32000R1629

Règlement (CE) nº 1629/2000 de la Commission du 25 juillet 2000 instituant un droit antidumping provisoire sur les importations de nitrate d'ammonium originaire de Pologne et d'Ukraine

Journal officiel n° L 187 du 26/07/2000 p. 0012 - 0023


Règlement (CE) no 1629/2000 de la Commission

du 25 juillet 2000

instituant un droit antidumping provisoire sur les importations de nitrate d'ammonium originaire de Pologne et d'Ukraine

LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,

vu le traité instituant la Communauté européenne,

vu le règlement (CE) n° 384/96 du Conseil du 22 décembre 1995 relatif à la défense contre les importations qui font l'objet d'un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne(1), modifié en dernier lieu par le règlement (CE) n° 905/98 du Conseil(2), et notamment son article 7,

après consultation du comité consultatif,

considérant ce qui suit:

A. PROCÉDURE

(1) Le 29 octobre 1999, la Commission a annoncé, par un avis publié au Journal officiel des Communautés européennes(3) (ci-après dénommé "l'avis d'ouverture"), l'ouverture d'une procédure antidumping concernant les importations dans la Communauté de nitrate d'ammonium originaire de Lituanie, de Pologne et d'Ukraine.

(2) La procédure a été ouverte à la suite d'une plainte déposée par l'association européenne des fabricants d'engrais (EFMA) au nom de sociétés représentant une proportion majeure de la production communautaire totale. La plainte contenait des éléments de preuve de l'existence du dumping dont fait l'objet le produit concerné et du préjudice important en résultant qui ont été jugés suffisants pour justifier l'ouverture d'une procédure.

(3) La Commission en a officiellement avisé les producteurs communautaires à l'origine de la plainte, les producteurs-exportateurs et les importateurs, les fournisseurs et les utilisateurs notoirement concernés ainsi que les associations concernées, les représentants des pays exportateurs et les Conseils d'association UE-Lituanie et UE-Pologne. Elle a donné aux parties intéressées la possibilité de faire connaître leur point de vue par écrit et de demander à être entendues dans le délai fixé dans l'avis d'ouverture.

(4) La Commission a envoyé un questionnaire à toutes les parties notoirement concernées. Dix producteurs communautaires à l'origine de la plainte, cinq producteurs-exportateurs, un exportateur, une association d'importateurs et sept importateurs dans la Communauté (dont trois liés aux exportateurs) y ont répondu.

(5) La Commission a recherché et vérifié toutes les informations jugées nécessaires aux fins de la détermination provisoire du dumping, du préjudice et de l'intérêt de la Communauté et a effectué des visites de vérification dans les locaux des sociétés suivantes:

a) Producteurs communautaires à l'origine de la plainte

1. BASF AG, Limburgerhof, Allemagne

2. Fertiberia SA, Madrid, Espagne

3. Grande Paroisse SA, Paris, France

4. Hydro Agri France, Nanterre, France

5. Hydro Agri UK Ltd, Immingham, Royaume-Uni

6. Hydro Agri Sluiskil BV, Sluiskil, Pays-Bas

7. Kemira Ince Ltd, Chester, Royaume-Uni

8. Kemira SA, Wavre, Belgique

9. Sefanitro SA, Barakaldo, Espagne

10. Terra Nitrogen (UK) Ltd, Stockton on Tees, Royaume-Uni.

b) Exportateurs ou producteurs-exportateurs des pays concernés

1. JSC Achema, Jonava, Lituanie

2. Anwil SA, Wloclawek, Pologne

3. CIECH SA, Varsovie, Pologne

4. Zaklady Azotowe Pulawy SA, Pulawy, Pologne.

c) Importateurs

a) liés à des producteurs-exportateurs

1. Litfert SARL, Saint-Malo, France

2. Scandinavian Chemicals and Fertilisers AB, Malmö, Suède

3. Daltrade Ltd, Londres, Royaume-Uni

b) indépendants

1. Helm Düngemittel GmbH, Hambourg, Allemagne

2. UNCAA, Paris, France.

(6) L'enquête relative au dumping et au préjudice a porté sur la période comprise entre le 1er janvier 1998 et le 30 septembre 1999 (ci-après dénommée "la période d'enquête"). Cette période est supérieure à un an afin de couvrir deux saisons agricoles, ce qui permet d'obtenir une image plus fidèle du marché et de tenir compte des éventuelles modifications du marché survenues après l'institution, en 1998, d'un droit spécifique visant à renforcer les mesures antidumping instituées en 1995 à l'encontre des importations de nitrate d'ammonium originaire de Russie. L'examen de l'évolution de la situation aux fins de l'évaluation du préjudice a couvert la période comprise entre 1995 et la fin de la période d'enquête.

B. PRODUIT CONCERNÉ ET PRODUIT SIMILAIRE

1. Produit concerné

(7) Le produit concerné est le nitrate d'ammonium, un engrais azoté solide couramment utilisé en agriculture. Il est obtenu à partir d'ammoniac et d'acide nitrique et sa teneur en azote dépasse 28 % en poids. Le produit importé dans la Communauté est généralement vendu en sacs de 50 et 500 kg. Il relève actuellement des codes NC 3102 30 90 (nitrate d'ammonium, autre qu'en solution aqueuse) et 3102 40 90 (mélanges de nitrate d'ammonium et de carbonate de calcium ou d'autres matières inorganiques dépourvues de pouvoir fertilisant, d'une teneur en azote excédant 28 % en poids).

2. Produit similaire

(8) Le nitrate d'ammonium est un produit de base pur dont les caractéristiques chimiques sont comparables quel que soit le pays d'origine. Il existe deux types de nitrate d'ammonium: granulé et microgranulé. Le premier type présente des granules d'un diamètre supérieur, ce qui confère au produit de meilleures caractéristiques de dispersion. L'enquête a montré que toutes les importations concernaient du nitrate microgranulé et que la majorité du nitrate produit par l'industrie communautaire était granulé. Toutefois, dans la mesure où les produits granulés et microgranulés possèdent les mêmes caractéristiques chimiques et la même utilisation finale et qu'ils sont considérés par les utilisateurs comme étant interchangeables, il convient de les considérer comme deux types différents d'un même produit.

Il a donc été constaté que le produit fabriqué dans la Communauté était similaire à celui importé des pays concernés, conformément à l'article 1er, paragraphe 4, du règlement (CE) n° 384/96, ci-après dénommé "le règlement de base". Par ailleurs, le produit exporté des pays concernés vers la Communauté et ceux fabriqués et vendus respectivement en Pologne et en Lituanie sont considérés comme similaires.

C. DUMPING

1. Lituanie

a) Valeur normale

(9) Le seul producteur lituanien de nitrate d'ammonium a coopéré à l'enquête. Il ne vend qu'un seul type de produit (microgranulé). Ses ventes sur le marché intérieur ont été jugées représentatives pendant la période d'enquête, dans la mesure où leur volume représentait plus de 5 % du volume des ventes à l'exportation, conformément à l'article 2, paragraphe 2, du règlement de base.

(10) Plus de 20 % des ventes intérieures du produit concerné ont été réalisées à des prix inférieurs aux coûts de production unitaires (fixes et variables), majorés des frais de ventes, dépenses administratives et autres frais généraux. Conformément à l'article 2, paragraphe 4, du règlement de base, ces ventes intérieures à perte ont été considérées comme n'ayant pas eu lieu au cours d'opérations commerciales normales. La valeur normale a donc été déterminée sur la base des prix moyens pondérés de toutes les ventes rentables, ces dernières représentant plus de 10 % de toutes les ventes intérieures.

b) Prix à l'exportation

(11) Pour les ventes à des clients indépendants dans la Communauté, le prix à l'exportation a été établi sur la base du prix réellement payé ou à payer pour le produit vendu à l'exportation vers la Communauté, conformément à l'article 2, paragraphe 8, du règlement de base. Pour les ventes réalisées par l'intermédiaire d'importateurs liés, le prix à l'exportation a été construit sur la base des prix de revente à des clients indépendants. Des ajustements ont été opérés afin de tenir compte de tous les coûts supportés par ces importateurs entre l'importation et la revente ainsi que de la marge bénéficiaire constatée pour les importateurs indépendants du produit concerné, conformément à l'article 2, paragraphe 9, du règlement de base.

c) Comparaison

(12) La valeur normale et le prix à l'exportation ont été comparés sur la base du prix départ usine. À cet effet, des ajustements ont été opérés au titre des différences dans les coûts de transport, d'assurance, de chargement et autres coûts accessoires, conformément à l'article 2, paragraphe 10, du règlement de base.

d) Marge de dumping

(13) Conformément à l'article 2, paragraphes 11 et 12, du règlement de base, la marge de dumping du producteur-exportateur concerné a été établie sur la base d'une comparaison entre la valeur normale moyenne pondérée et le prix à l'exportation moyen pondéré. Cette comparaison a montré que, pendant la période d'enquête, les exportations de nitrate d'ammonium de la société n'ont pas fait l'objet de pratiques de dumping. La marge de dumping provisoire s'élève donc à 0,0 %.

Comme les exportations du seul producteur lituanien ayant coopéré à l'enquête représentent la totalité des exportations du produit concerné de Lituanie vers la Communauté, la marge de dumping provisoire établie pour cette société est valable pour l'ensemble du pays.

2. Pologne

a) Coopération

(14) La Commission a envoyé un questionnaire à cinq sociétés citées dans la plainte (un exportateur et quatre producteurs-exportateurs). Un exportateur et deux producteursexportateurs y ont répondu dans le délai spécifié, un troisième producteur-exportateur a refusé de coopérer et un quatrième n'a pas répondu. Toutefois, sur la base des données d'importation fournies par Eurostat, il a été établi que les producteurs-exportateurs ayant coopéré représentaient plus de 90 % de l'ensemble des importations en provenance de Pologne.

b) Valeur normale

(15) Les deux producteurs-exportateurs ayant coopéré ne vendent qu'un seul type de produit (microgranulé). Les ventes réalisées par les deux sociétés sur le marché intérieur pendant la période d'enquête ont été jugées représentatives, dans la mesure ou elles représentaient plus de 5 % de leurs ventes à l'exportation respectives, conformément à l'article 2, paragraphe 2, du règlement de base.

(16) Ces deux producteurs ont réalisé plus de 20 % des ventes intérieures du produit concerné à des prix inférieurs aux coûts de production unitaires (fixes et variables) majorés des frais de ventes, dépenses administratives et autres frais généraux. Conformément à l'article 2, paragraphe 4, du règlement de base, ces ventes intérieures à perte ont été considérées comme n'ayant pas eu lieu au cours d'opérations commerciales normales. Pour ces deux producteurs, la valeur normale a donc été déterminée sur la base des prix moyens pondérés de toutes les ventes rentables, ces dernières représentant plus de 10 % de toutes les ventes intérieures.

c) Prix à l'exportation

(17) Un des producteurs polonais a vendu du nitrate d'ammonium dans la Communauté de deux manières:

- directement, à des importateurs indépendants dans la Communauté et

- indirectement, par l'intermédiaire d'un exportateur implanté en Pologne.

Pour les exportations tant directes qu'indirectes, le prix a été établi sur la base du prix réellement payé ou à payer pour le produit vendu pour être exporté de la Pologne vers la Communauté.

(18) Le second producteur polonais n'a vendu du nitrate d'ammonium qu'à des importateurs indépendants dans la Communauté. Le prix à l'exportation a donc été établi sur la base des prix réellement payés ou à payer, conformément à l'article 2, paragraphe 8, du règlement de base.

d) Comparaison

(19) La valeur normale et le prix à l'exportation ont été comparés sur la base du prix départ usine. À cet effet, des ajustements ont été opérés au titre des différences dans les commissions, les coûts de transport, d'assurance, de chargement et autres coûts accessoires, conformément à l'article 2, paragraphe 10, du règlement de base.

e) Marge de dumping

(20) Conformément à l'article 2, paragraphes 11 et 12, du règlement de base, la marge de dumping de chacun des producteurs-exportateurs concernés a été établie sur la base d'une comparaison entre la valeur normale moyenne pondérée et le prix à l'exportation moyen pondéré.

Les marges de dumping moyennes pondérées provisoirement établies pour les deux producteurs-exportateurs ayant coopéré, exprimées en pourcentage du prix caf frontière communautaire, s'établissent comme suit:

>TABLE>

Pour les producteurs-exportateurs qui n'ont pas répondu au questionnaire de la Commission ou qui ne se sont pas fait connaître autrement, le dumping a été déterminé sur la base des données disponibles, conformément à l'article 18 du règlement de base. Compte tenu du fait qu'au moins un producteur-exportateur n'a pas coopéré, une marge de dumping résiduelle a été calculée, sur la base de la marge de dumping la plus élevée constatée pour des transactions représentatives réalisées par un producteur-exportateur ayant coopéré en Pologne. L'objectif était de ne pas récompenser le défaut de coopération et d'éviter les contournements.

La marge de dumping résiduelle déterminée pour la Pologne, exprimée en pourcentage du prix caf frontière communautaire, s'élève à 43,4 %.

3. Ukraine

a) Coopération

(21) La Commission a envoyé un questionnaire aux cinq sociétés citées dans la plainte. Deux y ont répondu dans le délai spécifié en indiquant qu'elles n'avaient pas exporté le produit concerné vers la Communauté pendant la période d'enquête. Une société a répondu hors délai et a été informée qu'elle serait considérée comme n'ayant pas coopéré. Aucune réponse n'a été reçu des deux dernières sociétés.

b) Pays analogue

(22) Conformément à l'article 2, paragraphe 7, point a), du règlement de base, dans le cas de l'Ukraine, la valeur normale a dû être déterminée sur la base du prix ou de la valeur construite dans un pays tiers à économie de marché. L'avis d'ouverture proposait la Pologne comme pays analogue approprié.

Aucun commentaire n'a été reçu des parties concernées. Par ailleurs, l'enquête a montré que:

- le marché intérieur polonais du produit concerné est important; son volume est représentatif par rapport aux quantités de nitrate d'ammonium originaire d'Ukraine exportées vers la Communauté,

- il existe au moins deux producteurs nationaux (ayant coopéré) de taille importante,

- la Pologne importe des quantités significatives de nitrate d'ammonium en provenance de pays tiers,

- les données comptables fournies par les sociétés ayant coopéré sont fiables.

Sur la base de ce qui précède, la Commission a provisoirement conclu que la Pologne constituait un choix raisonnable de pays tiers à économie de marché, conformément à l'article 2, paragraphe 7, point a), du règlement de base.

c) Valeur normale

(23) La valeur normale a été établie sur la base de la moyenne pondérée des valeurs normales établies pour les deux producteurs-exportateurs polonais ayant coopéré. La méthode de détermination des valeurs normales est exposée aux considérants 15 et 16.

d) Prix à l'exportation

(24) En l'absence d'informations fournies par les exportateurs, les conclusions provisoires ont été établies sur la base des données disponibles, en l'occurrence les chiffres d'Eurostat et les informations sur les coûts de transport maritime contenues dans la plainte, conformément à l'article 18 du règlement de base.

e) Comparaison

(25) La valeur normale et le prix à l'exportation ont été comparés au niveau fob (départ frontière du pays d'exportation). À cet effet, des ajustements ont été opérés au titre des différences dans les coûts de transport, d'assurance, de chargement et autres coûts accessoires, conformément à l'article 2, paragraphe 10, du règlement de base.

f) Marge de dumping

(26) Conformément à l'article 2, paragraphes 11 et 12, du règlement de base, la marge de dumping a été établie sur la base d'une comparaison entre la valeur normale moyenne pondérée et le prix à l'exportation moyen pondéré. Exprimée en pourcentage du prix caf frontière communautaire, la marge de dumping provisoire pour tous les producteurs ukrainiens s'établit à 67,4 %.

D. PRÉJUDICE

(27) Entre 1995 et 1996, la situation générale de l'industrie communautaire allait en s'améliorant, puis elle a commencé à se détériorer fortement. Cette évolution doit être appréciée à la lumière de l'effet des mesures antidumping instituées à l'encontre des importations de nitrate d'ammonium originaire de Russie, introduites en août 1995 (prix minimum à l'importation) et renforcées en mars 1998 (droit spécifique de 26,3 écus/tonne).

1. Définition de l'industrie communautaire

(28) Sur les onze producteurs communautaires à l'origine de la plainte, deux ont été considérés comme n'ayant pas coopéré car les informations qu'ils ont fournies étaient insuffisantes. Ces producteurs n'ont donc pas été pris en compte dans l'industrie communautaire. Les neuf producteurs communautaires ayant coopéré représentent plus de 85 % de la production communautaire de nitrate d'ammonium; ils constituent donc l'industrie communautaire au sens de l'article 4, paragraphe 1, et de l'article 5, paragraphe 4, du règlement de base.

2. Consommation communautaire

(29) La consommation communautaire apparente a été établie sur la base des volumes de vente de l'industrie communautaire sur le marché de la Communauté, des ventes des autres producteurs communautaires sur le marché de la Communauté, telles qu'indiquées dans la plainte, des informations fournies par les producteurs-exportateurs ayant coopéré et des chiffres communiqués par Eurostat concernant le volume des importations.

Sur cette base, la consommation communautaire a diminué de 16,7 % entre 1995 et la période d'enquête et a enregistré une baisse encore plus marquée entre 1996 et la période d'enquête. Entre 1998 et la période d'enquête, elle a encore sensiblement diminué, mais il convient d'apprécier cette évolution à la lumière du fait que les données relatives à la période d'enquête sont annualisées et que le marché du nitrate d'ammonium se caractérise par des fluctuations saisonnières bien marquées.

3. Importations en provenance des pays concernés(4)

a) Évaluation cumulative des effets des importations concernées

(30) Il a d'abord été examiné si les importations en provenance de tous les pays concernés devaient faire l'objet d'une évaluation cumulative, conformément à l'article 3, paragraphe 4, du règlement de base. À cet égard, compte tenu des conclusions susmentionnées concernant les importations faisant l'objet d'un dumping en provenance de Lituanie, ces dernières n'ont pas été prises en compte aux fins de l'évaluation du préjudice et du lien de causalité en tant qu'importations en provenance des pays concernés; elles ont été évaluées en tant qu'importations en provenance d'autres pays tiers. En ce qui concerne la Pologne et l'Ukraine, les marges de dumping constatées sont supérieures au niveau de minimis, les volumes d'importation ne sont pas négligeables et il a en outre été jugé approprié de procéder à une évaluation cumulative compte tenu de la similitude des conditions de concurrence tant entre les produits importés qu'entre les produits importés et le produit communautaire similaire. En effet, les volumes d'importation en provenance de ces pays sont considérables et leurs parts de marché ont augmenté régulièrement depuis 1995. Leurs prix ont en outre considérablement baissé depuis 1996. Par ailleurs, tous les producteurs-exportateurs pratiquent des prix sensiblement inférieurs à ceux de l'industrie communautaire, alors que les circuits commerciaux sont identiques ou similaires. Pour ces raisons, il est provisoirement conclu que les importations en provenance de Pologne et d'Ukraine doivent faire l'objet d'une évaluation cumulative.

b) Volume et part de marché des importations faisant l'objet d'un dumping(5)

(31) Le volume des importations de nitrate d'ammonium originaire des deux pays concernés a augmenté entre 1995 et 1996. En 1997, il est retombé à son niveau de 1995. Par la suite, il a de nouveau fortement augmenté. Pendant la période d'enquête, il était supérieur de 176,5 % à celui de 1995, alors que la consommation communautaire a chuté de 16,7 % sur la même période. La part de marché des importations en provenance des deux pays concernés est passée de 2,6 % en 1995 à 3,1 % en 1996 avant de retomber à son niveau de 1995 en 1997, puis d'augmenter fortement par la suite jusqu'à atteindre 8,7 % pendant la période d'enquête, ce qui représente une hausse de 235 % par rapport à 1995.

c) Prix des importations faisant l'objet d'un dumping

i) Évolution des prix(6)

(32) Les prix moyens pondérés des importations en provenance des deux pays concernés ont diminué de 23,9 % entre 1995 et la période d'enquête. Plus précisément, après avoir atteint un sommet en 1996, les prix ont considérablement diminué pendant la période qui a suivi et ont chuté de 31,4 %.

ii) Sous-cotation

(33) Il a été examiné si les prix pratiqués par les producteurs-exportateurs des pays concernés étaient sensiblement inférieurs à ceux de l'industrie communautaire pendant la période d'enquête. Pour ce faire, les prix caf des producteurs-exportateurs ont été dûment ajustés au niveau franco à quai, frontière communautaire, après dédouanement (deq), et comparés, au même stade commercial, aux prix départ usine des producteurs communautaires, dans les deux cas pour des produits vendus en sac. En effet, les importations sont toujours livrées en sacs alors que l'industrie communautaire vend ses produits tant en sac qu'en vrac. Des ajustements ont donc été opérés lorsqu'il y avait lieu.

Par ailleurs, l'enquête a montré que les produits granulés étaient, en moyenne, vendus à un prix plus élevé que les produits microgranulés, en raison de leurs caractéristiques de dispersion différentes. En conséquence, il a été procédé à une correction de 5,8 euros par tonne aux fins du calcul de la sous-cotation. Ce montant correspond à la différence de prix moyenne entre les nitrates granulés et microgranulés vendus par l'industrie communautaire pendant la période d'enquête.

Enfin, pour évaluer le niveau de sous-cotation des prix, il convient de noter qu'il a été constaté que les prix de l'industrie communautaire étaient particulièrement bas pendant la période d'enquête, ainsi qu'il est indiqué au considérant 36.

Les marges de sous-cotation des prix constatées par pays, exprimées en pourcentage des prix pratiqués par les producteurs communautaires, s'établissent comme suit:

>TABLE>

4. Situation de l'industrie communautaire

a) Production

(34) La production de l'industrie communautaire a diminué de 4,7 % entre 1995 et la période d'enquête, passant de 3915000 tonnes à 3730000 tonnes. Elle a connu une augmentation importante entre 1995 et 1996 avant de chuter de 20,9 % entre 1996 et la période d'enquête.

b) Capacités et taux d'utilisation des capacités

(35) Il convient de noter que les capacités et leur utilisation ne se sont pas révélées être des indicateurs utiles pour ce type de production, dans la mesure où leur évolution est influencée par le fait que d'autres produits sont fabriqués avec les mêmes équipements. En effet, de nombreux produits différents à base de gaz naturel transformé en ammoniac peuvent être fabriqués sur les mêmes chaînes de production. Les capacités totales de production de l'industrie communautaire sont globalement restées stables pendant toute la période considérée, sauf en 1996. Leur utilisation est passée de 46 % en 1995 à 56 % en 1996 avant de retomber, pendant la période d'enquête, à un niveau légèrement inférieur à celui de 1995.

c) Ventes dans la Communauté

(36) Le volume des ventes de l'industrie communautaire est passé de 3790000 tonnes en 1995 à 3396000 tonnes pendant la période d'enquête, ce qui correspond à un recul de 10,4 %. Il convient de noter que, entre 1996 et la période d'enquête, il a chuté de 19,9 %.

d) Part de marché

(37) La part de marché de l'industrie communautaire est restée stable entre 1995 et 1997, puis a augmenté. Pendant la période d'enquête, elle s'élevait à 71,9 %, alors qu'elle n'atteignait que 66,8 % en 1995. Bien que la consommation globale ait diminué depuis 1996, l'industrie communautaire et, dans une bien plus large mesure, les pays concernés ont réussi à augmenter leurs parts de marché. Cette progression a coïncidé avec l'institution de mesures antidumping à l'encontre des importations en provenance de Russie.

e) Prix pratiqués par l'industrie communautaire

(38) Le prix de vente net moyen de l'industrie communautaire est passé de 120,5 écus par tonne en 1995 à 99,3 écus par tonne pendant la période d'enquête, ce qui correspond à une baisse de 17,6 %. La diminution a été particulièrement marquée entre 1996 et la période d'enquête, lorsque les prix ont régulièrement diminué, enregistrant une baisse de 25,4 %.

f) Rentabilité

(39) La rentabilité moyenne pondérée de l'industrie communautaire s'est détériorée et a perdu 22 points de pourcentage entre 1995 et la période d'enquête, passant de 9,6 % à - 12,4 %. Suivant une évolution parallèle à celle des prix, la rentabilité a atteint un sommet en 1996, avant de diminuer régulièrement entre 1996 et la période d'enquête, perdant 31 points de pourcentage.

g) Emploi

(40) L'emploi dans l'industrie communautaire a augmenté entre 1995 et 1996 avant de diminuer par la suite, les effectifs passant de 1986 personnes à 1693 pendant la période d'enquête, soit une diminution de 14,8 %.

h) Investissements

(41) Les investissements réalisés par l'industrie communautaire ont connu une hausse entre 1995 et la période d'enquête. Ils incluent toutefois des investissements concernant des étapes de la production situées en amont de la production de nitrate d'ammonium proprement dite, qui ne sont donc pas directement liés au produit concerné. Les investissements les plus importants réalisés entre 1995 et la période d'enquête ont porté sur les installations de production d'acide nitrique, une matière première entrant dans la production de nitrate d'ammonium, mais qui peut également être utilisée à d'autres fins, notamment la production de solutions d'urée et de nitrate d'ammonium.

5. Conclusion concernant le préjudice

(42) Il a été constaté que la situation de l'industrie communautaire s'était détériorée pendant la période considérée. Alors que les mesures antidumping instituées à l'encontre des importations de nitrate d'ammonium originaire de Russie ont conduit à une diminution substantielle de ces importations après 1996 et, dans un premier temps, à une amélioration de la situation globale, l'industrie communautaire n'a pas pu par la suite tirer pleinement parti de cette évolution. Bien qu'elle ait réussi à récupérer environ la moitié de la part de marché perdue par la Russie depuis 1997, les pays concernés se sont approprié l'autre moitié. De plus, alors que les ventes de l'industrie communautaire ont chuté de 19,9 % entre 1996 et la période d'enquête, les importations en provenance des pays concernés ont simultanément augmenté de 111 %. L'enquête a également montré que, pendant la période d'enquête, les importations concernées étaient vendues à des prix sensiblement inférieurs à ceux pratiqués par l'industrie communautaire.

En ce qui concerne l'évolution des prix, l'industrie communautaire a réussi à augmenter ses prix moyens entre 1995 et 1996. Toutefois, ses prix de vente ont considérablement baissé par la suite, ce qui a sérieusement affecté sa rentabilité, qui s'est fortement détériorée à partir de 1996 jusqu'à tomber à - 12,4 % pendant la période d'enquête.

Il a donc été constaté que la situation de l'industrie communautaire s'est détériorée à un point tel qu'il est provisoirement conclu qu'elle a subi un préjudice important pendant la période d'enquête.

F. LIEN DE CAUSALITÉ

1. Introduction

(43) Conformément à l'article 3, paragraphes 6 et 7, du règlement de base, la Commission a examiné l'incidence de tous les facteurs connus et leurs conséquences sur la situation de l'industrie communautaire afin d'établir ses conclusions concernant le lien de causalité entre les importations faisant l'objet d'un dumping et le préjudice subi par cette industrie. Cette analyse a permis de s'assurer qu'un préjudice causé par des facteurs autres que les importations faisant l'objet d'un dumping n'était pas imputé à ces importations.

2. Effet des importations faisant l'objet d'un dumping

(44) Le nitrate d'ammonium est un produit de base dont les caractéristiques techniques, physiques et chimiques et les applications ne présentent pas de différences importantes, qu'il soit importé ou fabriqué dans la Communauté. Le produit fabriqué dans la Communauté et celui importé en provenance des pays concernés se font donc directement concurrence, principalement sur la base du prix, et ce sur un marché transparent et très sensible aux prix.

(45) Entre 1995 et la période d'enquête, les importations en provenance des pays concernés ont considérablement augmenté en termes de volume (175 %) et de part de marché (passant de 2,6 à 8,7 %), et leurs prix ont été sensiblement inférieurs à ceux pratiqués par l'industrie communautaire, qu'ils ont poussés à la baisse. À partir de 1996, cette évolution a coïncidé avec la dégradation de la situation de l'industrie communautaire en termes de baisse des ventes, de dépression des prix et de détérioration de la rentabilité.

En août 1995, le Conseil a institué des mesures définitives (droit variable basé sur un prix minimal à l'importation) sur les importations de nitrate d'ammonium originaire de Russie. À l'issue d'une enquête relative à une éventuelle prise en charge des mesures, le droit variable a été remplacé, en mars 1998, par un droit spécifique s'élevant à 26,3 écus par tonne. Les importations faisant l'objet d'un dumping en provenance des pays concernés ont empêché l'industrie communautaire de tirer parti des mesures antidumping instituées à l'encontre des importations en provenance de Russie. En termes de volume, les pays concernés se sont approprié la moitié de la part de marché précédemment détenue par la Russie, tandis que la progression de l'industrie communautaire sur ce point n'a été que limitée et que ses ventes ont baissé en termes absolus. En outre, l'augmentation considérable de la part de marché des importations faisant l'objet d'un dumping enregistrée entre 1996 et la période d'enquête a coïncidé avec la détérioration de la situation de l'industrie communautaire, en particulier en termes de prix et de bénéfice.

Face à la concurrence des importations à bas prix en provenance des pays concernés, l'industrie communautaire avait le choix entre maintenir ses prix, au risque de perdre des parts de marché, ou s'aligner sur les bas prix des importations faisant l'objet d'un dumping. Ces deux options présentaient des inconvénients pour la rentabilité. De fait, à partir de 1997, l'industrie communautaire a considérablement baissé ses prix de vente, ce qui a affecté sa rentabilité qui est devenue négative en 1998. Cette évolution illustre bien la sensibilité du marché aux prix et l'incidence considérable des prix pratiqués par les producteurs-exportateurs des pays concernés.

3. Effets d'autres facteurs

a) Importations en provenance d'autres pays tiers

(46) Comme il a été constaté que la marge de dumping des importations en provenance de Lituanie était négligeable, ces importations ont été considérées comme des "importations en provenance d'autres pays tiers".

Le volume des importations de nitrate d'ammonium en provenance d'autres pays tiers est passé de près de 1636000 tonnes en 1995 à environ 720000 tonnes pendant la période d'enquête, ce qui correspond à une baisse de 56 %. Dans ce groupe de pays, les principaux fournisseurs pendant la période d'enquête étaient la Russie, la Lituanie, la Bulgarie et l'Égypte. La part de marché des importations en provenance d'autres pays tiers est passée de 28,8 % en 1995 à 15,2 % pendant la période d'enquête, soit une baisse de 13,6 points de pourcentage. Cette baisse est due en grande partie à la réduction des importations en provenance de Russie, bien que la part de marché des importations en provenance de Lituanie ait montré une tendance inverse, passant de 3,2 % en 1995 à 5,4 % en 1997, avant de retomber à 4,5 % pendant la période d'enquête.

Compte tenu de la baisse globale des importations en provenance d'autres pays tiers en termes de volume et de parts de marché, ces importations, dans leur ensemble, ne peuvent pas avoir contribué de manière significative au préjudice important subi par l'industrie communautaire, bien qu'il ne puisse être exclu que les importations en provenance de certains pays aient pu y contribuer.

b) Baisse de la consommation apparente

(47) En ce qui concerne l'évolution de la demande, la consommation apparente de nitrate d'ammonium a diminué de 950000 tonnes entre 1995 et la période d'enquête (données annualisées), ce qui correspond à une baisse de 16,7 %.

La contraction a été particulièrement nette entre 1998 et la période d'enquête (données annualisées). Comme indiqué ci-dessus, le marché du nitrate d'ammonium se caractérise par des fluctuations saisonnières bien marquées. La majeure partie des ventes ont lieu entre octobre et mars (haute saison) alors que, pendant le restant de l'année, la demande est relativement faible (basse saison). La période d'enquête couvrant deux basses saisons et une seule haute saison, la consommation apparente annualisée serait sous-évaluée.

Par ailleurs, il ne peut pas être exclu que la baisse de la demande (même si elle a été statistiquement surestimée pendant la période d'enquête) résulte de certains effets de substitution entre les différents engrais azotés. Il a été établi dans une affaire récente concernant des solutions d'urée et de nitrate d'ammonium que la consommation apparente de ces solutions avait augmenté ces dernières années [voir le règlement (CE) n° 617/2000 de la Commission(7)]. Cette évolution s'est poursuivie durant le second semestre de 1999.

Toutefois, alors que la baisse de la demande a certainement contribué à accroître la concurrence et a exercé une certaine pression à la baisse sur les prix, contribuant ainsi au préjudice subi par l'industrie communautaire, cette dernière a anticipé une chute de la demande et s'y est adaptée, ce qui transparaît dans l'annonce récente de la fermeture de plusieurs usines. En l'absence de la pression exercée sur les prix par les importations faisant l'objet d'un dumping, la chute des prix et de la rentabilité de l'industrie communautaire aurait été moins marquée.

c) Autres facteurs

(48) Il a également été examiné si des facteurs autres que ceux précités pouvaient avoir contribué au préjudice subi par l'industrie communautaire.

En ce qui concerne l'évolution de la demande, il a été avancé que, au niveau mondial, i1 y avait une surcapacité de production d'engrais azotés qui a contribué à faire baisser les prix de ces engrais, ce qui a entraîné le préjudice subi par l'industrie communautaire. Toutefois, l'industrie communautaire n'a pas développé de capacités supplémentaires pendant la période considérée et n'a donc pas contribué à augmenter la surcapacité mondiale. Cette surcapacité est peut-être la raison pour laquelle les pays concernés ont exporté leurs produits vers la Communauté, mais cela ne justifie pas le dumping préjudiciable.

Les coûts de production unitaires de l'industrie communautaire sont quant à eux restés relativement stables entre 1995 et la période d'enquête et n'ont donc pas influencé la rentabilité.

En ce qui concerne l'évolution de la technologie et de la productivité de l'industrie communautaire, il a été établi que cette dernière a procédé à des investissements considérables pour conserver sa compétitivité.

4. Conclusions concernant le lien de causalité

(49) Sur la base de ce qui précède, il est provisoirement conclu que, bien que le déclin de la consommation apparente ou les importations en provenance de certains pays tiers puissent avoir contribué au préjudice subi par l'industrie communautaire, en particulier en termes de réduction de la production et du volume des ventes, les importations faisant l'objet d'un dumping restent un facteur important en ce qui concerne notamment l'évolution des prix et du bénéfice de l'industrie communautaire. Compte tenu de la simultanéité entre, d'une part, la baisse des prix et la sous-cotation établie pour les importations concernées et la part de marché importante conquise par les importations faisant l'objet d'un dumping en provenance des pays concernés et, d'autre part, la baisse des ventes enregistrée par l'industrie communautaire ainsi que la réduction de ces prix de vente et la baisse de sa rentabilité, il est provisoirement conclu que les importations faisant l'objet d'un dumping en provenance des pays concernés ont causé le préjudice important subi par l'industrie communautaire. En conséquence, il est également conclu que l'effet de facteurs autres que les importations faisant l'objet d'un dumping n'est pas de nature à briser le lien de causalité établi entre ces importations et le préjudice important subi par l'industrie communautaire.

G. INTÉRÊT DE LA COMMUNAUTÉ

1. Remarque préliminaire

(50) Conformément à l'article 21 du règlement de base, il a été déterminé si l'institution de mesures antidumping serait contraire à l'intérêt de la Communauté dans son ensemble. La détermination de l'intérêt communautaire repose sur une appréciation de tous les intérêts en jeu, à savoir ceux de l'industrie communautaire, des importateurs et des négociants ainsi que des utilisateurs du produit concerné pour autant que ces parties aient fourni les informations demandées à cet égard.

Afin d'évaluer l'incidence probable de l'institution ou non de mesures, toutes les parties intéressées ont été invitées à fournir des informations. Des questionnaires ont été envoyés à l'industrie communautaire, à deux autres producteurs dans la Communauté, à 51 importateurs/négociants, à une association d'importateurs et à deux associations d'utilisateurs du produit concerné. Cinq importateurs/négociants (dont un lié à un producteur-exportateur) ainsi que l'association d'importateurs ont répondu. Aucune association d'utilisateurs n'a répondu au questionnaire ni fourni d'autres informations.

Sur cette base, il a été examiné si, malgré les conclusions concernant le dumping, la situation de l'industrie communautaire et le lien de causalité, il existait des raisons impérieuses de ne pas conclure qu'il est dans l'intérêt de la Communauté d'instituer des mesures dans ce cas particulier.

2. Intérêt de l'industrie communautaire

(51) L'industrie communautaire s'est révélée être une industrie structurellement viable, capable de s'adapter aux conditions changeantes du marché. Le redressement de sa situation après la restauration de conditions de concurrence loyales et l'institution de mesures antidumping à l'encontre des importations en provenance de Russie ainsi que les investissements réalisés dans des capacités de production à la pointe de la technologie en sont la preuve. Toutefois, en raison de la pression exercée sur les prix de vente par les importations faisant l'objet d'un dumping, elle n'a pas pleinement tiré parti de l'institution des mesures antidumping à l'encontre des importations de produit originaire de Russie, en particulier depuis 1996.

Un groupe de sociétés à l'origine de la plainte a déjà annoncé la fermeture prévue, avec suppression d'emplois, de capacités de production correspondant à environ 1 million de tonnes de nitrate, utilisées jusqu'à présent pour fabriquer, entre autres, du nitrate d'ammonium. Malgré la viabilité structurelle susmentionnée, il ne peut être exclu que certaines sociétés réduisent encore, voire cessent, la production de nitrate d'ammonium dans la Communauté si des mesures ne sont pas prises pour lutter contre le dumping préjudiciable. Cette conclusion est justifiée au vu de la durée et de l'ampleur des pertes financières subies en raison des importations faisant l'objet d'un dumping (entre 1998 et la période d'enquête, les pertes enregistrées par l'industrie communautaire n'ont cessé de croître). En effet, faute de mesures, la dépression des prix imputable à ces importations continuera de ruiner tous les efforts déployés par l'industrie communautaire pour recouvrer une rentabilité satisfaisante.

En revanche, l'institution de mesures lui permettrait de restaurer et de maintenir ses activités dans la Communauté.

3. Intérêt des importateurs/négociants

(52) L'association des importateurs européens d'engrais (EFIA) et quatre importateurs indépendants ont répondu au questionnaire et fourni des informations, et deux visites de vérification ont été effectuées. Par ailleurs, l'enquête a établi que, en règle générale, les importateurs/négociants ne commercialisent pas seulement du nitrate d'ammonium mais également, dans une proportion majeures, d'autres engrais. Ainsi, l'institution de mesures aurait un effet limité sur leur activité globale. Néanmoins, il ne peut être exclu que certains importateurs soient confrontés à des difficultés après l'institution de mesures antidumping.

4. Intérêt des utilisateurs

(53) Les utilisateurs du produit concerné sont des agriculteurs dans la Communauté. La demande d'engrais azotés semble être relativement peu élastique et les agriculteurs ont tendance à acheter le produit à la source la moins chère. Ils ont donc profité des bas prix du nitrate d'ammonium pendant les saisons 1998 et 1999. Toutefois, le fait que les associations d'utilisateurs n'aient pas coopéré à l'enquête justifie de conclure provisoirement que l'institution éventuelle de mesures antidumping n'aura vraisemblablement pas d'impact décisif sur les utilisateurs. En cas d'institution de mesures antidumping, le coût du nitrate d'ammonium pour les agriculteurs augmentera très certainement. Toutefois, les engrais représentant une petite part des coûts totaux de production, il n'est pas considéré que les inconvénients éventuels pour les agriculteurs de la Communauté annuleront les effets positifs des mesures prises à l'encontre du dumping préjudiciable pour l'industrie communautaire.

5. Aspects de concurrence et effets de distorsion des échanges

(54) En ce qui concerne les effets des mesures éventuelles sur la concurrence dans la Communauté, certaines parties intéressées ont fait valoir que l'institution de droits entraînerait la disparition des producteurs-exportateurs concernés du marché de la Communauté, ce qui y restreindrait considérablement la concurrence et y provoquerait une hausse des prix du nitrate d'ammonium.

Toutefois, certains des producteurs-exportateurs concernés continueront probablement de vendre leur produit, même à des prix non préjudiciables sans dumping, dans la mesure où il a été constaté qu'ils jouissaient d'une position de plus en plus solide sur le marché. L'institution de mesures antidumping à l'encontre des producteurs-exportateurs pour lesquels des marges de dumping et de préjudice supérieures ont été établies entraînera probablement une baisse de leur volume de vente et de leur part de marché. Enfin, il ne peut être exclu que, une fois que les prix auront atteint un niveau permettant d'éliminer les effets du dumping préjudiciable, d'autres pays tiers réorienteront leurs exportations vers le marché de la Communauté. Par conséquent, il est probable que l'industrie communautaire continuera de se trouver confrontée à un nombre considérable de concurrents et que, comme précisé plus haut, vu le nombre élevé de producteurs dans la Communauté et la transparence du marché, les utilisateurs du produit concerné continueront à avoir le choix entre différents fournisseurs.

Il n'est donc pas jugé que l'institution de mesures antidumping restreindra indûment le choix des utilisateurs ni n'affaiblira la concurrence.

6. Conclusion concernant l'intérêt de la Communauté

(55) Pour les raisons susmentionnées, il est provisoirement conclu qu'il n'existe aucune raison impérieuse de ne pas instituer de droits antidumping.

H. MESURES PROVISOIRES

1. Niveau d'élimination du préjudice

(56) Compte tenu des conclusions établies concernant le dumping, le préjudice, le lien de causalité et l'intérêt de la Communauté, des mesures antidumping provisoires sont jugées nécessaires afin d'empêcher l'aggravation du préjudice causé à l'industrie communautaire par les importations faisant l'objet d'un dumping.

Aux fins de l'établissement du niveau du droit, il a été tenu compte des marges de dumping constatées et du droit nécessaire pour éliminer le préjudice subi par l'industrie communautaire.

Pour établir le niveau de droit nécessaire pour éliminer le préjudice causé par le dumping, les marges de dumping ont été calculées. L'augmentation du prix nécessaire a été déterminée sur la base d'une comparaison, au même stade commercial, du prix à l'importation moyen pondéré et du prix non préjudiciable du nitrate d'ammonium vendu par l'industrie communautaire sur le marché de la Communauté.

Le prix non préjudiciable a été obtenu en majorant le coût de production unitaire total de la marge bénéficiaire qui peut être raisonnablement obtenue en l'absence d'un dumping préjudiciable, en tenant compte de la correction au titre de la différence entre les nitrates d'ammonium granulés et microgranulés déjà apportée pour le calcul de la sous-cotation. La marge bénéficiaire utilisée pour ce calcul s'élève à 8 %.

Le plaignant a avancé qu'une marge bénéficiaire de 10 à 15 % serait appropriée. Il a fait valoir que, en 1995 et 1996, l'industrie communautaire avait réalisé des bénéfices s'élevant respectivement à 9,6 % et 18,6 % et qu'il fallait remplacer les investissements à long terme et garantir un rendement adéquat pour les actionnaires.

Après examen des diverses observations présentées par les plaignants à ce sujet, la Commission a provisoirement conclu qu'une marge bénéficiaire de 8 % correspondrait au niveau de rentabilité que l'industrie communautaire aurait raisonnablement pu espérer pendant la période d'enquête en l'absence d'importations faisant l'objet d'un dumping. À cet égard, le bénéfice réalisé en 1995 peut être considéré comme correspondant à un bénéfice réalisé en l'absence de dumping préjudiciable, dans la mesure où, cette année-là, l'industrie communautaire a pu profiter de l'effet des mesures instituées à l'encontre des importations de nitrate d'ammonium faisant l'objet d'un dumping en provenance de Russie, mais dans un marché en expansion. En 1996, cette évolution positive s'est confirmée, la demande augmentant encore, ce qui a entraîné un marché exceptionnellement favorable et d'excellents résultats pour tous les opérateurs économiques. En revanche, pendant la période d'enquête, le marché a connu une situation précaire. Pour déterminer le bénéfice qui aurait raisonnablement pu être réalisé pendant cette période en l'absence du dumping préjudiciable, il a donc été tenu compte de la situation passée de l'industrie communautaire, mais également de l'état général du marché, ce qui a conduit à conclure que 8 % pouvait être considéré comme une marge bénéficiaire non préjudiciable appropriée.

L'écart résultant de la comparaison entre le prix à l'importation moyen pondéré et le prix non préjudiciable de l'industrie communautaire a ensuite été exprimé en pourcentage de la valeur totale caf à l'importation.

2. Mesures provisoires

(57) Le plaignant a fait valoir que certains éléments indiquaient l'apparition de nouvelles formes de nitrate d'ammonium, à savoir des mélanges avec d'autres produits, dont la seule finalité était de contourner d'éventuelles mesures antidumping instituées sur le nitrate d'ammonium. L'attention des autorités douanières est attirée sur ce problème.

Compte tenu de ce qui précède, il est considéré que, conformément à l'article 7, paragraphe 2, du règlement de base, il conviendrait d'instituer un droit antidumping provisoire sur les importations en provenance de Pologne et d'Ukraine au niveau des marges de préjudice constatées dans la mesure où celles-ci sont inférieures aux marges de dumping.

Afin de garantir l'efficacité des mesures et de décourager la manipulation des prix qui a été observée à l'occasion de certaines procédures précédentes concernant la même catégorie générale de produits, à savoir les engrais, il est jugé approprié d'instituer les droits sous la forme d'un montant spécifique par tonne.

Pour déterminer le droit résiduel à appliquer aux producteurs-exportateurs n'ayant pas coopéré, les marges les plus élevées établies pour des transactions représentatives réalisées par un producteur-exportateur ayant coopéré ont été utilisées.

Sur la base de ce qui précède, les montants de droit provisoires s'établissent comme suit:

>TABLE>

Compte tenu des résultats de l'enquête concernant la Lituanie, et considérant que la marge de dumping est négligeable, aucune mesure provisoire ne devrait être appliquée à ce pays. La Commission continuera cependant à enquêter et examinera tout autre élément de preuve qui lui sera présenté pour parvenir à une conclusion définitive.

(58) Une offre d'engagement a été reçue de la part d'un des producteurs-exportateurs polonais. Toutefois, cette offre n'a pas pu être acceptée, car elle aurait conduit à exempter un volume d'importation considérable des mesures provisoires et n'aurait donc pas permis d'éliminer le préjudice causé à l'industrie communautaire.

(59) Les taux de droit antidumping individuels fixés dans le présent règlement ont été établis sur la base des conclusions de la présente enquête. Ils reflètent donc la situation au moment de l'enquête en ce qui concerne les sociétés concernées. Ces taux de droit (par opposition au droit national applicable à "toutes les autres sociétés") s'appliquent ainsi exclusivement aux importations de produits originaires du pays concerné fabriqués par les sociétés, et donc par les entités juridiques spécifiques, citées. Les produits importés fabriqués par toute autre société dont les nom et adresse ne sont pas spécifiquement mentionnés dans le dispositif du présent règlement, y compris par les entités liées aux sociétés spécifiquement citées, ne peuvent pas bénéficier de ces taux et seront soumis au taux de droit applicable à "toutes les autres sociétés".

(60) Toute demande d'application des taux de droit individuels (par exemple, à la suite d'un changement de dénomination de l'entité ou de la création de nouvelles entités de production ou de vente) doit être immédiatement adressée à la Commission(8) et contenir toutes les informations pertinentes, notamment toute modification des activités de la société liées à la production, aux ventes intérieures et à l'exportation résultant, par exemple, de ce changement de dénomination ou de la création de ces nouvelles entités de production ou de vente. Après consultation du comité consultatif, la Commission modifiera, le cas échéant, le règlement en conséquence par la mise à jour de la liste des sociétés bénéficiant de ces taux de droit individuels.

3. Disposition finale

(61) Dans l'intérêt d'une saine administration, il convient de fixer un délai pour permettre aux parties intéressées de faire connaître leurs points de vue par écrit et de demander à être entendues. De plus, il convient de préciser que les conclusions tirées aux fins du présent règlement sont provisoires et peuvent être réexaminées pour l'institution de tout droit définitif,

A ARRÊTÉ LE PRÉSENT RÈGLEMENT:

Article premier

1. Il est institué un droit antidumping provisoire sur les importations de nitrate d'ammonium autre qu'en solution aqueuse et les mélanges de nitrate d'ammonium et de carbonate de calcium ou d'autres matières inorganiques dépourvues de pouvoir fertilisant, d'une teneur en azote excédant 28 % en poids, relevant des codes NC 3102 30 90 et 3102 40 90 et originaires de Pologne et d'Ukraine.

2. Le montant du droit est égal au montant fixé en euros par tonne de nitrate d'ammonium indiqué ci-dessous pour les produits fabriqués par les sociétés suivantes:

>TABLE>

3. En cas de dommage avant la mise en libre pratique des marchandises, lorsque le prix payé ou à payer est calculé proportionnellement aux fins de la détermination de la valeur en douane conformément à l'article 145 du règlement (CEE) n° 2454/93 de la Commission(9), le montant du droit antidumping, calculé sur la base des montants énoncés ci-dessus, est réduit au prorata du prix actuellement payé ou à payer.

4. Sauf indication contraire, les dispositions en vigueur en matière de droits de douane sont applicables.

5. La mise en libre pratique dans la Communauté des produits visés au paragraphe 1 est subordonnée au dépôt d'une garantie équivalente au montant du droit provisoire.

Article 2

Sans préjudice de l'article 20 du règlement (CE) n° 384/96, les parties concernées peuvent demander à être informées des faits et considérations essentiels sur la base desquels le présent règlement a été adopté, présenter leur point de vue par écrit et demander à être entendues par la Commission dans un délai d'un mois à compter de la date de l'entrée en vigueur du présent règlement.

Conformément à l'article 21, paragraphe 4, du règlement (CE) n° 384/96, les parties concernées peuvent demander à être entendues à propos de l'analyse de l'intérêt de la Communauté et peuvent présenter des commentaires sur l'application du présent règlement dans un délai d'un mois à compter de sa date d'entrée en vigueur.

Article 3

Le présent règlement entre en vigueur le jour suivant celui de sa publication au Journal officiel des Communautés européennes.

L'article 1er du présent règlement s'applique pendant une période de six mois.

Le présent règlement est obligatoire dans tous ses éléments et directement applicable dans tout État membre.

Fait à Bruxelles, le 25 juillet 2000.

Par la Commission

Franz Fischler

Membre de la Commission

(1) JO L 56 du 6.3.1996, p. 1.

(2) JO L 128 du 30.4.1998, p. 18.

(3) JO C 311 du 29.10.1999, p. 3.

(4) Pour des raisons de confidentialité, étant donné que certains des pays concernés ne comptent qu'un seul producteur-exportateur, les chiffres les concernant figurant dans le présent règlement seront indexés ou approximatifs.

(5) Aux fins de l'évaluation de l'évolution des volumes et des parts de marché et pour comparer des données cohérentes, seules les données d'Eurostat ont été utilisées.

(6) Pour évaluer l'évolution des prix en comparant des données cohérentes, seules les données d'Eurostat ont été utilisées, tandis que pour le calcul de la sous-cotation des prix et des marges de dumping pendant la période d'enquête, les informations fournies par les producteurs-exportateurs ont été utilisées lorsqu'elles étaient disponibles.

(7) JO L 75 du 24.3.2000, p. 3.

(8) Commission européenne Direction générale "Commerce"

Direction C

DM 24-8/38

Rue de la Loi 200 B - 1049 Bruxelles .

(9) JO L 253 du 11.10.1993, p. 40.