32003D0373

2003/373/CE: Décision de la Commission du 11 décembre 2002 relative à l'aide d'État que l'Allemagne envisage d'accorder en faveur de BMW AG à Leipzig (Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE) [notifiée sous le numéro C(2002) 4830]

Journal officiel n° L 128 du 24/05/2003 p. 0012 - 0019


Décision de la Commission

du 11 décembre 2002

relative à l'aide d'État que l'Allemagne envisage d'accorder en faveur de BMW AG à Leipzig

[notifiée sous le numéro C(2002) 4830]

(Le texte en langue allemande est le seul faisant foi.)

(Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE)

(2003/373/CE)

LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,

vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 88, paragraphe 2, premier alinéa,

vu l'accord sur l'Espace économique européen, et notamment son article 62, paragraphe 1, point a),

après avoir invité les intéressés à présenter leurs observations conformément aux dispositions précitées(1),

considérant ce qui suit:

I. PROCÉDURE

(1) Le 3 décembre 2001, l'Allemagne a notifié à la Commission un projet d'aide en faveur de la société Bayerischen Motorenwerke AG (BMW). La Commission a demandé des informations complémentaires par lettre du 16 janvier 2002, à laquelle l'Allemagne a répondu le 20 février 2002.

(2) Par lettre du 3 avril 2002, la Commission a notifié à l'Allemagne sa décision d'ouvrir, au sujet de cette aide, la procédure formelle d'examen prévue à l'article 88, paragraphe 2, du traité CE (ci-après dénommée "décision d'ouverture de la procédure"). Par lettre du 17 mai 2002, l'Allemagne a présenté ses observations relatives à la décision d'ouverture de la procédure.

(3) La décision de la Commission d'ouvrir la procédure a été publiée au Journal officiel des Communautés européennes du 30 mai 2002(2) et la Commission a invité les parties intéressées à lui présenter leurs observations sur la mesure en cause. En date du 3 juillet 2002, elle a reçu des observations de la France qu'elle a transmises à l'Allemagne, qui a communiqué ses commentaires à ce sujet par lettre du 16 août 2002.

II. DESCRIPTION DE L'AIDE

A. Le projet et l'aide envisagée

(4) BMW projette de construire à Leipzig une usine pour la production de voitures de tourisme correspondant à un investissements éligible d'environ 1204,9 millions d'euros (valeur actuelle nette). Le tableau de bord de la [...](3) usine prévoit dans un premier temps la production du nouveau modèle BMW série 3, mais à moyen et long terme, d'autres modèles de la marque pourront être produits dans cette usine. Ce projet devrait créer quelque 5400 emplois directs.

(5) Le bénéficiaire de l'aide est BMW. D'après la notification, le montant total de l'aide prévue s'élève à 418,6 millions d'euros (valeur actuelle nette). Elle doit être accordée au titre de la tâche d'intérêt commun "Amélioration de la structure économique régionale (TIC)" - 30e plan-cadre, et sur la base de la "loi de 1999 sur les primes fiscales à l'investissement". L'intensité de l'aide est de 34,74 %.

(6) Dans la carte des aides à finalité régionale pour la période 2000-2003, la Commission a reconnu Leipzig comme région assistée au sens de l'article 87, paragraphe 3, point a), du traité CE. Pour Leipzig, qui est qualifiée de région "la plus dotée en structures" des nouveaux Länder, le plafond des aides régionales pour les grandes entreprises est de 28 %. Toutefois, à la demande d'un Land (la Saxe, en l'espèce) et avec l'approbation du sous-comité TIC compétent au niveau national pour les aides à finalité régionale, un plafond de 35 % brut est admissible pour les grandes entreprises de ces régions. L'Allemagne a déclaré que ces conditions étaient remplies et a remis les procès-verbaux correspondants du sous-comité compétent.

(7) L'Allemagne a déclaré que, par rapport à Leipzig, Kolin (République tchèque) constituait le meilleur site alternatif pour la réalisation des investissements. Après avoir lancé un appel public à manifestation d'intérêt pour l'implantation de la nouvelle usine, BMW a reçu de quelque 250 sites une réponse à son questionnaire comportant les principaux critères de sélection. Parmi les candidatures, les cinq sites les plus attractifs (Augsbourg en Bavière, Arras en France, Leipzig dans le Land de Saxe, Kolin en République tchèque et Schwerin dans le Land de Mecklembourg-Poméranie occidentale) ont été sélectionnés à l'issue d'une procédure exhaustive. Ces sites ont été visités et évalués de manière approfondie durant plusieurs mois, tandis que des contrats concrets d'implantation et d'achat de terrain étaient négociés avec les autorités compétentes. Finalement, Leipzig a été retenue [...]* en Allemagne et Kolin [...]* à l'étranger. Le 18 juillet 2001, le directoire de BMW s'est prononcé en faveur de Leipzig.

B. Décision d'ouverture de la procédure

(8) La Commission a justifié sa décision d'ouverture de la procédure par les motifs suivants.

(9) Elle a d'abord constaté qu'un handicap de coût de 591,4 millions d'euros (valeur actuelle nette) était indiqué pour le site de Leipzig. Pour une aide prévue de 418,6 millions d'euros (valeur actuelle nette), BMW aurait encore à supporter des coûts supplémentaires de 172,8 millions d'euros en cas d'implantation à Leipzig. C'est pourquoi la Commission a douté que le handicap régional de Leipzig soit effectivement aussi important qu'indiqué.

(10) En ce qui concerne l'ampleur du handicap régional indiqué dans l'analyse coûts/bénéfices, la Commission a d'abord établi que certains risques concernant l'image de marque et le démarrage de la production, y compris l'intégration des fournisseurs, seraient peut-être à considérer et à chiffrer pour le site de Kolin. Elle a donc invité l'Allemagne à évaluer les coûts afférents à ces risques.

(11) Ensuite, en ce qui concerne les coûts de main-d'oeuvre, la Commission a douté qu'un facteur de convergence suffisamment élevé par rapport au niveau des salaires ait été appliqué dans l'analyse coûts/bénéfices pour tenir compte de l'évolution du marché du travail à la suite de l'élargissement. En effet, l'analyse coûts/bénéfices s'appuie sur un taux de convergence réel inférieur à celui que la Commission applique dans des cas comparables (5 % par an).

(12) Enfin, la Commission a émis des doutes au sujet des effectifs estimés pour chacun des deux sites. En effet, bien que la productivité soit plus faible à Kolin qu'à Leipzig, l'analyse coûts/bénéfices utilise pour la période de référence une hypothèse d'effectifs plus importants à Leipzig qu'à Kolin.

(13) Par ailleurs, la Commission se demande s'il a été tenu compte de toutes les mesures de formation nécessaires sur les deux sites durant la période de référence de l'analyse coûts/bénéfices, soit cinq ans après le lancement de la production.

III. OBSERVATIONS DE TIERS INTÉRESSÉS

(14) La France a présenté, au sujet de la décision d'ouverture de la procédure, des observations qui viennent étayer l'essentiel des doutes exprimés par la Commission, surtout en ce qui concerne le handicap régional de Leipzig par rapport à Kolin. La Commission constate que ces observations sont arrivées le 3 juillet 2002, c'est-à-dire après l'expiration du délai prévu d'un mois. La France n'a pas demandé de prorogation de délai, pas plus qu'elle n'a présenté une justification convenable pour une prorogation. C'est pourquoi, dans son appréciation, la Commission n'a pas tenu compte officiellement des observations de la France. L'Allemagne, qui a eu l'occasion de s'exprimer au sujet des observations de la France, a confirmé cette position de la Commission.

(15) La France déclare qu'une aide de cette ampleur fausserait le jeu de la concurrence entre BMW et les autres constructeurs automobiles européens. Les constructeurs français seraient particulièrement touchés, étant donné que BMW vise le marché français et que les constructeurs français sont présents dans le même segment de marché. Selon la France, l'aide destinée à l'usine à Leipzig ne compense aucun handicap régional et n'est donc pas justifiée. La France a remis à la Commission des articles de presse à l'appui de ces arguments(4).

(16) En ce qui concerne la proportionnalité de l'aide, la France déclare que la situation géographique de Leipzig représente un avantage industriel et économique pour BMW. Elle affirme que l'entreprise dispose déjà de fournisseurs attitrés dans la région et que, selon la situation du carnet de commandes, elle peut plus facilement tirer parti d'un échange de main-d'oeuvre entre ses usines. En outre, la France évoque la qualité, la disponibilité et la compétitivité de la main-d'oeuvre locale. Enfin, elle déclare que la création d'une usine par un constructeur de véhicules de haut de gamme dans un pays d'Europe centrale comporte des risques industriels et économiques qui ne peuvent être atténués qu'au prix de dépenses supplémentaires. Un projet entièrement nouveau (site vierge) en République tchèque, où BMW ne possède pas encore d'usine de montage, entraînerait des coûts et des risques plus élevés, en raison notamment d'éventuelles difficultés lors du démarrage de la production. De plus, si BMW produisait en Europe centrale, il lui faudrait engager des dépenses de communication plus élevées pour maintenir son image de constructeur de voitures de haut de gamme.

IV. OBSERVATIONS DE L'ALLEMAGNE

(17) Dans sa réponse aux observations de la France relatives à la décision d'ouverture de la procédure, l'Allemagne déclare que, pour des raisons de procédure, la Commission ne devrait pas tenir compte de ces observations, puisqu'elles sont arrivées après l'expiration du délai prévu dans la décision. En vertu de l'article 6, paragraphe 1, première phrase, du règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil du 22 mars 1999 portant modalités d'application de l'article 93 du traité CE(5), la fixation du délai sert notamment à assurer une procédure régulière garantissant l'égalité de traitement de tous les intéressés. Apparemment, on n'est pas en présence d'un cas justifié autorisant une prorogation du délai en vertu de l'article 6, paragraphe 1, troisième phrase.

(18) En ce qui concerne le contenu des observations de la France, l'Allemagne observe qu'elles reposent essentiellement sur des articles de presse français concernant le site d'Arras, et non sur des renseignements concernant les sites alternatifs de Leipzig et de Kolin. À propos de la nécessité d'une aide régionale, l'Allemagne réfute les explications de la France en les jugeant injustifiées et indique notamment que la région en cause relève de l'objectif n° 1. En ce qui concerne la vraisemblance de Kolin comme site alternatif économiquement viable, l'Allemagne déclare que, dans la décision d'ouverture de la procédure, la Commission n'a pas remis en cause la mobilité du projet. Par ailleurs, un constructeur automobile français a récemment annoncé (conjointement avec un constructeur non européen) la création d'une production automobile sur le site alternatif étudié par BMW, ce qui prouve la faisabilité et la viabilité économique de ce site alternatif. Les effets éventuels du projet sur le secteur et la concurrence ont été pris en compte par la Commission dans l'ajustement régional. En ce qui concerne la proportionnalité de l'aide, l'Allemagne constate notamment que les observations de la France à ce sujet se rapportent à des critères que la presse française a présentés comme des motifs d'une décision contre Arras. Des réflexions de cette nature ne peuvent être transposées au site alternatif de Kolin. L'Allemagne a communiqué des renseignements relatifs à des éléments spécifiques mentionnés par la France et conclut que les observations ne contiennent aucun indice susceptible de remettre en question la compatibilité de l'aide avec le marché commun.

(19) En ce qui concerne les doutes exprimés dans la décision d'ouverture de la procédure quant à l'ampleur du handicap régional de Leipzig, l'Allemagne constate que, pour les coûts de logistique il n'existe pas de différences significatives entre Leipzig et Kolin, car les deux sites - contrairement à Arras - se trouvent à égale distance du groupement d'usines BMW. En ce qui concerne les coûts de formation, les mesures les plus importantes interviendront avant le démarrage de la production (début de la période de l'analyse coûts/bénéfices). Il a été tenu compte des coûts de formation professionnelle et de formation permanente sur les deux sites durant la période de référence. Les dépenses liées à l'échange de main-d'oeuvre entre différents sites ("salariés du groupement d'usines") ont été intégrées dans l'analyse coûts/bénéfices. Quant à la hausse réelle des salaires qui est inférieure à 5 % à Kolin par rapport à Leipzig, l'Allemagne la justifie essentiellement par le fait que, pour le site de Leipzig, une convention spéciale a été conclue avec les salariés pour tenir compte des spécificités de la structure salariale locale. Cette convention prévoit notamment une réduction du temps de travail individuel fixé par convention collective à Leipzig, ce qui implique une hausse réelle des salaires et donc une minoration du taux réel de convergence de 5 %. En ce qui concerne la productivité et les effectifs, l'hypothèse retenue pour Kolin porte sur une productivité plus faible et un temps de travail plus long par salarié.

(20) À propos des doutes exprimés dans la décision d'ouverture de la procédure quant à d'éventuels risques de production, l'Allemagne évoque la réussite de l'usine Skoda de Mlada Boleslav et la dernière en date des décisions d'implantation de PSA/Toyota en faveur de Kolin. Même si les risques de démarrage à Kolin ne devaient pas être pris en compte, cet élément a été intégré dans un scénario présentant le cas de figure le plus pessimiste. En outre, l'analyse coûts/bénéfices repose sur l'hypothèse d'investissements identiques dans les terrains, bâtiments et infrastructures et dans les machines et équipement des deux sites, une hypothèse calculée au plus juste et qui minimise les risques. En ce qui concerne les risques pour l'image de marque, l'Allemagne signale que BMW exploite des usines performantes sur plusieurs continents. Les véhicules produits en Afrique du Sud sont d'une qualité égale à ceux qui sont produits en Allemagne. Actuellement, le modèle BMW série 3 est produit sur plusieurs sites; les clients, pour qui seule la qualité compte, ne connaissent généralement pas le lieu de production.

V. APPRÉCIATION DE L'AIDE

(21) La mesure en faveur de BMW notifiée par l'Allemagne constitue une aide d'État au sens de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE, puisqu'elle serait financée par l'État ou au moyen de ressources d'État. Comme, de surcroît, elle constitue une part substantielle des coûts de financement du projet, l'aide est susceptible de fausser la concurrence à l'intérieur du marché commun, car elle favorise BMW par rapport à ses concurrents qui ne bénéficient pas d'une aide. En outre, dans le secteur automobile, les échanges entre États membres sont importants.

(22) L'aide doit être octroyée à une entreprise qui a pour activité la fabrication et le montage de véhicules automobiles et qui, de ce fait, fait partie du secteur automobile au sens de l'encadrement communautaire des aides d'État dans le secteur automobile(6) (ci-après dénommé "l'encadrement communautaire").

(23) En vertu de l'encadrement communautaire, toutes les aides que les pouvoirs publics envisagent d'accorder à un projet individuel dans le cadre de régimes d'aide autorisés en faveur d'une entreprise exerçant son activité dans le secteur automobile doivent être notifiées préalablement à leur octroi sur la base de l'article 88, paragraphe 3, du traité CE si au moins un des deux seuils suivants est franchi: i) le coût total du projet est égal à 50 millions d'euros, ou ii) le montant brut total des aides d'État et des aides provenant des instruments communautaires est égal à 5 millions d'euros. Le coût total du projet et le montant de l'aide franchissent chacun le seuil de notification prévu. Par conséquent, en notifiant le projet d'aide en faveur de BMW, l'Allemagne a rempli les obligations imposées par l'article 88, paragraphe 3.

(24) Compte tenu de la nature et de l'objectif de l'aide ainsi que du site de l'investissement, l'article 87, paragraphe 2, ne s'applique pas. En vertu de l'article 87, paragraphe 3, certains autres types d'aides sont considérés comme compatibles avec le marché commun. Selon la Communauté, la compatibilité doit être examinée dans sa globalité et non du point de vue d'un seul État membre. Pour garantir le bon fonctionnement du marché commun et défendre le principe inscrit dans l'article 3, point g), les dérogations énoncées à l'article 87, paragraphe 3, doivent faire l'objet d'une interprétation étroite. En ce qui concerne l'article 87, paragraphe 3, points b) et d), il va de soi que l'aide en cause n'est pas destinée à promouvoir la réalisation d'un projet important d'intérêt européen commun ou à remédier à une perturbation grave de l'économie allemande, pas plus qu'elle n'est destinée à promouvoir la culture et la conservation du patrimoine.

(25) En ce qui concerne les dérogations énoncées à l'article 87, paragraphe 3, points a) et c), la Commission constate que les projets d'investissement réalisés dans des régions de Saxe sont éligibles à une assistance au sens du point a). D'après la nouvelle carte des aides à finalité régionale en Allemagne, que la Commission a approuvée le 29 juillet 1999 pour les régions assistées au sens de l'article 87, paragraphe 3, point a), du traité CE, le projet est implanté dans une région où les aides régionales pour les grandes entreprises peuvent être accordées à hauteur d'un plafond de 28 % ESB. À la demande d'un Land (la Saxe, en l'espèce) et avec l'approbation du sous-comité TIC compétent au niveau national pour les aides à finalité régionale, un plafond de 35 % brut est admissible pour les grandes entreprises de ces régions(7). L'Allemagne a déclaré que ces conditions étaient remplies et a remis les procès-verbaux correspondants du sous-comité TIC compétent.

(26) Comme on l'a vu au point 14, dans son examen de la compatibilité de l'aide avec le marché commun, la Commission n'a pas tenu compte officiellement des observations qu'elle a reçues de la France en cours de procédure. Mais comme ces observations reprennent et étayent dans une large mesure les doutes exprimés par la Commission dans sa décision d'ouverture de la procédure, la présente appréciation y répond de manière indirecte.

(27) Pour pouvoir apprécier si une aide régionale au sens de l'article 87, paragraphe 3, point a), du traité CE peut être jugée compatible avec le marché commun, la Commission doit examiner si les conditions de l'encadrement communautaire sont remplies.

(28) Pour autoriser une aide en fonction des critères de l'encadrement communautaire, la Commission, après avoir vérifié si la région de destination est susceptible de recevoir des aides conformément au droit communautaire, examine si l'investisseur a pris un autre site en considération pour son projet, afin d'établir la nécessité de l'aide, notamment par rapport à la mobilité du projet.

(29) En raison du caractère de l'investissement sur un site de production entièrement nouveau (site vierge) et à partir des documents communiqués (études d'implantation, échange de correspondance avec les autorités tchèques, etc.), la Commission considère que le projet est mobile et que Kolin a été considérée comme le site alternatif présentant la meilleure viabilité économique.

(30) Les aides régionales destinées à la modernisation et à la rationalisation, qui s'avèrent en général non mobiles, ne sont pas autorisées dans le secteur automobile. Mais comme le projet en cause porte sur la création d'une usine entièrement nouvelle, il est donc éligible à une aide régionale. Les coûts d'investissement éligibles s'élèvent à 1204,9 millions d'euros (valeur actuelle nette).

(31) Conjointement avec un expert automobile indépendant, la Commission a examiné l'analyse coûts/bénéfices présentée, afin de vérifier si l'aide envisagée est proportionnée aux problèmes régionaux qu'elle doit contribuer à résoudre. Le handicap régional de Leipzig s'explique principalement par les coûts de main-d'oeuvre qui sont nettement plus élevés en Allemagne. Après l'ouverture de la procédure d'examen, l'Allemagne a clarifié certains éléments de l'analyse coûts/bénéfices qui avaient fait naître des doutes, et notamment les hypothèses de productivité, les effectifs des deux usines et les actions de formation nécessaires. L'analyse coûts/bénéfices repose sur l'hypothèse d'investissements identiques dans les terrains, bâtiments et infrastructures et dans les machines et les équipements des deux sites, pour assurer le même degré d'automatisation des usines. La productivité de la main-d'oeuvre serait cependant plus faible à Kolin, ce qui implique une moindre qualification et donc un éventuel besoin de formation de la main-d'oeuvre locale. L'analyse coûts/bénéfices tient compte des coûts de formation après le démarrage de la production ainsi que d'un nombre d'heures de travail par salarié plus élevé à Kolin qu'à Leipzig. En ce qui concerne les effectifs des deux sites, la productivité moindre à Kolin est plus que compensée par le temps de travail plus long. À partir des renseignements communiqués, la Commission juge plausibles les hypothèses relatives aux effectifs et aux heures de travail hebdomadaires sur les deux sites. Étant donné que le handicap des coûts de main-d'oeuvre est le facteur déterminant pour l'évaluation du handicap régional, il est crucial que les coûts de main-d'oeuvre de l'hypothèse soient effectivement engagés ex post.

(32) En ce qui concerne la productivité, les effectifs et le temps de travail du site de Leipzig, les hypothèses appliquées sont les suivantes:

>TABLE>

(33) En ce qui concerne la productivité, les effectifs et le temps de travail du site de Kolin, les hypothèses appliquées sont les suivantes:

>TABLE>

(34) Toutefois, les doutes exprimés dans la décision d'ouverture de la procédure à propos d'autres éléments de l'analyse coûts/bénéfices n'ont pas été dissipés. Il s'agit de l'hypothèse de convergence des coûts de main-d'oeuvre, du chiffrage de certains risques concernant les répercussions du choix du site sur l'image de marque et d'éventuelles difficultés au démarrage de la production.

(35) La Commission estime que la convergence réelle du niveau des salaires à Kolin est trop faible. Dans sa pratique constante, lorsque le site de comparaison se trouve dans un pays d'Europe centrale ou orientale (PECO), la Commission applique un facteur de convergence au niveau des salaires afin de tenir compte de l'évolution du marché du travail à la suite de l'élargissement. Bien que l'Allemagne ne s'oppose pas fondamentalement à ce facteur, l'analyse coûts/bénéfices utilise un taux de convergence plus faible que celui que la Commission a appliqué jusqu'ici dans des cas comparables. Lorsque le site retenu se trouve dans la Communauté et le site de comparaison en Europe centrale ou orientale, la Commission, dans sa pratique constante, applique un taux annuel de convergence des coûts salariaux de 5 % par an. On en trouve des exemples dans les décisions 2002/143/CE (VW/Dresde)(8), 2002/781/CE (DaimlerChrysler/Kölleda)(9) et 2002/900/CE (Renault/Valladolid)(10) ainsi que dans la décision d'ouverture de la procédure Opel/Azambuja(11). L'Allemagne justifie l'application d'une convergence inférieure à 5 % par le fait que, conformément à une convention conclue avec le personnel(12), les salariés de Leipzig profiteraient de diverses mesures, et notamment d'une réduction probable du temps de travail hebdomadaire(13) (qui augmenterait implicitement les coûts salariaux "réels"). La Commission estime qu'une telle réduction progressive du temps de travail hebdomadaire à Leipzig, lequel passerait de [...]* heures en 2002 à [...]* heures à partir de 2008, pourrait être jugée plausible. En revanche, l'hypothèse d'une augmentation "réelle" des coûts salariaux à Leipzig n'en découle pas obligatoirement, car elle aboutirait à une divergence par rapport au facteur de convergence de 5 % appliqué dans la pratique constante, notamment parce qu'un tel effet pourrait être théoriquement accepté aussi pour Kolin. C'est pourquoi la Commission prend pour Kolin une convergence réelle des salaires de 5 % par an. Il en résulte un handicap de coûts salariaux de 332,01 millions d'euros au lieu des 433,55 millions d'euros indiqués dans la notification. En conséquence, le handicap régional de Leipzig est diminué de 101,54 millions d'euros.

(36) En ce qui concerne le chiffrage des risques que comporte le choix du site pour l'image de marque, la Commission estime qu'une décision en faveur du site tchèque aurait eu une incidence négative sur l'image de marque et les ventes de BMW, surtout en Allemagne. L'Allemagne affirme que, en l'occurrence, les risques pour l'image de marque ne devaient pas être pris en considération, car pour le client, c'est la qualité qui est déterminante et, de plus, les usines BMW situées à l'étranger atteignent le même niveau de qualité qu'en Allemagne. Bien que l'Allemagne ait été invitée à estimer les coûts associés aux risques pour l'image de marque, aucune indication n'a été fournie à cet égard.

(37) La Commission estime en revanche que les risques pour l'image doivent être pris en compte. Dans une autre affaire, où il était question de la production éventuelle de modèles Rover en Hongrie, BMW elle-même a évoqué ce risque ("loss of 10 % in UK sales or increase in advertising")(14). En outre, les modèles BMW fabriqués sur des sites implantés hors d'Allemagne [comme l'Afrique du Sud et Spartanburg (États-Unis d'Amérique)] ne sont pas essentiellement destinés au marché allemand ou au marché européen. Mais en l'espèce, des véhicules automobiles de haut de gamme seraient fabriqués en grandes quantités dans un pays d'Europe orientale pour le marché européen et le marché allemand. On peut tout à fait supposer que la décision de BMW de ne pas réaliser dans une région des nouveaux Länder qui connaît un taux de chômage élevé un grand projet d'investissement créateur de nombreux emplois, mais de le réaliser à Kolin, aurait eu une incidence négative sur l'image publique de BMW en Allemagne. Dès lors, il semble plausible que, en cas de fabrication de voitures de haut de gamme en Europe orientale, l'impression subjective de qualité des clients puisse avoir une incidence négative sur les ventes. C'est pourquoi l'effet sur l'image doit être intégré dans l'analyse coûts/bénéfices.

(38) Étant donné que l'Allemagne n'a pas chiffré les risques pour l'image de marque, la Commission doit procéder à une estimation des coûts y afférents. Comme dans des affaires d'aide antérieures, ces risques ont été chiffrés en considérant que les effets négatifs potentiels pourraient être compensés par des dépenses de communication supplémentaires. D'après une estimation prudente établie conjointement avec l'expert automobile indépendant de la Commission, il est considéré que ces dépenses supplémentaires représenteraient 1 % du chiffre d'affaires total (prix unitaire départ usine multiplié par le volume de production) durant la période de suivi de cinq ans. Cette hypothèse repose sur une décision antérieure dans une affaire comparable, où le site de comparaison se trouvait également en Europe centrale et orientale(15). Les dépenses de communication supplémentaires en résultant s'élèvent à 85,37 millions d'euros.

(39) De même, les risques au démarrage (c'est-à-dire le temps nécessaire pour atteindre la pleine capacité de production) en cas de production à Kolin doivent être intégrés dans l'analyse coûts/bénéfices. Dans ces risques, on trouve aussi d'éventuels problèmes de qualité (en raison, par exemple, de la moindre qualification de la main-d'oeuvre ou de la plus grande difficulté à obtenir le transfert de technologie ou l'assistance des constructeurs de machines et d'équipements), des problèmes potentiels dus à la barrière linguistique et l'intégration éventuellement plus compliquée des fournisseurs, encore que ce dernier risque soit limité puisque, comme l'a confirmé l'expert automobile indépendant, la structure de fournisseurs est considérée comme quasi identique pour les deux sites. En outre, BMW a confirmé que, en principe, les approvisionnements sont traités mondialement et que les fournisseurs sélectionnés pour un modèle sont ceux qui conviennent le mieux à l'échelle mondiale pour l'ensemble du groupement de production.

(40) Selon l'Allemagne, les risques au démarrage sont relativement faibles en cas de production à Kolin et n'ont pas à être pris en compte. BMW a pourtant chiffré les risques dans le cas de figure le plus pessimiste ("worst case scenario"). Ce calcul a été effectué en considérant que le volume de production nominal serait atteint avec [...]* de retard, ce qui se traduirait à Kolin par un volume minoré de [...]* véhicules, lesquels devraient alors être produits sur les autres sites existants. Dans le groupement d'usines BMW, le modèle série 3 est fabriqué sur plusieurs sites [Munich, Ratisbonne, Rosslyn (Afrique du Sud) et Dingolfing]. La production temporairement diminuée de [...]* véhicules à Kolin pourrait être compensée par la production de [...]* véhicules en plus dans d'autres usines qui fabriquent le même modèle (notamment à Munich et à Ratisbonne). Ce transfert de production au sein du groupement d'usines BMW occasionnerait un surcoût de [...]* euros par véhicule qui, en cas de difficultés au démarrage, donnerait lieu à une dépense supplémentaire de 29,32 millions d'euros. Cette somme, qui représente les risques au démarrage, doit être prise en compte dans l'analyse coûts/bénéfices, en raison surtout du fait qu'actuellement BMW ne produit pas de voitures particulières en Europe orientale et que le démarrage de l'usine (sur site vierge) de Spartanburg (États-Unis) a connu d'énormes difficultés. [...]* Le chiffrage des risques au démarrage intègre d'éventuels problèmes de qualité. Il est en outre admis que le projet de Spartanburg (États-Unis) n'est pas totalement comparable, parce qu'il s'agit d'une nouvelle usine qui produit un modèle entièrement nouveau et qui est plus éloignée géographiquement du groupement de production BMW, alors qu'avec le projet en cause, il s'agit de la production d'un modèle déjà lancé sur le marché et déjà produit dans trois usines existantes qui sont relativement proches les unes des autres (Munich, Ratisbonne et Dingolfing).

(41) Si l'on intègre ces considérations dans l'analyse coûts/bénéfices, on obtient un résultat différent de celui qui a été indiqué dans la notification initiale. Par conséquent, la valeur actuelle nette du handicap régional de Leipzig s'élève à 375,16 millions d'euros. Étant donné que la valeur actuelle nette des coûts éligibles à Leipzig est chiffrée à 1204,9 millions d'euros, le handicap du site par rapport à Kolin est de 31,14 %.

(42) Enfin, l'encadrement communautaire exige la prise en compte de la variation des capacités de production du groupe avant et après l'investissement (conformément à la procédure d'ajustement régional). L'ajustement régional permet de modifier l'intensité d'aide admissible en fonction de la variation des capacités de production et du régime régional applicable dans la région assistée concernée. D'après les indications fournies par l'Allemagne, la capacité de production annuelle du groupe est de [...]* millions de véhicules avant l'investissement et de [...]* millions de véhicules après l'investissement. Dans ce cas, l'accroissement de la capacité ne peut être imputé qu'à l'augmentation de la capacité de l'usine de Leipzig de 160000 véhicules. Compte tenu de cette forte augmentation de capacité et du fait que le site est une région assistée au sens de l'article 87, paragraphe 3, point a), le "ratio handicap régional" doit, en application de l'encadrement communautaire, être minoré de 1 %. En conséquence, la Commission a réduit d'un point de pourcentage l'intensité d'aide admissible pour le projet d'investissement à Leipzig, la ramenant ainsi à 30,14 %.

VI. CONCLUSIONS

(43) La Commission constate que le projet d'investissement est mobile et que l'aide est nécessaire à sa réalisation. La valeur actuelle nette de l'aide envisagée en faveur de BMW pour le projet de Leipzig s'élève à 418,6 millions d'euros, avec une intensité d'aide de 34,7 % ESB. Même si cette valeur est inférieure au plafond fixé à 35 % ESB pour les aides à finalité régionale, elle est tout de même supérieure au handicap du site calculé d'après l'analyse coûts/bénéfices et minoré selon la procédure d'ajustement régional, soit 30,14 % des coûts d'investissement.

(44) En conséquence, la Commission ne peut autoriser qu'une aide s'élevant à 30,14 % des coûts d'investissement éligibles de 1204,9 millions d'euros (valeur actuelle nette), soit 363,16 millions d'euros (valeur actuelle nette). L'aide excédant cette somme est incompatible avec le marché commun.

(45) Compte tenu de l'effet de distorsion du marché que le montant élevé de l'aide et l'intensité d'aide du projet en cause risquent de provoquer, la Commission juge nécessaire que l'Allemagne contrôle l'exécution de l'investissement éligible et assure le suivi des versements de l'aide. L'encadrement communautaire prévoit que la Commission peut demander la réalisation d'opérations de contrôle et d'une évaluation ex post des aides attribuées, avec un degré de détail variable en fonction du cas particulier et de l'effet potentiel de distorsion du marché. En conséquence, la Commission invite l'Allemagne à lui communiquer, avant le versement de l'aide, des rapports annuels sur le résultat de ces opérations de contrôle.

(46) Aux fins de ce contrôle et de l'obligation de communication de rapports, il convient non seulement d'assurer que l'Allemagne respectera les intensités d'aide régionale exprimées en équivalent subvention brut, comme définies dans la présente décision, mais aussi de confirmer les hypothèses de l'analyse coûts/bénéfices relatives au handicap des coûts de main-d'oeuvre, principal facteur de détermination du handicap régional. Bien que la Commission ne nourrisse pas de doutes ex ante quant à la vraisemblance du handicap des coûts de main-d'oeuvre, il conviendrait d'inviter l'Allemagne à communiquer à la Commission des rapports annuels concernant la période de référence de l'analyse coûts/bénéfices (2005 à 2010), indiquant le total des coûts de main-d'oeuvre, le nombre d'emplois créés, les heures de travail hebdomadaires et le nombre de véhicules automobiles produits. Dans l'éventualité où les coûts de main-d'oeuvre s'écarteraient des données notifiées dans le cadre de l'analyse coûts/bénéfices, la Commission se réserve le droit de réduire en conséquence le montant de l'aide compatible,

A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:

Article premier

L'aide que l'Allemagne envisage d'accorder en faveur de la société Bayerischen Motorenwerke AG (BMW) pour le projet d'investissement à Leipzig est compatible avec le marché commun à hauteur de 363,16 millions d'euros (valeur actuelle nette) avec une intensité d'aide de 30,14 % des coûts d'investissement éligibles, sous réserve des conditions énoncées à l'article 3.

Article 2

Le montant de l'aide envisagée en faveur de BMW pour le projet d'investissement à Leipzig qui excède cette intensité d'aide est incompatible avec le marché commun et ne doit donc pas être accordé.

Article 3

L'Allemagne communique des rapports annuels sur l'exécution des investissements éligibles du projet et le suivi des versements de l'aide. En outre, l'Allemagne communique, pour la période 2005 à 2010, des rapports annuels indiquant le total des coûts de main-d'oeuvre, le nombre d'emplois créés, les heures de travail hebdomadaires et le nombre de véhicules automobiles produits.

Article 4

La République fédérale d'Allemagne est destinataire de la présente décision.

Fait à Bruxelles, le 11 décembre 2002.

Par la Commission

Mario Monti

Membre de la Commission

(1) JO C 128 du 30.5.2002, p. 15.

(2) Voir note 1 de bas de page.

(3) Des parties de ce texte ont été omises afin de garantir qu'aucune information confidentielle ne soit communiquée. Ces parties sont indiquées par des points de suspension entre crochets, suivis d'un astérisque.

(4) La Tribune, 19 juillet 2001 ("BMW préfère Leipzig à Arras pour sa nouvelle usine de production"); Les Échos, 7 juillet 2001 ("BMW construira sa nouvelle usine à Leipzig"); Les Échos, 10 juillet 2001 ("Arras serait hors course pour la future usine de BMW").

(5) JO L 83 du 27.3.1999, p. 1.

(6) JO C 279 du 15.9.1997, p. 1.

(7) N 195/99 - Zones bénéficiant d'une aide régionale en Allemagne de 2000 à 2003, pour les régions relevant de l'article 87, paragraphe 3, point a).

(8) JO L 48 du 20.2.2002, p. 25.

(9) JO L 282 du 19.10.2002, p. 23.

(10) JO L 314 du 18.11.2002, p. 92.

(11) JO C 151 du 25.6.2002, p. 2.

(12) Cette convention n'a pas été communiquée à la Commission.

(13) De surcroît, les salariés profiteraient de plus en plus d'autres mesures, comme les primes hors convention collective, les "primes de fin d'année conventionnelles" ou "la prime BMW".

(14) JO C 62 du 4.3.2000, p. 12.

(15) JO L 48 du 20.2.2002, p. 25. Dans cette affaire, il s'agissait de la production d'un modèle de luxe par VW à Dresde/Mosel. Le site alternatif se trouvait également en République tchèque.