88/589/CEE: Décision de la Commission du 4 novembre 1988 relative à une procédure d'application de l'article 86 du traité CEE (IV/32.318, London European - SABENA) (Les textes en langues française et néerlandaise sont les seuls faisant foi)
Journal officiel n° L 317 du 24/11/1988 p. 0047 - 0054
***** DÉCISION DE LA COMMISSION du 4 novembre 1988 relative à une procédure d'application de l'article 86 du traité CEE (IV/32.318, London European - SABENA) (Les textes en langues française et néerlandaise sont les seuls faisant foi.) (88/589/CEE) LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES, vu le traité instituant la Communauté économique européenne, vu le règlement no 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (1), modifié en dernier lieu par l'acte d'adhésion de l'Espagne et du Portugal, et notamment son article 3, vu la demande du 22 avril 1987 adressée à la Commission, conformément à l'article 3 du règlement no 17, par London European Airways PLC, sise à Luton International Airport, Bedfordshire LU2 9LY, Royaume-Uni, tendant à faire constater une infraction à l'article 86 du traité CEE par la Sabena, Belgian World Airlines, rue Cardinal Mercier 35, 1000 Bruxelles, Belgique, vu la décision prise par la Commission le 6 mai 1987 d'engager la procédure dans cette affaire, après avoir donné à la Sabena l'occasion de faire connaître son point de vue au sujet des griefs retenus par la Commission, conformément à l'article 19 paragraphe 1 du règlement no 17 et au règlement no 99/63/CEE de la Commission, du 25 juillet 1963, relatif aux auditions prévues à l'article 19 paragraphes 1 et 2 du règlement no 17 du Conseil (2), après consultation du comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes, considérant ce qui suit: I. LES FAITS Introduction (1) La présente décision fait suite à une demande introduite, en vertu de l'article 3 du règlement no 17, par London European Airways PLC, ci-après dénommée « London European », compagnie aérienne britannique privée. London European soutenait que la Sabena, Belgian World Airlines, ci-après dénommée « la Sabena », avait enfreint l'article 86 du traité CEE en abusant de sa position dominante sur le marché de la réservation informatisée des places d'avion en Belgique. London European a, en outre, demandé une décision ordonnant des mesures provisoires. L'abus aurait consisté dans le refus, de la part de la Sabena, d'accéder à la demande de London European d'être admise dans le système informatisé de réservation Saphir géré par la Sabena. D'après London European, en lui refusant l'accès à ce système, la Sabena utiliserait sa puissance sur le marché des systèmes de réservation pour lui imposer un niveau de tarif aérien, ou tenterait de subordonner l'entrée dans le système Saphir à l'acceptation, par London European, de prestations qui n'ont pas de lien avec l'objet de ce système de réservation. (2) Le comportement incriminé par London European aurait commencé au début de 1987, lorsque des représentants de London European et de la Sabena se sont rencontrés afin de discuter de la question de l'accès de London European au système Saphir et accessoirement des conditions d'un contrat d'assistance au sol des avions de London European par la Sabena. Lors de ces rencontres, la Sabena aurait refusé l'accès au système Saphir au motif que le tarif pratiqué par London European sur la route Luton-Bruxelles était trop bas. Il aurait également été précisé à London European que la Sabena pourrait accorder l'accès au système Saphir à condition que London European confie par contrat à la Sabena l'assistance de ses avions au sol. (3) En avril 1987, la Commission a procédé auprès de la Sabena à une vérification au titre de l'article 14 paragraphe 3 du règlement no 17. À la suite de cette vérification, la Commission a informé la Sabena qu'elle avait l'intention de préparer une décision ordonnant des mesures provisoires. La Commission a cependant indiqué à la Sabena que si sa position concernant l'admission de London European dans le système Saphir venait à changer, une décision ordonnant des mesures provisoires ne serait plus nécessaire et qu'une telle attitude pourrait alors être prise positivement en considération dans la suite de la procédure d'application de l'article 86 du traité CEE. Quelques semaines plus tard, la Sabena informait la Commission de la décision d'accepter, sans aucune discrimination, la compagnie London European dans le système de réservation Saphir, et ce aux conditions commerciales normales à convenir entre compagnies. Les entreprises (4) La Sabena est une compagnie aérienne dont le capital social est détenu majoritairement par l'État belge. Elle a pour principale activité de fournir des services de transport aérien. En dehors de la prestation de ces services de transport proprement dits, la Sabena assure la prestation d'autres services qui ne portent pas en tant que tels sur la prestation d'un service de transport. Le service d'assistance au sol des avions ou le service informatisé de réservation Saphir en sont deux exemples. La Sabena a réalisé en 1986 un chiffre d'affaires de 39 milliards de francs belges (896 millions d'écus) et un bénéfice net de 146 millions de francs belges (3,35 millions d'écus). (5) London European est une compagnie aérienne établie au Royaume-Uni dont le capital est détenu par des personnes privées. Elle assure actuellement des vols entre Luton et Bruxelles d'une part, Amsterdam d'autre part, à raison de deux vols journaliers (sauf le samedi). Le système Saphir (6) Le système Saphir est un système informatisé qui permet aux agences de voyages de consulter les listes des vols des compagnies qui y figurent, les tarifs, l'état des réservations, et de procéder à des réservations. Ce système de réservation évite aux agences de voyages de devoir téléphoner pour chaque réservation à la compagnie concernée. La réservation est faite directement par l'agence, à partir des données fournies par le système. (7) Saphir est l'application en Belgique du système Alpha 3 développé par Air France. La Sabena est l'unique gérant de ce système et est la seule à pouvoir accorder ou refuser l'accès à ce système. Le système fonctionne d'après le principe de la réciprocité: la Sabena accepte d'introduire gratuitement dans son système les autres compagnies si celles-ci font la même chose de leur côté. Lorsque cette réciprocité n'est pas possible, comme en l'espèce, la Sabena perçoit une redevance de la compagnie qui utilise le système. Le comportement commercial de la Sabena vis-à-vis de London European (8) Lors de la vérification effectuée le 30 avril 1987, en vertu de l'article 14 paragraphe 3 du règlement no 17, dans les locaux de la Sabena, des documents relatifs aux réunions entre les représentants de la Sabena et ceux de London European ont été trouvés parmi les dossiers de cadres responsables. Ces documents contiennent les principaux éléments suivants: (9) Lors d'une réunion tenue à Londres début mars 1987, M. Verdonck, le représentant de la Sabena, a indiqué (note du 6 mars 1987) aux représentants de London European que, « sauf si Sabena trouve un intérêt commercial et positif dans une collaboration (que ce soit par un changement des tarifs de London European vers le niveau IATA, par un apport interline important ou par un contrat de handling), Sabena n'autorisera pas la publication de London European dans son système de réservation, ni l'utilisation de ce système ». « Au cas où un intérêt commun existerait, nous pourrions (souligné dans le texte) envisager l'utilisation de Saphir, mais à un prix de plus ou moins 75 francs belges par secteur réservé ». Il avait auparavant été précisé dans cette note que « cette compagnie (London European) présentera donc un danger potentiel pour le trafic ex Belgique ». La note constatait deux paragraphes plus haut que le tarif de London European ex Belgique était moitié moins élevé que celui de la Sabena. Il est ensuite fait état des constatations suivantes: « ils (London European) ne peuvent pratiquement rien offrir à SN, leur structure tarifaire et leurs horaires limités éliminant pratiquement toute possibilité d'interline via Bruxelles. Afin de pénétrer dans le marché belge, leur introduction en Saphir est donc presque impérative et c'est la seule forme de collaboration qu'ils recherchent ». Dans une note de réponse à la précédente, M. Van Gulck (Sabena - Bruxelles) déclare avoir également rencontré les représentants de London European et leur avoir tenu des propos identiques. (10) Dans une note du 20 mars 1987, M. Verdonck précise que « les représentants de London European ont été informés à nouveau par nous que sans le handling, ils n'avaient aucune chance d'obtenir une présentation en Saphir ». Le prix finalement proposé par la Sabena pour les services fournis par le système Saphir est de 75 francs belges par secteur réservé. Cette note précise en outre que, vu les tarifs de London European, la Sabena a intérêt à essayer de récupérer le plus possible de ses éventuelles pertes de passagers grâce au contrat de handling et à un revenu en Saphir: M. Verdonck insiste enfin pour que le contrat Saphir et le contrat de handling soient liés. Dans une note du 31 mars 1987, M. Verdonck répète que les deux contrats (handling et Saphir) « sont liés, pas d'accord sur l'un si pas sur l'autre ». Dans un télégramme du 1er avril 1987 adressé par M. Cooleman (Sabena - Bruxelles) à M. Verdonck, la position de la Sabena se durcit: « En réunion du 31 mars, il fut décidé de refuser présentation LEA en Saphir. Stop. Éventuel contrat handling ne change rien à cette position ». Cette position est confirmée par une note du 8 avril 1987 de M. Dekker (Sabena - Bruxelles): « Je vous confirme que j'ai maintenu notre décision de ne pas accepter London European dans notre système de distribution et réservation en Belgique ». « NB: ils confieront sans doute leur handling à Belgavia ». Dans une note du 9 avril 1987, l'un des responsables du département juridique de la Sabena précise que le comportement de la Sabena pourrait, à son avis, donner lieu à des sanctions de la part de la Commission sur le fondement de l'article 86 du traité CEE. (11) En outre, la Sabena a défini une politique dans les mêmes termes à l'égard d'autres compagnies, même si cette politique ne semble pas avoir été mise en oeuvre. Ainsi, analysant une demande d'accès au système introduite par une autre compagnie, M. Verdonck indique, dans une note du 18 février 1987, que ce n'est qu'au cas où le handling serait confié à la Sabena que cette dernière étudierait la possibilité de publier les services de cette autre compagnie dans Saphir moyennant rémunération. Dans une note du 5 mars 1987, M. Godderis (Sabena - Bruxelles) confirme qu'aucun support ne sera apporté à cette autre compagnie puisqu'elle a confié son handling à l'autre entreprise. (12) Dans une note du 13 mars 1987, M. Verdonck, à propos de l'acceptation d'une autre compagnie dans le système Saphir, confirme la position de la Sabena: « l'accès au système Saphir n'est accordé que s'il existe un autre intérêt commercial tel qu'un contrat de handling, du trafic interline etc. . . . Le prix peut être augmenté ou diminué en fonction d'intérêts dans d'autres domaines ». II. APPRÉCIATION JURIDIQUE Le marché en cause a) Le marché en cause des produits (13) Pour pouvoir déterminer si la Sabena occupe une position dominante au sens de l'article 86, il y a lieu tout d'abord de définir le marché en cause, c'est-à-dire l'ensemble des produits substituables existant dans une zone géographique définie dans laquelle les conditions de concurrence sont suffisamment homogènes pour pouvoir apprécier la puissance économique des entreprises concernées. (14) La Commission constate que toutes les grandes compagnies aériennes européennes ont développé ou passé des accords pour disposer d'un système informatisé de réservation de places d'avion. Même si, en l'état actuel des choses, d'autres formes de réservation non informatisées subsistent, la réservation informatisée est amenée à remplacer à brève échéance tous les autres types de réservation. En effet, les avantages du système informatisé (rapidité, grande masse d'information, réservation et délivrance immédiates du billet, information toujours à jour . . .) sont tels que les autres services qui subsistent ne peuvent être considérés comme équivalents. Il en est ainsi de la consultation, par les agences de voyages, des indicateurs horaires et tarifaires. Il en est de même, en ce qui concerne les entreprises de transport aérien, de la réservation par téléphone. Même si London European, pour la promotion de ses services de transport Bruxelles-Luton, s'est elle-même référée à cette dernière forme de réservation, l'insistance de London European pour accéder au système Saphir démontre que cet accès est primordial pour une compagnie souhaitant entrer en concurrence avec les compagnies déjà établies sur le marché. Le recours à la réservation par téléphone peut néanmoins subsister comme complément, surtout pour des compagnies assurant un faible nombre de vols et proposant des tarifs moins élevés que ceux de leurs concurrents. En tout état de cause, la possibilité d'offrir à la clientèle une réservation informatisée est un élément important dans le cadre d'une politique de commercialisation. (1) JO no 13 du 21. 2. 1962, p. 204/62. (2) JO no 127 du 20. 8. 1963, p. 2268/63. (15) L'originalité du produit en cause tient au fait qu'il est un produit intermédiaire entre les agences de voyages et les compagnies aériennes. Ces dernières, comme c'est le cas en l'espèce pour London European, ont intérêt à ce que leurs vols soient inscrits dans un système de réservation, afin que les agences de voyages, disposant de ce système, puissent proposer ces vols à leurs clients. Le marché en cause recouvre donc deux réalités: tout d'abord le marché de l'offre de services de réservation informatisée de places d'avion par un exploitant de système de réservation informatisé à une ou plusieurs entreprises de transport aérien; ensuite, le marché de l'offre de ce système par cet exploitant aux agences de voyages. C'est la raison pour laquelle, en examinant si la Sabena détient une position dominante sur ce marché de l'offre de services de réservation informatisée de places d'avion, il y a lieu de considérer à la fois la part de marché du système Saphir parmi les autres systèmes de réservation informatisée et cette part sur le marché de l'offre de ce système aux agences de voyages. b) Le marché géographique en cause (16) Le marché géographique à prendre en considération est le marché belge. C'est sur ce territoire que la clientèle résidant en Belgique effectue ses réservations de places d'avion. Les transactions s'effectuent en une seule devise, le franc belge et les agences de voyages opèrent sur un seul marché, le marché national belge. La Commission et la Cour de justice ont expressément reconnu que constituaient une partie substantielle du marché commun « les territoires tant de grands pays que de pays moyens (1) ». On peut en déduire que ce territoire répond au critère de substantialité. La Commission en conclut que, pour l'application de l'article 86 du traité CEE, le marché en cause est celui de l'offre de services de réservation informatisée de places d'avion en Belgique. Règlement no 17 (17) En ce qui concerne l'applicabilité du règlement no 17 aux systèmes de réservation informatisée de places d'avion, il y a tout d'abord lieu de relever que le champ d'application de ce règlement, en ce qui concerne le secteur des transports, est uniquement délimité par le règlement no 141 du Conseil (2) et non par les dispositions des règlements (CEE) no 3975/87 ou (CEE) no 3976/87 du Conseil (3). L'article 1er du règlement no 141 exclut l'application du règlement no 17 aux positions dominantes sur le marché des transports. Cette disposition, apportant une restriction au champ d'application du règlement no 17, doit être interprétée strictement. Il ne peut donc y avoir de doute que les activités connexes au marché des transports proprement dit ne rentrent pas dans le cadre de cette exception et restent soumises au règlement no 17. (18) Il s'agit ensuite de savoir si le marché en cause, tel qu'il a été défini plus haut, rentre effectivement dans le champ d'application du règlement no 17. (19) Le marché en cause comprenant deux volets, cette question peut être facilement résolue en ce qui concerne les rapports entre un exploitant de système de réservation informatisée et les agences de voyages. Il ne fait, dans ce cas, aucun doute que, sur ce marché, le règlement no 17 est applicable. En effet, il est constant que l'activité des agences de voyages ne comprend par l'activité du transport elle-même (4). Dès lors, les agences de voyages ne fournissent pas une prestation qui relève du marché des transports ainsi que cela est requis par le règlement no 141 pour échapper à l'application du règlement no 17. (20) En ce qui concerne le deuxième volet du marché, le règlement no 17 est également applicable pour des raisons similaires. Si les prestations de services en matières de réservation de places d'avion sont, dans bien des cas, liées aux prestations de services en matière de transport aérien, elles ne le sont qu'indirectement et ne consistent pas dans la fourniture de transports aériens en tant que tels. On peut très bien envisager qu'un service de transport aérien puisse être fourni sans aucune réservation préalable, si des places sont disponibles. La réservation n'existe que pour donner au voyageur l'assurance qu'il partira lorsqu'il le désire, mais n'est en aucune façon indissociable du service de transport proprement dit. Comme dans beaucoup d'autres secteurs, l'activité de vente de billets est distincte de la prestation attachée à ce billet. En outre, le fait que les compagnies aériennes aient elles-mêmes développé leur propre système de réservation ne signifie pas que la réservation est indissociable du transport. Rien ne ferait obstacle à ce qu'une société n'ayant aucun lien avec des compagnies aériennes développe un système et le mette sur le marché. S'il est vrai que la réservation fait partie intégrante de la commercialisation de services en matière de transports aériens, cette commercialisation n'est pas en elle-même un service de transport proprement dit. La décision 85/121/CEE de la Commission (affaire Olympic Airways) (1), qui précise que des services de manutention ne sont pas en eux-mêmes un service de transport et relèvent donc du règlement no 17, renforce la conclusion de la Commission dans la présente affaire: de même qu'un service de manutention qui s'effectue au sol, avant et après le transport proprement dit, la gestion d'un service informatisé de réservation, également effectué au sol avant le service de transport proprement dit, ne peut être considérée comme relevant du marché des transports; elle tombe donc dans le champ d'application du règlement no 17. (21) Il faut également rappeler qu'à l'époque des faits de la présente affaire, le règlement (CEE) no 3976/87 n'avait pas encore été adopté. Cependant, l'analyse de la genèse de ce nouveau règlement vient renforcer la thèse de la Commission selon laquelle le règlement no 17 est applicable aux services informatisés de réservation de places d'avion. A l'occasion de sa proposition de modification du 8 juillet 1986 (2) du règlement (CEE) no 2921/71 du Conseil, du 20 décembre 1971, concernant l'application de l'article 85 paragraphe 3 du traité à des catégories d'accords, de décisions et de pratiques concertées (3), la Commission part du principe que les systèmes informatisés de réservation ne relèvent pas de l'article 1er du règlement no 141 et qu'ils sont déjà couverts par le règlement no 17. Dans l'exposé des motifs de cette proposition, il est clairement indiqué que les accords en matière de réservation des places et d'émission des titres de transport ne sont pas d'une nature purement technique et sont dejà couverts par le règlement no 17/62 du Conseil. De plus, dans les considérants de la proposition de modification précitée, les accords en matière de systèmes informatisés de réservation sont placés sur le même plan que ceux relatifs aux opérations techniques et autres effectuées au sol dans les aéroports. Cette position de la Commission est reprise par le Conseil dans le premier considérant du règlement (CEE) no 3976/87. Ce considérant mentionne clairement que le règlement est applicable tant aux accords qui se rapportent directement à la prestation de services de transports aériens qu'à ceux qui ne s'y rapportent pas directement, étant entendu que les premiers sont couverts par le règlement (CEE) no 3975/87 et les seconds par le règlement no 17. (22) Le fait que l'article 2 paragraphe 1 du règlement (CEE) no 3976/87 prévoie la possibilité pour la Commission d'adopter des règlements d'exemption par catégorie, « sans préjudice de l'application du règlement (CEE) no 3975/87 », ne signifie pas que toutes les activités mentionnées à l'article 2 paragraphe 2 du règlement (CEE) no 3976/87 tombent dans le champ d'application du règlement (CEE) no 3975/87. Le règlement (CEE) no 3976/87 a pour objet de préciser les matières dans lesquelles la Commission peut accorder des exemptions par catégorie. Ces matières relèvent à la fois du transport aérien en tant que tel et de prestations connexes au transport aérien. Ces deux catégories de prestations ne sont regroupées dans le même règlement que pour les besoins de ce règlement, qui ne remet pas en cause la portée des règlements nos 17 et 141 en matière d'affaires individuelles. En ce qui concerne ces dernières, le règlement (CEE) no 3975/87 est applicable lorsqu'il s'agit de transport aérien proprement dit, alors que le règlement no 17 reste applicable pour tout ce qui ne concerne pas directement la prestation du service des transports. Ce raisonnement est d'ailleurs confirmé dans le règlement (CEE) no 2672/88 de la Commission, du 26 juillet 1988, concernant l'application de l'article 85 paragraphe 3 du traité CEE à des catégories d'accords entre entreprises portant sur des systèmes de réservation informatisée pour les services de transport aérien (4). L'avant-dernier considérant de ce règlement précise en effet que les accords qui sont exemptés automatiquement n'ont pas à être notifiés au titre du règlement no 17. De la même façon, la portée des règlements no 17 et no 141 n'est pas remise en cause par l'article 6 du règlement (CEE) no 3976/87 qui prévoit, avant la publication d'un projet de règlement de la Commission et son adoption, la consultation du comité consultatif institué par l'article 8 para- graphe 3 du règlement (CEE) no 3975/87. L'article 6 du règlement (CEE) no 3976/87 n'affecte en effet d'aucune manière les procédures prévues au règlement no 17 en cas d'infraction aux règles de concurrence, de demande d'exemption individuelle ou d'attestation négative dans les domaines qui ne relèvent pas directement du secteur des transports. Existence d'une position dominante (23) L'existence de la position dominante de la Sabena doit être appréciée, tant sur le marché de l'offre des services informatisés par un exploitant de ces services aux agences de voyages, que sur celui de l'offre de ces services à d'autres entreprises de transport aérien. (24) Sur le premier de ces marchés, la Sabena estime que la part de marché détenue par le système Saphir se situe très vraisemblablement entre 40 et 50 %. S'il est vrai que la Cour de justice a estimé qu'un pourcentage de 45 % ne permet pas de conclure à un contrôle automatique du marché, il convient toutefois d'apprécier ce contrôle au regard de la force et du nombre des concurrents (1), le rapport entre les parts de marché détenues par l'entreprise concernée et par ses concurrents constituant également un indice valable (2). Cinq autres systèmes informatisés sont présents en Belgique et à peine plus d'une vingtaine d'agences disposent de l'un ou l'autre de ces systèmes. Le fait que 118 agences disposent du système Saphir peut être considéré comme un élément probatoire de la force prépondérante de la Sabena sur ce marché de l'offre de tels services aux agences de voyages. (25) En outre, il s'est avéré que, de juin à septembre 1987, 47 % des places d'avion réservées en Belgique sur les vols Bruxelles - Luton l'ont été par l'intermédiaire du système Saphir. Cet important pourcentage démontre clairement que le succès des vols entre Bruxelles et Luton dépendait bien de l'admission de London European dans le système Saphir. (26) Sur le second de ces marchés, la Sabena occupe à l'évidence une position dominante: toutes les compagnies aériennes opérant à Bruxelles (à deux exceptions près) sont reprises dans le système Saphir. Cela signifie que la Sabena avait toujours accordé l'accès à son système à toute compagnie en faisant la demande. Cela démontre bien, par ailleurs, que la présence dans ce système est de la plus haute importance pour toute compagnie voulant avoir une chance d'être compétitive en Belgique. Le fait que deux compagnies aériennes opérant à Bruxelles ne soient pas reprises dans le système Saphir a pour seule signification que ces compagnies ont leur propre politique d'accès au marché qui ne nécessite pas leur présence dans le système essentiellement pour des raisons de coût. (27) Compte tenu des considérations qui précèdent, la Commission estime que la Sabena occupait, au moment des faits, une position dominante sur le marché belge de l'offre de services de réservation informatisée de places d'avion. Abus de position dominante (28) La question de savoir si le comportement de la Sabena a constitué un ou des abus de cette position dominante peut être analysée de la façon suivante: (29) Le comportement de la Sabena peut être analysé, dans un premier temps, comme un moyen de pression visant à imposer de façon indirecte à London European un niveau de tarifs plus élevé que celui que cette dernière, en sa qualité de transporteur aérien indépendant, avait l'intention de fixer, compte tenu de la structure de ses coûts et de sa stratégie commerciale. Cette pratique ayant pour objet d'aboutir à une hausse artificielle des tarifs est tout à fait incompatible avec un régime de libre concurrence. (30) Il convient de noter que le comportement de la Sabena peut tout aussi bien s'analyser comme une volonté de limiter la production, les débouchés ou le développement technique au préjudice des consommateurs [article 86 lettre b)], puisque le refus de la Sabena aurait pu avoir comme conséquence l'abandon, par London European, de son projet d'ouverture d'une ligne aérienne entre Bruxelles et Luton. (31) Enfin, les deux contrats, Saphir et handling, n'ont pas de lien entre eux: le contrat de réservation informatisée de places d'avion a pour objet de permettre aux agences de voyages de procurer, dans les meilleurs délais et les meilleures conditions, des prestations de transport aux passagers. Le contrat de handling a pour objet l'assistance des avions au sol. Un des motifs du refus de la Sabena est donc bien la subordination de la conclusion du contrat Saphir à la conclusion, par London European, d'un contrat de handling qui n'a pas de lien avec l'objet du premier contrat. Ce comportement constitue donc une pratique abusive directement visée par l'article 86 lettre d). Effet sur les échanges entre États membres (32) Le refus dont il s'agit exerce une influence sur les courants d'échanges entre États membres. Tout d'abord, le comportement abusif émane d'une entreprise belge et vise une entreprise d'un autre État membre. Ensuite, ce comportement était destiné à produire des effets anticoncurrentiels sur la ligne Bruxelles-Londres, les compagnies Sabena et London European ne bénéficiant pas au départ des mêmes facilités dans le domaine de la réservation des places d'avion. De plus, le fait, pour London European, de ne pas pouvoir accéder au système Saphir, risque de l'empêcher d'exploiter la route en question. Cette éviction de London European comme concurrent peut donc affecter directement et potentiellement les conditions du commerce entre États membres, puisque la réservation, bien qu'étant une opération locale, se rapporte à une transaction intracommunautaire, à savoir le transport aérien entre Bruxelles et Luton. (33) Quoiqu'il en soit, la jurisprudence de la Cour de justice est bien établie lorsque le comportement d'une entreprise en position dominante vise à éliminer un concurrent. Dans l'arrêt Zoja (1), la Cour a dit pour droit que l'article 86 du traité CEE vise les pratiques qui portent atteinte à une structure de concurrence effective. Or, il est évident que la structure de la concurrence sur la ligne Bruxelles-Londres aurait été différente si London European n'avait pu avoir pleinement accès à ce marché. Conclusions (34) Sur la base des considérations qui précèdent, la Commission constate que la Sabena a enfreint l'article 86 du traité CEE en ce que, occupant une position dominante sur le marché de l'offre de réservation informatisée de places d'avion en Belgique, elle a abusé de cette position dominante sur ce marché par son refus d'accepter London European dans le système Saphir, au motif que les tarifs de cette dernière étaient trop bas et au motif que London European avait confié l'assistance au sol de ses avions à une autre société que la Sabena. Les échanges entre États membres ont été affectés par cet abus de position dominante de la part de la Sabena. Remèdes (35) Dans la mesure où, sur intervention de la Commission, la Sabena a accordé l'accès de son système Saphir à London European, il n'y a plus lieu pour la Commission de l'obliger à mettre fin à cette infraction sur la base de l'article 3 du règlement no 17. (36) En vertu de l'article 15 du règlement no 17, les infractions à l'article 86 du traité CEE peuvent être sanctionnées par des amendes d'un million d'écus au plus, ce dernier montant pouvant être porté à 10 % du chiffre d'affaires réalisé au cours de l'exercice social précédent. Il y a lieu de prendre en considération, outre la gravité de l'infraction, la durée de celle-ci. (37) La Commission estime que l'infraction commise revêt un caractère particulièrement grave. L'infraction a en effet consisté à refuser à un concurrent de petite taille l'accès à un système informatisé de réservation pour le dissuader de s'implanter sur une ligne, pour le gêner dans son projet d'implantation et pour le dissuader d'introduire ainsi un élément de concurrence. En menant cette action, la Sabena a fait fi d'un des objectifs fondamentaux du traité, à savoir l'établissement d'un marché unique entre les États membres. La gravité de l'infraction est accrue du fait que le comportement de la Sabena s'inscrivait dans une stratégie d'entreprise bien établie en la matière. Si elle ne semble pas l'avoir appliquée à l'égard d'autres compagnies aériennes, ceci n'est dû qu'au fait que le cas ne s'est pas présenté. Il n'en demeure pas moins que la Sabena l'a effectivement mise en oeuvre à l'égard de London European (2). (38) L'infraction a été commise de propos délibéré et la Sabena ne pouvait pas ignorer qu'elle enfreignait les règles de concurrence: elle était, en effet, saisie d'un avis du 9 avril 1987 d'un responsable de son département juridique l'avertissant que son comportement pourrait donner lieu à des sanctions de la Commission sur le fondement de l'article 86 du traité CEE. (39) En ce qui concerne la durée de l'infraction, la Commission estime qu'elle a en effet été assez courte. Même si l'on peut se demander si l'infraction n'aurait pas eu une durée plus longue si la Commission n'était pas intervenue, il est un fait que, dès le 25 mai 1987, la Sabena a pris la décision d'admettre London European dans le système Saphir. La décision de refuser à London European l'accès au système Saphir ayant été prise le 1er avril 1987, l'infraction a duré à peine 2 mois. Cette durée assez courte de l'infraction est donc prise en considération pour la fixation du montant de l'amende. (40) Enfin, le fait que la Commission applique pour la première fois le règlement no 17 au marché de l'offre des systèmes informatisés de réservation justifie également la fixation d'une amende modérée, A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION: Article premier La Sabena, Belgian World Airlines, a enfreint l'article 86 du traité CEE en adoptant à l'encontre de London European un comportement destiné à dissuader celle-ci de s'implanter sur la ligne Bruxelles-Luton et/ou à la gêner dans son projet d'implantation en refusant de lui accorder l'accès au système Saphir aux motifs que: - les tarifs aériens pratiqués par London European étaient trop bas, - London European n'avait pas confié l'assistance au sol de ses avions à la Sabena. Article 2 La Sabena se voit infliger une amende d'un montant de 100 000 écus; ladite amende sera payée dans les trois mois suivant la date de notification de la présente décision, soit en francs belges au compte de la Commission des Communautés européennes no 426-4403001-52 auprès de la Kredietbank, agence Schuman, Rond-point Schuman 2, B-1040 Bruxelles, soit en écus au compte no 426-4403003-52 de la même banque. Le montant de cette amende porte intérêt de plein droit à compter de l'expiration du délai précité, au taux appliqué par le Fonds européen de coopération monétaire à ses opérations en écus le premier jour ouvrable du mois au cours duquel la présente décision a été adoptée, majoré de trois points et demi, soit 10,75 %. En cas de paiement en monnaie nationale des destinataires, la conversion sera effectuée au taux du jour précédant le jour du versement. Article 3 La Sabena, Belgian World Airlines, rue Cardinal Mercier 35, 1000 Bruxelles, Belgique, est destinataire de la présente décision. La présente décision forme titre exécutoire conformément à l'article 192 du traité CEE. Fait à Bruxelles, le 4 novembre 1988. Par la Commission Peter SUTHERLAND Membre de la Commission (1) Pour la Belgique, voir principalement Cour de justice des Communautés européennes, affaire 127-73, BRT-SABAM, Recueil de la jurisprudence de la Cour 1974, p. 313. (2) JO no 124 du 28. 11. 1962, p. 2751/62. (3) JO no L 374 du 31. 12. 1987, pp. 1 et 9. (4) Voir à ce sujet la directive 82/470/CEE du Conseil, du 29 juin 1982, relative à des mesures destinées à favoriser l'exercice effectif de la liberté d'établissement et de la libre prestation des services pour les activités non salariées de certains auxiliaires des transports et des agents de voyage ainsi que des entrepositaires (JO no L 213 du 21. 7. 1982, p. 1.). (1) JO no L 45 du 15. 2. 1985, p. 51. (2) Bulletin CE 7/8 - 1986, point 2-1-211. (3) JO no L 285 du 29. 12. 1971, p. 46. (4) JO no L 239 du 30. 8. 1988, p. 13. (1) Arrêt United Brands, affaire 27-76, Recueil de la jurisprudence de la Cour 1978, p. 287, point 112 des motifs. (2) Arrêt Hoffmann La Roche, affaire 85-76, Recueil de la jurisprudence de la Cour 1979, p. 461. (1) Affaires jointes 6-73 et 7-73, Recueil de la jurisprudence de la Cour 1974, p. 223; voir également arrêt United Brands, précité. (2) Voir notes des 18 février et 13 mars 1987.