25.10.2016 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 393/7 |
Résumé de la décision de la Commission
du 9 juillet 2014
relative à une procédure d’application des articles 101 et 102 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne
[affaire AT.39612 — Périndopril (Servier)]
[notifiée sous le numéro C(2014) 4955]
(Les textes en langues anglaise et française sont les seuls faisant foi)
(2016/C 393/05)
Le 9 juillet 2014, la Commission a adopté une décision relative à une procédure d’application des articles 101 et 102 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Conformément à l’article 30 du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil (1) , la Commission publie ci-après les noms des parties et l’essentiel de la décision, ainsi que les éventuelles sanctions infligées, en tenant compte de l’intérêt légitime des entreprises à ce que leurs secrets d’affaires ne soient pas divulgués.
1. INTRODUCTION
(1) |
La décision Périndopril (Servier) concerne (i) cinq accords de règlement amiable en matière de brevet entre Servier (2), un laboratoire de princeps, et cinq fabricants de génériques (2005-2007); et (ii) une acquisition de technologie par Servier (2004), visant à retarder l’entrée des génériques sur le marché du périndopril, un médicament traitant les maladies cardiovasculaires. |
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Les accords de règlement amiable en matière de brevet ont été conclus entre Servier et respectivement:
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Le périndopril est un inhibiteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (ECA), utilisé pour le traitement de maladies cardiovasculaires telles que l’hypertension. Le périndopril est devenu le produit phare de Servier, avec des ventes mondiales annuelles de plus d’1 milliard USD pour les années 2006 et 2007. |
(4) |
La Commission a enquêté sur le fait que Servier avait conçu, mis à jour et mis en œuvre une stratégie pour affronter l’entrée des génériques sur le marché, devenue possible grâce à l’expiration du brevet de molécule clé de Servier au cours de la période allant de 2001 à 2005. Pour des produits tels que le périndopril, l’arrivée des génériques se solde généralement par deux modifications notables sur le marché. Premièrement, une diminution significative des prix (jusqu’à 90 %) et, deuxièmement, des transferts substantiels de volumes du laboratoire de princeps aux sociétés de génériques. |
(5) |
Les éléments de preuve ont montré que Servier a élaboré une stratégie visant à prolonger son exclusivité sur le périndopril. Servier s’est appuyée sur et a déposé un certain nombre de brevets de procédé et pour la forme cristalline. En 2004, Servier a acquis auprès d’Azad une technologie de production de périndopril, éliminant du marché une source proche de concurrence, ce qui est allé au-delà du fait de simplement faire face à la concurrence et de la défense légitime de sa propriété intellectuelle. Par la suite, Servier a également fait valoir ses brevets et a été impliquée dans des litiges brevetaires avec de nombreuses sociétés de génériques menaçant de lui faire concurrence, qui croyaient qu’il y avait des chances que leurs produits de périndopril pourraient ne pas violer les brevets de Servier, et/ou que le brevet ‘947 de Servier était invalide. |
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En outre, entre 2005 et 2007, Servier a conclu cinq accords de règlement amiables en matière de brevet sur la base d’incitations significatives auprès des sociétés de génériques respectives (règlements amiables en matière de brevet contre paiement inversé). Ces incitations prirent le plus souvent la forme de paiements directs, à hauteur possiblement de plus de 90 millions d’EUR. Dans le cas de Krka, cela a pris la forme d’un accord de partage de marché selon lequel Servier a accordé une licence pour les marchés clés de Krka en échange de l’abandon par Krka de la concurrence sur les plus grands marchés de Servier (en particulier le Royaume-Uni et la France). Les cinq accords de règlement amiable en matière de brevet interdisaient le lancement du produit générique développé avant l’expiration des brevets en cause, et ont mis fin à un certain nombre de contestations judiciaires de la validité du brevet ‘947, qui a par la suite été annulé et décrit par un tribunal au Royaume-Uni comme «le genre de brevet susceptible de nuire à la réputation du système de brevet». |
(7) |
Une vue d’ensemble des acquisitions et règlements amiables en cause est présentée ci-dessous:
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2. PROCEDURE
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En novembre 2008, la Commission a mené des inspections inopinées dans les locaux de Servier et de plusieurs sociétés de génériques. Les 2 et 27 juillet 2009, la Commission a respectivement formellement initié la procédure et adressé une communication des griefs à Servier, Niche/Unichem, Matrix/Mylan, Teva, Krka et Lupin, y incluses certaines filiales de ces entreprises (ensemble, les «Parties»). L’audition a eu lieu entre le 15 et le 18 avril 2013. Un exposé des faits a été envoyé aux Parties le 18 décembre 2013 et, le 4 avril 2014, des exposés des faits sur la question de la responsabilité des sociétés-mères ont été envoyés à Niche/Unichem et Matrix/Mylan. |
(9) |
Les 30 juin 2014 et 7 juillet 2014, le comité consultatif en matière d’ententes et de positions dominantes a rendu un avis favorable à l’adoption d’une décision d’interdiction prise en vertu des articles 7 et 23 du règlement (CE) no 1/2003 du Conseil. |
(10) |
Le conseiller-auditeur a rendu son rapport final le 7 juillet 2014. |
3. RÉSUMÉ DE L’ANALYSE JURIDIQUE DE LA COMMISSION
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Les accords de règlement amiable en matière de brevet sont évalués au regard de l’article 101 du traité. En ce qui concerne Servier, ces accords, ainsi que l’acquisition de technologie, sont également évalués au regard de l’article 102 du traité. |
1. Définition du marché et position dominante
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La Commission a conclu que le périndopril constituait un marché pertinent distinct au Royaume-Uni, en France, aux Pays-Bas et en Pologne |
(13) |
Bien qu’un certain degré de substituabilité fonctionnelle ait été reconnu entre le périndopril et les autres inhibiteurs de l’ECA en ce qui concerne les nouveaux patients, la Commission est parvenue à sa conclusion générale en se basant sur les observations suivantes relatives aux ventes de périndopril: un degré non-négligeable de différenciation entre le périndopril et les autres traitements, la nature de bien d’expérience du périndopril, des coûts de transfert élevés (en raison des risques associés à un changement, les patients avaient tendance à se tenir au traitement efficace) pour la plupart des patients prenant du périndopril, l’existence de loyalistes parmi les médecins prescripteurs (qui tendaient à prescrire le produit qui avait donné de bons résultats pour leurs patients précédents), l’insensibilité générale aux prix de la demande de périndopril, le cadre réglementaire, qui protégeait le périndopril des contraintes concurrentielles, et le fait que la pression sur le prix du périndopril exercée par ses propres génériques était supérieure de plusieurs ordres de grandeur à celle exercée par des médicaments alternatifs. Tous ces éléments se renforcent mutuellement. |
(14) |
Servier a été jugée en position dominante sur le marché du périndopril au Royaume-Uni, en France, aux Pays-Bas et en Pologne, pour la période débutant en 2000 et se terminant entre 2007 et 2009 (selon le marché national spécifique). |
(15) |
La décision délimite également un marché des technologies pour la production d’IPA de périndopril. Cette conclusion a été basée notamment sur l’inélasticité de la demande telle que mise en évidence par plusieurs facteurs (par exemple, l’impossibilité d’utiliser la technologie d’IPA d’autres médicaments pour faire de l’IPA de périndopril). Servier a de même été jugée dominante sur le marché de la technologie au moins au cours de la période allant de 2001 à 2007. |
2. Application de l’article 101 du traité aux accords de règlement amiable en matière de brevet
a) Analyse comme restrictions de concurrence par objet au sens de l’article 101 (1) du traité
(16) |
Sur la base de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, la Commission a estimé dans sa décision que les accords à l’amiable en matière de brevets sont, comme tout autre accord, soumis au droit de la concurrence de l’Union. La décision estime qu’un accord qui met fin à un contentieux et qui entraîne des restrictions à la liberté commerciale de la société de génériques en échange d’un transfert de valeur peut, dans les circonstances particulières de l’espèce, être considéré comme une restriction de concurrence par objet au sens de l’article 101 (1) du traité. |
(17) |
Afin de pouvoir établir si chaque accord couvert par la décision était susceptible de restreindre la concurrence de par sa nature même, la Commission a analysé les faits spécifiques de l’espèce concernant chaque accord afin de déterminer si:
L’analyse de la Commission a pris en compte le contexte économique et juridique ayant conduit à la conclusion de l’accord, le contenu réel et les objectifs de l’accord, et les intentions subjectives de chaque partie, comme l’attestent les faits de l’affaire. |
(18) |
En l’espèce, il a également été tenu compte d’autres facteurs importants.
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(19) |
L’analyse par la Commission de chacun des accords de règlement amiable en matière de brevet a établi que le contenu, les objectifs, et le contexte juridique et économique des accords de règlement amiable en matière de brevet conclus entre Servier et les sociétés génériques constituaient des restrictions par objet. |
b) Analyse comme des restrictions de concurrence par effet en sens de l’article 101 (1) du traité
(20) |
Selon une jurisprudence constante, il n’est pas nécessaire de tenir compte des effets concrets d’un accord lorsqu’il est établi qu’il a pour objet de restreindre la concurrence. |
(21) |
Dans un souci d’exhaustivité, la Commission a analysé les effets probablement restrictifs des accords de règlement amiable en matière de brevet sur la concurrence. Pour évaluer ces effets restrictifs, la Commission a tenu compte des conditions concrètes dans lesquelles les accords ont produit leurs effets, en l’occurrence le contexte économique et juridique, la nature du produit en cause, les conditions de fonctionnement concrètes et la structure du marché en cause; ainsi que la concurrence existante et potentielle. |
(22) |
Pour les marchés du Royaume-Uni, de la France, des Pays-Bas et de la Pologne (14), la Commission a estimé qu’il était probable que chacun des accords de règlement amiable en matière de brevet (y compris les accords connexes) entraîne des effets restrictifs de concurrence compte tenu de la concurrence qui aurait existé en l’absence de l’accord et du degré limité de concurrence restante. |
c) Analyse au regard de l’article 101 (3) du traité
(23) |
Aucune des parties n’a fourni les éléments de preuve nécessaires pour montrer que les quatre conditions d’application de l’article 101, paragraphe 3, du traité étaient remplies. |
3. Application de l’article 102 du traité à l’acquisition de technologie et aux accords de règlement amiable en matière de brevet
(24) |
La décision a établi que Servier a abusé de sa position dominante en s’engageant dans une stratégie d’exclusion constituée d’une série de transactions (une acquisition de technologie et cinq accords de règlement amiable en matière de brevet). La stratégie d’exclusion de Servier visait à éliminer les sources de concurrence les plus proches pour son périndopril de marque. |
(25) |
Concernant l’acquisition de technologie, la décision a conclu que la technologie d’Azad pour produire un IPA non couvert par les brevets de Servier était potentiellement habilitante et représentait une source de concurrence potentielle sur le marché de l’IPA et le marché du produit fini. La technologie acquise n’a jamais été mise en œuvre par Servier. Les éléments de preuve montrent qu’elle s’inscrivait dans le «mécanisme de défense» de Servier. L’acquisition par Servier a verrouillé une importante et très rare source de concurrence potentielle. La concurrence n’a pas été éliminée par les mérites de la technologie de Servier, mais par une acquisition éliminant cette source indépendante. Cela a faussé la structure concurrentielle des marchés de périndopril identifiés par la Commission et a contribué aux probables effets d’éviction de la stratégie d’exclusion de Servier, en retardant ou rendant plus difficile l’entrée des génériques sur le marché. |
(26) |
L’acquisition de technologie a été complétée par la conclusion successive de cinq accords de règlement amiable en matière de brevet par Servier, qui étaient à même de protéger ou ont probablement protégé la position de Servier sur le marché et se sont écartés d’une concurrence par les mérites, et ont contribué aux effets globaux de l’infraction unique et continue de l’article 102 du traité commise par Servier. |
(27) |
La ligne de conduite cohérente et linéaire de Servier consistant à acheter les sources potentielles de concurrence, à la fois par le biais d’une acquisition de droits de propriété intellectuelle et de règlements amiables en matière de brevet contre paiement inversé, a été jugée comme dérogeant à une concurrence par les mérites. L’argument des gains d’efficacité concernant l’acquisition de technologie et les accords de règlement amiable en matière de brevet avancé par Servier n’était pas étayé et ne remplissait pas les critères permettant de justifier objectivement un tel comportement. |
(28) |
La stratégie d’exclusion de Servier, mise en œuvre au moyen des six transactions précitées conclues en l’espace de 27 mois, constitue ainsi une infraction unique et continue de l’article 102 du traité au cours de la période allant de 2004 à 2009 sur le marché des formulations de périndopril au Royaume-Uni, en France, aux Pays-Bas et en Pologne, et sur le marché au niveau de l’Union européenne de la technologie d’IPA de périndopril. Dans la décision, aucun des éléments constitutifs n’est considéré comme constituant une infraction autonome de l’article 102 du traité. |
4. RESPONSABILITÉ DES SOCIÉTÉS-MÈRES
(29) |
Toutes les filiales de sociétés-mères tenues pour responsables des infractions pertinentes étaient des filiales à 100 % de leur société-mère, à l’exception de Niche et Matrix. La Commission a estimé que la présomption d’influence déterminante s’appliquait en l’espèce et a tenu la société-mère pour conjointement et solidairement responsable avec la filiale. |
(30) |
S’agissant de Niche, 60 % de ses actions était détenu par Unichem pendant une partie de la période infractionnelle. Quant à Matrix, 71,5 % de ses actions a été acquis par Mylan pendant la période infractionnelle. La Commission a conclu qu’Unichem et Mylan exerçaient une influence déterminante sur leurs filiales respectives, et a tenu ces sociétés-mères pour conjointement et solidairement responsables de l’amende. |
5. DESTINATAIRES
(31) |
Les entreprises suivantes étaient destinataires de la décision de la Commission:
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6. AMENDES
(32) |
Compte tenu de la gravité et de la durée des infractions des articles 101 et 102 du traité, et conformément aux lignes directrices sur les amendes (15), la Commission a infligé des amendes à Servier pour un total de 330 997 200 EUR pour les infractions en cause; et aux fabricants de génériques (et leurs sociétés-mères) pour un total de 96 699 308 EUR pour l’infraction de l’article 101 du traité. |
(33) |
En ce qui concerne Servier, les amendes tiennent compte de ses ventes réelles de périndopril. En ce qui concerne les cocontractants génériques de Servier, les amendes ne peuvent pas être calculées sur la base de la valeur des ventes, puisque le comportement anticoncurrentiel avait pour objectif de les tenir éloignés du marché. Partant, la décision a mis en œuvre le point 37 des lignes directrices sur les amendes (16) et s’est basée sur le transfert de valeur reçu par les cocontractants génériques. Le montant du transfert de valeur effectué par le laboratoire de princeps au fabricant de génériques comprend divers aspects que les parties peuvent avoir pris en compte dans la conclusion de l’accord, en particulier, la force de l’entrée potentielle. L’amende calculée pour Niche/Unichem excède la limite de 10 % du chiffre d’affaires et le montant final de l’amende a donc été réduit. Pour toutes les autres entreprises, l’amende reste inférieure à la limite de 10 % du chiffre d’affaires. |
(34) |
Les amendes exactes infligées pour les infractions des articles 101 et 102 du traité étaient les suivantes:
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(35) |
La Commission a enjoint aux entreprises concernées de s’abstenir dorénavant de tout acte ou comportement ayant un objet ou un effet identique ou similaire. |
(2) Les sociétés appartenant au groupe Servier sont désignées par «Servier».
(3) Sauf en ce qui concerne: la Lettonie, où l’infraction a commencé le 1er juillet 2005; la Bulgarie et la Roumanie, où l’infraction a commencé le 1er janvier 2007; et Malte, où l’infraction a commencé le 1er mars 2007.
(4) Sauf en ce qui concerne: le Royaume-Uni, où l’infraction a pris fin le 6 juillet 2007; et les Pays-Bas, où l’infraction a pris fin le 12 décembre 2007.
(5) Voir la note de bas de page 3. L’infraction de Mylan Inc. a commencé le 8 janvier 2007 jusqu’à la date de fin de l’infraction.
(6) Voir la note de bas de page 4.
(7) Sauf en ce qui concerne: la Bulgarie et la Roumanie, où l’infraction a commencé le 1er janvier 2007; Malte, où l’infraction a commencé le 1er mars 2007; et l’Italie, où l’infraction a commencé le 13 février 2009.
(8) Voir la note de bas de page 4.
(9) Sauf en ce qui concerne: Malte, où l’infraction a commencé le 1er mars 2007; et l’Italie, où l’infraction a commencé le 13 février 2009.
(10) Sauf en ce qui concerne: le Royaume-Uni, où l’infraction a pris fin le 6 juillet 2007; les Pays-Bas, où l’infraction a pris fin le 12 décembre 2007; et la France, où l’infraction a pris fin le 16 septembre 2008.
(11) En ce qui concerne Lupin, la date de fin en France était le 16.9.2008, dernier jour avant qu’une entrée générique à petite échelle ne libère Lupin de son obligation de ne pas entrer.
(12) Niche a conclu un accord additionnel avec Biogaran, la filiale de génériques de Servier, pour une somme additionnelle de 2,5 millions GBP comme faisant partie de la «contrepartie globale de l’accord de règlement amiable».
(13) Suivi d’un achat de DPI par Servier pour 30 millions d’EUR le 5 janvier 2007.
(14) Il n’a été conclu que l’accord de règlement amiable en matière de brevet Teva restreignait la concurrence que pour le Royaume-Uni, et les accords de règlement amiable en matière de brevet Krka que pour le Royaume-Uni, la France et les Pays-Bas.
(15) Lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement (CE) no 1/2003 (JO C 210 du 1.9.2006, p. 2) («lignes directrices sur les amendes»).
(16) Le point 37 des lignes directrices sur les amendes dispose que «les particularités d’une affaire donnée ou la nécessité d’atteindre un niveau dissuasif dans une affaire particulière peuvent justifier que la Commission s’écarte de cette méthodologie [générale]».