3.4.2020   

FR

Journal officiel de l’Union européenne

CI 111/1


COMMUNICATION DE LA COMMISSION

Lignes directrices relatives à l’aide d’urgence de l’Union européenne en matière de coopération transfrontière dans le domaine des soins de santé en liaison avec la crise de la COVID-19

(2020/C 111 I/01)

1.   Objectif et champ d’application

La pandémie de COVID-19 a déjà mis à rude épreuve les systèmes de soins de santé dans plusieurs États membres de l’Union européenne (ci-après l’«UE»). Ils sont nombreux à craindre que les places en soins intensifs dont ils disposent ne soient pas suffisantes. Les professionnels de la santé sont débordés et les pénuries de main-d’œuvre se font de plus en plus criantes dans maints établissements de soins. Un certain nombre de pays demandent une aide d’urgence de la part de l’UE et des autres États membres de l’UE. Certains ont déjà répondu à cet appel. Les récentes initiatives régionales de coopération hospitalière pour le traitement des patients atteints par la COVID-19 — plusieurs Länder allemands et le Luxembourg ont proposé des places en soins intensifs et des traitements hospitaliers à des patients italiens et français — permettent de sauver des vies et de contribuer à alléger la pression pesant sur les capacités des systèmes de santé grâce à l’offre de places en soins intensifs. Il s’agit là d’une manifestation encourageante et importante de la solidarité européenne. Étant donné qu’il existe des situations d’urgence exceptionnelles, une approche plus coordonnée des soins de santé transfrontaliers (1) est justifiée.

La Commission européenne invite les autorités sanitaires nationales, régionales et locales à utiliser pleinement:

les structures et mécanismes existants afin de collaborer en vue d’aider les patients nécessitant des soins hospitaliers, en proposant des lits d’hôpital disponibles, et

les professionnels de la santé disponibles qui constituent l’épine dorsale de nos systèmes de santé et à leur permettre de partager expertise et compétences grâce à une collaboration transfrontière avec d’autres professionnels de la santé,

afin d’aider les établissements de soins en situation de saturation dans les États membres qui en ont besoin, lorsque cela ne met pas en péril le fonctionnement de leurs propres systèmes de santé.

La Commission européenne est fermement résolue à aider les autorités sanitaires:

en coordonnant l’offre et la demande de places en soins intensifs pour les patients et de personnel médical dûment qualifié, par l’intermédiaire du comité de sécurité sanitaire et du système d’alerte précoce et de réaction (EWRS),

en coordonnant et en cofinançant le transport d’urgence de patients et d’équipes de personnel médical dûment qualifiées par-delà les frontières lorsque les États membres demandent une aide par l’intermédiaire du mécanisme de protection civile de l’UE,

en fournissant des précisions sur le remboursement des coûts des soins en cas de traitement dans un autre État membre, conformément aux règlements portant sur la coordination de la sécurité sociale,

en clarifiant les dispositions relatives à la mobilité transfrontière des patients: transfert des dossiers des patients, continuité des soins et reconnaissance mutuelle des prescriptions électroniques conformément à la directive sur les soins de santé transfrontaliers,

en encourageant les autorités sanitaires locales, régionales et nationales à recourir, le cas échéant, aux accords bilatéraux et régionaux et aux points de contact afin d’alléger la charge pesant sur les unités de soins intensifs qui traitent des patients atteints par la COVID-19 dans la région limitrophe concernée,

en incitant les États membres ou les organisations non gouvernementales (ONG) spécialisées à envoyer des équipes de personnel médical dûment qualifiées par-delà les frontières.

2.   Comité de sécurité sanitaire chargé de coordonner l’aide transfrontière en matière de soins de santé

Le comité de sécurité sanitaire de l’UE (2), composé de représentants des États membres et présidé par la Commission, soutient l’échange d’informations et la coordination de la préparation et de la réaction aux menaces transfrontières graves sur la santé.

La Commission, par l’intermédiaire du comité de sécurité sanitaire de l’UE et du système d’alerte précoce et de réaction, facilitera la coordination des demandes d’aide en matière de soins de santé transfrontaliers. Les demandes d’aide pourraient porter sur des places en soins intensifs, sur le traitement et le transfert des patients, ainsi que sur des équipes de personnel médical dûment qualifiées.

L’autorité compétente de l’État membre ayant besoin d’aide informe les autres États membres et la Commission européenne par l’intermédiaire du système EWRS. Il appartient aux autorités nationales de définir les critères de déclenchement de la demande d’aide auprès de l’UE.

Les États membres en mesure d’offrir une aide peuvent répondre à la demande en utilisant le système EWRS. Une fois qu’une offre a été acceptée, les États membres qui apportent leur coopération coordonnent leur soutien directement entre eux et avec les hôpitaux en ce qui concerne les modalités précises du soutien.

Un tableau récapitulatif des demandes et de l’aide disponible proposée sera régulièrement mis à jour par la Commission et le comité de sécurité sanitaire sera tenu informé.

3.   Transport d’urgence de patients: coordination et cofinancement

Le Centre de coordination de la réaction d’urgence (ERCC) fournit un service 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 capable de coordonner et de cofinancer les transports médicaux nécessaires.

Lorsque les États membres demandent cette aide, l’ERCC active le mécanisme de protection civile de l’Union européenne conformément à ses procédures habituelles (3).

4.   Remboursement des frais médicaux du patient dans l’État membre de traitement

La couverture des coûts des soins de santé sera régie par les règlements portant sur la coordination de la sécurité sociale (4).

Les patients qui doivent être transportés vers un hôpital dans un État membre limitrophe ou dans un autre État membre offrant une aide devraient normalement être en possession d’une autorisation préalable de l’organisme de sécurité sociale compétent. Cette obligation n’est pas aisée à respecter, compte tenu de la pandémie de COVID-19 et de la situation d’urgence.

La Commission invite les États membres à adopter une approche pragmatique pour les patients nécessitant des soins urgents et, compte tenu de l’urgence de santé publique, à envisager une autorisation préalable générale pour garantir la couverture de toutes les dépenses encourues par le prestataire de soins du pays d’accueil.

Il est recommandé qu’il suffise à l’État membre compétent de s’assurer que le patient a en sa possession un document attestant qu’il est couvert au moment de son admission à l’hôpital, toute autre modalité pratique dont les États membres concernés peuvent convenir étant aussi envisageable. Ces orientations s’appliquent aux soins d’urgence dans le seul contexte de la pandémie de COVID-19.

Pour les patients encore en mesure de bénéficier de soins programmés non urgents, les procédures habituelles s’appliquent en principe au traitement médical dans un autre État membre (5).

5.   Modalités applicables aux soins de santé pour les patients transfrontières

Les États membres devraient partager les dossiers des patients et les prescriptions électroniques au moyen de MyHealth@EU, lorsque ces services sont utilisés (6). En outre, les patients devraient recevoir une copie de leur dossier médical afin de faciliter le traitement dans un autre État membre ainsi que le traitement de suivi à domicile.

Les autorités sanitaires peuvent être amenées à prendre des mesures supplémentaires pour assurer la continuité des soins, compte tenu d’éventuelles différences de protocoles de traitement entre les pays.

Le principe général de la reconnaissance mutuelle des prescriptions s’applique conformément à la directive sur les soins de santé transfrontaliers (7).

Les points de contact nationaux pour les soins de santé transfrontaliers peuvent fournir des informations générales à l’intention des patients transfrontières (8).

6.   Libre circulation des patients aux frontières intérieures

Pour les citoyens de l’UE, les dispositions de la directive sur la libre circulation (9) continuent de s’appliquer. Les patients qui ont besoin d’un traitement urgent dans un établissement de soins situé dans un autre État membre ne devraient pas se voir refuser l’entrée en cas de contrôles temporaires aux frontières intérieures. Les patients qui se rendent dans un autre État membre pour y recevoir des soins non urgents devraient vérifier que les contrôles aux frontières leur permettront de voyager.

Les services de transport d’urgence devraient être prioritaires au sein du réseau de transport (via les «voies réservées» (10), conformément aux lignes directrices relatives aux mesures de gestion des frontières – COVID-19).

Il convient de prendre des mesures de sécurité appropriées à l’égard des personnes considérées comme présentant un risque pour la santé publique dû à la COVID-19.

7.   Coopération en matière de soins de santé transfrontaliers dans les régions frontalières

L’UE soutient la coopération et l’intégration des systèmes de santé dans les régions frontalières au moyen de ses programmes Interreg (ainsi, sept zones bénéficiant d’un accès organisé aux soins de santé transfrontaliers ont été créées le long de la frontière franco-belge; les centres de contrôle d’urgence de la Basse-Autriche, de la Bohème-du-Sud et de la Moravie-du-Sud sont reliés en temps réel pour permettre l’envoi transfrontalier d’ambulances dans le cadre de l’initiative Healthacross; dans l’espace du Rhin supérieur situé le long de la frontière entre la France, l’Allemagne et la Suisse, le projet TRISAN coordonne les activités de mise en réseau pour améliorer les compétences des professionnels du secteur de la santé).

Dans les régions Interreg, plusieurs projets contribuent actuellement à une approche plus coordonnée de la pandémie. L’Euregio Meuse-Rhin (NL/BE/D), dans la zone de Maastricht-Aix-la-Chapelle-Liège-Hasselt, a mis en place un centre de gestion de crise trilatéral (Task Force Corona). Situé entre la France et l’Espagne, l’hôpital transfrontalier de Cerdagne (ES) coopère avec les hôpitaux français en vue d’une mise en commun des capacités et du personnel de soins intensifs, tout en travaillant en association avec la police des frontières pour garantir l’accès des établissements aux patients et aux professionnels de la santé.

Les États membres ainsi que les autorités régionales et locales concernées devraient utiliser toute la souplesse offerte par les programmes Interreg pour relever les défis de la pandémie. De nombreuses régions frontalières ont une tradition de coopération et disposent de structures à cette fin, y compris dans le domaine de la santé, qui devraient à présent être pleinement mises au service de l’entraide, au nom de la solidarité européenne.

8.   Collaboration des personnels de santé au-delà des frontières

Libre circulation des professionnels de la santé

Il est impératif que les travailleurs exerçant des professions critiques puissent atteindre leur destination sans délai. Les États membres devraient faciliter le passage aux frontières des professionnels de la santé et leur garantir le libre accès vers l’établissement de soins dans lequel ils travaillent dans un autre État membre (11).

Équipes médicales d’urgence

Les États membres ou les ONG spécialisées peuvent envoyer des équipes de personnel médical dûment qualifiées par-delà les frontières, en réponse aux demandes d’aide.

Huit équipes médicales d’urgence européennes sont déjà accréditées par l’OMS, ou sur le point de l’être, pour l’aide internationale à la gestion des situations d’urgence, qui peut être déployée dans le cadre du mécanisme de protection civile de l’Union en réponse à une demande. Les capacités actuelles sont limitées, car, dans la plupart des cas, le personnel concerné peut déjà être entièrement occupé dans son pays d’origine. Toutefois, les équipes médicales européennes pourraient être étoffées grâce à l’activation d’un soutien financier supplémentaire de l’UE.

Reconnaissance des qualifications professionnelles dans le domaine de la santé

De nombreuses professions dans le domaine de la santé, par exemple en ce qui concerne les médecins ayant une formation de base, un certain nombre de spécialisations médicales, telles que la médecine respiratoire, l’immunologie ou les maladies transmissibles, et les infirmiers responsables de soins généraux, sont fondées sur une harmonisation minimale au titre de la directive relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles (12). Dans le cas d’une prestation de services temporaire et occasionnelle, seule une simple déclaration peut être exigée pour ces professionnels, sans qu’il soit nécessaire d’attendre une décision des autorités de l’État membre d’accueil. Pour les autres professions du secteur de la santé, une procédure de reconnaissance mutuelle peut être engagée si les autorités compétentes jugent nécessaire de comparer le contenu de la formation.

La directive relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles définit les exigences maximales applicables aux professionnels de la santé désireux de se déplacer au sein de l’UE; elle n’oblige pas les États membres à imposer des restrictions en ce qui concerne les procédures de reconnaissance et n’empêche donc pas l’État membre d’accueil d’adopter une approche moins contraignante à l’égard des professionnels de la santé entrant sur son territoire, que ce soit à des fins de prestation de services ou d’établissement, par exemple en abandonnant l’obligation de déclaration préalable et de contrôle préalable des qualifications, en appliquant des délais plus courts au traitement des demandes, en demandant moins de documents que d’habitude, en n’exigeant pas de traduction certifiée ou en ne requérant pas de mesure de compensation, lorsqu’il estime qu’il n’y a pas de risque majeur pour la sécurité des patients.

D’autres orientations de la Commission concernant des aspects pertinents pour la mobilité transfrontière des professionnels de la santé peuvent être fournies.

Partage des connaissances et des compétences cliniques dans l’UE: COVID19 CMSS (système de soutien à la gestion clinique de la COVID-19)

Les autorités compétentes des États membres et les professionnels de la santé sont encouragés à recourir au système de soutien à la gestion clinique de la COVID-19 (COVID19 CMSS) afin de garantir, entre les cliniciens exerçant dans l’UE et l’EEE, un échange rapide des connaissances et de l’expérience sur la gestion des patients présentant des formes graves de COVID-19. Tout médecin travaillant dans un hôpital traitant des cas complexes de COVID-19 peut avoir accès à ce système de conférence en ligne et bénéficier d’un service d’assistance spécialisé en envoyant un courriel à l’adresse suivante: SANTE-COVID-CLINICIANS-NETWORK@ec.europa.eu.

9.   Aide financière en faveur de la coopération en matière de soins de santé transfrontaliers

L’UE fournit une assistance financière aux États membres touchés par une urgence de santé publique par l’intermédiaire du Fonds de solidarité (13).

Les dépenses de santé sont également des dépenses éligibles au titre des Fonds structurels pour les pays et les régions, et une plus grande souplesse pour la réaffectation de fonds a été prévue dans le cadre de la réponse économique coordonnée à la pandémie de COVID-19.

Des moyens financiers supplémentaires devraient être mis rapidement à disposition dans le budget de l’UE, grâce à l’instrument d’aide d’urgence (ESI), sous réserve de l’approbation des autorités budgétaires. Les fonds canalisés par l’intermédiaire de l’ESI devraient couvrir les coûts de la coopération transfrontière afin d’alléger la pression pesant sur les régions les plus touchées de l’UE. Sont en particulier concernés le transport des patients nécessitant d’accéder à des hôpitaux d’un autre pays capables d’offrir des capacités, l’échange de professionnels du secteur médical, l’accueil de patients étrangers ou tout autre type de soutien mutuel ainsi que le déploiement de structures de soins temporaires.


(1)  On entend par «soins de santé transfrontaliers», tels que définis dans la directive sur les soins de santé transfrontaliers, des soins de santé dispensés ou prescrits dans un État membre autre que l’État membre d’affiliation; cette définition ne concerne pas exclusivement les soins dispensés dans un État membre limitrophe.

(2)  Décision no 1082/2013/UE du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2013 relative aux menaces transfrontières graves sur la santé (OJ L 293, 5.11.2013, p. 1).

(3)  https://ec.europa.eu/echo/what/civil-protection/mechanism_fr

(4)  Règlement (CE) no 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (OJ L 166, 30.4.2004, p. 1).

(5)  https://europa.eu/youreurope/citizens/health/planned-healthcare/index_fr.htm

(6)  CZ, EE, FI, HR, LU, MT, PT. Pour de plus amples informations, voir https://ec.europa.eu/health/ehealth/electronic_crossborder_healthservices_fr

(7)  Directive 2011/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2011 relative à l’application des droits des patients en matière de soins de santé transfrontaliers (OJ L 88, 4.4.2011, p. 45).

(8)  https://ec.europa.eu/health/sites/health/files/cross_border_care/docs/cbhc_ncp_en.pdf

(9)  Directive 2004/38/CE relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres; règlement (UE) no 492/2011 relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de l’Union (OJ L 158, 30.4.2004, p. 77).

(10)  https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:52020XC0316(03)&from=FR

(11)  Communication sur les lignes directrices pour l’exercice de la libre circulation des travailleurs — C(2020) 2051 final

(12)  Directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles (OJ L 255, 30.9.2005, p. 22).

(13)  Règlement (UE) 2020/461 du Parlement européen et du Conseil du 30 mars 2020 modifiant le règlement (CE) no 2012/2002 du Conseil en vue de fournir une aide financière aux États membres et aux pays dont l’adhésion à l’Union est en cours de négociation qui sont gravement touchés par une urgence de santé publique majeure (OJ L 99, 31.3.2020, p. 9).