettre du 11 juillet 2001(8) au Luxembourg ouvrant la procédure formelle d'examen prévue à l'article 88, paragraphe 2, du traité. Elle estime que les observations soumises par le Luxembourg n'ont pas permis de lever les doutes qu'elle y exprimait et considère par conséquent que le régime fiscal examiné constitue une aide d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité. Elle considère en outre que cette aide est illégale et qu'il s'agit d'une aide au fonctionnement qui ne peut être déclarée compatible avec le marché commun. Elle estime cependant que, en l'espèce, le Luxembourg et les entreprises bénéficiaires étaient fondés à entretenir une confiance légitime de nature à empêcher la récupération de l'aide.

(44) À titre liminaire, la Commission peut accepter les commentaires du Luxembourg en ce qui concerne la problématique des prix de transfert dans un contexte international. Rien n'empêche les administrations fiscales d'utiliser un système de prix de revient majoré pour déterminer l'assiette imposable pour les prestations de services intragroupe faites par des centres de coordination. Ce système est assimilable à une mesure de technique fiscale comme prévu au point 13, deuxième alinéa, de la communication. Néanmoins, certaines des modalités d'application de la méthode dans le cas présent ont pour conséquence que la possibilité de l'octroi d'aides ne peut être exclue.

(45) Pour être qualifiée d'aide au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité, une mesure doit satisfaire cumulativement aux quatre critères développés ci-après.

Avantage

(46) En premier lieu, la mesure doit procurer un avantage qui allège les charges qui grèvent normalement le budget des entreprises. Le recours à des méthodes alternatives de détermination du revenu imposable afin d'éviter que certaines transactions ne cachent des avantages indus ou des libéralités dans le seul but d'échapper à l'impôt doit normalement avoir pour objectif un niveau d'imposition comparable à celui qui aurait pu être obtenu, dans le cadre de relations entre opérateurs indépendants, au moyen de la méthode classique selon laquelle le bénéfice imposable est obtenu par différence entre les résultats et les charges de l'entreprise. Cela répond au principe de pleine concurrence. Dans le domaine des prix de transfert, ce principe international figure à l'article 9 du modèle de convention fiscale de l'OCDE sur le revenu et sur le capital (et est précisé dans les lignes directrices de l'OCDE sur les prix de transfert de 1995). Puisqu'une analyse exige que les faits et circonstances individuels soient pris en compte, les lignes directrice de l'OCDE ne conseillent pas l'utilisation de zones de sécurité (par exemple marges fixées).

(47) Les autorités luxembourgeoises n'ont pas fourni d'informations sur la façon dont sont déterminés en pratique les taux de marge utilisés pour établir l'assiette imposable des centres de coordination en application de la méthode de prix de revient majoré. Si la Commission peut admettre l'argument que l'administration ne disposait d'aucun pouvoir discrétionnaire pour accorder ou refuser l'application du régime des centres de coordination, il ressort clairement des réponses du Luxembourg que l'administration disposait d'un tel pouvoir en ce qui concerne la détermination du taux de marge à appliquer. La circulaire n° 119 a établi un taux minimal de 5 %. Néanmoins, elle n'a prévu ni modalités ni lignes directrices afin de fixer le taux en pratique. Au contraire, les autorités luxembourgeoises ont expressément indiqué que seul le taux de 5 % préconisé par la circulaire a été appliqué. La Commission conclut donc que les centres de coordination et les groupes auxquels ils appartiennent pouvaient tirer un avantage du fait que, en pratique, le Luxembourg a accordé, d'une manière systématique, le taux minimal de 5 % sans vérifier si ce taux minimal reflétait la réalité économique des prestations de services sous-jacentes. Il s'ensuit que les autorités luxembourgeoises ont renoncé, au moins dans certains cas, à soumettre les centres de coordination à une imposition comparable à celle qui frappait la généralité des entreprises soumises à la fiscalité luxembourgeoise.

(48) Le fait que la circulaire n° 119 exigeait que la société mère soit assujettie à l'étranger à un impôt correspondant à l'impôt luxembourgeois sur le revenu des collectivités et que l'État étranger dont est originaire la société mère pouvait appliquer des mesures antiévasion fiscale n'est pas pertinent, car il ne démontre pas que le régime luxembourgeois de centres de coordination n'accordait pas d'avantage, ni qu'un éventuel avantage aurait été justifié. En effet, le comportement d'autres États, et notamment l'éventualité que ceux-ci tiennent compte de l'avantage consenti par un État membre pour essayer de réduire ou d'annuler ses effets, n'enlève rien à la réalité de cet avantage. En tout état de cause, la méthode appliquée par le Luxembourg pour imposer les prestations de service intragroupe transfrontalières, qui se fonde sur le prix de revient majoré, risque de ne pas coïncider avec celle employée dans d'autres États membres, le bénéfice imposable étant obtenu par différence entre les résultats et les charges de l'entreprise. Dans cette hypothèse, il existe un risque que la surfacturation de la transaction donne lieu à une réduction de la charge fiscale dans un autre État membre qui ne serait pas compensée par une augmentation de la charge fiscale au Luxembourg. Dans ce cas, l'avantage obtenu au Luxembourg s'ajouterait à l'avantage obtenu dans un autre État membre et ne serait nullement compensé.

(49) En ce qui concerne l'observation du Luxembourg selon laquelle la circulaire n° 119 ne faisait pas référence au principe de l'accrochement du bilan fiscal au bilan commercial, la Commission n'émet aucune critique. Il convient de noter que, dans le cas de prestations de service intragroupe transfrontalières, il ne s'agit pas de comparer le système de prix de revient majoré avec les prix de transfert réels, mais d'assurer que le système aboutit à une imposition comparable à celle qui aurait pu être obtenue au moyen de la méthode classique. L'étendue de l'avantage tiré du système ne doit pas être déterminée à ce stade de l'analyse, mais seulement en vue d'une récupération éventuelle de l'aide: la Commission observe que, dans le cas présent, le taux minimal de 5 % a été appliqué d'une façon systématique. Le Luxembourg n'a fourni aucune indication quant à l'existence d'un contrôle garantissant l'adéquation de l'application du taux minimal au niveau d'imposition résultant de l'application de la méthode classique. Par conséquent, la Commission estime que le comportement de l'administration fiscale a eu pour effet de conférer un avantage.

(50) En ce qui concerne la non-prise en considération des dépenses non déductibles dans la base sur laquelle s'applique le taux de marge en application de la méthode de prix de revient majoré, la Commission peut accepter certains des arguments avancés par le Luxembourg. La logique de telles exclusions ressort à l'évidence d'une comparaison avec la méthode d'imposition classique. Les impôts ne sont pas de véritables dépenses d'un commerce, mais des affectations du résultat commercial. L'exclusion des dons semble suivre la même logique en ce sens qu'ils ne représentent pas de véritables coûts d'un commerce. Autrement dit, ces dépenses non déductibles ne sont pas de nature à contribuer à la réalisation d'un résultat imposable. L'existence d'un avantage étant établie en raison de l'application systématique d'un taux de 5 %, il n'est pas nécessaire de déterminer si les mêmes considérations s'appliquent aux tantièmes et jetons de présences dans la mesure où ils représenteraient des distributions des bénéfices nets.

Affectation de la concurrence et des échanges entre les États membres

(51) Ce critère est rempli dans la mesure où les centres de coordination devaient rendre des services de façon prépondérante à des sociétés situées hors du Luxembourg. En outre, conformément à la jurisprudence de la Cour(9) et comme souligné au point 11 de la communication, le simple fait que la mesure renforce la position d'une entreprise par rapport à ses concurrents sur le marché intracommunautaire permet de considérer que les échanges ont été affectés. En l'occurrence, les centres de coordination ou les entreprises des groupes auxquels ils appartiennent ont pu se trouver dans une telle position renforcée du fait de la diminution de la charge fiscale de leur centre au Luxembourg. Dans ce cas, et en tenant compte de la possibilité que les groupes en question soient actifs dans des secteurs caractérisés par l'existence d'échanges entre États membres, la Commission estime que la mesure est susceptible d'affecter ces échanges.

(52) Même si, comme l'allèguent les autorités luxembourgeoises, l'objectif principal de la circulaire n° 119 n'était pas de permettre une réduction globale du bénéfice imposable mais d'éviter des transferts déguisés, une mesure doit être évaluée selon ses effets et non selon ses objectifs. Conformément à une jurisprudence constante(10), l'objectif poursuivi par le régime en cause ne peut lui permettre d'échapper à la qualification d'aide d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité.

Sélectivité

(53) Dans la mesure où les dispositions fiscales en cause ne concernent que les centres de coordination appartenant à des groupes multinationaux présents dans au moins deux pays autres que le Luxembourg et dont le siège est établi en dehors du Luxembourg, seules certaines entreprises avaient accès aux avantages décrits ci-dessus. En outre, comme le précise le point 20 de la communication, certains avantages fiscaux sont parfois limités à certaines fonctions, comme par exemple les services intragroupe. C'est également le cas du régime luxembourgeois des centres de coordination. Le critère de la sélectivité est donc rempli.

(54) Un autre élément de sélectivité découle du fait que, lorsque le total des dépenses du centre de coordination n'excède pas 30000000 de LUF (environ 750000 euros), le bénéfice commercial à admettre est fixé forfaitairement à 1500000 LUF (environ 37500 euros). Cela implique une sélectivité en faveur des grands groupes dans la mesure où les groupes qui n'auraient pas pu réaliser le seuil minimal de dépenses seraient exclus d'un traitement égal en application du système de prix de revient majoré. Les autorités luxembourgeoises elles-mêmes admettent que l'exigence que les centres de coordination appartiennent à un grand groupe international et l'imposition d'un bénéfice minimal permettait d'assurer un volume d'activité suffisant au Luxembourg.

(55) La Commission estime que ces éléments de sélectivité ne sont pas justifiés par la nature ou l'économie du système fiscal luxembourgeois. En particulier, la Commission ne considère pas que de telles limitations sont nécessaires pour garantir le sérieux et un volume d'opérations gérées depuis le Luxembourg suffisant pour entraîner l'apparition de difficultés dans la détermination des prix de transfert des entreprises concernées(11). Les difficultés liées à la fixation de prix de transferts concernent en principe toutes les prestations de services ou livraisons de biens effectuées entre sociétés liées. Si le caractère international de ces prestations ou livraisons est susceptible d'accroître ces difficultés, elles ne sont toutefois pas rencontrées seulement par les sociétés appartenant à un groupe multinational de taille importante, dont le siège est situé hors du Luxembourg. En tout état de cause, les difficultés en question ne sont pas pertinentes dès lors que les autorités luxembourgeoises ont systématiquement appliqué un taux de 5 % pour calculer le prix de revient majoré.

(56) En ce qui concerne l'observation du Luxembourg selon laquelle il n'existe aucun précédent sous forme de décision ou d'arrêt de la Cour, la Commission constate simplement que de tels précédents ne sont pas nécessaires. La qualification du régime de centres de coordination en tant qu'aide d'État découle directement de l'article 87, paragraphe 1, du traité. Il est à noter, toutefois, que, selon la jurisprudence récente, des mesures fiscales ont un caractère sélectif et constituent des aides d'État dès lors que leur bénéfice est réservé aux entreprises qui effectuent des investissements dépassant un certain montant ou qui créent un certain nombre d'emplois(12). La Commission estime que le même raisonnement doit s'appliquer dans le cas présent.

(57) À l'égard de la volonté de concilier le principe de sécurité juridique avec le principe de pleine concurrence et de donner aux contribuables un point de repère, rien n'empêche les administrations fiscales de choisir la formule de prix de revient majoré. La Commission ne critique pas l'utilisation de ce système afin de faciliter la fixation des prix de transfert pour les transactions entre entités associées. Néanmoins, dans le cas présent, l'application systématique du taux minimal de 5 % doit être considérée comme une dérogation à l'utilisation correcte de la méthode du prix de revient majoré, susceptible d'avoir conféré un avantage à certaines entreprises, sans être justifiée par la nature ou l'économie du système.

Ressources d'État

(58) Dans le cas présent, la réduction du montant de l'impôt, consécutive à l'application de la circulaire n° 119, entraîne une diminution des recettes fiscales, lesquelles constituent des ressources d'État.

Compatibilité

(59) Les autorités luxembourgeoises n'ont pas contesté l'appréciation préliminaire de la compatibilité du régime de centres de coordination exposée dans la décision d'ouvrir la procédure formelle d'examen(13), que la Commission confirme et qui peut être résumée comme suit:

(60) Les dérogations prévues à l'article 87, paragraphe 2, du traité, visant les aides à caractère social octroyées aux consommateurs individuels, les aides destinées à remédier aux calamités extraordinaires et autres événements extraordinaires et les aides accordées dans certaines régions de la République fédérale d'Allemagne ne trouvent pas à s'appliquer en l'espèce.

(61) La dérogation prévue à l'article 87, paragraphe 3, point a), du traité, qui prévoit la possibilité d'autoriser des aides destinées à favoriser le développement économique de régions dans lesquelles le niveau de vie est anormalement bas ou dans lesquelles sévit un grave sous-emploi, ne saurait être invoquée.

(62) De même, le régime des centres de coordination ne rentre pas dans la catégorie des projets d'intérêt européen commun éligibles à la dérogation prévue à l'article 87, paragraphe 3, point b), du traité, et dans la mesure où il ne vise pas à promouvoir la culture et la conservation du patrimoine, il ne peut bénéficier de la dérogation prévue au point d) dudit article.

(63) Par ailleurs, il convient d'examiner si le régime des centres de coordination est susceptible de bénéficier de la dérogation prévue à l'article 87, paragraphe 3, point c), du traité, qui autorise les aides facilitant le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques pour autant que les conditions des échanges ne soient pas altérées dans une mesure contraire à l'intérêt commun. Les avantages fiscaux accordés dans le cadre du régime précité ne sont pas liés à la réalisation d'investissements, à la création d'emploi ou de projets spécifiques. Ils constituent uniquement des allégements de charges continus et doivent, par conséquent, être qualifiés d'aides au fonctionnement. La Commission estime donc que les aides en question sont susceptibles d'altérer les échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun, et ne peuvent par conséquent bénéficier de la dérogation prévue à l'article 87, paragraphe 3, point c), du traité.

Récupération

(64) Les mesures en question ne peuvent être considérées comme des aides existantes au sens de l'article 88, paragraphe 1, du traité et de l'article 1er, point b), du règlement (CE) n° 659/99 du Conseil du 22 mars 1999 portant modalités d'application de l'article 93 du traité CE(14) (devenu article 88 du traité CE). En effet, elles ont été mises en oeuvre après l'entrée en vigueur du traité, n'ont jamais été notifiées à la Commission conformément à l'article 88, paragraphe 3, du traité, ne sont pas couvertes par la prescription et constituaient des aides dès le moment de leur mise en vigueur. Elles constituent donc des aides nouvelles. Lorsque les aides d'État illégalement accordées s'avèrent incompatibles avec le marché commun, la conséquence naturelle d'une telle conclusion est que l'aide devrait être récupérée auprès des bénéficiaires, conformément à l'article 14 du règlement (CE) n° 659/1999. La récupération de l'aide vise à restaurer, dans la mesure du possible, l'état de compétitivité existant avant que l'aide ne soit accordée. Ni l'absence de précédent pour l'application des règles d'aides d'État aux choix de méthodes de calcul de la base imposable ni le prétendu manque de clarté de la politique communautaire en matière d'aides d'État ne justifieraient une dérogation à ce principe de base.

(65) Quant à la prétendue impossibilité de récupérer l'aide et au principe de la non-rétroactivité des lois fiscales, la jurisprudence a relevé que, à supposer même que la récupération d'un crédit d'impôt pose des difficultés sur le plan administratif, cette circonstance n'est pas de nature à permettre de considérer la récupération comme étant techniquement impossible à réaliser(15). Par ailleurs, selon une jurisprudence constante, un État membre ne saurait exciper de dispositions, pratiques ou situations de son ordre juridique interne pour se soustraire à l'exécution des obligations qui lui incombent en vertu du droit communautaire. En particulier, une disposition prévoyant un délai pour le retrait d'un acte générateur de droits doit être appliquée, comme toutes les dispositions pertinentes du droit national, de manière à ne pas rendre pratiquement impossible la récupération exigée par le droit communautaire et à prendre pleinement en considération l'intérêt communautaire(16). S'il en était autrement, les États membres pourraient échapper à un contrôle effectif des aides d'État par le non-respect de l'obligation prévue à l'article 88, paragraphe 3, du traité de notifier préalablement les projets d'aides.

Confiance légitime

(66) Néanmoins, l'article 14, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 659/1999 dispose que "la Commission n'exige pas la récupération de l'aide si, ce faisant, elle allait à l'encontre d'un principe général de droit communautaire". La jurisprudence de la Cour et la propre pratique décisionnelle de la Commission ont établi qu'un ordre de récupération de l'aide violerait un principe général de droit communautaire lorsque, suite à l'action de la Commission, une confiance légitime existe dans le chef du bénéficiaire d'une mesure que l'aide a été accordée conformément à la législation communautaire.

(67) Dans l'affaire Van den Bergh et Jurgens(17) la Cour a déclaré:

"Il ressort d'une jurisprudence constante de la Cour que la possibilité de se prévaloir du principe de la protection de la confiance légitime est ouverte à tout opérateur économique dans le chef duquel une institution a fait naître des espérances fondées. En outre, lorsqu'un opérateur économique prudent et avisé est en mesure de prévoir l'adoption d'une mesure communautaire de nature à affecter ses intérêts, il ne saurait invoquer le bénéfice d'un tel principe lorsque cette mesure est adoptée."

(68) Dans la décision 2001/168/CECA de la Commission du 31 octobre 2000 relative aux lois espagnoles sur l'impôt sur les sociétés(18), la Commission a noté les similitudes entre le système espagnol en question et un système français qu'elle avait approuvé sur la base qu'il ne constituait pas une aide au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité CEE (maintenant article 87, paragraphe 1, du traité CE). Dans le cas présent, la Commission note que le régime luxembourgeois des centres de coordination ressemble étroitement au système introduit en Belgique par l'arrêté royal n° 187 du 30 décembre 1982 concernant l'imposition des centres de coordination. Les deux systèmes concernent des activités intragroupe et utilisent la méthode du prix de revient majoré pour déterminer la base imposable. Dans sa décision du 2 mai 1984, la Commission a considéré que le système n'entraînait pas d'aide au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité CEE. Même si la décision n'a pas été publiée, le fait que la Commission n'ait soulevé aucune objection à l'encontre du système belge de centres de coordination a été rendu public à cette époque dans le XIVe rapport sur la concurrence ainsi que dans une réponse à une question parlementaire(19).

(69) Dans ce contexte, la Commission note que sa décision sur le régime belge des centres de coordination a été adoptée avant l'entrée en vigueur du régime luxembourgeois. La Commission note également que tous les bénéficiaires du régime ont été agréés comme centres de coordination avant la décision de la Commission du 11 juillet 2001 portant ouverture de la procédure formelle d'investigation. La Commission note encore que la circulaire n° 119 a été abrogée le 20 février 1996 et qu'elle ne s'applique plus aux bénéficiaires depuis le 31 décembre 2001. Par conséquent, la Commission accepte les arguments du Luxembourg concernant l'existence d'une confiance légitime dans le chef des bénéficiaires du régime et renonce à ordonner la récupération des aides accordées.

VI. CONCLUSIONS

La Commission conclut que le régime luxembourgeois des centres de coordination constitue un régime d'aides d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité et qu'aucune des dérogations prévues par l'article 87, paragraphe 2, ou l'article 87, paragraphe 3, dudit traité ne s'applique. La Commission fait observer également que le Luxembourg a illégalement mis en oeuvre le système en question, en violation de l'article 88, paragraphe 3, du traité. Néanmoins, la Commission constate que le système a été abrogé le 20 février 1996 et que les avantages fiscaux accordés aux bénéficiaires ont cessé le 31 décembre 2001. Enfin, la Commission reconnaît, dans le chef des bénéficiaires des aides, l'existence d'une confiance légitime de nature à empêcher la récupération d'aides d'État incompatibles avec le marché commun. Par conséquent, la Commission n'exige pas la récupération de ces aides,

A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:

Article premier

Le régime fiscal applicable aux centres de coordination mis à exécution par le Grand-Duché de Luxembourg par la circulaire LIR n° 119 du 12 juin 1989 constitue un régime d'aides incompatible avec le marché commun.

Article 2

Le Grand-Duché de Luxembourg est destinataire de la présente décision.

Fait à Bruxelles, le 16 octobre 2002.

Par la Commission

Mario Monti

Membre de la Commission

(1) JO C 304 du 30.10.2001, p. 10.

(2) JO C 2 du 6.1.1998, p. 1.

(3) JO C 384 du 10.12.1998, p. 3.

(4) Voir la note 1 de bas de page.

(5) Les prix de transfert sont les prix auxquels une entreprise facture des biens ou des services aux entreprises associées.

(6) Directive 90/435/CEE du Conseil du 23 juillet 1990 concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d'États membres différents (JO L 225 du 20.8.1990, p.6).

(7) Question écrite n° 1735/90 (JO C 63 du 11.3.1991, p. 37).

(8) Voir la note 1 de bas de page.

(9) Arrêt de la Cour de justice du 17 septembre 1980, dans l'affaire 730/79, Philip Morris contre Commission, Rec. 1980, p. 2671.

(10) Arrêt de la Cour de justice du 17 juin 1999, dans l'affaire C-75/97, Belgique contre Commission, Rec. 1999, p. I-3671, point 25.

(11) Voir le considérant 34: argument développé par le Luxembourg.

(12) Arrêts du Tribunal du 6 mars 2002, dans les affaires T-127/99, T-129/99 et T-148/99, Territorio Histórico de Álava-Diputación Foral de Álava e.a./Commission, point 157, et dans les affaires T-92/00 et T-103/00, points 39 et 40 et points 49 et 50, non encore publiés au Recueil).

(13) Voir la note 1 de bas de page.

(14) JO L 83 du 27.3.1999, p. 1.

(15) Voir arrêts de la Cour de justice du 29 janvier 1998, dans l'affaire C-280/95, Commission/Italie, Rec. 1998, p. I-259, point 23, et du 3 juillet 2001, dans l'affaire C-378/98, Commission/Belgique, Rec. 2001, p. I-5107, point 42.

(16) Arrêt de la Cour de justice du 20 septembre 1990, dans l'affaire C-5/89, Commission/Allemagne, Rec. 1990, p. I-3437, points 18 et 19.

(17) Arrêt de la Cour de justice du 11 mars 1987, dans l'affaire 265/85, Van den Bergh en Jurgens e.a./Commission, Rec. 1987, p. 1155, point 44.

(18) JO L 60 du 1.3.2001, p. 57.

(19) Voir la note 7 de bas de page.