32003D0002

2003/2/CE: Décision de la Commission du 21 novembre 2001 relative à une procédure d'application de l'article 81 du traité CE et de l'article 53 de l'accord EEE (Affaire COMP/E-1/37.512 — Vitamines) [notifiée sous le numéro C(2001) 3695] (Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE)

Journal officiel n° L 006 du 10/01/2003 p. 0001 - 0089


Décision de la Commission

du 21 novembre 2001

relative à une procédure d'application de l'article 81 du traité CE et de l'article 53 de l'accord EEE

(Affaire COMP/E-1/37.512 - Vitamines)

[notifiée sous le numéro C(2001) 3695]

(Les textes en langues allemande, anglaise, française et néerlandaise sont les seuls faisant foi.)

(Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE)

(2003/2/CE)

LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,

vu le traité instituant la Communauté européenne,

vu l'accord sur l'Espace économique européen,

vu le règlement n° 17 du Conseil du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité(1), modifié en dernier lieu par le règlement (CE) n° 1216/1999(2), et notamment son article 3 et son article 15, paragraphe 2,

vu la décision de la Commission du 6 juillet 2000 d'ouvrir la procédure dans la présente affaire,

après avoir donné aux entreprises concernées l'occasion de faire connaître leur point de vue au sujet des griefs retenus par la Commission, conformément à l'article 19, paragraphe 1, du règlement n° 17 et au règlement (CE) n° 2842/98 de la Commission du 22 décembre 1998 relatif à l'audition dans certaines procédures fondées sur les articles 85 et 86 du traité CE(3),

vu le rapport final du conseiller-auditeur dans la présente affaire,

après consultation du comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes,

considérant ce qui suit:

1. FAITS

1.1. RÉSUMÉ DE L'INFRACTION

(1) Les entreprises suivantes sont destinataires de la présente décision infligeant des amendes pour infractions à l'article 81, paragraphe 1, du traité et à l'article 53 de l'accord EEE:

- F. Hoffmann-La Roche AG (ci-après dénommée "Roche"),

- BASF AG (ci-après dénommée "BASF"),

- Aventis SA (ex-Rhône-Poulenc) (ci-après dénommée "Aventis"),

- Lonza AG (ci-après dénommée "Lonza"),

- Solvay Pharmaceuticals BV (ci-après dénommée "Solvay"),

- Merck KgaA (ci-après dénommée "Merck"),

- Daiichi Pharmaceutical Co. Ltd (ci-après dénommée "Daiichi"),

- Eisai Co. Ltd (ci-après dénommée "Eisai"),

- Kongo Chemical Co. Ltd (ci-après dénommée "Kongo"),

- Sumitomo Chemical Co. Ltd (ci-après dénommée "Sumitomo"),

- Sumika Fine Chemicals Ltd (ci-après dénommée "Sumika"),

- Takeda Chemical Industries Ltd (ci-après dénommée "Takeda"),

- Tanabe Seiyaku Co. Ltd (ci-après dénommée "Tanabe").

(2) Pour les périodes et pour les différents produits vitaminiques spécifiés dans la présente décision, les producteurs des vitamines A, E, B1, B2, B5, B6 C, D3 et H, d'acide folique, de bêta-carotène et de caroténoïdes approvisionnant la Communauté et l'EEE ont conclu et mis en oeuvre une série d'accords durables, contraires à l'article 81, paragraphe 1, du traité et à l'article 53 de l'accord EEE, dans le cadre desquels ils ont fixé les prix des différents produits, se sont attribués des quotas de vente, ont décidé d'un commun accord et mis en oeuvre des augmentations de prix, ont publié des annonces de prix conformément à leurs accords, ont vendu les produits aux prix convenus, ont mis en place un mécanisme de surveillance et de contrôle du respect des accords et ont participé à un système de réunions régulières pour mettre leurs plans à exécution.

a) Participants, produit, durée

>TABLE>

b) Participants par produit

>TABLE>

1.2. INDUSTRIE

1.2.1. VITAMINES

(3) Les vitamines sont un groupe de micronutriments constitués de différents types de composés organiques qui doivent être présents en petites quantités dans l'alimentation humaine et animale pour assurer une croissance et un développement normaux et le maintien en vie. Leur fonction physiologique dans l'organisme et leur mode d'action diffèrent. Certaines vitamines sont des sources essentielles de coenzymes nécessaires au métabolisme, d'autres interviennent dans le métabolisme d'autres vitamines. Toutes les vitamines connues peuvent être synthétisées chimiquement.

(4) À de rares exceptions près, l'organisme vivant ne peut synthétiser lui-même les vitamines. Celles-ci doivent être apportées par l'alimentation ou des compléments alimentaires. Il existe une quinzaine de vitamines principales.

(5) Les vitamines sont souvent groupées en fonction de leur solubilité: parmi les produits concernés par la présente affaire, la vitamine C et les vitamines du groupe B sont hydrosolubles. Les vitamines A, E et D sont liposolubles.

(6) Les aliments composés pour animaux contiennent les vitamines nécessaires pour préserver la santé et assurer la croissance de chaque espèce. Des vitamines sont ajoutées aux produits destinés à l'alimentation humaine pour compenser les pertes dues aux procédés de transformation, pour fortifier le produit et aussi pour servir d'antioxydants ou de colorants. Les vitamines destinées à un usage pharmaceutique sont commercialisées en tant que compléments alimentaires, sous forme de tablettes ou de capsules. Dans l'industrie des cosmétiques, des vitamines sont ajoutées aux produits pour la peau et à d'autres produits de soin.

(7) Les vitamines en vrac sont vendues sous des formes qui varient selon le produit et l'application: en cristaux, dans de l'huile, sous une couche protectrice ou en poudre.

(8) Les produits concernés par la présente décision sont les substances synthétiques en vrac appartenant aux groupes de vitamines et de produits connexes suivants: A, E, B1, B2, B5, B6, C, D3, biotine (H), acide folique (M), bêta-carotène et caroténoïdes.

(9) Chaque groupe de vitamines inclut les substances associées qui ont les mêmes propriétés dans leur propre domaine biologique. Chacun a des fonctions métaboliques spécifiques et n'est donc pas interchangeable avec les autres groupes. En outre, lorsqu'ils sont combinés, les différents groupes de vitamines ont un effet synergique complémentaire.

1.2.2. MARCHÉS DES VITAMINES ET PRODUITS VITAMINIQUES - APERÇU

(10) Les trois plus grands producteurs de vitamines dans le monde sont Roche, BASF et Aventis (ex-Rhône-Poulenc)(4), avec des parts de marché globales respectives d'environ [40-50] %, [20-30] % et [5-15] %.

(11) Roche et BASF produisent chacune une large gamme de vitamines destinées à l'alimentation animale et à un usage humain, pharmaceutique et alimentaire.

(12) L'activité d'Aventis dans le domaine des vitamines se limite au secteur de l'alimentation animale, pour lequel elle produit elle-même des vitamines A et E et achète certaines autres vitamines à d'autres producteurs pour les revendre.

(13) Le marché mondial total des vitamines en vrac (1999) est estimé à quelque 3,25 milliards d'euros.

(14) En volume, la production mondiale de vitamines destinées à l'alimentation animale, à l'exclusion du chlorure de choline - vitamine B4, qui n'est pas couvert par la présente procédure, atteint environ 60000 tonnes par an. Le volume total destiné à un usage pharmaceutique et/ou alimentaire est d'environ 65000 tonnes.

(15) Le marché de l'EEE des produits faisant l'objet de la présente décision s'élevait à quelque 800 millions d'écus, prix départ usine, en 1998.

(16) Les vitamines A et E représentent ensemble la moitié du marché total des vitamines. En 1998, dernière année complète d'existence du cartel pour ces produits, le marché de la vitamine E dans la Communauté s'est élevé à 250 millions d'écus. Les ventes de vitamine A ont représenté quelque 150 millions d'écus.

(17) Les ventes de vitamine C en vrac dans la Communauté sont tombées de 250 millions d'écus en 1995 à 120 millions d'écus, le prix ayant été réduit de moitié depuis la cessation de l'entente à la fin de 1995.

(18) La valeur du marché des vitamines(5) de l'ensemble Communauté et/ou EEE a suivi l'évolution suivante de 1994 à 1998:

>TABLE>

Source:

Statistiques de Roche concernant les parts de marché.

Le tableau I en annexe fournit la ventilation par État membre pour chaque produit vitaminique au cours de la même période.

(19) Quelque 70 % de la production de vitamines A et E sont destinés à l'alimentation animale et 30 % à un usage pharmaceutique/alimentaire. En ce qui concerne la vitamine C, 80 % sont destinés à la consommation humaine.

(20) En plus de vendre des vitamines en vrac destinées à l'alimentation animale, dont une part importante à des fabricants de prémix (ou prémélanges), qui combinent les vitamines à d'autres nutriments pour former un amalgame sous forme de poudre ou de liquide destiné à être utilisé dans la production d'aliments pour animaux, les deux principaux producteurs, Roche et BASF, sont tous deux intégrés en aval et disposent de leurs propres installations de prémixage, de même que Rhône-Poulenc. Une proportion importante de la production de vitamines destinées à l'alimentation animale n'est pas vendue sur le marché "libre", mais utilisée par les producteurs eux-mêmes pour la fabrication de leurs prémix. Ces prémix sont des mélanges contenant d'autres nutriments et médicaments en plus des concentrés vitaminés, qui sont ajoutés en petites quantités à la préparation principale. Le reste est vendu aux grossistes, aux fabricants de prémix ou directement aux fabricants d'aliments pour animaux.

(21) Les producteurs de vitamines vendent les produits à usage alimentaire et/ou pharmaceutique "à l'état pur" aux consommateurs intermédiaires, tels que les autres producteurs de vitamines ou les formulateurs, qui les achètent sous forme concentrée, et aux distributeurs et aux revendeurs. Les producteurs de vitamines qui ne produisent pas eux-mêmes certaines vitamines peuvent, pour couvrir leurs besoins, s'approvisionner auprès d'autres producteurs.

1.2.2.1. Différents marchés de produits vitaminiques

Vitamines A et E

(22) La vitamine A est une substance chimique liposoluble trouvant de nombreuses applications, principalement dans l'industrie des aliments pour animaux. De petites quantités de vitamine A sont également vendues aux industries alimentaire et pharmaceutique. Les ventes à l'industrie des cosmétiques sont minimes. La vitamine A est nécessaire pour garantir une croissance normale, ainsi que la bonne santé de la peau, des yeux, des dents, des gencives et des cheveux.

(23) La vitamine E est également une substance chimique liposoluble trouvant une variété d'applications dans l'alimentation animale et humaine ainsi que dans les industries pharmaceutique et des cosmétiques. La vitamine E est nécessaire à la formation et au fonctionnement des globules rouges, des muscles et d'autres tissus. La vitamine E peut soit provenir de sources naturelles, soit consister en un produit synthétique. Il n'existe, entre le produit synthétique et le produit naturel, qu'un chevauchement concurrentiel très limité, qui ne concerne que les applications humaines.

(24) La vitamine E synthétique est achetée, en majeure partie, par l'industrie des aliments pour animaux, le reste étant consommé par les industries pharmaceutique et alimentaire, ainsi que par l'industrie des cosmétiques, bien que cette dernière ne figure parmi les acheteurs importants du produit que depuis 1996.

(25) Les vitamines A et E représentent ensemble environ 60 % de la demande mondiale de vitamines destinées à l'alimentation animale. Elles sont, dans une large mesure, achetées par les mêmes clients, en particulier dans l'industrie des aliments pour animaux. La demande mondiale de vitamine E s'élève à environ 22000 tonnes par an. Pour la vitamine A, le chiffre correspondant est de 15000 tonnes.

(26) Roche a été le premier producteur à synthétiser les vitamines A et E, produits dont elle a détenu le monopole jusqu'à la fin des années soixante, lorsque Rhône-Poulenc a commencé à commercialiser de la vitamine A destinée à l'alimentation animale. BASF est entrée sur le marché de ces deux produits en 1970, et peu de temps après, Rhône-Poulenc a étendu ses activités à la vitamine E, pour l'alimentation animale uniquement. Le producteur japonais Eisai a également commencé à commercialiser de la vitamine E à usage humain et animal en Europe en 1967. Il ne produit pas de vitamine A.

(27) Roche et BASF fournissent donc des vitamines A et E destinées à l'alimentation animale et humaine. Rhône-Poulenc fournit les deux vitamines, mais uniquement pour l'alimentation animale, et Eisai fournit de la vitamine E à usage animal et humain. Le seul autre producteur significatif de vitamine A est la société russe Bel Vitamini, avec une part de marché d'environ 7 à 9 % en volume. En ce qui concerne la vitamine E, de petits producteurs chinois ont lentement accru leur part de marché cumulée, qui est passée de moins de 1 % en 1989 à 7 % à la fin des années quatre-vingt-dix.

(28) Le marché de la vitamine A en vrac à l'échelle de l'EEE se chiffrait à quelque 150 millions d'écus en 1998, celui de la vitamine E à 250 millions d'écus. Le prix moyen de la vitamine A dans l'EEE est passé d'environ 38,80 écus/kg en 1990 à 54,50 écus en 1998 (tableau II en annexe). Les prix de la vitamine E dans l'EEE sont passés de 18,60 écus/kg en 1990 à 31,10 écus en 1998 (tableau III en annexe).

Vitamine B1

(29) La vitamine B1 (thiamine) joue, en tant que coenzyme, un rôle essentiel dans le métabolisme des hydrates de carbone. Une carence entraîne un ralentissement de la croissance et des désordres nerveux. C'est une vitamine hydrosoluble utilisée dans l'alimentation humaine et animale et dans l'industrie pharmaceutique. La synthèse chimique de la vitamine B1 est un processus complexe, qui comprend de 15 à 17 étapes différentes.

(30) Les principaux producteurs sont Roche, Takeda et plusieurs fabricants chinois. BASF a arrêté sa propre production de vitamine B1 en 1989 et a conclu un contrat de fourniture d'une durée de cinq ans avec Roche pour couvrir ses besoins.

(31) D'environ 32,50 écus/kg, les prix de la vitamine B1 (qualité alimentation animale) en Europe sont passés à 38,00 écus/kg en 1993, avant de chuter fortement en 1994, jusqu'à atteindre un niveau plancher de 16 écus/kg en 1996 (tableau IV en annexe). Le marché européen de la vitamine B1 s'élevait à quelque 18 millions d'écus en 1994 (1998: 15 millions d'écus).

Vitamine B2

(32) La vitamine B2 est présente dans toutes les cellules vivantes et intervient dans de nombreuses réactions libérant de l'énergie dans le métabolisme cellulaire. Les coenzymes flaviniques sont essentielles à la transformation des vitamines B6 et de l'acide folique sous une forme active.

(33) La vitamine B2 est utilisée principalement dans l'alimentation animale. Seule une part de 30 % de la production est utilisée dans l'industrie alimentaire et les produits pharmaceutiques.

(34) Les principaux fabricants de vitamine B2 sont Roche et BASF, qui détenaient respectivement 55 % et 30 % du marché mondial en 1990. Le troisième fournisseur par ordre d'importance est Takeda, avec 11 % du marché en 1990. Il existe d'autres producteurs en Russie, en Chine et aux États-Unis. À ce jour, Roche et Takeda sont les seules à produire de la vitamine B2 de synthèse. Les autres utilisent un procédé de fermentation.

(35) Le prix européen de la riboflavine, qui était d'environ 43 écus/kg en 1991, a atteint quelque 56 écus en 1994, avant de redescendre jusqu'à son niveau actuel de 40 euros (tableau V en annexe). Le marché européen de la vitamine B2 était de l'ordre de 44 millions d'écus en valeur en 1995 (1998: 34 millions d'écus).

Vitamine B5

(36) La vitamine B5 (acide pantothénique, également appelé "calpan") joue un rôle essentiel dans le métabolisme des hydrates de carbone, des protéines et des graisses et est donc importante pour l'entretien et la réparation de tous les tissus et cellules. Une carence en calpan dans l'alimentation humaine entraîne toute une variété de symptômes cliniques. Chez l'animal, une carence en vitamine B5 se manifeste par un retard de croissance, une perte de fertilité, des troubles neuromusculaires et dermatologiques et la mort subite.

(37) L'acide pantothénique est produit essentiellement sous deux formes: comme produit à l'état pur connu sous le nom de D-pantothénate de calcium, qui est destiné à la consommation humaine ou utilisé comme ingrédient dans l'alimentation animale, et un produit mixte, le DL-pantothénate de calcium, comprenant jusqu'à 45 % de D-pantothénate de calcium et jusqu'à 55 % de matière inerte, utilisé seulement dans l'alimentation animale. Le prix du D-pantothénate de calcium, compte tenu de sa composition chimique, est le double de celui du DL-pantothénate de calcium.

(38) La vitamine B5 est une autre vitamine pour laquelle Roche et BASF étaient parmi les trois premiers producteurs mondiaux. L'autre grand fabricant de ce produit est l'entreprise japonaise Daiichi. (Il existe aussi de petits producteurs au Japon, en Chine, en Pologne et en Roumanie.)

(39) Roche et BASF détiennent, à elles deux, les deux tiers environ du marché européen et du marché mondial.

(40) Roche, BASF et Daiichi ne produisent que du D-pantothénate de calcium, en majorité pour le secteur de l'alimentation animale. Alps (Japon) et des entreprises roumaines et polonaises produisent du DL-pantothénate de calcium.

(41) Dans le secteur de l'alimentation animale, qui absorbe la plus grosse partie de la production, le D-pantothénate de calcium et le DL-pantothénate de calcium sont vendus à des fabricants de prémix qui mélangent l'acide pantothénique avec d'autres vitamines et vendent ce prémix aux fabricants d'aliments pour animaux.

(42) Daiichi ne produit pas de prémélanges. Roche et BASF ont toutefois intégré en aval l'activité de prémixage. Chacune d'elles possède et exploite environ sept usines de prémixage en Europe. Elles fournissent le D-pantothénate de calcium à leurs propres établissements de prémix (utilisation captive) et à d'autres fabricants de prémix.

(43) Le prix du D-pantothénate de calcium en Europe en 1990 était d'environ 12 écus/kg. Il se vend actuellement à environ 20 euros/kg (tableau VI en annexe). Le marché européen de l'acide pantothénique en 1998 était de 35 millions d'écus en valeur.

Vitamine B6

(44) La vitamine B6 (pyridoxine) sert de coenzyme pour de nombreuses enzymes intervenant dans le métabolisme des acides aminés. Elle joue un rôle très important dans le métabolisme des protéines, des hydrates de carbone et des graisses. Si les ruminants adultes couvrent généralement eux-mêmes leurs besoins en vitamine B6, les jeunes animaux ont besoin de suppléments pendant leur croissance. La vitamine B6 a de multiples applications dans l'alimentation animale et humaine et dans le secteur pharmaceutique.

(45) Les principaux producteurs de vitamine B6 sont Roche, Takeda, Daiichi et plusieurs producteurs chinois. BASF et Merck ont cessé de produire cette vitamine en 1991-1992 et s'approvisionnent maintenant auprès de Roche.

(46) En 1989, Roche avait une part du marché mondial de la vitamine B6 de quelque 40 %, contre 12 % pour Daiichi et 11 % pour Takeda. Les producteurs chinois ne détenaient que 3 % du marché mondial en 1989, mais cette part est passée à 16 % en 1997 (après avoir provisoirement atteint - d'après Roche - un chiffre record de quelque 48 % en 1993).

(47) Le prix de la vitamine B6 en Europe en 1990 était de l'ordre de 25 écus/kg, avant de grimper à 46,50 écus/kg début 1993. Il est maintenant de l'ordre de 20 euros/kg (tableau VII en annexe). En 1994, le marché de la vitamine B6 dans la Communauté représentait en valeur quelque 15 millions d'écus. Il atteint actuellement environ 11 millions d'euros.

Acide folique

(48) L'acide folique fait partie des vitamines du groupe B. Le nom s'applique à tout un groupe de composés également connus sous les noms de folates ou de folacine. L'acide folique joue un rôle important dans le métabolisme de l'ADN et de l'ARN, vecteurs de l'information génétique dans tous les organismes vivants. Il diminue le risque de malformations congénitales du tube neural chez les êtres humains s'il est consommé en quantité suffisante par la mère pendant la grossesse. Chez les êtres humains, une carence en acide folique peut aussi entraîner une anémie. Chez les animaux, la carence en acide folique peut provoquer de l'anémie et, chez les volailles, une diminution de la ponte et de la qualité du plumage.

(49) Les producteurs d'acide folique sont Roche en Europe et Takeda, Sumika, filiale de Sumitomo, et Kongo au Japon. Roche produit de l'acide folique en vue essentiellement de son incorporation dans des prémix. Les producteurs japonais d'acide folique ne produisent pas de prémix, à l'exception d'une filiale de Takeda qui fournit ce produit localement au Japon.

(50) Jusqu'en 1989, les trois producteurs japonais représentaient la quasi-totalité de l'offre d'acide folique sur le marché mondial. Roche n'en produisait pas jusque-là, mais s'approvisionnait auprès de Takeda. En 1988-1989, Roche a mis fin à cet accord de fourniture et s'est lancée dans la production d'acide folique.

(51) En 1991, la demande mondiale d'acide folique était d'environ 300 tonnes, pour une valeur de quelque 30 millions de dollars des États-Unis (USD) (25 millions d'écus). Le marché européen était de l'ordre de 9 à 10 millions d'écus en valeur. En 1991, le prix de l'acide folique (par kg) en Europe était de 160 marks allemands (DEM) (environ 80 écus). Il est maintenant d'environ 100 DEM (environ 51,13 euros).

Vitamine C

(52) La vitamine C (acide ascorbique) est une vitamine hydrosoluble utilisée principalement dans l'alimentation humaine et le secteur pharmaceutique. Elle est nécessaire à la production, dans l'organisme vivant, de collagène, substance intercellulaire qui structure les muscles, les os, les tissus vasculaires et le cartilage. Une carence en vitamine C provoque le scorbut (affaiblissement des tissus et hémorragies).

(53) La vitamine C, tout comme la vitamine E et le bêta-carotène, est censée agir comme antioxydant et avoir des effets de prévention des maladies cardio-vasculaires dégénératives et du cancer (elle prévient la transformation des nitrates en substances cancérigènes). Les êtres humains dépendent de l'apport en vitamine C provenant de leur alimentation. La plupart des animaux producteurs d'aliments (à l'exclusion des poissons) synthétisent eux-mêmes la vitamine C, mais ils peuvent avoir besoin d'un supplément. La vitamine C est également utilisée comme antioxydant pour la protection des couleurs ou des arômes des denrées alimentaires.

(54) Roche a détenu un monopole sur la production de vitamine C jusqu'aux années soixante-dix, date de l'arrivée sur le marché de Takeda (Japon), Merck (Allemagne) et BASF. En 1990, Roche possédait 40 % du marché mondial, Takeda 23 %, et Merck et BASF environ 14 % à elles deux. En Europe, les parts de marché étaient les suivantes: Roche 36 %, Takeda 11,5 % et BASF/Merck 24 %.

(55) En 1990, le prix de la vitamine C en Europe était de 11,50 écus/kg. Après avoir provisoirement atteint un niveau record d'environ 15 écus/kg en 1993-1994, les prix se situent actuellement à 7,50 euros/kg (tableau VIII en annexe). En valeur, le marché mondial de la vitamine C en 1990 représentait 650 millions d'écus, le seul marché européen quelque 210 millions d'écus. La dernière année du cartel (1995), le marché européen était de l'ordre de 250 millions d'écus en valeur, la valeur annuelle actuelle étant de 120 millions d'euros).

Vitamine D3

(56) La vitamine D3, vitamine liposoluble comme les vitamines A et E, se vend soit à l'état pur, soit plus souvent mélangée à la vitamine A sous le nom d'"AD3". Les applications dans l'alimentation humaine ne représentent que 10 % environ du marché de la vitamine D3 (en valeur): l'essentiel de la production est destiné à l'alimentation des animaux.

(57) La vitamine D3 est nécessaire au développement d'un squelette robuste: elle est indispensable à l'absorption du calcium et du phosphore par l'intestin grêle, à leur réabsorption dans les reins et à la minéralisation des os. Elle joue également un rôle dans le bon fonctionnement des muscles, des nerfs, de la coagulation du sang et de la croissance cellulaire. Une carence en vitamine D3 entraîne le rachitisme chez les enfants et l'ostéomalacie chez les adultes. Chez les animaux, elle est la cause d'un ralentissement de la croissance et de troubles des membres. Chez les volailles, elle occasionne un amincissement de la coquille des oeufs.

(58) La première entreprise à avoir produit la vitamine D3 en quantités industrielles a été Duphar, qui faisait auparavant partie de Philips et appartient aujourd'hui à Solvay. Au début des années quatre-vingt-dix, Solvay Pharmaceuticals couvrait par sa production la moitié environ des besoins mondiaux en vitamine D3, mais sa part du "marché des tiers" était beaucoup moins importante. Cela tenait au fait que quelque 40 % de la production de vitamine D3 de Solvay était fournie sous forme concentrée à Rhône-Poulenc, qui l'incorporait dans le mélange AD3, commercialisé sous son propre nom.

(59) Roche, BASF et Rhône-Poulenc sont toutes trois intégrées en aval sur le marché et disposent de leurs propres installations de prémixage de vitamines qui utilisent de la vitamine D3. Solvay ne produit pas de mélanges ni de prémix: elle fournit le produit à l'état pur à d'autres producteurs de vitamines, comme Rhône-Poulenc, aux formulateurs de vitamines, qui l'achètent sous forme concentrée, aux distributeurs et aux revendeurs ainsi qu'aux fabricants de prémix et aux producteurs d'aliments pour animaux.

(60) La vitamine D3 est commercialisée à des prix différents sous plusieurs formes. Les producteurs utilisent la forme D3500 (qualité alimentation animale) comme qualité commerciale. En 1993, le prix de la vitamine D3 destinée à l'alimentation animale en Europe connaissait de très fortes variations d'un pays à l'autre. Le marché européen de la vitamine D3 en 1998 se chiffrait à quelque 20 millions d'écus en valeur.

Vitamine H

(61) La vitamine H (biotine), qui est hydrosoluble, favorise l'assimilation des protéines, de l'acide folique et de la vitamine B12, cette dernière ne faisant pas l'objet de la présente procédure. La biotine est synthétisée chimiquement par une vingtaine de procédés différents. Tanabe développe actuellement un procédé de fermentation, qui n'est toutefois pas encore commercialisé. Elle est vendue sous forme pure et diluée.

(62) Le secteur de l'alimentation animale absorbe quelque 90 % de la production de vitamine H, le reste étant utilisé dans l'industrie pharmaceutique. La biotine destinée à l'alimentation animale est vendue sous une forme diluée à 1 % aux États-Unis et en solution à 2 % en Europe et ailleurs. La biotine de qualité pharmaceutique est commercialisée pure.

(63) Les principaux producteurs de vitamine H sont Roche, Sumitomo, Tanabe, Lonza et Merck. Lonza a cessé son activité dans ce secteur en 1996. Le premier producteur de biotine est Roche, qui détient aujourd'hui environ [45-55] % du marché mondial, suivi de Sumitomo et de Tanabe, avec chacun [15-25] %, puis de Merck, dont la part s'élève à quelque [5-15] %. Merck livre la grande majorité de sa production (90 %) de biotine à BASF, sous la forme de concentrations à 1 % et à 2 % de qualité alimentation animale.

(64) En valeur, le marché européen de la biotine représente actuellement environ 25 millions d'euros (contre 36 millions d'écus en 1995). Le prix de la biotine destinée à l'alimentation humaine ou au secteur pharmaceutique (100 % pure) est fixé par gramme. En 1990, il se situait autour de 6,8 écus/g (14 DEM/g) en Europe. Stable jusqu'en 1995 environ, il est en baisse régulière depuis cette date. Son niveau actuel est d'environ 3,0 écus/g. Le prix de la biotine destinée à l'alimentation animale était de 3,5 écus/g en 1990, pour le principe actif. Il a commencé à diminuer en 1995 et s'élève à l'heure actuelle à environ 1,0 euro/g.

Bêta-carotène et caroténoïdes

(65) Ces produits ne sont pas, au sens strict, des vitamines. Le bêta-carotène est une provitamine de la vitamine A présente à l'état naturel dans les plantes. Lorsqu'il est ingéré, l'organisme vivant le transforme en vitamine A. Le bêta-carotène mis sur le marché est acheté, pour l'essentiel, par les industries alimentaire et pharmaceutique.

(66) Les caroténoïdes sont surtout utilisés comme pigments dans les produits alimentaires et les cosmétiques, ainsi que pour donner de la couleur à la chair animale. Les caroténoïdes sont généralement classifiés selon la couleur qu'ils produisent lors de leur ingestion par les animaux. La canthaxanthine et la citranaxanthine sont utilisées pour produire une couleur rouge ou dorée et sont dénommés "caroténoïdes rouges".

(67) Roche et BASF sont les seuls fabricants de ces produits dans le monde. Jusqu'au début des années quatre-vingt-dix, Roche, avec 90 % de part de marché, occupait dans ce secteur une position dominante. En 1991, BASF a agrandi ses installations de production de bêta-carotène et, à la fin de 1992, elle avait doublé sa part de marché, la portant à 21 %.

(68) D'une valeur de quelque 45 millions d'écus en 1993, le marché européen du bêta-carotène a augmenté, pour atteindre environ 76 millions d'écus en 1998. L'Allemagne représente plus de la moitié de la consommation de bêta-carotène dans l'ensemble Communauté/EEE. En 1993, le prix du bêta-carotène s'élevait à 677 écus/kg. Il s'élève actuellement à environ 748 euros/kg. Le marché communautaire de la cantaxantine, le principal produit caroténoïde, est d'environ 50 millions d'euros par an. La cantaxantine est vendue à l'heure actuelle à quelque 1250 euros/kg.

1.2.3. MARCHÉS GÉOGRAPHIQUES EN CAUSE DES VITAMINES A, E, B1, B2, B5, B6, C, D3 ET H, DE L'ACIDE FOLIQUE, DU BÊTA-CAROTÈNE ET DES CAROTÉNOÏDES

(69) La Commission considère que les marchés des vitamines A, E, B1, B2, B5, B6, C, D3 et H, de l'acide folique, du bêta-carotène et des caroténoïdes sont au moins à l'échelle de l'EEE. Toutefois, plusieurs éléments indiquent l'existence de marchés de dimension mondiale pour chacun des produits vitaminiques.

(70) Pendant la période concernée, les marchés de tous les produits vitaminiques mentionnés étaient essentiellement dominés par un leader mondial, Roche, et par une présence très significative de deux autres producteurs, BASF et Takeda, ce dernier pour les vitamines B1, B6 et C. Cumulées, les parts de marché de Roche et de l'un des deux autres producteurs dépassaient les 50 % dans l'EEE et à l'échelle mondiale pour chacun des produits vitaminiques concernés.

(71) Les frais de transport et les barrières douanières pouvaient quelque peu alourdir les coûts, mais ils n'empêchaient pas les producteurs des différents produits vitaminiques en question de commercialiser ces produits à l'échelle mondiale. Cela ressort du fait qu'un certain nombre de sociétés ayant leur siège au Japon étaient présentes sur le marché européen. En outre, les principales sociétés vendaient toutes les différents produits sur les principaux marchés régionaux en Amérique, Asie et Europe.

(72) Enfin, le caractère mondial des marchés des vitamines A, E, B1, B2, B5, B6, C, D3 et H, de l'acide folique, du bêta-carotène et des caroténoïdes est également confirmé par la structure, l'organisation et le fonctionnement de chacun des cartels.

(73) La Commission en conclut, par conséquent, que les marchés des vitamines A, E, B1, B2, B5, B6, C, D3 et H, de l'acide folique, du bêta-carotène et des caroténoïdes sont à l'échelle mondiale.

1.2.4. ÉCHANGES ENTRE ÉTATS MEMBRES

(74) La production européenne de vitamines en vrac est concentrée dans un petit nombre de sites. Roche fabrique des vitamines A et E à Sisseln, en Suisse, tandis que l'usine de BASF est située à Ludwigshafen (Allemagne) et celle de Rhône-Poulenc à Commentry (France). La vitamine C est produite actuellement par Roche à Dalry, en Écosse (l'unité de production de vitamine C de Grenzach en Allemagne a fermé en 1994) et par BASF à Grenaa, au Danemark. Le troisième producteur européen est Merck, en Allemagne. Roche produit ses vitamines du groupe B à Grenzach, en Allemagne. BASF a des usines à Ludwigshafen et à Grenaa.

(75) La plupart des États membres de l'ensemble Communauté/EEE couvrent la totalité de leurs besoins en vitamines en vrac par l'importation de produits provenant, pour l'essentiel, d'autres États membres (Danemark, France, Allemagne, Royaume-Uni).

1.2.5. PRODUCTEURS

1.2.5.1. Roche

(76) Hoffmann-La Roche AG est l'un des plus grands groupes mondiaux dont l'activité se fonde sur la recherche dans le secteur pharmaceutique et des produits de soin. L'entreprise, dont le siège central est situé à Bâle (Suisse), dispose d'installations de production dans plusieurs États membres.

(77) Les ventes totales du groupe à l'échelle mondiale se sont élevées à 24,66 milliards de francs suisses (CHF) (15,3 milliards d'écus) en 1998, générant un revenu net de 4,4 milliards de CHF, soit 18 % des ventes. Une part de 15 % du chiffre d'affaires du groupe (3,63 milliards de CHF) est à mettre au crédit de la division "vitamines et chimie fine". Les ventes de vitamines à l'échelle mondiale se sont élevées au total à 1,96 milliard de CHF et celles de caroténoïdes, substances qui font également l'objet de la présente procédure, bien qu'il ne s'agisse pas à proprement parler de vitamines, à 650 millions de CHF. Le résultat avant intérêts, impôts et amortissement de la division en 1998 était de 869 millions de CHF (539 millions d'écus), soit 24 % des ventes. Le bénéfice d'exploitation s'est élevé à 673 millions de CHF (417 millions d'écus). Roche est le plus grand fabricant de vitamines à l'échelle mondiale et européenne. La société a commencé à produire de la vitamine C par synthèse chimique en 1935, avant de développer ses activités jusqu'à produire toute la gamme des vitamines. Elle détient, pour l'ensemble des vitamines, une part de marché d'environ 50 % à l'échelle mondiale. Sa gamme de produits est la plus large de tous les producteurs de vitamines. Comme elle fournit en plus d'autres produits vitaminiques achetés à des producteurs concurrents, elle commercialise la gamme complète des vitamines destinées à tous les usages possibles: alimentation animale, alimentation humaine, produits pharmaceutiques et cosmétiques(6).

(78) La division "vitamines et chimie fine" de Roche est maintenant établie à Kaiseraugst, près de Bâle. Les vitamines et les caroténoïdes représentent 72 % de son chiffre d'affaires. Cette division produit également des enzymes pour l'alimentation animale, des émulsifiants, de l'acide citrique et des acides gras.

(79) Le siège social de la division est responsable des questions stratégiques, tandis que les aspects opérationnels relèvent de la compétence de cinq centres régionaux (Area Centres), qui couvrent respectivement l'Europe, l'Amérique du Nord, l'Amérique latine, la région Asie-Pacifique et la Chine.

(80) Roche Vitamins Europe SA, société chargée de la commercialisation et de la distribution pour l'Europe, le Moyen-Orient, l'Afrique et l'Inde, est établie à Müttenz. [...](7). Les centres de distribution pour l'Europe sont situés à Venlo (Pays-Bas) et Village-Neuf (France).

(81) Au cours de la période concernée, les cadres supérieurs de l'entreprise responsables au plus haut niveau du secteur "vitamines" étaient le directeur de la division "vitamines et chimie fine", également membre d'office du comité de direction de Hoffmann-La Roche AG, et le directeur du marketing "vitamines".

1.2.5.2. BASF

(82) BASF AG est une société chimique multinationale de droit allemand, dont le principal lieu d'activité est Ludwigshafen, en Allemagne. Ses activités englobent le pétrole et le gaz, les produits chimiques en vrac, les matières plastiques, les produits chimiques à haute performance, les produits phytosanitaires et les produits pharmaceutiques. Le chiffre d'affaires consolidé du groupe BASF, y compris les filiales dans lesquelles BASF détient une participation d'au moins 50 %, s'est élevé à quelque 54 milliards de DEM (27,45 milliards d'écus) en 1997.

(83) L'activité centrale de BASF se divise en cinq segments: produits chimiques, matières plastiques et fibres, colorants et produits d'ennoblissement, santé et alimentation, pétrole et gaz. Le segment "santé et alimentation" de BASF comprend la division "chimie fine", qui comprend, à son tour, le département des vitamines destinées à l'alimentation humaine et animale. BASF produit des vitamines en vrac et sous forme de prémix en Europe, en Amérique du Nord et du Sud et en Chine.

(84) En Europe, elle possède des installations de fabrication de vitamines à son siège central de Ludwigshafen, en Allemagne, ainsi qu'à trois endroits au Danemark: Grenaa, Ballerup et Dianalund. Les produits vitaminiques qui sont communs aux programmes de production respectifs de Roche et de BASF sont les vitamines A, E, B2, B5, C et D3, le bêta-carotène et les caroténoïdes. BASF est également un important fournisseur en vrac de deux autres vitamines (B1, H), bien qu'elle ne fabrique pas elle-même le produit. BASF a arrêté sa production de vitamine B1 en 1989, mais est restée un gros fournisseur de ce produit, qu'elle achète maintenant à d'autres producteurs. Elle achète également, pour la revendre, la majeure partie de la production de biotine (vitamine H) d'un autre producteur allemand, Merck.

(85) Au cours de la période concernée, les cadres supérieurs responsables de l'activité de BASF dans le domaine des vitamines étaient le président de la division "chimie fine" et le directeur du marketing "vitamines".

(86) Le président de la division "chimie fine" était le cadre de l'entreprise le plus haut placé exerçant une responsabilité opérationnelle dans le domaine des vitamines. Il était directement sous les ordres d'un membre désigné du directoire (Vorstand) de BASF.

(87) Le directeur du marketing "vitamines" dépendait hiérarchiquement du directeur de la division "chimie fine" et était le cadre le plus élevé exclusivement responsable du secteur "vitamines".

1.2.5.3. Rhône-Poulenc (à présent Aventis)

(88) Rhône-Poulenc SA, dont le siège social se trouvait à Courbevoie (France), était une société internationale active dans les domaines de la recherche et du développement, de la production et de la commercialisation de produits chimiques intermédiaires organiques et inorganiques, de spécialités chimiques, de fibres, de matières plastiques, de produits pharmaceutiques et de produits chimiques à usage agricole.

(89) Ses trois activités centrales étaient les produits pharmaceutiques, la santé végétale et animale et les spécialités chimiques. Les ventes totales du groupe se sont élevées à 86800 millions de francs français (FRF) (13,15 milliards d'écus) en 1998.

(90) Le 1er décembre 1998, Rhône-Poulenc et Hoechst AG, le producteur chimique allemand, ont annoncé qu'ils avaient conclu un accord prévoyant la fusion de leurs activités dans le domaine des sciences de la vie dans le cadre d'une nouvelle entité, "Aventis", détenue à parts égales par les deux sociétés mères, et la cession de leurs activités chimiques sur une période de trois ans. L'étape suivante devait être la fusion complète des deux sociétés mères.

(91) Un programme accéléré de mise en oeuvre du projet de fusion a été annoncé en mai 1999, sous réserve des autorisations réglementaires et autres. Le 9 août 1999, la Commission a décidé, en application de l'article 6, paragraphe 1, point b), du règlement (CEE) n° 4064/89 du Conseil du 21 décembre 1989 relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises(8), modifié par le règlement (CE) n° 1310/97(9), de ne pas s'opposer à la concentration et de la déclarer compatible avec le marché commun(10).

(92) Le 15 décembre 1999, l'achèvement de la fusion a été annoncé. Aventis est dirigée par un conseil d'administration constitué de quatre membres et par un comité exécutif constitué des quatre membres du conseil d'administration et de cinq autres cadres supérieurs. Le nouveau groupe comprend deux branches, Aventis Pharma et Aventis Agriculture. Cette dernière couvre les activités dans les domaines de la protection et de la production végétales (Crop science), de la biotechnologie végétale, de la nutrition animale et de la santé animale. Le président du conseil d'administration d'Aventis Agriculture, qui était auparavant président de la division "santé végétale et animale" de Rhône-Poulenc, est également membre du comité exécutif d'Aventis. La nouvelle société a son siège central à Strasbourg.

(93) Rhône-Poulenc Animal Nutrition (RPAN) était une filiale à cent pour cent de Rhône-Poulenc, spécialisée dans la production et la commercialisation d'additifs nutritionnels, y compris des vitamines et des acides aminés, pour l'alimentation des animaux (volailles, porcs et ruminants). Elle a été rebaptisée Aventis Animal Nutrition. RPAN était directement rattachée à la division "santé végétale et animale" de Rhône-Poulenc, dont elle dépendait.

(94) Le quartier général de RPAN à l'échelle mondiale est établi à Antony, près de Paris. L'entreprise possède aussi des centres régionaux de vente pour l'Afrique (situés en France), l'Amérique du Nord, l'Amérique du Sud et la région Asie-Pacifique. Les principaux additifs nutritionnels produits par RPAN sont les vitamines A et E, utilisées dans l'alimentation des volailles et des porcs, et la méthionine, un acide aminé essentiel utilisé principalement dans l'alimentation des volailles et qui n'est pas couvert par la présente procédure. Les vitamines A et E sont produites à Commentry (France). Une part d'environ 90 % de la production de vitamines de Rhône-Poulenc est vendue à l'état pur, le reste étant écoulé sous forme de prémix.

(95) RPAN produisait des vitamines exclusivement pour le marché des aliments pour animaux, la société à laquelle elle a succédé, AEC, s'étant retirée du marché des vitamines à usage humain en 1988 ou vers cette époque.

(96) Le dirigeant le plus haut placé de Rhône-Poulenc exerçant une responsabilité opérationnelle dans le domaine des vitamines était le président-directeur général de Rhône-Poulenc Animal Nutrition.

(97) Avant la fusion avec Hoechst, RPAN était placée sous le contrôle direct du président de la division AGRO de Rhône-Poulenc, rebaptisée "division santé végétale et animale" en 1997. À la suite de la fusion avec Hoechst, le poste équivalent est maintenant celui de président-directeur général d'Aventis Agriculture.

1.2.5.4. Lonza

(98) Lonza AG est une société chimique suisse fondée en 1897. En 1994, elle a été acquise, en tant que filiale gérée de manière indépendante, par l'entreprise dénommée alors Alusuisse AG et elle est devenue membre du groupe Alusuisse Lonza Group (Algroup).

(99) Le groupe, qui est l'une des plus grandes entreprises industrielles suisses, exerçait depuis vingt-cinq ans des activités dans les domaines de l'aluminium, des emballages pour produits pharmaceutiques et cosmétiques, des produits chimiques et de l'énergie. En 1998, Algroup a dissocié ses activités dans les domaines de la chimie et de l'énergie du reste du groupe dans la perspective du projet de fusion de ses activités dans le domaine de l'aluminium et des emballages spécialisés avec celles de Pechiney et d'Alcan(11).

(100) L'entité résultant de la scission, dénommée Lonza Group AG, est responsable de la chimie fine, des additifs alimentaires et des produits de la biotechnologie à l'échelle mondiale ainsi que de la production énergétique en Suisse.

(101) Malgré les nombreuses restructurations des groupes dont dépendait Lonza AG, la société n'a jamais été intégrée à une autre branche d'activité et elle est restée une filiale gérée séparément.

(102) Les ventes nettes de l'entité maintenant constituée sous le nom de Lonza Group AG se sont élevées à 2153 millions de CHF (1340 millions d'écus) et son bénéfice d'exploitation a atteint 292 millions de CHF (182 millions d'écus) en 1998. La division "chimie fine et spécialités" de Lonza Group est constituée en société sous le nom de Lonza AG (filiale à 100 %) et est située à Bâle. Les ventes nettes de Lonza AG en 1998 se sont chiffrées à 1012 millions de CHF (627 millions d'écus).

1.2.5.5. Solvay

(103) Solvay Pharmaceuticals NV, dont le siège central se trouve à Weesp, aux Pays-Bas, fait partie du groupe pharmaceutique de Solvay SA, la société chimique belge. Jusqu'en 1980, elle faisait partie du groupe industriel Philips. Elle produit des médicaments à usage humain. La seule vitamine qu'elle produit et vend est la vitamine D3. Son chiffre d'affaires total s'est élevé à 788 millions de florins néerlandais (NLG) (355 millions d'écus) en 1998.

1.2.5.6. Merck

(104) Merck KgaA, société établie à Darmstadt (Allemagne), est un fabricant de produits pharmaceutiques et de santé. Elle a le statut de filiale d'exploitation de E. Merck oHG, société en nom collectif datant de 1827, qui détient 75 % de son capital.

(105) Jusqu'à mi-1995, l'entreprise appartenait à E. Merck oHG. En juillet de cette même année, Merck KgaA a été établie et les activités commerciales lui ont été transférées. E. Merck oHG n'agit plus qu'en qualité de société holding.

(106) Les ventes totales (tous produits confondus) en 1998 se sont élevées à 8,1 milliards de DEM (4,12 milliards d'écus). Les produits de Merck concernés par la présente procédure sont les vitamines C et H (biotine). La production de biotine de Merck est vendue pour l'essentiel à BASF, qui la revend en vrac.

1.2.5.7. Daiichi

(107) Daiichi Pharmaceutical Co. Ltd, société fondée en 1915 et ayant son siège à Tokyo (Japon), produit une large gamme de médicaments éthiques, de produits de santé en vente libre et de produits vétérinaires.

(108) En 1998, ses ventes se sont élevées à 280805 millions de yens japonais (JPY) (1,92 milliard d'écus). La production de vitamines de Daiichi concernée par la présente procédure est celle des vitamines B5 (calpan) et B6.

1.2.5.8. Eisai

(109) Eisai Co. Ltd, société ayant son siège à Tokyo, est un grand fabricant japonais de produits pharmaceutiques et de médicaments spécialisé dans les médicaments éthiques.

(110) Ses ventes totales se sont élevées à 284860 millions de JPY (1,95 milliard d'écus), dont une part de 3 % en Europe, en 1998 (exercice clôturé au 31 mars 1999). La seule vitamine produite par Eisai est la vitamine E, qui représente quelque [5-15] % de ses ventes totales.

1.2.5.9. Kongo

(111) Kongo Chemical Company Ltd, entreprise établie à Toyama (Japon), est une société privée qui produit des préparations pharmaceutiques.

(112) Ses ventes totales ont atteint 4097 millions de JPY (28 millions d'écus) en 1998. Le seul produit de sa gamme qui soit concerné par la présente procédure est l'acide folique.

1.2.5.10. Sumitomo

(113) Sumitomo Chemical Company Ltd, société établie à Osaka et Tokyo, est l'un des plus grands fabricants japonais de produits chimiques, avec une gamme de produits qui couvre les produits chimiques de base, les produits pétrochimiques, la chimie fine, les produits chimiques à usage agricole et les produits pharmaceutiques.

(114) Les ventes totales du groupe se sont élevées à 927700 millions de JPY (6,3 milliards d'écus) au cours de l'exercice financier clôturé au 31 mars 1999. Les produits de sa gamme qui sont concernés par la présente procédure sont la biotine (vitamine H) et l'acide folique.

1.2.5.11. Sumika

(115) Sumika Fine Chemicals Company, société établie à Osaka (Japon), est une filiale à 100 % de la société Sumitomo Chemical.

(116) Constituée en avril 1992 sous son nom actuel, elle est issue de la fusion de Yodogawa Pharmaceutical avec Daiei Chemical Industries et Okayama Chemicals.

(117) Ses ventes totales se sont élevées à 19 345 millions de JPY (132,5 millions d'écus) au cours de l'exercice financier 1998. Le produit de sa gamme qui est concerné par la présente procédure est l'acide folique.

1.2.5.12. Takeda

(118) Takeda Chemical Industries Ltd, société également établie à Osaka et qui a été constituée en 1925, opère dans les domaines de la chimie industrielle, des médicaments, des cosmétiques et des produits de soin et est l'un des grands fabricants mondiaux de produits pharmaceutiques. Elle est le principal producteur de vitamines au Japon et également l'un des principaux producteurs mondiaux de vitamines en vrac. Les produits de Takeda qui sont concernés par la présente procédure sont les vitamines B1, B2, B6 et C, et l'acide folique.

(119) Les ventes totales de Takeda se sont élevées à 841816 millions de JPY (5,7 milliards d'écus) en 1998, dont une part de 16,1 % réalisée à l'exportation. Les nutriments et les produits vitaminiques ont représenté 10 % des ventes.

1.2.5.13. Tanabe

(120) Tanabe Saiyaku Co Ltd, société ayant son siège à Osaka, est l'un des principaux fabricants de produits pharmaceutiques au Japon. Les produits pharmaceutiques ont représenté en 1998 81 % du revenu de l'entreprise, qui produit également des additifs alimentaires et des cosmétiques. En 1998, les ventes totales de l'entreprise se sont élevées à 216 milliards de JPY (1,6 milliard d'écus), dont une part de 13,8 % réalisée à l'exportation.

(121) Le produit de sa gamme qui est concerné par la présente procédure est la biotine. Tanabe achète d'autres vitamines en vrac à des producteurs concurrents, dont Roche (vitamines B1 et C) pour les utiliser dans sa propre production en aval ou les revendre en tant que négociant.

(122) Pour la biotine, le principal client de Tanabe en Europe est [...](12).

1.2.6. CHIFFRE D'AFFAIRES ET TAILLE DU MARCHÉ

(123) Les tableaux suivants donnent un aperçu de l'importance relative de chacune des entreprises sur le marché mondial et sur celui de l'EEE, ainsi que de leur taille respective(13):

>TABLE>

Dans la série de tableaux suivante, la première colonne indique le nom de la société concernée. La deuxième colonne contient le chiffre d'affaires à l'échelle mondiale généré la dernière année civile complète de l'infraction par le produit vitaminique concerné et, entre parenthèses, la part de marché détenue par l'entreprise sur le marché mondial concerné pendant la période couverte par l'infraction. La troisième colonne donne les mêmes informations que la deuxième, mais pour le marché du produit vitaminique concerné à l'échelle de l'EEE au lieu du marché mondial.

Vitamine A

Chiffre d'affaires (1998 en millions d'écus) et part de marché (1990-1998)

>TABLE>

Vitamine E

Chiffre d'affaires (1998, en millions d'écus) et part de marché (1990-1998)

>TABLE>

Vitamine B1

Chiffre d'affaires (1993, en millions d'écus) et part de marché (1991-1993)

>TABLE>

Vitamine B2

Chiffre d'affaires (1994, en millions d'écus) et part de marché (1991-1994)

>TABLE>

Vitamine B5

Chiffre d'affaires (1998, en millions d'écus) et part de marché (1991-1998)

>TABLE>

Vitamine B6

Chiffre d'affaires (1993, en millions d'écus) et part de marché (1991-1993)

>TABLE>

Vitamine C

Chiffre d'affaires (1994, en millions d'écus) et part de marché (1991-1994)

>TABLE>

Vitamine D3

Chiffre d'affaires (1997, en millions d'écus) et part de marché (1994-1997)

>TABLE>

Vitamine H

Chiffre d'affaires (1993, en millions d'écus) et part de marché (1991-1993)

>TABLE>

Acide folique

Chiffre d'affaires (1993, en millions d'écus) et part de marché (1991-1993)

>TABLE>

Bêta-carotène

Chiffre d'affaires (1998, en millions d'écus) et part de marché (1992-1998)

>TABLE>

Caroténoïdes

Chiffre d'affaires (1998, en millions d'écus) et part de marché (1993-1998)

>TABLE>

1.3. PROCÉDURE

(124) Le 12 mai 1999, Rhône-Poulenc a annoncé à la Commission qu'elle souhaitait, conformément à la communication de la Commission concernant la non-imposition d'amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (la "communication sur la clémence")(14) informer la Commission de sa participation et de celle d'autres producteurs au volet européen d'un cartel [...](15) des vitamines et qu'elle avait l'intention de coopérer à l'enquête.

(125) Le 19 mai 1999, Rhône-Poulenc a fourni par écrit à la Commission une description succincte des activités menées sur le marché des vitamines A et E qui, de son propre aveu, constituaient une violation de l'article 81 du traité.

(126) Le 25 mai 1999, Rhône-Poulenc a adressé à la Commission une déclaration complémentaire contenant de nouvelles précisions sur le cartel.

(127) Roche et BASF ont écrit à la Commission respectivement les 4 et 6 mai 1999, avant d'adopter une démarche commune le 17 mai 1999. Elles ont informé la Commission de leur intention de prêter leur concours à toute enquête qui pourrait être ouverte, mais sans fournir, à cette époque, aucune déclaration ni preuve documentaire.

(128) Le 26 mai 1999, la Commission a adressé à Roche et à BASF des demandes de renseignements en application de l'article 11 du règlement n° 17 concernant leur participation à des accords collusoires présumés concernant les vitamines A, B2, B5, C et E, le bêta-carotène et les prémix (produits identifiés dans la procédure américaine, considérants 149 à 154).

(129) Chaque société a fourni à la Commission une déclaration écrite dans laquelle elle admettait l'existence d'infractions à l'article 81 du traité: Roche le 4 juin, BASF le 15 juin 1999. Ces déclarations ne couvraient que les produits vitaminiques qui faisaient l'objet des poursuites engagées aux États-Unis. En ce qui concerne les prémix, les producteurs ont soutenu que des discussions sporadiques avaient pu avoir lieu à ce sujet en Europe, mais que ce mode de présentation n'avait jamais fait l'objet d'accords effectifs étant donné que les produits étaient essentiellement vendus "à l'état pur"(16).

(130) Par lettre du 23 juin 1999, BASF a fourni à la Commission une liasse de documents concernant principalement les systèmes de contrôle des volumes et de surveillance mis en oeuvre dans le cadre du cartel pour les produits vitaminiques susmentionnés à partir de 1989.

(131) Roche a également fourni à la Commission, par lettre du 22 juin 1999, une abondante documentation sur le système de contrôle des volumes pour les vitamines A, E et B5, le bêta-carotène et les caroténoïdes.

(132) Par lettres datées des 9 et 16 juillet 1999, Roche a fourni, en réponse à la demande de renseignements de la Commission du 26 mai 1999, des informations détaillées et des documents concernant les accords relatifs aux vitamines A, E, B5 et C et au bêta-carotène. Le 30 juillet 1999, elle a fourni des informations concernant les accords relatifs aux vitamines B1, B6, D3 et H et aux caroténoïdes. Toujours en réponse à la demande de renseignements, BASF a fourni des informations sur les réunions concernant les vitamines A, E, B5 et C le 16 juillet 1999.

(133) Solvay Pharmaceuticals a présenté un mémoire concernant les accords restrictifs relatifs à la vitamine D3 par lettre du 29 juin 1999, et a fourni des informations complémentaires et des preuves documentaires le 14 septembre 1999.

(134) Les 19 et 20 août 1999, la Commission a adressé des demandes de renseignements à Takeda, Daiichi, Tanabe, Sumitomo, Lonza et Merck concernant leur participation présumée aux accords de fixation des prix pour certaines vitamines. Les demandes ne concernaient pas tous les produits pour lesquels ces entreprises étaient soupçonnées de collusion(17).

(135) Le 9 septembre 1999, la Commission a reçu de Takeda un dossier relatif aux vitamines B1, B2, B6 et C, et à l'acide folique. Takeda soutient avoir déjà préparé le dossier avant de recevoir la demande en application de l'article 11. Elle a répondu à la demande de renseignements les 18 et 20 octobre 1999 concernant les vitamines B1 et B6. Elle a également fourni d'autres documents sur l'acide folique et, le 10 janvier 2000, elle a répondu à une demande de renseignements concernant ce produit qui lui avait été adressée le 15 novembre 1999.

(136) Daiichi avait fourni à la Commission une série de documents concernant la vitamine B5 dès le 2 juillet 1999, avant que ne lui soit envoyée la demande de renseignements concernant la vitamine B6, en application de l'article 11.

(137) En ce qui concerne la vitamine B6, Daiichi, en réponse à la demande de renseignements du 19 août 1999, n'a pas nié sa participation à la collusion, au moins jusqu'à la mi-1994.

(138) Dans sa réponse du 11 octobre 1999, Tanabe a admis avoir participé à la collusion avec les autres producteurs de biotine d'octobre 1991 à 1994.

(139) Le 12 octobre 1999, la Commission a reçu d'Eisai une série de documents et un mémoire concernant les accords restrictifs relatifs à la vitamine E.

(140) Dans sa réponse datée du 5 novembre 1999, Sumitomo a admis avoir eu des contacts fréquents avec d'autres producteurs de biotine, mais a soutenu que ces contacts n'impliquaient pas un comportement anticoncurrentiel de sa part.

(141) Lonza, dans sa réponse du 24 septembre 1999 à la demande de renseignements de la Commission, a admis avoir participé à un certain nombre de réunions multilatérales avec d'autres producteurs de biotine et reconnu le caractère anticoncurrentiel de ces réunions.

(142) Merck a admis, dans sa réponse du 26 octobre 1999, avoir participé à des discussions avec des concurrents concernant la fixation des prix de la biotine. Le 22 novembre 1999, elle a fourni certains documents concernant les arrangements relatifs à ce produit.

1.3.1. PROCÉDURE ADMINISTRATIVE

(143) Le 6 juillet 2000, la Commission a engagé la procédure dans la présente affaire et adopté une communication des griefs à l'encontre des destinataires de la présente décision.

(144) Les sociétés ont eu accès au dossier d'instruction de la Commission sous la forme d'un CD-ROM contenant tous les documents non confidentiels contenus dans le dossier. Ce CD-ROM leur a été adressé peu de temps après l'envoi de la communication des griefs.

(145) Sumitomo et Sumika soutiennent qu'elles n'ont pas eu pleinement accès au dossier étant donné que la Commission n'a pas fourni dans tous les cas des versions non confidentielles ou une description détaillée des documents en question et qu'elle pourrait donc avoir violé les droits de la défense des deux sociétés.

(146) Cet argument doit être réfuté. La Commission a fourni une copie complète de tous les documents accessibles et partiellement accessibles contenus dans son dossier, y compris des versions non confidentielles des documents partiellement accessibles, dans le CD-ROM qui a été remis à tous les destinataires de la communication des griefs. Une liste descriptive du contenu des documents non accessibles a été établie et communiquée aux mêmes destinataires.

(147) Après avoir répondu par écrit à la communication des griefs, tous les destinataires de la présente décision, sauf Solvay Pharmaceuticals BV, Kongo Chemical Co Ltd et Sumika Fine Chemicals Ltd, ont assisté à l'audition qui s'est tenue le 12 décembre 2000 au sujet de cette affaire. Lors de l'audition, les entreprises ont également eu la possibilité de commenter les réponses écrites des autres parties qui leur avaient été communiquées au préalable.

(148) Dans les réponses écrites à la communication des griefs, aucun des producteurs, à l'exception de Sumitomo et de Sumika, n'a contesté la matérialité des faits sur lesquels la Commission a fondé sa communication des griefs.

1.3.2. POURSUITES ENGAGÉES DANS D'AUTRES RESSORTS

(149) Le 8 mai 1998, le tribunal de district du Texas du Nord a adressé à la filiale américaine de Roche une citation à comparaître sous peine d'amende devant un grand jury, dans le cadre d'une enquête menée par le département américain de la justice sur le marché des vitamines.

(150) Par un acte d'accusation déposé au tribunal de district du Texas du Nord le 20 mai 1999, Roche et BASF ont été accusés de participation à une coalition et à une entente contraires à l'article 1er du Sherman Act de 1890 (15 USC §1), en vue de neutraliser et d'éliminer la concurrence en fixant les prix et en répartissant les volumes de vente de certaines vitamines aux États-Unis et ailleurs. Certaines personnes ont également été accusées d'infractions pénales au Sherman Act. Les vitamines et les périodes concernées étaient les suivantes:

- vitamines A et E: de janvier 1990 à février 1999,

- vitamine B2: de janvier 1991 à l'automne 1995 au moins,

- vitamine B5: de janvier 1991 à décembre 1998 au moins,

- vitamine C: de janvier 1991 à l'automne 1995 au moins,

- bêta-carotène: de janvier 1991 à décembre 1998 au moins,

- prémix vitaminiques: de janvier 1991 à fin décembre 1997 au moins.

(151) En vertu d'une transaction pénale intervenue avec la justice américaine, BASF et Roche ont plaidé coupables d'entente délictueuse et se sont vu infliger des amendes respectives de 225 millions et 500 millions d'USD. Deux des dirigeants de Roche, MM. [...] (*) et [...] (*), qui étaient tous deux membres du conseil d'administration de l'entreprise, ont plaidé coupables des infractions pénales dont ils étaient accusés et ont été condamnés à des peines d'emprisonnement fixées respectivement à quatre et cinq mois, ainsi qu'au paiement d'amendes personnelles.

(152) Le 9 septembre 1999, Takeda, Eisai et Daiichi ont accepté de plaider coupables et de payer des amendes d'un montant total de 137 millions d'USD pour leur participation à l'entente sur les vitamines.

(153) Rhône-Poulenc a bénéficié, pour avoir coopéré avec les autorités américaines, d'une immunité de poursuites conditionnelle en vertu du régime d'indulgence envers les entreprises (corporate immunity programme) mis en oeuvre par le département américain de la justice.

(154) Les amendes infligées jusqu'à présent aux entreprises pour leur participation à l'entente sur les vitamines aux États-Unis s'établissent donc comme suit:

>TABLE>

(155) Le commissaire canadien de la concurrence a également mené une enquête approfondie sur l'accord de fixation des prix, étant donné qu'il affectait la concurrence sur le marché des vitamines en vrac au Canada.

(156) Le 22 septembre 1999, Roche, BASF, Rhône-Poulenc, Daiichi et Eisai ont plaidé coupables devant la Cour fédérale du Canada (section de première instance) de complot visant à empêcher ou à réduire indûment la concurrence en violation de la section 45 de la loi sur la concurrence de 1985.

(157) Les amendes pénales suivantes ont été infligées:

>TABLE>

1.3.3. PREUVES DOCUMENTAIRES

(158) Les principales preuves documentaires obtenues par la Commission sont les suivantes:

- déclaration de Rhône-Poulenc du 19 mai 1999, plus annexes (déclaration de Rhône-Poulenc),

- déclaration complémentaire de Rhône-Poulenc du 25 mai 1999, plus annexes (déclaration complémentaire de Rhône-Poulenc),

- déclaration de Roche du 2 juin 1999 (déclaration de Hoffmann-La Roche),

- déclaration de BASF du 15 juin 1999 (déclaration de BASF),

- déclaration de Solvay Pharmaceuticals BV (concernant la vitamine D3) du 29 juin 1999 (première déclaration de Solvay),

- documents communiqués par Roche par lettre du 22 juin 1999 (liasse A),

- documents communiqués par BASF par lettre du 23 juin 1999 (liasse B),

- réponse de Roche du 9 juillet 1999 concernant la vitamine E, en application de l'article 11, plus annexes 1 à 14 (liasse C),

- déclaration de Daiichi du 9 juillet 1999 (déclaration de Daiichi) concernant la vitamine B5, plus documents probants (liasse D),

- réponse de Roche du 16 juillet 1999 (vitamines A, E, B2, B5, C, etc.) en application de l'article 11, plus annexes,

- réponse de BASF du 16 juillet 1999 (vitamines A, E, B5, C) en application de l'article 11, plus tableaux,

- lettre de Roche du 30 juillet 1999 concernant les vitamines B1, B6 et D3, la biotine et les caroténoïdes, plus annexes,

- déclaration de Solvay Pharmaceuticals BV du 14 septembre 1999, plus appendices (deuxième déclaration de Solvay),

- documents fournis par Takeda le 7 septembre 1999 concernant les arrangements relatifs aux vitamines B1, B2, B6 et C et à l'acide folique (liasse E),

- documents fournis par Takeda le 18 octobre 1999 concernant les arrangements relatifs à l'acide folique (liasse F),

- réponse de Takeda des 18 et 20 octobre 1999 à la demande de renseignements concernant les vitamines B1 et B6,

- déclaration d'Eisai du 12 octobre 1999, plus déclarations jointes en annexe (déclaration d'Eisai),

- réponse de Tanabe datée du 11 octobre 1999 à la demande de renseignements concernant la biotine, plus appendices,

- réponse de Merck datée du 26 octobre 1999 à la demande de renseignements concernant la biotine,

- lettre de Merck datée du 22 novembre 1999 à la demande de renseignements concernant les vitamines B1 et B6,

- réponse de Takeda datée du 10 janvier 2000 à la demande de renseignements concernant l'acide folique.

1.4. ENTENTES

(159) La présente section contient une description des faits se rapportant à chacune des ententes sur les différents marchés des produits vitaminiques concernés, à savoir les marchés des vitamines A, E, B1, B2, B5, B6, C, D3 et H, de l'acide folique, du bêta-carotène et des caroténoïdes.

1.4.1. VITAMINES A ET E

1.4.1.1. Origine et principes directeurs des cartels

(160) Les producteurs européens déclarent que les prix des vitamines A et E ont en fait sensiblement baissé à la fin des années quatre-vingt sous l'effet de la concurrence. La chute "spectaculaire" du prix de la vitamine E est attribuée par Roche à l'"offensive des prix" menée par Eisai en 1989 (pour la vitamine A, Roche impute la baisse à la politique de prix agressive de Rhône-Poulenc). Au cours de l'été 1989, deux réunions "au sommet" au moins ont été tenues, la première le 7 juin entre Roche et BASF à Bâle, et la seconde à Zurich, avec la participation de Rhône-Poulenc. Des cadres supérieurs de Roche, BASF et Rhône-Poulenc se sont à nouveau rencontrés à Zurich en septembre 1989 ou vers cette époque. La réunion a duré deux jours. Eisai n'y a pas assisté. Roche déclare que l'idée était de faire intervenir Eisai à un second stade.

(161) Selon Rhône-Poulenc, Roche se satisfaisait de sa part de marché de 50 %, BASF souhaitait augmenter la sienne, qui était alors de 30 %, et Rhône-Poulenc aurait souhaité détenir davantage que les 15 % qui lui revenaient mais se rendait compte que cela ne serait pas possible.

(162) BASF a décrit en détail la réunion de septembre 1989 à Zurich qui a vu la création du cartel des vitamines A et E.

(163) Le premier jour, les hauts responsables du marketing "vitamines" de chaque société, auxquels s'étaient joints certains directeurs de produit, ont déterminé la taille du marché des vitamines A et E et sont ensuite convenus de la répartition des marchés mondial et régionaux entre les quatre producteurs sur la base des ventes réalisées par chacun en 1988.

(164) En résumé, l'objectif sous-jacent était de stabiliser la part du marché mondial revenant à chaque producteur. Les parts de marché ont été gelées aux niveaux de 1988. À mesure que le marché se développerait, chaque société pourrait augmenter ses ventes dans les limites de son quota, en fonction de la croissance du marché et sans que ce soit aux dépens d'un concurrent.

(165) Le deuxième jour, les présidents de la division "chimie fine" (ou des responsables d'un rang équivalent) et les directeurs du marketing "vitamines" de chaque société se sont joints à la réunion pour approuver les quotas convenus et établir une certaine "confiance" entre les participants quant au respect des accords. Le mot d'ordre du "prix avant le volume" a été retenu comme principe de base du cartel. Certains niveaux de prix particuliers ont également été examinés.

(166) Selon des informations fournies par BASF, les parts de marché des différents fournisseurs de vitamine A en 1988, année qui a servi d'année "de référence" pour la fixation des quotas, s'établissaient comme suit:

>TABLE>

(167) Pour la vitamine E, BASF a également fourni des informations sur les ventes réalisées en 1988, qui correspondaient aux pourcentages suivants:

>TABLE>

(168) Il est possible que ces chiffres aient été légèrement ajustés pour établir les quotas. Selon BASF, les parts du marché mondial fixées d'un commun accord lors de la réunion de Zurich étaient les suivantes:

>TABLE>

Roche confirme les quotas indiqués ci-dessus pour la vitamine A.

(169) Au cours de l'automne 1989, les producteurs européens ont tenu une seconde réunion à Bâle, afin de définir plus en détail le cadre et les procédures du cartel. Pour chaque région, y compris l'Europe, les quotas de parts de marché ont été ventilés pays par pays, de manière à ce que le total des parts allouées corresponde à la part régionale et à ce que le total des parts régionales corresponde aux quotas mondiaux.

(170) Le marché de 1990 a été estimé et les prévisions ont été arrêtées. Les quotas en pourcentage des différentes sociétés ont ensuite été convertis en parts des ventes exprimées en tonnes pour les marchés mondial, régionaux et nationaux.

(171) Pendant la durée du cartel, cet exercice, dit "le budget", s'est répété à la fin de l'été ou à l'automne de chaque année.

Structure et participants

Système de réunions régulières

(172) À mesure que la mise en oeuvre de l'entente progressait, un système complexe de réunions régulières s'est établi. Il comportait quatre niveaux.

Sommet

(173) Ce niveau, constitué des dirigeants responsables au plus haut niveau du secteur des vitamines, incluait aussi les chefs de division et parfois les directeurs du marketing " vitamines". Leur rôle consistait à avaliser l'entente en lui apportant un soutien de haut niveau, à définir la stratégie globale et à garantir que chaque partie continue d'adhérer à l'entente.

Directeurs du marketing

(174) Les directeurs du marketing "vitamines", qui assistaient parfois aussi aux réunions au sommet, prenaient des décisions concernant le fonctionnement des accords dans la pratique et finalisaient les budgets. Il pouvait arriver que les présidents de division assistent à leurs réunions. Les rencontres avaient lieu deux ou trois fois par an.

Niveau du marketing de produit à l'échelle mondiale

(175) Ce niveau réunissait les cadres responsables du marketing de produit pour les vitamines A et E à l'échelle mondiale. Leurs réunions, dont la fréquence était trimestrielle, avaient pour objet de surveiller la mise en oeuvre des systèmes de quotas.

Niveau du marketing de produit à l'échelle régionale

(176) Ces réunions, qui étaient organisées par la direction régionale, et auxquelles participaient les directeurs du marketing pour chaque région, y compris l'Europe, se tenaient environ quatre fois par an. Les discussions portaient notamment sur les prix applicables à des clients donnés. Le groupe était également chargé:

- de surveiller les ventes au regard du budget au niveau régional et de procéder aux ajustements nécessaires,

- d'observer l'évolution du marché dans les régions concernées,

- de mettre en oeuvre les augmentations des prix décidées aux niveaux supérieurs.

(177) Les réunions régionales pour l'Europe étaient souvent combinées avec des réunions opérationnelles mondiales organisées à un niveau plus élevé.

(178) BASF a nommé les personnes qui participaient habituellement aux réunions pendant la période considérée.

Interaction entre les différents groupes

(179) Les activités du cartel étaient centrées sur la préparation et la mise en oeuvre du "budget" annuel. Sous cet angle, et à d'autres égards, ses mécanismes reproduisaient fidèlement le système de gestion financière et de contrôle internes d'une entreprise.

(180) Les directeurs du marketing identifiés par BASF, dénommés par Rhône-Poulenc les top vitamins operations managers, se rencontraient, généralement en août, pour échanger des chiffres de vente mondiaux et des estimations de la taille et de la croissance du marché pour l'année suivante, et pour élaborer le budget de l'année suivante.

(181) Ces réunions, dénommées "réunions budgétaires", étaient invariablement organisées par Roche et se tenaient dans des hôtels de Bâle ou des environs. Selon Rhône-Poulenc, Roche présentait d'abord la situation actuelle du marché à l'aide de tableaux élaborés à partir des informations que les autres avaient fournies préalablement par téléphone.

(182) C'est en principe à cette occasion que les augmentations de prix étaient décidées: les prix étaient généralement relevés à raison de 5 % chaque fois. Les décisions finales sur les prix étaient en principe prises au cours du second semestre, la date d'entrée en vigueur de l'augmentation étant en général le 1er avril de l'année suivante.

(183) Si une augmentation des prix était décidée, Roche était généralement la première à l'annoncer (bien qu'elle ait apparemment parfois demandé à BASF d'annoncer l'augmentation en premier).

(184) Après la réunion budgétaire du mois d'août, les trois présidents de division (dans le cas de Rhône-Poulenc, le président de RPAN) se réunissaient pour que les operations managers et les directeurs du marketing qui avaient participé aux réunions budgétaires puissent présenter les résultats de l'année précédente.

(185) Les réunions se tenaient également dans des hôtels à Bâle ou dans les environs. Lors de ces réunions, qui étaient organisées et conduites par Roche, celle-ci faisait le point sur l'évolution du marché et les présidents de division discutaient de la taille du marché, de l'augmentation des parts de marché et des mouvements de prix, et ils réglaient les problèmes éventuels.

(186) Les dirigeants de Roche, BASF et Rhône-Poulenc qui supervisaient au plus haut niveau l'activité dans le secteur des vitamines se rencontraient, en outre, une ou deux fois par an à Bâle, Paris ou Francfort, ces réunions étant apparemment organisées à tour de rôle par chacune des entreprises concernées. Selon Rhône-Poulenc, il n'y avait pas d'ordre du jour particulier. On peut néanmoins supposer qu'il s'agit des réunions décrites par Roche. Elles avaient pour but de démontrer que le cartel bénéficiait d'un soutien au plus haut niveau et de déterminer la stratégie globale.

(187) Les réunions régionales pour l'Europe étaient aussi généralement organisées par Roche et se tenaient à Bâle. Ces réunions avaient lieu au cours du mois suivant la fin de chaque trimestre. Les directeurs du marketing régional faisaient rapport sur l'évolution du marché aux réunions de niveau plus élevé, où étaient prises les décisions nécessaires.

(188) Les responsables qui participaient aux réunions régionales européennes avaient des contacts téléphoniques hebdomadaires pour surveiller le respect des accords sur les prix et les volumes de vente et pour discuter de certains clients. Chaque mois, ils échangeaient les chiffres de vente en volume des vitamines A et E sur chaque marché national. Roche communiquait aux autres les chiffres de vente mensuels d'Eisai sur le marché européen dans son ensemble et non par pays.

Mécanisme de maîtrise des volumes: "budgets"

Considérations générales

(189) L'idée maîtresse du cartel était de geler les parts de marché pour les deux produits au niveau de 1988.

(190) Les trois principaux producteurs européens ont fourni à la Commission des tableaux et des feuilles de calcul créés et utilisés dans le but de calculer, de réviser et de fixer les quotas de ventes de vitamines A et E pour chaque marché régional et national.

(191) Ceux fournis par BASF constituent probablement le jeu de documents le plus complet concernant le "budget" et ils peuvent être utilisés pour démontrer le fonctionnement du mécanisme de maîtrise des volumes. Les documents de BASF consistent, pour l'essentiel: a) en fiches de travail ou en documents de référence utilisés pour fixer le "budget" annuel pour chaque producteur, pays par pays, et b) en graphiques comparant les ventes réelles de chaque producteur avec son "volume budgétisé", c'est-à-dire son quota pour chaque marché régional et national sur une base annuelle et pour des périodes intermédiaires, les chiffres de vente en volume étant échangés tous les mois.

(192) Les documents fournis par Roche consistent en feuilles de calcul établies à partir de données fournies par les autres producteurs et reflétant les accords de répartition des volumes et les résultats mensuels et annuels échangés par les participants, et en graphiques élaborés par Roche pour les discussions et les réunions budgétaires.

(193) Les documents sur le "budget" relatifs à l'année 1998 sont représentatifs de l'ensemble et peuvent servir d'exemple(18).

Vitamine A

(194) Pour toute la "région", y compris l'Europe orientale, l'Afrique et le Moyen-Orient, les quotas proposés sont de 45,3 % pour Roche, 31,6 % pour BASF et 23,3 % pour Rhône-Poulenc.

(195) Pour l'Europe occidentale dans son ensemble, les quotas indiqués sont de 44,3 % pour Roche, 32,1 % pour BASF et 23,6 % pour Rhône-Poulenc.

(196) Les informations pour l'année complète étaient mises à jour mensuellement sur une base cumulative pour s'assurer du respect par chaque partie de la part de marché qui lui avait été attribuée. S'il apparaissait que l'une des parties dépassait son quota des ventes, elle était tenue de "ralentir" ses ventes pour permettre aux autres de rattraper leur retard. Si, à la fin de l'année, un producteur avait dépassé son quota de façon substantielle, il devait acheter des vitamines aux autres producteurs pour compenser le déficit qu'ils avaient subi par rapport à leurs quotas respectifs du fait de ce dépassement.

Vitamine E

(197) Le cartel tenait une base de données informatisée similaire pour la vitamine E, mais: 1) des graphiques séparés étaient établis pour l'"alimentation animale", les "produits pharmaceutiques" et le "total", et 2) les volumes étaient indiqués en tonnes métriques.

(198) Les documents fournis par BASF pour l'année 1998 peuvent à nouveau être considérés comme représentatifs du fonctionnement du système, qui a fonctionné selon les mêmes principes de 1989 à 1997.

(199) Dans les feuilles de calcul concernant la vitamine E, les trois principaux producteurs sont de nouveau désignés par les chiffres "1", "2" et "3", "4" désigne Eisai et "5" les autres producteurs.

Prix minimaux et objectifs de prix

(200) Dans leur réunion "au sommet" tenue à Zurich, en septembre 1989, les présidents de division de Roche, BASF et Rhône-Poulenc étaient convenus d'une politique du "prix avant le volume".

(201) Ce sont les directeurs du marketing "vitamines" qui, lors de leurs réunions périodiques, décidaient d'augmenter ou non les prix et, dans l'affirmative, à quel moment et de combien. Les décisions finales étaient généralement prises au cours du second semestre, la date d'entrée en vigueur de l'augmentation étant généralement fixée au 1er avril de l'année suivante.

(202) Au début du cartel, les parties s'étaient entendues sur une augmentation d'environ 10 % pour les vitamines A et E.

(203) Les parties convenaient normalement que l'un des producteurs "annoncerait" l'augmentation en premier, soit dans une revue professionnelle soit par une communication directe aux principaux clients. Une fois l'augmentation de prix annoncée par l'un des membres du cartel, les autres avaient coutume de suivre.

(204) Ainsi on pouvait, en cas de contestation, faire passer les augmentations concertées des prix pour la conséquence du rôle dominant joué par une entreprise en matière de prix sur un marché oligopolistique.

(205) La Commission a obtenu de Roche et BASF des documents internes concernant la fixation des prix et la gestion indiquant que les deux producteurs travaillaient normalement sur la base de prix "catalogue" [ou d'objectifs de prix (Target/Ziel) et de prix minimaux].

(206) L'utilisation des objectifs de prix est illustrée par la "fiche de prix" (pricing sheet) de Roche pour les vitamines A et E transmise aux unités commerciales (business units) en mars 1991.

(207) L'objectif pour la vitamine A était d'augmenter les prix en CHF de 5 à 10 % en 1991 (tout en comblant l'écart de prix entre l'USD et le DEM pour décourager les courtiers). Si les responsables étaient chargés de maintenir le marché mondial à 48 %, il leur était aussi donné ordre de faire passer "le prix avant la quantité/l'objectif de part de marché: ne dépassez pas la quantité en manquant l'objectif de prix" (mot d'ordre du "prix avant le tonnage", considérant 200).

(208) La fiche de prix indique les prix "catalogue" et les prix "minimaux" à appliquer pour les différentes formes du produit en DEM et en USD pendant les deuxième et troisième trimestres de 1991.

(209) Pour la mise en oeuvre de l'augmentation, il est indiqué à l'unité commerciale qu'en Europe "les prix actuels en DEM dans le secteur de l'alimentation animale doivent être appliqués de manière stricte pendant le deuxième trimestre 1991. Une augmentation des prix de 10 % doit être préparée et annoncée en mai avec effet immédiat pour les opérations au comptant et toutes les commandes du troisième trimestre. Les prix des secteurs alimentation et produits pharmaceutiques doivent être appliqués de manière stricte." Des instructions similaires sont données pour la vitamine E.

(210) Dans le cadre de l'initiative concertée de 1991, de nouveaux prix ont été introduits chaque trimestre. À partir de début 1993, les prix ont été relevés, en règle générale une fois par an, normalement le 1er avril, la date du 1er octobre étant gardée comme seconde possibilité.

Fonctionnement du cartel de 1989 à 1997

(211) Pendant la première année du cartel, des dirigeants de Roche, BASF et Rhône-Poulenc se sont rencontrés fréquemment pour concrétiser leurs arrangements: Rhône-Poulenc a recensé neuf réunions à Bâle entre janvier 1990 et janvier 1991.

(212) Des réunions séparées, dont il est question dans un mémoire interne de Roche intitulé "Eisai history", ont également eu lieu entre Roche et Eisai sur la vitamine E. Elles ont commencé par une réunion au sommet au Japon en septembre 1990.

(213) Une réunion de suivi a eu lieu à Bâle le 25 octobre 1990, au cours de laquelle les dirigeants d'Eisai ont confirmé que leur société était prête à entrer dans le "club", à condition que les membres échangent leurs données concernant les ventes.

(214) Les trois producteurs européens ont décidé, lors d'une réunion trilatérale tenue à Bâle le 30 octobre 1990 de faire entrer Eisai dans le système pour une période initiale de cinq ans, avec un quota de 1600 tonnes susceptible d'augmentation en fonction de la croissance du marché. Pour Eisai, l'avantage serait un volume de ventes garanti et des prix plus élevés.

(215) Étant donné que, pendant la majeure partie de l'année 1990, Eisai n'était pas définitivement partie à l'entente pour la vitamine E et qu'elle avait vendu un volume supérieur à ce qui était prévu, les arrangements n'avaient apparemment pas provoqué une hausse substantielle des prix cette année-là.

(216) En décembre 1990, l'usine de vitamine E de Rhône-Poulenc a été fortement endommagée par un incendie. Les principaux producteurs ont estimé que les clients seraient disposés à payer des prix plus élevés en raison de la pénurie de produits. Ils ont également estimé que les prix de la vitamine A pourraient être relevés par la même occasion.

(217) Bien que Rhône-Poulenc présente cet incident fortuit comme ayant servi de catalyseur à la consolidation du cartel, il ressort clairement de la relation des faits par BASF et Roche que le cadre du cartel et ses mécanismes avaient été établis dès la fin de 1989.

(218) À la suite d'une réunion "au sommet" qui s'est tenue au Japon les 8 et 9 janvier 1991 entre des cadres supérieurs des trois producteurs européens et Eisai (considérant 234), cette dernière a confirmé sa volonté d'adhérer au système mondial de répartition des volumes pour la vitamine E et son quota a été porté de 10 à 11 %. Eisai semble avoir rationalisé les discussions avec ses concurrents du point de vue de la législation antitrust en les rencontrant séparément pendant vingt minutes chacun. Pour masquer la vérité, elle qualifie ces réunions de "visites de courtoisie". L'ambiguïté qu'Eisai peut avoir espéré provoquer par cet artifice a, quoi qu'il en soit, été dissipée par le fait qu'elle a invité les trois concurrents à une "réunion commune" immédiatement après dans un restaurant, réunion au cours de laquelle (de son propre aveu) un système de "commercialisation disciplinée" a été proposé et discuté.

(219) L'accord a été confirmé quelques semaines plus tard, lorsque des dirigeants de Roche se sont rendus au Japon et ont rencontré Eisai (considérant 236).

(220) L'entrée définitive d'Eisai dans le système de maîtrise des volumes et de fixation des prix pour la vitamine E, ainsi que la pénurie de produits, ont permis aux quatre producteurs d'augmenter sensiblement les prix de ce produit en 1991. Rhône-Poulenc a été approvisionnée par des livraisons "de coproducteur" de la part de Roche et de BASF jusqu'à la remise en service de son usine. Dans le même temps, et parallèlement à l'augmentation des prix de la vitamine E, les trois producteurs européens ont décidé et mis en oeuvre des hausses de prix importantes pour la vitamine A.

(221) Les prix des deux vitamines ont augmenté sensiblement entre 1991 et 1994. L'augmentation de prix initiale mise en oeuvre en 1991 était de l'ordre de 10 % (considérant 202). Selon Roche, après 1994, l'objectif était de maintenir les niveaux de prix atteints.

(222) La simultanéité et l'uniformité des augmentations de prix des vitamines A et E ont amené, en France, des producteurs locaux de prémix a déposer plainte. Les autorités françaises ont procédé à une inspection le 28 janvier 1993. Roche a informé Takeda des résultats lors d'une réunion concernant la vitamine C le 8 février 1993. Takeda a pris acte de l'attitude dédaigneuse de l'entreprise face à l'enquête:"L'enquête n'a rien révélé. En outre, RPAN a fait l'objet d'une inspection, mais celle-ci n'a rien révélé. Une inspection de ce type avait déjà eu lieu en 1991, mais il n'y avait aucune preuve. R ne considère pas que ces inspections posent un problème: elle se montre néanmoins prudente dans le traitement des documents."

(223) Au début de 1994, un écart de prix considérable (environ 10 %) s'était creusé entre l'Europe et les États-Unis pour les vitamines A et E. Les courtiers en profitaient pour réaliser des opérations "d'arbitrage". Entre le 1er et le 4 février 1994, Roche a donné à ses directeurs régionaux les consignes suivantes: "Pour la fixation des prix de 1994, c'est l'Europe qui doit donc être au centre des préoccupations [...] Notre objectif est d'augmenter les prix A de 2 DEM et les prix E de 1 DEM. Les volumes doivent faire l'objet d'un contrôle strict." BASF avait déjà attiré l'attention de ses filiales de vente européennes sur le phénomène dès septembre 1993.

(224) Le 14 février 1994, BASF a annoncé, par le biais de la presse professionnelle, des augmentations de 5 % des prix des vitamines A et E. Les bureaux de vente ont reçu l'ordre d'appliquer de nouveaux prix "limites" avec effet immédiat: le montant minimal de l'augmentation devait être de 2 DEM pour la vitamine A et de 1 DEM pour la vitamine E.

(225) En 1994, l'augmentation rapide de la demande de vitamine E destinée à la consommation humaine a nécessité une révision du quota attribué à Rhône-Poulenc. Pour maintenir sa part du marché global à 16 %, Rhône-Poulenc devait accroître ses ventes dans le segment de l'alimentation animale. En août 1994, les producteurs sont convenus de porter la part de Rhône-Poulenc dans ce segment à 21 %. Il était prévu que, au cas où le relèvement du quota de Rhône-Poulenc dans ce segment ne suffirait pas pour lui permettre d'atteindre sa part globale de 16 %, les deux autres producteurs européens lui achèteraient des produits pour compenser le déficit. Des achats compensatoires ont ainsi été effectués par Roche en 1996 et par Roche et BASF en 1997.

(226) BASF a déclaré que, pendant toute la durée de l'entente, les participants ont envisagé et étudié la possibilité de prendre des mesures pour éliminer les concurrents marginaux, notamment chinois et russes, ou les dissuader d'entrer sur le marché européen.

Continuation du cartel après l'enquête menée aux États-Unis

(227) À la fin de 1997, il a été annoncé publiquement aux États-Unis que le département américain de la justice avait convoqué un grand jury fédéral pour enquêter sur d'éventuelles infractions pénales à l'article 1er du Sherman Act dans le secteur des vitamines.

(228) Les participants aux réunions étaient déjà conscients de l'intérêt porté par les autorités antitrust à leurs arrangements secrets et cherchaient à minimiser le nombre et la fréquence de leurs contacts. La dernière réunion trilatérale s'est tenue a Bâle en novembre 1997 et il a été décidé, à cette occasion, que toutes les réunions ultérieures seraient bilatérales.

(229) Rhône-Poulenc déclare que, en décembre 1997, le président de son département "santé animale et végétale" en poste à l'époque a téléphoné à ses homologues de Roche et BASF et organisé des réunions avec eux, soi-disant pour annoncer que sa société "se retirait" des accords. Le 22 décembre 1997, il aurait rendu visite d'abord à BASF à Ludwigshafen et ensuite à Roche à son siège central de Bâle pour mettre fin aux accords concernant les vitamines A et E.

(230) Cette démarche a été "annoncée" aux responsables opérationnels de Rhône-Poulenc Animal Nutrition au début de janvier 1998.

(231) Toutefois, quelles qu'aient pu être les instructions formelles ou officielles, les choses se sont passées différemment dans la réalité: les dirigeants des trois sociétés ont décidé de poursuivre la coopération sous une forme modifiée et "de manière plus discrète", comme l'indique BASF. Cela s'est apparemment fait à l'initiative de Roche. Une réunion a eu lieu le 15 janvier 1998 entre Roche et Rhône-Poulenc et quelques jours plus tard avec BASF. Les deux rencontres sont décrites par Roche comme des "réunions au sommet et opérationnelles". Il a été décidé qu'il n'y aurait plus de réunions de groupe, mais seulement, en cas de besoin, des contacts de personne à personne. Roche a fourni une liste de ces réunions. Pendant plus d'un an, les dirigeants en question ont également échangé des données mensuelles sur les ventes depuis leur domicile privé, l'objectif étant de surveiller tout écart par rapport aux quotas.

(232) L'assertion de BASF selon laquelle la responsabilité du maintien de ces contacts serait imputable à "quelques individus" dans chaque société doit être appréciée à la lumière de la position que ces personnes occupaient: il s'agissait des directeurs du marketing "vitamines" de Roche et du directeur commercial de RPAN.

(233) D'après les informations disponibles, ces contacts auraient eu lieu pour la dernière fois en février 1999. Des données concernant les ventes ont été échangées pour le mois de janvier.

Implication d'Eisai

(234) Eisai, qui ne produisait que de la vitamine E, n'a pris part à aucune réunion concernant la vitamine A. En ce qui concerne la vitamine E, des contacts en vue de créer un cartel avaient déjà été pris à Tokyo, à l'initiative de Roche, les 22 et 23 novembre 1989. Ils ont été suivis par la réunion de Bâle du 8 décembre 1989 avec les trois producteurs européens, décrite par Eisai. Eisai soutient cependant ne pas s'être engagée à réduire sa production. À la suite d'autres réunions avec Roche en Europe et au Japon et sous l'effet des pressions constantes exercées par Roche, Eisai a invité les dirigeants des trois producteurs européens à une "réunion au sommet" les 8 et 9 janvier 1991. L'argument avancé par Eisai selon lequel elle aurait été, à cette occasion, un hôte réticent, "surpris" par un manquement grossier au protocole des affaires, est démenti par les termes de l'invitation adressée à Roche.

(235) Comme l'invitation l'indique expressément, la réunion était destinée à confirmer les intentions de la direction au plus haut niveau, à établir une relation de confiance entre les parties et à convenir de la nature du prochain "sommet".

(236) Quelques semaines plus tard, les 30 et 31 janvier 1991, des dirigeants de Roche se sont rendus au Japon pour rencontrer séparément un certain nombre de producteurs japonais de vitamines, dont Eisai. Une augmentation des prix d'environ 10 % a été décidée (considérant 207). Il a également été décidé que tous les contacts ultérieurs seraient exclusivement bilatéraux: Roche informerait BASF et Rhône-Poulenc des résultats. Roche arrêterait sa position d'un commun accord avec les deux autres producteurs européens et agirait en leur nom dans ses tractations avec Eisai.

(237) Plus aucune réunion multilatérale n'a eu lieu avec Eisai par la suite et la communication avec le cartel s'est toujours faite par le truchement de Roche.

(238) La procédure normale voulait que les trois producteurs européens se rencontrent d'abord, que ce soit pour des réunions au sommet, des réunions budgétaires, des réunions trimestrielles opérationnelles ou des réunions régionales et que, ensuite, deux ou trois semaines plus tard, Roche rencontre Eisai au niveau approprié.

(239) Eisai communiquait à Roche ses volumes de vente dans chacune des régions, en échange de quoi Roche lui communiquait les chiffres de vente agrégés des trois producteurs européens aux niveaux mondial et régional. Elle ne fournissait pas de données individuelles.

(240) Les arguments invoqués par Eisai dans la présente procédure pour donner l'impression qu'elle aurait participé à contrecoeur aux arrangements, simplement pour "échanger des informations", sont contredits par les documents émanant d'Eisai qui ont été communiqués à la Commission par Roche et qui démontrent la participation active d'Eisai à l'établissement d'un système de quotas. Eisai a elle-même fourni à la Commission des documents se rapportant à ces réunions et qui démentent ses arguments.

(241) Un graphique établi par un employé de Eisai pour une réunion de février ou mars 1995 indique les résultats d'Eisai en Amérique du Nord, en Europe, en Asie et en Amérique du Sud en 1990, 1993 et 1994 et ses prévisions pour 1995. Il ressort également d'un "aide-mémoire" rédigé pour la même réunion que la politique déclarée d'Eisai à l'égard de ses concurrents était de les convaincre de ses bonnes intentions en ce qui concerne le cartel:

"La réunion tenue en janvier 1991 a été reconnue comme 'référence' et le résultat de 1990 comme quantité de référence.

Détenant la part de marché la plus faible, nous avons commencé avec une part de 11,2 % (1990) et avons été acceptés par vous avec une prévision de part de 11,9 % (1991).

Maintenant notre part à 11 %, nous avons suivi le plan de base proposé par vous chaque année pour collaborer au CLUB.

Nous avons respecté la position et la situation de chacun.

Dès la première réunion, nous avons fait part de notre intention d'obtenir une part de marché de [5-15] % à moyen terme (cinq ans) et aussi de [10-20] % à long terme (dix ans).

Comme le montrent les résultats jusqu'en 1994 figurant au tableau d'ensemble, nous ne nous sommes jamais écartés de l'accord fondamental."

(texte original en anglais).

(242) La participation active d'Eisai au cartel de la vitamine E, nonobstant les artifices auxquels la société a pu recourir pour "justifier" les réunions, a permis aux producteurs européens d'augmenter les prix en Europe sans avoir à craindre que ce producteur japonais vende moins cher. Eisai admet elle-même avoir "eu pour politique d'augmenter les prix et de s'aligner sur les augmentations de prix adoptées par les autres". Dans ce contexte, tout argument selon lequel les forces normales du marché auraient joué doit être apprécié à la lumière de la conception particulière qu'avait le cartel de la notion de "rôle dominant en matière de prix": considérants 200 à 203.

1.4.2. VITAMINE B1 (THIAMINE)

1.4.2.1. Origine et principes directeurs du cartel

(243) En 1989, Roche détenait une part de 44 % du marché mondial, contre 13 % pour BASF et quelque 31 % pour Takeda, une part de 9 % revenant aux fabricants chinois.

(244) Selon Roche, l'entente concernant la vitamine B1 a été instaurée les 30 et 31 janvier 1991, lors de la visite à Tokyo du directeur du marketing "vitamines", au cours de laquelle ce dernier a rencontré des représentants de Takeda, ainsi que les autres fabricants japonais de vitamines. Les participants ont échangé des informations sur les tonnages et les parts de marché en 1990.

(245) L'entente concernant la vitamine B1 visait à augmenter les prix en stabilisant les parts de marché et en répartissant les volumes de vente sur la base des ventes réalisées l'année précédente.

(246) Roche n'a pas fourni à la Commission de données sur les quotas par région, mais ceux-ci sont indiqués dans les documents que BASF lui a fournis.

(247) Pour 1990 ("année de référence"), les ventes réalisées et les parts de marché détenues en Europe se présentent comme suit: Roche 280 tonnes (38 %), BASF 142 tonnes (20 %) et Takeda 300 tonnes (42 %). Les prévisions par région pour 1991 et les objectifs pour 1992 sont également indiqués.

(248) BASF n'a pas assisté à la réunion susmentionnée et il n'est pas question de sa participation dans la déclaration de Roche, mais il est clair que BASF était partie au système de maîtrise des volumes: considérants 260 à 269.

1.4.2.2. Système de maîtrise des volumes et de surveillance

(249) Bien que, par contraste avec les pièces communiquées pour les vitamines A et E, le principal protagoniste, Roche, n'ait fourni à la Commission aucun document "budgétaire" concernant la vitamine B1, Takeda a fourni une masse de documents établis par ses soins à l'époque, y compris des tableaux et des comptes rendus de réunion, qui illustrent le fonctionnement du système de maîtrise des volumes et de surveillance:

- un document daté du 5 juin 1991, intitulé "Vitamine B1 - Surveillance 1990", indique pour chaque région (Amérique du Nord, Amérique latine, Japon, Europe, etc.) les ventes en tonnes de Roche, de BASF, de Takeda et des producteurs chinois (les chiffres fournis pour ces derniers étant vraisemblablement des estimations) pour l'année 1990,

- un document, portant la même date, intitulé "Prévisions de marché 1991", indique, sur la base d'une hypothèse de croissance du marché pour chaque région (1,5 % pour l'Europe), la répartition des volumes entre les différents producteurs pour 1991,

- un autre document de la même date, intitulé "Surveillance du marché, premier trimestre de 1991", fournit, pour Roche, BASF et Takeda, une comparaison entre les ventes effectives et les prévisions par région,

- un document daté du 20 mai 1993 et intitulé "Surveillance du marché et de la concurrence - Vitamine B1", compare les ventes réalisées par Roche, BASF et Takeda par région pour 1992 à leurs quotas respectifs,

- un document, daté du 5 novembre 1993, compare les ventes réalisées par Takeda en 1992 à son quota dans chaque région et contient un formulaire à compléter comparant, pour chaque producteur, "la performance" au "plan" pour la période allant de janvier à décembre 1993,

- un jeu de formulaires remplis compare, sur une base trimestrielle mobile, le "quota" et le "résultat" pour Roche, Takeda et BASF en 1993,

- des documents similaires sont disponibles pour d'autres années.

1.4.2.3. Réunions du cartel

(250) Après la première réunion de janvier 1991, des dirigeants de Roche et de Takeda se sont rencontrés à intervalles réguliers à Tokyo et à Bâle, au "sommet" et au niveau "opérationnel", pour surveiller l'application du système de quotas et fixer les prix.

(251) BASF n'a pas pris part aux réunions, mais un quota lui a été attribué pour la vitamine B1, qui a fait l'objet de discussions lors de ces réunions.

(252) Étant donné qu'il existait des arrangements pour l'ensemble de la gamme des vitamines que Roche et Takeda produisaient en commun (vitamines B1, B2, B6, C et acide folique), leurs réunions régulières portaient souvent sur ces cinq produits. Du côté de Roche, on changeait de participant au niveau technique selon le produit dont il était question: voir, par exemple, la note de Takeda concernant la réunion opérationnelle de deux jours qui s'est tenue à Tokyo en novembre 1992. Le premier jour a été consacré à la vitamine C, tandis que la matinée du deuxième jour a été dédiée aux vitamines B1, B2 et B6.

(253) La note de Takeda concernant une réunion qui s'est tenue en novembre 1992 illustre la procédure suivie lors des réunions opérationnelles: "VB1

(1) Échange des résultats pour la période allant de janvier à septembre

>TABLE>

Tous au-dessous des prévisions. La puissance commerciale de B est faible.

Repris par des produits chinois

Plus intéressé par le maintien des prix que par la quantité

(2) Quotas pour 1993

Augmentation des taux de croissance d'environ 2 %

1992

>TABLE>

(3) Prix

Inchangé: 43,00 USD, 74,00 DM

(4) Produits chinois

Takeda souhaiterait protéger ses clients traditionnels en utilisant des produits 'hors-spécif.' de la qualité alimentation animale. Il est difficile de récupérer les clients une fois qu'ils ont commencé à utiliser des produits chinois."

(texte original en anglais).

(254) Des réunions bilatérales ont également eu lieu entre Roche et Takeda à Bâle, qui étaient consacrées à leur gamme de produits commune: vitamines B1, B2, B6 et C, et acide folique. Occasionnellement, Takeda et BASF ont aussi tenu des réunions bilatérales, au cours desquelles les discussions ont porté notamment sur la vitamine B1.

1.4.2.4. Fonctionnement du cartel de 1991 à 1994

(255) De 1991 à 1993 environ, le cartel a progressivement augmenté le prix de la vitamine B1. En 1991, les producteurs ont porté le prix du marché de moins de 65 DEM à 68 DEM par kilogramme. Un tableau, daté du 29 mars 1994, fourni par Takeda, indique le prix "catalogue" et le prix le plus bas pour le produit dans chaque zone géographique, dont l'Europe.

(256) À compter du 1er janvier 1992, le prix "catalogue" rendu a été fixé à 76 DEM/kg et le prix minimal à 74 DEM/kg. Les instructions de BASF concernant la fixation des prix du 11 décembre 1991 confirment le prix minimal de 74 DEM/kg.

(257) À la fin de 1992, l'effet de la concurrence des produits chinois se faisait sentir et les producteurs ont examiné la question de savoir s'il convenait d'"ignorer" cette concurrence, comme ils l'avaient fait par le passé, ou d'absorber la production chinoise. En juin 1993, ils avaient décidé d'exercer une concurrence par les prix auprès de certains clients qui utilisaient des produits chinois.

(258) Cette politique a été confirmée à la fin de 1993, lorsqu'a été prise la décision de maintenir le plan de base pour 1994. Pour garder leur clientèle, les producteurs sont convenus que, en ce qui concerne les produits destinés à l'alimentation animale, ils devaient s'aligner sur les prix chinois pour les clients importants, mais qu'il ne fallait pas que le prix le plus bas devienne la norme Pour les produits destinés à l'alimentation humaine et à l'industrie pharmaceutique, il fallait continuer d'appliquer des prix plus élevés.

(259) Selon Roche, les deux producteurs ont décidé en 1994 que l'accord n'était plus viable et il y a été mis fin au premier semestre de 1994. La dernière réunion consacrée à la vitamine B1 a eu lieu le 10 juin de cette année. Vers le second semestre de 1994, le prix du marché de la qualité destinée à l'alimentation animale était tombé à environ 28 écus/kg, après avoir culminé à 38 écus/kg. L'évolution des prix de la vitamine B1, pendant la durée du cartel et après sa dissolution, est décrite au tableau IV figurant à l'annexe.

1.4.2.5. Implication de BASF

(260) BASF a arrêté sa production de vitamine B1 en 1989, après quoi elle s'est approvisionnée auprès de Roche, initialement dans le cadre d'un contrat de fourniture de cinq ans. Elle figurait encore parmi les plus importants fournisseurs de vitamines en vrac dans la Communauté et dans le monde pendant la durée du cartel.

(261) Les tableaux concernant la vitamine B1 communiqués à la Commission par Takeda et intitulés "Surveillance du marché et de la concurrence - Vitamine B1" et "Surveillance du marché", qui étaient établis à des fins de contrôle des arrangements collusoires, contiennent, pour Roche, Takeda et BASF, les "prévisions" et une "appréciation" des quantités fournies sur une base trimestrielle dans chacune des grandes régions géographiques, y compris l'Europe.

(262) Les données concernant BASF sont également reprises dans les tableaux intitulés "Vitamine B1: prévisions du marché" et dans les tableaux cumulatifs rapportant le "résultat" au "quota" de chaque producteur pour 1993.

(263) Dans le mémoire de Takeda rendant compte de sa réunion avec Roche en novembre 1992 pour les cinq produits vitaminiques qu'elles produisaient toutes les deux (dont la vitamine B1), la section intitulée "Échange des résultats pour la période allant de janvier à septembre" compare le "plan" et le "résultat des ventes" pour Takeda, Roche et BASF (un quota est également attribué à BASF pour 1993). Les informations nécessaires doivent avoir été fournies à Roche par BASF.

(264) Le compte rendu plus complet de cette réunion établi par Takeda confirme la participation de BASF au système des quotas. Pour sa part, Roche indique que:

"En raison de l'influence des produits chinois, ni R, ni T ni B n'ont été en mesure d'atteindre les résultats escomptés. B est particulièrement en deçà de l'objectif (- 50 tonnes) et tient absolument à ce que l'on procède à des ajustements."

(texte original en anglais).

(265) Roche avait à l'évidence été chargée par BASF de s'exprimer en son nom. Le compte rendu poursuit:

"R: Nous aimerions demander si vous voyez une possibilité d'aider B, puisque celle-ci est tellement en deçà de l'objectif. (T a répondu que les produits de B étant vendus par R, si B a besoin d'aide, c'est à R de la lui fournir)."

(texte original en anglais).

(266) Bien qu'elle ait nié toute participation directe au cartel de la vitamine B1, BASF elle-même a fourni à la Commission des tableaux manuscrits qui (dit-elle) "reflètent les informations communiquées à BASF par un représentant de Roche concernant les arrangements entre Roche et Takeda relatifs à la vitamine B1." BASF souligne également qu'elle ne produit pas de vitamine B1. BASF omet cependant d'expliquer l'incorporation dans ces tableaux d'un quota en sa faveur, au même titre que pour "Roche" et "Tak". Pour l'Europe (il existe des calculs similaires pour chaque région géographique), le tableau se présente comme suit:

>TABLE>

Les chiffres relatifs à 1990, l'"année de référence", correspondent à ceux qui ont été fournis par Takeda.

(267) De son propre aveu, BASF a été informée des arrangements pris avec Takeda par Roche, qui ne voulait pas que BASF perturbe le marché de la vitamine B1 par ses reventes: "Conformément à cet arrangement avec Takeda, Hoffmann-La Roche a donné à BASF des instructions concernant les prix à appliquer et les volumes de vitamine B1 que BASF pouvait revendre, région par région." (texte original en anglais).

(268) Lors des contacts bilatéraux qui ont eu lieu occasionnellement entre Takeda et BASF, le thème de la fixation des prix de la vitamine B1 a été abordé: en visite à Tokyo le 13 juillet 1993, le directeur du marketing "vitamines" de BASF a indiqué que pour les vitamines C, B1 et B6, BASF "suivra les politiques de prix de R(oche) et T(akeda)... si les prix augmentent, nous nous alignerons sur vous". (texte original en anglais).

(269) Bien que BASF n'ait pas participé aux réunions entre Roche et Takeda, son implication dans la collusion ayant pour objet d'organiser le marché de la vitamine B1 est donc amplement démontrée

1.4.3. VITAMINE B2 (RIBOFLAVINE)

1.4.3.1. Origine et principes directeurs du cartel

(270) De 1988 à 1990, le prix de la vitamine B2 a baissé d'environ 12 %. Afin de renverser la tendance, les deux principaux producteurs ont estimé qu'une action concertée s'imposait.

(271) Les 14 et 15 juillet 1991, des représentants de Roche et de BASF se sont rencontrés à Bottmingen, en Suisse, afin d'arrêter le cadre d'une entente sur la vitamine B2. Takeda n'avait pas pris part à cette première réunion, mais BASF et Roche avaient l'intention de l'intégrer dans un second temps. Takeda était en effet, à cette date, déjà impliquée dans les ententes sur les vitamines B1 et C.

(272) Sur la base des ventes qu'elles avaient réalisées en 1990 et d'une estimation de la part de marché des autres producteurs année par année, ces entreprises ont fixé les quotas mondiaux qui seraient applicables de 1992 à 1994 inclus. Ces quotas, exprimés en volume, étaient les suivants:

>TABLE>

(273) En ce qui concerne Roche et BASF, leurs ventes respectives de vitamine B2 devaient passer d'un rapport de 65/35 en 1990 à 62/38 en 1994. 1992 devait être la première année de fonctionnement du système des quotas. Pour 1994, Roche et BASF avaient calculé qu'elles contrôleraient à elles deux 80 % du marché mondial, la part attribuée à Takeda étant de 13,5 %; en regard des chiffres applicables à Takeda, BASF a noté "Si elle augmente sa part guerre?" (texte original en anglais). Un document fourni par BASF montre l'accord conclu lors de cette réunion.

(274) Plus tard en 1991, de hauts responsables de Roche et de BASF se sont rendus (séparément) au Japon, afin de persuader Takeda d'accepter la proposition de répartition du marché de la vitamine B2. L'entreprise japonaise a finalement donné son accord fin 1991-début 1992. Les discussions menées lors de la visite de représentants de Takeda à Bâle le 13 avril 1992 sur "la nouvelle politique des prix visant à une augmentation continue" portaient aussi sur la vitamine B2.

1.4.3.2. Réunions du cartel

(275) L'entente a été mise en oeuvre dans le cadre de réunions trimestrielles. La procédure habituelle était apparemment la suivante: Roche rencontrait d'abord Takeda et tenait ensuite une autre réunion bilatérale avec BASF.

(276) L'objet de ces réunions trimestrielles était de surveiller les parts de marché réelles en les comparant aux quotas et d'adapter le niveau des ventes de manière à respecter les quotas convenus. Un système de contrôle inspiré de celui des vitamines A et E a été mis au point (considérant 283).

(277) Le compte rendu par Takeda de la réunion avec Roche qui s'est tenue le 25 mai 1993 à Zurich, portant en tête la mention "à détruire après lecture"), peut être considéré comme caractéristique de ces réunions sur la vitamine B2:

"1) VB2

- Les prix augmentent sans à-coups, (R) (T).

Par exemple: résultats de R en Europe en avril, 91,4 DEM (R),

résultats de T en Europe en mars, 88 DEM.

- Aucune augmentation probable de la demande, ce qui signifie qu'une augmentation quantitative serait difficile. (R)

T espère 400 t pour 1993, càd le même niveau environ qu'en 1992 (T).

(...)

- Lohmann(19)

Puisque R et BASF sont en concurrence, Lohmann préférerait ne pas acheter la totalité aux concurrents, autrement dit, elle préférerait acheter à T. T. devrait faire attention aux prix lorsqu'elle fait une offre. Les prix ne doivent en aucun cas être trop bas. (R)

Compris, contactera M. [employé de Takeda]. (T)"

(texte original en anglais).

(278) Takeda a aussi rencontré occasionnellement BASF dans le cadre de réunions bilatérales portant sur la vitamine B2 et sur d'autres produits. Une note du 13 juillet 1993, également accompagnée de la mention "à détruire après lecture", se présente comme suit:

"VB2 Alimentation animale

(B) Le prix de B en Europe est de 90-92 DEM. T offre cependant un prix inférieur (85/86 DEM). Veuillez corriger cela dès que possible.

(T) T vend à 88/90 DEM. Par ailleurs, l'offre de B d'un prix inférieur (86 DEM) à celui de Loevense au DK pose des problèmes.

(B) Nous vérifierons demain et vous recontacterons. Nous aimerions que les prix généraux ne tombent pas en dessous de 90 DEM.

(T) Nous sommes d'accord."

(texte original en anglais).

1.4.3.3. Quotas

(279) À la suite de l'entrée de Takeda dans le cartel de la vitamine B2, les quotas annuels ont fait l'objet d'intenses négociations, Takeda exigeant une part supérieure. Une note de Takeda relative à une réunion qui se serait tenue en novembre 1992 ou vers cette date et portait sur toute la gamme des vitamines, y compris la vitamine B2, indique:

"VB2 janv-septembre

(1) Détermination des quotas

>TABLE>

Composition du quota de 384

>TABLE>

Le directeur de la division souhaite le porter à 500 tonnes en 5 ans (en 1991).

R a fait une erreur de calcul lors de l'estimation de 1991 (...)

Des résultats supérieurs à l'objectif fixé seraient acceptables s'il n'en résultait aucun préjudice pour les prix."

(texte original en anglais).

(280) Les aspirations de Takeda en matière de quotas constituaient manifestement un motif d'irritation pour Roche. Il est noté ce qui suit dans le compte rendu par Takeda de la réunion qui s'est tenue avec Roche le 17 novembre 1992 à Tokyo (pour ce qui est de la vitamine B2):

"Comme pour la VB6, R était prudent (sic) en ce qui concerne l'augmentation des ventes en volume de T et n'a cessé de revenir sur le souhait exprimé par T de vendre 500 tonnes d'ici à 5 ans."

(texte original en anglais).

(281) Roche a proposé que le quota de Takeda pour 1993 soit de 385/390 tonnes et soit porté à 420 tonnes pour 1994. Takeda décrit sa réaction comme suit:

"T: Étant donné que notre capacité de production n'est pas encore clairement connue, nous ne pouvons encore savoir quel sera notre quota. Bien que nous ne soyons pas sérieux (sic), M. [...] souhaite obtenir 500 tonnes en 1993. Le moyen terme entre cette proposition et notre suggestion de 390 serait de l'ordre de 440/445 tonnes. (R n'a rien demandé de plus)."

(texte original en anglais).

À titre d'illustration de la maîtrise de ses (T) ambitions en termes de volume, voir également une note de Takeda relative à une réunion organisée le 21 avril 1993.

(282) En fait, pour ce qui est de 1994, Takeda a accepté de maintenir le volume de ses ventes à environ 410 tonnes. Au cours d'une réunion qui s'est tenue le 9 février 1994 à l'hôtel Hilton de Bâle avec Roche, les participants ont échangé des données sur leurs ventes de vitamine B2 en 1993 et leurs plans de vente pour 1994:

"T: Nos résultats pour 1993, très voisins du quota convenu, sont de 421 t et nous envisageons de maintenir le même niveau (environ 420-440 t) en 1994. En ce qui concerne le prix, nous apporterons tout notre soutien à la politique de R et nous efforcerons d'obtenir le prix plancher de 69 USD CAF/115 DEM pour les produits USD et 61 USD CAF/92 DEM pour les produits destinés à l'alimentation animale (prix livraison USA) ... En Europe, B annoncera une augmentation de prix pour les produits destinés à l'alimentation animale (4 %) à la mi-février. T souhaiterait porter le prix plancher de 92 DEM à 97 DEM le 1er avril. Le volume de vente de T reste faible, de sorte que les efforts seront concentrés sur un relèvement du prix.

En ce qui concerne les résultats de T en 1993 et ses plans pour 1994, ils respectent l'accord de base ...

Il ne faut pas compter sur une grande progression de la demande en 1994. Un effort sera fait pour augmenter le prix en Europe et maintenir le prix plancher de 61 USD aux États-Unis. R souhaiterait aussi que T s'aligne sur cette politique de prix. (T a accepté)."

(texte original en anglais).

1.4.3.4. Maîtrise des volumes et surveillance

(283) Comme pour la plupart des autres produits vitaminiques, le système de quotas applicable à la vitamine B2 a fait l'objet d'un système d'échange d'informations et de surveillance, fondé sur des mises à jour constantes. BASF a communiqué des documents à la Commission concernant le fonctionnement du système de maîtrise des volumes et de surveillance appliqué à la vitamine B2, dont les suivants sont les plus représentatifs:

- les données sur les ventes réalisées dans chaque région (Europe, Amérique du Nord, Amérique latine, Extrême-Orient et Japon) en 1995 et pendant le premier trimestre de 1996. Des estimations pour les producteurs ne faisant pas partie de l'entente (ADM = Archer Daniels Midland; GUS = les producteurs russes) sont également indiquées,

- une fiche de travail interne de BASF qui indique les ventes de cette entreprise dans chaque pays(20).

1.4.3.5. Prix "catalogue" et prix minimaux

(284) Pendant toute la durée du cartel, des augmentations de prix régulières ont été décidées et des prix planchers fixés. Takeda a également communiqué à la Commission des tableaux indiquant les prix "catalogue" et les prix "planchers", par région et pour les différentes vitamines, dont la vitamine B2, qui étaient en vigueur du 1er juin 1991 au 1er avril 1993. Pour ce qui est de la vitamine B2, les prix indiqués étaient les suivants:

>TABLE>

(285) L'évolution du niveau de prix moyen de la vitamine B2 pendant toute la durée du cartel et après la fin de l'entente est indiquée dans le tableau V à l'annexe.

1.4.3.6. Fonctionnement du cartel de 1991 à 1996

(286) Les décisions en matière de prix et de quotas prises lors des réunions étaient mises en oeuvre par chaque entreprise au moyen d'instructions adressées aux directeurs régionaux. De 1991 à 1993, les prix de la vitamine B2 ont été régulièrement relevés (considérant 284).

(287) En 1993, les parties ont constaté qu'un producteur américain, Coors, avait une capacité de production de vitamine B2 supérieure à ce qu'elles avaient estimé en 1991. Afin d'empêcher Coors de déstabiliser leur entente en exportant son excédent de production, Roche et BASF sont convenues que Roche achèterait 115 tonnes de vitamine B2 (soit la moitié de la capacité de Coors) en 1993 et que BASF achèterait en échange 43 tonnes à Roche. La charge était ainsi partagée selon un rapport (62/38) identique à celui de leurs quotas.

(288) Par la suite, Coors a vendu son usine de production de vitamine B2 à Archer Daniels Midland (ADM). En 1995, Rhône-Poulenc et ADM ont conclu un contrat aux termes duquel Rhône-Poulenc commercialiserait en Europe la riboflavine produite par ADM aux États-Unis. BASF a noté la "duplicité" du comportement de Roche, qui donnait la priorité tantôt au prix, tantôt au volume. BASF ne voyait pas l'intérêt d'un relèvement du niveau des prix qui aurait pour seul effet de faciliter l'entrée d'ADM sur le marché. La part de marché d'ADM en Europe est passée de seulement 2 % à 9 %, principalement aux dépens de Roche. Le niveau des prix a commencé à baisser. Roche allègue qu'elle avait déjà pris conscience que Takeda trichait en déclarant un chiffre de vente inférieur à ce qu'il était en réalité (l'écart allant jusqu'à 20 %).

(289) Il est écrit ce qui suit dans une "note confidentielle" établie par Takeda concernant une réunion du 16 mars 1995, consacrée principalement à la vitamine C, avec des représentants de Roche, de BASF et de Merck:

"Le fait que nous ayons fourni trop de B2 a été vivement critiqué.

D'après ce qui a été convenu par MM. [...] (représentant de Takeda) et [...] (représentant de Roche), le volume des ventes de Takeda devrait passer de 380 à 420 t au maximum. Il ressort des statistiques sur les exportations japonaises (environ 500 t) et sur les importations de matières premières et les ventes au Japon (de l'ordre de 80 t) que le volume des ventes réalisé par Takeda est de 580 t, soit un dépassement de 40 % par rapport aux 420 t admises. Takeda doit éclaircir les raisons de ce dépassement et sa politique.

À cela, nous nous sommes contentés de répondre: 'Nous ne sommes pas en mesure de commenter ces quantités. Nous vous contacterons par le canal approprié après examen de la question dans notre entreprise.' Nous avons compris que ce n'était pas le moment de compromettre notre position dans le cadre de la coopération en vue de relever le prix de la V(itamine) C en disant tout haut notre pensée."

(texte original en anglais).

(290) Takeda a ensuite assuré à Roche qu'elle n'avait pas agrandi ses installations de production: "Nous ne nous attendons, par conséquent, à aucune augmentation sensible à l'avenir, mais nous ne pouvons pas non plus diminuer notre volume de vente."

(291) Roche a apparemment décidé, face à ces désaccords, de mettre fin à l'entente avec BASF et Takeda vers le troisième trimestre de 1995.

1.4.4. VITAMINE B5 (D-PANTOTHÉNATE DE CALCIUM, ACIDE PANTOTHÉNIQUE OU CALPAN)

1.4.4.1. Origine du cartel

(292) En 1989, Roche et Daiichi possédaient chacune quelque 35 % du marché mondial de l'acide pantothénique, et BASF 20 %.

(293) Le contexte dans lequel le cartel s'est formé (d'après les indications de Daiichi) était celui d'une baisse constante des prix des vitamines du groupe B au cours des années quatre-vingt et de la faiblesse du dollar en 1989-1990, de sorte que ces produits n'étaient pas du tout rentables pour Roche.

(294) En fait, selon Daiichi, il existait une collusion orchestrée sur le prix de la vitamine B5 entre Roche, BASF et Daiichi depuis le début ou le milieu des années quatre-vingt, qui s'était poursuivie jusqu'en 1989.

(295) D'après Daiichi, cette collusion n'avait toutefois pas atteint le même degré de complexité que les ententes ultérieures et "paraît s'être dissoute en 1989 et 1990".

(296) Vers le début de l'année 1991 (d'après Daiichi), Roche a déployé des efforts acharnés pour organiser une coopération structurée impliquant l'échange régulier de données sur les prix et les ventes, l'établissement de "budgets" destinés à maintenir les parts de marché, ainsi que des augmentations de prix concertées. Daiichi affirme catégoriquement que la collusion était "organisée, orchestrée et contrôlée par Roche".

(297) Selon Daiichi, un représentant de Roche s'est rendu à Tokyo juste avant Noël 1990 et a insisté, pendant une réunion avec Daiichi, pour que cette dernière restreigne sa production. Roche a déclaré qu'elle devait "contrôler" les exportations d'acide pantothénique du Japon vers les autres régions (notamment l'Europe) ou bien les prix de ce produit risquaient de fléchir.

(298) Roche proposait que les producteurs utilisent des quantités fixes "comme base" et parviennent ensuite à un accord quant à la progression nationale de la demande qui servirait à adapter cette base. À ce stade, selon Daiichi, la discussion était "théorique", et aucun tonnage de référence n'avait été réellement examiné. Daiichi a avancé qu'un tel mécanisme ne fonctionnerait pas sans BASF, à quoi Roche a répondu qu'elle inviterait BASF à une réunion afin de convenir d'un système pour l'acide pantothénique.

(299) La première réunion "trilatérale" entre Roche, BASF et Daiichi s'est déroulée à Bâle au cours du premier trimestre de 1991. Lors d'une autre réunion à Bâle, vers la mi-1991, les participants - Roche, BASF et Daiichi - ont échangé des données détaillées sur leurs ventes d'acide pantothénique dans chaque région en 1990, afin de convenir d'une année de base ou de référence.

1.4.4.2. Principes directeurs du cartel

(300) Les trois producteurs sont convenus, à compter de 1991, de se répartir la part du marché mondial d'acide pantothénique (90 %) qu'ils contrôlaient à eux trois.

(301) Des quotas mondiaux et régionaux, exprimés en pourcentage, ont été alloués à chaque participant. D'après Daiichi, ces quotas variaient d'une année sur l'autre, atteignant les pourcentages suivants pendant la période 1991-1999:

>TABLE>

(302) Daiichi a produit des documents indiquant que pour l'année de référence 1990, les trois producteurs avaient pris comme base de leur système la répartition suivante des ventes au niveau mondial:

>TABLE>

(303) L'accord a été mis en oeuvre dans le cadre de réunions "mondiales" organisées tous les trimestres, soit en Europe, soit au Japon. Pour s'assurer du respect des quotas alloués, des informations sur les ventes étaient échangées chaque trimestre et, par la suite, chaque mois). Les participants ont également arrêté les détails des augmentations de prix concertées, notamment des objectifs de prix.

1.4.4.3. Objectifs de prix et prix minimaux

(304) Les objectifs de prix et les prix minimaux fixés pour l'Europe pour la période allant du 1er octobre 1991 jusqu'au 1er avril 1993 étaient les suivants:

>TABLE>

Les prix "catalogue" de Roche et de BASF montrent que l'objectif de prix/prix "catalogue" a été porté à 39 DEM en 1994 (prix plancher: 37,50 DEM), 40 DEM en 1995 et 43 DEM en 1997.

1.4.4.4. Budgets

(305) Comme pour les autres produits vitaminiques, l'élément clé du cartel était la fixation du "budget annuel". Les trois producteurs procédaient à des estimations annuelles de la demande mondiale en projetant les modifications de l'année précédente sur une base régionale et en agrégeant les prévisions. Le volume de DL-pantothénate de calcium devant être produit au Japon et en Europe orientale faisait également l'objet d'estimations. Les objectifs de volume étaient ensuite fixés et des parts de marché, exprimées en pourcentage, étaient allouées pour le marché mondial et les marchés régionaux.

(306) Chaque année, les participants examinaient le "coefficient de progression" (escalation factor), c'est-à-dire la croissance normale du marché, et les quotas alloués étaient adaptés pour chaque région afin de tenir compte de la progression anticipée de la demande.

(307) Daiichi déclare que le budget était discuté, à l'origine, trois à six mois avant la fin de l'année civile, car les producteurs européens utilisaient l'année civile pour cette comptabilité. Par la suite, pour tenir compte du fait que Daiichi utilisait un exercice social qui ne coïncidait pas avec l'année civile, l'exercice étant clos à une date postérieure à la fin de l'année civile, les réunions ont été repoussées au mois de novembre.

(308) BASF et Daiichi ont communiqué des documents sur les budgets.

(309) Les documents suivants illustrent le fonctionnement du système:

- un document montrant les ventes réelles de chaque producteur en 1995, la répartition du "budget" 1996 et les ventes réelles en 1996 ("1-12/96"). "H" désigne Hoffmann-La Roche, "B", BASF et "D", Daiichi. "A" désigne Alps, un producteur japonais qui ne participait pas à l'accord,

- les parts des marchés "régionaux" des trois producteurs membres du cartel pour les années 1992 et 1993 et, pour 1994, la répartition de leur "budget" et les ventes réelles estimées ("HR"). Un document complémentaire indique les ventes de Roche et de BASF par région pendant les six premiers mois de 1994,

- un document fourni par Daiichi, mais émanant de Roche, montre les quotas "budgétisés" initiaux et révisés, par région, pour 1998,

- un autre document élaboré par Daiichi compare les résultats mensuels des trois producteurs au budget 1998.

(310) Les données sur les volumes de vente étaient échangées tous les trimestres puis, par la suite, tous les mois. Il n'existait aucun système formel de compensation, mais d'après Daiichi, Roche se plaignait lorsque Daiichi dépassait son quota, même si elle tolérait en pratique un écart pouvant aller jusqu'à 2 %.

1.4.4.5. Réunions du cartel

(311) De 1991 à 1998, les parties se sont rencontrées à intervalles réguliers. Daiichi a fourni un compte rendu très circonstancié de ces réunions.

(312) Après la confirmation à Tokyo, en janvier 1991, de l'adhésion de Daiichi au cartel et la tenue d'une autre réunion à Bâle entre Daiichi et Roche, la première réunion trilatérale entre Roche, BASF et Daiichi a eu lieu à Bâle. Il y a une certaine imprécision quant aux participants et à la date précise de cette réunion: Roche déclare qu'elle s'est déroulée au cours du premier trimestre de 1991, tandis que Daiichi pense qu'elle a eu lieu un peu plus tard.

(313) C'est lors de cette réunion qu'un accord définitif est intervenu sur la répartition des parts de marché. Le fait qu'un "budget" ait été élaboré pour 1991 semblerait indiquer que la réunion a été organisée début 1991 ou plus tôt.

(314) Une réunion "au sommet" s'est tenue à Baden-Baden le 2 juin 1992 entre Roche et BASF afin de "favoriser la compréhension mutuelle". Les discussions ont notamment porté sur l'acide pantothénique.

(315) Ensuite, des réunions "au sommet" et des réunions "opérationnelles" ont eu lieu régulièrement à Bâle, à Kaiseraugst (siège de la division "vitamines" de Roche) et à Tokyo. En général, mais pas toujours, Roche rencontrait séparément BASF et Daiichi. Des "budgets" étaient élaborés en octobre ou en novembre pour l'année suivante.

(316) Outre ces réunions, des informations sur les prix et les volumes étaient échangées tous les trimestres jusqu'en 1996 ou 1997, date à laquelle BASF a proposé de passer à une fréquence mensuelle.

1.4.4.6. Fonctionnement du cartel de 1991 à 1997

(317) Pendant toute la durée du cartel, les trois producteurs se sont arrangés pour relever le prix de la vitamine B5 à intervalles réguliers, au moyen d'une série de hausses de prix concertées.

(318) Les augmentations graduelles les plus importantes du prix de l'acide pantothénique ont eu lieu entre 1991 et 1993, puisque le prix a augmenté en Europe de quelque 50 % en deux ans.

(319) Selon Daiichi, Roche ou BASF lui indiquait périodiquement que l'une ou l'autre d'entre elles allait relever le prix, l'informait de la date à laquelle cette augmentation aurait lieu et l'invitait à "suivre". Ces annonces étaient souvent faites par la voie de la presse spécialisée.

(320) Pendant la durée du cartel, le prix du D-pantothénate de calcium destiné à l'alimentation animale en Europe est passé d'environ 24 DEM/kg en 1990 à 42 DEM/kg au début de 1998.

(321) L'une des principales préoccupations de BASF et de Roche était de faire en sorte que les fluctuations monétaires ne conduisent pas à des écarts de prix entre les régions et à des détournements de trafic sous forme de réexpéditions par les distributeurs. C'est ainsi que lorsque le dollar s'est raffermi par rapport au mark allemand, les deux producteurs européens ont pris soin de relever les prix européens de manière à dissuader les distributeurs de vendre en Amérique du Nord à partir de l'Europe. Ces détournements de trafic étaient possibles dès que l'écart de prix atteignait 10 %(21).

(322) Selon Daiichi, BASF et Roche avaient une autre motivation stratégique pour relever le prix de l'acide pantothénique, et d'ailleurs des autres vitamines utilisées dans l'alimentation animale. Elles sont toutes deux en position de force sur le marché des prémix en raison de leur production intégrée des vitamines utilisées. En augmentant le prix des vitamines utilisées dans les prémix, elles rétrécissaient les marges de leurs concurrents sur ce marché en aval, pour finir par évincer du marché les petits fabricants de prémix.

(323) Daiichi indique que, en novembre 1997, elle s'est opposée à l'augmentation envisagée, proposée par BASF, qui devait faire passer le prix de 42 DEM/kg à 46 DEM/kg pour le printemps 1998, en partie parce que, à un prix aussi élevé, ses clients européens pour les prémix auraient eu toutes les raisons de se tourner vers les fournisseurs polonais et roumains de DL-pantothénate de calcium. Cependant, même si elle s'opposait à cette augmentation de prix, BASF et Roche pouvaient (c'est ce qu'elle prétend) toujours augmenter le prix, car elles produisaient elles-mêmes des prémix et étaient peu exposées à la concurrence du DL-pantothénate de calcium. Ce point de vue est confirmé par la déclaration catégorique de BASF dans ses instructions à ses bureaux de vente nationaux de juin 1995 selon laquelle: "À l'avenir, nous ne serons pas non plus en concurrence avec le DL-pantothénate de calcium!" (texte original en allemand).

(324) BASF a annoncé la hausse du prix de l'acide pantothénique, ainsi que des vitamines A, E et B2, par le canal du journal spécialisé Ernährungsdienst, du 25 février 1998. Le prix plancher était fixé à 44 DEM/kg.

(325) Lorsque les clients de BASF se sont opposés à cette augmentation, Roche l'a soutenue en annonçant elle aussi une augmentation qui portait le prix à 46 DEM/kg, par un avis paru dans Ernährungsdienst, du 13 juin 1998. D'après Daiichi, l'augmentation concertée n'a pas réussi en raison de la résistance de la clientèle et du très grand écart de prix entre le D-pantothénate de calcium et son équivalent, le DL-pantothénate de calcium.

(326) Vers la fin de 1997, BASF et Roche ont été informées de l'enquête sur les vitamines menée aux États-Unis (considérants 227 à 233). Ces deux entreprises avaient déjà renforcé leurs mesures de précaution deux ans auparavant, lorsque l'affaire ADM était devenue de notoriété publique. Les réunions sur la vitamine B5 se sont quand même poursuivies après novembre 1997 et c'est d'ailleurs le 17 novembre que des représentants de Roche ont rendu visite à Daiichi au Japon pour présenter leur nouveau vice-président, membre du comité de direction et directeur du marketing "vitamines", qui prendrait ses fonctions le 1er janvier 1998.

(327) Le 16 décembre 1997 ou vers cette date, les parties se sont retrouvées à Bâle pour établir le budget de l'année suivante. Ce n'est que le 16 avril 1998, à l'occasion d'une réunion opérationnelle mondiale au Japon, que le directeur du marketing "vitamines" de Roche a informé Daiichi qu'elle ne devait plus échanger de données sur les volumes et les prix par téléphone avec un directeur commercial subalterne. C'est lui à l'avenir qui se chargerait personnellement de ces échanges de données.

(328) Les réunions ont continué pendant toute l'année 1998, des données détaillées étant échangées tous les trimestres et de personne à personne sur les volumes de ventes et les prix. Un budget a été élaboré pour 1999. Le dernier échange de données sur les volumes de ventes a eu lieu à Tokyo le 12 février 1999, lors d'une réunion entre Roche et Daiichi. L'entente n'a alors pris fin que parce que les participants avaient appris que des poursuites étaient imminentes aux États-Unis.

(329) En ce qui concerne l'évolution du niveau des prix de l'acide pantothénique pendant toute la durée du cartel, voir le tableau VI à l'annexe.

1.4.5. VITAMINE B6 (PYRIDOXINE)

1.4.5.1. Origine et principes directeurs du cartel

(330) Comme pour plusieurs autres produits vitaminiques, le point de départ de l'entente sur la vitamine B6 peut être situé à la date de la visite des hauts responsables de Roche à Tokyo, les 30 et 31 janvier 1991. Une réunion s'était tenue à l'époque entre Roche, Takeda et Daiichi afin de parvenir à un accord sur la vitamine B6. Takeda participait déjà à des discussions - pas totalement concluantes - avec Roche sur la vitamine C depuis avril 1990. En toile de fond à cette réunion, le prix de la vitamine B6 avait chuté d'environ 15 à 20 % en 1989-1990(22).

(331) Les trois producteurs de vitamine B6 ont arrêté, sur la base des ventes qu'ils avaient réalisées en 1990, la répartition du marché mondial "disponible", c'est-à-dire après déduction des ventes des producteurs chinois, en allouant des quotas par région.

(332) En 1991, l'offre de vitamine B6 était insuffisante, car BASF et Merck s'étaient toutes deux retirées du marché. Daiichi avait temporairement arrêté la production en août 1991 parce qu'elle fermait une ancienne usine et que la nouvelle ne devait pas entrer en service avant mars 1992.

1.4.5.2. Objectifs de prix et prix minimaux

(333) Comme dans le cas des autres produits vitaminiques, les augmentations de prix de la vitamine B6 se sont opérées sur la base de prix "catalogue" et de prix "minimaux". La Commission a obtenu de Takeda un tableau qui montre l'évolution des prix de plusieurs vitamines, notamment la vitamine B6 (États-Unis, Europe et "outre-mer"):

>TABLE>

(334) La note de Takeda concernant la réunion du 13 avril 1992 avec Roche à Bâle et portant sur toute leur gamme commune de vitamines indique que le prix de 90 DEM applicable à compter du 1er juillet 1992 constituait en fait le prix plancher, le prix "catalogue" étant de 95 DEM.

(335) Une note interne de Daiichi du 1er septembre 1992 affiche un prix de 90 DEM pour la vitamine B6, avec les annotations manuscrites "85-90 R" et "80-85 DPE" (où "R" désigne Roche et "DPE", Daiichi Pharmaceutical Europe).

1.4.5.3. Réunions du cartel

(336) D'après Roche, les parties ont tenu des réunions bilatérales environ deux fois par an, à Tokyo ou à Bâle, ou dans les environs de cette dernière ville, ce qui signifie que Roche rencontrait séparément Takeda et Daiichi. Ces dernières entretenaient également des contacts bilatéraux réguliers, bien que Daiichi ait prétendu que ceux-ci concernaient principalement les ventes d'acide pantothénique réalisées entre elles. La raison de l'adoption d'un tel artifice était la réticence des producteurs japonais à prendre part à des réunions avec plus d'un concurrent à la fois.

(337) Les dates et les lieux des réunions ont été indiqués par Roche. Comme pour les autres produits vitaminiques, les réunions du cartel se tenaient tant "au sommet" qu'à des niveaux "opérationnels". Takeda a communiqué à la Commission des copies et des notes de plusieurs réunions que l'entreprise avait eues avec Roche (consacrées généralement à leur gamme commune de vitamines, notamment la vitamine B6).

1.4.5.4. Fonctionnement du cartel de 1991 à 1994

(338) À la réunion du 13 avril 1992 qui s'est tenue à Bâle, les participants ont noté l'augmentation "spectaculaire" du prix de la vitamine B6 liée à l'insuffisance de l'offre et ont conclu: "nous pouvons continuer à relever le prix" (texte original en anglais). En fait, ainsi que Daiichi le souligne, le prix en Europe est passé de 51 DEM/kg au premier trimestre de 1991 à près de 80 DEM/kg un an plus tard. En Europe, un nouveau prix "catalogue" de 95 DEM (prix plancher: 90 DEM) pour la vitamine B6 devait être adopté, avec effet au 1er juillet 1992. Le nouveau prix était censé rester applicable en 1993.

(339) Lors de la réunion de Tokyo du 17 novembre 1992 entre Takeda et Roche, les quotas de vitamine B6 pour 1993 n'ont pu être arrêtés. Takeda a noté que Roche essayait de l'empêcher d'accroître ses ventes en 1993 et a exigé de savoir quelle serait la progression de ses ventes. Takeda a donné une réponse évasive. En ce qui concerne la fixation des prix, Roche souhaitait maintenir le prix en vigueur à l'époque (90 DEM) en Europe: c'est ce qui avait été convenu, selon elle, avec Daiichi. Les nouveaux prix devaient être annoncés par Roche en février 1993, et Takeda devait suivre(23).

(340) La réunion "Extrême-Orient" du 21 avril 1993 portait sur le maintien du niveau des prix en Europe, la répartition des quotas devant dépendre de l'appréciation de la demande possible. Roche proposa une réunion trilatérale, c'est-à-dire avec Daiichi. Il ressort d'une note de Takeda relative à un contact avec un représentant de Roche que Daiichi s'y était opposée.

(341) Lors d'une réunion "européenne", du 25 mai 1993, entre Takeda et des représentants de Roche, les participants ont parlé de leurs relations avec Daiichi et ont fait observer que la politique de cette entreprise, du moins pour ce qui était de la vitamine B6, était de ne pas participer aux réunions et de vendre sa production "indépendamment de la taille du marché". Roche et Takeda ont convenu de donner la priorité au maintien du niveau des prix. Roche était d'avis que les quotas de vente devaient être réduits selon la taille du marché, mais Takeda estimait que les prix pouvaient être maintenus même en cas d'augmentation du volume.

(342) En 1993, les trois producteurs - Roche, Takeda et Daiichi - ont tous vu leur part de marché reculer sensiblement au profit des producteurs chinois, qui, disait-on, vendaient à un prix inférieur à leur coût de production.

(343) En 1993, Takeda et Roche se sont en outre aperçues que Daiichi vendait à bas prix et ont décidé d'appliquer les mêmes prix qu'elle, mais de ne pas s'aligner sur ceux des producteurs chinois.

(344) Après le deuxième trimestre de 1993, le prix de la vitamine B6 a subi une brusque baisse. Daiichi attribue cette chute et le faible niveau de prix qui en est résulté: a) à la progression du volume de production et des ventes des producteurs chinois, et b) à l'importante baisse de prix (28 %) opérée par Roche en juillet 1994 en vue de s'aligner sur les prix chinois.

(345) Le 20 juillet 1993, Takeda et Roche ont examiné la situation de la vitamine B6 lors d'une réunion à Tokyo. Takeda a signalé que Daiichi envisageait désormais de baisser le prix et d'augmenter les quantités.

(346) Roche a déclaré qu'elle "souhaitait organiser une réunion trilatérale avec Daiichi, mais T(akeda) et Daiichi s'y sont toutes deux opposées". La réaction de Takeda a été la suivante: "Nous voudrions que R convainque Daiichi"(24).

(347) Au cours de leur réunion de Bâle du 9 février 1994, Takeda et Roche sont convenues d'observer la situation sur le marché en ce qui concernait les Chinois pendant le premier semestre de l'année et d'arrêter leur politique après examen des résultats pour la période allant de janvier à juin. Ce fut la dernière réunion sur la vitamine B6 entre Takeda et Roche pour laquelle il existe des documents.

(348) Roche allègue que, vers le premier semestre de 1994, les parties avaient admis que l'accord sur la vitamine B6 n'était plus viable en raison des importations chinoises et avaient décidé de mettre fin à l'entente.

(349) Les dernières réunions connues sur la vitamine B6 entre Roche et ses concurrents japonais ont eu lieu à Tokyo le 10 juin (Takeda) et le 15 juin (Daiichi) 1994.

(350) Roche déclare que, après que l'entente sur la vitamine B6 eut pris fin, elle a continué à rencontrer les producteurs japonais séparément dans le cadre de réunions portant sur d'autres vitamines et au cours desquelles des "informations sur l'évolution des prix" de ce produit ont été échangées.

(351) Pour le deuxième trimestre de 1994, Roche avait modifié ses prix "catalogue" de façon à faire apparaître un "prix plancher" de 75 DEM/kg (par rapport à un objectif de prix de 95 DEM) Pour le troisième trimestre de l'année, les prix ont à nouveau été revus à la baisse (objectif de prix: 65 DEM, prix plancher: 53 DEM).

(352) Quant à Daiichi, elle ne nie pas avoir pris part à une coopération entre les producteurs de vitamine B6 entre 1991 et le milieu de 1994.

(353) L'évolution du niveau de prix moyen de la vitamine B6 est indiquée dans le tableau VII à l'annexe.

1.4.6. ACIDE FOLIQUE

1.4.6.1. Origine et principes directeurs du cartel

(354) L'entente sur l'acide folique a commencé, comme les ententes sur plusieurs autres produits, par la visite de hauts responsables de Roche à Tokyo en janvier 1991 et, plus particulièrement, avec la réunion entre cette entreprise et Takeda (considérant 244).

(355) À cette réunion, Roche a présenté un plan de quotas de vente et de prix de vente minimaux pour l'acide folique et a demandé à Takeda d'assurer la coordination avec Kongo et Yodogawa (le prédécesseur de Sumika). Selon Takeda, les producteurs japonais ont accepté la suggestion de Roche en raison de sa puissance sur le marché.

(356) Roche fait valoir que c'est Takeda qui a fait les premiers pas "en vue d'échanger des informations", que cette première approche a eu lieu à la fin de 1992, qu'il n'y a eu que deux réunions et que les accords en matière de quotas sont rapidement devenus "obsolètes".

(357) Comme pour toutes les autres vitamines, la base des accords collusoires sur l'acide folique a été l'établissement d'un système de quotas. Le principe fondamental du système de répartition des quotas était la division du marché mondial entre Roche, d'une part, et les trois producteurs japonais, d'autre part. Sur la base des résultats de 1990, Roche s'est vu attribuer 42 % et les Japonais 58 %. Les producteurs japonais se sont mis d'accord sur la répartition entre eux du quota de 58 % sur la base des ventes qu'ils avaient respectivement réalisées en 1990. Les quotas annuels (par région) en volume devaient maintenir le rapport 42/58 convenu, tout en tenant compte du taux de croissance naturelle.

(358) Pour 1991, la répartition convenue des tonnages était la suivante:

>TABLE>

(359) Les résultats devaient être surveillés tous les trimestres et comparés aux quotas convenus. Le cas échéant, les producteurs pouvaient appliquer des mécanismes de compensation. Le système habituel des prix "catalogue" et des prix minimaux convenus était également applicable à l'acide folique.

1.4.6.2. Maîtrise des volumes et surveillance

(360) Takeda a communiqué des feuilles de calcul et des tableaux détaillés qui indiquent comment les quotas de vente étaient calculés pour chaque année et les ventes réelles ("résultat") comparées aux quotas ("répartition des quotas").

(361) Les documents suivants sont caractéristiques du fonctionnement du système et peuvent être considérés comme une bonne illustration de celui-ci:

- le mécanisme de surveillance trimestrielle fondé sur une comparaison des résultats par rapport aux quotas (dans l'ensemble, les producteurs atteignaient l'objectif en fin d'année),

- un tableau daté du 20 novembre 1992 qui montre le mode de détermination des quotas provisoires pour 1993. Pour chacune des quatre régions, la demande totale pour 1993 est estimée et les quotas alloués à chaque producteur pour 1992 sont adaptés de façon à tenir compte des prévisions de croissance du marché et à maintenir le rapport 42/58 convenu,

- un document intitulé "Surveillance du marché et de la concurrence" et daté du 24 juin 1994 compare les prévisions et les ventes réalisées par chaque producteur au cours du premier trimestre de 1994,

- un tableau intitulé "Répartition des quotas 1994", montre l'évolution dans le temps des quotas pour chaque année pendant la période 1991-1993 et compare ces quotas avec ceux de 1994. Le marché total disponible, sans compter les producteurs chinois, est de 275 tonnes: conformément aux rapports convenus, Roche doit obtenir 115 tonnes et les producteurs japonais 160 tonnes,

- une ventilation par région du plan pour 1994,

- un tableau daté du 30 janvier 1995 qui donne les résultats annuels de chaque producteur au cours de la période 1991-1993 (les données pour 1994 sont laissées en blanc).

1.4.6.3. Prix "catalogue" et prix minimaux

(362) Chaque année à l'automne, le prix de vente minimal était fixé en DEM pour le marché européen et en USD pour les autres régions. Un prix minimal était fixé pour chaque pays sur la base du taux de change correspondant.

(363) Takeda a produit un barème de prix indiquant les prix "catalogue" et les prix planchers de l'acide folique dans chaque région (États-Unis, Canada, Europe, outre-mer) de 1991 à 1994. Pour ce qui est de l'Europe, les prix convenus étaient les suivants:

>TABLE>

Les producteurs japonais ont été autorisés à vendre à l'ancien prix (c'est-à-dire au prix plancher) à compter d'octobre 1992.

1.4.6.4. Fonctionnement du cartel de 1991 à 1994

(364) Les réunions du cartel entre Takeda et Roche étaient trimestrielles. Lorsque des représentants de Roche se rendaient au Japon pour assister à des réunions avec Takeda au sujet de la gamme des vitamines du groupe B, l'acide folique faisait l'objet d'une réunion séparée à laquelle ont assisté, du moins à plusieurs reprises, des représentants de Kongo et de Yodogawa [devenue par la suite Sumika(25)]. Lors des réunions qui se tenaient en Europe, Takeda représentait les autres producteurs japonais.

(365) La coordination entre les producteurs japonais, préalable aux réunions trimestrielles de Takeda avec Roche, s'opérait dans le cadre d'un groupe connu sous le nom de "Yosankai" ("Groupe acide folique"), qui était à l'origine un groupement professionnel organisé par le MITI, le ministère japonais du commerce extérieur et de l'industrie.

(366) Takeda informait Kongo et Yogodawa (devenue depuis Sumika) des souhaits et des propositions de Roche, et les résultats des ventes étaient collationnés. Takeda représentait ces deux autres producteurs japonais dans les négociations avec Roche.

(367) Lors des réunions périodiques entre Takeda et Roche, les résultats des ventes d'acide folique des quatre entreprises étaient examinés sur la base des rapports qu'elles présentaient. Lorsque l'une ou l'autre entreprise avait dépassé les quotas qui lui étaient alloués, des ajustements étaient opérés afin de compenser les ventes excédentaires.

(368) Au cours de la première réunion au sujet de laquelle il existe des documents - le 13 avril 1992 à Bâle - Takeda a déclaré que, même si les importateurs/exportateurs vendaient encore à bas prix sur le marché, l'entreprise limitait l'offre de manière à faire grimper les prix. Takeda a déconseillé à Roche d'offrir des prémix à bas prix. Elle avait été informée que Roche vendait l'acide folique à l'état pur au prix convenu de 190 DEM/kg, mais l'incorporait dans ses prémix pour 150 DEM seulement. Les producteurs japonais ne vendaient pas, quant à eux, de prémix.

(369) Des représentants de Sumika et de Kongo ont assisté à la réunion de Tokyo du 17 novembre 1992. À cette occasion, Roche s'est plainte de ce que les producteurs japonais vendaient en dessous du prix "catalogue" ["veuillez corriger cette situation rapidement" (texte original en anglais)]. Takeda a pris la défense des producteurs japonais en invoquant les ventes de prémix de Roche: il était possible que cette dernière offre le produit à l'état pur au prix "catalogue" et, partant, refuse des clients, mais elle n'était pas de bonne foi étant donné qu'elle réalisait la plupart de ses ventes d'acide folique dans des prémix et se couvrait en vendant ses prémix à base d'acide folique à bon marché.

(370) D'après Takeda, cela arrangeait Roche de pousser les producteurs japonais à maintenir à un niveau élevé le prix de l'acide folique qu'ils vendaient aux fabricants indépendants de prémix - qui faisaient concurrence à Roche sur ce produit - car cela les obligeait à resserrer leurs marges: Roche pouvait vendre ses propres prémix à des prix artificiellement bas. Le résultat a été que Roche a accepté de relever le prix de ses prémix et que les producteurs japonais ont promis d'augmenter leurs prix de l'acide folique dès que possible de manière à atteindre le prix "catalogue".

(371) Les nouveaux quotas pour 1993 ont été fixés sur la base d'un marché total estimé à 320 tonnes, soit 20 tonnes de plus qu'en 1992. Les quotas devaient cependant être révisés l'année suivante. Takeda estimait que "les quotas de vente ne devaient pas être fixés sans un effort au niveau des ventes". Roche avait tenu la promesse qu'elle avait faite, lors de la création de ses propres installations de production d'acide folique, de doubler la demande mondiale de ce produit, mais Takeda avait aussi travaillé dur pour ouvrir de nouveaux débouchés.

(372) Lors de la réunion sur l'acide folique qui s'est tenue en février 1993 au Japon et à laquelle assistaient tous les producteurs japonais ainsi que Roche, de vives discussions ont eu lieu sur la répartition précise entre les régions des quotas alloués pour 1993. Ces quotas avaient déjà été arrêtés sur la base d'un marché total de 320 tonnes, mais Takeda et Kongo souhaitaient y voir apporter certaines modifications.

(373) Finalement, les quotas régionaux alloués à Roche n'ont pas été modifiés, ni ceux de Sumika, tandis que, pour ce qui est de Takeda, 2 tonnes ont été réaffectées entre les États-Unis et la Communauté, et que les volumes attribués à Kongo ont été totalement réorganisés, principalement pour lui attribuer plus de ventes en Europe.

(374) Roche s'est à nouveau plainte des prix pratiqués par les producteurs japonais: ils vendaient en Europe à 169-178 DEM, soit bien au-dessous du prix convenu de 195 DEM, alors qu'elle-même pratiquait des prix courants de 205 DEM et que son prix "catalogue" était de 215 DEM.

(375) Les producteurs envisageaient à l'époque une hausse du prix de toutes les vitamines pour le 1er avril 1993. Roche entendait, si la situation le permettait, inclure l'acide folique et porter le prix "catalogue" de 215 à 225 DEM/kg.

(376) Le prix minimal convenu n'avait été respecté dans aucune région, ce qui contrariait beaucoup Roche, qui alléguait que, à chaque réunion, les Japonais faisaient toujours des promesses ["nous essaierons" (texte original en anglais)] qu'ils ne tenaient jamais. Il fallait (disait Roche) qu'ils décident des prix qu'ils pratiqueraient en avril avant la fin de février.

(377) À la réunion suivante du 25 mai 1993 à Zurich, Takeda indiqua que les prix augmentaient. On s'attendait à une hausse de 7 % avant le début de l'année suivante. Les producteurs japonais s'efforçaient d'atteindre les prix "catalogue" et accepteraient une nouvelle augmentation en janvier 1994, mais des discussions complémentaires seraient nécessaires en octobre-novembre afin de surveiller étroitement les tendances du marché.

(378) Au cours de leur réunion "Yosankai" du 24 septembre 1993, les producteurs japonais ont passé en revue les différents marchés et conclu que, en Europe, il était difficile d'augmenter le prix de vente et que, en dépit de leur souhait d'atteindre le prix minimal de 195 DEM, les prix réels étaient plus proches de 180 à 185 DEM. Ils sont aussi convenus qu'il faudrait modifier le quota de vente de 320 tonnes.

(379) L'afflux d'acide folique bon marché en provenance de Chine sur le marché mondial, y compris en Europe, était présenté comme la cause des difficultés rencontrées pour relever le prix et atteindre les quotas.

(380) Les résultats obtenus en 1993 furent en effet bien en deçà de la demande escomptée et des quotas convenus. En Europe, les ventes totales furent d'environ 80 tonnes, contre 110,6 tonnes allouées aux quatre producteurs.

(381) Pour 1994, il fallut réduire les quotas proportionnellement de manière à les aligner sur une demande prévue de 275 tonnes (Europe: 96,3). Les résultats enregistrés cette année-là ont cependant révélé un important déficit de quelque 50 tonnes. Selon Takeda, le prix de vente s'était effondré à la fin de 1993, en raison de l'arrivée sur le marché d'énormes quantités d'acide folique chinois.

(382) Takeda indique que, au cours de la réunion de Tokyo avec Roche le 10 juin 1994, le président de sa division "vitamines et chimie fine" a annoncé à son homologue de chez Roche que l'accord "n'était plus en vigueur". Il s'agit de la dernière réunion connue entre Roche et Takeda concernant l'acide folique.

(383) Dans sa réponse à la communication des griefs, Sumika conteste certains des faits décrits par la Commission. Cependant, elle reconnaît en même temps qu'elle ne peut ni confirmer ni réfuter la plupart de ces faits, car il ne lui est plus possible de prendre contact avec les personnes qui étaient responsables de l'acide folique à l'époque des faits. Sumika relève plusieurs "erreurs" factuelles qui pourraient, selon elle, jeter un doute sur la fiabilité d'au moins certaines des preuves fournies par Takeda. Ces erreurs portent essentiellement sur l'identité des participants à certaines réunions et sur la nature des discussions menées lors de certaines réunions.

(384) Néanmoins, Sumika admet avoir pris part aux réunions du 17 novembre 1992 et de février 1993, auxquelles Roche a participé. Elle reconnaît également avoir assisté aux réunions "Yosankai".

(385) En ce qui concerne la période 1991-1993, Sumika admet que "Takeda a demandé à Sumika et à Kongo de spécifier leurs exportations dans les statistiques relatives au dédouanement qui figuraient dans les statistiques commerciales publiées périodiquement par le gouvernement japonais et qu'elle recevait". Sumika déclare qu'elle est incapable de fournir des informations relatives à l'année 1993, mais confirme que, entre la mi-1993 et 1995, les entreprises concernées ont à nouveau échangé des données sur leurs exportations respectives à la demande de Takeda.

(386) Sumika conteste la conclusion de la Commission selon laquelle Takeda représentait les deux autres entreprises japonaises dans les négociations avec Roche. Cependant, cette conclusion correspond parfaitement aux faits, tels qu'ils sont décrits à la fois par Takeda et par Roche, ainsi qu'au fait que les exportations japonaises étaient ventilées très précisément lors des réunions "Yosankai".

(387) La Commission conclut que les arguments invoqués par Sumika pour contester les faits sont de peu de poids devant ce que cette entreprise reconnaît elle-même et devant les preuves détaillées fournies par Roche et Takeda. Ces arguments doivent donc être rejetés.

1.4.7. VITAMINE C (ACIDE ASCORBIQUE)

1.4.7.1. Origine du cartel

(388) Le cartel de la vitamine C a été mis en place en 1990-1991, apparemment à la suite d'une chute des prix de quelque 10 % en un an. Le 7 avril 1990, le directeur du marketing "vitamines" chez Roche a rencontré son homologue de Takeda à Bâle. Une autre réunion au sommet a eu lieu entre les deux premiers producteurs le 4 septembre 1990 à Zurich.

(389) En janvier 1991, Roche, BASF et Merck se sont rencontrées en Suisse, au niveau des directeurs "subalternes", afin de préparer la visite à Tokyo des hauts responsables de Roche et de BASF, qui était fixée aux 30 et 31 janvier.

(390) Les 30 et 31 janvier 1991, les représentants de Roche ont rencontré leurs homologues de Takeda à Tokyo. Cette réunion a eu lieu à l'occasion de la visite au Japon de hauts responsables de Roche (et de BASF), qui ont rencontré une série de producteurs japonais de vitamines afin d'assurer leur entrée définitive dans les ententes sur divers produits, notamment les vitamines E, B1, B6 et C.

(391) Une autre réunion au sommet sur la vitamine C a été organisée entre Roche et Takeda le 10 avril 1991 et, en mai, le cartel fonctionnait déjà au niveau "opérationnel" (considérant 420) de sorte que les conditions détaillées de l'accord avaient dû être réglées au plus tard vers le début de l'année 1991.

1.4.7.2. Principes directeurs du cartel

(392) Le principe reconnu sur lequel reposait le cartel de la vitamine C était le gel des parts du marché mondial détenues par les quatre producteurs.

(393) Pour calculer les quotas proprement dits, les participants déterminaient tout d'abord le marché total sur la base de leurs ventes et d'une estimation des ventes réalisées par les producteurs de vitamine C de Chine et d'Europe de l'Est. Les prévisions de ventes des tiers étaient déduites, le reste du marché étant défini comme le "marché disponible". Les objectifs de volume alloués à chaque producteur pour la période suivante étaient fixés sur la base de leur estimation du "marché disponible".

(394) Les parts du marché disponible en 1990 (Roche 52 %, T 30 %, Merck 10 % et BASF 8 %) servaient de base à l'attribution des quotas.

(395) Il fallait une "évolution parallèle des ventes et de la part de marché", autrement dit les quotas étaient corrigés en volume de manière à tenir compte de l'accroissement de la demande tout en maintenant chaque année et par région les mêmes parts de marché et les mêmes objectifs en pourcentage. Les ventes étaient surveillées et les corrections nécessaires apportées suivant une fréquence trimestrielle.

(396) Comme pour les autres produits vitaminiques, les producteurs arrêtaient des objectifs de prix et des augmentations de prix concertées.

(397) Les clients clés sur chaque grand marché national étaient définis, l'idée étant de fixer un plan de vente pour chacun d'eux, de sorte que les producteurs puissent concentrer leurs efforts de relèvement des prix sur le marché (considérants 402 à 406).

1.4.7.3. Budgets

(398) Le système des quotas faisait l'objet d'une surveillance continue, selon un mode très proche de celui qui était utilisé pour les vitamines A et E et comprenait l'établissement et l'exécution de "budgets". Les documents suivants, relatifs à 1993-1994, peuvent être considérés comme représentatifs du système de budgets appliqué pendant toute la durée des cartels:

- un document(26) qui reflète l'attribution des volumes de vitamine C par région à chaque entreprise pour 1993 et 1994,

- une note qui a été utilisée lors de la réunion du 25 mai 1993. Les annotations manuscrites ont été apportées un employé de BASF. Les numéros figurant dans l'encadré intitulé "2nd estimation" présentent la nouvelle division du marché proposée,

- un document (avec en tête la mention "confidentiel") montre: 1) la rubrique "Ist" (signifiant les ventes réalisées) pour Roche, Takeda, Merck et BASF dans chaque région géographique en 1992, comportant des annotations qui comparent les ventes réelles et le budget); 2) le "budget" établi par BASF pour 1993, qui a été révisé à plusieurs reprises. On peut lire, dans le coin inférieur droit, la remarque suivante: "En 1993, il faudra compenser le dépassement de quota effectué par Takeda en 1992 (répartition des charges)" (texte original en allemand),

- un autre document montre les corrections apportées au "budget" 1993 à la suite de la réunion du 5 août 1993,

- les ventes réalisées par chaque producteur, par pays et par région en 1994 étaient également indiquées. Il semble que l'on ait tenté (en vain) de dissimuler la nature réelle des données indiquées: la fiche comporte quatre colonnes marquées "VIPS", "Lager", "Captive Use" et enfin "Ist". Une annotation manuscrite montre cependant que les titres des colonnes étaient en fait respectivement les données "Roche", "Tak", "Merck" et "BASF".

1.4.7.4. Objectifs de prix et prix minimaux

(399) Au départ, les prix étaient fixés tous les trimestres; par la suite, cette fixation s'est faite annuellement. Le système habituel des prix "catalogue", des "objectifs de prix" et des prix "plancher" a été adopté. Pour l'Europe, c'est le prix en DEM qui servait de référence.

(400) Au cours de la première année (1991), l'objectif était de faire passer le prix du marché de 20 DEM/kg au prix "catalogue" de 24 DEM/kg en relevant tous les trimestres les prix plancher. Ces derniers étaient exprimés dans chaque monnaie nationale pour le 1er mars, le 1er juillet, le 1er octobre 1991 (pour la France et l'Italie seulement pour cette dernière date) et le 1er janvier 1992. Exprimés en DEM, les prix plancher étaient de 20,50, 22 et 24.

(401) Les prix "catalogue" et les prix "plancher" pour la vitamine C (et les autres vitamines) du 1er janvier 1992 au 1er avril 1994 étaient les suivants:

>TABLE>

1.4.7.5. Répartition de la clientèle et des clients clés

(402) Afin d'étayer leurs efforts concertés pour relever le prix de la vitamine C sur chaque marché, les producteurs ont conçu un système ingénieux de traitement des "clients clés", c'est-à-dire des clients importants pour lesquels un plan de vente détaillé serait arrêté.

(403) Une note de Takeda relative à la réunion avec Roche des 15 et 16 mai 1991 présente clairement le mode de fonctionnement du système à l'époque. Les producteurs estimaient la demande totale annuelle de chaque "client clé" identifié et indiquaient le prix qu'il payait alors, vérifiaient si le contrat conclu avec ce client portait sur un volume en tonnes ou était à durée déterminée et se mettaient ensuite d'accord sur l'entreprise qui approvisionnerait ce client en 1991 et sur le nombre de tonnes concernées.

(404) Dans certains cas, un producteur faisait valoir son droit d'approvisionner exclusivement un client "habituel" déterminé. Dans d'autres, il exigeait que les ventes réalisées avec ce client soient réparties selon une formule prédéterminée.

(405) Le système de répartition des clients clés a été encore affiné en mai 1993. Une note de Takeda relative à la réunion de Zurich du 25 mai entre les quatre producteurs décrit cette nouvelle pratique.

"Traitement des clients clés

1) La répartition des clients européens clés est appliquée depuis 1991, mais sans grand succès. Pour assurer un meilleur contrôle des clients clés, chaque entreprise sera chargée du contrôle d'une entreprise en particulier. (C'est R qui effectue actuellement ce contrôle.) (décision du président)

par exemple:

B: Puratos

M: Astra

T: Kabi Pharma

R: Bayer

2) Nécessité d'une mise en oeuvre immédiate pour juger du succès de ce système. (Demande pressante de B) T déclare qu'elle répondra plus tard, car il s'agit d'une question européenne qu'il faudra régler avec Hambourg(27). T est néanmoins d'accord sur le fond avec cette approche.

3) R étant très prise par ses affaires courantes, elle est très enthousiasmée par cette proposition. Toutefois, comme cette proposition signifierait pour R une perte de contrôle sur tous ses clients clés, il est difficile de savoir ce que pense réellement cette entreprise en dépit de son apparente approbation. Il faudra interroger R directement à ce sujet."

(texte original en anglais).

(406) Au cours de leurs réunions au niveau technique, les quatre producteurs donnaient une foule de précisions sur ce qu'ils avaient livré à chaque client clé et sur les prix proposés. Une devise s'appliquait, pas toujours avec succès: la "protection" du client(28):

"ASTRA(S)

R et T soutiennent M et B.

M et B ont divisé la part

>TABLE>

Échec de la répartition de la part dans le cas de Puratos. T en particulier a vu sa part diminuer en raison de son respect des prix. Dispositions concernant B particulièrement peu satisfaisantes. T a pris la part de 1993 dans le cas d'Astra, mais a obtenu zéro en 1994."

(texte original en anglais).

1.4.7.6. Coca-Cola

(407) L'un des plus gros clients mondiaux était Coca-Cola, dont les besoins totaux en vitamine C dépassent 1000 tonnes par an. Pour ce gros client, qui bénéficiait d'un traitement spécial (Coca-Cola a négocié un contrat de fourniture mondial avec ses fournisseurs), les producteurs de vitamines sont convenus entre eux de la répartition des ventes et des prix à proposer. Le compte rendu de la réunion bilatérale du 10 novembre 1993 entre Takeda et Roche comprend les mentions suivantes:

"(6) En ce qui concerne le contrat commun avec Coca-Cola pour 1994

Situation de la première offre

>TABLE>

Les dates des négociations à Porto Rico n'ont pas encore été fixées."

(texte original en anglais).

(408) Au cours de réunions ultérieures, les producteurs ont discuté de leurs parts respectives des ventes à Coca-Cola dans les différentes régions:

"(4) contrat de 1994 avec Coca-Cola

- R a été contrainte d'accepter une part moindre. La question a été réglée aux États-Unis lors des discussions locales. Commandes reçues de Kellogg.

- Europe: demande de complément [sic] de la part de B et de M à la réunion entre les quatre parties.

- Les 9 tonnes à 17,00 USD CAF destinées par T à l'Autriche apparaîtraient comme une sanction de M. [...] contre R. On ne peut l'empêcher si M. [...] s'approvisionne auprès de fournisseurs chers."

(texte original en anglais).

(409) Dans des discussions ultérieures sur leur stratégie commune à l'égard de Coca-Cola, Roche a attiré l'attention sur le fait que Merck et BASF avaient légèrement baissé leurs prix (en deçà de l'offre de Roche) et avaient obtenu un "contrat commun" pour l'Europe. BASF s'est justifiée en disant que l'effet de "rouleau compresseur" exercé par Coca-Cola l'avait contrainte à baisser son prix.

"- T a déclaré qu'elle pensait que les discussions préliminaires avaient été un succès et a soutenu R (le marché japonais s'était développé exactement comme T l'avait espéré). Cependant, comme B et M l'ont souligné, ce serait une bonne idée de consacrer plus de temps, la prochaine fois, à l'examen du traitement à réserver à Coca-Cola. Elles ont proposé que la prochaine fois, les prix ne soient pas uniformisés, mais soient au contraire différenciés pour chaque pays, de manière à pouvoir proposer des prix différents pour les différents marchés. Dans le cas contraire, Coca-Cola essaierait toujours de conclure tous ses contrats au prix du marché le plus bas. (Les trois parties ont toutes semblé d'accord sur ce point). La prochaine fois, la réunion préliminaire se fera sur la base d'offres de prix différentes selon les régions." (texte original en anglais).

(410) Au cours des discussions sur les besoins de Coca-Cola pour 1995, Roche a proposé que les producteurs "s'assoient autour de la table" afin de coordonner leurs positions dès que Coca-Cola commencerait, en octobre, à prospecter les fournisseurs. BASF et Merck ont soutenu immédiatement la proposition de Roche. Takeda est restée évasive sur les détails (il s'agissait de la première réunion multilatérale sur la vitamine C à laquelle elle assistait "dans le pays d'un adversaire"), mais a promis "qu'elle coopérerait comme d'habitude".

(411) À la dernière réunion consacrée à la vitamine C pour laquelle on dispose de documents, c'est-à-dire en août 1995, les producteurs discutaient encore de leurs prochaines négociations (séparées) avec Coca-Cola:

"R(oche) a indiqué que pour [1996], Coca-Cola demanderait à chaque entreprise de présenter une offre pour fin octobre/début novembre et que chaque entreprise négocierait avec Coca-Cola début décembre à Porto Rico... En outre, R ajoutait qu'en raison de la baisse de la demande en Europe et aux États-Unis, le volume total des ventes serait plus faible que les années précédentes. (...) Notre entreprise [Takeda] a déclaré qu'en 1996, nous devions nous en tenir à la position selon laquelle les sociétés japonaises et américaines sont les principaux fournisseurs et que nous voulions maintenir le même niveau de prix qu'en 1995 même si, actuellement, il est difficile de relever les prix. Chaque pays a accepté d'offrir un prix plus élevé."

(texte original en anglais).

1.4.7.7. Contrat avec Pfizer

(412) Le cartel a également discuté des contrats de fourniture que Roche avait conclus avec l'entreprise pharmaceutique Pfizer. Ce contrat était renouvelé tous les deux ans. Il est écrit, dans le compte rendu par Takeda de sa réunion de février 1993 avec Roche:

"1. Arrêt de l'approvisionnement de Pfizer

R fournit quelque 2000 tonnes à Pfizer, mais elle est incapable de contrôler les prix correctement, de sorte qu'elle cessera les approvisionnements pendant l'exercice financier en cours.

R voudrait que Takeda ne livre pas à Pfizer si cette dernière contacte Takeda. Nous informerons Tokyo, et T n'approvisionnera pas non plus Pfizer."

(texte original en anglais).

(413) Il apparaît que Takeda tenait beaucoup à ce que Roche cesse d'approvisionner Pfizer, ou du moins diminue sensiblement ses livraisons. Le procès-verbal circonstancié que Takeda a établi au sujet de la réunion bilatérale du 10 novembre 1993 au Japon expose les discussions sur ce point:

"(4) Contrat de fourniture entre Pfizer et R

R avait dit à T que le contrat actuel arriverait à son terme fin 1993. Elle a expliqué toutefois que le contrat expirait l'an prochain, c'est-à-dire fin 1994. Lorsque nous avons mis en doute les différentes explications données précédemment, la réponse a été que le contrat était renouvelé tous les deux ans et que la fin de l'année 1994 marquait la fin de la durée du contrat.

Elle a précisé qu'elle réduisait ses livraisons depuis 1993, mais n'a pas donné de réponse quant aux quantités livrées et aux réductions opérées en nombre de tonnes.

En outre, en ce qui concerne les régions qu'elle approvisionne, elle n'a pas pu vérifier les fournitures régionales parce que Pfizer approvisionne toute l'Europe et que les seuls documents disponibles sur la distribution sont les rapports de Pfizer."

(texte original en anglais).

(414) Roche a fait savoir par la suite que, lorsque le contrat arriverait à expiration en décembre 1994, il ne serait pas renouvelé. Elle a demandé aux autres producteurs de ne pas approvisionner Pfizer. BASF et Takeda ont confirmé ne pas avoir été contactées par Pfizer.

1.4.7.8. Réunions du cartel

(415) Comme pour les autres vitamines, des réunions trimestrielles étaient organisées afin de mettre en oeuvre les accords constitutifs de l'entente. De 1991 à mai 1993, les réunions se déroulaient habituellement à Bâle. Pendant toute cette période, les participants étaient Roche, BASF et Merck. Takeda refusait d'assister aux réunions multilatérales de l'entente avec BASF et Merck, mais tenait des réunions "en tête-à-tête" avec Roche.

(416) L'ordre du jour de ces réunions trimestrielles, dans le cadre desquelles Roche parlait au nom de Takeda, était le suivant:

- surveillance de l'accord,

- corrections à apporter de manière à mettre les résultats réels en conformité avec les objectifs,

- accord sur les prix et les parts de marché.

(417) Les producteurs participants, ainsi que Takeda, communiquaient leurs chiffres de vente à Roche qui indiquait en retour au groupe les résultats totaux par entreprise.

(418) Les représentants de Roche tenaient habituellement des réunions séparées avec Takeda, soit à Tokyo, soit à Bâle. Les réunions bilatérales entre Roche et Takeda couvraient parfois toute leur gamme commune de vitamines (vitamines B1, B2, B6, C et acide folique). Les autres réunions du cartel ne portaient que sur la vitamine C.

(419) Le 13 avril 1992, Roche a convié Takeda à participer aux réunions européennes trimestrielles entre elle-même, BASF et Merck: Takeda a néanmoins décliné cette offre "en raison de la politique de notre entreprise. Mais si une question importante est à l'ordre du jour, comme un plan de répartition des ventes, nous essaierons d'assister à la réunion, mais sans garantie. Naturellement, nous maintenons le système actuel de réunions avec R." (texte original en anglais). Takeda a commencé à assister aux réunions multilatérales en mai 1993.

1.4.7.9. Fonctionnement du cartel de 1991 à 1995

(420) La première réunion bilatérale entre Roche et Takeda pour laquelle on dispose d'un compte rendu détaillé est celle des 15 et 16 mai 1991. Des représentants de Takeda ont rencontré le directeur responsable de la vitamine C chez Roche, les deux directeurs de produit et les directeurs régionaux de chaque région d'Europe.

(421) L'objet de cette réunion était "de discuter (...) avec les quatre directeurs régionaux des résultats enregistrés en mars et en avril en matière de hausse des prix, du prix plancher par pays pour les troisième et quatrième trimestres de 1991 et pour le premier trimestre de 1992, ainsi que de la demande et de la part des gros clients". Takeda avait annoncé un relèvement des prix qui prendrait effet le 1er mars.

(422) Dans son résumé sur l'issue de la réunion, Takeda indique que "nous avons confirmé les clients clés, les résultats de 1990 et le plan de 1991, ainsi que les contrats exceptionnels conclus avant le 1er mars 1991 et qui appliquent encore les anciens prix" (texte original en anglais).

(423) Le prix minimal pour le troisième trimestre a été arrêté, mais à ce stade, Takeda n'a pas accepté la proposition de Roche de fixer les quotas de vente européens pour 1991 pays par pays.

(424) C'est Roche qui avait convoqué la réunion et qui a expliqué que, tandis qu'elle s'était efforcée, au cours des quatre à cinq dernières années, de relever le niveau de prix, le niveau de prix atteint (20,50 DEM) était trop bas. BASF ne suivait pas toujours, disait-elle, les prix pratiqués par Roche au niveau local. La direction générale de BASF avait cependant promis à Roche que si celle-ci (c'est-à-dire Roche) constatait que les prix de BASF déstabilisaient le marché, elle pouvait en informer les dirigeants de BASF qui alors "modifieraient l'organisation locale".

(425) Takeda s'est plainte de ce qu'elle avait annoncé le nouveau niveau de prix applicable en Europe à compter du 1er mars 1991, mais avait vu ses ventes baisser au profit de Roche et de BASF, qui avaient vendu au-dessous du prix convenu: si elle n'obtenait pas la preuve que les producteurs européens s'alignaient sur son prix en mai et juin, elle prendrait des mesures à leur encontre. Roche a essayé de désamorcer la situation en expliquant qu'aucun nouveau contrat n'avait été accepté en deçà du nouveau prix depuis le 1er mars. Il restait cependant des contrats en cours à l'ancien prix.

(426) Les discussions avec les directeurs régionaux de Roche sont rapportées par le menu pour chaque pays. La demande totale pour 1991 a été évaluée et des informations sur les résultats de l'année précédente (1990) ont été échangées. Les clients clés sur chaque marché ont été déterminés et répartis, les conditions contractuelles conclues avec chacun d'eux ont été examinées cas par cas et des informations ont été échangées sur leurs besoins exacts en nombre de tonnes et les prix qui leur étaient, ou leur seraient, proposés. Dans certains cas, la répartition des ventes d'un client ou le relèvement du prix ont fait l'objet d'un accord particulier. Pour chaque marché national, un "plan de vente" pour 1991 a été adopté.

(427) Le compte rendu établi par Takeda dans lequel l'entreprise expose sa réaction à la proposition de Roche de fixer des quotas de vente pour chaque marché national est révélateur de son comportement ambivalent à l'égard des règles de concurrence et de la législation sur les ententes:

"Son [le directeur régional de Roche pour l'Europe occidentale] idée est qu'il ne suffit pas d'échanger des données chiffrées sur les clients clés, mais qu'il est nécessaire de fixer les chiffres (...) pays par pays, pour pouvoir atteindre nos objectifs.

Non seulement M. [...] mais aussi les personnes présentes à Bâle ont insisté pour que nous fixions les chiffres par pays.

Nous avons rejeté leur proposition pour des raisons légales (sic), mais ils présenteront à nouveau cette proposition lors de la prochaine réunion, le 23 mai 1991."

(texte original en anglais).

(428) Takeda conclut son compte rendu par une liste des prix minimaux convenus dans chaque monnaie nationale, qui devaient prendre effet le 1er mars, le 1er juillet et le 1er octobre 1991 ainsi que le 1er janvier 1992 (considérant 400).

(429) Début 1993, des données sur les ventes mondiales réalisées en 1992 ont été échangées, et il en est ressorti que Takeda avait dépassé son quota de 4 %. La situation était la suivante: Takeda 104 % de son quota, Roche 95,6 %, Merck 85,6 % et BASF 88,5 %.

(430) Pour 1993, les producteurs ont estimé à 43225 tonnes le marché mondial total, ce volume devant être réparti sur la base du plan de vente adopté pour 1992. Takeda a rétorqué qu'il était injuste que les résultats de 1992 n'aient pas été pris en considération dans les quotas pour 1993: toute partie qui ne faisait pas suffisamment d'efforts pour respecter son quota de vente devait (selon elle) voir sa part réduite. Roche a toutefois insisté pour que l'on maintienne l'accord de base (considérants 397 à 392).

(431) Les producteurs chinois de vitamine C, qui avaient réalisé de lourds investissements dans de nouvelles installations de production, ont commencé vers cette époque à faire des incursions sur le marché mondial de la vitamine C. Les prix bas qu'ils pratiquaient et la croissance de leurs volumes ont déstabilisé l'entente des autres producteurs. L'une des solutions à court terme explorées par le cartel était d'acheter tous les produits chinois.

(432) Au début de 1993, BASF a tenu une réunion à son siège social de Ludwigshafen avec Roche et Merck, afin d'examiner ce qui était perçu comme une menace de la part des producteurs chinois. Roche a proposé, lors de cette réunion, que les producteurs européens ainsi que Takeda limitent leur production et relèvent les prix au cours des deuxième, troisième et quatrième trimestres de 1993. Roche objecte cependant que, à l'époque, elle envisageait de baisser les prix de la vitamine C de 12 %.

(433) Un document qui paraît constituer une note détaillée sur cette réunion a été communiqué par BASF et montre que, quoi que soutienne actuellement Roche, les objectifs de prix pour les deuxième, troisième et quatrième trimestres étaient respectivement 25, 26 et 27 DEM. Le compte rendu des directeurs régionaux de Roche sur la réunion du 15 au 18 juin 1993 décrit d'ailleurs la politique de prix "ferme" de cette société en ce qui concerne la vitamine C.

(434) Les deux autres producteurs européens se sont ralliés à la proposition de Roche de limiter la production, sous réserve que Takeda accepte également, ce qu'elle a fait.

(435) Le compte rendu de Takeda du 19 avril 1993 sur la politique de prix de Roche confirme que cette dernière avait annoncé son augmentation de prix (prix "catalogue": 28 DEM/kg), qui devait prendre effet le 1er avril, par voie de presse spécialisée, même si, en pratique, elle n'était censée faire de réels efforts pour augmenter les prix en Europe qu'à compter de juillet.

(436) Le 25 mai 1993 ou vers cette date, les producteurs ont tenu une réunion de suivi à l'aéroport de Zurich, qui fut la première réunion multilatérale à laquelle assistait Takeda. La proposition de Roche de restreindre la production et de réduire les quotas de 1993 de 5 % a été exposée à Takeda. Cette dernière n'acceptait pas la réduction générale de 5 % et faisait valoir à la place que " l'approche la plus rationnelle consisterait à adapter la répartition des quotas en fonction des résultats enregistrés dans les différentes régions" (texte original en anglais). Sa contre-proposition lui aurait permis d'obtenir un quota mondial corrigé de 13014 tonnes, contre les 13310 tonnes qui lui avaient été allouées au départ.

(437) Aux termes du compromis sur lequel la réunion a débouché, les trois producteurs européens voyaient leurs quotas diminués de 2,5 % tandis que le quota de Takeda était réduit de 2,2 %. Des consultations complémentaires seraient en outre probablement nécessaires pour déterminer si d'autres ajustements s'imposaient. BASF a communiqué ses documents de travail pour cette réunion, qui présentent en détail la proposition de réduction de 5 % et le compromis trouvé.

(438) C'est également à cette réunion de Zurich qu'un accord de principe a été conclu sur la mise en oeuvre d'un mécanisme visant à améliorer le fonctionnement du système de répartition de la clientèle en confiant à chaque producteur la responsabilité d'un client clé déterminé.

(439) Les quatre producteurs se sont rencontrés à nouveau le 5 août 1993 dans les bureaux de BASF à Francfort. Takeda a fourni une note circonstanciée rédigée à l'époque des faits. Après un échange de données, la confirmation a été donnée que la réduction de 2,5 %, désignée par le terme d'"objectif volontaire", avait été plus ou moins réalisée au cours du premier semestre de 1993. Les augmentations visant à faire passer le prix à 25 DEM étaient en cours en Europe.

(440) Pour l'ensemble de cette année, étant donné la progression inattendue des exportations chinoises, les producteurs européens ont renouvelé leur proposition de réduction de 5 %, mais Takeda s'y est opposée: le marché américain de la vitamine C connaissait une croissance rapide et il serait (d'après Takeda) absurde de compenser la progression des ventes en Amérique par une réduction dans les autres régions.

(441) Roche a rappelé les principes de base de l'accord conclu en 1991, le représentant de BASF en ayant pris note par écrit. Chaque entreprise a présenté ses propres propositions sur un système de réduction des volumes. La proposition faite par Takeda, qui s'octroyait la réduction la plus faible, a provoqué de très vives protestations de la part des autres participants. Les notes prises par Takeda indiquent qu'il a été "impossible de parvenir à un accord sur la question".

(442) D'après BASF, toutefois, les trois producteurs européens ont lancé un ultimatum à Takeda: si Takeda n'acceptait pas de diminuer ses ventes de vitamine C, ils se retireraient de l'accord. "Takeda se laissa fléchir et de nouveaux quotas de vitamine C inférieurs furent convenus entre les quatre entreprises."

(443) Le compte rendu de Takeda concernant sa réunion de travail du 10 novembre 1993 à Tokyo avec Roche, qui était consacrée à plusieurs vitamines, confirme que de nouveaux quotas avaient été convenus pour la vitamine C au cours de la réunion du mois d'août: les ventes réalisées par les quatre entreprises au cours de la période allant de janvier à septembre restaient "à l'intérieur du quota de 73,6 % alloué".

(444) Takeda a toutefois repris son argument favori selon lequel il était "déraisonnable de maintenir les parts de 1990 sans autres conditions, et qu'il était nécessaire d'envisager de réduire les quotas attribués à B et à M qui sont directement influencés par les produits chinois". Roche a rétorqué que si l'on parlait de réductions de quota à BASF et à Merck, ces deux entreprises cesseraient d'appliquer le système et plongeraient le marché dans le chaos en pratiquant des prix bas: "C'est pourquoi il faut maintenir l'accord de base sur le gel des parts. Il faut continuer à appliquer le système actuel, car le maintien des prix actuels est ce qui importe le plus à présent."

(445) Roche a proposé un nouveau système pour les quotas de 1994, avec la fixation de quotas "actifs" et de quotas "passifs" pour chaque région. Lors de la réunion au sommet du lendemain, les participants se sont mis d'accord sur l'attribution de quotas pour 1994 et sur des plans provisoires d'augmentation du prix du marché en Europe afin de porter le prix à 25 DEM à compter du 1er janvier et à 26 DEM à compter du 1er avril.

(446) Le 8 février 1994, les quatre producteurs de vitamine C sont convenus, au cours d'une réunion à Bâle, de maintenir en 1994 l'accord de base fondé sur un gel de leurs parts à leur niveau de 1990. Alors que les trois producteurs européens soulignaient l'importance d'un maintien des parts de marché de 1990, Takeda a formulé de sérieuses réserves et, selon elle, n'a accepté un compromis que pour éviter que BASF et Merck ne se retirent des discussions quadripartites. ces deux entreprises avaient en effet menacé de se retirer si Takeda ne s'engageait pas à respecter les parts de marché fixées dans l'accord de 1990.

(447) Après l'échange habituel d'informations sur les résultats de 1993, au cours duquel chaque entreprise a exposé les raisons des écarts constatés par rapport aux objectifs, Takeda a proposé que les quatre producteurs achètent les produits chinois en proportion de leurs parts de marché afin de les retirer de la circulation. Étant donné que cette proposition avait des incidences sur les parts fixées dans l'"accord de base" de 1990, que Roche considérait avec insistance comme immuables, elle fut rejetée par les autres. Comme les années précédentes, la planification pour l'année 1994 excluait donc les produits chinois des estimations sur la demande totale. La politique des prix pour l'Europe a été confirmée, mais il a été finalement décidé d'opter pour un prix de 25,50 DEM applicable à compter du 1er avril 1994 au lieu des 26 DEM initialement prévus.

(448) Les producteurs chinois continuaient à vendre à des prix qui menaçaient la stabilité du cartel. D'après BASF, le prix de la vitamine C avait dès lors chuté d'un tiers environ en 1995.

(449) Vers cette époque, Takeda dépêchait régulièrement un représentant aux réunions européennes même si elle restait officiellement évasive quant à la permanence de sa participation. BASF précise que les réunions européennes trimestrielles étaient marquées par des tensions croissantes entre Roche et Takeda, Roche accusant le producteur japonais de tricher en ne déclarant pas ses ventes réelles exactes.

(450) En mars 1995, les quotas régionaux alloués à chaque producteur pour 1995 furent qualifiés de "fermes et définitifs".

(451) Roche affirme avoir annoncé, à la mi-1995, qu'elle mettait fin aux accords sur la vitamine C. La dernière réunion s'est apparemment tenue à Hong Kong en août de la même année, mais nulle part il n'est indiqué, dans les notes in extenso prises par Takeda sur cette réunion mondiale du 24 août, que les quatre producteurs avaient en fait décidé de mettre un terme à leur entente. Les activités se sont néanmoins poursuivies comme d'habitude, avec l'établissement de prévisions pour la période juillet-décembre 1995 et la fixation de quotas de vente et de prix minimaux pour chaque région.

(452) Les participants ont toutefois relevé un fait irritant qui risquait de déstabiliser leurs accords. En raison d'une enquête pénale ouverte depuis peu aux États-Unis à l'encontre d'ADM, les quatre entreprises sont convenues, lors de cette réunion, de prendre des "mesures de sécurité maximale".

"Les quatre entreprises sont ainsi convenues de suspendre, pour le moment, les contacts directs avec la filiale (sic) aux États-Unis. Les contacts éventuels devaient être établis avec le siège (...). Et ce, parce que R(oche) États-Unis avait été invitée à produire des documents en rapport avec (une enquête sur) l'acide citrique. En outre, nous craignons qu'après les vacances d'été, la Commission de l'Union européenne n'engage une action, même si, actuellement, la situation aux États-Unis n'a aucune incidence en Europe."

(texte original en anglais).

(453) Comme à l'accoutumée, les producteurs ont passé en revue les résultats du volume de leurs ventes (pour la période janvier-juin 1995) et le marché total disponible (pour la période juillet-décembre).

(454) En Europe, la demande totale avait chuté et l'afflux de produits chinois avait augmenté rapidement. Par rapport à une prévision du "marché disponible" en Europe établie à 11078 tonnes pour l'année 1995, l'estimation avait dû être revue à la baisse et ramenée à 9500 tonnes. Takeda note: "... une réduction des quotas de vente pour les entreprises avait été convenue lors de la réunion régionale du 11 août, à laquelle notre société de vente assistait, et les quotas de vente minorés avaient déjà été acceptés par les quatre entreprises" (texte original en anglais).

(455) Contrairement aux allégations de BASF selon lesquelles, à l'époque, les prix étaient descendus à 15 DEM/kg, la note de Takeda concernant la réunion du 24 août montre que le prix de vente minimal convenu par les quatre producteurs lors de la réunion régionale européenne (24-23,50 DEM/kg) avait été confirmé. D'ailleurs, Roche a prévu que le prix européen se maintiendrait à 24 DEM/kg.

(456) Au cours d'une réunion bilatérale séparée entre Takeda et Roche, Takeda a même demandé "le réexamen et la révision" de l'accord. Roche a répondu que "le système actuel ne posait aucun problème et les deux autres entreprises n'accepteraient aucune modification" (texte original en anglais).

(457) La documentation disponible ne permet pas de déterminer la date précise à laquelle il a été mis un terme à l'accord sur la vitamine C, mais vers la mi-1996, le prix plancher appliqué par Roche avait été ramené à environ 20 DEM/kg (prix "catalogue": 25 DEM/kg).

(458) L'évolution du niveau des prix de la vitamine C pendant toute la durée du cartel et après la fin de celui-ci est indiquée dans le tableau VIII à l'annexe.

1.4.8. VITAMINE D3

1.4.8.1. Origine du cartel

(459) Les témoignages fournis respectivement par Solvay Pharmaceutical et par Roche envisagent les événements à l'origine des accords constitutifs de l'entente de deux points de vue opposés. Roche en attribue l'initiative à Solvay qui, selon elle, avait déjà pris en 1992 des contacts (infructueux) avec les autres producteurs pour les intéresser à la création d'un cartel. Roche affirme - contrairement à Solvay - ne pas avoir été très désireuse de relever le prix de la vitamine D3 à l'état pur. Elle prétend que son intérêt était de maintenir le surprix de la vitamine D3 dans les produits combinés AD3 à un niveau faible de manière à doper ses ventes de vitamine A, beaucoup plus rentable, incorporée au composé vitaminique AD3. [En réalité, dès mars 1991, la politique de Roche pour la vitamine D3 était formulée comme suit: "Coordonner les objectifs de prix et les augmentations avec la vitamine A (AD3). Mise en oeuvre stricte des prix convenus".] D'après Roche, Solvay a persisté et a finalement réussi à persuader les autres d'accepter une rencontre début 1994.

(460) Dans un premier temps, Solvay était passée rapidement sur la question de savoir quelle entreprise était à l'origine du cartel. Dans les observations qu'elle a ensuite présentées en réponse à la communication des griefs, elle déclare toutefois avoir été le dernier producteur de D3 à être contacté aux fins de l'entente instaurée par les producteurs de vitamine A (Roche, RPAN et BASF). Elle fait valoir qu'elle était menacée par ses deux plus gros concurrents qui produisaient tous deux de la vitamine A, de la vitamine D3 et d'autres vitamines et pouvaient l'évincer du marché en faisant baisser le prix de la vitamine D3. Elle avait décidé en 1990 de ne pas revenir sur le marché de la vitamine A, de sorte qu'il lui restait la fabrication de la vitamine D3. Roche avait cessé d'approvisionner Solvay en vitamine A en 1991. Vers la même époque, BASF, qui achetait auparavant la vitamine D3 à Solvay, était devenue un fabricant indépendant à part entière de vitamine D3, ce qui avait fait baisser les ventes de Solvay de 25 %.

(461) Quelle que soit l'entreprise à l'origine de cette initiative, tous s'accordent à reconnaître que les trois producteurs ont commencé à se réunir vers le début de l'année 1994 afin de se mettre d'accord sur un mécanisme d'entente formel pour la vitamine D3.

(462) À la première réunion, qui a probablement eu lieu le 11 janvier 1994 à Bâle, assistaient Roche, BASF, et Solvay. Cette réunion a eu pour objet de déterminer la demande mondiale totale de vitamine D3 et les parts de marché respectives des producteurs. Un consensus s'est dégagé sur les parts respectives suivantes: Solvay 41 %, Roche 38 % et BASF 21 %.

(463) Les trois producteurs sont convenus qu'ils maintiendraient le statu quo et qu'aucun d'eux ne chercherait à augmenter sa part de marché au détriment des autres en diminuant ses prix. Pour 1994, ils ont estimé le marché mondial de la vitamine D3 (qualité alimentation animale) à quelque 1450 TU, à répartir comme suit: Solvay 600, Roche 550 et BASF 300. Pour la qualité pharmaceutique, que BASF ne produisait pas, le marché était divisé à 50/50 entre Solvay et Roche. Il a également été convenu de fixer des prix minimaux et des objectifs de prix pour chaque région.

1.4.8.2. Quotas

(464) Les parties ont défini des objectifs de volume annuels pour le monde, l'Europe et les États-Unis sur la base de leur estimation du marché total et du maintien de leurs parts de marché respectives.

(465) Le fonctionnement du système ressort des documents suivants:

- un document dans lequel les ventes réalisées au premier semestre de 1994 sont comparées aux objectifs et les résultats de chaque producteur exprimés sous forme d'indices,

- un autre document qui montre les volumes atteints en 1995 au niveau mondial et dans chaque région (l'Europe est subdivisée de manière à indiquer séparément les données pour la France et l'Allemagne). Par rapport à 1994 (chiffres réels 1994) et aux objectifs de 1996 sur la base d'une taille du marché total identique (1600 tonnes) à celle de 1995. NB: I désigne Roche, II BASF, III Solvay Pharmaceutical et IV Rhône-Poulenc (comprise dans le quota de Solvay).

1.4.8.3. Objectifs de prix et prix minimaux

(466) Pour le deuxième trimestre de 1994, les producteurs ont arrêté pour l'Europe un prix "catalogue" de 25 DEM et un prix plancher de 23,50 DEM. Le prix "catalogue" a été maintenu pour 1995, mais le prix plancher a été relevé à 24 DEM, applicable à compter du 1er avril et exprimé dans chaque monnaie nationale (82 FRF, 24500 ITL, 2000 ESP, 9,80 GBP, 495 BEF et 27 NLG). En août 1997, les producteurs sont convenus de relever le prix "catalogue" de 20 % pour le porter à 30 DEM/kg.

1.4.8.4. Réunions du cartel

(467) Les réunions entre les trois producteurs avaient lieu deux fois par an et étaient organisées à tour de rôle par chaque membre dans un pays différent. En général, l'une des réunions se tenait en février et l'autre en septembre.

(468) Rhône-Poulenc n'assistait pas aux réunions, mais était prévenue à l'avance de la tenue de ces réunions, et communiquait au préalable les données utiles à Solvay À l'issue des réunions, elle était informée par téléphone de leurs résultats.

(469) Chaque réunion était structurée de la même manière. L'organisateur commençait par communiquer ses chiffres de vente (en volume) pour les six ou douze mois précédents, selon le cas. Les autres indiquaient ensuite leurs propres chiffres de vente.

(470) Des estimations sur la taille future du marché étaient établies puis adoptées. Sur la base de ce tour d'horizon du marché, les participants pouvaient surveiller les résultats en les comparant aux objectifs et attribuer les quotas pour la période suivante, généralement en proportion de leurs parts de marché convenues. Des prix "catalogue" et des prix minimaux étaient également arrêtés lors de ces réunions.

1.4.8.5. Fonctionnement du cartel de 1994 à 1998

(471) Les documents obtenus auprès de Solvay donnent une vision d'ensemble de l'évolution du cartel au fil des ans.

(472) Lors de leur première réunion de janvier 1994, les producteurs ont fixé des prix "catalogue" et des prix plancher pour chaque région pour le deuxième trimestre de 1994 (respectivement 25 DEM et 23,50 DEM). Un commentaire manuscrit dans un coin de la note de Solvay indique: "BASF annonce les prix en premier".

(473) Les instructions de prix transmises par BASF à ses filiales de vente nationales le 9 mars 1994 pour le deuxième trimestre les chargent de ne pas descendre au-dessous du prix plancher de 23,50 DEM après le 1er avril. Cependant, la commercialisation par Solvay du produit par le seul canal des agents a constamment été citée comme un obstacle à la mise en oeuvre des augmentations.

(474) Le 9 février 1995, les producteurs ont échangé des chiffres sur les volumes de l'année précédente. Le marché de la qualité alimentation animale pour 1995 a été estimé à 1490 TU, à répartir comme suit: Roche 565, BASF 325 et Solvay 600.

(475) Les prix ont été, entre autres, fixés pour les différents marchés nationaux de la Communauté. Pour ce qui est de l'Allemagne, le prix "catalogue" de 25 DEM a été confirmé, avec un prix minimal de 24 DEM, prenant effet à compter du 1er avril 1995 (confirmé par les instructions de prix de BASF pour le deuxième trimestre de 1995).

(476) Le 20 mars 1996, les producteurs ont échangé leurs données sur l'année 1995. Le marché pour 1996 a été estimé au niveau réalisé en 1995 (1600 TU). Pour 1996, des objectifs ont été définis [monde: Roche 600, BASF 350, Solvay (y compris Rhône-Poulenc) 650, Europe occidentale: 150, 100 et 240 respectivement].

(477) Lors de la réunion trilatérale du 14 février 1997, les participants ont constaté que les ventes mondiales de vitamine D3 destinée à l'alimentation animale réalisées en 1996 (1541 TU) étaient tombées en deçà de la demande estimée (1600 TU) pour cette même année.

(478) Le 10 juillet 1997, au cours d'une réunion bilatérale avec Solvay à Bâle, Roche a informé cette dernière qu'elle serait disposée à approuver une augmentation du prix de 20 %, dont Solvay serait le "chef de file" en Europe: Roche "veillerait à ce que" BASF et Rhône-Poulenc s'alignent sur l'augmentation de prix de la vitamine D3 et du produit combiné AD3.

(479) La réunion trilatérale du 2 août 1997 a porté sur cette augmentation de prix, qui devait être annoncée par Solvay en septembre et entrer en vigueur le 1er octobre. L'augmentation a été annoncée en temps voulu par Solvay dans le numéro du 23 août 1997 de Ernährungsdienst: le prix du produit de référence, le Duphasol D3500, devait passer de 25 DEM à 30 DEM/kg.

(480) C'est au cours de cette réunion que Roche a informé les autres participants que, en raison de l'enquête menée aux États-Unis par les autorités chargées du contrôle des ententes, la direction avait donné comme instruction de mettre un terme aux réunions périodiques. Les contacts se sont cependant poursuivis sur une base bilatérale, Solvay collectant les chiffres auprès de BASF le 4 février 1998 et présentant les résultats collationnés à Roche en avril et à BASF le 25 juin 1998.

1.4.8.6. Implication de Rhône-Poulenc

(481) Même si Rhône-Poulenc ne produisait pas elle-même de vitamine D3, l'issue des discussions l'intéressait tout particulièrement dans la mesure où elle était l'un des principaux fournisseurs du composé AD3.

(482) D'après Solvay, les réunions avec Rhône-Poulenc se tenaient environ deux fois par an. Solvay rassemblait les données chiffrées sur Rhône-Poulenc avant les réunions trilatérales avec BASF et Roche et informait ensuite Rhône-Poulenc de l'issue des réunions.

(483) Rhône-Poulenc se voyait attribuer un quota, compris dans celui de Solvay et indiqué dans les tableaux de quotas soit au point IV, soit au point IIIa. Rhône-Poulenc ne pouvait ignorer le quota qui lui était attribué (puisqu'elle communiquait ses chiffres à Solvay) et, comme Solvay le souligne, "elle a joué un rôle actif vis-à-vis de SP quant à la manière de traiter avec H-LR et BASF".

1.4.9. VITAMINE H (BIOTINE)

1.4.9.1. Origine et principes directeurs du cartel

(484) Au début des années quatre-vingt-dix, le prix de la biotine était orienté à la baisse. Lors des visites qu'ils effectuaient régulièrement au Japon, les représentants de Roche recommandaient aux sociétés japonaises de coopérer avec leur entreprise et d'éviter une concurrence inutile.

(485) À l'occasion de leurs visites ponctuelles concernant des points techniques chez Tanabe, les responsables de Roche avaient timidement commencé à sonder le terrain sur la question des objectifs de prix pour la biotine. Tanabe mentionne également des réunions ultérieures, en mars et en mai 1991, lors desquelles Roche "a tenté de faire adopter des objectifs de prix".

(486) En Europe, Roche sollicitait ses concurrents en termes plus francs: d'après Merck, Roche a insisté pour qu'elle (Merck) prenne part à une "réunion biotine", lors de laquelle Merck devait représenter BASF, puisque cette dernière avait repris la quasi-totalité de la production de Merck dans le cadre d'accords de coproduction. Ne fabriquant pas de biotine, la société BASF elle-même n'était pas invitée.

(487) La première réunion multilatérale connue des cinq producteurs s'est tenue à Lugano, en Suisse, le 14 octobre 1991, à l'initiative de Roche, qui présidait les débats(29) Les participants étaient des représentants de Roche, de Lonza, de Merck, de Sumitomo et de Tanabe.

(488) Le représentant de Roche a tout d'abord demandé à chaque participant de révéler aux autres les quantités de biotine qu'il avait vendues pendant une période de référence (probablement l'année précédente) en Amérique du Nord, en Europe et dans le reste du monde. Les chiffres, communiqués verbalement, étaient exprimés en termes de biotine "pure". Chaque producteur devait donc convertir ses ventes de produit dilué dans l'équivalent du produit à 100 %.

(489) Cet échange de données sur les ventes visait à parvenir à un accord pour "geler", au niveau mondial, les parts des cinq producteurs sur le marché "disponible" (total des ventes mondiales moins celles de Il Sung, un producteur coréen).

(490) D'après Roche, le "degré de méfiance important" régnant entre les participants a empêché ces derniers de convenir d'un mécanisme destiné à fixer des objectifs en volume pour les trimestres et semestres suivants. Tanabe confirme que les participants ne sont pas convenus d'un mécanisme permanent de fixation d'objectifs en volume. Merck déclare toutefois que, sur la base des prévisions établies par Roche pour 1992, les volumes des ventes de chaque producteur avaient en réalité fait l'objet d'un accord, ce que confirment les preuves documentaires.

(491) BASF, bien qu'elle n'ait pas participé aux réunions sur la biotine, a été parfaitement informée par Merck et Roche de l'accord conclu entre les cinq producteurs, dont elle a soigneusement consigné les modalités par écrit. Cependant, certains participants n'avaient pas connaissance de l'implication indirecte de BASF.

(492) Un tableau, intitulé "Biotine (100 %) - Parts de marché des concurrents", présente la structure de base du cartel (les colonnes en italiques correspondent à des annotations manuscrites dans l'original):

>TABLE>

(493) Le système se fonde sur une estimation de croissance du marché de 4 à 5 % aux États-Unis, de 2 % en Europe et de 7 % en Asie. Dans le coin inférieur gauche, on lit l'annotation manuscrite suivante:

"Année de référence 90 + 10 % = 92

Budget 92 exécuté; incidence sur le Japon

Merck + BASF ne diminueront pas, si d'autres augmentent (répartition équitable de la charge)"

(texte original en allemand).

(494) Les notes contiennent également des calculs détaillés sur la répartition, entre Merck et BASF, du quota de 2400 kg (ou de 2500) nommément attribué à Merck dans le cadre du cartel: sur 2500 kilogrammes, BASF doit en avoir 2200, Merck 300; pour l'Europe, le partage doit être le suivant: BASF 1400 et Merck 160.

1.4.9.2. Prix "catalogue" et prix minimaux

(495) Lors de la première réunion, les parties ont également convenu d'un prix catalogue et d'un prix minimal: pour l'Europe, il a été fixé en DEM/kg pour la biotine à 2 % destinée à l'alimentation animale et pour la biotine pure (100 %) utilisée dans l'alimentation humaine. Comme le montrent les notes de BASF, l'objectif était d'augmenter le prix en deux étapes, le 1er janvier et le 1er avril 1992. Pour la solution à 2 % destinée à l'alimentation animale, les prix rendus étaient fixés comme suit:

>TABLE>

Pour la biotine pure de qualité pharmaceutique, les prix étaient établis à:

>TABLE>

(Chiffres confirmés par Merck par des documents contenant des instructions pour appliquer ces critères de prix.)

(496) Avant comme après cette réunion, le représentant de Merck était en contact avec les directeurs des ventes de BASF responsables de la biotine, afin d'obtenir les données commerciales pertinentes et de les informer des résultats des discussions.

1.4.9.3. Réunions du cartel

(497) Les réunions suivantes ont eu lieu à un rythme d'environ deux par an et servaient à échanger des données sur les ventes et à débattre du prix de la biotine. Contrairement au dispositif mis en place pour les autres vitamines, aucun système sophistiqué de surveillance du marché et d'échange de données n'existait dans le cas de la biotine.

(498) La procédure suivie était normalement la suivante: le représentant de Roche téléphonait à l'avance aux autres producteurs pour les convoquer à la prochaine réunion Au cours de ces conversations téléphoniques, il obtenait les chiffres de ventes réalisés par les autres producteurs, en termes de biotine "pure", au cours des trois (ou six) mois précédents.

(499) D'après Roche, plusieurs des réunions multilatérales qui ont suivi étaient des rencontres "au sommet". Pour ce qui la concerne, sa délégation était conduite par son directeur du marketing "vitamines". La tenue de ces réunions dans des endroits tels que l'hôtel Baur au Lac à Zurich ou l'hôtel Président à Genève tend à confirmer que les participants étaient de hauts responsables.

(500) Ces réunions, telles que les a décrites Tanabe, suivaient généralement le même schéma que la première réunion de "démarrage". Elles donnaient parfois lieu à des critiques adressées à l'un ou l'autre participant, qui prenaient la forme d'accusations de vendre à bas prix ou de débaucher tel ou tel client par la pratique de prix peu élevés.

(501) Outre les réunions multilatérales "officielles", le marché de la biotine a fait l'objet de discussions informelles à l'occasion ou en marge des réunions d'affaires bilatérales ordinaires entre Roche, Lonza, Sumitomo et Tanabe.

(502) D'après Roche, trois réunions au sommet ont eu lieu, en plus de la réunion " de démarrage " à Lugano [le 7 avril 1992 à Zurich, le 25 août 1992 à Nara, au Japon, et, au début de 1993 (en réalité le 25 janvier), à Genève], mais elle ajoute que plusieurs autres réunions ont été organisées selon le même schéma, avec la participation des mêmes personnes.

(503) Tanabe a fait état de ces réunions et de deux autres, le 26 octobre 1993 à Osaka, au Japon, et le 19 avril 1994 à Tokyo, cette dernière étant la dernière rencontre multilatérale dont elle se souvient. Merck a recensé une réunion supplémentaire à Zurich en 1993.

(504) Sumitomo refuse en réalité d'admettre que des membres de sa société ont eu un comportement susceptible de constituer une infraction à l'article 81 du traité Elle reconnaît n'avoir participé à des réunions plénières avec ses concurrents qu'à deux reprises seulement (à Nara le 25 août 1992 et à Genève le 25 janvier 1993) et affirme, dans le cas de la réunion de Genève, que son représentant a été "pris par surprise": une réunion d'affaires bilatérale tout à fait anodine était prévue avec Roche et Sumimoto prétend qu'elle ne s'attendait pas à rencontrer, à cette occasion, d'autres participants. Selon Sumitomo, son représentant a trouvé ces réunions inopinées "déplaisantes" et a souligné que le sujet était déplacé.

(505) Les autres producteurs (Roche, Tanabe et Merck) affirment cependant que Sumitomo a participé régulièrement aux réunions et, de fait, Tanabe déclare qu'elle-même et Sumitomo se sont toujours partagé les frais d'organisation des réunions au Japon.

1.4.9.4. Fonctionnement du cartel de 1991 à 1994

(506) Peu après la première réunion du cartel, en octobre 1991, le prix de la biotine a légèrement augmenté, puis est resté relativement stable pendant toute la durée de l'entente.

(507) Les documents commerciaux internes de Tanabe transmis à la Commission mentionnent fréquemment l'"objectif de prix" et bien que, pour des raisons évidentes, le lien avec un quelconque accord ne soit pas établi, il est clair qu'il s'agissait des objectifs de prix fixés lors des réunions du cartel. (NB: les objectifs cités par Tanabe sont généralement exprimés en DEM ou en FRF par kilogramme et concernent la solution à 2 % destinée à l'alimentation animale.)

(508) À partir de 1993 environ(30), les objectifs ont été fixés pays par pays, en monnaie locale, et non plus pour l'Europe dans son ensemble. Il s'agissait surtout, par ce changement, de supprimer les incertitudes liées aux fluctuations de taux de change, lorsque le prix était établi uniquement en DEM.

(509) D'après les instructions de prix données par BASF aux bureaux de ventes nationaux le 25 juin 1993, le prix de la biotine s'était stabilisé, et avait même augmenté au deuxième trimestre de 1994: une nouvelle amélioration était espérée, Roche appliquant, selon toute vraisemblance, une politique de "prix avant le tonnage".

(510) À la mi-1994, le prix du marché a toutefois commencé à baisser, du fait, en partie, des importations coréennes(31). D'après la description des réunions faite par Tanabe, Sumimoto et elle-même auraient été, lors de ces rencontres, prises à partie par Roche pour non-respect des objectifs.

(511) À la fin du premier trimestre de 1994, BASF rendait compte comme suit des prix de vente pratiqués par les producteurs en Europe:

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(512) Elle prévoyait néanmoins que Roche resterait ferme sur les prix et que les autres tenteraient de relever leurs tarifs.

(513) Roche affirme que l'accord a cessé d'exister, au niveau opérationnel, au début de 1994 La réunion tenue le 19 avril 1994 à Tokyo aurait été la dernière rencontre multilatérale programmée pour la biotine, bien qu'elle ne nie pas que, lors de réunions bilatérales ultérieures de haut niveau consacrées à des sujets techniques, les participants aient échangé certains renseignements sur les prix du marché. Tanabe déclare qu'elle ne "peut exclure" que des discussions aient eu lieu concernant le marché de la biotine au cours des réunions avec Roche. Merck et Lonza soutiennent que l'infraction a pris fin en avril 1994.

(514) Si, après avril 1994, les contacts sont peut-être devenus irréguliers, Tanabe reconnaît avoir continué à appliquer les objectifs de prix jusqu'en janvier 1995 Dans ses instructions à sa filiale européenne en date du 29 décembre 1994, Tanabe, qui attribue la chute du prix du marché à la "concurrence très vive" exercée par Sumitomo et Lonza, lui ordonne de respecter les objectifs de prix pour la biotine à 2 % dans la monnaie nationale correspondante. Tanabe sous-entend que Roche lui avait communiqué les objectifs de prix par téléphone.

(515) Merck signale que lors d'une réunion organisée par Roche en 1995, dans le nouveau bâtiment de son siège social (celui de Roche), le représentant de Merck avait annoncé que, désormais, sa société ne souhaitait plus prendre part aux réunions. Lonza en avait fait de même.

(516) Quant aux réunions entre Roche et Sumitomo qui ont eu lieu le 14 juin 1994 et entre le 30 novembre et le 9 décembre 1995, Roche déclare qu'elles n'ont porté que sur la fourniture de thiolactone, produit intermédiaire clé pour la production de biotine, par Sumitomo à Roche.

1.4.9.5. Implication de BASF

(517) BASF ne produit pas elle-même de biotine et n'a pris part à aucune réunion multilatérale. Elle achète la vitamine dont elle a besoin (à Merck) pour la revendre aux producteurs d'aliments pour animaux. Merck insiste sur le fait que, en raison de ses accords de coproduction exclusifs avec BASF, elle représentait cette dernière aux réunions du cartel. Elle déclare qu'elle était en contact avec deux personnes de BASF qui participaient également aux réunions du cartel pour les autres vitamines.

(518) Dans sa déclaration à la Commission, BASF ne mentionne aucun mandat donné à Merck pour la représenter aux réunions. Toutefois, elle a spontanément indiqué que des membres de Merck et de BASF s'étaient rencontrés le 22 octobre 1991 à Ludwigshafen, officiellement au sujet des accords de coproduction concernant la biotine, soit exactement une semaine après la première réunion multilatérale connue à Lugano. Outre les informations qu'elle a communiquées à BASF sur la répartition des parts de marché de la biotine, Merck "a donné des instructions à M. [...] (de BASF) sur les prix auxquels BASF devait revendre la biotine, et lui a annoncé qu'une hausse de prix était prévue pour le 1er avril 1992".

(519) La Commission dispose des notes détaillées de BASF concernant cette réunion ainsi que de ses calculs et révisions du système de quotas. BASF était elle-même en contact direct avec Roche.

1.4.10. BÊTA-CAROTÈNE ET CAROTÉNOÏDES

1.4.10.1. Origines et principes directeurs du cartel

(520) Roche et BASF avaient déjà noué des contacts au cours de l'année 1991(32). Le 22 ou le 23 septembre 1992, des représentants des deux entreprises se sont rencontrés à Bâle pour se mettre d'accord sur leurs parts de marché respectives concernant le bêta-carotène.

(521) Les parties sont convenues que BASF serait autorisée à accroître sa part de marché de 21 % au rythme de 1 % par an jusqu'en 2001, date à laquelle elle serait plafonnée à 30 %. Des écarts étaient admis d'une région à l'autre, pour autant que, globalement, le quota global ne soit pas dépassé. Dans ce cas, des achats compensatoires devaient être effectués auprès de la partie lésée. Les participants se sont mis d'accord pour coordonner leurs hausses de prix futures.

1.4.10.2. Réunions du cartel du bêta-carotène à partir de 1992

(522) Des réunions trimestrielles se sont tenues à Bâle sur le bêta-carotène au même endroit et en même temps que les réunions du cartel des vitamines A et E. De même que pour ces vitamines, les parties préparaient un "budget" détaillé, comparaient les ventes réelles aux quotas "budgétisés", élaboraient des estimations sur la croissance future du marché et s'entendaient sur le calendrier et l'ampleur des hausses de prix.

1.4.10.3. Inclusion des caroténoïdes dans les accords constitutifs de l'entente à partir de 1993: cantaxantine et astaxantine

(523) Les caroténoïdes sont classifiés selon la couleur qu'ils produisent lors de leur ingestion par les animaux. La cantaxantine et la cintranaxantine donnent une couleur rouge ou dorée à la chair des animaux et sont appelés caroténoïdes "rouges", tandis que l'astaxantine, utilisée dans l'alimentation du saumon et d'autres poissons, leur donne une couleur rose et est connue sous la dénomination de caroténoïde "rose".

(524) Comme pour le bêta-carotène, jusqu'au début des années quatre-vingt-dix, Roche contrôlait le marché des caroténoïdes. En 1993, BASF avait porté sa part de marché à environ 33 % pour les caroténoïdes rouges. À ce moment-là, elle ne fabriquait pas de caroténoïde "rose", l'astaxantine.

(525) Roche souhaitait restreindre la part de marché de BASF en ce qui concerne les caroténoïdes rouges. De son côté, BASF considérait qu'elle avait besoin de l'accord de Roche pour prendre pied sur le marché de l'astaxantine (rose).

(526) Les deux fabricants se sont rencontrés à Bâle en mai 1993 et sont convenus que BASF devrait, dans un premier temps, ramener sa part de marché pour les caroténoïdes rouges à 29 % d'ici 1994, après quoi elle serait autorisée à augmenter son quota de 1 % à 2 % par an, avant d'atteindre un "plafond" en 2002.

(527) En août 1994, les producteurs ont adopté un calendrier prévoyant l'entrée maîtrisée de BASF sur le marché de l'astaxantine "rose", ce pourquoi elle construisait une nouvelle usine qui devait entrer en service en 1996.

(528) Dans un premier temps, BASF devait être autorisée à détenir 4 % du marché de l'astaxantine en 1996, cette part augmentant ensuite, en plusieurs "étapes", pour atteindre 20 % d'ici 2002: 7 % en 1997, 9 % en 1998, 14 % en 1999, 16 % en 2000 et 18 % en 2001. Pendant que BASF construisait sa nouvelle usine, Roche lui fournirait l'astaxantine nécessaire pour les activités de marketing et les essais au stade de la préproduction.

(529) En réalité, l'usine de BASF, dont la production devait démarrer en 1996, n'a pas été mise en service avant 1999, et l'accord sur le caroténoïde "rose" n'a pas été appliqué.

(530) Les réunions sur le caroténoïde se sont tenues chaque trimestre en même temps que celles concernant le bêta-carotène et ont pour l'essentiel rassemblé les mêmes personnes. Certaines années, les réunions ont été organisées plus fréquemment.

1.4.10.4. Budgets

(531) Les deux producteurs ont transmis à la Commission des budgets sous forme de feuilles de calcul ou de tableaux, qui mettent en évidence le fonctionnement du système de maîtrise des volumes et de surveillance concernant le bêta-carotène et les caroténoïdes. BASF a fourni un ensemble complet de documents couvrant la période comprise entre 1992 et la fin de 1998.

(532) Les feuilles de calcul suivent pour la plupart la même structure et semblent avoir été souvent mises à jour. Les documents suivants sont représentatifs du bêta-carotène:

- une comparaison, pour chaque région géographique (l'Europe est subdivisée en plusieurs zones: îles britanniques, Scandinavie, Europe occidentale, péninsule ibérique, Europe méridionale et Europe centrale, etc.), entre les ventes prévues et les ventes réelles ("Plan" et "Ist") de BASF et de Roche pour la période de janvier à juin 1996,

- le projet de budget 1997 pour chaque producteur,

- un tableau (rempli à la main) répertoriant les ventes réalisées par chaque producteur en 1992, 1993 et au premier semestre de 1994, ainsi que le "budget" pour 1994 et un budget préliminaire pour 1995. Il englobe également des données relatives aux caroténoïdes rouges,

- un document, intitulé "Estimations des ventes au 18/10-98", fait apparaître que les accords fonctionnaient encore à la fin de 1998.

1.4.10.5. Continuation du cartel après 1997

(533) Les réunions opérationnelles périodiques concernant le bêta-carotène et les caroténoïdes se sont poursuivies au moins jusqu'à l'automne 1997. Roche déclare que la dernière réunion opérationnelle a eu lieu à la fin de 1997 ou au début de 1998. Les parties avaient alors fini par s'inquiéter de l'attention inopportune que leurs contacts fréquents suscitaient chez les autorités de la concurrence. Aux États-Unis, plusieurs enquêtes avaient déjà été ouvertes concernant le marché des vitamines.

(534) Même à ce moment-là, plutôt que de mettre immédiatement un terme au cartel, les producteurs ont décidé de se rencontrer moins souvent et de prendre davantage de précautions. Roche déclare que la dernière réunion qui a donné lieu à un échange de données sur les ventes, sans toutefois que des objectifs soient fixés, a eu lieu le 27 mars 1998. Plus tard au cours de 1998, les participants ont échangé des informations sur leurs ventes par courrier (adressé probablement au domicile privé des personnes concernées), selon les mêmes modalités que pour l'accord sur les vitamines A et E. BASF indique que les accords ont continué à fonctionner de cette manière jusqu'à la fin de 1998.

1.5. NATURE ET FIABILITÉ DES PREUVES

(535) En l'espèce, la grande majorité des entreprises participantes ont reconnu leur implication dans des accords illicites de fixation des prix et de partage du marché contraires à l'article 81, paragraphe 1, du traité (et, implicitement, à l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE également).

(536) La quasi-totalité des producteurs ont fourni, soit spontanément, soit en réponse aux demandes de renseignements de la Commission, des déclarations factuelles détaillées dans lesquelles ils reconnaissent l'infraction.

(537) Les auteurs de ces déclarations ont systématiquement incriminé d'autres producteurs et ont très souvent imputé l'initiative et la responsabilité principale de l'entreprise illégale à un ou plusieurs autres producteurs. Le rôle joué par les différents producteurs est explicité de manière très détaillée.

(538) Les déclarations faites à la Commission par des sociétés impliquées dans une infraction grave et dissimulée aux règles de concurrence doivent être considérées avec une certaine prudence, notamment si elles cherchent à présenter les événements qui y sont liés sous un jour qui leur est favorable, par exemple, en atténuant leur propre responsabilité dans l'infraction.

(539) Toutefois, en l'espèce, la Commission ne se fonde pas sur les déclarations non confirmées d'un seul participant d'un groupe restreint. En premier lieu, les différents producteurs, y compris les principaux protagonistes, ont présenté différentes versions des événements en question qui, en ce qui concerne les faits marquants, sont remarquablement cohérentes et compatibles entre elles.

(540) En outre, non seulement les faits pertinents sont exposés en détail dans les déclarations des producteurs, mais ils sont amplement attestés par les très nombreuses notes et pièces comptables de l'époque, que la Commission a obtenues auprès de différents producteurs. Bien que ces derniers n'aient pas tous transmis le même type de documents (ceux communiqués par Roche, par exemple, sont presque exclusivement des calculs de "budget" et ne comprennent quasiment aucun compte rendu de réunions de l'époque, alors que ses représentants ont dû participer à des centaines de réunions avec leurs concurrents), globalement, les documents présentés pour chaque produit mettent en évidence d'une manière complète et exhaustive l'origine, le contexte, l'objectif et le fonctionnement concret des arrangements collusoires dans lesquels les producteurs étaient impliqués.

(541) Une fois que: i) l'existence et la mise en oeuvre d'un accord et ii) l'adhésion à celui-ci de chacun des participants présumés sont démontrées, il n'est bien sûr pas nécessaire, pour établir l'existence d'une infraction, de disposer d'une preuve directe que chaque participant a pris part, ou a consenti, à chacune des activités du cartel pendant toute sa durée. Des motifs qui tiennent tant au droit matériel qu'aux preuves disponibles tendent à s'opposer à une telle obligation.

(542) En raison du caractère secret d'un cartel et des particularités d'un "accord" dans le contexte de la législation antitrust, il pourra souvent s'avérer nécessaire, dans ce type d'affaire, de recourir à des preuves indirectes ou à une combinaison de preuves directes et indirectes pour démontrer les faits en cause.

(543) En l'espèce, il n'est guère obligatoire d'utiliser cette méthode, étant donné la quantité et la force probante des preuves documentaires collectées: des preuves directes de l'existence et de la mise en application de l'accord ont été pour l'essentiel obtenues sous forme de documents concernant le "budget" et de comptes rendus circonstanciés de réunions.

(544) Certes, les preuves documentaires comportent quelques lacunes. Dans la mesure où il devrait s'avérer nécessaire de combler l'une ou l'autre de ces lacunes, l'existence de ces faits pourra être déduite d'autres faits avérés.

(545) Dans l'ensemble, les documents de l'époque, outre qu'ils constituent en soi des preuves recevables des faits auxquels ils se rapportent, corroborent les descriptions données par les producteurs dans leurs déclarations à la Commission et tendent à confirmer leur fiabilité. Dans ce contexte, l'apparition d'incohérences mineures, concernant, par exemple, la date exacte d'une réunion donnée ou la participation à ladite réunion, lors d'une comparaison attentive entre la déclaration d'un producteur et la déclaration ou des documents fournis par un autre, ne porte pas atteinte, sur le fond, à leur crédibilité. D'autre part, les preuves documentaires infirment les tentatives amorcées dans certains cas - les plus notables sont Eisai pour la vitamine E (considérant 239), et Sumitomo pour la biotine (considérant 504) - par les producteurs pour se disculper eux-mêmes en affirmant avoir participé à contrecoeur ou de manière involontaire aux réunions avec leurs concurrents.

(546) Dans certains autres cas, à savoir BASF pour la vitamine B1 et la biotine (considérants 260 à 269 et 517 à 519) et Rhône-Poulenc pour la vitamine D3 (considérants 481 à 483), il est démontré qu'une entreprise qui ne fabriquait pas elle-même une vitamine donnée, mais vendait d'importantes quantités de ce produit et ne reconnaissait pas, dans sa déclaration, sa participation aux accords collusoires concernant ce produit, a pleinement participé au cartel.

2. APPRÉCIATION JURIDIQUE

2.1. TRAITÉ ET ACCORD EEE

2.1.1. RELATION ENTRE LE TRAITÉ ET L'ACCORD EEE

(547) Les arrangements de cartel s'appliquaient à tous les pays de l'EEE, c'est-à-dire à tous les États membres actuels plus la Norvège et l'Islande (on ne dispose pas de données sur des ventes au Liechtenstein). Les arrangements en question s'étendaient à l'Autriche, à la Suède et à la Finlande avant leur adhésion à la Communauté le 1er janvier 1995.

(548) L'accord EEE, qui contient des dispositions en matière de concurrence analogues à celles du traité CE, est entré en vigueur le 1er janvier 1994. La présente décision tient donc compte de l'applicabilité de ces règles, principalement l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE, à partir de cette date aux arrangements à l'égard desquels les griefs sont formulés.

(549) Dans la mesure où ces arrangements ont affecté le commerce entre les États membres, l'article 81 du traité est applicable. En ce qui concerne le fonctionnement du cartel dans les États de l'AELE qui sont membres de l'EEE (États de l'AELE/EEE) et ses effets sur le commerce entre les États membres et les États de l'AELE/EEE ou entre les États de l'AELE/EEE, ils tombent sous le coup de l'article 53 de l'accord EEE.

2.1.2. COMPÉTENCE

(550) Conformément à l'article 56, paragraphe 1, point c), et à l'article 56, paragraphe 3, de l'accord EEE, la Commission est compétente en l'espèce pour appliquer l'article 81, paragraphe 1, du traité et l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE, dans la mesure où les accords ont affecté sensiblement le commerce entre les États membres et la concurrence à l'intérieur de la Communauté.

2.2. APPLICATION DE L'ARTICLE 81 DU TRAITÉ ET DE L'ARTICLE 53 DE L'ACCORD EEE

2.2.1. ARTICLE 81, PARAGRAPHE 1, DU TRAITÉ ET ARTICLE 53, PARAGRAPHE 1, DE L'ACCORD EEE

(551) En vertu de l'article 81, paragraphe 1, du traité, sont incompatibles avec le marché commun et interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d'associations d'entreprises et toutes pratiques concertées, qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun, et notamment ceux qui consistent à fixer, de façon directe ou indirecte, les prix d'achat ou de vente ou d'autres conditions de transaction, à limiter ou contrôler la production, les débouchés, ou à répartir les marchés ou les sources d'approvisionnement.

(552) L'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE, qui est libellé sur le modèle de l'article 81, paragraphe 1, du traité, contient une interdiction similaire, mais les références: a) au commerce "entre États membres" et b) à la concurrence "à l'intérieur du marché commun" y sont remplacées respectivement par des références au commerce "entre les parties contractantes" et à la concurrence "à l'intérieur du territoire couvert par le présent accord" (autrement dit, l'accord EEE).

2.2.2. ACCORDS ET PRATIQUES CONCERTÉES

(553) L'article 81, paragraphe 1, du traité et l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE interdisent les accords, les décisions d'associations et les pratiques concertées.

(554) On peut considérer qu'il y a accord lorsque les parties s'entendent sur un plan commun qui limite ou est susceptible de limiter leur comportement commercial individuel en déterminant les lignes de leur action ou de leur abstention sur le marché. L'accord ne doit pas nécessairement être établi de façon formelle ou par écrit, et aucune sanction contractuelle ou mesure de contrainte n'est requise. L'accord peut être exprès ou ressortir implicitement du comportement des parties.

(555) Dans son arrêt rendu dans les affaires jointes T-305/94 à 307/94, 313/94 à 316/94, 318/94, 325/94, 328/94, 329/94 et 335/94, Limburgse Vinyl Maatschappij NV et autres contre Commission ("PVC II"), Recueil 1999, p. II-0931, le Tribunal de première instance a précisé (au point 715) que "selon une jurisprudence constante, pour qu'il y ait accord, au sens de l'article [81, paragraphe 1] du traité, il suffit que les entreprises en cause aient exprimé leur volonté commune de se comporter sur le marché d'une manière déterminée".

(556) Si l'article 81, paragraphe 1, du traité(33) distingue la notion de "pratiques concertées" de celle d'"accords entre entreprises" ou de "décisions d'associations d'entreprises", c'est dans le dessein d'inclure dans les interdictions de cet article une forme de coordination entre entreprises qui, sans avoir été poussée jusqu'à la réalisation d'une convention proprement dite, substitue sciemment une coopération pratique entre elles aux risques de la concurrence (affaire 48/69, Imperial Chemical Industries contre Commission, Recueil 1972, p. 619, point 64).

(557) Les critères de coordination et de coopération définis dans la jurisprudence de la Cour, loin d'exiger l'élaboration d'un véritable plan, doivent être compris à la lumière de la conception inhérente aux dispositions du traité relatives à la concurrence, selon laquelle tout opérateur économique doit déterminer de manière autonome la politique qu'il entend suivre sur le marché commun. S'il est exact que cette exigence d'autonomie n'exclut pas le droit des entreprises de s'adapter intelligemment au comportement constaté ou anticipé de leurs concurrents, elle s'oppose cependant rigoureusement à tout contact direct ou indirect entre elles, ayant pour objet ou pour effet, soit d'influencer le comportement sur le marché d'un concurrent actuel ou potentiel, soit de dévoiler à un tel concurrent la ligne de conduite qu'elles ont décidé ou qu'elles envisagent de tenir elles-mêmes sur le marché. (affaires jointes 40/73 à 48/73, 50/73, 54/73 à 56/73, 111/73, 113/73 et 114/73, Suiker Unie et autres contre Commission, Recueil 1975, p. 1663.)

(558) Aux fins de l'article 81, paragraphe 1, du traité, un "accord" peut aussi ne pas présenter le degré de sécurité requis pour l'exécution d'un contrat commercial en droit civil. De plus, dans le cas d'un cartel complexe de longue durée, la notion d'"accord" convient non seulement pour désigner un plan global ou les conditions expressément convenues, mais aussi la mise en oeuvre de ce qui a été convenu, reposant sur les mêmes mécanismes et poursuivant le même objectif commun.

(559) Comme la Cour de justice des Communautés européennes, confirmant l'arrêt du Tribunal de première instance, l'a souligné dans l'affaire C-49/92 P, Commission contre Anic Partecipazioni SpA, Recueil 1999, p. I-4125, au point 81, il découle des termes de l'article 81, paragraphe 1, du traité que l'accord peut consister non seulement en un acte isolé, mais également en une série d'actes ou bien encore en un comportement continu.

(560) Un cartel peut donc être considéré comme une seule infraction se poursuivant pendant toute la durée de son existence. L'accord peut être modifié, ou ses mécanismes peuvent être adaptés ou renforcés pour tenir compte de faits nouveaux. La validité de la présente appréciation n'est en rien affectée par la possibilité qu'un ou plusieurs éléments d'une série d'actes ou d'un comportement continu puissent, individuellement et intrinsèquement, constituer une infraction à l'article 81, paragraphe 1, du traité.

(561) Même si le cartel est une entreprise menée en commun, chaque participant peut y jouer un rôle qui lui est propre. Un ou plusieurs d'entre eux peuvent exercer le rôle dominant de "meneur". Il peut y avoir des conflits et des rivalités internes. Certains membres peuvent même aller jusqu'à tricher. Cependant, aucun de ces éléments n'empêche l'arrangement de constituer un accord aux fins de l'article 81, paragraphe 1, du traité, lorsque les parties s'entendent en vue d'un objectif unique, commun et permanent.

(562) Le simple fait que chaque participant au cartel joue un rôle qui lui est propre n'exclut pas sa responsabilité pour l'infraction dans son ensemble, y compris les actes commis par les autres participants, mais qui partagent le même objectif illicite et le même effet anticoncurrentiel. Une entreprise participant à une telle infraction par des comportements qui contribuent à la réalisation de cet objectif commun est également responsable, pour toute la période de sa participation à ce système commun, des comportements d'autres entreprises dans le cadre de la même infraction. Tel est, en effet, le cas lorsqu'il est établi que l'entreprise en question connaissait les comportements infractionnels des autres participants, ou qu'elle pouvait raisonnablement les prévoir ou en avoir connaissance et qu'elle était prête à en accepter le risque (arrêt de la Cour de justice dans l'affaire Commission contre Anic, point 83).

(563) Pour qu'une entreprise constitue une partie à un "accord" au sens de l'article 81, paragraphe 1, du traité, il n'est pas nécessaire qu'elle rencontre régulièrement les autres producteurs au même moment au même endroit, ni même qu'elle les rencontre du tout. En tout état de cause, dans le cadre d'une entente de fixation des prix, la mise en application du plan peut ne pas nécessiter de réunions. En outre, une des parties peut agir en qualité d'agent des autres parties en ce qui concerne l'exécution du plan commun et lors des réunions avec les autres participants.

(564) Enfin, il convient de noter qu'une entreprise peut à tout moment adhérer à un accord déjà conclu entre d'autres entreprises. Certains participants peuvent se retirer de l'entreprise illicite au cours de son existence et d'autres la rejoindre, mais celle-ci n'en demeure pas moins un seul et même accord continu.

2.2.3. NATURE DES INFRACTIONS EN L'ESPÈCE

(565) La présente procédure porte sur douze vitamines et produits très voisins, et sur treize producteurs différents, dont la plupart ne fabriquent qu'un nombre limité de vitamines.

(566) Roche, le premier producteur mondial de vitamines, est le seul fabricant à avoir participé au cartel pour la totalité des vitamines qui font l'objet de la présente décision.

(567) Nonobstant le nombre de producteurs, le degré variable de participation de ces derniers aux réunions et la diversité de leurs gammes de produits, les arrangements collusoires en question possèdent les caractéristiques communes suivantes:

- les accords de cartel englobaient la gamme complète des vitamines fabriquées par Roche,

- la façon d'opérer pour les différents produits vitaminiques était très similaire, sinon identique ("budgets", maintien du statu quo concernant les parts de marché, mécanismes de compensation, "objectifs" de prix et prix "minimaux", structure des réunions, etc.),

- les arrangements collusoires concernant les diverses vitamines n'étaient pas une démarche spontanée ou le résultat du hasard, mais ont été planifiés, conçus et dirigés par les mêmes personnes au plus haut niveau de la direction de Roche et des autres entreprises,

- l'entente au niveau mondial a véritablement démarré au même moment pour les vitamines B1, B2, B5, B6 et C et pour l'acide folique (un peu plus tôt pour les vitamines A et E, qui ont en fait servi de modèle au système), à savoir lors de la visite au Japon les 30 et 31 janvier 1991 des hauts responsables de Roche et de BASF,

- les hausses de prix pour la plupart des vitamines étaient généralement annoncées et appliquées en même temps,

- Roche et BASF vendaient une partie importante de leur production sous forme de prémix, comprenant plusieurs vitamines (les conséquences de cette pratique sur la concurrence ont déjà été exposées).

(568) L'initiateur et principal bénéficiaire de ce faisceau d'arrangements collusoires était Roche, le plus gros producteur mondial de vitamines, avec une part du marché mondial d'environ 50 %. Les vitamines représentaient pour le groupe un secteur clé, contribuant à raison de 8 % à son chiffre d'affaires total. La participation de certains de ses plus hauts dirigeants tend à confirmer que les arrangements constituaient l'aboutissement d'un plan stratégique élaboré et approuvé aux plus hauts niveaux en vue de dominer et de contrôler le marché mondial des vitamines par des moyens illégaux.

(569) BASF, le deuxième producteur mondial de vitamines, a joué un rôle très important en suivant Roche. Ces deux grands producteurs européens ont effectivement constitué un front commun lors de l'élaboration et de la mise en oeuvre des arrangements avec les fabricants japonais. Ensemble, ils ont obtenu que la société Eisai rejoigne leur "club" pour la vitamine E: considérants 211 à 219. Par la suite, Roche a agi en qualité d'agent commun dans les négociations avec Eisai.

(570) En ce qui concerne les autres produits vitaminiques, le cartel fonctionnait généralement selon le système mis au point pour les vitamines A et E, avec certaines variantes pour la vitamine H: Roche est intervenue comme agent et représentant des producteurs européens (BASF, Lonza et Merck) lors des réunions et des négociations qui se sont tenues au Japon et en Extrême-Orient.

(571) Takeda, un des principaux producteurs mondiaux de vitamines en vrac, a pris pleinement part au cartel pour les vitamines B1, B2, B6 et C, et pour l'acide folique. En effet, sa participation aux arrangements pour chacun de ces produits vitaminiques a servi les desseins de Roche, à savoir la coordination illicite des marchés des vitamines sur lesquels elle était présente, y compris ceux de la gamme des produits vitaminiques qu'elle avait en commun avec Takeda.

(572) Les autres fabricants de vitamines ont tous participé activement et volontairement à l'entente sur les marchés de produits vitaminiques sur lesquels ils étaient respectivement présents. Même s'ils n'étaient pas à l'origine du cartel, les preuves documentaires contredisent totalement les tentatives d'explication de certains fabricants, dont Sumitomo et Eisai, selon lesquelles ils auraient été amenés à participer aux arrangements collusoires presque par hasard. Sumitomo ne conteste pas avoir assisté à différentes réunions bilatérales et multilatérales avec d'autres producteurs de biotine. Néanmoins, elle avance que soit la Commission manque d'éléments de preuve, soit elle n'a pas apprécié correctement les éléments dont elle dispose, et qu'elle n'apporte nullement la preuve que Sumitomo a effectivement conclu des accords anticoncurrentiels. Le principal argument de Sumitomo est que les témoignages sur lesquels s'appuie la Commission ne concordent pas quant aux faits et que la Commission ne retient que certaines informations. D'une manière plus générale, Sumitomo conteste que les faits décrits par la Commission constituent un accord au sens de l'article 81 du traité. Sumika aboutit aux mêmes conclusions en ce qui concerne le cartel de l'acide folique. Cette entreprise fait valoir que la Commission n'a pas satisfait à la charge de la preuve qui lui incombait et, partant, n'a pas établi avec une certitude suffisante sa participation à l'infraction à l'article 81, paragraphe 1, du traité.

(573) Ces arguments doivent être rejetés. Premièrement, en établissant les faits de l'espèce à partir de témoignages distincts et inévitablement partiels, la Commission peut naturellement se trouver confrontée à un certain nombre d'incohérences ou de contradictions. Néanmoins, la participation de Sumika et de Sumitomo à plusieurs réunions dont l'objet était de restreindre la concurrence respectivement sur le marché de l'acide folique et sur celui de la biotine est confirmée par les déclarations des autres participants au cartel. Sumika et Sumitomo elles-mêmes ont confirmé qu'elles avaient pris part à un certain nombre de réunions, que la Commission considère comme des réunions du cartel et qui visaient clairement à restreindre la concurrence sur les marchés concernés. Comme aucun élément ne prouve que l'une ou l'autre de ces entreprises s'est ouvertement écartée de ce qui était convenu, la Commission peut légitimement conclure que Sumika et Sumitomo ont participé à des accords collusoires concernant respectivement l'acide folique et la biotine (affaire T-334/94, Sarrió contre Commission, Recueil 1998, p. II-1439, point 118).

(574) En ce qui concerne BASF et Rhône-Poulenc, leur participation au cartel pour certains produits vitaminiques qu'elles-mêmes ne produisaient pas [la biotine (H) pour BASF et la vitamine D3 pour Rhône-Poulenc] est également avérée(34).

(575) Le principal dénominateur commun aux différents cartels des vitamines est la présence de Roche et de BASF, les deux principaux producteurs de vitamines dans le monde, dont l'objectif était de supprimer toute concurrence effective entre elles dans la Communauté et l'EEE pour la quasi-totalité des vitamines importantes.

(576) À partir de janvier 1990 pour les vitamines A et E, qui, à elles deux, représentent quelque 60 % de la demande de vitamines destinées à l'alimentation animale, puis pour les vitamines B1, B2, B5, C, D3 et H, pour le bêta-carotène et les caroténoïdes (qui constituent la gamme des produits qu'ils ont en commun; BASF ne commercialise pas de vitamine B6 ni d'acide folique), ces deux producteurs, conjointement avec Rhône-Poulenc, Takeda et les autres fabricants, ont mis sur pied un mécanisme secret et sophistiqué destiné à contrôler le marché des vitamines concernées, à fixer leurs parts de marché et à coordonner leurs prix, de sorte que, en fait, ils se sont comportés sur le marché non pas comme des concurrents, mais comme des partenaires étroitement liés.

(577) Pour la plupart des vitamines concernées, les arrangements collusoires suivaient essentiellement le même modèle, la même structure et le même mode de fonctionnement, à savoir:

- préparation, adoption, mise en application et surveillance d'un "budget" annuel,

- échange de renseignements sur les ventes, les volumes et les prix, sur une base trimestrielle ou mensuelle,

- ajustement des ventes effectives réalisées, afin de respecter les quotas attribués dans le cadre du "budget",

- mise en place d'une structure et d'une hiérarchie formelles comprenant différents niveaux de direction, avec, souvent, l'implication des mêmes personnes en ce qui concerne les dirigeants,

- rôle d'intermédiaire de Roche dans l'entente avec les producteurs japonais.

(578) La répartition des quotas de parts de marché variait toutefois quelque peu selon les produits. En ce qui concerne les vitamines A et E par exemple, le principe de base était celui du gel des parts de marché aux niveaux atteints respectivement en 1988. Pour le bêta-carotène, la part de BASF devait progresser de 1 % par an jusqu'en 2001 et plafonner ensuite à 30 %. Pour la biotine (vitamine H), les producteurs étaient convenus de stabiliser les parts de marché au niveau de 1992, mais n'avaient pas arrêté de mécanismes précis de surveillance trimestrielle.

(579) La Commission considère que le comportement anticoncurrentiel portant sur les vitamines A, E, B1, B2, B5, B6, C, D3 et H, l'acide folique, le bêta-carotène et les caroténoïdes présente, pour chaque produit vitaminique, toutes les caractéristiques d'un véritable accord au sens de l'article 81 du traité.

(580) Du fait de la continuité et de la similarité de leur fonctionnement, la Commission estime qu'il convient de traiter l'ensemble des accords englobant les différentes vitamines dans le cadre d'une seule et même procédure. La Commission statue donc par une décision unique sur plusieurs infractions.

(581) Dans sa réponse à la communication des griefs, Roche affirme ne pas s'opposer à ce que la Commission traite l'ensemble des ententes relatives aux diverses vitamines dans le cadre d'une même procédure, mais rejeter l'idée que les différents accords collusoires soient considérés comme une seule et même entente délictueuse. Selon Roche, chaque enquête devrait se limiter à un marché de produits, autrement dit à un seul produit vitaminique. Roche fait aussi remarquer que, à sa connaissance, aucun élément ne prouve l'existence d'un accord entre les divers producteurs de vitamines destiné à établir un "système global coordonné" pour tout le secteur des vitamines.

(582) La Commission a décrit de façon détaillée les différents marchés de produits vitaminiques et les caractéristiques de l'infraction portant sur chacun d'entre eux. Le traitement d'infractions distinctes dans le cadre d'une même procédure ne saurait en aucun cas signifier que les différentes ententes sont considérées comme une seule infraction. En tout état de cause, il découle des faits décrits à la partie 1 de la présente décision et des considérants 567 à 577 que les accords collusoires relatifs aux diverses vitamines n'ont pas été le résultat d'une démarche spontanée ou du hasard, mais ont été planifiés, conçus et dirigés par les mêmes personnes au plus haut niveau de la direction de Roche et des autres entreprises.

(583) La Commission a examiné les arrangements concernant chacun des produits vitaminiques et identifié les participants à chacune des infractions affectant le marché d'un produit vitaminique. Si certaines des entreprises destinataires de la présente décision sont étrangères à certaines de ces infractions, la décision permet à tout destinataire de dégager avec précision les griefs retenus à son égard (affaires jointes 40/73 à 48/73 et autres, Suiker Unie et autres contre Commission, Recueil 1975, p. 1663, point 111).

(584) La Commission considère que les accords de cartel relatifs aux produits vitaminiques identifiés constituaient tous des infractions distinctes, bien que les différents accords collusoires répondent à un schéma similaire. En outre, la Commission tient compte du rôle particulier joué par Roche et BASF, qui ont participé à chacun d'eux pour cloisonner les différents marchés(35). Cependant, la Commission ne tient pas pour responsables de l'entente relative à un produit les producteurs qui n'y ont pas participé (tableau au considérant 2 ainsi que considérants 565 à 574).

(585) Le fait que les producteurs japonais ne participaient pas aux réunions plénières avec les producteurs européens ne remet aucunement en cause l'appréciation de leur pleine participation à un "accord" au sens de l'article 81, paragraphe 1, du traité. Non seulement ils ont été impliqués dans la conception des systèmes destinés à cartelliser les différents marchés de produits, mais, par l'intermédiaire de Roche et, parfois, d'autres producteurs, ils en ont favorisé aussi pleinement la mise en oeuvre et l'exécution continues.

(586) Dans le cas de certains produits, la participation au cartel ne se limitait pas aux producteurs eux-mêmes. En ce qui concerne le comportement de BASF pour la vitamine B1 et la biotine, bien qu'elle ne fabriquât pas elle-même ces produits, cette entreprise était pleinement associée à l'objectif commun des producteurs qui était de fixer les prix et d'appliquer des quotas. Pour des raisons analogues, Rhône-Poulenc doit également être considérée comme partie à part entière à l'accord concernant la vitamine D3, dont elle n'était pas un fabricant.

(587) BASF avait cessé de produire elle-même de la vitamine B1 en 1989, mais les preuves documentaires (considérants 261 à 269) font apparaître qu'elle était partie au dispositif de quotas, était représentée par Roche aux réunions avec Takeda et recevait des instructions de Roche concernant les prix qu'elle devait appliquer. Pour la biotine également, le rôle de BASF allait bien au-delà de l'approbation et de l'encouragement du système illicite. Elle était codestinataire et bénéficiaire du quota attribué à Merck.

2.2.4. RESTRICTION DE CONCURRENCE

(588) Les accords applicables aux vitamines A, E, B1, B2, B5, B6, C, D3 et H, à l'acide folique, au bêta-carotène et aux caroténoïdes ont tous eu pour objet et pour effet de restreindre le jeu de la concurrence dans la Communauté et l'EEE.

L'article 81, paragraphe 1, du traité mentionne expressément comme restrictifs de concurrence les accords qui consistent à:

- fixer de façon directe ou indirecte les prix de vente ou d'autres conditions de transaction,

- limiter ou contrôler la production, les débouchés ou le développement technique,

- répartir les marchés ou les sources d'approvisionnement.

(589) Tels sont les objectifs essentiels de chacun des accords horizontaux examinés dans la présente affaire. Le prix étant le principal instrument de concurrence, en recourant à divers arrangements et mécanismes collusoires, les producteurs avaient tous pour objectif ultime de gonfler les prix à leur avantage et de les porter à un niveau supérieur à celui qui résulterait du jeu de la libre concurrence. La répartition des marchés et la fixation des prix sont, par nature, restrictifs de la concurrence au sens de l'article 81, paragraphe 1, du traité et de l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE.

(590) Les principaux aspects des accords et des arrangements qui peuvent être considérés comme restreignant la concurrence sont les suivants:

- répartition des marchés et des parts de marché,

- accord sur des augmentations de prix concertées,

- accord sur des objectifs de prix et des prix minimaux,

- concertation sur l'application de ces augmentations de prix sur les différents marchés,

- adaptation du comportement individuel et des prix de chaque entreprise afin de garantir le maintien des quotas convenus et, dans certains cas, adoption de mesures de "compensation" pour ajuster les ventes réelles aux quotas attribués,

- application renforcée des augmentations de prix par la concertation et la gestion des "clients clés",

- répartition des ventes à certains clients(36).

(591) Afin de garantir la mise en oeuvre de leurs accords restrictifs, les participants ont conçu et appliqué un système d'échange de données et de surveillance, sauf pour la vitamine H. Ils ont aussi participé à des réunions périodiques et établi d'autres contacts afin de se mettre d'accord sur les restrictions, de les mettre en oeuvre et/ou, le cas échéant, de les modifier. Par exemple, Coca-Cola pour la vitamine C.

(592) Il convient également de considérer que les principaux producteurs (BASF et Roche en particulier), du fait qu'ils fabriquaient eux-mêmes des prémix et approvisionnaient en vitamines les autres producteurs de prémix, étaient en mesure de "comprimer" les marges et de porter préjudice, réellement ou potentiellement, à l'activité de leurs clients en augmentant le prix des vitamines qu'ils leur vendaient.

(593) Merck fait valoir que la Commission n'a pas précisé la nature des faits matériels correspondant aux catégories énumérées à l'article 81, paragraphe 1, du traité et que la présentation de ses griefs comporte des lacunes et est trop générale. La Commission rejette cet argument. Les faits matériels se rapportant à chaque infraction commise sur les différents marchés de produits concernés sont présentés d'une manière circonstanciée à la partie 1. Quant aux principales restrictions de concurrence identifiées, elles sont communes à toutes les infractions affectant les marchés en cause sans exception. La très grande similitude qui existe entre les accords et les arrangements collusoires conclus entre les différents participants justifie amplement une appréciation juridique commune des faits et ne signifie nullement que la Commission tient pour responsables d'une entente relative à un produit des producteurs qui n'y ont pas participé [tableaux a) et b) considérant 2].

(594) Étant donné la nature manifestement anticoncurrentielle de l'objet des accords, il n'est pas nécessaire de démontrer que ces derniers ont eu un effet dommageable sur la concurrence (arrêt du Tribunal de première instance du 12 juillet 2001 dans les affaires jointes T-202/98, T-204/98 et T-207/98, British Sugar et autres contre Commission, non encore publié, points 72 et 73).

(595) Le partage des marchés et la fixation des prix restreignent par leur nature même la concurrence au sens de l'article 81, paragraphe 1, du traité. Qu'ils soient ou non parvenus, par le biais de leurs accords, à contrôler les marchés des vitamines A, E, B1, B2, B5, B6, C, D3 et H, de l'acide folique, du bêta-carotène et des caroténoïdes, les producteurs ont mis en place un mécanisme durable et très sophistiqué destiné à régir leur comportement commercial dans le cadre de ce qu'ils percevaient comme une solidarité mutuelle et un intérêt commercial commun.

2.2.5. EFFETS SUR LES ÉCHANGES ENTRE ÉTATS MEMBRES ET ENTRE LES PARTIES CONTRACTANTES À L'ACCORD EEE

(596) L'accord continu entre producteurs a eu un effet sensible sur le commerce entre États membres et entre les parties contractantes à l'accord EEE.

(597) L'article 81, paragraphe 1, du traité vise les accords susceptibles de compromettre l'achèvement du marché unique entre les États membres, soit en cloisonnant les marchés nationaux, soit en affectant la structure de la concurrence à l'intérieur du marché commun. De la même manière, l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE interdit les accords qui compromettent la réalisation d'un espace économique européen homogène.

(598) Selon une jurisprudence constante, "un accord entre entreprises ou une pratique concertée, pour être susceptible d'affecter le commerce entre États membres, doit, sur la base d'un ensemble d'éléments objectifs de droit ou de fait, permettre d'envisager, avec un degré de probabilité suffisant, qu'il puisse exercer une influence directe ou indirecte, actuelle ou potentielle, sur les courants d'échanges entre États membres, dans un sens qui pourrait nuire à la réalisation des objectifs d'un marché unique entre les États membres" (arrêt du Tribunal de première instance du 12 juillet 2001 dans les affaires jointes T-202/98, T-204/98 et T-207/98, British Sugar et autres contre Commission, point 78).

(599) Les marchés des vitamines A, E, B1, B2, B5, B6, C, D3 et H, de l'acide folique, du bêta-carotène et des caroténoïdes se caractérisent par un important volume d'échanges entre les États membres (considérants 74 et 75), ainsi qu'entre la Communauté et l'AELE: la Norvège et l'Islande importent 100 % de leur consommation, essentiellement de la Communauté. Avant leur adhésion, l'Autriche, la Finlande et la Suède importaient la totalité de leurs besoins de vitamines en vrac.

(600) L'application de l'article 81, paragraphe 1, du traité et de l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE à une entente ne se limite cependant pas à la partie des ventes des parties à l'entente qui impliquent effectivement un transfert physique de marchandises d'un pays à l'autre. Il n'est pas non plus nécessaire, pour que ces dispositions soient applicables, de démontrer que les comportements individuels de chaque participant, par opposition au cartel dans son ensemble, ont affecté le commerce entre États membres (arrêt du Tribunal de première instance dans l'affaire T-13/89, Imperial Chemical Industries contre Commission, Recueil 1992, p. II-1021, point 304).

(601) En l'espèce, l'entente couvrait la quasi-totalité des échanges sur tout le territoire de la Communauté et de l'EEE dans cet important secteur industriel. L'existence de mécanismes de fixation des prix et d'attribution de quotas doit avoir eu pour effet, ou était susceptible d'avoir pour effet, de détourner systématiquement les courants commerciaux de l'orientation qu'ils auraient autrement connue (arrêt de la Cour dans les affaires jointes 209/78 à 215/78 et 218/78, Van Landewyck et autres contre Commission, Recueil 1980, p. 3125, point 170).

(602) Sumika déclare qu'il n'y a pas eu d'incidence appréciable sur le commerce entre États membres en ce qui concerne l'acide folique parce que le marché européen ne représentait, en valeur, que quelque 10 millions d'euros et que les échanges entre États membres n'auraient pas été affectés.

(603) Premièrement, il y a lieu de rejeter l'argument implicite de Sumika selon lequel une restriction de concurrence sur un marché de 10 millions d'euros ne saurait affecter d'une manière sensible le commerce entre États membres. L'effet d'une restriction de concurrence doit être apprécié au regard de son incidence potentielle sur le marché concerné, indépendamment de la valeur monétaire du marché de produits. En l'espèce, l'accord anticoncurrentiel était de nature à affecter l'ensemble du marché de l'acide folique de l'EEE.

(604) Deuxièmement, il convient aussi de démentir l'allégation selon laquelle le commerce entre États membres n'aurait pas été affecté. La Commission rejette la thèse de Sumika selon laquelle "Hoffmann-La Roche produisait de l'acide folique principalement aux fins de la fabrication de ses prémix et non pour le vendre sur le marché européen ou d'autres marchés". En effet, il ressort de son argumentation que l'accord restrictif a eu une incidence sur le prix des produits (les prémix) commercialisés dans l'EEE et a donc nécessairement affecté le commerce entre États membres. En outre, si les producteurs japonais ne possédaient pas d'installations de production en Europe, ils n'en commercialisaient pas moins de l'acide folique dans toute l'Europe et influençaient donc le commerce intracommunautaire. Enfin, l'entente entre Roche et les producteurs japonais d'acide folique a permis de restreindre les exportations destinées à l'EEE, produisant ainsi un effet restrictif sur le commerce intracommunautaire.

(605) Merck soutient que la Commission n'a pas démontré l'incidence des accords relatifs à la vitamine C et à la vitamine H sur le commerce entre États membres. Or, la Commission n'est pas tenue de démontrer que ces accords ont eu un effet sur le commerce entre États membres, mais doit établir qu'ils étaient de nature à avoir un tel effet. Merck, quant à elle, ne présente aucun argument permettant d'exclure définitivement que les accords sur la vitamine C et la vitamine H étaient de nature à produire un tel effet.

2.2.6. RÈGLES DE CONCURRENCE APPLICABLES À L'AUTRICHE, À LA FINLANDE, À L'ISLANDE, À LA NORVÈGE ET À LA SUÈDE

(606) L'accord EEE est entré en vigueur le 1er janvier 1994. Pour la période de fonctionnement du cartel antérieure à cette date, la seule disposition pertinente aux fins de la présente procédure est l'article 81 du traité. Dans la mesure où les arrangements du cartel couvraient l'Autriche, la Finlande, l'Islande, la Norvège et la Suède (qui étaient alors membres de l'AELE), ils ne sont pas considérés comme une infraction à l'article 81, paragraphe 1, du traité.

(607) Au cours de la période allant du 1er janvier au 31 décembre 1994, les dispositions de l'accord EEE étaient applicables aux six États de l'AELE qui avaient adhéré à l'EEE. Le cartel constituait par conséquent une infraction à l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE, ainsi qu'à l'article 81, paragraphe 1, du traité, et la Commission est compétente pour appliquer ces deux dispositions. La restriction de concurrence dans ces cinq États de l'AELE pendant cette période d'un an tombe sous le coup de l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE.

(608) Après l'adhésion, le 1er janvier 1995, de l'Autriche, de la Finlande et de la Suède à la Communauté, l'article 81, paragraphe 1, du traité est devenu applicable à l'entente dans la mesure où elle affectait la concurrence sur ces marchés. Le fonctionnement du cartel en Islande et en Norvège a continué à enfreindre l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE.

(609) Concrètement, dans la mesure où les accords du cartel étaient applicables à l'Autriche, à la Finlande, à l'Islande, à la Norvège et à la Suède, ils constituent une infraction aux règles de concurrence communautaires et/ou de l'EEE à compter du 1er janvier 1994.

2.2.7. DURÉE DES INFRACTIONS

(610) Bien que certains éléments indiquent que des contacts ont pu avoir lieu entre certains producteurs de vitamines avant 1989, la Commission limite son appréciation au regard de l'article 81 du traité, ainsi que l'application d'éventuelles amendes, à la période commençant en septembre 1989 (mois au cours duquel a eu lieu la réunion de Zurich où a été décidée la constitution du cartel pour les vitamines A et E).

(611) Il convient évidemment de noter que, dans la mesure où les arrangements du cartel pour chaque produit vitaminique s'appliquaient également à l'Autriche, à la Finlande, à l'Islande, à la Norvège et à la Suède, ils ne constituent pas une infraction aux règles de concurrence avant le 1er janvier 1994, date à laquelle l'accord EEE est entré en vigueur.

(612) La présente section énonce séparément pour chaque vitamine les éléments à prendre en considération pour établir la durée de l'implication de chaque producteur.

2.2.7.1. Vitamines A et E

(613) Les trois producteurs européens, Roche, BASF et Rhône-Poulenc, ont adhéré aux accords illégaux en septembre 1989(37).

(614) On peut considérer que l'adhésion d'Eisai au cartel pour la vitamine E date au plus tard de la réunion au Japon des 8 et 9 janvier 1991, lors de laquelle ses dirigeants ont confirmé qu'ils étaient disposés à adhérer aux accords existants(38).

(615) Les quatre producteurs ont poursuivi leur entente jusqu'en février 1999(39).

2.2.7.2. Vitamine B1

(616) Les accords sur la vitamine B1 conclus entre Roche, BASF et Takeda ont été instaurés en janvier 1991. D'après ces producteurs, la dernière réunion du cartel a eu lieu en juin 1994. Cette date sera retenue comme date de cessation de l'infraction(40).

(617) Il convient de considérer que BASF a été membre du cartel pendant toute la durée de son existence, soit de janvier 1991 à juin 1994(41).

2.2.7.3. Vitamine B2

(618) Les deux principaux producteurs, Roche et BASF, se sont entendus sur le mécanisme de base du cartel pour la vitamine B2 les 14 et 15 juillet 1991(42). Takeda a commencé à prendre part à cet accord collusoire en janvier 1992 ou vers cette date(43).

(619) Cet accord a pris fin en septembre 1995(44).

2.2.7.4. Vitamine B5

(620) L'implication de Roche, de BASF et de Daiichi est établie à partir de janvier 1991(45).

(621) Ce cartel a persisté au moins jusqu'à la réunion de Tokyo du 12 février 1999(46).

2.2.7.5. Vitamine B6

(622) Le cartel pour la vitamine B6 entre Roche, Daiichi et Takeda a également débuté en janvier 1991(47).

(623) Bien que les parties aient continué à échanger des "données sur les tendances en matière de prix" jusqu'à une date indéterminée, la dernière réunion connue pour ce produit a eu lieu en juin 1994. Cette date sera considérée comme la date de cessation de l'infraction(48).

2.2.7.6. Acide folique

(624) Le cartel pour l'acide folique entre Roche, Takeda, Kongo et Sumika a commencé au début du mois de janvier 1991. La dernière réunion connue pour ce produit a eu lieu en juin 1994. Cette date sera considérée comme la date de cessation de l'infraction(49).

2.2.7.7. Vitamine C

(625) Aux fins de la présente procédure, on peut considérer que tous les producteurs ont également commencé à participer à ce cartel en janvier 1991. Roche, BASF et Merck se sont réunis en janvier, et peu de temps après (les 30 et 31 janvier), Roche s'est rendu à Tokyo pour obtenir l'accord de Takeda(50).

(626) La dernière réunion du cartel pour laquelle on dispose de documents s'est tenue à Hong Kong en août 1995. Bien que les parties aient continué d'établir des prévisions en matière de prix après cette date, celle-ci sera considérée comme la date de cessation de l'infraction(51).

2.2.7.8. Vitamine D3

(627) Aux fins de la présente procédure, la Commission considérera comme point de départ la date de la première réunion reconnue entre Roche, BASF et Solvay, en janvier 1994(52).

(628) Bien que la dernière réunion plénière entre Solvay, Roche et BASF se soit déroulée en août 1997, le cartel a continué de fonctionner jusqu'en juillet 1998(53).

2.2.7.9. Vitamine H

(629) En ce qui concerne la biotine, la Commission considérera que l'entente a commencé en octobre 1991, date de la réunion de Lugano, à laquelle participaient Roche, Lonza, Merck, Sumitomo et Tanabe(54).

(630) La dernière réunion connue pour ce produit s'est tenue le 19 avril 1994. Bien que Roche et Tanabe aient poursuivi leurs contacts après cette date, celle-ci sera considérée comme la date de cessation de l'infraction(55).

2.2.7.10. Bêta-carotène et caroténoïdes

(631) Bien que BASF reconnaisse avoir eu des "contacts occasionnels" avec Roche entre 1988 et 1991, la Commission retiendra la date du 22 septembre 1992 comme point de départ du cartel pour le bêta-carotène(56) et mai 1993 pour les caroténoïdes(57).

(632) Le cartel pour ces deux produits a fonctionné jusqu'en décembre 1998(58).

2.2.8. DESTINATAIRES: IDENTITÉ DE L'ENTREPRISE ET SUCCESSION

(633) À la lumière des faits, tels qu'ils sont décrits à la partie 1, il est établi que Roche, BASF, Solvay, Merck, Lonza AG, Daiichi, Eisai, Kongo, Sumitomo, Sumika, Takeda et Tanabe ont directement pris part à des accords collusoires concernant différents cartels pour des produits vitaminiques. Par conséquent, chacune de ces entreprises assumera la responsabilité des infractions qu'elle a commises et est donc destinataire de la présente décision.

(634) En l'espèce, Rhône-Poulenc a modifié sa forme juridique depuis la fin, ou la fin présumée, de son implication dans différents accords illégaux.

(635) Une modification de la forme juridique ou de la raison sociale ne dégage pas une entreprise de sa responsabilité à encourir des sanctions pour comportement anticoncurrentiel. Lorsque la personne morale qui a commis l'infraction a cessé d'exister juridiquement, son successeur devient passible, à sa place, de l'amende. Il en est ainsi, car l'objet des règles de concurrence posées par le traité et l'accord EEE est l'"entreprise", notion qui ne se confond pas nécessairement avec celle de personne morale en droit commercial, en droit des sociétés ou en droit fiscal national.

(636) L'"entreprise" n'est pas définie dans le traité. Le Tribunal de première instance a conclu que "l'article 81, paragraphe 1, du traité s'adresse à des entités économiques consistant chacune en une organisation unitaire d'éléments personnels, matériels et immatériels poursuivant de façon durable un but économique déterminé, organisation pouvant concourir à la commission d'une infraction visée par cette disposition" (affaire T-352/94, Mo Och Domsjö AB contre Commission, Recueil 1998, p. II-1989, point 87).

(637) En outre, si l'objet des règles de concurrence est l'entreprise, l'application de ces règles, ainsi que l'imposition et le recouvrement de toute amende nécessitent l'identification d'une personne morale donnée responsable du comportement de cette entreprise et qui sera destinataire de la décision.

(638) Comme l'a constaté le Tribunal de première instance dans l'affaire T-6/89, Enichem Anic contre Commission, Recueil 1991, p. II-1623, lorsque, entre le moment où l'infraction est commise et le moment où l'entreprise en cause doit en répondre, la personne responsable de l'exploitation de cette entreprise a cessé d'exister juridiquement, il convient de localiser, dans un premier temps, l'ensemble des éléments matériels et humains ayant concouru à la commission de l'infraction pour identifier, dans un second temps, la personne qui est devenue responsable de l'exploitation de cet ensemble.

(639) La personne juridique à laquelle l'amende est infligée peut par conséquent être différente de celle qui existait au moment où l'infraction a été commise.

(640) Dans le cas de Rhône-Poulenc, comme il est indiqué à la section 1.2.5.3, étant donné que cette entreprise exerçait une influence déterminante sur RPAN, sa filiale à 100 %, qui était directement impliquée dans les ententes portant sur les vitamines A, E et D3, la Commission la tient pour responsable de l'infraction. Rhône-Poulenc a fusionné avec Hoechst pour former une nouvelle société, Aventis, le 15 décembre 1999, soit dix mois après la fin des infractions sur les marchés de la vitamine A et de la vitamine E et dix-sept mois après la fin des infractions concernant la vitamine D3. RPAN est maintenant devenue AAN, une branche d'activité de la nouvelle société issue de la fusion, Aventis SA, dont l'exploitation relève de la responsabilité de cette dernière. À cet égard, la jurisprudence communautaire établit "..., lorsque l'existence d'une infraction est établie, il convient de déterminer la personne physique ou morale qui était responsable de l'exploitation de l'entreprise au moment où l'infraction a été commise afin qu'elle réponde de celle-ci. Toutefois, lorsque, entre le moment où l'infraction est commise et le moment où l'entreprise en cause doit en répondre, la personne responsable de l'exploitation de cette entreprise a cessé d'exister juridiquement, il convient de localiser, dans un premier temps, l'ensemble des éléments matériels et humains ayant concouru à la commission de l'infraction pour identifier, dans un second temps, la personne qui est devenue responsable de l'exploitation de cet ensemble, afin d'éviter que, en raison de la disparition de la personne responsable de son exploitation au moment de la commission de l'infraction, l'entreprise puisse ne pas répondre de celle-ci" (affaires jointes T-305/94 et autres, PVC II, Recueil 1999, p. II-0931, point 953).

(641) Étant donné la continuité existant entre Rhône-Poulenc SA et Aventis SA (voir à cet égard les postes et le personnel responsables des activités de l'entreprise dans le secteur des vitamines aux considérants 92 et 93), le fait que Rhône-Poulenc SA (avant sa fusion avec Hoechst), puis Aventis SA, après s'être adresséee spontanément et de propos délibéré à la Commission, a été le seul interlocuteur de celle-ci au cours de la procédure administrative et le fait que l'entreprise n'a à aucun moment nié avoir eu connaissance des ententes dans lesquelles RPAN était directement impliquée ni contesté que cette infraction lui soit imputée (affaire C-286/98 P, Stora Kopparbergs Bergslags AB contre Commission, Recueil 2000, p. 9925, point 29), Aventis SA est destinataire de la présente décision(59).

(642) Dans d'autres cas, il n'est pas question de succession, mais il est nécessaire d'identifier, au sein du groupe, l'entité juridique à laquelle doit être adressée la décision. Pour ce qui est de Solvay Pharmaceuticals BV, elle a participé directement à l'infraction et fonctionne comme une entité distincte de sa société mère Solvay SA. La Commission adresse par conséquent la présente décision à Solvay Pharmaceuticals BV.

(643) En ce qui concerne Lonza AG, bien qu'elle ait été acquise en 1994 par Alusuisse, qui s'est ensuite dissociée du groupe pour constituer Lonza Group AG, elles a toujours existé en tant qu'entreprise dotée d'une gestion séparée. La présente décision est par conséquent adressée à Lonza AG.

(644) Comme elle a participé directement au cartel pour la vitamine H (biotine), Sumitomo est destinataire de la présente décision à cet égard. Sumika est une filiale à 100 % de Sumitomo qui fonctionne comme une entité distincte de sa société mère, Sumitomo. Elle est issue de la fusion, en avril 1992, de trois filiales de Sumitomo, dont Yodogawa Chemicals, qui jusqu'à cette date s'occupait de la production et de la vente d'acide folique. Yodogawa et par la suite l'entreprise qui lui a succédé, Sumika, ont participé à un cartel pour l'acide folique et cette dernière est donc destinataire de la présente décision en ce qui concerne ce produit.

2.2.9. APPLICABILITÉ DE LA PRESCRIPTION

(645) Selon l'article 1er du règlement (CEE) n° 2988/74 du Conseil du 26 novembre 1974 relatif à la prescription en matière de poursuites et d'exécution dans les domaines du droit des transports et de la concurrence de la Communauté économique européenne(60), le pouvoir de la Commission de prononcer des amendes ou des sanctions pour infractions aux dispositions de fond du droit de la concurrence est soumis à un délai de prescription de cinq ans. Pour les infractions continues, la prescription ne court qu'à compter du jour où l'infraction a pris fin(61). La prescription est interrompue par tout acte de la Commission visant à l'instruction ou à la poursuite de l'infraction et court à nouveau à partir de chaque interruption(62).

(646) Comme établi dans la présente décision, les sociétés Lonza AG, Kongo Chemical Co Ltd, Sumitomo Chemical Co Ltd, Sumika Fine Chemicals Ltd et Tanabe Saiyaku Co Ltd ont été associées directement aux faits faisant l'objet de la présente procédure et ont donc pris part à une infraction à l'article 81, paragraphe 1, du traité et à l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE.

(647) Dans tous les cas, ces sociétés sont réputées avoir mis fin à leur participation aux accords constitutifs de l'entente auxquels elles étaient respectivement parties (vitamine H ou acide folique) plus de cinq ans avant que la Commission n'entame son enquête. Les infractions concernant la vitamine H et l'acide folique ont pris fin respectivement le 19 avril 1994 et en juin 1994. La Commission a envoyé ses premières demandes de renseignements écrites concernant la vitamine H et l'acide folique respectivement le 20 août 1999 et le 15 novembre 1999.

(648) Les infractions relatives aux vitamines B1 et B6 ont toutes les deux pris fin en juin 1994. La Commission a envoyé sa première demande de renseignements écrite les concernant le 19 août 1999. Par conséquent, BASF AG, Daiichi Pharmaceutical Co Ltd, F. Hoffmann-La Roche AG et Takeda Chemical Industries Ltd sont réputées avoir mis fin à leur participation aux accords constitutifs des ententes relatives aux vitamines B1 ou B6 plus de cinq ans avant que la Commission n'entame son enquête.

(649) L'article 1er du règlement (CEE) n° 2988/74 est donc applicable et, bien qu'ayant participé aux infractions, Lonza AG, Kongo Chemical Co Ltd, Sumitomo Chemical Co Ltd, Sumika Fine Chemicals Ltd et Tanabe Saiyaku Co Ltd ne font pas l'objet d'amendes dans le cadre de la présente décision. De même, ni BASF AG, ni Daiichi Pharmaceutical Co Ltd, ni F. Hoffmann-La Roche AG, ni Merck KgaA, ni Takeda Chemical Industries Ltd ne font l'objet d'amendes pour leur participation aux infractions relatives aux vitamines B1, B6 et H (biotine) ou à l'acide folique.

(650) Dans leurs réponses respectives à la communication des griefs, Sumika et Sumitomo indiquent que même s'il était établi qu'elles ont commis une infraction, celle-ci ne pourrait plus faire l'objet d'une décision de la Commission car il y aurait prescription.

(651) Il convient de rejeter cet argument. Les règles relatives à la prescription concernent exclusivement l'application d'amendes ou de sanctions. Elles sont sans effet sur le droit de la Commission d'instruire des affaires relatives à des ententes et d'arrêter, le cas échéant, des décisions d'interdiction.

2.3. MESURES CORRECTIVES

2.3.1. ARTICLE 3 DU RÈGLEMENT N° 17

(652) Si la Commission constate une infraction aux dispositions de l'article 81, elle peut exiger des entreprises concernées qu'elles y mettent fin conformément à l'article 3 du règlement n° 17.

(653) En l'espèce, les sociétés membres des cartels relatifs aux différents produits vitaminiques se sont donné beaucoup de mal pour dissimuler leurs agissements illicites. Dans sa communication des griefs, la Commission a établi qu'il n'était pas possible de déclarer avec une certitude totale que ces infractions avaient pris fin.

(654) Dans leurs réponses à la communication des griefs, les entreprises indiquent avoir mis fin aux infractions. Malgré ces affirmations, et dans un souci de clarté, il convient d'exiger des entreprises qui sont destinataires de la présente décision et qui poursuivent leurs activités sur l'un quelconque des marchés de produits vitaminiques concernés qu'elles mettent fin à l'infraction, si elles ne l'ont pas déjà fait, et qu'elles s'abstiennent désormais de tout accord, de toute pratique concertée ou de toute décision d'association qui pourrait avoir un objet ou un effet similaire.

2.3.2. ARTICLE 15, PARAGRAPHE 2, DU RÈGLEMENT N° 17

2.3.2.1. Considérations générales

(655) Conformément à l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17(63), la Commission peut, par voie de décision, infliger aux entreprises des amendes d'un montant de mille à un million d'euros, ce dernier montant pouvant être porté à 10 % du chiffre d'affaires réalisé au cours de l'exercice social précédent par chacune des entreprises ayant participé à l'infraction, lorsque, de propos délibéré ou par négligence, elles commettent une infraction aux dispositions de l'article 81, paragraphe 1, du traité et/ou à l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE.

(656) Eu égard à la nature des accords en question, telle que décrite dans la partie de la présente décision consacrée aux faits, et aux mesures adoptées pour leur mise en oeuvre, les entreprises ne pouvaient pas ignorer que leur comportement avait pour objet de restreindre la concurrence. La Commission conclut par conséquent que chaque cartel constitue une infraction délibérée à l'article 81, paragraphe 1, du traité et à l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE.

(657) Pour déterminer le montant de l'amende, la Commission doit prendre en considération toutes les circonstances de l'espèce et en particulier la gravité et la durée de l'infraction, qui sont les deux critères explicitement visés à l'article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17.

(658) Le rôle joué par chaque entreprise partie aux infractions est apprécié cas par cas. La Commission tiendra notamment compte, dans le montant de l'amende infligée, des éventuelles circonstances aggravantes ou atténuantes, et elle appliquera, le cas échéant, la communication sur la clémence.

2.3.2.2. Montant de base des amendes

(659) Le montant de base est déterminé en fonction de la gravité et de la durée de l'infraction.

(660) En l'espèce, les infractions faisant l'objet des amendes ont été commises sur huit marchés de produits vitaminiques distincts: vitamines A, E, C, B2, B5 et D3, bêta-carotène et caroténoïdes.

(661) Vu la continuité ainsi que la similarité des caractéristiques et de la méthode, le degré de gravité des infractions commises sur ces marchés, leur incidence réelle sur le marché et l'étendue des marchés géographiques en cause sont appréciés ensemble. D'autres éléments de la gravité, comme l'application d'un traitement différencié prenant en considération la capacité économique des différentes entreprises et la nécessité d'assurer un caractère suffisamment dissuasif, sont appréciés séparément pour les différentes entreprises sur chaque marché de produits. Comme les infractions ont eu des durées différentes sur chaque marché concerné, cet élément est analysé séparément.

Gravité

(662) Pour apprécier la gravité des infractions, la Commission prend en considération leur nature, leur incidence réelle sur le marché, lorsqu'elle est mesurable, et l'étendue du marché géographique en cause.

Nature des infractions

Ensemble des produits (vitamines A, E, C, B2, B5 et D3, bêta-carotène et caroténoïdes)

(663) Il ressort de ce qui précède que les présentes infractions ont principalement consisté en des pratiques de répartition des marchés et de fixation des prix, qui sont par leur nature même des violations très graves de l'article 81, paragraphe 1, du traité et de l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE.

(664) Les accords relatifs aux vitamines A, E, C, B2, B5 et D3, au bêta-carotène et aux caroténoïdes sont des infractions délibérées à l'article 81, paragraphe 1, du traité et à l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE. Tout en étant parfaitement conscients du caractère illicite de leurs actes, les principaux producteurs ont oeuvré de concert à l'instauration de systèmes secrets et institutionnalisés visant à restreindre le jeu de la concurrence dans un important secteur de l'industrie.

(665) Les arrangements du cartel ont infiltré l'ensemble du secteur des vitamines et ont pour l'essentiel étaient conçus, dirigés et encouragés aux plus hauts niveaux des entreprises concernées. Par leur nature même, ces accords ont entraîné automatiquement une importante distorsion de concurrence, au seul bénéfice des producteurs membres et au détriment de leurs clients et, en dernière analyse, du grand public.

(666) La Commission estime par conséquent que les infractions relatives aux vitamines A, E, C, B2, B5 et D3, au bêta-carotène et aux caroténoïdes constituent par leur nature des violations très graves de l'article 81, paragraphe 1, du traité et de l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE.

Incidence des infractions sur les divers marchés de produits vitaminiques dans l'EEE

(667) La Commission considère que les infractions commises par des producteurs, pendant les périodes concernées, couvraient plus de 80 % au moins du marché mondial et de l'EEE des vitamines A, E, C, B2, B5 et D3, du bêta-carotène et des caroténoïdes, et ont eu une incidence réelle sur ces marchés de produits dans l'EEE. Les prix étaient non seulement convenus, mais aussi mis en oeuvre sur chacun des marchés.

(668) Roche fait valoir que les hausses de prix observées sur les marchés lors de la période de fonctionnement des cartels ne sont pas toutes imputables aux activités de ceux-ci, de même que les baisses de prix enregistrées sur les marchés à l'issue de cette période ne sont pas attribuables à la cessation desdites activités. Pour ce qui est des hausses de prix observées, Roche estime que, pour de nombreuses raisons d'ordre économique, comme les fluctuations monétaires, les contraintes de capacité et les modifications de l'offre et de la demande, les prix des vitamines auraient de toute façon augmenté sensiblement au début des années quatre-vingt-dix, même en l'absence de toute entente entre producteurs. De même, Roche est d'avis que les baisses de prix observées après la disparition des ententes pourraient pour l'essentiel s'expliquer par des facteurs économiques sans lien avec la cessation des activités des cartels, tels que l'expansion agressive des producteurs chinois sur les différents marchés vitaminiques.

(669) Contrairement à ce que prétend Roche, la Commission estime qu'il convient d'interpréter l'augmentation sensible du prix des vitamines A, E, C, B2, B5 et D3, du bêta-carotène et des caroténoïdes pendant la durée de fonctionnement des ententes à la lumière du fait que les membres des cartels convenaient de prix cibles, d'une répartition des parts de marché et de systèmes d'échange d'informations et de surveillance pour chaque produit vitaminique concerné(64). En toute hypothèse, même s'il était vrai que, en l'absence d'entente, le niveau des prix aurait été identique à celui atteint dans le cadre des cartels, cela montrerait simplement l'inefficacité ou le manque d'ambition de ces derniers. Cette circonstance ne saurait être valablement opposée à la conclusion de la Commission selon laquelle les hausses de prix effectivement mises en oeuvre ont résulté des activités des membres des cartels. Cette conclusion s'appuie sur des faits observés et reconnus. Roche aurait dû prouver que les hausses de prix n'étaient par causées par le cartel.

(670) S'agissant des accords relatifs à la vitamine C, Merck affirme que, en ce qui la concerne, ils se sont révélés difficiles à appliquer et inefficaces en pratique, et ne portaient pas sur des volumes de ventes. Selon Merck, les prix cibles se situaient à un niveau légèrement supérieur à ceux du marché et une partie significative de ce dernier n'était pas affectée par les arrangements, la part des producteurs de vitamine C non membres du cartel s'élevant à 30 %. Par conséquent, Merck soutient que le prix atteint dans le cadre des accords collusoires ne dépassait que légèrement le prix qui aurait été pratiqué en l'absence d'accords.

(671) Contrairement aux affirmations de Merck, la Commission estime qu'il convient d'interpréter l'augmentation sensible du prix de la vitamine C entre 1991 et 1995 à la lumière du fait que les membres des cartels convenaient de prix cibles, d'une répartition des parts de marché et d'un système d'échange d'informations et de surveillance(65). Comme dans le cas de la réponse apportée aux arguments de Roche, la mesure dans laquelle les prix auraient été différents en l'absence d'entente relève du domaine des conjectures, mais la mise en oeuvre consciente des accords constitutifs des ententes a entraîné un risque sérieux que ces prix soient plus élevés que dans des conditions normales de concurrence. Merck ne fournit aucun élément de preuve pour infirmer cette conclusion.

(672) En conclusion, la Commission estime que les parties destinataires de la présente décision ne sont pas parvenues à réfuter la conclusion relative à l'incidence réelle des infractions sur les différents marchés de produits vitaminiques dans l'EEE.

Taille du marché géographique en cause

(673) Aux fins de la détermination de la gravité, il est important de noter que chacune des infractions couvrait l'ensemble du marché commun et, après sa création, l'ensemble de l'EEE.

Conclusion provisoire

(674) Vu la nature des infractions examinées, leur incidence sur les différents marchés de produits vitaminiques concernés et le fait que chacune d'entre elles couvrait l'ensemble du marché commun et, après sa création, l'ensemble de l'EEE, la Commission est d'avis que les entreprises destinataires de la présente décision ont commis des infractions très graves à l'article 81, paragraphe 1, du traité et à l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE, passibles chacune d'une amende d'au moins 20 millions d'euros.

(675) En outre, pour déterminer le montant de départ des amendes, la Commission tient compte de la taille des différents marchés de produits vitaminiques concernés.

(676) Merck prétend que, en l'espèce, il n'est pas juste de conclure que son infraction relative à la vitamine C doit être considérée comme "très grave", en raison de sa participation marginale aux accords relatifs à ce produit.

(677) La Commission rejette cette affirmation. Les cartels de prix et les quotas de répartition des marchés, tels que définis par les lignes directrices de la Commission pour le calcul des amendes(66), sont clairement considérés comme des infractions très graves à l'article 81, paragraphe 1. Les caractéristiques propres à l'infraction portant sur le marché de la vitamine C, à savoir son incidence sur le marché et la taille du marché géographique en cause, ne font que confirmer cette conclusion. En tout état de cause, la circonstance qu'une participation à une entente ne serait que marginale, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, ne change en rien l'objet de l'entente, lequel correspond, en l'espèce, à une violation très grave, mais affecte uniquement le degré de participation d'une entreprise.

Traitement différencié

(678) Au sein de la catégorie des infractions très graves, l'échelle des amendes qui est prévue permet d'appliquer aux entreprises un traitement différencié afin de tenir compte de la capacité économique effective de chacune de créer un dommage important à la concurrence et de fixer le montant de l'amende à un niveau qui lui assure un caractère suffisamment dissuasif. La Commission observe qu'un tel exercice s'impose tout particulièrement lorsque, comme en l'espèce, il existe une disparité de taille considérable entre les entreprises participant à l'infraction.

(679) Dans les circonstances de l'espèce, qui concerne plusieurs entreprises, il est nécessaire, pour déterminer le montant de base des amendes, de prendre en considération le poids spécifique de chacune d'entre elles et, partant, l'incidence réelle de son comportement illicite sur la concurrence.

(680) À cette fin, il est possible de répartir les entreprises concernées en différentes catégories selon l'importance relative de chacune sur les différents marchés de produits vitaminiques concernés. Le classement d'une entreprise dans une catégorie déterminée peut, le cas échéant, faire l'objet d'un ajustement pour tenir compte, en particulier, de la nécessité d'assurer un effet dissuasif.

(681) Pour comparer l'importance relative des différentes entreprises sur chacun des marchés de produits vitaminiques concernés, la Commission estime approprié de s'appuyer sur le chiffre d'affaires lié au produit au plan mondial. En effet, toutes les ententes étaient mondiales par nature et avaient notamment pour objet de répartir les marchés au niveau mondial et donc d'empêcher les forces concurrentielles de jouer pleinement dans l'EEE. De surcroît, le chiffre d'affaires mondial d'un membre donné d'un cartel déterminé permet aussi de se faire une idée de sa contribution à l'efficacité de ce cartel dans son ensemble ou, à l'inverse, de l'instabilité qu'aurait connue le cartel s'il n'y avait pas participé. Cette comparaison repose sur les données relatives au chiffre d'affaires mondial imputable au produit en question pour la dernière année civile complète de l'infraction(67).

(682) La section suivante (considérants 683 à 696) indique séparément pour chacune des vitamines les facteurs utiles au classement des producteurs dans les différentes catégories.

Vitamine A

(683) Il ressort du tableau figurant à la section 1.2.6 que Roche était le principal producteur de vitamine A sur le marché mondial. Cette société est donc classée dans la première catégorie. BASF et Aventis, dont les parts de marché étaient sensiblement inférieures sur le marché mondial, sont classées dans la seconde catégorie.

(684) Eu égard aux considérations qui précèdent, le montant de départ approprié de l'amende relative à l'infraction portant sur le marché de la vitamine A, compte tenu des catégories établies sur la base du critère de l'importance relative des entreprises sur ce marché, s'établit comme suit:

- Roche: 30 millions d'euros,

- BASF et Aventis: 18 millions d'euros.

Vitamine E

(685) Le tableau figurant à la section 1.2.6 montre que Roche et BASF étaient les deux principaux producteurs de vitamine E sur le marché mondial. Ces deux sociétés sont donc classées dans la première catégorie. Eisai et Aventis, dont les parts de marché étaient sensiblement inférieures sur le marché mondial (moins du tiers de celle de Roche), sont classées dans la seconde catégorie.

(686) Eu égard aux considérations qui précèdent, le montant de départ approprié de l'amende relative à l'infraction portant sur le marché de la vitamine E, compte tenu des catégories établies sur la base du critère de l'importance relative des entreprises sur ce marché, s'établit comme suit:

- Roche et BASF: 35 millions d'euros,

- Eisai et Aventis: 10,5 millions d'euros.

Vitamine B2

(687) Roche était le principal producteur de vitamine B2 sur le marché mondial (tableau à la section 1.2.6). Cette société est donc classée dans la première catégorie. BASF et Takeda, dont les parts de marché étaient sensiblement inférieures sur le marché mondial (environ la moitié de celle de Roche ou moins de la moitié), sont classées dans la seconde catégorie.

(688) Eu égard aux considérations qui précèdent, le montant de départ approprié de l'amende relative à l'infraction portant sur le marché de la vitamine B2, compte tenu des catégories établies sur la base du critère de l'importance relative des entreprises sur ce marché, s'établit comme suit:

- Roche: 20 millions d'euros,

- BASF et Takeda: 10 millions d'euros.

Vitamine B5

(689) Le tableau figurant à la section 1.2.6 montre que Roche et Daiichi étaient les deux principaux producteurs de vitamine B5 sur le marché mondial. Ces sociétés sont donc classées dans la première catégorie. BASF, dont la part de marché était sensiblement inférieure sur le marché mondial (presque la moitié de celle de Roche), est classée dans la seconde catégorie.

(690) Eu égard aux considérations qui précèdent, le montant de départ approprié de l'amende relative à l'infraction portant sur le marché de la vitamine B5, compte tenu des catégories établies sur la base du critère de l'importance relative des entreprises sur ce marché, s'établit comme suit:

- Roche et Daiichi: 20 millions d'euros,

- BASF: 14 millions d'euros.

Vitamine C

(691) Il ressort du tableau figurant à la section 1.2.6 que Roche et Takeda étaient les deux principaux producteurs de vitamine C au niveau mondial, avec des parts de marché de respectivement 40 % et 24 %. Ces sociétés sont donc classées dans la première catégorie. BASF et Merck, dont les parts de marché étaient de beaucoup inférieures sur le marché mondial (moins de 9 %), sont classées dans la seconde catégorie.

(692) Eu égard aux considérations qui précèdent, le montant de départ approprié de l'amende relative à l'infraction portant sur le marché de la vitamine C, compte tenu des catégories établies sur la base du critère de l'importance relative des entreprises sur ce marché, s'établit comme suit:

- Roche et Takeda: 30 millions d'euros,

- BASF et Merck: 7,5 millions d'euros.

Vitamine D3

(693) Il ressort du tableau figurant à la section 1.2.6 que Roche et Solvay Pharmaceuticals étaient les deux principaux producteurs de vitamine D3 au niveau mondial, avec des parts de marché de respectivement 40 % et 32 %. Ces sociétés sont donc classées dans la première catégorie. BASF et Aventis, dont les parts de marché étaient sensiblement inférieures sur le marché mondial (15 et 9 % respectivement), sont classées dans la seconde catégorie.

(694) Eu égard aux considérations qui précèdent, le montant de départ approprié de l'amende relative à l'infraction affectant le marché de la vitamine D3, compte tenu des catégories établies sur la base du critère de l'importance relative des entreprises sur ce marché, s'établit comme suit:

- Roche et Solvay Pharmaceuticals: 10 millions d'euros,

- BASF et Aventis: 4 millions d'euros.

Bêta-carotène

(695) Vu les caractéristiques du marché mondial du bêta-carotène, qui est essentiellement entre les mains de deux grands producteurs, il n'y a pas lieu en l'espèce de créer des catégories d'entreprises distinctes pour fixer le montant de départ approprié de l'amende. Ce montant de départ s'établit à 20 millions d'euros pour Roche et pour BASF.

Caroténoïdes

(696) Vu les caractéristiques du marché mondial des caroténoïdes, qui est essentiellement entre les mains de deux grands producteurs, il n'y a pas lieu en l'espèce de créer des catégories d'entreprises distinctes pour fixer le montant de départ approprié de l'amende. Ce montant de départ s'établit à 20 millions d'euros pour Roche et pour BASF.

Effet suffisamment dissuasif

(697) Pour assurer le caractère suffisamment dissuasif de l'amende, la Commission détermine s'il convient d'adapter le montant de départ pour l'une quelconque des entreprises concernées.

(698) Dans le cas de BASF, de Roche et d'Aventis, la Commission est d'avis qu'il y a lieu de majorer le montant de départ de l'amende calculé sur la base du critère de l'importance relative sur le marché concerné afin de tenir compte de la taille et des ressources globales de ces entreprises.

(699) Eu égard aux considérations qui précèdent, la Commission considère qu'il est nécessaire, afin d'assurer l'effet dissuasif, de majorer comme suit le montant de départ des amendes infligées sur les différents marchés vitaminiques en cause, tel que déterminé aux considérants 683 à 696:

>TABLE>

Durée de l'infraction

(700) La présente section établit séparément pour chaque vitamine la durée de l'infraction à prendre en considération pour chacun des producteurs.

Vitamine A

(701) La Commission estime que Roche, BASF et Aventis ont enfreint l'article 81, paragraphe 1, du traité et l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE de septembre 1989 à février 1999 en ce qui concerne le marché de la vitamine A. Ces entreprises ont commis une infraction de longue durée de neuf ans et six mois. Le montant de départ des amendes calculé sur la base de la gravité(68) est donc majoré de 90 % pour chacune d'entre elles.

Vitamine E

(702) La Commission estime que Roche, BASF et Aventis ont enfreint l'article 81, paragraphe 1, du traité et l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE de septembre 1989 à février 1999 en ce qui concerne le marché de la vitamine E. Ces entreprises ont commis une infraction de longue durée de neuf ans et six mois. Le montant de départ des amendes calculé sur la base de la gravité(69) est donc majoré de 90 % pour chacune d'entre elles.

(703) La participation d'Eisai a commencé en janvier 1991. La société a en conséquence commis une infraction de longue durée de huit ans. Le montant de départ de l'amende calculé sur la base de la gravité(70)

est donc majoré de 80 %.

Vitamine B2

(704) La Commission estime que Roche et BASF ont enfreint l'article 81, paragraphe 1, du traité et l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE de juillet 1991 à septembre 1995 en ce qui concerne le marché de la vitamine B2. Ces entreprises ont commis une infraction de moyenne durée de quatre ans et trois mois. Le montant de départ des amendes calculé sur la base de la gravité(71) est donc majoré de 40 % pour chacune d'entre elles.

(705) Takeda a commis une infraction de moyenne durée de trois ans et neuf mois, sa participation ayant commencé en janvier 1992. Le montant de départ de l'amende calculé sur la base de la gravité(72) est donc majoré de 35 %.

Vitamine B5

(706) La Commission estime que Roche, BASF et Daiichi ont enfreint l'article 81, paragraphe 1, du traité et l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE de janvier 1991 à février 1999 en ce qui concerne le marché de la vitamine B5. Ces entreprises ont commis une infraction de longue durée de huit ans. Le montant de départ des amendes calculé sur la base de la gravité(73) est donc majoré de 80 % pour chacune d'entre elles.

Vitamine C

(707) La Commission estime que Roche, BASF, Merck et Takeda ont enfreint l'article 81, paragraphe 1, du traité et l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE de janvier 1991 à août 1995 en ce qui concerne le marché de la vitamine C. Ces entreprises ont commis une infraction de moyenne durée de quatre ans et huit mois. Le montant de départ des amendes calculé sur la base de la gravité(74) est donc majoré de 45 % pour chacune d'entre elles.

Vitamine D3

(708) La Commission estime que Roche, BASF, Solvay et Aventis ont enfreint l'article 81, paragraphe 1, du traité et l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE de janvier 1994 à juin 1998 en ce qui concerne le marché de la vitamine D3. Ces entreprises ont commis une infraction de moyenne durée de quatre ans et six mois. Le montant de départ des amendes calculé sur la base de la gravité(75) est donc majoré de 40 % pour chacune d'entre elles.

Bêta-carotène

(709) La Commission estime que Roche et BASF ont enfreint l'article 81, paragraphe 1, du traité et l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE de septembre 1992 à décembre 1998 en ce qui concerne le marché du bêta-carotène. Ces entreprises ont commis une infraction de longue durée de six ans et quatre mois. Le montant de départ des amendes calculé sur la base de la gravité(76) est donc majoré de 60 % pour chacune d'entre elles.

Caroténoïdes

(710) La Commission estime que Roche et BASF ont enfreint l'article 81, paragraphe 1, du traité et l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE de mai 1993 à décembre 1998 en ce qui concerne le marché des caroténoïdes. Ces entreprises ont commis une infraction de longue durée de cinq ans et huit mois. Le montant de départ des amendes calculé sur la base de la gravité(77) est donc majoré de 55 % pour chacune d'entre elles.

Conclusion relative aux montants de base

(711) La Commission fixe en conséquence comme suit les montants de base des amendes:

>TABLE>

2.3.2.3. Circonstances aggravantes

Rôle de meneur dans les infractions

(712) Selon la Commission, Roche et BASF ont été ensemble les meneurs et les instigateurs des accords collusoires portant sur la gamme des produits vitaminiques qu'elles produisaient. Il convient donc de considérer leur rôle dans les différentes ententes comme une circonstance aggravante(78).

(713) L'un des principaux résultats des accords anticoncurrentiels mis en oeuvre sur les différents marchés de produits vitaminiques était de combiner la puissance de marché détenue sur chacun d'entre eux par les participants. Cela jouait surtout en faveur des sociétés produisant et vendant les gammes les plus étendues de produits vitaminiques, à savoir Roche et BASF.

(714) Ces deux entreprises, comme elles fournissaient une gamme étendue de produits vitaminiques, ont bénéficié de nombreux avantages. En particulier, leur position vis-à-vis de leurs clients était plus forte que celle des sociétés vendant un seul produit ou un nombre limité de produits, puisqu'il leur était possible de fournir auxdits clients un large éventail de produits et de couvrir ainsi une part plus importante de leurs activités. En outre, ces deux entreprises ont bénéficié d'une plus grande souplesse pour structurer les prix, les promotions et les remises et elles étaient plus à même de pratiquer les ventes liées. Elles avaient aussi la possibilité de réaliser des économies d'échelle et de gamme plus importantes au niveau de leurs activités de vente et de commercialisation. Enfin, elles pouvaient avec beaucoup plus de crédibilité menacer implicitement (ou explicitement) leurs clients de ne plus les approvisionner.

(715) L'incidence de ces avantages sur la structure concurrentielle d'un marché dépend de certains facteurs, qui étaient présents sur tous les marchés des vitamines. Des agents situés en aval (grossistes, intermédiaires et grands consommateurs finals) achetaient, dans une large mesure, une série de produits vitaminiques dont tous étaient fournis par les parties aux accords collusoires. Le cas des fabricants de prémix est particulièrement éloquent à cet égard. Pour tous les produits vitaminiques, la part de marché cumulée détenue par les producteurs de vitamines était supérieure à 70 % et approchait, dans certains cas, 100 %. La force relative des concurrents sur chacun des marchés de produits vitaminiques était par conséquent faible, voire nulle.

(716) Le fait que ces entreprises proposent une gamme étendue de vitamines sur des marchés de produits distincts mais étroitement liés a considérablement augmenté leur capacité globale à mettre en oeuvre et à maintenir les accords anticoncurrentiels auxquels elles sont parties.

(717) Ces deux grands producteurs européens ont effectivement constitué un front commun lors de l'élaboration et de la mise en oeuvre des accords collusoires avec les fabricants japonais et d'autres fabricants européens. Roche a cherché à mettre en oeuvre un plan stratégique pour dominer et contrôler le marché mondial de tous les produits vitaminiques qu'elle fabriquait, soit une partie très substantielle de toutes les vitamines commercialement disponibles. Roche, de concert avec BASF, a cherché à éliminer toute concurrence effective entre eux au sein de la Communauté et de l'EEE pour quasiment toute la gamme des principales vitamines(79). Il convient de relever le rôle particulier de Roche en tant qu'initiateur et principal bénéficiaire de ces accords collusoires.

(718) Cette circonstance aggravante justifie une majoration de 50 % du montant de base des amendes à infliger à Roche et de 35 % du montant de base des amendes à infliger à BASF pour leurs infractions relatives aux marchés des vitamines A, E, B2, B5, C et D3, du bêta-carotène et des caroténoïdes.

2.3.2.4. Circonstances atténuantes

Rôle exclusivement passif ou rôle de suiveur dans l'infraction

(719) En ce qui concerne le marché de la vitamine C, Merck prétend qu'elle s'est contentée de suivre les instructions données par Roche et par Takeda et que, de façon générale, elle n'a joué qu'un rôle secondaire dans les discussions relatives à la vitamine C.

(720) Il y a lieu de considérer Merck comme un membre actif de l'entente concernant le marché de la vitamine C. Ses représentants ont assisté à plusieurs réunions du cartel. L'entreprise a participé aux discussions sur les prix et la surveillance des volumes de ventes(80). Le fait que la société ait pris une part active aux discussions sur les prix contredit aussi l'argument de Merck selon lequel elle n'aurait été qu'un suiveur en la matière. La participation de Merck s'inscrivait dans le plan global du cartel de contrôler le marché mondial et d'inclure les principaux producteurs.

(721) Pour ce qui est du marché de la vitamine E, Eisai soutient n'avoir joué qu'un rôle marginal dans les accords collusoires instaurés par les producteurs européens et ne pas avoir reçu les informations détaillées que ceux-ci échangeaient. La société était en outre dans l'impossibilité d'appliquer des hausses de prix à ses clients en raison des contrats qui la liaient à des distributeurs indépendants n'ayant pas pris part à l'accord.

(722) Selon la Commission, Eisai était un membre actif du cartel relatif au marché de la vitamine E. Le fait que la société ait noué l'essentiel de ses contacts avec les producteurs européens par le biais de Roche et que des distributeurs indépendants aient traité l'essentiel de ses ventes dans l'EEE n'en fait pas un membre moins actif du cartel. Comme exposé aux considérants 239 à 241, les tentatives d'Eisai de se présenter comme un membre passif dans le cadre de l'infraction sont contredites par les documents transmis à la Commission.

(723) Aucune circonstance atténuante ne justifie donc une diminution du montant de l'amende infligée à Merck ou à Eisai.

(724) Pour ce qui est du marché de la vitamine D3, Aventis indique que Rhône-Poulenc s'est bornée à fournir des informations à Solvay sur ses volumes de ventes passés, à la demande de cette dernière, que la société n'a jamais assisté aux réunions tripartites du cartel et qu'elle a joué un rôle exclusivement passif. En raison de son rôle limité sur ce marché et de son absence de participation active, Rhône-Poulenc ne s'est même pas vu attribuer de part de marché à titre individuel, sa part ayant toujours été incluse dans celle de Solvay.

(725) La Commission prend en considération le rôle seulement passif joué par Rhône-Poulenc dans l'infraction relative à la vitamine D3. La société n'a assisté à aucune des réunions du cartel et ne s'est pas vu attribuer de part de marché individuelle. Cette circonstance atténuante justifie une diminution de 50 % du montant de base des amendes à infliger à Aventis pour son infraction relative au marché de la vitamine D3.

Absence de mise en pratique des accords en cause

(726) En ce qui concerne le marché de la vitamine C, Merck affirme n'avoir, à aucun moment, restreint sa production ou ses ventes pour se conformer aux accords et ne pas avoir davantage respecté les prix convenus ou les quotas attribués, et cite à cet effet plusieurs documents versés au dossier de la Commission.

(727) En ce qui concerne le marché de la vitamine B5, Daiichi prétend ne pas s'être conformée systématiquement aux accords, des facteurs économiques l'incitant à s'écarter des prix et volumes convenus, comme la concurrence que lui faisaient les producteurs chinois et le tort qu'elle était susceptible de faire à ses clients qui fabriquaient des pré-mix et étaient des concurrents directs de Roche et de BASF sur ce marché. Selon Daiichi, cette non-application régulière des prix cibles et la mise en oeuvre limitée des restrictions de production dans le cadre d'un partage des marchés ont atténué l'incidence des accords sur le marché.

(728) La Commission observe que la mise en oeuvre des accords sur les prix cibles n'exige pas nécessairement que ces prix soient exactement pratiqués. Les accords sont réputés être appliqués lorsque les parties fixent leurs prix de façon à les rapprocher des prix cibles convenus. Tel a été le cas des ententes affectant les marchés des vitamines C et B5. Le fait qu'une entreprise, dont la participation à une concertation avec ses concurrents en matière de prix est établie, ne se soit pas comportée sur le marché d'une manière conforme à celle convenue avec ses concurrents ne constitue pas nécessairement un élément devant être pris en compte, en tant que circonstance atténuante, lors de la détermination du montant de l'amende à infliger. En effet, une entreprise qui poursuit, malgré la concertation avec ses concurrents, une politique plus ou moins indépendante sur le marché peut simplement tenter d'utiliser l'entente à son profit (arrêt du Tribunal de première instance, affaire T-308/94, Cascades SA contre Commission, Recueil 1998, p. II-925, point 230).

(729) Pour ce qui est de la mise en oeuvre des accords sur les quantités, il est clair que les membres des cartels ont considéré que les volumes attribués étaient des volumes minimaux. Pour autant que toutes les parties pouvaient vendre au moins la quantité qui leur avait été attribuée, l'accord était respecté. Tel a été le cas pour les ententes relatives aux marchés des vitamines C et B5.

Cessation de l'infraction dès l'intervention de la Commission

(730) Merck affirme avoir droit à une diminution du montant de son amende du fait qu'elle a mis fin à sa participation aux accords collusoires relatifs à la vitamine C plus de quatre ans avant que la Commission ne commence son enquête.

(731) Dans ses lignes directrices pour le calcul des amendes, la Commission indique qu'elle réduira le montant de base de l'amende lorsqu'une entreprise met fin à une infraction dès que la Commission intervient et, en particulier, lorsqu'elle procède à des vérifications.

(732) La Commission estime que si l'entreprise met fin à son infraction de sa propre initiative avant qu'elle-même n'intervienne, comme l'a fait Merck dans le cas de l'entente relative à la vitamine C, cette action unilatérale de l'entreprise ne saurait constituer une circonstance atténuante. Pour bénéficier d'une circonstance atténuante, l'entreprise doit montrer l'existence d'un lien direct entre la cessation volontaire de sa participation à l'infraction et l'action de la Commission. Eu égard aux lignes directrices de la Commission, il n'y a donc aucune raison de réduire à ce titre le montant de l'amende infligée à Merck.

Autres circonstances atténuantes

(733) Merck affirme que sa participation aux accords relatifs à la vitamine C n'était pas motivée par la perspective de réaliser des bénéfices mais qu'elle a fabriqué le produit à perte car cela était essentiel pour maintenir l'infrastructure industrielle de son usine de Darmstadt (Allemagne). Il conviendrait de considérer comme une circonstance atténuante lors de la détermination de l'amende le fait que "Merck avait un intérêt spécifique à continuer de produire la vitamine C, qui était indépendant de toute intention de réaliser des bénéfices".

(734) La Commission rejette l'argument de Merck. De façon générale, elle ne considère pas que le fait que la participation à un cartel n'entraîne aucun bénéfice ou provoque un désavantage économique constitue une circonstance atténuante pour la détermination du montant de l'amende.

(735) Selon Merck, il convient de considérer comme une autre circonstance atténuante le fait que la direction de l'entreprise a adopté le 12 septembre 2000 à l'attention de ses employés un "code de conduite" portant sur les règles de concurrence. Eisai soutient également que son programme de mise en conformité juridique, introduit en 1999, devrait être considéré comme une circonstance atténuante.

(736) La Commission se félicite de toutes les mesures prises par les entreprises pour sensibiliser leurs employés aux règles de concurrence. Cependant, ni l'initiative d'Eisai ni celle de Merck ne sauraient dispenser la Commission de son obligation de sanctionner la très grave infraction aux règles de concurrence qui a été commise.

(737) La Commission conclut qu'à l'exception d'Aventis, les entreprises ayant participé aux infractions relatives aux marchés des vitamines A, E, B2, B5, C et D3, du bêta-carotène et des caroténoïdes ne sauraient bénéficier de circonstances atténuantes.

2.3.2.5. Application de la communication sur la clémence

(738) Les destinataires de la présente décision ont coopéré avec la Commission, à différents stades de l'enquête et en relation avec différentes périodes couvertes par celle-ci, dans le but de bénéficier du traitement favorable prévu dans la communication sur la clémence. Afin de répondre aux attentes légitimes des entreprises concernées concernant la non-imposition des amendes ou la réduction de leur montant au titre de leur coopération, la Commission examine dans la présente section si les parties en question remplissent les conditions exposées dans la communication.

Non-imposition d'amende, réduction très importante et/ou réduction importante du montant de l'amende

(739) Aventis affirme être le premier producteur à avoir librement révélé l'existence des cartels relatifs aux vitamines A et E aux fonctionnaires chargés de l'application du droit. Ce n'est qu'après avoir appris l'intention d'Aventis de coopérer avec le "grand jury" de la division antitrust du département américain de la justice que Roche et BASF se sont empressées d'offrir leur coopération à la Commission, ainsi qu'aux autorités américaines et canadiennes.

(740) De surcroît, Aventis fait remarquer qu'elle a mis fin à sa participation aux activités illégales avant de révéler leur existence à la Commission, qu'elle a fourni tous les éléments de preuve dont elle disposait, qu'elle a maintenu une coopération permanente et totale tout au long de l'enquête et n'a pas été à l'origine du comportement infractionnel.

(741) La Commission estime qu'Aventis a en effet été la première entreprise à fournir des éléments déterminants pour prouver l'existence d'une entente internationale portant sur les marchés des vitamines A et E dans l'EEE. Ces éléments déterminants ont été communiqués dans les déclarations faites par Aventis les 19 et 25 mai 1999. Toutes les autres conditions prévues au titre B de la communication sur la clémence sont aussi satisfaites.

(742) Eu égard à ce qui précède, la Commission conclut qu'Aventis remplit les conditions exposées au titre B de la communication sur la clémence et lui accorde une réduction de 100 % du montant de l'amende qui lui aurait infligée si elle n'avait pas coopéré avec la Commission.

(743) La Commission estime que Roche et BASF, par le biais des documents transmis à ses services entre le 2 juin 1999 et le 30 juillet 1999, ont été les premières à lui communiquer des éléments déterminants pour prouver l'existence des accords collusoires relatifs aux marchés des vitamines B2, B5, C et D3, du bêta-carotène et des caroténoïdes. Les éléments transmis tant par Roche que par BASF concernant les ententes portant sur les vitamines A et E étaient très substantiels et ont été communiqués au début de la procédure engagée par la Commission.

(744) Dans le même temps, la Commission considère que Roche et BASF ont joué un rôle d'initiation ou un rôle déterminant dans les activités illégales relatives aux marchés des vitamines A, E, B2, B5, C et D3, du bêta-carotène et des caroténoïdes, comme décrit aux considérants 567 à 569 et 584. Aucune de ces deux entreprises ne remplit donc la condition prévue au titre B, point e), de la communication sur la clémence et ne peut bénéficier d'une réduction sur la base des titres B ou C de cette communication, même si elles devaient satisfaire aux autres conditions qui y sont exposées.

(745) Si Roche et BASF ont été les premières à fournir des éléments déterminants pour prouver l'existence d'accords collusoires concernant les vitamines B2, B5, C et D3, le bêta-carotène et les caroténoïdes, empêchant ainsi les autres entreprises de remplir cette condition, elles ont aussi joué un rôle d'initiation ou un rôle déterminant dans ces activités illégales. Par conséquent, aucune entreprise ne remplit toutes les conditions prévues au titre B, points a) à e) ou b) à e), de la communication sur la clémence en ce qui concerne les accords collusoires relatifs aux marchés des vitamines B2, B5, C et D3, du bêta-carotène et des caroténoïdes. Aussi aucune entreprise ne peut-elle bénéficier d'une réduction sur la base des titres B ou C de ladite communication.

Réduction significative du montant de l'amende

(746) Selon le titre D de la communication, une entreprise qui ne réunit pas toutes les conditions exposées aux titres B et C peut bénéficier d'une réduction importante de 10 à 50 % du montant de l'amende qui lui aurait autrement été infligée si (par exemple):

- avant l'envoi d'une communication des griefs, elle fournit à la Commission des informations, des documents ou d'autres éléments de preuve qui contribuent à confirmer l'existence de l'infraction commise,

- après avoir reçu la communication des griefs, elle informe la Commission qu'elle ne conteste pas la matérialité des faits sur lesquels la Commission fonde ses accusations.

(747) Roche et BASF ont fourni des éléments de preuve et des documents, datant notamment de la période pendant laquelle les infractions ont été commises, ainsi que des déclarations d'entreprise détaillées. Avant la remise de ces documents, Roche et BASF avaient contacté la Commission, les 4 et 6 mai 1999 respectivement, pour lui indiquer leur intention de coopérer à l'enquête.

(748) Les documents susmentionnés contiennent des éléments de preuve précis concernant la structure organisationnelle des accords collusoires relatifs aux marchés des vitamines A, E, B2, B5, C et D3, du bêta-carotène et des caroténoïdes et ont apporté une contribution déterminante à l'établissement et/ou à la confirmation de certains points essentiels de ces infractions (considérant 743).

(749) Daiichi Pharmaceutical Co Ltd, Solvay Pharmaceuticals BV et Takeda Chemical Industries Ltd ont fourni des éléments de preuve et des documents, en particulier des déclarations d'entreprise détaillées n'ayant pas fait l'objet de demandes spécifiques de la Commission, respectivement le 9 juillet 1999, le 14 septembre 1999 et le 7 septembre 1999. Avant même ces communications, chacune de ces entreprises avait contacté la Commission pour lui signaler son intention de coopérer: Daiichi le 9 juin 1999, Solvay le 21 juin 1999 et Takeda le 29 juin 1999.

(750) Les documents susmentionnés donnaient des informations sur l'organisation et la structure des cartels des vitamines B5 (Daiichi), D3 (Solvay), B2 et C (Takeda) et ont contribué de façon substantielle à établir et/ou à confirmer d'importants aspects des infractions commises sur chacun de ces marchés de produits vitaminiques.

(751) Eisai Co. Ltd a contacté la Commission le 27 juin 1999 et a indiqué son intention de coopérer. Le 12 octobre 1999, elle a envoyé une déclaration d'entreprise et des documents complémentaires portant sur le cartel relatif à la vitamine E, sans demande spécifique de la part de la Commission. Ces documents contenaient des informations sur l'organisation et la structure du cartel de la vitamine E, incluaient des déclarations faites par d'anciens employés de l'entreprise et ont contribué à établir et/ou à confirmer des aspects significatifs de l'infraction. Toutefois, au moment de leur remise, la Commission disposait déjà d'éléments de preuve déterminants concernant ce cartel, en particulier de ceux transmis précédemment par Roche et BASF.

(752) Merck KgaA a indiqué son intention de coopérer avec la Commission le 26 octobre 1999, suite à la réception d'une demande de renseignements fondée sur l'article 11 du règlement n° 17 et portant sur ses activités sur le marché de la vitamine H, datée du 20 août 1999. Merck a fourni des documents concernant le cartel de la vitamine H sans demande spécifique de la part de la Commission. Elle ne l'a pas fait pour le cartel de la vitamine C. Dans sa réponse à la communication des griefs, Merck a confirmé ne pas contester la matérialité des faits sur lesquels la Commission a fondé ses accusations portant sur l'entente relative à la vitamine C.

(753) Suite à ses déclarations des 19 et 25 mai 1999(81), Aventis SA a confirmé ne pas contester la matérialité des faits sur lesquels la Commission a fondé ses accusations portant sur l'entente relative à la vitamine D3.

(754) F. Hoffmann-La Roche AG, BASF AG, Aventis SA, Solvay Pharmaceuticals BV, Merck KgaA, Daiichi Pharmaceutical Co. Ltd, Eisai Co. Ltd et Takeda Chemical Industries Ltd ont coopéré avec la Commission avant l'adoption de la communication des griefs, ont contribué à établir l'existence des infractions auxquelles elles ont pris part et/ou n'ont pas contesté la matérialité des faits sur lesquels la Commission a fondé ses accusations.

(755) Étant donné que toute coopération au sens de la communication sur la clémence doit être spontanée et en particulier se faire en dehors de l'exercice de tout pouvoir d'instruction, la Commission estime qu'une partie importante des informations fournies par ces entreprises faisaient en fait partie intégrante de leurs réponses aux demandes de renseignements formelles de la Commission. Les informations transmises par les entreprises ne constituent par conséquent une contribution spontanée au sens de la communication sur la clémence que lorsqu'elles vont au-delà des renseignements demandés sur la base de l'article 11 du règlement n° 17.

(756) Solvay affirme avoir été la première entreprise à fournir des éléments déterminants pour prouver l'existence d'une entente relative à la vitamine D3 dans sa déclaration du 29 juin 1999.

(757) La Commission doit rejeter cet argument. La première déclaration de Solvay, en date du 29 juin 1999, ne contenait pas d'éléments de preuve déterminants concernant le cartel de la vitamine D3. Elle se contentait de brosser un tableau du marché de la vitamine D3 dans l'EEE et de donner certaines indications concernant l'existence d'une forme de coordination du marché. Dans sa deuxième déclaration, en date du 14 septembre 1999, Solvay fournissait des informations détaillées qui auraient pu être considérées comme des éléments déterminants. Ces informations ont toutefois été présentées après la déclaration de Roche du 30 juillet 1999, qui contenait des informations précises sur les pratiques collusoires et constitue un élément déterminant pour prouver l'infraction.

(758) Merck affirme avoir offert de coopérer avec la Commission avant l'adoption de la communication des griefs en l'informant de tous contacts dans le domaine de la vitamine C. Selon Merck, au cours d'une réunion avec des fonctionnaires de la Commission, le 26 octobre 1999, l'absence d'intérêt pour ce genre de coopération a clairement été signalé à l'entreprise. Merck ajoute que ce fait ne saurait être invoqué à son désavantage.

(759) La Commission doit rejeter cet argument. D'une part, Merck ne fournit pas d'éléments prouvant son allégation. L'échange de correspondance ultérieur avec la Commission ne contient aucun commentaire sur la teneur de la réunion susmentionnée. D'autre part, il était tout à fait loisible à Merck de coopérer avec la Commission plus tôt qu'elle ne l'a fait en ce qui concerne le cartel de la vitamine C. Comme indiqué plus haut(82), elle a fourni par écrit à la Commission des éléments de preuve sur le cartel de la vitamine H et aurait pu également communiquer toutes preuves en sa possession concernant celui de la vitamine C. La décision de coopérer avec la Commission et les démarches engagées par une entreprise à cet effet doivent être une initiative prise unilatéralement par cette entreprise.

(760) Eu égard aux considérations qui précèdent, la Commission conclut que F. Hoffmann La Roche AG remplit les conditions prévues au titre D, point 2, premier tiret, de la communication sur la clémence et lui accorde une réduction de 50 % du montant de l'amende qui lui aurait été infligée en l'absence de coopération avec la Commission.

(761) Eu égard aux considérations qui précèdent, la Commission conclut que BASF remplit les conditions prévues au titre D, point 2, premier tiret, de la communication sur la clémence et lui accorde une réduction de 50 % du montant de l'amende qui lui aurait été infligée en l'absence de coopération avec la Commission.

(762) Eu égard aux considérations qui précèdent, la Commission conclut que Solvay Pharmaceuticals BV remplit les conditions prévues au titre D, point 2, premier tiret, de la communication sur la clémence et lui accorde une réduction de 35 % du montant de l'amende qui lui aurait été infligée en l'absence de coopération avec la Commission.

(763) Eu égard aux considérations qui précèdent, la Commission conclut que Merck KgaA remplit les conditions prévues au titre D, point 2, deuxième tiret, de la communication sur la clémence et lui accorde une réduction de 15 % du montant de l'amende qui lui aurait été infligée en l'absence de coopération avec la Commission.

(764) Eu égard aux considérations qui précèdent, la Commission conclut que Daiichi Pharmaceutical Co. Ltd remplit les conditions prévues au titre D, point 2, premier tiret, de la communication sur la clémence et lui accorde une réduction de 35 % du montant de l'amende qui lui aurait été infligée en l'absence de coopération avec la Commission.

(765) Eu égard aux considérations qui précèdent, la Commission conclut que Eisai Co. Ltd remplit les conditions prévues au titre D, point 2, premier tiret, de la communication sur la clémence et lui accorde une réduction de 30 % du montant de l'amende qui lui aurait été infligée en l'absence de coopération avec la Commission.

(766) Eu égard aux considérations qui précèdent, la Commission conclut que Takeda Chemical Industries Ltd remplit les conditions prévues au titre D, point 2, premier tiret, de la communication sur la clémence et lui accorde une réduction de 35 % du montant de l'amende qui lui aurait été infligée en l'absence de coopération avec la Commission.

(767) Eu égard aux considérations qui précèdent, la Commission conclut que Aventis SA remplit les conditions prévues au titre D, point 2, deuxième tiret, de la communication sur la clémence et lui accorde une réduction de 10 % du montant de l'amende qui lui aurait été infligée pour son infraction concernant la vitamine D3 en l'absence de coopération avec la Commission.

Conclusion relative à l'application de la communication sur la clémence

(768) En conclusion, eu égard à la nature de leur coopération et à la lumière des conditions prévues par la communication sur la clémence, la Commission accorde aux destinataires de la présente décision les réductions suivantes du montant des amendes qui leur sont infligées:

- F. Hoffmann-La Roche AG: une réduction de 50 %,

- BASF AG: une réduction de 50 %,

- Aventis SA: une réduction de 100 % et 10 %,

- Takeda Chemical Industries Ltd: une réduction de 35 %,

- Solvay Pharmaceuticals BV: une réduction de 35 %,

- Merck KgaA: une réduction de 15 %,

- Daiichi Pharmaceutical Co. Ltd: une réduction de 35 %,

- Eisai Co. Ltd: une réduction de 30 %.

2.3.2.6. Sanctions imposées dans d'autres juridictions

(769) Selon Hoffmann-La Roche et Merck, la Commission devrait prendre en considération et déduire du montant de toute amende les sanctions qui leur ont été infligées pour le même comportement aux États-Unis et au Canada.

(770) Hoffmann-La Roche affirme que, dans la présente affaire, la Commission devrait tenir compte des sanctions infligées par les autorités américaines et canadiennes, car les agissements contestés par la Commission et par ces autorités sont les mêmes. D'après l'entreprise, le montant des amendes déjà payées devrait être déduit du montant de toute amende supplémentaire infligée par la Commission. Roche est d'avis que les amendes qui lui ont été infligées par les autorités américaines et canadiennes suffisent déjà à garantir un effet dissuasif.

(771) Merck estime pour sa part que si la Commission fixait le montant de l'amende sans tenir compte des amendes et réparations civiles que l'entreprise a déjà payées et qui, selon elle, ont de façon générale pris en considération l'élément étranger de l'accord en question, elle devrait supporter une charge financière disproportionnée, notamment du fait qu'elle n'a tiré aucun profit de sa participation aux accords.

(772) La Commission rejette tous les arguments de Roche et de Merck. Elle ne considère pas que les amendes infligées ailleurs, notamment aux États-Unis, doivent être prises en considération dans le calcul du montant des amendes infligées pour une infraction aux règles communautaires de la concurrence. L'exercice par les États-Unis (ou par tout autre pays tiers) de leur compétence (pénale) à l'encontre d'un comportement collusoire ne saurait en aucun cas limiter ou exclure la compétence de la Commission au titre du droit communautaire de la concurrence.

(773) Surtout, il est en tout état de cause inexact de prétendre que la Commission se proposait de sanctionner la société pour les mêmes faits que les juridictions américaines. En vertu du principe de territorialité, l'article 81 du traité se limite aux restrictions de concurrence à l'intérieur du marché commun et l'article 53 de l'accord EEE se limite aux restrictions de concurrence sur le marché de l'EEE. De la même façon, les autorités antitrust américaines ne sont compétentes que pour autant que le comportement en cause a un effet direct et intentionnel sur le commerce aux États-Unis.

(774) Enfin, il ne saurait être tenu compte du fait que des entreprises aient pu être condamnées à verser des réparations civiles. Le versement, à la suite d'une action au civil, de dommages-intérêts destinés à remédier au préjudice causé par des cartels à des entreprises ou à des consommateurs ne saurait être comparé à des sanctions de droit public pour comportement illégal.

2.3.2.7. Montants finaux des amendes infligées dans le cadre de la présente procédure

(775) En conclusion, les amendes à infliger en application de l'article 15, paragraphe 2, point a), du règlement n° 17 sont fixées comme suit:

>TABLE>

A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:

Article premier

1. Les entreprises suivantes ont enfreint l'article 81, paragraphe 1, du traité et l'article 53, paragraphe 1, de l'accord EEE:

a) F. Hoffmann-La Roche AG, en participant à des accords affectant le marché communautaire et le marché de l'EEE pour les vitamines A, E, B1, B2, B5, B6, C, D3 et H, l'acide folique, le bêta-carotène et les caroténoïdes;

b) BASF AG, en participant à des accords affectant le marché communautaire et le marché de l'EEE pour les vitamines A, E, B1, B2, B5, C, D3 et H, le bêta-carotène et les caroténoïdes;

c) Aventis SA, en participant à des accords affectant le marché communautaire et le marché de l'EEE pour les vitamines A, E et D3;

d) Lonza AG, en participant à des accords affectant le marché communautaire pour la vitamine H;

e) Solvay Pharmaceuticals BV, en participant à des accords affectant le marché communautaire et le marché de l'EEE pour la vitamine D3;

f) Merck KgaA, en participant à des accords affectant le marché communautaire et le marché de l'EEE pour les vitamines C et H;

g) Daiichi Pharmaceutical Co. Ltd, en participant à des accords affectant le marché communautaire et le marché de l'EEE pour les vitamines B5 et B6;

h) Eisai Co. Ltd, en participant à des accords affectant le marché communautaire et le marché de l'EEE pour la vitamine E;

i) Kongo Chemical Co. Ltd, en participant à des accords affectant le marché communautaire pour l'acide folique;

j) Sumitomo Chemical Co. Ltd, en participant à des accords affectant le marché communautaire pour la vitamine H;

k) Sumika Fine Chemicals Ltd, en participant à des accords affectant le marché communautaire pour l'acide folique;

l) Takeda Chemical Industries Ltd, en participant à des accords affectant le marché communautaire et le marché de l'EEE pour les vitamines B1, B2, B6 et C, et l'acide folique;

m) Tanabe Saiyaku Co. Ltd, en participant à des accords affectant le marché communautaire pour la vitamine H.

2. Les infractions ont été commises pendant les périodes suivantes:

a) F. Hoffmann-La Roche AG:

- vitamine A: de septembre 1989 à février 1999,

- vitamine E: de septembre 1989 à février 1999,

- vitamine B1: de janvier 1991 à juin 1994,

- vitamine B2: de juillet 1991 à septembre 1995,

- vitamine B5: de septembre 1991 à février 1999,

- vitamine B6: de janvier 1991 à juin 1994,

- vitamine C: de janvier 1991 à août 1995,

- vitamine D3: de janvier 1994 à juin 1998,

- vitamine H: d'octobre 1991 à avril 1994,

- acide folique: de janvier 1991 à juin 1994,

- bêta-carotène: de septembre 1992 à décembre 1998,

- caroténoïdes: de mai 1993 à décembre 1998;

b) BASF AG:

- vitamine A: de septembre 1989 à février 1999,

- vitamine E: de septembre 1989 à février 1999,

- vitamine B1: de janvier 1991 à juin 1994,

- vitamine B2: de juillet 1991 à septembre 1995,

- vitamine B5: de septembre 1991 à février 1999,

- vitamine C: de janvier 1991 à août 1995,

- vitamine D3: de janvier 1994 à juin 1998,

- vitamine H: d'octobre 1991 à avril 1994,

- bêta-carotène: de septembre 1992 à décembre 1998,

- caroténoïdes: de mai 1993 à décembre 1998;

c) Aventis SA:

- vitamine A: de septembre 1989 à février 1999,

- vitamine E: de septembre 1989 à février 1999,

- vitamine D3: de janvier 1994 à juillet 1998;

d) Takeda Chemical Industries Ltd:

- vitamine B1: de janvier 1991 à juin 1994,

- vitamine B2: de janvier 1992 à septembre 1995,

- vitamine B6: de janvier 1991 à juin 1994,

- vitamine C: de janvier 1991 à août 1995,

- acide folique: de janvier 1991 à juin 1994;

e) Merck KgaA:

- vitamine C: de janvier 1991 à août 1995,

- vitamine H: d'octobre 1991 à avril 1994;

f) Daiichi Pharmaceutical Co. Ltd:

- vitamine B5: de septembre 1991 à février 1999,

- vitamine B6: de janvier 1991 à juin 1994;

g) Lonza AG:

- vitamine H: d'octobre 1991 à avril 1994;

h) Solvay Pharmaceuticals BV:

- vitamine D3: de janvier 1994 à juin 1998;

i) Eisai Co. Ltd:

- vitamine E: de janvier 1991 à février 1999;

j) Kongo Chemical Co. Ltd:

- acide folique: de janvier 1991 à juin 1994;

k) Sumitomo Chemical Co. Ltd:

- vitamine H: d'octobre 1991 à avril 1994;

l) Sumika Fine Chemicals Ltd:

- acide folique: de janvier 1991 à juin 1994;

m) Tanabe Saiyaku Co. Ltd:

- vitamine H: d'octobre 1991 à avril 1994.

Article 2

Dans la mesure où elles ne l'ont pas déjà fait, les entreprises mentionnées à l'article 1er mettent immédiatement fin aux infractions visées audit article.

Elles s'abstiennent désormais, de tout acte ou de tout comportement visé à l'article 1er, ainsi que de toute mesure ayant un objet ou un effet identique ou équivalent.

Article 3

Pour les infractions visées à l'article 1er, les amendes suivantes sont infligées aux entreprises suivantes:

a) F. Hoffmann-La Roche AG:

- une amende d'un montant de 85,5 millions d'euros pour son infraction sur le marché de la vitamine A,

- une amende d'un montant de 99,75 millions d'euros pour son infraction sur le marché de la vitamine E,

- une amende d'un montant de 42 millions d'euros pour son infraction sur le marché de la vitamine B2,

- une amende d'un montant de 54 millions d'euros pour son infraction sur le marché de la vitamine B5,

- une amende d'un montant de 65,25 millions d'euros pour son infraction sur le marché de la vitamine C,

- une amende d'un montant de 21 millions d'euros pour son infraction sur le marché de la vitamine D3,

- une amende d'un montant de 48 millions d'euros pour son infraction sur le marché du bêta-carotène,

- une amende d'un montant de 46,5 millions d'euros pour son infraction sur le marché des caroténoïdes;

b) BASF AG:

- une amende d'un montant de 46,17 millions d'euros pour son infraction sur le marché de la vitamine A,

- une amende d'un montant de 89,78 millions d'euros pour son infraction sur le marché de la vitamine E,

- une amende d'un montant de 18,9 millions d'euros pour son infraction sur le marché de la vitamine B2,

- une amende d'un montant de 34,02 millions d'euros pour son infraction sur le marché de la vitamine B5,

- une amende d'un montant de 14,68 millions d'euros pour son infraction sur le marché de la vitamine C,

- une amende d'un montant de 7,56 millions d'euros pour son infraction sur le marché de la vitamine D3,

- une amende d'un montant de 43,2 millions d'euros pour son infraction sur le marché du bêta-carotène,

- une amende d'un montant de 41,85 millions d'euros pour son infraction sur le marché des caroténoïdes;

c) Aventis SA: une amende d'un montant de 5,04 millions d'euros pour son infraction sur le marché de la vitamine D3;

d) Takeda Chemical Industries Ltd:

- une amende d'un montant de 8,78 millions d'euros pour son infraction sur le marché de la vitamine B2,

- une amende d'un montant de 28,28 millions d'euros pour son infraction sur le marché de la vitamine C;

e) Merck KgaA: une amende d'un montant de 9,24 millions d'euros pour son infraction sur le marché de la vitamine C;

f) Daiichi Pharmaceutical Co. Ltd: une amende d'un montant de 23,4 millions d'euros pour son infraction sur le marché de la vitamine B5;

g) Solvay Pharmaceuticals BV: une amende d'un montant de 9,1 millions d'euros pour son infraction sur le marché de la vitamine D3;

h) Eisai Co. Ltd: une amende d'un montant de 13,23 millions d'euros pour son infraction sur le marché de la vitamine E.

Article 4

Les amendes infligées sont payables dans un délai de trois mois à compter de la date de notification de la présente décision sur le compte bancaire suivant:

Compte n° 642-0029000-95 de la Commission:

Banco Bilbao Vizcaya Argentaria (BBVA) SA

Avenue des Arts 43

B-1040 Bruxelles

(code SWIFT: BBVABEBB; code IBAN BE76 6420 0290 0095).

À l'expiration du délai précité, des intérêts seront automatiquement dus au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à ses principales opérations de refinancement au premier jour ouvrable du mois au cours duquel la présente décision a été arrêtée, majoré de 3,5 points de pourcentage, soit un taux de 7,25 %.

Article 5

Les entreprises suivantes sont destinataires de la présente décision:

F. Hoffmann-La Roche AG

CH-4070 Bâle

BASF AG

D-67056 Ludwigshafen

Aventis SA

16, avenue de l'Europe

Espace européen de l'entreprise

F-67300 Schiltigheim

Takeda Chemical Industries Ltd

12-10, Nihonbashi 2-Chome

Chuo-Ku

Tokyo 103-8668, Japon

Merck KgaA

Frankfurter Straße 250

D-64293 Darmstadt

Daiichi Pharmaceutical Co. Ltd

14-10, Nihonbashi, 3-Chome

Chuo-Ku

Tokyo 103-8234, Japon

Lonza AG

Münchensteinerstraße 38

CH-4002 Bâle

Solvay Pharmaceuticals BV

C. J. Van Houtenlaan 36

1381 CP Weesp

Pays-Bas

Eisai Co. Ltd

6-10, Koishikawa, 4-Chome

Bunkyo-Ku

Tokyo 112-88, Japon

Kongo Chemical Co. Ltd

3, Himata

Toyama-shi

Toyama 9300912, Japon

Sumitomo Chemical Co. Ltd

27-1, Shinkawa 2-Chome

Chuo-Ku

Tokyo, Japon

Sumika Fine Chemicals Ltd

3-1-21, Utajima

Nishiyodogawa-ku

Osaka 555-0021, Japon

Tanabe Seiyaku Co. Ltd

2-10 Dosho-machi 3-Chome

Chuo-Ku

Osaka 541-8505, Japon.

La présente décision forme titre exécutoire conformément à l'article 256 du traité.

Fait à Bruxelles, le 21 novembre 2001.

Par la Commission

Mario Monti

Membre de la Commission

(1) JO 13 du 21.2.1962, p. 204/62.

(2) JO L 148 du 15.6.1999, p. 5.

(3) JO L 354 du 30.12.1998, p. 18.

(4) Comme les faits en question se sont produits avant la création d'Aventis en décembre 1999, la société sera dénommée "Rhône-Poulenc".

(5) À l'exclusion des vitamines B3, B4 et B12, qui ne font pas l'objet de la présente procédure.

(6) En 1976, Hoffmann-La Roche s'est vu infliger par la Commission une amende de 300000 unités de compte pour abus de position dominante (primes de fidélité) dans le secteur des vitamines (JO L 223 du 16.8.1976, p. 27). La décision a été confirmée pour l'essentiel par la Cour européenne de justice, mais l'amende a été ramenée à 200000 unités de compte (Recueil 1978, p. 1139).

(7) Secret commercial.

(8) JO L 40 du 13.2.1989, p. 1.

(9) JO L 180 du 9.7.1997, p. 1.

(10) Affaire n° IV/M.1378, Hoechst/Rhône-Poulenc (JO C 254 du 7.9.1999, p. 5).

(11) Décision de la Commission du 14 mars 2000 (Affaires COMP/M.1663).

(12) Secret commercial.

(13) Le marché est parfois désigné comme étant celui de "l'Europe occidentale", marché auquel les parties se réfèrent mais qui, bien que manifestement proche par la taille, ne correspond pas exactement à celui de l'EEE.

(14) JO C 207 du 18.7.1996, p. 4.

(15) Secret commercial.

(16) Le terme "à l'état pur" renvoie aux vitamines vendues en tant que monoproduit, c'est-à-dire sans être combinées à d'autres vitamines ou substances nutritionnelles. Il est généralement utilisé par opposition au terme "mélange", qui désigne la combinaison de plusieurs vitamines selon une spécification donnée.

(17) Pour Lonza, Merck, Sumitomo et Tanabe, elles concernaient la vitamine H; pour Daiichi la vitamine B6 et pour Takeda les vitamines B1 et B6.

(18) Des documents similaires sont disponibles pour la plupart des années postérieures à 1988.

(19) Lohmann (de Cuxhaven, en Allemagne) est un distributeur de produits vitaminiques (destinés à la consommation animale), qui achète des vitamines aux fabricants aux fins de la revente. Nutrilo est une filiale de Lohmann.

(20) Le total pour l'Europe orientale et l'Europe occidentale (235,96) correspond au chiffre de 236.

(21) Hoffmann-La Roche tend à confirmer cet aspect de l'entente sur les prix. On retrouve les mêmes préoccupations pour les vitamines A et E.

(22) Daiichi laisse entendre qu'il y avait eu des contacts collusoires entre les producteurs au cours des années quatre-vingt, mais qu'ils avaient pris fin en 1989 lorsque les prix avaient brutalement chuté.

(23) Hoffmann-La Roche a signalé la présence de Daiichi à la réunion, mais la note de Takeda ne mentionne pas sa présence: la personne dont le nom a été donné affirme n'être jamais entrée dans le bâtiment Keidanren de Tokyo où la réunion s'est déroulée.

(24) On ignore si une tentative a été faite en ce sens.

(25) En avril 1992, Yodogawa et deux autres filiales de Sumitomo Chemical Company ont fusionné pour former Sumika.

(26) L'auteur a indiqué le nom des producteurs après leurs numéros respectifs I, II, III et IV; "Soll" fait référence au quota "budgétisé"; "Ist" désigne les résultats obtenus.

(27) Le siège européen de Takeda est situé à Hambourg.

(28) Compte rendu de la réunion de Bâle du 8 février 1994.

(29) Roche a effectué la réservation de l'hôtel et a réglé la facture concernant la salle de réunion.

(30) Tanabe pense qu'il s'agissait d'une proposition faite par Roche à la réunion de Genève du 25 janvier.

(31) Roche avait même proposé, en janvier 1993, que les autres producteurs compensent ces importations en "achetant" la production de Il Sung pour la retirer du marché.

(32) Même plus tôt, selon BASF.

(33) La jurisprudence de la Cour de justice et du Tribunal de première instance en ce qui concerne l'interprétation de l'article 81 du traité s'applique également à l'article 53 de l'accord EEE. Les références faites à l'article 81 dans la présente décision valent donc aussi pour l'article 53.

(34) Considérants 517 à 519 et 481 à 483.

(35) Considérants 565 à 570 ci-dessus.

(36) Par exemple, Coca-Cola pour la vitamine C.

(37) Considérant 160.

(38) Considérant 236.

(39) Considérant 233.

(40) Considérants 244 à 259.

(41) Considérants 260 à 269.

(42) Considérant 271.

(43) Considérant 274.

(44) Considérant 291.

(45) Considérants 296 à 299.

(46) Considérant 328.

(47) Considérant 330.

(48) Considérant 349.

(49) Considérants 354 et 382.

(50) Considérants 389 et 390.

(51) Considérant 451.

(52) Considérant 462.

(53) Considérants 479 et 480.

(54) Considérant 487.

(55) Considérant 513.

(56) Considérant 520.

(57) Considérant 526.

(58) Considérant 534.

(59) Dans la section concernant les mesures correctives ci-dessous, il n'est par conséquent question que d'Aventis SA.

(60) JO L 319 du 29.11.1974, p. 1.

(61) Article 1er, paragraphe 2, du règlement (CEE) n° 2988/74.

(62) Article 2, paragraphe 1, et article 2, paragraphe 3, du règlement (CEE) n° 2988/74.

(63) Conformément à l'article 5 du règlement (CE) n° 2894/94 du Conseil du 28 novembre 1994 relatif à certaines modalités d'application de l'accord sur l'Espace économique européen, "les règles communautaires donnant effet aux principes énoncés aux articles 85 et 86 du traité CE (...) s'appliquent mutatis mutandis" (JO L 305 du 30.11.1994, p. 6).

(64) Considérants 194 à 210, 392 à 397, 272 à 277, 300 à 308 et 520 à 522.

(65) Considérants 392 à 401.

(66) JO C 9 du 14.1.1998, p. 3.

(67) À savoir 1998 pour la vitamine A, 1998 pour la vitamine E, 1994 pour la vitamine C, 1994 pour la vitamine B2, 1998 pour la vitamine B5, 1997 pour la vitamine D3, et 1998 pour le bêta-carotène et les caroténoïdes.

(68) Considérant 699.

(69) Considérant 699.

(70) Considérant 699.

(71) Considérant 699.

(72) Considérant 699.

(73) Considérant 699.

(74) Considérant 699.

(75) Considérant 699.

(76) Considérant 699.

(77) Considérant 699.

(78) Considérants 160, 181, 183, 185, 187, 234, 236, 237, 271, 274, 275, 296, 314, 315, 319, 322, 388, 410, 418, 460, 462 et 478 pour Hoffmann-La Roche et considérants 160, 183, 271, 274, 319, 322, 388, 432, 437 et 439 pour BASF.

(79) Considérants 160 à 161, 270 à 271, 296 à 297, 388 à 391, 459 à 461 et 567 à 578.

(80) Considérants 420 à 454.

(81) Considérant 741.

(82) Considérant 752.

ANNEXE

TABLEAU I

CHIFFRE D'AFFAIRES ANNUEL TOTAL CONSOLIDÉ SUR LE MARCHÉ COMMUNAUTAIRE

>TABLE>

Source:

Données Hoffmann-La Roche.

BÊTA-CAROTÈNE

>TABLE>

VITAMINE A

>TABLE>

VITAMINE E

>TABLE>

VITAMINE B2

>TABLE>

VITAMINE C

>TABLE>

ACIDE PANTOTHÉNIQUE/CALPAN (B5)

>TABLE>

VITAMINE B1

>TABLE>

VITAMINE B6

>TABLE>

VITAMINE D3

>TABLE>

CANTHAXANTHINE

>TABLE>

BIOTINE (VIT. H)

>TABLE>

TABLEAU II

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TABLEAU III

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TABLEAU IV

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TABLEAU V

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TABLEAU VI

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TABLEAU VII

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TABLEAU VIII

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