32002D0631

2002/631/CE: Décision de la Commission du 7 mai 2002 concernant une aide présumée de l'Allemagne en faveur de RAG AG dans le cadre de la privatisation de Saarbergwerke AG (Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE) [notifiée sous le numéro C(2002) 1810]

Journal officiel n° L 203 du 01/08/2002 p. 0052 - 0059


Décision de la Commission

du 7 mai 2002

concernant une aide présumée de l'Allemagne en faveur de RAG AG dans le cadre de la privatisation de Saarbergwerke AG

[notifiée sous le numéro C(2002) 1810]

(Le texte en langue allemande est le seul faisant foi.)

(Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE)

(2002/631/CECA)

LA COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES,

vu le traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l'acier, et notamment son article 4, point c)

vu la décision n° 3632/93/CECA de la Commission du 28 décembre 1993 relative au régime communautaire des interventions des États membres en faveur de l'industrie houillère(1),

après avoir invité les intéressés à présenter leurs observations conformément à l'article 88 du traité CECA(2), et vu ces observations,

considérant ce qui suit:

I. PROCÉDURE

(1) Par lettre du 13 novembre 1997, RAG AG (ci-après dénommée "RAG") a informé la Commission, conformément à l'article 66, paragraphe 1 du traité CECA, qu'elle envisageait d'acquérir la totalité du capital-actions de Saarbergwerke AG et de Preussag Anthrazit AG.

(2) Par lettre du 9 mars 1998, l'Allemagne a informé la Commission, conformément à l'article 67 du traité CECA, de la privatisation prévue de Saarbergwerke AG par sa vente à RAG pour un prix symbolique. Dans cette lettre, les autorités allemandes indiquent que la privatisation fait partie d'un accord conclu le 13 mars 1997 entre le gouvernement fédéral d'Allemagne, les gouvernements des Länder de Rhénanie-du-Nord-Westphalie et de Sarre, l'industrie minière et les organisations syndicales des secteurs houiller et de l'électricité (ci-après dénommé "le compromis sur le charbon").

(3) Saarbergwerke AG (ci-après dénommée "Saarbergwerke") était une entreprise d'État active principalement dans les secteurs suivants: exploitation houillère en Allemagne, production de coke, production d'électricité, chauffage à distance, protection de l'environnement, commerce et services (notamment la commercialisation et le négoce de charbon, le transport et l'approvisionnement de pétrole), ainsi que production de caoutchouc. L'exploitation houillère constitue ce qui est traditionnellement appelé le "secteur noir" de l'entreprise, les autres activités constituant ce qui est appelé le "secteur blanc". Saarbergwerke était détenue à 74 % par la République fédérale d'Allemagne et à 26 % par le Land de Sarre. L'entreprise exploitait trois mines de houille souterraines dont la production s'élevait à un total de 7,3 millions de tec(3) en 1997.

(4) Le compromis sur le charbon, qui définissait de nouvelles orientations de politique charbonnière pour la période allant jusqu'à l'année 2005, prévoyait une réduction continue de la production annuelle de 47 millions de tec en 1997, à 42 millions de tec en 2000 et à 30 millions de tec en 2005. Cette réduction de production correspondait à une diminution du nombre d'unités de production de 17 à 12. Il faut noter que ces prévisions qui avaient été réalisées en 1997 doivent être revues à la baisse. La production de houille pour l'année 2000, estimée par l'Allemagne dans le cadre de la notification des aides d'État à la Commission, devrait en effet s'établir à 35 millions de tec et la production estimée par les autorités allemandes pour l'année 2005 ne devrait pas dépasser 26 millions de tec.

(5) Le montant total des aides d'État pour la période 1997-2005 avait été fixé dans le compromis sur le charbon à 68 milliards de marks allemands (DEM). Le compromis prévoyait une dégressivité des aides. Ainsi, d'un montant de 10,5 milliards de DEM en 1997, le plafond des aides était fixé à 5,5 milliards de DEM en 2005. Il subordonnait en outre l'octroi d'un montant total de 2,5 milliards de DEM à l'acquisition de Saarbergwerke par RAG.

(6) Le 3 avril 1998, le gouvernement fédéral d'Allemagne, le gouvernement du Land de Sarre et RAG ont conclu une convention suivant laquelle RAG faisait l'acquisition de la totalité du capital-actions de Saarbergwerke, par l'achat des parts détenues par le gouvernement fédéral allemand et le gouvernement du Land de Sarre. Le prix de la transaction était fixé à 2 DEM, à savoir 1 DEM pour les parts détenues par le gouvernement fédéral et 1 DEM pour les parts détenues par le gouvernement du Land de Sarre. Il était également prévu que les activités houillères des différentes entreprises seraient regroupées au sein d'une entreprise, Deutsche Steinkohle AG, contrôlée entièrement par RAG.

(7) Par sa décision du 29 juillet 1998, la Commission a approuvé, conformément à l'article 66 du traité CECA, la prise du contrôle exclusif de Saarbergwerke et de Preussag Anthrazit par RAG, après que RAG se soit engagée à céder les activités d'importation de charbon de Saarbergwerke et à séparer structurellement les activités de vente du charbon extrait en Allemagne des ventes du charbon importé(4). Il était en outre expressément indiqué que la décision "ne concerne que l'application de l'article 66 CECA et ne préjuge en aucun cas de toute décision que la Commission pourrait prendre en vertu d'autres articles des traités CE ou CECA, et notamment de toute décision concernant les aides d'État".

(8) La fusion des entreprises RAG et Saarbergwerke est devenue effective le 1er octobre 1998. À des fins comptables, elle a toutefois un effet légal rétroactif au 1er janvier 1998.

(9) Le 29 septembre 1998, le producteur de charbon britannique RJB Mining (devenu "UK Coal") introduisait devant le Tribunal de première instance des Communautés européennes un recours en annulation de la décision de la Commission du 29 juillet 1998 autorisant la concentration des entreprises RAG, Saarbergwerke et Preussag Anthrazit, au motif que la Commission n'avait pas examiné dans son analyse de la concentration si le prix de la transaction impliquait éventuellement une aide d'État. Suivant RJB Mining, les informations communiquées par les autorités allemandes à la Commission laissaient supposer que la vente de Saarbergwerke pouvait impliquer une aide d'État d'un montant d'un milliard de DEM à RAG.

(10) Le Tribunal de première instance a rendu un arrêt le 31 janvier 2001 dans l'affaire T-156/98: RJB Mining contre Commission, qui annule la décision de la Commission du 29 juillet 1998(5). Suivant le Tribunal, la Commission n'a pas, à tort, examiné le prix de la transaction, et plus précisément si, et dans quelle mesure, le soutien financier qui est éventuellement lié au prix de la transaction pour un montant symbolique, a renforcé la puissance financière, et donc la puissance commerciale de RAG. Les 12 et 19 avril 2001, le gouvernement fédéral d'Allemagne et RAG ont formé des pourvois contre ledit arrêt(6).

(11) La Commission a fait réaliser, par le cabinet d'experts comptables [...](7), une étude visant à déterminer l'effet de la fusion sur la puissance financière de RAG. [...] a plus particulièrement examiné comment les comptes de Saarbergwerke ont été consolidés avec ceux de RAG.

II. DESCRIPTION

II.1. Le prix de la transaction

(12) Dans sa lettre du 9 mars 1998 par laquelle l'Allemagne informait la Commission de la privatisation de Saarbergwerke, il était indiqué que les risques liés à la reprise du secteur houiller de Saarbergwerke justifiaient la vente de l'entreprise pour un prix symbolique. Suivant les autorités allemandes, le gouvernement allemand ne s'engageait en effet, dans le cadre du compromis sur le charbon, à subventionner l'activité houillère que jusqu'en 2005. En outre, l'expiration du traité CECA et du régime d'aides d'État à l'industrie houillère communautaire prévu par la décision n° 3632/93/CECA, le 23 juillet 2002, engendrait une grande incertitude quant à l'avenir de l'industrie houillère. Le prix de la transaction aurait donc résulté en grande partie des aléas de futures décisions politiques qui devraient être prises tant au niveau national qu'au niveau communautaire, et qui détermineraient l'avenir de l'industrie houillère allemande.

(13) Les autorités allemandes relevaient également des risques importants liés aux fluctuations des prix mondiaux du charbon, dans la mesure où ces prix servent de référence pour le calcul des subventions par tonne de charbon. Toute baisse de prix du charbon sur les marchés internationaux, dans la mesure où elle n'est pas compensée par une hausse de la productivité, entraîne en effet une augmentation du montant des subventions par tonne de charbon. Compte tenu du fait que les aides qui pouvaient être accordées chaque année par le gouvernement allemand étaient plafonnées, dans le cadre du compromis sur le charbon, une baisse des prix mondiaux du charbon aurait pour conséquence de contraindre l'entreprise à diminuer sa production, faute de quoi celle-ci générerait des pertes d'exploitation qui ne seraient pas couvertes par des aides d'État. Outre le fait qu'un contrôle de la production serait difficile à court terme, une baisse de la production de houille serait également susceptible d'entraîner une hausse des coûts de production.

(14) Par ailleurs, l'Allemagne soulignait que diverses obligations avaient été imposées à RAG dans le cadre de la reprise de Saarbergwerke. Ainsi RAG était tenue de couvrir les pertes des activités charbonnières jusqu'en 2000 et de transférer, entre 2001 et 2005, un montant annuel de 200 millions de DEM du secteur blanc au secteur noir. Il convient toutefois de noter que cette obligation, qui était un élément du compromis sur le charbon, s'appliquait déjà aux activités charbonnières et non charbonnières de RAG avant ce compromis. Cette obligation n'était par conséquent pas liée à la concentration ou dépendante de celle-ci. Pour preuve, jusqu'en 1997, les entreprises charbonnières allemandes étaient soumises à une obligation d'affectation de 75 % des bénéfices de leur secteur blanc aux pertes liées aux activités houillères. RAG était en outre soumise à certaines obligations - notamment l'engagement de maintenir les activités du secteur blanc de Saarbergwerke et d'intégrer son propre secteur "environnement" dans Saarbergwerke - qui, suivant l'Allemagne, limitaient sa liberté d'action sur le plan commercial.

(15) L'ensemble de ces facteurs aurait en outre rendu difficile la recherche d'un acheteur pour Saarbergwerke. L'Allemagne souligne à cet égard, plus particulièrement dans une lettre du 15 avril 1998, que des efforts ont été faits depuis 1991 afin de trouver un acheteur potentiel.

II.2. Lettre de mise en demeure du 4 février 2000

(16) Parmi les informations transmises à la Commission dans le cadre de la concentration, l'Allemagne a communiqué, par lettre du 30 juin 1998, des éléments provenant d'un rapport sur le concept de restructuration de Saarbergwerke. Ce rapport avait été élaboré en janvier 1996 par Roland Berger and Partner, à la demande du gouvernement fédéral allemand actionnaire majoritaire de Saarbergwerke.

(17) Par lettre du 10 juillet 1998, les autorités allemandes ont communiqué à la Commission des éléments d'une évaluation effectuée en mars 1996 par Roland Berger and Partner, présentant des solutions sectorielles pour l'industrie houillère allemande, ainsi qu'un rapport succinct daté du 9 juillet 1998 qualifié d'évaluation actualisée de Saarbergwerke. Ce dernier rapport avait été préparé par [...] à la demande du gouvernement fédéral allemand, suite à une demande d'informations complémentaires de la Commission dans le cadre de l'examen de la concentration.

(18) Dans les données que le gouvernement allemand a présentées à la Commission, la valeur du secteur blanc de Saarbergwerke n'était pas quantifiée. Cependant, dans un recours devant le Tribunal de première instance des Communautés européennes(8), VASA Energy GmbH & Co KG a joint des pages du rapport établi en janvier 1996 par Roland Berger and Partner qui n'avaient pas été transmises à la Commission par les autorités allemandes. Dans cette partie du rapport, Roland Berger and Partner indiquait notamment que la valeur du secteur blanc était estimée à environ 1 milliard de DEM.

(19) Dans le rapport du 9 juillet 1998 portant sur une actualisation de la valeur de Saarbergwerke, [...] indiquait que le secteur minier avait une valeur négative non quantifiable, liée au caractère non compétitif de l'activité houillère. Le rapport faisait état en outre de risques politiques non quantifiables à partir de 2002, en raison de l'expiration du traité CECA, et à partir de 2005, du fait qu'aucun engagement politique n'avait encore été pris par l'Allemagne concernant le montant et la durée des subventions après cette date.

(20) Sur la base de toutes les informations en sa possession, la Commission a considéré que plusieurs éléments permettaient de présumer que la privatisation de Saarbergwerke pouvait impliquer une aide d'État non notifiée, d'un montant de 1 milliard de DEM. Conformément à l'article 88 du traité CECA, la Commission a invité l'Allemagne, par lettre du 4 février 2000, à fournir un ensemble d'informations, et plus particulièrement une évaluation économique, commerciale et financière détaillée de Saarbergwerke ainsi qu'une évaluation des risques liés à l'acquisition de cette entreprise. Cette lettre a fait l'objet d'une communication publiée au Journal officiel des Communautés européennes du 8 avril 2000, par laquelle la Commission a invité les parties intéressées à présenter leurs observations(9).

(21) Dans cette lettre, la Commission indiquait que si elle devait conclure que la vente de Saarbergwerke impliquait une aide d'État non notifiée en faveur de l'industrie houillère, elle examinerait celle-ci à la lumière de l'article 4, point c), du traité CECA, des trois décisions 98/687/CECA(10), 1999/270/CECA(11) et 1999/299/CECA(12) déjà prises sur la base des dispositions de la décision n° 3632/93/CECA pour les années 1997, 1998 et 1999, ainsi que de la notification reçue pour l'année 2000. Elle indiquait en outre que "si, après réception et examen de la réponse de la République fédérale d'Allemagne, la Commission estime que la vente de Saarbergwerke AG comprenait une aide non notifiée en faveur des activités non charbonnières, elle examinera la situation en se fondant sur les dispositions en matière d'aides d'État du traité instituant la Communauté européenne".

III. OBSERVATIONS DE L'ALLEMAGNE

(22) Le gouvernement fédéral allemand a transmis, par courrier du 8 mai 2000, les informations requises par la Commission dans sa lettre de mise en demeure, ainsi que son point de vue sur le prix symbolique payé par RAG pour l'acquisition de Saarbergwerke. L'Allemagne a en outre transmis en annexe de sa réponse plusieurs documents, et notamment: une expertise de la [...], datée du 2 mai 2000, qui contient une évaluation de Saarbergwerke sur la base des flux de trésorerie actualisés ainsi qu'une série de scénarios concernant la vente et la liquidation des activités de Saarbergwerke (le scénario de liquidation concerne plus particulièrement les activités houillères de Saarbergwerke qui seraient exposées à un risque très important, et qui pourraient être contraintes d'arrêter leurs activités); une expertise de [...] du 29 février 2000, avec une évaluation de Saarbergwerke selon la méthode de la valeur de rendement; un avis d'expert du 29 avril 2000 concernant la procédure de détermination de la valeur d'entreprise pour Saarbergwerke; une lettre de Roland Berger and Partner du 14 avril 2000 dans laquelle la société présente le contexte et les déclarations qui figurent dans son rapport de janvier 1996, et la non-pertinence du montant de 1 milliard de DEM pour une évaluation de Saarbergwerke.

(23) Suivant l'Allemagne, la privatisation de Saarbergwerke par la vente à RAG au prix de 2 DEM ne comporte pas d'élément d'aide d'État. La vente "dans l'état où elle se trouve", c'est-à-dire sans mesure de restructuration financière préalable, de cette entreprise sur laquelle pesaient des risques économiques considérables, représentait au contraire une opération économiquement optimale du point de vue des pouvoirs publics. Les propriétaires de Saarbergwerke - le gouvernement fédéral allemand et le gouvernement sarrois - se sont par conséquent comportés en tant que vendeurs agissant dans une économie de marché et s'efforçant d'optimiser le produit de la vente.

(24) Les expertises réalisées par [...] à la demande du gouvernement allemand aboutissent à une valeur globalement négative de Saarbergwerke au moment de la privatisation. [...] considère que, du fait du caractère structurellement déficitaire du secteur houiller, l'entreprise avait une valeur globale de continuation négative de [...] millions de DEM. Une liquidation du secteur houiller n'était en outre pas une solution envisageable dans la mesure où le solde de liquidation, évalué par [...] à un montant négatif de [...] milliards de DEM, aurait largement absorbé les recettes liées à la vente des activités du secteur blanc. En outre, un démantèlement de Saarbergwerke par la vente de ses différentes branches d'activité n'aurait pas non plus conduit à une valeur positive, étant donné que le secteur houiller en tant que tel aurait été invendable et qu'une séparation du secteur "énergie" "aurait entraîné une destruction de la valeur économique" de ce dernier secteur. L'argumentation de l'Allemagne repose en effet sur l'existence d'une forte interdépendance économique des différentes parties de l'entreprise, et plus particulièrement entre le secteur de la production d'électricité et le secteur charbonnier.

(25) Le gouvernement allemand considère par conséquent que, en vendant Saarbergwerke dans sa totalité à la société RAG pour 2 DEM, il a opté pour la solution la plus raisonnable sur le plan économique.

IV. COMMENTAIRES DE PARTIES TIERCES

(26) Suite à la publication au Journal officiel des Communautés européennes de la lettre de mise en demeure adressée à l'Allemagne, la Commission a reçu deux commentaires de parties tierces. La représentation permanente du Royaume-Uni auprès de l'Union européenne a adressé à la Commission un courrier du 5 mai 2000, suivant lequel le Royaume-Uni supporte en tous points l'analyse développée dans la mise en demeure de la Commission.

(27) RJB Mining (devenu UK Coal) a également présenté sa position, par lettre datée du 5 mai 2000. Suivant RJB Mining, la concentration de RAG et Saarbergwerke n'a pas été effectuée de manière transparente, notamment quant à la fixation du prix de la transaction. Un démantèlement de l'entreprise et une vente séparée de ses diverses composantes aurait en outre permis d'obtenir, dans le cadre d'une procédure d'appel d'offres, un montant supérieur au prix symbolique qui a été payé par RAG.

V. APPRÉCIATION

(28) Pour déterminer l'existence d'une aide d'État éventuelle dans l'opération de concentration RAG/Saarbergwerke, la Commission a d'abord examiné quelle aurait été l'attitude d'un opérateur privé en économie de marché. L'application de ce critère permet de déterminer si le gouvernement fédéral allemand et le gouvernement sarrois, en vendant Saarbergwerke pour le prix de 2 DEM, ont renoncé ou non à une partie des recettes qu'ils auraient pu obtenir par la vente de l'ensemble de Saarbergwerke. La Commission a ensuite examiné si, comme indiqué aux considérants 55 à 59, indépendamment de la question de l'évaluation de l'entreprise dans son ensemble, la vente des secteurs blancs et noirs ensemble pourrait impliquer une aide du premier secteur (qui a une valeur positive) au deuxième secteur (qui a une valeur négative).

V.1. Valeur du secteur noir

(29) L'Allemagne, qui se fonde principalement sur le rapport établi par [...], considère pour ce secteur une valeur de continuation d'un montant négatif de [...] millions de DEM et une valeur de liquidation d'un montant négatif de [...] millions de DEM. L'Allemagne considère dès lors que la vente de l'ensemble de l'entreprise à RAG pour le prix de 2 DEM était une très bonne opération d'un point de vue économique. [...] estime en effet l'ensemble des activités de Saarbergwerke à un montant négatif de [...] millions DEM, la valeur calculée pour le secteur houiller étant à la base de ce résultat négatif ([...] millions de DEM pour le secteur noir et [...] millions de DEM pour le secteur blanc).

(30) Les activités houillères de Saarbergwerke regroupaient en 1997 trois unités de production de charbon (Ensdorf, Warndt/Luisenthal et Göttelborn/Reden), ainsi qu'une cokerie (Fürstenhausen) située à Völklingen dont l'activité a toutefois été arrêtée dès le mois de juin 1997, dans le cadre de la concentration de Saarbergwerke et RAG. En 1997, la production des mines Ensdorf, Warndt/Luisenthal et Göttelborn/Reden s'établissait respectivement à 2,8 millions de tec, 2,4 millions de tec et 2,1 millions de tec. 12697 personnes étaient affectées à cette activité, pour un total de 18000 employés pour l'ensemble des activités de Saarbergwerke.

(31) Dans sa décision 1999/270/CECA statuant sur les mesures envisagées par l'Allemagne dans le cadre du compromis sur le charbon, la Commission relevait que la restructuration des unités de production de Saarbergwerke se traduirait par une nouvelle diminution de la production, et plus particulièrement par la fermeture de la mine Göttelborn/Reden en 2000. Cette mesure était la conséquence des importantes difficultés géologiques rencontrées par cette mine, qui ne permettaient pas d'envisager un avenir pour son exploitation.

(32) Concernant la mine Warndt/Luisenthal, les coûts de production relatifs à l'année 1998 s'élevaient, suivant les informations communiquées par l'Allemagne dans le cadre des notifications des aides à l'industrie houillère, à [...] DEM/tec, comparé à un prix de vente moyen de la houille estimé par l'Allemagne à 71 DEM/tec pour la même année (soit un coût de production [...] que le prix de vente de la houille). Quant à la mine Ensdorf considérée comme la moins déficitaire en Allemagne, les coûts de production s'élevaient à [...] DEM/tec en 1998, soit plus de [...] le prix de vente du charbon.

(33) Les mines Ensdorf et Warndt/Luisenthal étaient bénéficiaires, au moment de la privatisation de Saarbergwerke, d'aides au fonctionnement que la Commission a autorisées notamment dans la décision 98/687/CECA. Sur base des informations communiquées par les autorités allemandes, la Commission avait considéré que ces deux unités de production étaient en mesure de réaliser des progrès vers la viabilité économique, par la réduction de leurs coûts de production, et qu'elles répondaient dès lors aux critères fixés par l'article 3 de la décision n° 3632/93/CECA.

(34) En effet, conformément à l'arrêt du 9 septembre 1999 du Tribunal de première instance des Communautés européennes dans l'affaire T-110/98(13), les termes de l'article 3 de la décision n° 3632/93/CECA "n'exigent pas que l'entreprise bénéficiaire d'une aide au fonctionnement soit, à l'issue d'une période déterminée, en situation de viabilité. Ils n'imposent, en effet, que l'amélioration de la viabilité économique". Suivant le Tribunal, "cette formule souple trouve son explication dans les constatations économiques sur lesquelles est fondé le régime des aides d'État en faveur de l'industrie houillère communautaire, à savoir le manque structurel de compétitivité auquel cette industrie est confrontée du fait que la plus grande partie de ses entreprises restent non concurrentielles par rapport aux importations en provenance de pays tiers... Il s'ensuit que l'amélioration de la viabilité économique d'une entreprise donnée se réduit nécessairement à une diminution du degré de sa non-rentabilité et de sa non-compétitivité".

(35) Si ces mines réalisaient des progrès vers la viabilité économique, susceptibles de répondre aux critères prévus pour l'octroi d'aides au fonctionnement au titre de l'article 3 de la décision n° 3632/93/CECA, il reste qu'elles avaient peu de perspectives de parvenir effectivement à un seuil de viabilité économique. La décision 1999/270/CECA indiquait d'ailleurs qu'"on constate qu'une réduction notable des aides sera principalement atteinte par des mesures de réduction d'activité". En effet, "si l'on observe une certaine baisse des coûts de production moyens de l'industrie houillère allemande et compte tenu de l'article 3, paragraphe 3, de la décision n° 3632/93/CECA, ces derniers exprimés à prix constants de 1992 resteront élevés puisque par rapport à [...] marks allemands par tec en 1992, ils se situeraient encore à [...] marks allemands en 2002".

(36) Compte tenu des contraintes d'ordre géologique en Allemagne et des coûts de production liés à son exploitation, il était évident que la houille extraite par les unités de production visées ci-dessus n'était pas - et ne sera pas à l'avenir - en mesure de concurrencer le charbon importé de pays tiers. Malgré un important processus de restructuration, de modernisation et de rationalisation de l'industrie charbonnière, en vue de tendre vers plus de compétitivité, la production de houille en Allemagne reste et restera non concurrentielle par rapport aux importations en provenance des pays tiers, et ce, malgré une amélioration sensible de la productivité, la fermeture progressive des sièges d'extraction les plus déficitaires et une réduction importante du personnel employé dans ce secteur.

(37) L'évolution du secteur houiller au cours des années qui ont suivi la concentration de RAG/Saarbergwerke confirme l'analyse aux points qui précèdent. Alors que le compromis sur le charbon prévoyait une production de 37 millions de tec en 2002, les mesures de réduction d'activité supplémentaires, liées au manque de compétitivité chronique du secteur, devraient avoir pour résultat de ramener la production de houille en Allemagne en 2002 à moins de 29 millions de tec. La production estimée pour l'année 2000 se situe, avec un niveau de 35 millions de tec, à un niveau inférieur à celui qui avait été prévu par le compromis sur le charbon pour l'année 2002.

(38) L'Allemagne avait d'ailleurs indiqué, dans sa notification du 22 novembre 2000 concernant les aides à l'industrie houillère relatives à l'année 2000, que de nouvelles réductions d'activité devant entraîner des fermetures supplémentaires de sièges d'extraction, devaient être mises en oeuvre. La Commission avait noté à cet égard, dans sa décision 2001/361/CECA(14), que ces réductions de capacités s'inscrivaient dans la continuité d'importantes mesures de restructuration, de rationalisation, de modernisation et de réduction d'activité qui ont déjà été réalisées depuis la mise en oeuvre du compromis sur le charbon de 1997.

(39) L'étude réalisée par [...] pour compte de la Commission confirme que la reprise du secteur houiller de Saarbergwerke impliquait un risque important pour RAG. Il s'agit plus précisément de la diminution constante des subventions dont les montants sont repris dans le compromis sur le charbon, les incertitudes liées à la période après 2005 dans la mesure où le compromis sur le charbon expire à la fin de l'année 2005, le fait que les aides d'État à l'industrie houillère ne peuvent être octroyées qu'après autorisation par la Commission, l'incertitude concernant les prix du charbon sur le marché mondial et la difficulté d'ajuster le niveau de production afin d'optimiser l'utilisation des aides d'État. Suivant [...], bien que ces risques soient difficilement quantifiables, leur impact est plus que probablement négatif pour RAG: "RAG, en rachetant Saarbergwerke, a pris des risques significatifs sans contrepartie apparente". Il faut ajouter que l'expiration du traité CECA ainsi que du régime d'aides d'État à l'industrie houillère prévu par la décision n° 3632/93/CECA, le 23 juillet 2002, constituaient, au moment de la fusion, un risque supplémentaire important pour RAG.

(40) La Commission note dans ce contexte, que l'évaluation du secteur houiller par [...] part de l'hypothèse que l'exploitation houillère en Allemagne disparaîtra après 2005, c'est-à-dire après l'expiration du compromis sur le charbon. Il existe dès lors des doutes importants quant à l'avenir de ce secteur en Allemagne après 2005.

(41) De ces considérations et bien qu'il soit difficile de quantifier de manière précise la valeur du secteur houiller, il faut conclure que ce secteur a, en dépit des subventions versées chaque année par l'Allemagne pour couvrir les pertes d'exploitation, une valeur négative. L'absence totale de perspectives de compétitivité, au moment de la fusion est confirmée au cours des années qui ont suivi la fusion, tend par conséquent à considérer comme réaliste la valeur de continuation estimée à un montant négatif de [...] millions DEM par [...].

V.2. Valeur du secteur blanc

(42) Le secteur de la production d'électricité aurait, suivant [...], une valeur négative de [...] millions de DEM. Cette valeur repose sur deux hypothèses, à savoir, d'une part que ce secteur est étroitement lié à l'exploitation houillère dans le Land de Sarre et, d'autre part, que cette exploitation houillère disparaîtra après 2005. Compte tenu de l'interdépendance étroite qui existerait entre le secteur houiller et celui de la production d'électricité, la valeur de ce dernier secteur dépendrait fortement de la disponibilité du charbon extrait dans la Sarre. Or, au moment de la vente de Saarbergwerke, l'État allemand ne s'était engagé à couvrir les pertes liées à l'exploitation houillère que jusque fin 2005. Étant donné qu'il n'y a aucune garantie que des aides seront accordées après cette date, et compte tenu du manque de compétitivité de l'exploitation houillère en Allemagne, il ne peut dès lors être exclu, d'après [...], que cette exploitation disparaisse tout simplement après 2005. La disparition de l'exploitation houillère en Allemagne obligerait les centrales électriques à importer du charbon, ce qui, suivant l'Allemagne, impliquerait des coûts additionnels, plus particulièrement liés au transport du charbon à partir des ports de déchargement.

(43) L'hypothèse d'une disparition du secteur houiller après 2005 aboutit par conséquent à neutraliser complètement la valeur du secteur de la production d'électricité. Par contre, dans l'hypothèse d'une disponibilité de houille extraite en Allemagne après 2005, [...] estime la valeur du secteur de la production d'électricité à un montant positif de [...] millions de DEM.

(44) Les activités du secteur blanc autres que le secteur de la production d'électricité ont été évaluées comme suit par [...]: a) chauffage à distance: montant [...] de [...] millions de DEM; b) environnement: montant [...] de [...] millions de DEM; c) commerce et services: montant [...] de [...] millions de DEM; d) caoutchouc: montant [...] de [...] millions de DEM.

(45) [...] a analysé, d'une part les performances des participations du secteur blanc, d'autre part les résultats des ventes de certains segments de ce secteur après la fusion. Suivant [...], la rentabilité de ces participations s'est révélée très basse entre 1992 et 1996, de l'ordre de [...] %. Il n'y a dès lors aucune indication suivant laquelle les participations du secteur blanc de Saarbergwerke auraient été à l'origine d'une plus-value pour RAG. Concernant les ventes de participations postérieures à la fusion, il apparaît que celles-ci ont généré une perte de [...] millions de DEM.

(46) De ces considérations, il faut conclure que le secteur blanc a une valeur globale légèrement positive. À la lecture de l'analyse réalisée par [...], on peut en effet considérer comme réaliste la valeur estimée par [...] qui se situerait, suivant l'hypothèse suivie concernant l'exploitation houillère après 2005 et son impact sur la valeur du secteur de la production d'électricité, dans une fourchette entre [...] millions de DEM et [...] millions de DEM.

V.3. Vente de l'entreprise

(47) L'argumentation des autorités allemandes, développée dans leur lettre du 8 mai 2000, repose sur l'hypothèse que seule une vente globale de Saarbergwerke était envisageable et que la valeur de cet ensemble était négative. La valeur positive de certaines divisions du secteur blanc n'était en effet pas suffisante pour couvrir l'importante valeur négative du secteur noir, qu'il s'agisse de la valeur de continuation ou de la valeur de liquidation de ce dernier secteur. Compte tenu du déficit chronique des activités houillères de Saarbergwerke, la vente de l'ensemble de l'entreprise pour 2 DEM, dans l'état où elle se trouvait, constituait dès lors le meilleur résultat auquel pouvait parvenir le gouvernement allemand.

(48) L'Allemagne indique à cet égard qu'un démantèlement de Saarbergwerke par la vente de ses différentes branches d'activité n'aurait pas conduit à une valeur positive.

(49) Il faut également noter que les différentes branches d'activité n'étaient pas structurellement séparées au sein du groupe Saarbergwerke. La liquidation d'un ou de plusieurs secteurs déficitaires - et plus particulièrement du secteur houiller - avec un solde négatif aurait par conséquent dû être compensée par la valeur positive de la vente des autres secteurs de l'entreprise. Ainsi, dans l'hypothèse d'une liquidation du secteur houiller, le solde de l'opération estimé par [...] à un montant négatif de l'ordre de [...] millions DEM aurait largement absorbé les recettes de la vente des secteurs profitables de l'entreprise.

(50) L'analyse des comptes de RAG confirme le fait que la reprise de Saarbergwerke n'a pas généré de valeur positive. En effet, l'opération se solde par un impact comptable négatif de [...] millions de DEM. Ce montant négatif provient plus particulièrement de corrections comptables qui ont suivi la fusion. Certaines corrections auraient, sur la base des principes comptables généralement appliqués, dû être effectuées par Saarbergwerke avant l'opération de concentration. D'autres corrections étaient justifiées par le fait que les principes comptables appliqués par Saarbergwerke étaient différents de ceux appliqués par RAG. [...] considère que certaines de ces corrections comptables ont été surévaluées, d'un montant toutefois limité à [...] millions de DEM. [...] conclut donc que le rachat de Saarbergwerke en 1998 ne devait générer aucune valeur positive pour RAG.

V.4. Valeur présumée de 1 milliard de DEM

(51) Suivant le rapport de Roland Berger and Partner réalisé en mars 1996, la valeur du secteur blanc pouvait être estimée à environ 1 milliard de DEM. Ce rapport n'avait toutefois pas été conçu comme une évaluation en vue d'une privatisation de Saarbergwerke. Le gouvernement allemand relève en outre dans sa lettre du 8 mai 2000 que ce montant se fondait sur l'hypothèse que les mesures de restructuration considérées comme nécessaires étaient mises en oeuvre, ce qui n'était pas le cas lors de la privatisation de l'entreprise. La valeur de 1 milliard de DEM ne reposait donc pas sur une évaluation de l'entreprise "dans l'état où elle se trouve", mais anticipait déjà la mise en oeuvre des mesures de restructuration jugées nécessaires par Roland Berger and Partner. Elle représentait donc une "valeur de restructuration".

(52) La valeur estimée pour le secteur blanc par Roland Berger and Partner dans son rapport de mars 1996 n'a d'ailleurs été confirmée par aucun rapport, qu'il s'agisse du rapport d'[...],[...] ou du rapport établi par [...] pour compte de la Commission.

(53) La lettre de mise en demeure de la Commission du 4 février 2000, suivant laquelle la privatisation de Saarbergwerke pouvait impliquer une aide d'État de 1 milliard de DEM, se fondait notamment sur le fait que le compromis sur le charbon de 1997 prévoyait que l'ensemble des mesures de ce compromis, et notamment la concentration des activités houillères de Saarbergwerke et de Preussag Anthrazit au sein de RAG, devaient permettre, d'une part une rationalisation interrégionale, et d'autre part un accompagnement social du processus d'adaptation afin d'assurer le maintien d'une industrie minière viable et performante au-delà de l'année 2005.

(54) Or, force est de constater que la restructuration de l'industrie houillère qui a suivi la privatisation de Saarbergwerke en 1998 n'a abouti à aucun résultat tangible en terme de viabilité du secteur. Les efforts de restructuration, qui ont conduit à des fermetures de mines et à des réductions de production nettement plus importantes que celles prévues dans le compromis sur le charbon, n'ont permis qu'une réduction du degré de non-compétitivité du secteur. Dans ce contexte, la survie à long terme de l'industrie houillère en Sarre pourrait se trouver fortement compromise.

V.5. Analyse de la vente à la lumière de la pratique de la Commission en matière de "ventes de grappes d'entreprises" (cluster sales)

(55) Comme elle l'a indiqué dans les considérants 20 et 21, la Commission a estimé que la vente au prix de 2 DEM pouvait impliquer une aide d'État parce qu'elle comportait des actifs susceptibles d'avoir une valeur positive élevée. Même si le faible niveau de prix était justifié par le fait que la vente concernait la totalité des activités, il est possible, selon la pratique constante de la Commission, de faire valoir, lorsque les pouvoirs publics exigent que des activités distinctes soient vendues ensemble, qu'il ne s'agit pas d'une cession inconditionnelle et qu'elle peut donc impliquer une aide d'État. En particulier, dans les cas où une activité ayant une valeur négative et une activité ayant une valeur positive doivent être vendues ensemble, on pourrait considérer que la vente représente une aide en faveur de l'activité qui a une valeur négative, comme cela serait le cas si l'activité était vendue séparément pour un prix négatif.

(56) Pour illustrer cette pratique, la Commission a écrit, dans sa lettre SG(92) D/17613 du 8 décembre 1992 à l'Allemagne que, lorsqu'il s'agit d'entreprises sans liens historiques, la Commission ne peut pas considérer qu'un regroupement artificiel d'entreprises satisfait aux exigences selon lesquelles aucune condition ne doit être associée aux offres. Cet argument a notamment été invoqué dans le cas de la vente du groupe Lintra (affaire N 49/95)(15). Ce point de vue peut, en particulier, être justifié par une référence au comportement probable d'un investisseur privé en économie de marché dans la même situation, qui préférerait liquider une activité ayant une valeur négative plutôt que de renoncer aux revenus de la vente d'une activité ayant une valeur positive.

(57) La Commission a cherché à savoir si ce raisonnement était applicable à la vente de Saarbergwerke. Elle a fait observer (considérant 49) que, puisque le secteur houiller de Saarbergwerke ne constituait pas une entité juridique distincte, il ne serait pas possible, pour un investisseur privé en économie de marché se trouvant dans la même situation que les propriétaires de Saarbergwerke, d'éviter que la valeur négative du secteur noir ne neutralise la valeur positive du secteur blanc. En fait, il ressort de la structure de l'entreprise que les activités houillères étaient regroupées dans la holding Saarbergwerke AG.

(58) Cela ne constitue cependant pas, aux yeux de la Commission, une analyse tout à fait concluante. En effet, compte tenu de l'ampleur du passif potentiel et de l'absence de rentabilité intrinsèque du secteur noir, dont la survie dépend entièrement des aides d'État, on peut douter qu'un investisseur privé en économie de marché ait ainsi laissé sans protection des actifs ayant une valeur positive significative. Il n'est donc pas possible d'appliquer sans réserves le principe de l'investisseur privé en économie de marché.

(59) Par ailleurs, les autorités allemandes ont également indiqué qu'il existait des liens historiques et commerciaux entre les différentes activités qui composaient Saarbergwerke, et en particulier entre le secteur houiller et le secteur de la production d'électricité, même s'il faut relever que le charbon indigène allemand est progressivement remplacé par du charbon importé pour la production d'électricité (la production de charbon en Allemagne est passée de 72 millions de tec en 1992 à 47 millions de tec en 1998 et cette tendance continue puisque la production de charbon n'a pas dépassé les 35 millions de tec en 2000). Il existait, au moins à l'époque de la concentration en 1998, un certain lien entre les différentes activités de Saarbergwerke, qui aurait pu causer certaines difficultés pour le remplacement à court terme de charbon indigène par du charbon importé. Compte tenu de tous ces éléments, la Commission a conclu que le principe de la "vente de grappes d'entreprises" (cluster sale) ne devrait pas être appliqué dans cette affaire. Elle souligne, cependant, que dans des cas de vente de grappes d'entreprises mieux caractérisés (notamment lorsque les activités n'ont pas de liens historiques ou commerciaux et qu'elles constituent des entités séparées), elle continuera à appliquer ce raisonnement de la manière décrite dans les considérants 55 et 56.

VI. CONCLUSION

(60) La privatisation de Saarbergwerke par la vente à RAG au prix de 2 DEM ne comportait pas d'élément d'aide d'État. La vente de l'entreprise "dans l'état où elle se trouve" - c'est-à-dire sans mesure de restructuration financière préalable - était, compte tenu des risques économiques considérables, une opération pour laquelle les pouvoirs publics se sont comportés en tant que vendeurs agissant dans une économie de marché et s'efforçant d'optimiser le produit de la vente.

(61) L'absence de valeur positive de Saarbergwerke est liée aux activités houillères qui se caractérisent par un déficit chronique et un doute important quant à l'avenir de ce secteur. Elle est confirmée par trois rapports, dont un rapport réalisé par un expert comptable pour compte de la Commission.

(62) Suivant le rapport établi par [...], la valeur de continuation de Saarbergwerke est négative de [...] millions de DEM, c'est-à-dire un montant négatif de [...] millions pour le secteur noir et un montant positif de [...] millions de DEM pour le secteur blanc,

A ARRÊTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:

Article premier

La privatisation de l'entreprise Saarbergwerke AG par sa vente à l'entreprise RAG AG, pour le prix de 2 DEM, n'inclut pas d'aide d'État.

Article 2

La République fédérale d'Allemagne est destinataire de la présente décision.

Fait à Bruxelles, le 7 mai 2002.

Par la Commission

Loyola De Palacio

Vice-président

(1) JO L 329 du 30.12.1993, p. 12.

(2) JO C 101 du 8.4.2000, p. 3.

(3) Tec: tonne équivalent-charbon.

(4) Cas IV/CECA.1252 - RAG/Saarbergwerke/Preussag Anthrazit.

(5) Rec. 2001, p. II-337.

(6) Affaires C-157/01 P et C-169/01 P.

(7) Donnée confidentielle.

(8) Affaires T-29/99: Vasa Energy contre Commission (décision non publiée).

(9) Voir note 2 de bas de page.

(10) JO L 324 du 2.12.1998, p. 30.

(11) JO L 109 du 27.4.1999, p. 14.

(12) JO L 117 du 5.5.1999, p. 44.

(13) Recueil 1999, p. II-2585.

(14) JO L 127 du 9.5.2001, p. 55.

(15) JO C 168 du 12.10.1996, p. 10.