31990R0762

Règlement (CEE) n° 762/90 de la Commission du 26 mars 1990 instituant un droit antidumping provisoire sur les importations d'oxyde tungstique et d'acide tungstique originaires de la République populaire de Chine

Journal officiel n° L 083 du 30/03/1990 p. 0029 - 0035


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RÈGLEMENT (CEE) No 762/90 DE LA COMMISSION

du 26 mars 1990

instituant un droit antidumping provisoire sur les importations d'oxyde tungstique et d'acide tungstique originaires de la république populaire de Chine

LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,

vu le traité instituant la Communauté économique européenne,

vu le règlement (CEE) no 2423/88 du Conseil, du 11 juillet 1988, relatif à la défense contre les importations qui font l'objet d'un dumping ou de subventions de la part de pays non membres de la Communauté économique européenne (1), et notamment son article 11,

après consultations au sein du comité consultatif institué par ledit règlement,

considérant ce qui suit:

A. PROCÉDURE

(1) En juillet 1988, la Commission a été saisie d'une plainte écrite déposée par le comité de liaison des industries de métaux non ferreux de la Communauté européenne, au nom de producteurs représentant la majeure partie de la production communautaire d'oxyde tungstique et d'acide tungstique.

La plainte contenait des éléments de preuve quant à l'existence de pratiques de dumping et d'un préjudice en résultant, qui ont été jugés suffisants pour justifier l'ouverture d'une procédure.

En conséquence, la Commission a annoncé, dans un avis publié au Journal officiel des Communautés européennes (2), l'ouverture d'une procédure antidumping concernant les importations dans la Communauté d'oxyde tungstique et d'acide tungstique relevant du code NC 2825 90 40, originaires de la république populaire de Chine.

(2) La Commission en a avisé officiellement les exportateurs et les importateurs notoirement concernés, les représentants du pays exportateur ainsi que les plaignants.

Elle a invité les parties concernées à répondre aux questionnaires qui leur avaient été envoyés, en leur donnant l'occasion de faire connaître leur point de vue par écrit et de solliciter une audition.

(3) Tous les producteurs communautaires plaignants ont répondu aux questionnaires, fait connaître leurs vues par écrit et sollicité et obtenu de la Commission une audition.

(4) Aucune des trois principales organisations d'exportation chinoises ou de leurs vingt-huit antennes régionales ni aucun des huit producteurs chinois auxquels la Commission avait adressé un questionnaire n'a renvoyé celui-ci complété, même partiellement. En revanche, la « China Chamber of Commerce of Metals, Minerals and Chemicals Importers and Exporters », ci-après dénommée « la Chambre de commerce de la Chine », s'est fait connaître auprès de la Commission et lui a fait part de son intention de répondre aux questionnaires au nom de l'ensemble des exportateurs et producteurs chinois susmentionnés. La Chambre de commerce de la Chine a sollicité et obtenu de la Commission, et ce à deux reprises, des délais ayant pour but de lui permettre de préparer sa réponse aux questionnaires. Néanmoins, à l'issue de ces délais, aucune réponse aux questionnaires proprement dits n'a été reçue par la Commission mais seulement un argumentaire de portée générale.

La Chambre de commerce de la Chine a également sollicité et obtenu de la Commission une audition au cours de laquelle elle a présenté des arguments, soit de portée générale, soit relatifs à un autre produit intermédiaire du tungstène, faisant l'objet d'une enquête antidumping distincte.

Aucune des neuf sociétés signalées dans la plainte comme importatrices d'oxyde tungstique et d'acide tungstique originaires de la république populaire de Chine n'a répondu aux questionnaires adressés par la Commission.

(5) En conséquence, pour les parties qui n'ont pas répondu ou ne se sont pas manifestées de quelque autre façon, les conclusions ont été établies, conformément aux dispositions de l'article 7 paragraphe 7 point b) du règlement (CEE) no 2423/88, sur la base des données disponibles, en l'occurrence commercialisé les éléments d'information obtenus auprès du plaignant ainsi que les données statistiques officielles de la Communauté.

(6) La Commission a recueilli et vérifié toutes les informations qu'elle estimait nécessaires aux fins d'une détermination préliminaire du dumping et du préjudice en résultant auprès des parties ayant accepté de collaborer. À cette fin, elle a procédé à un contrôle sur place auprès de:

a) producteurs communautaires

- Hermann C. Stark Berlin, GmbH & Co. KG, Duesseldorf et Goslar, république fédérale d'Allemagne,

- Murex Ltd, Rainham, Royaume-Uni,

- Eurotungstène poudres SA, Grenoble, France;

b) pays de référence

- Korea Tungsten Mining Co. Ltd (KTMC), Séoul et Daegu, république de Corée.

La Commission a aussi mené une enquête auprès du producteur du pays de référence suggéré par le plaignant, la société Wolfram Bergbau- und Huettengesellschaft mbH, Vienne, Autriche.

(7) L'enquête sur les pratiques de dumping s'est étendue sur la période allant du 1er janvier au 30 septembre 1988.

Le délai d'un an prévu à l'article 7 paragraphe 9 point a) du règlement (CEE) no 2423/88 a été dépassé dans le cadre de la présente procédure en raison de la durée des consultations au sein du comité consultatif.

B. DESCRIPTION DU PRODUIT - INDUSTRIE COMMUNAUTAIRE

(8) L'oxyde tungstique est un composé de tungstène et d'oxygène (WO3) habituellement produit par traitement thermique (calcination) de paratungstate d'ammonium.

L'acide tungstique (ou hydroxyde de tungstène) est un composé de tungstène, d'hydrogène et d'oxygène (H2WO4) produit soit par précipitation à partir d'une solution de tungstate de sodium, soit par décomposition de tungstate de calcium. L'acide tungstique est commercialisé soit en l'état, soit après décomposition thermique sous forme d'oxyde tungstique de qualité industrielle.

Il s'agit de produits intermédiaires utilisés pour obtenir les autres produits de la chaîne du tungstène.

(9) Les produits en cause relèvent du même code NC 2825 90 40, indiqué dans l'avis d'ouverture précité. Toutefois, ce code regroupant l'ensemble des oxydes et hydroxydes de tungstène, la Commission a constaté que l'oxyde et l'acide tungstiques devaient être considérés comme relevant du code NC ex 2825 90 40. Cette modification n'a pas eu d'incidence sur la suite de la procédure dans la mesure où, selon les informations obtenues par la Commission, les courants d'échanges des autres oxydes et hydroxydes de tungstène pouvaient être considérés comme statistiquement négligeables.

(10) Les produits en cause présentent des caractéristiques chimiques très proches:

- leur contenu en tungstène est très voisin (environ 99 % de WO3 pour l'oxyde tungstique et 93 % pour l'acide tungstique,

- ces produits, après avoir subi des traitements spécifiques, sont destinés à faire l'objet d'utilisations industrielles très similaires.

Sur ces bases, et compte tenu du fait que les importations chinoises relevant du code NC ex 2825 90 40 ont été constituées, au cours de la période de référence, à environ 90 %, par de l'oxyde tungstique, la Commission a estimé que l'oxyde tungstique et l'acide tungstique pouvaient être considérés comme des produits similaires au sens de l'article 2 paragraphe 12 du règlement (CEE) no 2423/88.

En outre, selon les informations recueillies par la Commission, les produits exportés par la Chine et ceux fabriqués par les producteurs communautaires peuvent être considérés comme similaires au sens de l'article précité.

(11) La Commission a constaté que, au cours de la période de référence, les producteurs communautaires au nom desquels la plainte a été introduite ont fabriqué environ 90 %, soit une proportion majeure, de la production communautaire d'oxyde et d'acide tungstiques.

La Commission a donc estimé que les producteurs communautaires au nom desquels la plainte a été introduite constituent l'industrie communautaire au sens de l'article 4 paragraphe 5 du règlement (CEE) no 2423/88.

C. VALEUR NORMALE

(12) Pour établir l'existence d'un dumping concernant les importations chinoises d'oxyde et d'acide tungstiques, la Commission a dû tenir compte du fait que ce pays n'a pas une économie de marché et, en conséquence, fonder ses calculs sur la valeur normale du produit en cause dans un pays à économie de marché; à cet effet, le plaignant avait proposé de retenir la valeur construite établie sur la base du coût de production de l'oxyde tungstique en Autriche.

(13) Les représentants de la Chambre de commerce de la Chine ont marqué leur opposition à cette suggestion du plaignant en faisant valoir que la structure économique de l'Autriche est différente de celle de la république populaire de Chine, sans pour autant suggérer un autre pays de référence.

(14) Le producteur sud-coréen de produits intermédiaires du tungstène, la société Korea Tungsten Mining Co, Ltd (KTMC), a accepté , avant et pendant le contrôle sur place concernant d'autres procédures, d'apporter sa collaboration à la Commission dans le cadre de la présente enquête.

(15) La Commission a vérifié les deux coûts de production considérés (autrichien et coréen) et a constaté que:

- le producteur sud-coréen ainsi que le producteur autrichien étaient totalement intégrés, c'est-à-dire possédaient leurs propres mines, et produisaient tous les produits intermédiaires du tungstène, - les produits exportés par la république populaire de Chine et ceux fabriqués par le producteur sud-coréen pouvaient être considérés comme similaires au sens de l'article 2 paragraphe 12 du règlement (CEE) no 2423/88,

- les calculs effectués conduisaient nécessairement, dans le cas de l'Autriche comme dans celui de la Corée, à établir la valeur normale sur la base d'une valeur construite,

- le procédé de fabrication mis en oeuvre par le producteur sud-coréen était efficient, moderne et rentable,

- le coût de production en Corée du Sud était mieux adapté aux fins d'établissement de la valeur normale pour la république populaire de Chine dans la mesure où les économies des deux pays étaient moins dissemblables. En outre, les normes techniques du produit fabriqué par le producteur sud-coréen étaient comparables à celles de la république populaire de Chine.

(16) La société KTMC n'ayant vendu le produit en cause ni sur son marché domestique ni sur le marché d'exportation au cours de la période de référence, mais ayant toutefois fabriqué ce produit en tant que stade intermédiaire pour sa production de poudre de tungstène métal, la Commission a déterminé la valeur normale sur la base de la valeur construite, établie par addition du coût de production de l'oxyde tungstique et d'une marge bénéficiaire raisonnable.

S'agissant du coût de production, celui-ci a été obtenu en additionnant tous les coûts, tant fixes que variables, se rapportant:

- aux matériaux (ce qui a conduit à l'établissement du coût de production du minerai/concentré de tungstène, que KTMC extraît de sa mine de Sang Dong),

- et à la fabrication, dans le pays d'origine.

Ces coûts ont été augmentés des frais de vente, dépenses administratives et autres frais généraux, lesquels ont été établis, en l'absence de données relatives à d'autres producteurs ou exportateurs dans le pays d'origine, par référence aux ventes de poudre de tungstène métal réalisées par KTMC sur son marché intérieur au cours de la période de référence.

En ce qui concerne la marge bénéficiaire, la même référence a été utilisée, mais il a été raisonnable d'en limiter le niveau à 10 %, au vu de la profitabilité générale du producteur coréen et pour tenir compte des pressions très fortes exercées sur les prix de l'oxyde et de l'acide tungstiques au niveau mondial. À cet égard, la Commission a estimé que le marché coréen n'était pas à l'abri de ces pressions et qu'il convenait de retenir pour le produit considéré une profitabilité inférieure à celle constatée dans le cas de la poudre de tungstène métal vendue par KTMC sur son marché domestique pendant la période d'enquête.

(17) En conséquence, la Commission a conclu qu'il était approprié et non déraisonnable de déterminer la valeur normale de l'oxyde et de l'acide tungstiques chinois sur la base du coût de production du producteur sud-coréen.

D. PRIX À L'EXPORTATION

(18) En l'absence de réponse de la part des exportateurs et producteurs chinois, ainsi que des importateurs communautaires, le prix à l'exportation a été établi sur la base des données disponibles, à savoir les informations relatives aux prix moyens publiées par l'Office statistique des Communautés européennes (Eurostat) (caf, frontière CEE).

E. COMPARAISON

(19) Pour comparer la valeur normale construite avec le prix à l'exportation, la Commission a tenu compte des différences affectant la comparabilité des prix.

En effet, la valeur normale avait été établie au stade départ usine, alors que le prix à l'exportation ressortant du prix moyen publié par Eurostat (caf frontière CEE) incluait des frais encourus entre le départ de l'usine chinoise et l'introduction des marchandises dans la Communauté.

À cet égard, en l'absence de collaboration de la part des exportateurs et producteurs chinois, ainsi que des importateurs communautaires, les ajustements nécessaires, relatifs notamment au fret maritime, aux frais d'assurance et de manutention ainsi qu'aux frais de vente, ont été effectués sur la base des données recueillies en république de Corée, dans le cadre des enquêtes concernant le paratungstate d'ammonium et la poudre de tungstène métal.

(20) La comparaison a été faite au stade départ usine, sur une base globale pour l'ensemble de la période de référence.

F. MARGE DE DUMPING

(21) L'examen préliminaire des faits montre l'existence de pratiques de dumping imputables aux exportateurs de la république populaire de Chine, la marge de dumping étant égale à la différence entre la valeur normale établie et le prix à l'exportation dans la Communauté.

(22) Calculée sur la base du prix caf frontière CEE, la marge de dumping s'élève à 85,84 % pour l'oxyde et l'acide tungstiques originaires de la république populaire de Chine.

(1) JO no L 209 du 2. 8. 1988, p. 1.

(2) JO no C 322 du 15. 12. 1988, p. 5.

G. PRÉJUDICE

1. Volume et parts de marché

a. République populaire de Chine

(23) Sur la base des chiffres publiés par Eurostat, qui constituent la meilleure information disponible dans le cas de la Chine, les importations chinoises ont substantiellement augmenté, passant de 6 tonnes en 1984 à 95 tonnes en 1987 et 216 tonnes pendant la période de référence.

(24) En ce qui concerne la part du marché communautaire détenue par les importations chinoises des produits en cause, la Commission a estimé qu'il convenait de l'apprécier sur la base des quantités totales ayant fait l'objet de transactions à l'intérieur de la Communauté (c'est-à-dire en additionnant les ventes des producteurs communautaires et l'ensemble des importations originaires des pays tiers).

Sur cette base, il apparaît que la part de marché des exportateurs chinois s'est fortement accrue, passant de 5 % en 1984 à 79 % pendant la période de référence.

b. Autres pays tiers fournisseurs

(25) Les importations originaires des autres pays tiers ont substantiellement diminué pendant la période 1984-1988, de 64 tonnes à 11 tonnes, ce qui représente une diminution de part de marché, appréciée sur la base indiquée au considérant précédent, de 51 % à 4 %.

Ces chiffres démontrent que la république populaire de Chine est parvenue, en moins de cinq ans, à transformer à son avantage la structure du marché communautaire de l'oxyde et de l'acide tungstiques.

2. Prix

(26) Au cours de la période 1984-1988, les exportateurs chinois, considérés globalement, ont réduit leurs prix de vente de plus de 42 %.

(27) En ce qui concerne les écarts de prix de vente dans la Communauté entre l'oxyde et l'acide tungstiques de la république populaire de Chine, d'une part, et ceux des producteurs communautaires, d'autre part, la Commission a comparé le prix moyen des produits importés de Chine (au stade franco frontière communautaire dédouané) et le prix de vente moyen pondéré, transport exclu, des produits vendus par les producteurs communautaires.

Cette comparaison a permis à la Commission de constater que les producteurs communautaires avaient été incapables de suivre les prix établis sur le marché par les exportateurs chinois, puisque les écarts de prix pendant la période de référence avaient dépassé 40 %.

3. Autres facteurs économiques à prendre en considération

a. Production

(28) La Commission a constaté que la production communautaire d'oxyde et d'acide tungstiques avait connu l'évolution suivante: Si l'on prend pour base l'index 1984 = 100, cette production a atteint 108 en 1985, 91 en 1986, 93 en 1987 et 107 pendant la période de référence. Ces données font ressortir un certain redressement de la production communautaire en 1988, lequel n'a toutefois pas permis à cette dernière de retrouver son niveau de 1985.

b. Utilisation de la capacité

(29) Considérés globalement, les producteurs communautaires ont légèrement accru leur capacité en 1985 et en 1986. Calculé sur la base de la capacité effectivement disponible au cours de chaque année de la période 1984-1987 et pendant la période de référence, le taux d'utilisation de la capacité des producteurs communautaires a diminué entre 1985 et 1987, passant de 67 % à 56 %. Pendant les neuf premiers mois de 1988, ce taux s'est légèrement amélioré mais est demeuré au-dessous du niveau atteint en 1985.

c. Ventes

(30) Les ventes des producteurs communautaires sur le marché de la Communauté ont connu l'évolution suivante: Si l'on prend pour base l'index 1984 = 100, ces ventes se sont élevées à 200 en 1985 pour retomber à 68 en 1986, à 84 en 1987 et à 107 au cours des neuf premiers mois de 1988 (les données afférentes à cette période ayant été rétablies sur une base annuelle). Il convient donc de noter que la progression enregistrée en 1987/1988 n'a pas permis aux producteurs communautaires de retrouver le niveau atteint en 1985, lequel ne correspondait pourtant pas à un niveau exceptionnellement élevé en termes de tonnage vendu.

d. Part de marché

(31) Calculée sur les mêmes bases que pour la république populaire de Chine et les autres pays tiers, la part de marché des producteurs communautaires est tombée pour les produits concernés de 44 % en 1984 à 17 % pendant la période de référence, alors que le volume des transactions dans la Communauté s'était accru entre 1984 et 1988.

Même si cette donnée doit être nuancée pour tenir compte du fait que les producteurs communautaires utilisent la majeure partie de leur production d'oxyde et d'acide tungstiques pour fabriquer les produits situés en aval dans la chaîne de production du tungstène, il n'en demeure pas moins que la perte de part de marché qu'ils ont enregistrée ne saurait être tenue pour négligeable.

e. Prix

(32) Les producteurs communautaires, bien qu'ayant baissé leurs prix, ont été incapables de suivre les prix établis sur le marché par les exportateurs d'oxyde et d'acide tungstiques chinois. En conséquence, ils ont vu leur part de marché se réduire et ont atteint la limite de leur capacité de résistance aux pressions sur les prix exercées par les fournisseurs chinois. f. Bénéfices

(33) La Commission a constaté que les résultats financiers de la production communautaire s'étaient détériorés en 1985 et 1986 et s'étaient partiellement améliorés en 1987 et pendant la période de référence. Toutefois, dans la mesure où pendant le même temps le volume des ventes des produits concernés a diminué, les bénéfices en termes absolus ont également baissé.

4. Causalité et autres facteurs

(34) La Commission a examiné l'évolution du volume et des prix des importations chinoises, en parallèle avec celle des ventes et de la part de marché de la production communautaire. Cet examen a permis de constater qu'il y avait eu simultanéité entre le développement des importations à prix de dumping et la détérioration des ventes et des parts de marché des producteurs communautaires.

(35) La Commission a également vérifié si le préjudice subi par la production communautaire avait été causé par d'autres facteurs, tels que le volume et les prix d'importations qui ne font pas l'objet d'un dumping, ou la contraction de la demande.

À cet égard, la Commission a constaté que:

- les autres pays tiers, fournisseurs traditionnels d'oxyde tungstique et d'acide tungstique à la Communauté, avaient vu le volume de leurs livraisons et leurs parts de marché diminuer très sensiblement au cours de la période 1984-1988, au point d'être éliminés du marché en 1987 et de représenter seulement 5 % des importations pendant la période de référence,

- la consommation d'oxyde et d'acide tungstiques dans la Communauté avait augmenté entre 1984 et 1988.

(36) En relation avec les remarques qui précèdent, il a été établi que, au cours de la période de référence, les importations à prix de dumping avaient exclusivement bénéficié, tant en volume qu'en part de marché, à la république populaire de Chine.

5. Conclusion

(37) Sur la base des données détaillées aux considérants (28) à (36), la Commission a estimé que l'impact des importations chinoises à prix de dumping avait été important en particulier sur:

- le volume des ventes et la part de marché de la production communautaire,

- les prix pratiqués et les bénéfices enregistrés par ladite production.

Dans ces conditions, la Commission considère que les importations d'oxyde et d'acide tungstiques originaires de la république populaire de Chine ont causé un préjudice important à la production concernée de la Communauté.

H. INTÉRÊT DE LA COMMUNAUTÉ

(38) Certaines entreprises de transformation qui utilisent des produits intermédiaires du tungstène, essentiellement sous forme de carbures, pour fabriquer des pièces en métaux durs (outils de coupe en carbure cémenté, pièces d'usure et outils de forage, essentiellement) ont fait valoir qu'il ne serait pas dans l'intérêt de la Communauté d'instaurer des mesures de protection.

Les représentants de ces industries ont avancé l'argument selon lequel des mesures sur l'oxyde et l'acide tungstiques, en augmentant le coût de ces produits dans la Communauté et, par voie de conséquence, le coût des produits situés en aval dans la chaîne de production du tungstène, diminueraient leur compétitivité.

(39) La Commission ne conteste pas la validité de cet argument au regard des perspectives à court terme. En revanche, la Commission considère que l'argument avancé ne tient pas compte des perspectives à moyen et long termes pour l'industrie communautaire du tungstène dans son ensemble.

En effet, en l'absence de mesures visant à corriger les effets des importations chinoises à prix de dumping, les producteurs communautaires seront conduits à abandonner complètement la production d'oxyde et d'acide tungstiques, qui constitue le second palier dans la chaîne de production du tungstène. Cette réduction de leur champ d'activité fera peser une menace sur leur viabilité à long terme.

Simultanément, la position des exportateurs chinois deviendra de plus en plus dominante sur ce segment particulier, avec tous les effets négatifs prévisibles sur la compétitivité des producteurs communautaires situés en aval.

À cet égard, il convient de souligner que la structure même du marché communautaire de l'oxyde et de l'acide tungstiques a d'ores et déjà été affectée par les importations chinoises, dans la mesure où ces importations ont conduit à la quasi-élimination de toute source d'approvisionnement auprès d'autres pays tiers fournisseurs.

(40) La Commission observe que, à titre général, les mesures antidumping ont pour objet de remédier aux distorsions de concurrence imputables à des pratiques commerciales déloyales et par là même de rétablir sur le marché de la Communauté une situation de concurrence ouverte et loyale, laquelle est fondamentalement dans l'intérêt général de la Communauté.

Au cas présent, des mesures à l'égard des importations chinoises d'oxyde et d'acide tungstiques auraient précisément pour effet de rétablir une telle situation sur le marché de la Communauté. Les inconvénients à court terme pour les industries situées en aval, que la Commission n'ignore pas, devraient être compensés par les avantages tirés du maintien, d'une part, d'une production communautaire d'oxyde et d'acide tungstiques qui soit viable et, d'autre part, de sources d'approvisionnement extérieures qui soient suffisamment diversifiées.

(41) Enfin, la Commission estime qu'il ne faut pas perdre de vue que les prix avantageux dont les acheteurs ont bénéficié jusqu'ici sont le fruit de pratiques commerciales déloyales et qu'il n'existe aucune raison d'autoriser leur maintien.

(42) Compte tenu de tout ce qui précède, la Commission a conclu que l'intérêt de la Communauté commande de prendre des mesures afin de supprimer le préjudice causé à la production communautaire par les importations d'oxyde et d'acide tungstiques originaires de la république populaire de Chine.

Afin de prévenir toute aggravation du préjudice avant la fin de la procédure, ces mesures devraient prendre la forme d'un droit antidumping provisoire.

I. DROIT PROVISOIRE

(43) Pour déterminer le taux du droit provisoire, la Commission a tenu compte des marges de dumping et du montant du droit nécessaire pour supprimer le préjudice.

À cette fin, elle a comparé le prix à l'importation de l'oxyde et de l'acide tungstiques originaires de la république de Chine au coût de production du producteur le plus représentatif de la Communauté, majoré d'une marge bénéficiaire raisonnable.

Le producteur communautaire représentatif a été choisi en fonction de la dimension de la société, de l'efficacité des installations de production ainsi que des coûts de production globaux.

Le coût de production a été établi en additionnant, d'une part, le coût du minerai/concentré de tungstène acheté par ce producteur au cours de la période de référence et, d'autre part, ses frais de transformation pendant la même période.

S'agissant de la marge bénéficiaire, il a été considéré comme raisonnable de la fixer à 10 % du coût de production. Cette marge est apparue comme le minimum nécessaire pour permettre à un producteur d'oxyde et d'acide tungstiques de continuer à faire fonctionner une usine dans des conditions techniques acceptables, et pour lui procurer un taux de rentabilité du capital investi qui se rapproche des taux généralement requis dans le secteur considéré.

Le coût de production, majoré de ladite marge bénéficiaire, a été comparé au prix à l'exportation franco frontière de la Communauté, majoré des frais de dédouanement. Cette comparaison a permis de fixer le seuil de préjudice à 35 % du prix net franco frontière de la Communauté établi pour l'oxyde et l'acide tungstiques originaires de la république populaire de Chine.

Le montant du droit antidumping à instituer doit donc correspondre au montant nécessaire pour supprimer le préjudice, lequel est inférieur à la marge de dumping constatée.

J. DISPOSITIONS FINALES

(44) Il convient, dans l'intérêt d'une bonne gestion, de fixer un délai raisonnable avant l'expiration duquel les parties concernées peuvent faire connaître leur point de vue par écrit et demander à être entendues par la Commission,

A ARRÊTÉ LE PRÉSENT RÈGLEMENT:

Article premier

1. Il est institué un droit antidumping provisoire sur les importations d'oxyde tungstique (code Taric 2825 90 40*10) et d'acide (hydroxyde) tungstique (code Taric 2825 90 40*20) originaires de la république populaire de Chine, correspondant au code NC ex 2825 90 40.

2. Le montant du droit est égal à 35 % du prix net franco frontière de la Communauté du produit non dédouané.

Le prix franco frontière de la Communauté est net si les conditions effectives de paiement sont telles que le paiement est effectué dans les trente jours suivant la date d'arrivée des marchandises sur le territoire douanier de la Communauté. Il est augmenté de 1 % pour chaque délai de paiement d'un mois en plus.

3. Les dispositions en vigueur en matière de droits de douane sont applicables.

4. La mise en libre pratique dans la Communauté des produits visés au paragraphe 1 originaires de la république populaire de Chine est subordonnée au dépôt d'une garantie équivalant au montant du droit provisoire.

Article 2

Sans préjudice des dispositions de l'article 7 paragraphe 4 point b) du règlement (CEE) no 2423/88, les parties concernées peuvent faire connaître leur point de vue par écrit et demander à être entendues par la Commission avant l'expiration d'un délai d'un mois à compter de l'entrée en vigueur du présent règlement.

Article 3

Le présent règlement entre en vigueur le jour suivant celui de sa publication au Journal officiel des Communautés européennes.

Sous réserve des dispositions des articles 11, 12 et 14 du règlement (CEE) no 2423/88, il s'applique pendant une période de quatre mois ou jusqu'à l'adaption par le Conseil de mesures définitives avant l'expiration de cette période. Le présent règlement est obligatoire dans tous ses éléments et directement applicable dans tout État membre.

Fait à Bruxelles, le 26 mars 1990.

Par la Commission

Frans ANDRIESSEN

Vice-président