32003D0264

2003/264/CE: Décision de la Commission du 21 décembre 2000 relative à l'aide d'État accordée par l'Allemagne en faveur de Förderanlagen- und Kranbau Köthen GmbH et de Kranbau Köthen GmbH (Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE) [notifiée sous le numéro C(2000) 4403]

Journal officiel n° L 097 du 15/04/2003 p. 0073 - 0080


Décision de la Commission

du 21 décembre 2000

relative à l'aide d'État accordée par l'Allemagne en faveur de Förderanlagen- und Kranbau Köthen GmbH et de Kranbau Köthen GmbH

[notifiée sous le numéro C(2000) 4403]

(Le texte en langue allemande est le seul faisant foi.)

(Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE)

(2003/264/CE)

LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,

vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 88, paragraphe 2, premier alinéa,

vu l'accord sur l'Espace économique européen, et notamment son article 62, paragraphe 1, point a),

après avoir invité les intéressés à présenter leurs observations conformément aux dispositions précitées(1) et après avoir tenu compte des observations reçues,

considérant ce qui suit:

I. PROCÉDURE

(1) Par lettre du 9 décembre 1997, l'Allemagne a notifié à la Commission une aide de la Bundesanstalt für vereinigungsbedingte Sonderaufgaben (BvS) et du Land de Saxe-Anhalt en faveur des sociétés Förderanlagen- und Kranbau Köthen GmbH et Kranbau Köthen GmbH. Cette aide a été enregistrée sous la référence NN 191/97.

(2) Par lettre du 16 mars 1998, la Commission a fait part à l'Allemagne de sa décision d'ouvrir la procédure formelle d'examen à l'égard de l'aide en cause et lui a délivré une injonction de fournir des informations.

(3) La décision de la Commission d'ouvrir la procédure a été publiée au Journal officiel des Communautés européennes(2), à la suite de quoi la Commission a reçu de la part d'intéressés des observations qu'elle a transmises à l'Allemagne.

(4) Par lettres des 26 et 28 août 1998, l'Allemagne a notifié à la Commission d'autres aides en faveur de Kranbau Köthen GmbH. Comme la décision d'ouverture de la procédure formelle d'examen prévoyait la possibilité d'extension de la procédure en cours, les nouvelles aides ont été intégrées dans celle-ci.

(5) Le 13 novembre 1998, la Commission s'est entretenue de l'affaire à Berlin avec des représentants des autorités allemandes. Ensuite, elle a reçu un complément d'information par courrier du 3 mars 1999. Lors d'une réunion organisée à Berlin le 29 mars 1999, l'affaire a de nouveau été discutée avec les autorités allemandes, lesquelles ont prié la Commission de bien vouloir différer l'examen du dossier jusqu'à ce que des informations complémentaires lui soient communiquées. Ces informations sont parvenues à la Commission par lettres des 21 et 26 mai 1999.

(6) La Commission a reçu de l'Allemagne des renseignements complémentaires le 1er juillet 1999 et par lettres datées des 12 juillet, 10 septembre, 29 septembre et 6 octobre 1999. Le 21 octobre 1999, à Bruxelles, la Commission s'est encore une fois entretenue de l'affaire avec les autorités allemandes et, le 26 octobre 1999, elle a envoyé à l'Allemagne une lettre exposant les principaux problèmes de l'aide. Par courriers des 24 novembre 1999, 21 mars, 27 avril, 18 mai, 20 juin, 26 juillet et 27 septembre 2000, l'Allemagne a envoyé ses dernières informations.

II. DESCRIPTION DE L'AIDE

Bénéficiaire de l'aide

(7) Le bénéficiaire de l'aide est une unité économique(3) composée de deux personnes morales, la société Förderanlagen und Kranbau Köthen GmbH (ci-après dénommée "FKK") et la société Kranbau Köthen GmbH (ci-après dénommée "Kranbau Köthen" ou "KK").

(8) FKK a son siège à Köthen, dans le Land de Saxe-Anhalt. Elle avait pour activité l'étude et la fabrication de grues et de convoyeurs. En décembre 1992, à l'issue d'un appel d'offres ouvert, elle a été privatisée par cession à la société Ludwig Willenborg Verwaltungsgesellschaft mbH und Co. KG. Il s'agissait là de la première privatisation du bénéficiaire de l'aide. Le 22 juillet 1997, FKK a déposé son bilan et la procédure de liquidation a été engagée le 1er septembre 1997.

(9) Kranbau Köthen est domiciliée à la même adresse que FKK. Elle crée et fabrique des grues spéciales, emploie 169 salariés et [...]*(4). Son capital est détenu en totalité par FKK. Avant le transfert de l'activité et des actifs, Kranbau Köthen était une société de cantonnement sans fonction commerciale, constituée le 28 juin 1997. Elle a repris des actifs de FKK ainsi que des contrats dont l'exécution n'avait pas encore commencé.

(10) En 1998, Kranbau Köthen a été privatisée par cession, sous certaines réserves, au groupe Georgsmarienhütte (ci-après dénommé le "groupe GMH") (décrit plus loin), lequel n'est pas une petite et moyenne entreprise (PME). Le capital de la société a été conservé par FKK. En raison de l'appartenance de Kranbau Köthen au groupe GMH, les aides qui lui sont accordées ne peuvent être examinées comme des aides à une PME(5). Enfin, plusieurs aides d'État en faveur de Kranbau Köthen concernent sa privatisation par cession au groupe GMH.

Nouveau propriétaire probable de Kranbau Köthen

(11) Le groupe GMH est le nouveau propriétaire probable de Kranbau Köthen. Ce groupe a pour activité la production, l'usinage et la transformation de fer, d'acier, d'aciers spéciaux et d'autres matériaux de base et matières premières. Son associé unique et gérant est M. Jürgen Großmann. Le groupe possède des établissements en Allemagne et en Autriche, deux entreprises de recyclage de ferrailles et différentes aciéries dans la Communauté. D'après les indications de l'Allemagne, le groupe GMH emploie quelque 5000 salariés [...]*. Il ne s'agit pas d'une PME.

Évolution économique du bénéficiaire de l'aide depuis 1992

(12) D'après les indications de l'Allemagne, les difficultés de FKK ont commencé en 1993 et 1994. À partir de 1994, l'entreprise n'a cessé d'être déficitaire. Elle souffrait des problèmes suivants: décisions malencontreuses de la direction, frais de personnel trop élevés, création du secteur non rentable des convoyeurs, insuffisance des moyens financiers de l'investisseur et mauvaise exécution du plan de restructuration. En 1995, ces difficultés ont incité la BvS et le Land de Saxe-Anhalt à intervenir dans la restructuration au moyen d'une action concertée.

(13) L'Allemagne déclare que la condition sine qua non de la réussite de la restructuration de FKK consistait, d'une part, à trouver un nouveau partenaire commercial et, d'autre part, à changer de gérant. Or les négociations menées avec une société finlandaise n'ont pas abouti et l'associé de FKK s'est refusé à obtempérer à la BvS qui exigeait un changement de gérant. Cette situation a fait que, en 1996, FKK n'a pas atteint son objectif de chiffre d'affaires [...]* et que les frais généraux se sont élevés à [...]*. Les mesures de réduction des effectifs ont été assorties d'indemnités de licenciement [...]*. [...]*, FKK a finalement dû déposer son bilan en 1997.

(14) En 1997, durant la procédure de liquidation de FKK, la société Kranbau Köthen a été constituée comme filiale de cette dernière, en vue de la reprise de l'activité de construction de grues de FKK qui pouvait être rentable. Selon des indications fournies par l'Allemagne en novembre 1999, le liquidateur de FKK avait élaboré dès 1997 un plan de restructuration pour l'activité "grues", afin de résoudre les difficultés d'exploitation qui subsistaient malgré la création de la nouvelle entreprise et le règlement des dettes. Des capitaux ont été fournis pour l'acquisition d'actifs essentiels de l'activité "grues" de FKK et l'exécution des contrats de FKK repris.

(15) Dans un premier temps, l'élément principal a consisté en une phase de transition durant laquelle l'activité "grues" a été dégagée de FKK, puis dotée des fonds nécessaires à son existence en tant que secteur autonome. C'est à ce moment-là aussi que les premières mesures de restructuration ont été appliquées et qu'un partenaire commercial a été recherché. Dès que le partenaire adéquat - le groupe GMH - a été trouvé en août 1998, d'autres mesures ont été prises pour compléter le plan de restructuration.

(16) Le plan de restructuration prévoit ce qui suit: Kranbau Köthen se consacre à l'étude et à la construction de grues spéciales fixes (à utiliser dans des lieux spécifiques), ce qui comprend l'étude et la construction de grues complètes ainsi que la fabrication et la fourniture de pièces de rechange, mais aussi la prestation des services qui s'y rattachent, comme la transformation de grues. La durée de la restructuration va de 1997 à 2001. Les principales mesures portent sur la réduction des coûts, la réduction permanente des effectifs, la mobilisation des moyens nécessaires au financement de contrats, l'acquisition d'actifs de FKK indispensables à la poursuite de l'activité "grues" et l'acquisition de droits de propriété industrielle en vue du développement et de la modernisation de la gamme de produits de Kranbau Köthen. Par ailleurs, les installations reprises à FKK, dont certaines sont vétustes et en piteux état, doivent être rénovées. Ces mesures d'organisation s'accompagnent d'une restructuration financière prévoyant la fourniture de capital et de moyens financiers permettant l'exécution des contrats.

(17) Les autorités allemandes pensent que KK va en outre profiter de son intégration dans le groupe GMH, car celui-ci possède, dans le domaine de la production, de la distribution et de la formation, l'expérience extrêmement importante dont KK a besoin.

(18) L'objectif de chiffre d'affaires fixé pour 2000 et 2001 sera probablement atteint, notamment grâce à trois grosses commandes [...]* récemment obtenues. D'après les renseignements fournis en septembre 2000, le carnet de commandes s'est suffisamment étoffé depuis lors pour permettre la pleine utilisation de la capacité de production de KK jusqu'au milieu de l'année 2001.

(19) Le coût de la restructuration de 1997 à 2001 se décompose comme suit:

Tableau 1

Coût de la restructuration de Kranbau Köthen

>TABLE>

(20) [...]* Entre-temps, le sérieux du plan de restructuration a été par le plus récent rapport d'activité de KK, certifié par des commissaires aux comptes, [...]*.

(21) La Commission sait qu'elle doit fonder son appréciation sur les données existant au moment de l'exécution des mesures de restructuration en faveur de KK, c'est-à-dire les données de 1997. Avec l'arrivée du nouvel investisseur - le groupe GMH -, le plan de restructuration initial a été, par la force des choses, très largement modifié et reflète désormais la nouvelle situation. Les chiffres indiqués ci-après, lorsqu'il s'agit de chiffres réels(6), tiennent déjà compte de ces modifications, alors que les prévisions pour la période 2000-2002 reposent encore sur la version 1997 du plan de restructuration. Tous les chiffres sont en millions de marks allemands (DEM).

Tableau 2

Résultats financiers de Kranbau Köthen((Le tableau contient des données sélectionnées et donne donc des calculs incomplets.))

>TABLE>

SOURCES DE FINANCEMENT

Concours financiers en faveur de FKK (1re enveloppe d'aides)

(22) La notification à la Commission des aides en faveur de FKK mentionne des concours de la Treuhandanstalt (Treuhand) en faveur de FKK avant et pendant la privatisation en 1992. Entre 1993 et 1994, la mauvaise exécution d'un plan de restructuration antérieur a provoqué de sérieux problèmes de trésorerie. Étant donné que, au début de 1995, la poursuite de FKK était extrêmement incertaine, la BvS, le Land de Saxe-Anhalt et l'investisseur privé de l'époque se sont mis d'accord, en mars 1995, sur une série de concours financiers. Jusqu'en 1995 inclus, les concours suivants ont été octroyés à FKK:

Tableau 3

Concours financiers de l'État en faveur de FKK

>TABLE>

Concours financiers en faveur de Kranbau Köthen (2e enveloppe d'aides)

(23) Dans sa notification du 9 décembre 1997, l'Allemagne a communiqué les premiers éléments relatifs aux concours financiers de l'État en faveur de KK à partir de 1997. D'après les derniers renseignements fournis, la deuxième enveloppe d'aides s'élève à 30,9 millions de DEM et doit financer la restructuration de 1997 à 2001.

Tableau 4

Concours financiers de l'État en faveur de Kranbau Köthen

>TABLE>

Concours financiers privés en faveur de Kranbau Köthen

(24) Une contribution privée n'a pu être apportée que lors de la privatisation conditionnelle de Kranbau Köthen par sa cession au groupe GMH en juillet 1998. D'après les informations communiquées en novembre 1999 et immédiatement après, la contribution privée au coût du nouveau plan de restructuration s'est composée d'un apport de trésorerie de 3 millions de DEM, d'un prêt de 1,879 million de DEM pour le compte de Kranbau Köthen et de garanties à hauteur de 9,5 millions de DEM (soit 14,379 millions de DEM au total). Ces contributions ont été apportées sans aide de l'État.

(25) Par ailleurs, l'Allemagne indique deux autres contributions privées, à savoir la renonciation par les salariés de Kranbau Köthen au paiement de traitements et salaires à hauteur de 3 millions de DEM et le transfert de savoir-faire du groupe GMH à Kranbau Köthen qui représenterait 3,4 millions de DEM.

MARCHÉ EN CAUSE

(26) Kranbau Köthen crée, étudie et produit des grues spéciales fixes et les pièces de rechange correspondantes, ainsi que des transformations à la demande.

(27) La Commission ne dispose pas de renseignements précis sur le segment de marché des grues spéciales fixes dans lequel KK exerce son activité, mais rien n'indique qu'il y existe des surcapacités. La Commission constate que, d'une manière générale, la concurrence est très vive dans l'ensemble du secteur de la construction de grues et qu'il y avait tout lieu de penser que ce secteur connaissait des surcapacités(7). D'après les éléments communiqués à la Commission par l'institut fédéral de la statistique, le chiffre d'affaires de l'ensemble du marché allemand des grues et convoyeurs avait fortement progressé, passant de 20,5 milliards de DEM en 1998 à 21,9 milliards de DEM en 1999.

(28) Le marché des grues spéciales s'étend au moins à l'Espace économique européen(8) et fait l'objet d'échanges intracommunautaires très intenses.

MOTIFS D'OUVERTURE DE LA PROCÉDURE FORMELLE D'EXAMEN

(29) La procédure formelle d'examen a été ouverte parce que, dans un premier temps, la nature et l'objet des aides en faveur de Kranbau Köthen décrites par l'Allemagne étaient flous et que, lorsque les informations étaient précises, les aides ne répondaient manifestement pas aux critères applicables aux aides au sauvetage et à la restructuration tels que définis dans les lignes directrices pour les aides d'État au sauvetage et à la restructuration des entreprises en difficulté(9) (ci-après dénommées les "lignes directrices"). En outre, lors de l'ouverture de la procédure formelle d'examen, la Commission s'est interrogée sur l'existence éventuelle de surcapacités dans le secteur concerné.

(30) Voudrait-on qualifier les concours d'aides au sauvetage, on constaterait que plusieurs concours ne remplissaient pas les conditions fixées dans les lignes directrices. En effet, deux d'entre eux ont été accordés bien au-delà du délai d'octroi qui, en règle générale, ne doit pas dépasser six mois. En l'occurrence, il n'existait aucune justification autorisant une dérogation.

(31) Si l'on voulait qualifier les concours d'aides à la restructuration, il aurait d'abord fallu procéder à une analyse des problèmes permettant d'expliquer les difficultés et présenter un plan de restructuration. En fait, il y avait un déficit d'information sur l'évolution des capacités, et comme aucun investisseur n'a manifesté son intérêt pour l'entreprise, on pouvait supposer que celle-ci était maintenue en vie artificiellement. En outre, il n'y a pas eu en son temps une contribution suffisante de l'investisseur au coût de la restructuration.

III. OBSERVATIONS DE TIERS INTÉRESSÉS ET DE L'ALLEMAGNE

(32) Au mois d'avril 1997, un membre du Parlement européen a transmis à la Commission la plainte d'un concurrent ouest-allemand contre FKK. Cette plainte a été retirée le 1er avril 1999 sans explications. À la suite de la publication au Journal officiel des Communautés européennes en novembre 1998 de la lettre adressée par la Commission à l'Allemagne, un autre concurrent ouest-allemand a formé une plainte contre Kranbau Köthen. Cette plainte a été retirée le 27 avril 1999, là encore sans la moindre explication. Par ailleurs, la Commission a reçu d'un client néerlandais des observations favorables à Kranbau Köthen.

(33) Les observations susmentionnées ont été transmises à l'Allemagne. Par lettre du 3 mars 1999, les autorités allemandes ont contesté les plaintes et évoqué leur retrait. Au mois de novembre 2000, la Commission a reçu deux lettres de tiers, mais en raison de leur arrivée extrêmement tardive par rapport au délai d'un mois fixé dans la décision d'ouverture de la procédure, elle ne pouvait plus en tenir compte pour la présente décision.

IV. APPRÉCIATION

Applicabilité de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE

(34) En vertu de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides qui faussent ou menacent de fausser la concurrence à l'intérieur du marché commun en favorisant certaines entreprises.

(35) L'Allemagne a amplement démontré que deux mesures de la BvS prises dans le cadre de l'action concertée de 1995, à savoir un prêt de 8,2 millions de DEM et une remise de dettes de 6,8 millions de DEM, étaient destinées à régler une créance détenue sur la BvS. En effet, une clause particulière du contrat de privatisation de FKK de 1992 stipulait que, dans certaines conditions, la BvS pouvait être rendue responsable de n'avoir pas remis à l'entreprise privatisée tous les fonds propres prévus dans le contrat de privatisation. En 1994, cette hypothèse s'est avérée, les capitaux propres manquants ayant été estimés à 15 millions de DEM. Cette estimation a été confirmée ultérieurement par des experts indépendants.

(36) Pour éviter les objections juridiques, la BvS a mis à la disposition de FKK en 1995 la somme totale de 15 millions de DEM au moyen des deux mesures susmentionnées. La Commission conclut que le règlement d'une créance raisonnable et justifiée peut être qualifié de comportement commercial normal et que les deux mesures prises en 1995 ne constituent donc pas une aide d'État.

(37) Les moyens financiers que l'Allemagne a mis à la disposition du bénéficiaire de l'aide dans le cadre de la première et de la deuxième enveloppe d'aides procurent à une certaine entreprise en difficulté des avantages économiques que celle-ci aurait probablement eu beaucoup de mal à obtenir auprès de bailleurs de fonds privés. C'est pourquoi ces moyens financiers sont aptes à constituer des aides d'État et peuvent, par leur nature, fausser la concurrence. Compte tenu de la nature des aides et du fait qu'il existe des échanges intracommunautaires sur les marchés en cause où le bénéficiaire de l'aide - qu'il s'agisse de FKK ou de KK - était ou est présent, ces aides entrent dans le champ d'application de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE, exception faite des deux mesures de 1995 qui totalisent 15 millions de DEM.

Aides d'État relevant de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE et compatibles avec le marché commun

(38) En règle générale, les mesures entrant dans le champ d'application de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE sont incompatibles avec le marché commun, sauf si elles relèvent des dérogations énoncées à l'article 87, paragraphes 2 ou 3, du traité CE. En tout état de cause, en vertu de l'article 88, paragraphe 3, les États membres sont tenus de notifier les aides à la Commission avant de les mettre à exécution.

(39) En l'espèce, les dispositions applicables sont celles de l'article 87, paragraphe 3, qui permettent à la Commission d'autoriser des aides d'État dans certaines conditions. En font partie, aux termes de l'article 87, paragraphe 3, point c), les aides destinées à faciliter le développement de certaines activités, quand elles n'altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun. La Commission a établi dans les lignes directrices les conditions d'application de la dérogation de l'article 87, paragraphe 3, point c), du traité CE.

(40) De même, l'article 87, paragraphe 3, point a), permet à la Commission d'autoriser les aides d'État destinées à favoriser le développement économique de régions dans lesquelles le niveau de vie est anormalement bas ou dans lesquelles sévit un grave sous-emploi. Bien que les nouveaux Länder entrent dans le champ d'application de cette dérogation(10), l'aide examinée est essentiellement destinée à sauver ou à restructurer une entreprise en difficulté et non à favoriser le développement économique d'une région. Et même si l'entreprise sauvée ou restructurée avec succès peut contribuer au développement d'une région, l'aide doit être appréciée au regard de l'article 87, paragraphe 3, point c), et non de l'article 87, paragraphe 3, point a).

Concours financiers en faveur de FKK (1re enveloppe d'aides)

(41) D'après la lettre de l'Allemagne du 28 août 1998, FKK a perçu au titre de la première enveloppe d'aides une somme totale de 141,363 millions de DEM, y compris les 15 millions de DEM qui ont été accordés en 1995 et ne constituent pas une aide d'État. Au vu des informations dont elle dispose, la Commission apprécie l'affaire comme suit:

(42) En ce qui concerne les subventions d'un montant total de 14,243 millions de DEM affectées au plan social et versées avant la privatisation en 1992, la Commission rappelle que les indemnités et/ou les pensions de retraite que les entreprises sont tenues de payer en vertu du droit du travail ou de conventions collectives font partie de leurs coûts normaux et doivent être payées sur leurs propres ressources. C'est pourquoi toute contribution de l'État à ces coûts doit être considérée comme une aide. Par conséquent, les subventions affectées au plan social constituent une aide.

(43) Les prêts et les garanties accordés à Kranbau Köthen avant sa privatisation, au titre du régime d'aide de la Treuhand NN 108/91(11), sont compatibles avec ce régime autorisé(12), quel que soit leur montant.

(44) La remise de dettes de 45,921 millions de DEM opérée avant la privatisation en 1992 porte sur des dettes anciennes datant de l'époque antérieure au 1er juillet 1990 et n'est pas considérée comme une aide en vertu du régime d'aide de la Treuhand NN 108/99(13).

(45) En ce qui concerne les concours octroyés dans le cadre de la privatisation en 1992, la Commission constate que les subventions directes à l'investissement sont fondées sur un régime d'aide autorisé(14) et qu'elle n'a donc pas à les examiner. Quant à la renonciation au remboursement des subventions affectées au plan social, il s'agit d'aides dont le remboursement n'a jamais été envisagé, en raison de la situation difficile de l'entreprise. Étant donné que les garanties et les prêts destinés au sauvetage et à la restructuration d'entreprises en difficulté présentent une intensité d'aide de 100 %, la renonciation au remboursement ne peut pas être considérée comme une aide nouvelle.

(46) Les autres concours octroyés dans le cadre de la privatisation sont imputés au régime d'aide de la Treuhand E 15/92, un régime autorisé par la Commission(15). D'après les informations dont la Commission dispose, l'entreprise a été vendue au plus offrant dans le cadre d'une procédure ouverte et inconditionnelle. Aucune indication n'a été fournie quant au prix de cession, mais comme la résorption des pertes et la reprise de pertes imminentes avaient été convenues lors de la privatisation, la Commission pense que l'entreprise a été vendue à un prix négatif(16). Étant donné que, d'après les éléments fournis par l'Allemagne, l'entreprise ne comptait pas plus de 1000 salariés, les mesures d'aide sont compatibles avec le régime d'aide de la Treuhand précité(17), quel que soit leur montant.

(47) Parmi les mesures appliquées dans le cadre de l'action concertée de 1995, la seule qui soit susceptible d'être considérée comme une aide d'État est la prorogation d'une garantie en cours. Initialement accordée avant la privatisation en 1992, cette garantie relève du régime d'aide correspondant de la Treuhand. Étant donné que l'aide relevait d'un régime autorisé et que son intensité a de toute façon été estimée à 100 % du montant garanti, la Commission ne considère pas sa prorogation comme une aide supplémentaire.

Concours financiers en faveur de Kranbau Köthen (2e enveloppe d'aides)

(48) La deuxième enveloppe d'aides en faveur de Kranbau Köthen était destinée à la restructuration de la société de 1997 à 2001. Les conditions d'octroi des aides à la restructuration sont précisées au point 3.2 des lignes directrices. En l'espèce, ces conditions ont été remplies dans leur totalité:

Retour à la viabilité

(49) La condition sine qua non de l'applicabilité des lignes directrices est le rétablissement dans un délai raisonnable de la viabilité à long terme de l'entreprise, sur la base d'hypothèses réalistes. Les problèmes de l'activité "grues" du bénéficiaire de l'aide seront résolus par le plan de restructuration. Grâce aux différentes mesures de restructuration décrites plus haut, les coûts de production de KK ont pu être réduits. De surcroît, l'entreprise a bénéficié d'un facteur indépendant de sa volonté, à savoir l'amélioration de la situation du marché.

(50) En outre, KK profitera très largement de son intégration dans le groupe GMH, car celui-ci possède dans le domaine de la production, de la distribution et de la formation l'expérience extrêmement importante dont KK a besoin. En outre, cette intégration donnera à KK l'accès à de nouveaux clients, tant au sein du groupe GMH qu'à l'extérieur, ainsi qu'à des moyens financiers. Du reste, des renseignements relatifs au carnet de commandes et à la rentabilité de l'entreprise ont confirmé entre-temps que cette intégration permettait en effet à celle-ci d'étoffer sa clientèle.

(51) Les chiffres de rendement actuels et prévisionnels alliés à une amélioration du carnet de commandes de Kranbau Köthen viennent étayer le constat final que la viabilité peut être rétablie dans un délai raisonnable. Cette condition est donc remplie.

Prévention de distorsions de concurrence indues

(52) Les bénéficiaires d'aides ne doivent pas se servir des aides pour augmenter leur capacité de production et, s'il existe des surcapacités sectorielles, on attend d'eux qu'ils réduisent leur capacité. À l'époque de la notification initiale, il existait des signes de surcapacités éventuelles dans le secteur de la construction de grues. Étant donné que la restructuration avait déjà commencé durant la procédure de faillite de FKK, la capacité de production est un élément important. La modernisation de l'activité "grues" a été obtenue par le relèvement de l'efficience, sans augmentation de la capacité de production totale du bénéficiaire de l'aide.

(53) Il faut d'ailleurs noter que KK n'a pas repris la totalité des chaînes de fabrication de sa devancière FKK, mais seulement quelques-unes, ce qui a réduit aussi bien l'exploitation que l'effectif. En fait, la capacité totale de l'entreprise a déjà été réduite par l'arrêt de certaines installations de production de FKK.

(54) Des goulets d'étranglement vont cependant subsister au niveau de la production, et notamment dans le domaine du découpage dont dépend le nombre des grues construites. Compte tenu de l'objet de la société, c'est-à-dire la réalisation de grues à la demande du client et la fabrication de pièces de rechange, la capacité de Kranbau Köthen est difficile à chiffrer. Mais, comme on l'a déjà vu plus haut, il n'y a pas de signes de surcapacités dans le créneau où opère KK.

(55) Pour conclure, la Commission constate que, dans son créneau, KK est exposée à la concurrence de filiales de nombreuses grandes entreprises. En fait, l'aide accordée à KK ne devrait fausser la concurrence que de manière tout à fait minime. Mesurées à l'aune de leur utilité, les aides à la restructuration accordées dans le cadre de la deuxième enveloppe d'aides ne provoqueront pas de distorsions de concurrence indues. Cette condition est donc, elle aussi, remplie.

Proportionnalité de l'aide

(56) Le montant et l'intensité de l'aide doivent être limités au strict minimum nécessaire pour permettre la restructuration et doivent être en rapport avec le coût total de la restructuration. Le bénéficiaire de l'aide doit contribuer de manière importante aux coûts de la restructuration de l'entreprise en difficulté. Si l'aide à la restructuration est octroyée à une entreprise en difficulté dont l'existence entière repose sur des ressources d'État, cette contribution doit être apportée par un financement extérieur privé, puisque les contributions du bénéficiaire de l'aide peuvent indirectement provenir d'aides.

(57) Le transfert, indiqué par l'Allemagne, des frais de gestion [...]* par le groupe GMH à Kranbau Köthen ne saurait être considéré comme une opération ayant permis de réduire le coût de la restructuration de Kranbau Köthen. Car enfin, même si les autorités allemandes qualifient de transfert de savoir-faire la collaboration de la gérance de GMH, on ne voit pas très bien si un savoir-faire, une propriété industrielle ou une propriété intellectuelle ont été transférés à Kranbau Köthen ou lui ont été cédés sous licence. Il semble que le transfert consiste surtout en prestations de services. Toutefois, les frais de gestion supportés par une entreprise à la suite de l'acquisition d'une autre entreprise et de l'intégration de celle-ci ne sont généralement pas considérés comme des coûts de restructuration de l'entreprise en cause.

(58) La contribution des salariés sous forme de réduction des traitements et salaires ne peut être considérée comme une contribution importante de l'investisseur. Cela mis à part, la Commission se félicite de ces mesures, car elles témoignent de la volonté du personnel d'assurer la réussite de la restructuration tout en contribuant à la réduction des besoins de financement de l'entreprise.

(59) La valeur des autres facteurs, et notamment de l'apport de trésorerie et des facilités de financement consenties par le groupe GMH, constituent en tout cas une contribution de l'investisseur [...]*. Comme, de surcroît, il s'agit d'une contribution importante, cette condition est remplie.

Mise en oeuvre complète du plan de restructuration

(60) L'entreprise bénéficiaire d'aides à la restructuration doit mettre en oeuvre intégralement le plan de restructuration qui a été présenté à la Commission et accepté par celle-ci. La mise en oeuvre du plan de restructuration est contrôlée à l'aide de rapports annuels que l'Allemagne présente à la Commission.

V. CONCLUSIONS

(61) La Commission considère que les concours de 15 millions de DEM accordés en 1995 en faveur de FKK ne constituent pas une aide d'État. Elle considère en outre que l'Allemagne a donné exécution à la deuxième enveloppe d'aides enregistrée sous la référence C 15/98 (ex NN 191/97) en infraction aux dispositions de l'article 88, paragraphe 3, du traité CE. Toutefois, malgré son exécution illégale, cette enveloppe d'aides remplit les conditions des lignes directrices pour les aides à la restructuration et est donc compatible avec le marché commun,

A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:

Article premier

Sous réserve des conditions énoncées à l'article 2, l'aide ad hoc à la restructuration de 27,8 millions de DEM (14,21 millions d'euros) accordée par l'Allemagne en faveur de l'unité économique Kranbau Köthen GmbH, composée des sociétés Förderanlagen- und Kranbau Köthen GmbH et Kranbau Köthen GmbH, est compatible avec le marché commun.

Cette aide comprend les concours suivants:

a) subventions de 16,3 millions de DEM (8,33 millions d'euros) accordées par la Bundesanstalt für vereinigungsbedingte Sonderaufgaben (BvS) et le Land de Saxe-Anhalt;

b) contre-garantie de la BvS à hauteur de 11,5 millions de DEM (5,88 millions d'euros).

Article 2

1. Le plan de restructuration doit être mis en oeuvre intégralement. Toutes les mesures qui s'imposent seront prises pour garantir cette mise en oeuvre.

2. L'Allemagne présente à la Commission un rapport annuel sur le déroulement du plan de restructuration.

3. En cas de non-respect des conditions énoncées aux paragraphes 1 et 2, la restitution de l'aide peut être exigée.

Article 3

La République fédérale d'Allemagne est destinataire de la présente décision.

Fait à Bruxelles, le 21 décembre 2000.

Par la Commission

Mario Monti

Membre de la Commission

(1) JO C 338 du 6.11.1998, p. 4.

(2) JO C 338 du 6.11.1998, p. 4.

(3) La Cour de justice des Communautés européennes a déclaré ce qui suit: "La notion d'entreprise, placée dans un contexte de droit de la concurrence, doit être comprise comme désignant une unité économique du point de vue de l'objet de l'accord en cause même si, du point de vue juridique, cette unité économique est constituée de plusieurs personnes, physiques ou morales" (arrêt du 12 juillet 1984 dans l'affaire 170/83, Hydrotherm contre Andreoli, Rec. 1984, p. 2999, point 11); voir aussi l'arrêt du Tribunal de première instance du 29 juin 2000 dans l'affaire T-234/95, DSG Dradenauer Stahlgesellschaft, point 124 (non encore publié).

(4) Des parties de ce texte ont été omises afin de garantir qu'aucune information confidentielle ne soit communiquée. Ces parties sont indiquées par des points de suspension entre crochets, suivis d'un astérisque.

(5) Voir l'encadrement communautaire des aides d'État aux petites et moyennes entreprises (JO C 213 du 27.7.1996, p. 4).

(6) Les chiffres concernant 1998 et 1999 proviennent des livres comptables et ont été certifiés par des vérificateurs indépendants.

(7) Voir Statistisches Handbuch für den Maschinenbau du Verband Deutscher Maschinen- und Anlagenbau e.V., édition 1997, p. 57.

(8) Voir décision de la Commission du 17 août 1999 dans l'affaire n° IV/M.1594 - Preussag/Babcock Borsig, considérant 16.

(9) JO C 368 du 23.12.1994, p. 12. Ces lignes directrices ont été republiées en 1999 (JO C 288 du 9.10.1999, p. 2). Les nouvelles lignes directrices ne sont pas applicables en l'espèce, car les aides ont été octroyées avant leur publication (voir point 7 de la version de 1999).

(10) Voir décision de la Commission relative à l'aide N 464/93.

(11) SG(91) D/17825 du 26.9.1991.

(12) Le régime d'aide de la Treuhand NN 108/91 s'étend aux prêts et garanties accordés par la Treuhand à des entreprises comme première mesure en vue de leur privatisation et ne prévoit aucun seuil.

(13) D'après le régime d'aide de la Treuhand NN 108/91, l'abandon de créances détenues sur des entreprises et datant de l'époque antérieure au 1er juillet 1990, qui sont imputables à des mesures arbitraires de l'ancienne économie planifiée, ne constitue pas une aide d'État.

(14) Subventions à l'investissement au titre de la tâche d'intérêt commun "Amélioration des structures économiques régionales". Ces mesures sont considérées comme des aides régionales à l'investissement en application de l'article 87, paragraphe 1, du traité CE et ont été autorisées sur la base de la dérogation de l'article 87, paragraphe 3, point a), du traité CE.

(15) SG(92) D/17613 du 8.12.1992.

(16) D'après le paragraphe 4 du régime d'aide de la Treuhand E 15/92, la Commission pense que les prix négatifs peuvent receler une subvention permettant à l'acquéreur de résorber des pertes de l'entreprise en cause.

(17) D'après le paragraphe 3 du régime d'aide Treuhand E 15/92, lorsque des entreprises étaient privatisées, les prêts et les garanties devaient être notifiés à un prix négatif si l'entreprise employait plus de 1000 salariés. D'après les renseignements des autorités allemandes, l'entreprise en cause employait 718 salariés en 1992. En conséquence, les mesures entraient dans le champ d'application de ce régime d'aide.