52000DC0893

Rapport de la Commission concernant la mise en oeuvre de la directive 85/374 relative à la responsabilité du fait des produits défectueux /* COM/2000/0893 final */


RAPPORT DE LA COMMISSION concernant la mise en oeuvre de la directive 85/374 relative à la responsabilité du fait des produits défectueux

TABLE DES MATIÈRES

1 CONTEXTE

1.1 INTRODUCTION

1.2 LE LIVRE VERT

1.3 RÉACTIONS AU LIVRE VERT

2 EFFETS DE LA DIRECTIVE 85/374

2.1 RÉPERCUSSIONS SUR LE MARCHÉ INTÉRIEUR

2.1.1 APPLICATION DE LA DIRECTIVE

2.1.2 SITUATION DES ENTREPRISES EUROPÉENNES PAR RAPPORT À LEURS CONCURRENTS ÉTRANGERS

2.2 PROTECTION DE LA SANTÉ ET DE LA SÉCURITÉ DES CITOYENS

2.3 EFFETS SUR L'INDUSTRIE ET LE SECTEUR DE L'ASSURANCE

3 ÉTUDE DES POINTS ABORDÉS EN VUE DE MODIFIER ÉVENTUELLEMENT LA DIRECTIVE 85/374

3.1 MAINTIEN DE L'ÉQUILIBRE

3.2 PISTES POUR UNE ÉVENTUELLE FUTURE RÉFORME

3.2.1 CHARGE DE LA PREUVE

3.2.2 RISQUES DE DÉVELOPPEMENT

3.2.3 LIMITES FINANCIÈRES

3.2.4 DÉLAI DE PRESCRIPTION ET DE RESPONSABILITÉ

3.2.5 OBLIGATION D'ASSURANCE

3.2.6 TRANSPARENCE

3.2.7 RESPONSABILITÉ DU FOURNISSEUR

3.2.8 PRODUITS COUVERTS

3.2.9 DOMMAGES COUVERTS

3.2.10 ACCÈS À LA JUSTICE

3.2.11 DIVERS

4 CONCLUSIONS

4.1 MESURES DE SUIVI LIÉES DIRECTEMENT À LA RESPONSABILITÉ EN MATIÈRE DE PRODUITS

4.1.1 ACTIONS À COURT TERME

4.1.2 ACTIONS À MOYEN TERME

4.2 MESURES DE SUIVI DANS DES DOMAINES CONNEXES

4.2.1 MODIFICATIONS DE LA DIRECTIVE 92/59 ET MISE EN oeUVRE D'AUTRES DIRECTIVES CONCERNANT LA SÉCURITÉ DES PRODUITS

4.2.2 INITIATIVES CONCERNANT L'ACCÈS À LA JUSTICE

4.2.3 INITIATIVES CONCERNANT LA RESPONSABILITÉ ENVIRONNEMENTALE

1. CONTEXTE

Depuis 1985, la directive relative à la responsabilité du fait des produits défectueux [1] reconnaît le principe de responsabilité objective ou de responsabilité sans faute au sein de la Communauté. En vertu de cette directive, tout producteur d'un bien mobilier défectueux doit indemniser un particulier pour les dommages causés à son intégrité physique ou à sa propriété, qu'il y ait ou non négligence de sa part.

[1] Directive 85/374/CEE du Conseil du 25 juillet 1985, JO n° L 210 du 7/8/1985, p. 29.

1.1 Introduction

Le principe de responsabilité établi par la présente législation communautaire constitue un cadre cohérent qui tient compte des intérêts des diverses parties concernées, à savoir:

- d'une part, les particuliers qui prennent des risques pour leur santé, leur intégrité physique et leur bien-être matériel dans une société moderne marquée par un niveau de technicité élevé;

- d'autre part, les producteurs qui cherchent à éviter toute distorsion de la concurrence pouvant résulter de réglementations divergentes en matière de responsabilité et qui tentent de limiter les répercussions de ces différences sur l'innovation, la compétitivité et la création d'emplois.

Ce cadre de responsabilité permet de contribuer au bien-être des consommateurs (en garantissant l'indemnisation des victimes et en décourageant la commercialisation de produits défectueux) et de minimiser les coûts occasionnés aux entreprises en évitant que les diverses réglementations nationales aient de trop fortes répercussions sur leur capacité d'innovation, de création d'emplois et d'exportation.

La directive concernant la responsabilité du fait des produits défectueux établit essentiellement:

- la responsabilité sans faute du producteur;

- la charge de la preuve du dommage, du défaut et du lien de causalité entre les deux pesant sur la victime;

- la responsabilité solidaire de tous les opérateurs de la chaîne de production, afin de garantir l'indemnisation financière du dommage;

- l'exonération du producteur lorsqu'il prouve l'existence de certains faits explicitement prévus dans la directive ;

- la responsabilité limitée dans le temps, en vertu de délais uniformes;

- l'illégalité des clauses limitant ou excluant la responsabilité du producteur vis-à-vis des victimes.

Compte tenu des différentes traditions juridiques, la directive permet aux États membres de déroger aux dispositions communes sur les trois points suivants ("options"):

- la prise en compte des produits agricoles non transformés dans le champ d'application de la directive;

- la non exonération de responsabilité du producteur, même s'il prouve que l'état des connaissances scientifiques et techniques ne permettait pas de découvrir l'existence d'un défaut à la date de mise en circulation du produit;

- la définition d'un plafond financier d'au moins 70 millions d'euros pour les dommages causés par des articles identiques présentant le même défaut et ayant entraîné la mort ou des lésions corporelles.

La directive reconnaît que l'harmonisation ne peut pas être totale à ce stade. C'est pourquoi elle prévoit que la Commission adresse tous les cinq ans aux institutions communautaires un rapport concernant l'application de la directive et, le cas échéant, des propositions appropriées (article 21). Conformément à l'article 15, paragraphe 3, et à l'article 16, paragraphe 2, de la directive , la Commission soumet au Conseil un rapport sur les risques de développement et la limite financière dix ans après la date de notification de la directive. Tous les cinq ans, elle procède à l'examen des montants visés par la directive (article 18, paragraphe 2).

Le premier rapport [2] a été présenté en 1995. Il en ressort que la directive est généralement perçue comme une législation importante. Elle a permis de sensibiliser davantage au problème de la sécurité des produits. La Commission a conclu que l'expérience acquise était encore limitée et ne se développerait que lentement. En 1995, les États membres ne disposaient que d'une jurisprudence très restreinte dans ce domaine. Se basant sur les informations disponibles à cette date, la Commission a jugé qu'il n'était pas opportun de proposer des modifications. Toutefois, certains aspects de la directive concernant la protection des consommateurs et le fonctionnement du marché intérieur exigeaient une attention continue. Tel était notamment le cas des produits agricoles non transformés, qui n'étaient pas pris en compte dans la majorité des États membres.

[2] Le premier rapport sur l'application de la directive (COM(95)617) a été présenté par la Commission le 13 décembre 1995; il est basé sur une étude d'impact réalisée en 1994 qui est publiée sur Internet: www.europa.eu.int/comm/internal_market/en/goods/liability/index.htm.

À la suite de la crise de la "vache folle", la Commission a proposé d'étendre le principe de responsabilité - sans faute - pour les produits défectueux, tel qu'il est prévu par la directive 85/374, aux matières premières agricoles et aux produits de la chasse. La directive 99/34 [3] oblige désormais les États membres à étendre le champ d'application du principe de responsabilité stricte aux matières premières agricoles non transformées.

[3] JO n° L 141 du 4.6.1999, p. 20.

1.2 Le Livre vert

Au court de la première lecture de la directive 99/34, le Parlement européen a demandé une révision substantielle du système de responsabilité existant en matière de produits. Même si la Commission ne partageait pas cet avis, elle s'est engagée à lancer un vaste débat avec l'ensemble des parties intéressées sous la forme d'un Livre vert qui devait préparer le terrain à un second rapport sur l'application de la directive 85/374.

Le Livre vert sur la responsabilité civile du fait des produits défectueux a été adopté en juillet 1999 [4]. Il visait à collecter des informations auprès de l'ensemble des parties intéressées (en particulier les opérateurs économiques, les consommateurs, les compagnies d'assurances et les administrations publiques) en ce qui concerne les deux points suivants:

[4] COM(1999) 396 final du 28.7.1999.

- le fonctionnement pratique de la directive de 1985 sur la responsabilité en matière de produits et

- les modifications qu'il convient d'y apporter.

Ce document entendait promouvoir la réflexion et le débat. Le Livre vert appelait toutes les parties prenantes à adopter une approche réfléchie à l'égard de toute demande de révision. Le présent chapitre traite un grand nombre de questions, parmi lesquelles figurent les points soulevés par le Parlement européen lors de la discussion de la directive 93/34 (tels que la charge de la preuve, les risques de développement, les dommages psychiques, les seuils, les plafonds financiers et le délai de prescription). D'autres points sont également traités, comme la question de la transparence, la responsabilité du fournisseur et l'accès à la justice. Les "options de révision" mentionnées au chapitre 3 du Livre vert doivent servir de repères dans un débat ouvert sans porter préjudice aux futures initiatives de la Commission.

La Commission a invité les parties prenantes à fournir des réponses basées sur des faits et non sur de simples positions de principe.

1.3 Réactions au Livre vert

La Commission a reçu une centaine de réponses au Livre vert qui émanent de quatre groupes différents:

- les organisations nationales et européennes de consommateurs;

- les associations professionnelles nationales ainsi que les syndicats nationaux et européens regroupant les secteurs concernés (en particulier les entreprises pharmaceutiques, l'industrie automobile, l'assurance, les produits chimiques, les produits agricoles et les équipements électriques);

- les administrations publiques des États membres (Autriche, Danemark, Allemagne, Finlande, France, Pays-Bas, Grèce, Portugal, Espagne, Royaume-Uni) et celles d'autres pays européens (Islande, Norvège, Slovénie, Suisse);

- les organismes spécialisés dans la responsabilité en matière de produits (par exemple la "Pan-European Organisation of Personal Injury Lawyers", le "US Defense Research Institute" et le "Special Committee on European Product Liability Law").

Comme il est précisé dans le Livre vert, ces observations ont été rendues publiques, à moins d'avoir fait explicitement l'objet d'une demande de confidentialité, et peuvent être consultées à l'adresse Internet suivante: http://europa.eu.int/comm/internal_market/en/goods/liability/replies.htm. Un consultant a établi une version résumée pour deux tiers des réponses qui est également disponible à cette adresse.

Le 1er mars 2000, le Comité économique et social a adopté un avis sur le Livre vert [5]. Le Parlement européen a voté une résolution concernant le Livre vert lors de sa session du 30 mars 2000.

[5] JO n° C 117 du 26.4.2000, p. 1.

Le présent rapport sur la mise en oeuvre de la directive tient compte des informations et des observations reçues en réponse au Livre vert ainsi que de toute autre donnée pertinente disponible. D'une manière générale, il suit la structure du Livre vert: le chapitre 2 regroupe essentiellement des informations factuelles sur la mise en oeuvre de la directive 85/374, alors que le chapitre 3 évalue les informations et les arguments avancés par les parties prenantes dans le cadre de la discussion (ces points font l'objet d'une évaluation qui est indiquée en gris); enfin, le chapitre 4 tire les conclusions des deux chapitres précédents.

2. EFFETS de la DIRECTIVE 85/374

Dans son chapitre 2, le Livre vert propose d'étudier de quelle façon la directive répond aux objectifs fixés en ce qui concerne le marché intérieur, la protection de la santé et de la sécurité des citoyens ainsi que les répercussions sur l'industrie et sur le secteur de l'assurance.

2.1 Répercussions sur le marché intérieur

La directive sur la responsabilité des producteurs constitue un élément important du cadre législatif dans lequel s'inscrit le commerce intra- et extra- communautaire. La Commission a demandé aux parties concernées de commenter les répercussions de la directive à la lumière de l'expérience qu'elles ont acquises depuis 1985 tant en ce qui concerne les échanges communautaires que la position des entreprises européennes par rapport à leurs concurrents des pays tiers.

2.1.1. Application de la directive

De nombreux répondants indiquent que la directive est appliquée correctement, ce qui semble être dû au fait qu'elle a créé un cadre juridique équilibré et stable tenant compte des préoccupations des consommateurs et des producteurs. Il convient toutefois de noter que les informations relatives à la mise en oeuvre de la directive ne sont pas nombreuses et que les statistiques existant dans ce domaine sont incomplètes.

Dans la plupart des États membres, les dispositions nationales mettant en oeuvre la directive sont généralement appliquées en parallèle avec d'autres réglementations sur la responsabilité. En Autriche, la quasi-totalité des affaires de responsabilité en matière de produits sont réglées uniquement sur la base du système prévu par la directive. Lorsque les plaignants ont recours à d'autres systèmes de responsabilité (contractuels ou préjudiciels), c'est essentiellement parce que ceux-ci prévoient des indemnisations d'un montant plus élevé (ils couvrent notamment les dommages inférieurs à 500 euros, les dommages non matériels, les dommages causés au produit défectueux lui-même et aux biens à usage professionnel; en outre les délais de prescription sont plus longs). En Allemagne, la jurisprudence interprète constamment les dispositions applicables du droit préjudiciel de telle façon que celles-ci se rapprochent d'un système de responsabilité sans faute. L'application parallèle des deux systèmes s'explique également par le fait que la législation "traditionnelle" est plus connue du fait de l'existence d'une jurisprudence établie.

Cette coexistence de différentes dispositions, qui est autorisée par l'article 13 de la directive, est perçue de différentes façons. La diversité des règles n'a pas découragé la commercialisation de produits dans la Communauté, pas plus qu'elle n'a eu d'effet sur les compagnies d'assurances; elle a permis d'améliorer la protection des consommateurs, ce qui pourrait en revanche restreindre l'application des dispositions prévues par la directive.

Pour toutes ces raisons, la plupart des observations sont défavorables à l'institution de la directive en tant que seul et unique système de responsabilité en matière de produits défectueux et préconisent par conséquent le maintien de la situation actuelle telle qu'elle est définie à l'article 13 [6].

[6] L'interprétation de l'article 13 fait l'objet d'une procédure préjudicielle qui est en attente d'un jugement de la Cour de justice (Affaire C-183/00, González Sánchez).

Le Livre vert demande également si les États membres devraient avoir la possibilité d'adopter des dispositions plus strictes que celles de la directive (introduction d'une clause "minimale"). Certains répondants estiment qu'une telle clause devrait être élaborée, car toutes les autres directives établies dans le domaine de la protection des consommateurs suivent ce modèle. D'autres réponses sont en désaccord avec cette proposition: une telle disposition ferait baisser le niveau d'harmonisation résultant de la directive dans sa forme actuelle et sont susceptibles de créer des obstacles à la libre-circulation des produits.

2.1.2 Situation des entreprises européennes par rapport à leurs concurrents étrangers

Il semble que la directive n'a pas affaibli la position des entreprises européennes sur le plan mondial. Les entreprises étrangères vendant leurs produits sur le marché européen doivent elles aussi respecter les dispositions communautaires. Dans leur évaluation des pays tiers, les entreprises européennes font remarquer qu'elles ne rencontrent pas de difficulté dans les pays dont la législation suit les principes de la directive (par exemple l'Australie, le Japon, la Suisse, la Norvège, etc.).

La situation aux États-Unis constitue un cas particulier qui a des répercussions sensibles sur les entreprises européennes. Les réponses confirment le jugement que le Livre vert porte sur les lois américaines relatives à la responsabilité en matière de produits: les procès devant jury, le principe du "no win, no fee" (en vertu duquel les plaignants qui n'ont pas eu gain de cause ne versent pas d'honoraires à leur avocat), l'octroi de dommages et intérêts d'un montant très élevé et la possibilité d'engager des recours collectifs sont des éléments qui encouragent les victimes à saisir la justice et qui créent, de l'avis des répondants, un climat d'incertitude quant à l'issue de la procédure pour les producteurs. En raison de ces différences, les entreprises européennes, et en particulier les petites et moyennes entreprises, disent hésiter dans une certaine mesure à exporter leurs produits vers les États-Unis. Elles sont en outre tenues d'acquitter des primes d'assurance plus élevées et sont confrontées à un nombre beaucoup plus important de litiges. D'après les chiffres fournis par l'industrie belge, l'exportation de produits européens vers les États-Unis est deux fois plus chère que l'exportation vers d'autres pays dans le cas des produits textiles et sidérurgiques, cinq fois plus chère dans le cas des produits alimentaires et dix fois plus chère pour les produits pharmaceutiques en raison de la législation américaine. Ces données n'ont pas été étudiées ou vérifiées par la Commission.

2.2. Protection de la santé et de la sécurité des citoyens

La directive contribue à améliorer le niveau de protection contre les produits défectueux pour deux raisons: premièrement, elle encourage les producteurs à faire de leur mieux pour fabriquer des produits sûrs en complétant les mesures réglementaires concernant un groupe de produits donnés ou celles qui suivent la directive 92/59 relative à la sécurité générale des produits et, deuxièmement, elle permet aux victimes d'obtenir réparation des producteurs lorsque ces mesures préventives ont échoué et que des accidents se sont produits.

Dans ce cadre, la première question traitée par le Livre vert concerne l'indemnisation des victimes. Il apparaît que les affaires de responsabilité en matière de produits sont généralement réglées par des systèmes traditionnels, et à un degré bien moindre par les lois transposant la directive. En Finlande, le comité recueillant les plaintes des consommateurs a enregistré 71 réclamations entre le 1er janvier 1993 et le 22 novembre 1999; 46 d'entre elles ont été traitées sur la base de la loi relative à la responsabilité en matière de produits et 25 en vertu de la loi finlandaise concernant la protection des consommateurs. Au Portugal, 200 plaintes ont été déposées depuis la date de mise en oeuvre de la directive; leur fondement juridique n'est pas indiqué. Au Royaume-Uni, le nombre de ces affaires est faible.

Peu de litiges ont été portés devant les tribunaux sur la base de la directive: un cas a été observé récemment en Irlande, deux en Italie, trois au Royaume-Uni, trois ou quatre en Belgique, en Suède, et en Finlande; 20 à 25 décisions ont été prises en Autriche, une trentaine en Allemagne, 19 jugements ont été rendus au Portugal, aucune décision n'a été prise pour l'instant en France, en Grèce ou au Luxembourg.

Le nombre d'affaires concernant la responsabilité en matière de produits semble relativement faible. Dans la grande majorité des cas (90 %, selon les assureurs allemands et néerlandais), ces réclamations font l'objet d'un règlement extrajudiciaire, en particulier lorsque les faits (c'est-à-dire le défaut, les dommages et le lien de causalité) sont clairs. Les entreprises reconnaissent les avantages que représente le règlement de réclamations avérées et valables, puisqu'il permet d'éviter les litiges longs et coûteux. Dans ces cas, la responsabilité ne fait pas de doute et il ne reste qu'à discuter de l'indemnisation. Si certains considèrent le règlement extrajudiciaire comme un mécanisme qui fonctionne correctement, les organisations des consommateurs le critiquent parce que les détails du règlement restent souvent confidentiels et que les producteurs ainsi que les assureurs sont dans une position qui les avantagent injustement.

Compte tenu du grand nombre de règlements extrajudiciaires, la plupart des victimes sont apparemment indemnisées de façon rapide et efficace. En ce qui concerne les affaires portées devant les tribunaux nationaux, la question de la résolution rapide du problème relève davantage de la diligence et de l'efficacité des systèmes nationaux de droit civil et n'est pas tant liée à la pertinence des lois concernées. Le droit procédural espagnol, par exemple, est considéré comme très formel et strict en ce qui concerne la soumission de preuves.

Le Livre vert pose en outre la question des répercussions de la directive sur les intérêts de la victime. Le nombre de plaintes concernant des produits défectueux ne semble pas avoir augmenté. Le niveau de sécurité des produits aurait considérablement augmenté depuis l'adoption de la directive en 1985. Cette situation résulte du niveau de sécurité élevé qu'assure un cadre réglementaire strict, notamment dans des secteurs tels que les industries pharmaceutique, chimique, mécanique et d'équipement électrique, alors que d'autres branches sont couvertes par la directive 92/59 sur la sécurité générale des produits. Les entreprises déclarent tenir compte des critères de sécurité dans la conception, la production, l'étiquetage et la traçabilité et avoir abondamment recours à de bonnes pratiques. Les réponses obtenues confirment que la directive a un effet dissuasif sur les producteurs et les fournisseurs et qu'elle les incite fortement, au même titre que les réglementations de sécurité susmentionnées, à améliorer la sécurité.

Les entreprises estiment qu'il ressort de la directive un bon équilibre entre la protection des victimes et la défense des intérêts des producteurs. Les organisations des consommateurs ne sont pas d'accord sur ce point et exigent plusieurs modifications. Plusieurs États membres (Allemagne, Pays-Bas, Autriche et Royaume-Uni) déclarent dans leurs commentaires qu'aucune information concrète ne justifie actuellement une quelconque modification de la directive en faveur des consommateurs. D'autres États membres (France, Finlande, Danemark, Grèce et Portugal) signalent des domaines dans lesquels des modifications pourraient être réalisées; dans certains cas, toutefois, aucune justification n'est fournie [7].

[7] Les insuffisances spécifiques du système actuel qui sont mises en évidence dans les réponses sont étudiées au chapitre 3 du présent rapport.

Ces observations font apparaître que la relation entre les systèmes nationaux de sécurité sociale et l'indemnisation prévue par la directive varie suivant les États membres. D'une manière générale, toute personne blessée par un produit défectueux bénéficie d'une indemnité octroyée en vertu des systèmes de sécurité sociale, indépendamment de l'existence d'une personne juridiquement responsable, en contrepartie des cotisations versées au système d'assurance concerné. L'indemnisation de la victime en vertu de la directive se fait en sus de ce paiement. Le niveau et la qualité des systèmes de sécurité sociale sont généralement élevés en Europe, mais varient d'un État membre à l'autre. Il n'est pas clair s'il appartient aux victimes de lancer la procédure d'indemnisation dans les cas où une grande partie des dommages subis sont couverts par ces systèmes de sécurité sociale.

Dans certains États membres, tels que les Pays-Bas [8] et les pays scandinaves [9], les systèmes de sécurité sociale ne prévoient pas la possibilité d'engager une procédure à l'encontre du producteur d'un produit défectueux. Dans d'autres pays (par exemple en Autriche, au Royaume-Uni [10] et en Italie), les systèmes de sécurité sociale prévoient cette possibilité, mais il n'a pas encore été fait usage de celle-ci sur la base des droits que la directive confère à la victime. Aucun chiffre n'existe en ce qui concerne le nombre d'affaires traitées dans les États membres où les organismes de sécurité sociale ont engagé des recours contre les producteurs [11].

[8] Article 197 du livre 6 du Code civil.

[9] La mise en place d'un mécanisme d'indemnisation est actuellement discutée en Suède.

[10] Loi de 1997 sur la sécurité sociale (recouvrement des prestations).

[11] Il y a eu un cas de ce genre en France, aucun au Portugal et quelques-uns en Allemagne.

Le Livre vert a également demandé aux répondants d'indiquer les cas où le régime de responsabilité du producteur, tel qu'il est prévu par la directive 85/374/CEE, a été insuffisant pour remplir son rôle compensatoire, de sorte qu'il a fallu en appeler à la solidarité de la société dans son ensemble pour indemniser les victimes. Les quelques réponses obtenues sur ce point confirment les informations figurant dans le Livre vert (transfusions sanguines en France, affaire de l'huile de colza en Espagne, produits sanguins au Danemark). En Allemagne, des hémophiles ont été infectés avec le virus VIH par des produits sanguins contaminés durant la période 1980-1993 et un fonds d'indemnisation a été créé [12]. Plusieurs États membres (Allemagne, France, Danemark, Royaume-Uni, Suède, Italie, Finlande et Autriche) ont voté des lois prévoyant que les systèmes gérés par l'administration indemnisent les personnes tombées malades à la suite de vaccinations. Ces systèmes sont financés par le grand public, sauf au Danemark, en Suède, et en Finlande où ce sont les producteurs qui cotisent à un fonds d'assurance.

[12] BGBl. I 1995, p. 972.

2.3. Effets sur l'industrie et le secteur de l'assurance

Le Livre vert demande aux entreprises industrielles si elles ont connaissance de cas de produits défectueux dans lesquels la directive a été effectivement appliquée; les répondants ont en outre été invités à préciser dans quelle mesure ces cas avaient affecté leurs activités. Les entreprises concernées ont signalé très peu d'affaires de ce genre, qui sont normalement couvertes par leur police d'assurance. Les activités ont parfois été touchées en ce sens que les entreprises ont dû s'assurer contre des risques plus importants.

Les entreprises du secteur pharmaceutique indiquent que la mise en place (depuis 1965) d'un système réglementaire global s'est traduite par un accroissement des coûts. Toutefois, aucun chiffre n'a été fourni en ce qui concerne les effets de la directive.

Aucun travail de recherche et aucune étude n'ont été réalisés en ce qui concerne les répercussions potentielles de la directive sur les activités des entreprises.

Une autre série de questions a été adressée spécifiquement aux compagnies d'assurance. Celles-ci ont été invitées à fournir des données sur le nombre de déclarations de sinistres qu'elles ont traités à la suite d'accidents survenus après 1990, à indiquer si la couverture de l'assurance était liée spécifiquement à la responsabilité du producteur telle qu'elle découle de la directive, à préciser si les demandes pour ce type de garanties ont augmenté depuis la mise en oeuvre de la directive et à évaluer l'impact de celle-ci. Le nombre des contrats d'assurance semble avoir augmenté de près de 100 % en Autriche depuis que la loi transposant la directive a été passée. En Allemagne toutefois, le nombre des demandes d'assurances concernant la responsabilité en matière de produits n'a pas affiché d'augmentation sensible. Cette situation s'explique par le fait que la majorité des entreprises disposait déjà d'une couverture adéquate avant que la directive ne soit élaborée, étant donné que la jurisprudence des tribunaux allemands avait établi des normes de responsabilité plus strictes pour les producteurs. Il en allait de même dans la plupart des autres États membres.

Les coûts occasionnés par la directive en matière de coûts sont difficiles à évaluer, car de nombreux autres facteurs influencent le niveau d'indemnisation, le montant de la couverture souhaitée et celui des primes versées. À l'échelon européen, il n'y a aucune statistique ventilée par type de responsabilité (négligence ou responsabilité liée à une faute) ou par type de défectuosité. Cette situation est due au fait que les statistiques de responsabilité en matière de produits ne sont collectées ni à ce niveau ni de façon aussi détaillée par les différents assureurs. Elles sont en fait élaborées à l'échelon national par quelques-uns des plus petits marchés. Ces données font apparaître qu'environ 60 à 70 % des plaintes ayant fait l'objet d'un règlement sont liées à des défauts de fabrication et que 1 à 11 % portent sur des défauts de conception.

3. ÉTUDE DES POINTS ABORDÉS EN VUE DE MODIFIER ÉVENTUELLEMENT LA DIRECTIVE 85/374

3.1 Maintien de l'équilibre

Comme les récents débats politiques et les contributions au Livre vert l'ont montré, la politique de la responsabilité du producteur suscite des positions opposées de la part des producteurs et des consommateurs. La victime souhaite la protection la plus large au moindre coût. Le producteur, de son côté, demande notamment des plafonds et des délais de responsabilité aussi courts que possibles.

La directive 85/374 constitue un compromis conciliateur des intérêts en jeu. La volonté politique des États membres, concrétisée dans le dispositif de la directive, d'avoir un cadre de responsabilité équilibré régissant les rapports entre les entreprises et les consommateurs ne doit pas être sous-estimée. Dans le Livre vert, la Commission a fait comprendre qu'elle tenait à conserver cette approche de conciliation. Par conséquent, toute proposition de révision de la directive doit tenir compte de l'équilibre qui résulte des principes suivants:

( la responsabilité civile du producteur est

(1) objective (pas besoin de prouver la faute),

(2) relative (le producteur s'exonère de cette responsabilité lorsqu'il prouve l'existence de certains faits, qui peuvent faire l'objet d'un réexamen - voir par exemple les "risques de développement" ci-dessous),

(3) limitée dans le temps (le producteur n'est pas responsable indéfiniment, même si les modalités pratiques de ce principe méritent un réexamen, notamment la période de cessation de responsabilité) et

(4) une responsabilité à laquelle on ne peut pas déroger par la volonté des parties;

( les droits et les devoirs de la victime sont les suivants:

(5) il incombe à la victime de prouver qu'elle a subi un dommage, que le produit était défectueux et qu'il y avait un lien de causalité entre le défaut du produit et les dommages subis (les modalités de preuve font l'objet d'un réexamen - voir la "charge de la preuve" ci-dessous) et

(6) la responsabilité est solidaire (permettant à la victime de s'adresser à tout responsable sans préjudice de ses droits de recours).

Le Livre vert demande si les six principes susmentionnés doivent être préservés afin de ne pas bouleverser l'équilibre interne de la directive. Certains répondants conviennent que ces principes permettent d'aboutir à un bon équilibre entre les différents intérêts en jeu et devraient être maintenus, alors que d'autres sont favorables à des modifications.

3.2 Pistes pour une éventuelle future réforme

Les récents débats politiques, les parties prenantes et les experts ont mis en évidence plusieurs aspects de la directive qui méritent une analyse particulière en vue d'une éventuelle réforme. Le Livre vert présente les traits pertinents de chaque aspect et indique, lorsque c'est possible, des "options" qui doivent être envisagées en tant que lignes directrices d'un débat ouvert, sans préjudice de toute initiative future de la Commission.

3.2.1 Charge de la preuve

Aux termes de la directive, la victime est tenue de prouver les dommages, la défectuosité du produit et le lien de causalité entre le défaut et les dommages subis. En pratique, il peut d'avérer difficile de prouver qu'un produit était défectueux et/ou qu'un lien de causalité existait, et ce en raison de la complexité technique du produit concerné, du niveau élevé des frais d'expertise ou de la disparition du produit concerné (lorsqu'il s'agit par exemple de produits alimentaires ou pharmaceutiques).

Sans préjudice du principe général selon lequel la victime a la charge de la preuve, la question est posée dans le Livre vert s'il convient de faciliter l'application de ce principe. À cet égard, "quatre options" sont indiquées:

- prévoir une présomption du lien de causalité lorsque la victime prouve le dommage et le défaut, ou du défaut lorsque la victime prouve l'existence d'un dommage résultant du produit;

- établir le degré ou le niveau de preuve nécessaire des trois éléments requis ;

- imposer au producteur l'obligation de fournir toute documentation et information utile pour que la victime puisse bénéficier d'éléments concrets afin de prouver son cas;

- imposer au producteur, sous certaines conditions, la charge des frais d'expertise.

Les réponses divergent sur ces points. Un groupe de répondants estime que le système actuel est adéquat, car aucun problème n'a été signalé. Si les producteurs devaient prouver que leurs produits sont sûrs, on risquerait de voir un grand nombre de consommateurs intenter des actions en justice sans raison valable. Ce groupe rejette l'idée d'une présomption de responsabilité. Comme chaque cas de responsabilité en matière de produits doit être jugé individuellement, le principe de présomption n'est pas un instrument approprié.

Un autre groupe de répondants considère que le recours à des présomptions constitue un moyen juridique utile pour obliger la personne disposant des informations et des données les plus pertinentes à prouver à la Cour que le produit incriminé n'est pas défectueux. Une telle argumentation pourrait également être appliquée en ce qui concerne le lien causal. De l'avis de ce groupe de répondants, il n'est pas juste d'obliger la victime à encourir des frais pour apporter une preuve, alors qu'il est évident que le produit défectueux était l'unique cause possible des dommages.

Dans ce domaine, la situation des États membres diffère à certains égards. Il apparaît toutefois que les tribunaux nationaux ont déjà mis au point des outils qui facilitent la charge de la preuve.

- En Suède, il appartient au juge d'établir la relation de causalité, en particulier dans les affaires techniques complexes. Dans certains cas, la charge de la preuve a été réduite par les tribunaux ("probabilité").

- En Finlande, le juge peut tenir compte de la difficulté de prouver la défectuosité d'un produit ou la relation de causalité en vertu du principe de libre-évaluation des pièces.

- En Allemagne, conformément à la loi sur les procédures de droit civil, le tribunal est libre d'évaluer et de juger les pièces qui lui sont soumises. Dans plusieurs affaires où les dommages ont été causés dans le cours normal des choses, le lien de causalité a été établi sur la base de preuves prima facie .

- Lorsque le produit incriminé n'existe plus (par exemple, une bouteille ayant explosé) et qu'il a été difficile de déterminer l'origine de la défectuosité, les juges espagnols basent leur décision sur des présomptions.

- Les tribunaux néerlandais ont le droit d'inverser la charge de la preuve dans des circonstances exceptionnelles, par exemple en cas de défectuosité d'un produit.

- Au Danemark, les exigences en matière de preuves varient d'un cas à l'autre et relèvent du juge. Plusieurs jugements ont été rendus dans des affaires où les consommateurs n'avaient pas pu fournir de preuve, de sorte que le tribunal a dû demander au producteur de lui soumettre des pièces à décharge.

- En France et en Belgique, la défectuosité d'un produit peut être prouvée de diverses façons, par le biais de pièces à conviction ou sur la base de probabilités; en outre, le juge peut conclure à l'existence d'un lien de causalité ("équivalence de conditions").

- Au Royaume-Uni, des tests de probabilité sont utilisés pour résoudre les questions de dommages, de défectuosité et de causalité (pour qu'un élément soit établi, la probabilité doit être d'au moins 51 %).

Les pays européens ne disposent que d'une expérience limitée en ce qui concerne l'allégement de la charge financière que les frais d'expertises font peser sur les victimes. En vertu du règlement de procédure civile 1999 du Royaume-Uni, les tribunaux sont tenus de s'assurer que les parties sont - autant que possible - sur un pied d'égalité; ils peuvent également donner des instructions en ce qui concerne le paiement des frais d'expertise demandés conjointement. Aux termes du droit allemand, le producteur est obligé de s'acquitter des frais lorsque les dommages subis font l'objet d'un règlement extrajudiciaire ou s'il lui est ordonné de verser des indemnités. En cas de difficultés financières, la victime peut solliciter une aide. D'après le décret de transposition italien, le juge peut ordonner au producteur d'avancer les frais d'expertise s'il apparaît que les dommages ont probablement été causés par un produit défectueux.

Enfin, les réglementations nationales en matière de divulgation varient sensiblement d'un État membre à l'autre. Dans les pays où ces dispositions limitent considérablement la divulgation de documents ou d'informations préalablement à un litige ou pendant l'instruction de celui-ci, il pourrait en résulter un déni d'accès à la justice. Le règlement de procédure civile 1999 du Royaume-Uni est un exemple d'approche équilibrée en matière de divulgation d'informations, tant par le plaignant que par le défendeur, au premier stade du contentieux. Le droit allemand prévoit d'autres dispositions en matière de responsabilité qui obligent le producteur à fournir des documents et des informations si certaines conditions sont remplies. Ces dispositions s'appliquent lorsque la causalité du dommage paraît suffisamment établie et que des éléments factuels relevant du producteur doivent être réunis pour que la victime puisse apporter la preuve requise. Dans les cas où le producteur ne fournit pas ces informations, la charge de la preuve peut être inversée [13].

[13] Article 35 de la loi sur la bio-technologie (Gesetz zur Regelung von Fragen der Gentechnik), BGBl I 1999, 1080: Liegen Tatsachen vor, die die Annnahme begründen, daß ein Personen- oder Sachschaden auf gentechnische Arbeiten eines Betreibers beruht, so ist dieser verpflichtet, auf Verlangen des Geschädigten über Art und den Ablauf der in der gentechnischen Anlage durchgeführten oder einer Freisetzung zugrundeliegenden gentechnischen Arbeit Auskunft zu erteilen, soweit dies zur Feststellung, ob ein Anspruch nach 32 besteht, erforderlich ist. Die 259 bis 261 BGB sind entsprechend anzuwenden.

D'une manière générale, les administrations nationales n'ont pas rencontré de problèmes pratiques liés aux dispositions concernant la charge de la preuve. Cette conclusion s'applique également au cas des produits alimentaires et pharmaceutiques, qui est tenu pour spécifique [14]. En Allemagne, on discute actuellement des moyens de surmonter certaines difficultés concernant les produits pharmaceutiques. Ainsi, il est envisagé d'accorder à l'utilisateur le droit d'être informé de certains faits (notamment les effets secondaires des produits pharmaceutiques), qui seraient mentionnés sur le produit ou sur l'emballage, étant donné que la connaissance de telles informations est indispensable pour intenter une action en justice.

[14] En Allemagne, la quasi-totalité des affaires concernant les produits pharmaceutiques ont été résolues sur la base de la règle prima facie.

Le Livre vert traite ensuite d'un problème particulier, qui consiste à déterminer l'identité du producteur lorsqu'un même produit est fabriqué par plusieurs producteurs, et demande s'il est possible d'appliquer le principe de "market share liability" à ce type de cas en Europe.

Le concept de "market share liability" est rejeté par la quasi-totalité des répondants. La responsabilité en matière de produits est individuelle et incombe à la personne qui est à l'origine des dommages subis. Le concept susmentionné rendrait des personnes responsables même si elles ne sont pas parties prenantes et s'écarterait par conséquent du principe fondamental de responsabilité. Il serait alors extrêmement difficile d'assurer les risques, car les souscripteurs ne seraient pas en mesure d'évaluer ou de quantifier leur niveau de responsabilité avant qu'une affaire ne soit réglée. Dans son article 3, paragraphe 3, la directive dispose que le fournisseur est responsable lorsque l'identité du producteur ne peut pas être déterminée, ce qui garantit le droit de la victime d'engager une action contre un défendeur.

En outre, l'article 3 de la directive donne une définition large du producteur, ce qui peut déboucher sur la responsabilité solidaire des producteurs (article 5). La Cour suprême des Pays-Bas a établi la règle suivante dans le cas DES [15]: s'il est établi que les dommages subis par la victime sont le résultat d'un produit particulier, tout producteur ayant commercialisé ce produit pendant la période au cours de laquelle la victime a subi ces dommages peut être tenu pour responsable à hauteur du montant total desdits dommages.

[15] Voir Livre vert, p. 21, note de bas de page 42.

Il semble qu'il n'y ait pas de cas similaires et qu'il ne soit pas nécessaire de mettre en application ce concept. Aux États-Unis, d'où ce principe est issu, il est appliqué de façon limitée et des tribunaux ont refusé de le mettre en oeuvre en raison de problèmes pratiques de définition.

3.2.2 Risques de développement

En vertu de la directive 85/374, les producteurs sont exonérés de leur responsabilité s'ils prouvent certains éléments, dont les "risques de développement". La Cour de justice des Communautés européennes a interprété la disposition correspondante de la directive de la façon suivante: le producteur d'un produit défectueux est exonéré de sa responsabilité s'il établit que l'état objectif des connaissances techniques et scientifiques, à son niveau le plus avancé, au moment de la mise en circulation du produit, ne permettait pas de déceler le défaut de celui-ci. Pour qu'elle puisse être valablement opposée aux producteurs, les connaissances pertinentes doivent être accessibles au moment de la mise en circulation du produit en cause [16].

[16] Commission contre Royaume-Uni, C-300/95, arrêt du 30.5.1997, REC. [1997], p. I-2649, point 29.

Le débat sur cette question étant controversé, le législateur communautaire n'a pas réglé ce point à titre définitif en 1985, mais y a apporté une solution provisoire: une dérogation a été prévue pour une période de dix ans et les États membres avaient la possibilité de l'abolir unilatéralement. Aux termes de l'article 15, paragraphe 3, de la directive, il a été convenu que la Commission évaluerait l'incidence pour la protection des consommateurs et le fonctionnement du marché commun de l'application faite par les tribunaux de l'article 7, point e, et de l'article 15, paragraphe 1, point b. À la lumière de cette évaluation, le Conseil devait décider si les producteurs seraient responsables des "risques de développement" à l'issue de la période de transition.

Aujourd'hui, certains États membres tiennent également le producteur pour responsable des risques de développement. Au Luxembourg et en Finlande, cette responsabilité s'applique à tous les types de produits. D'autres pays se sont limités à certains secteurs: les denrées alimentaires et les médicaments en Espagne, les produits dérivés du corps humain et ceux qui ont été commercialisés avant mai 1998 dans le cas de la France. En Allemagne, le principe de responsabilité des producteurs pour les risques de développement existe depuis 1978 pour les produits pharmaceutiques [17].

[17] La directive reconnaît l'existence de ce système de responsabilité spécifique et autorise sa coexistence avec la directive (voir article 13 et 13ème considérant).

Dans ce contexte, le Livre vert demande si et dans quelle mesure la responsabilité en matière de risques de développement présente des risques insurmontables pour les producteurs au niveau européen, en les décourageant d'innover (en particulier dans le secteur des produits pharmaceutiques), et si ce type de risque pourrait être couvert sur par une assurance.

Les réponses fournies par les entreprises comportent un certain nombre d'arguments favorables au maintien de la dérogation relative aux risques de développement. De l'avis des répondants, ce type de responsabilité entrave le progrès scientifique, le développement de produits nouveaux et l'innovation. Compte tenu des caractéristiques du secteur pharmaceutique, le lancement d'un produit biotechnologique innovateur pourrait être retardé ou empêché. Les répondants jugent en outre que le niveau du risque imprévisible des "médicaments orphelins", c'est-à-dire des médicaments visant à traiter des maladies rares, serait alors plus élevé que celui d'autres médicaments, car l'expérimentation clinique y est limitée à un petit nombre de patients. Si la responsabilité pour risques de développement est reconnue, les entreprises pharmaceutiques apporteront peut-être moins de soin à leur travail, car elles pourraient être tenues pour responsables même si elles se basent sur les connaissances scientifiques les plus avancées.

Les compagnies d'assurance soulignent qu'il ne sera pas aisé de déterminer le montant d'une prime d'assurance couvrant les risques de développement. Ces risques étant imprévisibles et inconnus, ils seront très difficiles à couvrir et pourraient être exclus du champ d'application de l'assurance.

D'autres réponses, notamment celle des organisations de consommateurs, insistent sur le fait que la responsabilité stricte est basée sur le principe reconnu selon lequel la personne retirant des bénéfices d'une activité dangereuse doit indemniser les inconvénients causés à d'autres personnes. Aussi le producteur devrait-il être tenu pour responsable même lorsque les dommages subis sont dus à un risque indétectable.

Certaines informations sont disponibles sur la situation des cinq États membres où le producteur est responsable pour tout ou partie des risques de développement.

Finlande: le gouvernement a jugé que les cas de risques de développement étaient très rares et rend les producteurs responsables dans ce type d'affaires, car rien ne justifie que les consommateurs supportent ce genre de risques. En pratique, le niveau des primes d'assurances a augmenté, mais les coûts supplémentaires sont négligeables. Lors d'une audition publique organisée par le ministère de la justice en novembre 1999, il a été noté qu'aucune affaire concernant les risques de développement n'avait été enregistrée.

Luxembourg: la jurisprudence existant avant l'adoption de la directive tenait également les producteurs pour responsables des risques de développement. Cette disposition a été maintenue. Aucun problème spécifique lié à ce système n'est connu.

Espagne: la reconnaissance de la responsabilité des producteurs pour les risques de développement liés aux produits alimentaires et pharmaceutiques s'explique par le fait que ces secteurs sont très sensibles pour le grand public et que les risques en question sont susceptibles d'apparaître dans ces domaines. Les répercussions financières sur les entreprises concernées (montant des primes d'assurance) ne sont pas connues.

France: dans le système traditionnel applicable aux problèmes de responsabilité, l'existence d'un défaut indétectable ne suffisait pas à dégager un producteur de sa responsabilité. En raison de considérations éthiques, la loi transposant la directive a prévu de rendre responsables les producteurs des risques de développement concernant les éléments et les produits du corps humain. Même s'il est reconnu que les compagnies d'assurance ont eu des difficultés avec cette disposition, aucune donnée spécifique n'est disponible.

Allemagne: un principe de responsabilité strict englobant les risques de développement et de production des produits pharmaceutiques existait déjà avant l'adoption de la directive. La loi sur les produits pharmaceutiques comporte des dispositions en ce sens, qui sont justifiées par les conséquences directes des médicaments sur le corps humain. La prise en compte de la responsabilité pour risques de développement est combinée à des plafonds financiers (500 000 DM dans un cas particulier et 200 millions de DM par produit pharmaceutique ou 12 millions de DM par an en cas d'annuités). Aucune donnée n'est disponible en ce qui concerne les répercussions pratiques et la jurisprudence est très limitée.

Très peu de données sont disponibles en ce qui concerne les répercussions pratiques qu'aurait la reconnaissance de la responsabilité pour risques de développement sur l'industrie et les compagnies d'assurance. Aucune recherche détaillée n'a été consacrée aux jugements des tribunaux nationaux concernant l'application de la clause d'exemption en matière de risques de développement. Les quelques cas connus donnent à penser qu'il n'est pas très facile, pour un producteur, de se dégager de sa responsabilité, en prouvant que les connaissances au moment de la commercialisation ne permettaient pas de détecter le défaut incriminé. Les dommages dus à des risques de développement semblent plus probables dans le secteur des produits pharmaceutiques, des substances chimiques, des organismes génétiquement modifiés et des denrées alimentaires.

Le Livre vert demande si les dommages causés par les risques de développement doivent être pris en charge par la société dans son ensemble (par la voie d'un fonds d'indemnisation alimenté par les budgets publics) et/ou par le secteur manufacturier concerné (au moyen d'un fonds auquel les entreprises concernées seraient appelées à participer).

Les avis divergent sur ce point. Certaines réponses sont favorables à la mise en place d'un fonds d'indemnisation dans les secteurs les plus sensibles. L'expérience montre que l'intervention de l'État est inévitable lorsque les dommages subis sont importants et que des fonds publics ont été créés pour aider les victimes (voir les cas nationaux au point 2.2 - VIH, etc.). Certains répondants se demandent si ce type d'intervention ne doit pas être l'exception. Ils en concluent qu'il convient d'envisager tout d'abord le recours à un fonds créé par les entreprises du secteur manufacturier concerné. Selon d'autres commentaires, la question des fonds d'indemnisation doit être laissée à l'appréciation des différents États membres.

Quelques pays disposent de fonds d'indemnisation créés par les entreprises. En Allemagne, les entreprises pharmaceutiques et les compagnies d'assurance sont convenues d'établir le "pharmapool" en raison de la limite de responsabilité de 200 millions de DM par produit. Les producteurs versent un certain pourcentage de leur chiffre d'affaires (calculé sur la base de trois catégories de risques) dans un fonds commun regroupant l'ensemble des assureurs et des entreprises pharmaceutiques allemandes. En échange, les compagnies d'assurance couvrent collectivement les risques encourus. Depuis sa création, ce fonds commun a versé 55 millions de DM pour indemniser les hémophiles contaminés par le VIH à la suite de transfusions sanguines. Le montant des primes a été revu à la baisse en 1981 en raison de l'absence de plaintes.

En Suède, un fonds facultatif a été créé en 1978 afin d'indemniser les victimes des maladies dues à des produits pharmaceutiques. Le fonds est financé par les producteurs qui lui versent un pourcentage du montant de leurs ventes et il est géré par les compagnies d'assurance. Ce système a été créé, car les entreprises pharmaceutiques n'étaient pas tenues de rembourser à la sécurité sociale suédoise le montant des paiements que celle-ci versait aux personnes malades.

Un système facultatif d'assurance pharmaceutique existe également en Finlande depuis 1990. Un plafond global de 100 millions de Mk par année a été fixé pour les affections épidémiques.

Le droit danois prévoit l'indemnisation des personnes ayant subi des dommages corporels du fait de produits pharmaceutiques indépendamment de toute preuve de faute ou de responsabilité, si les produits ont été délivrés après le 31 décembre 1995. Un fonds d'indemnisation est géré par l'association d'assurance des malades et il est financé à partir du remboursement public des médicaments achetés par les particuliers. Deux plaintes ont été déposées entre 1998 et 2000.

Les informations disponibles donnent à penser que lesdits fonds d'indemnisation interviennent très rarement et, lorsque c'est le cas, sur des dommages mineurs.

3.2.3 Limites financières

Sous cette rubrique, le Livre vert traite deux questions: tout d'abord, en vertu de l'article 9 de la directive, le producteur n'est pas tenu d'indemniser la victime pour les dommages causés à un bien d'une valeur inférieure à 500 écus. Ce seuil (franchise) a été défini en 1985 afin d'éviter un trop grand nombre de litiges [18]. Les parties prenantes ont été invitées à fournir toute information utile sur la proportion d'affaires concernant des dégâts matériels d'un montant inférieur à 500 euros.

[18] Voir 9e considérant de la directive.

Un groupe de répondants propose d'abolir la limite des 500 euros. Souvent, les consommateurs subissent des dommages matériels situés en dessous de ce seuil et ne sont donc pas indemnisés. Les réponses contiennent des données limitées: en Finlande, 71 affaires ont été soumises au comité chargé des plaintes des consommateurs entre le 1er janvier 1993 et le 22 novembre 1999, dont 13 concernaient des dommages matériels d'un montant inférieur à 500 euros.

Un autre groupe de répondants estime que le régime en vigueur doit être maintenu. Il considère que la limite actuelle est raisonnable et ne désavantage pas vraiment les consommateurs. Les frais de procédure judiciaire liés à ce type de réclamation sont disproportionnés. Dans la plupart des cas, les dommages sont couverts par l'assurance individuelle des consommateurs.

Les quelques données disponibles donnent à penser qu'une suppression de la franchise pourrait entraîner un accroissement du nombre d'actions engagées contre les producteurs, dont des petites et moyennes entreprises. Une telle évolution pourrait être évitée en encourageant les règlements extrajudiciaires.

La deuxième question a trait à la possibilité qu'ont les États membres - en vertu de l'article 16, paragraphe 1, de la directive - de fixer un plafond maximal à la responsabilité du producteur pour les dommages causés aux personnes physiques en cas d'accidents en série. Ce plafond est limité à 70 millions d'euros. En 1985, les législateurs ont considéré cette limite comme transitoire et sont convenus que la Commission devait évaluer ses effets sur la protection des consommateurs et le fonctionnement du marché unique à l'issue d'une période de dix ans (article 16, paragraphe 2). À la lumière de cette évaluation, il devait être décidé s'il y avait lieu de supprimer ce plafond.

Trois États membres (Allemagne, Espagne et Portugal) ont adopté des plafonds financiers.

En Allemagne, la définition d'un plafond de 160 millions de DM a été motivée par le fait que la responsabilité sans faute devait être limitée. Le plafond financier concernant le régime spécifique des produits pharmaceutiques est de 200 millions de DM. Aucun cas n'est connu où ce plafond aurait été insuffisant.

En Espagne, le plafond est de 10 500 millions de PTS. Jusqu'à présent, il n'y a pas eu de cas où cette limite n'a pas permis d'indemniser les personnes ayant subi des dommages.

Au Portugal, la législation a fixé une limite financière de 10 000 millions d'ESC. Aucune donnée n'est disponible en ce qui concerne son application.

Les quelques informations disponibles donnent à penser que les plafonds financiers existant dans trois États membres sont assez élevés pour couvrir toute demande d'indemnisation. Aucune donnée ne suggère que le recours, par lesdits États membres, à la possibilité définie à l'article 16, paragraphe 1, de la directive, a eu des répercussions majeures sur le fonctionnement du marché intérieur.

3.2.4 Délai de prescription et de responsabilité

La responsabilité du producteur s'arrête dix ans après la date de commercialisation du produit, à moins qu'une plainte ou une procédure ne soit en cours (délai de responsabilité). Toute personne qui souhaite engager une action contre un producteur en raison des dommages qu'elle a subis à cause d'un produit défectueux doit formuler sa demande dans un délai trois ans à compter de la date à laquelle elle a eu connaissance, ou aurait dû avoir connaissance, du dommage subi, de la défectuosité du produit et de l'identité du producteur (délai de prescription). La responsabilité temporelle est justifiée principalement par des raisons d'équité: la responsabilité sans faute comporte pour le producteur une charge supérieure à celle établie pour les régimes traditionnels de responsabilité contractuelle et extracontractuelle. Aussi le délai de responsabilité est-il limité afin de ne pas décourager l'innovation technologique et de permettre une couverture par les assurances.

Le Livre vert demande si le délai de dix ans doit être modifié, de façon générale ou particulière, pour certains produits ou secteurs et si les coûts résultant d'une telle modification pourraient et devraient être supportés par l'industrie et le marché des assurances.

L'un des groupes de répondants estime que la limite de dix ans doit être maintenue. Il fonde son avis sur la nécessité d'instaurer une sécurité juridique et sur les problèmes liés à l'obtention d'une assurance à long terme ou au moins une augmentation des primes d'assurance. Étant donné qu'il est plus facile pour la victime d'obtenir une indemnisation conformément au principe de responsabilité sans faute, ces répondants considèrent en outre que le délai est justifié et que la victime a la possibilité de demander réparation à un producteur pendant une période plus longue (jusqu'à 30 ans) dans le cadre d'autres systèmes de responsabilité.

Un autre groupe suggère d'étendre la limite au moins en ce qui concerne des groupes de produits particuliers (tels que les denrées alimentaires, les produits pharmaceutiques, les produits agricoles ou les produits destinés à une utilisation de longue durée). Ces secteurs présentent un risque latent, car les dommages peuvent survenir longtemps après la commercialisation du produit [19]. D'autres répondants proposent de ne faire démarrer la période de dix ans qu'à la date à laquelle le produit a été fourni pour la première fois au consommateur ou d'étendre le délai à la période d'utilisation prévisible du produit.

[19] En France, un cas a été signalé où une femme a pris un produit pharmaceutique pendant sa grossesse, ce qui a entraîné - chez ses enfants - des dommages physiques qui n'ont toutefois été décelés qu'à l'âge de la maturité sexuelle.

La directive 92/59 sur la sécurité générale des produits [20] dispose que seuls des produits sûrs peuvent être mis sur le marché. Dans ce cadre, la notion de produit sûr fait référence à la période d'utilisation prévisible du produit. Il convient de noter toutefois que les directives 92/59 et 85/374 sont complémentaires: la première garantit que seuls des produits sûrs sont mis sur le marché (prévention), alors que la seconde établit les règles selon lesquelles les dommages corporels et matériels provoqués par un produit défectueux sont indemnisés (indemnisation). Il est donc justifié de traiter différemment la question de la limite de temps dans le contexte de la responsabilité du producteur et dans celui de la sécurité générale des produits.

[20] JO n° L 228 du 11.8.1992, p. 24.

Il n'y a pas d'informations pratiques sur les effets du délai de dix ans, pas plus qu'il n'y a de données concrètes sur les répercussions financières qu'aurait l'extension de cette limite sur l'industrie et les compagnies d'assurance.

3.2.5 Obligation d'assurance

Actuellement, les producteurs ne sont pas tenus d'avoir une couverture financière; ils ne sont pas obligés de contracter une assurance d'un montant suffisant pour couvrir les éventuels dommages causés par un produit défectueux.

Le Livre vert demande des informations sur l'expérience acquise dans ce domaine, et en particulier sur les cas où l'absence d'assurance a rendu impossible l'indemnisation des victimes. Il invite en outre les répondants à indiquer s'ils considèrent que des mesures doivent être prises dans ce domaine.

Un groupe de répondants juge qu'il appartient aux producteurs eux-mêmes de statuer sur la question de l'assurance. Les arguments avancés sont de deux types: aucun cas n'est connu où une victime n'a pas été indemnisée du fait de l'absence d'assurance; en outre, si une couverture obligatoire était instaurée pour l'ensemble des secteurs de production, les entreprises manufacturières à faible risque payeraient une partie de la charge financière liée aux produits plus dangereux. D'autres commentaires sont favorables à la mise en place d'une assurance obligatoire dans les secteurs jugés "à risque" par les compagnies d'assurance.

Les informations disponibles suggèrent que l'absence de dispositions spécifiques concernant l'assurance n'a pas entraîné de problèmes pratiques. Il conviendrait en outre de déterminer si, dans la pratique, les entreprises manufacturières présentant un risque de responsabilité élevé contractent déjà une assurance propre ou si des mesures doivent être prises dans ce domaine.

3.2.6 Transparence

Actuellement, la directive ne comporte aucune disposition visant à rendre sa mise en oeuvre plus transparente en instituant un mécanisme de recueil d'informations sur les cas de responsabilité en matière de produits. Les producteurs ne sont pas obligés de conserver une trace des réclamations déposées à leur encontre, pas plus que les autorités nationales ne sont tenues d'enregistrer les affaires portées à leur connaissance.

Le Livre vert demande si la directive devrait inclure un moyen de rendre plus transparente la manière dont les opérateurs appliquent les règles, notamment en identifiant les cas de produits défectueux se trouvant encore sur le marché.

En ce qui concerne l'identification des produits défectueux se trouvant encore sur le marché, certains répondants proposent de créer un système obligeant les producteurs de produits défectueux de fournir l'ensemble des informations pertinentes à un organisme central. Un autre groupe renvoie à la directive 92/59 sur la sécurité générale des produits: ces répondants considèrent que la directive et les mesures nationales de mise en oeuvre permettent de garantir que seuls des produits sûrs sont commercialisés et que les produits ne répondant pas aux normes de sécurité sont retirés du marché ou retournés au producteur.

Certaines réponses rejettent l'idée de publier les détails des affaires de responsabilité en matière de produits. Deux arguments sont essentiellement avancés: d'une part, des informations détaillées sur des cas particuliers pourraient, dans certaines conditions, affaiblir la position du consommateur négociant le montant d'une indemnisation; d'autre part, un renforcement de l'information sur les affaires de responsabilité en matière de produits pourrait se traduire par un accroissement du nombre de réclamations abusives.

Il convient d'analyser plus en détail si la disposition de la directive 92/59 concernant le post-marketing est correctement appliquée (elle oblige le producteur de retirer ou de rappeler les produits ne répondant pas aux normes de sécurité).

3.2.7 Responsabilité du fournisseur [21]

[21] Dans son article 3, paragraphe 3, la directive utilise le terme "fournisseur" au sens de toute personne distribuant aux consommateurs un produit mis sur le marché. Le présent rapport suit cette définition.

Sous ce titre, le Livre vert traite deux questions, à savoir: la procédure de mise en demeure du fournisseur et la responsabilité du fournisseur.

Mise en demeure du fournisseur: l'article 3, paragraphe 3, la directive dispose que si le producteur d'un produit défectueux ne peut pas être identifié, le fournisseur en sera considéré comme le producteur, à moins qu'il n'indique à la victime, dans un délai raisonnable, l'identité du producteur ou de celui qui lui a fourni le produit. Cette disposition s'applique également en cas d'importation d'un produit dans la Communauté, si ce produit ne mentionne pas l'identité de l'importateur, et ce même s'il indique le nom du producteur. Par conséquent, la victime est obligée de donner formellement notification des dommages subis au fournisseur afin que celui-ci dispose d'un délai raisonnable pour communiquer les coordonnées du producteur ou du fournisseur précédent.

Le Livre vert demande si le fournisseur devrait informer la victime de l'identité du producteur dans un délai maximal.

De nombreux répondants considèrent qu'un délai maximal pourrait être justifié, car l'indication d'un "délai raisonnable" tel qu'il est actuellement prévu peut donner lieu à des interprétations divergentes dans les États membres. Certains proposent un délai d'un mois, d'autres trois mois.

Il semble que l'indication d'un "délai raisonnable" varie légèrement suivant les États membres. Aucune donnée n'est disponible en ce qui concerne les effets pratiques de ces différences. Au stade actuel, aucun élément précis ne démontre la nécessité d'une harmonisation.

Étendue de la responsabilité du fournisseur: la directive est fondée sur le principe selon lequel le producteur est responsable des dommages causés par la défectuosité de ses produits. L'article 3, paragraphe 1, de la directive définit le producteur comme "le fabricant d'un produit fini, le producteur d'une matière première ou le fabricant d'une partie composante, et toute personne qui se présente comme producteur en apposant sur le produit son nom, sa marque ou un autre signe distinctif".

En revanche, quiconque agit comme simple fournisseur n'est responsable que dans trois cas de figure: lorsqu'il importe le produit dans la Communauté - au sens de l'article 3, paragraphe 2, de la directive - et, sous certaines conditions, lorsque le producteur ne peut pas être identifié par la victime ou que l'identité de l'importateur susmentionné ne figure pas sur le produit (article 3, paragraphe 3).

Le Livre vert demande si la directive devrait être applicable à tout professionnel de la chaîne de commercialisation du produit lorsque son activité a affecté les caractéristiques de sécurité d'un produit mis sur le marché.

Un groupe de répondants fait référence à la directive 92/59 dont la définition des producteurs englobe les autres professionnels de la chaîne d'approvisionnement, pour autant que leurs activités sont susceptibles d'affecter les caractéristiques de sécurité d'un produit commercialisé. En d'autres termes, les professionnels de la chaîne d'approvisionnement sont eux aussi tenus de veiller à ce que seuls des produits sûrs soient commercialisés et de participer aux mesures de post-commercialisation. Les dispositions de la directive 85/374 en matière de responsabilité doivent être étendues en ce sens. Les contributions ne font pas toujours clairement apparaître si la responsabilité du fournisseur doit être illimitée (c'est-à-dire si le fournisseur doit être lui aussi responsable en cas de défaut de fabrication) ou limitée uniquement aux activités spécifiques du fournisseur telles que le reconditionnement, le transport ou le stockage.

Un autre groupe de répondants rejette l'idée de la responsabilité des fournisseurs, essentiellement au motif qu'il est difficile de déterminer comment le principe de responsabilité sans faute peut être appliqué au fournisseur. Si ce dernier était responsable de toute défectuosité liée au stockage ou au transport d'un produit, cela reviendrait presque à lui appliquer le concept de la responsabilité par négligence. D'autres problèmes se posent en ce qui concerne l'identification de la personne responsable (producteur ou fournisseur) et la preuve de la défectuosité lorsque celle-ci relève du fournisseur. L'approche adoptée dans la directive 85/374, basée sur la production et la commercialisation de produits défectueux, ne justifie pas la responsabilité totale du fournisseur, notamment lorsque le défaut existe au moment de la commercialisation.

Comme cela a déjà été mentionné plus haut, la directive 92/59 vise à la prévention, alors que la directive 85/374 porte sur l'indemnisation. Même si ces fonctions sont complémentaires, elles ne doivent pas forcément être identiques à tous égards. Ce principe s'applique à la question de savoir si les obligations auxquelles sont soumis les fournisseurs en vertu de la directive sur la sécurité générale des produits peuvent être transposées ipso facto dans le domaine de la responsabilité en matière de produits. L'objectif qui sous-tend la directive 85/374 est de faire en sorte que les producteurs soient responsables des produits défectueux indépendamment de toute faute. Les fournisseurs ne sont responsables que si les producteurs ne peuvent pas être identifiés. Aussi la directive reconnaît-elle le cas particulier que constitue la responsabilité des fournisseurs.

Le nombre des cas où la défectuosité d'un produit résulte de l'activité d'un fournisseur semble être relativement limité (ces cas concernent essentiellement des denrées alimentaires et des produits agricoles); aucune donnée concrète n'est disponible à cet égard. Aucune information n'est disponible sur le nombre de consommateurs non indemnisés dans ce cas de figure ou sur les actions qu'ils ont réussi à engager contre les producteurs. À ce stade, il ne paraît pas justifié de transposer la responsabilité sur le fournisseur dans des situations autres que celles qui ont été prévues à l'article 3, paragraphe 3, de la directive.

3.2.8 Produits couverts

La directive ne s'applique qu'aux produits [22] (à savoir les biens corporels meubles, à usage privé ou non, y compris l'électricité).

[22] La Commission envisage une initiative spécifique pour les services défectueux, voir la communication de la Commission "Plan d'action pour la politique des consommateurs 1999-2001" (COM(98) 696 du 1.12.1998).

Le Livre vert demande si la directive doit être étendue aux biens immobiliers.

Sur ce point, les commentaires sont généralement négatifs. Plusieurs États membres disposent d'une législation spécifique à la responsabilité dans le domaine des biens immobiliers. Dans d'autres États membres, des dispositions du droit contractuel garantissent qu'une personne peut solliciter une indemnisation en cas de problème concernant un bien immobilier. La directive traite de la responsabilité du producteur pour les produits défectueux issus d'un processus de fabrication industrielle de masse. C'est pourquoi elle couvre les produits de la construction qui font partie intégrante d'un bien immobilier. Toutefois, la propriété immobilière relève d'un service individuel et elle est soumise à des règles différentes.

Aux vues des données disponibles, l'application de la directive à l'immobilier ne semble pas indiquée.

3.2.9 Dommages couverts

Actuellement, l'article 9 de la directive couvre les dommages ayant entraîné la mort ou des lésions corporelles, ainsi que ceux qui sont causés à un bien, pour autant qu'il soit à usage non professionnel, à l'exception du produit défectueux lui-même [23].

[23] L'indemnisation du produit relève de la législation sur des garanties de vente (cf. directive 99/44/CE sur certains aspects de la vente et les garanties des biens de consommation, JO L 171 du 7.7.1999, p. 12).

Dans ce domaine, le Livre vert aborde trois questions.

Les dommages immatériels (tout dommage extrapatrimonial, moral, psychique, etc.) ne sont pas couverts à l'heure actuelle par la directive, même si la plupart des législations nationales les prennent en compte. Les parties prenantes ont été invités à préciser si elles jugeaient que la directive devait également couvrir les dommages immatériels.

Sur ce point, les répondants sont divisés. Ils confirment que les lois nationales sur la responsabilité stricte couvrent déjà les dommages immatériels dans la plupart des États membres. Toutefois, des différences existent en ce qui concerne les définitions et l'application pratique de celles-ci (par exemple le montant des indemnités versées). En Allemagne, des discussions ont été entamées afin d'étendre aux dommages immatériels ayant entraîné des lésions corporelles les dispositions nationales relatives aux dommages indemnisés dans le cadre de la responsabilité stricte.

Les réponses obtenues ne permettent pas de déterminer dans quelle mesure le fonctionnement du marché intérieur et la protection des consommateurs sont influencés par les dispositions nationales prévoyant l'indemnisation des dommages immatériels et par le fait qu'elles aient une autre portée et s'appliquent différemment. Cette question doit être examinée plus en détail avant que des conclusions ne soient tirées.

Le Livre vert demande également si la directive doit couvrir les dommages causés aux biens prévus pour un usage professionnel ou commercial ce qui implique que les professionnels devraient être protêgés en cas de dommage.

Sur ce point, les réponses sont généralement négatives. Le principal argument des répondants est que la directive vise notamment à protéger les consommateurs et que les produits autres que les biens de consommation ne doivent pas être pris en compte. En pratique, les utilisateurs professionnels ont la possibilité de demander des réparations en vertu du droit contractuel ou sont indemnisés par le biais de leur assurance professionnelle.

Aux vues des données disponibles, il ne semble pas opportun de modifier la directive sur ce point.

Seul un petit nombre de répondants étudient la question de savoir si les dommages causés au produit défectueux lui-même doivent être couverts et signalent que ceux-ci sont pris en charge par des dispositions contractuelles.

Aux vues de données disponibles, il ne pas opportun d'inclure au stade actuel ce type de dommages dans le champ d'application de la directive.

3.2.10 Accès à la justice

Dans sa version actuelle, la directive ne contient pas de dispositions particulières sur l'accès des victimes à la justice. La personne lésée doit s'appuyer sur les voies de recours nationales.

Le Livre vert s'interroge sur la nécessité de mesures spécifiques destinées à faciliter l'accès des victimes à la justice en prévoyant des actions en cessation, des mécanismes spéciaux de règlement extrajudiciaire et/ou des actions collectives.

Un certain nombre de répondants jugent que les attributions conférées aux autorités nationales (droit de retirer tout produit dangereux) en vertu de la directive 92/59 suffisent à assurer la protection des consommateurs. Ces répondants estiment qu'il n'est pas nécessaire de prévoir un droit individuel d'action en cessation.

Si certains répondants jugent utile de réfléchir davantage à de nouveaux mécanismes de résolution des litiges, les autres considèrent que la procédure extrajudiciaire actuelle fonctionne bien, étant donné qu'elle permet de résoudre la majorité des réclamations. Des objections sont formulées contre les actions collectives pour des raisons formelles (absence de compétences au niveau communautaire en application de l'article 95 du traité CE concernant le rapprochement des législations). D'autres objections font valoir qu'il faut éviter de créer des règles de procédure juridique pour une branche particulière, car le problème se pose pour l'ensemble des secteurs de la consommation.

En matière d'actions collectives, des informations sont disponibles sur la plupart des États membres. Ces données peuvent être résumées comme suit:

- au Portugal, il est possible d'engager une action populaire en justice dans le cadre de laquelle le procureur et les organisations de consommateurs peuvent intervenir quand des particuliers ont subi des dommages corporels;

- en Autriche, les règlements de procédure civile permettent à la victime de se faire représenter par une association de consommateurs en vue de faire valoir ses prétentions;

- en Belgique, les plaignants qui ont des demandes distinctes, mais similaires, peuvent engager des actions devant le même tribunal, puis demander à celui-ci de traiter leur plainte lors d'une même audition, sans pour autant qu'elles soient instruites conjointement;

- en Grèce, les groupes de consommateurs peuvent intenter des actions en justice;

- au Danemark, les règles de procédure juridique autorisent des actions populaires en justice dans l'ensemble des secteurs de la consommation;

- en France, la législation permet aux associations de consommateurs de défendre au civil les intérêts des particuliers. Cette disposition ne s'applique toutefois pas aux demandes d'indemnisation en faveur d'un groupe de personnes. Aussi n'y a-t-il pas de recours similaires aux actions collectives telles qu'elles existent aux États-Unis.

- en Allemagne, une action est intentée devant un tribunal en cas d'accident en série et sert de base à la négociation de l'indemnisation entre les entreprises et les personnes concernées.

- en Irlande, les textes régissant le fonctionnement des tribunaux prévoient une procédure en vertu de laquelle une personne ou un groupe de personnes ayant les mêmes intérêts peut soumettre ou défendre une plainte pour le compte de l'ensemble des parties intéressées;

- en Italie, les associations de consommateurs peuvent défendre les intérêts des consommateurs, mais ne peuvent pas agir au nom des personnes ayant subi des dommages;

- en Finlande, la question des actions juridiques populaires a été examinée il y a quelques années; le médiateur auprès des consommateurs peut assister des particuliers devant les tribunaux, les frais de procédure étant entièrement couverts par un fonds budgétaire spécial;

- aux Pays-Bas, les actions multipartites sont possibles en vertu de la loi sur les actions de groupe de mai 1994;

- en Espagne, les associations de consommateurs sont habilitées à engager des actions en justice pour le compte de l'un de leurs membres; les règlements de procédure judiciaire seront modifiés à compter de janvier 2001 de façon à ce que des actions conjointes puissent être lancées;

- en Suède, les dispositions relatives aux actions juridiques populaires sont en cours d'examen et une proposition en ce sens pourrait être élaborée à l'avenir;

- au Royaume-Uni, des actions multipartites peuvent être engagées devant les tribunaux anglais et gallois [24] en vertu d'une disposition de la procédure civile sur les litiges collectifs. Cette disposition permet à un ou plusieurs particuliers d'agir en qualité de représentant et d'engager des poursuites pour le compte des autres parties ayant les mêmes intérêts.

[24] La Commission écossaise des lois a rejeté cette idée.

À ce stade, rien n'indique qu'il y a lieu de prendre des mesures concernant en particulier l'accès à la justice dans les affaires de responsabilité en matière de produits.

3.2.11 Divers

Certaines réponses contiennent des observations sur lesquelles il convient de réfléchir davantage. Ces observations ont trait à des aspects de la directive que les États membres doivent définir (tels que la "mise en circulation" [25]) ou sur lesquels, en raison d'un manque de clarté de la directive, les États membres semblent avoir passé des lois de transposition nationale divergentes. D'autres commentaires portent sur l'utilisation d'un produit défectueux dans le cadre d'une prestation de services. Enfin, la question de savoir si la directive devrait prévoir des dispositions en cas de conflits de lois apparent (définition de la juridiction compétente et du droit applicable) a également été soulevée.

[25] Une demande de renvoi préjudiciel, dans l'attente d'un jugement de la Cour de justice, traite notamment ce point (affaire C-203/99, Veedfald).

Ces problèmes nécessitent une étude approfondie. En principe, ils n'exigent pas de modification de la directive et pourraient être résolus dans le cadre du contrôle de la transposition de la directive ou dans le contexte d'un échange d'informations - entre les États membres - sur la mise en oeuvre de certaines dispositions.

4. CONCLUSIONS

Dans son premier rapport sur l'application de la directive (datant de 1995), la Commission conclut que les enseignements susceptibles d'être tirés de la mise en oeuvre de la directive sont encore limités et que l'expérience dans ce domaine ne se construira probablement que lentement. L'étude d'impact [26] sur laquelle le rapport fonde ses conclusions et à laquelle il fait référence explique pour quelles raisons l'expérience est limitée.

[26] Voir note de bas de page 2.

La Commission a donc jugé qu'il convenait d'élaborer un Livre vert sur la responsabilité en matière de produits, car un tel document permet de traiter les points pour lesquels des informations factuelles sont requises et de lancer un vaste débat sur cette question. La Commission a reçu un grand nombre de réponses qui témoignent de l'intérêt du public pour le problème.

Le Livre vert a invité les parties prenantes à lui fournir des informations factuelles sur la mise en oeuvre de la directive, plutôt que de lui soumettre de simples positions de principe, de façon à ce que la Commission puisse motiver ses conclusions, en particulier si celles-ci doivent aboutir à une modification en profondeur de la directive.

Au vu des informations actuellement disponibles (lesquelles résultent des contributions au Livre vert ainsi que d'autres documents reçus), on peut résumer la situation dans les États membres de la façon suivante:

- en ce qui concerne l'application de la directive, l'expérience est encore limitée, et ce pour deux raisons: la directive a été transposée tardivement dans le droit national de certains États membres et, conformément à la possibilité que l'article 13 de la directive confère aux États membres, le droit national contractuel/extracontractuel (ou un régime de responsabilité spécifique) est appliqué parallèlement à la directive;

- les rares données disponibles ne mettent pas en évidence de problème particulier pour ce qui est de l'application de la directive;

- un cadre, optimalisant les coûts, devrait permettre de maintenir l'équilibre entre les intérêts respectifs des consommateurs et des producteurs.

Dans l'ensemble, la situation n'est pas différente de celle que l'on observait en 1995, lorsque la Commission a présenté son premier rapport. La Commission estime que toute modification de la directive doit être motivée par des faits objectifs. Les informations disponibles ne sont pas suffisantes afin de tirer des conclusions claires. Par conséquent, la Commission juge qu'il serait prématuré d'envisager la modification du système actuel de responsabilité tel qu'il est prévu par la directive 85/374.

Toutefois, la Commission entend prendre des mesures de suivi de deux types: d'une part, elle envisage des mesures liées directement au problème de la responsabilité en matière de produits, ses objectifs en la matière étant à court et moyen termes; d'autre part, elle a déjà pris ou prendra prochainement des mesures dans d'autres domaines connexes.

4.1 Mesures de suivi liées directement à la responsabilité en matière de produits

Le Livre vert visait à collecter autant d'informations factuelles que possible sur le fonctionnement de la directive. Même si un grand nombre de parties ont contribué activement à ce travail, il est encore difficile d'avoir une idée précise de la situation dans les États membres. Comme l'application de la directive au sein de la Communauté fait l'objet d'un processus d'évaluation continu, il convient de trouver les moyens qui permettraient de pallier à court terme l'actuel manque d'informations. Il y a également lieu de réfléchir aux moyens d'harmoniser davantage, à moyen terme, la responsabilité en matière de produits au niveau communautaire.

4.1.1 Actions à court terme

La Commission est d'avis qu'un groupe d'experts sur la responsabilité en matière de produits constituerait un outil pragmatique et efficace de collecte des données, similaire à l'idée "d'observatoire" auquel le Comité économique et social a fait référence dans son avis sur le Livre vert. Ce groupe d'experts ferait intervenir l'ensemble des parties prenantes, telles que des experts des administrations nationales, des juristes spécialisés, des universitaires, des représentants des différentes branches d'activité industrielles et des compagnies d'assurance ainsi que des associations de consommateurs.

Le groupe collecterait des informations dans l'ensemble des États membres sur l'application de la directive, sur la jurisprudence récente et sur les modifications des législations nationales ayant des répercussions sur la responsabilité en matière de produits (notamment en ce qui concerne l'accès à la justice). En outre, les données échangées pourraient être publiées sur Internet afin d'améliorer la transparence.

La Commission juge qu'un tel groupe d'experts constituerait non seulement une solution pratique pour combler les lacunes en matière d'information, mais aussi un forum permettant de discuter en continu des questions liées à la responsabilité en matière de produits. Les détails spécifiques du groupe d'experts et de son fonctionnement seront définis début 2001.

La collecte d'informations relatives à la disponibilité de produits sûrs représente une autre question digne d'intérêt. Un système communautaire de collecte de données et d'informations sur les dommages corporels existe déjà depuis 1993 dans le cadre de l'ancien système EHLASS (système européen de surveillance des accidents domestiques et des loisirs). Dans le passé, ce système n'identifiait pas le nombre de blessures causées par un produit défectueux, car il collectait les données sur l'ensemble des types d'accidents dus à des produits. Un nouveau système communautaire de collecte d'informations sur les blessures a été établi en vertu du programme d'action communautaire relatif à la prévention des blessures [27]. Des indicateurs de sécurité des produits et des services seront mis au point. En outre, des études seront réalisées afin de déterminer s'il est possible d'intégrer des informations complémentaires, traitant en particulier des accidents causés par des produits défectueux, dans le système susmentionné.

[27] JO n° L 46 du 20.2.1999, p. 1.

Par ailleurs, les informations transmises par les parties prenantes dans le cadre du débat sur le Livre vert doivent être complétées par d'autres avis d'experts. La Commission entend lancer une étude sur l'évaluation des répercussions économiques qu'aura le renforcement de responsabilité du système actuel tel qu'il résulte de la directive 85/374.

Dans sa version actuelle, la directive attribue un rôle spécifique à la Commission, qui est chargée d'évaluer les possibilités laissées aux États Membres en ce qui concerne l'exemption de responsabilité pour risques de développement et la limite financière (cf. article 15, paragraphe 3, et article 16, paragraphe 2, de la directive). L'étude envisagée devra mettre l'accent sur ces deux éléments, car les conséquences des ces deux options sur le fonctionnement du marché intérieur et sur la protection des consommateurs ne peuvent pas être correctement évaluées à l'heure actuelle.

L'étude visera à déterminer les répercussions économiques qu'aura la responsabilité du producteur sur l'industrie, sur les compagnies d'assurance, sur les consommateurs et sur la société dans son ensemble (en particulier via les systèmes de sécurité sociale), et ce également dans le cas des risques de développement et de la suppression de la limite financière pour les accidents en série. Cette analyse devra être fondée autant que possible sur des éléments tangibles.

Les résultats de l'étude permettront à la Commission de déterminer de façon réaliste les avantages et le coût du renforcement du système de responsabilité actuel.

4.1.2 Actions à moyen terme

En 1985, le législateur a pensé que la directive n'était qu'une première étape vers la création d'une véritable politique de responsabilité des producteurs au niveau communautaire. Il a prévu un examen de la situation à intervalles réguliers (tous les cinq ans) afin d'aller vers une harmonisation croissante et d'établir un cadre réglementaire exhaustif, cohérent, équilibré et efficace visant à protéger les victimes et à offrir une certitude juridique aux producteurs.

Aujourd'hui, il conviendrait peut-être de déterminer en premier lieu s'il est souhaitable d'harmoniser davantage les différents systèmes de responsabilité existants et, si tel est le cas, de trouver les moyens d'y aboutir.

Pour l'instant en effet, la directive ne porte pas atteinte aux droits dont la victime d'un dommage peut se prévaloir au titre de la responsabilité contractuelle ou extractontractuelle (négligence/tort) ou au titre des régimes spéciaux de responsabilité existant en juillet 1985 (article 13). En d'autres termes, la directive définit des règles communes de responsabilité stricte que les États membres doivent mettre en oeuvre et dont ils ne peuvent pas s'écarter (en adoptant par exemple des dispositions plus strictes). La victime peut toutefois fonder son action contre le producteur d'un produit défectueux sur tout autre système de responsabilité en matière de produits existant dans les différents États membres, pour autant que les conditions spécifiques nécessaires au recours à ces systèmes sont remplies.

La coexistence de différents systèmes de responsabilité pourrait être l'un des facteurs qui expliquent le petit nombre d'affaires portées en justice sur la base des dispositions nationales mettant en oeuvre la directive.

En principe, la victime devrait avoir moins de mal à engager une action en justice si elle se base sur des dispositions strictes en matière de responsabilité plutôt que sur d'autres réglementations; en particulier, la victime n'est pas tenue de prouver la faute ou la négligence du producteur, contrairement à ce qui se fait dans le cadre du droit contractuel ou préjudiciel. Dans tout autre système, l'absence de faute exclurait vraisemblablement la responsabilité du producteur. Les réponses reçues au Livre vert donne toutefois à penser qu'en pratique, tout du moins dans certains États membres, les recours sont basés sur différents systèmes parallèles et pas seulement sur les dispositions de responsabilité stricte.

De plus, la jurisprudence de plusieurs États membres tend à donner une interprétation étendue de la responsabilité du producteur dans le cadre de systèmes basés sur la faute, de sorte que les différences pratiques entre les systèmes de responsabilité basés sur la faute et les systèmes de responsabilité stricte tendent à s'estomper. Il s'ensuit que différents systèmes sont appliqués en parallèle, étant donné que les systèmes de responsabilité basés sur la faute assurent généralement une meilleure protection des consommateurs.

Dans certains États membres, les dispositions de responsabilité stricte n'étaient appliquées qu'à titre exceptionnel et le principe établi par la directive constitue donc une nouveauté. C'est pourquoi, on peut penser que les possibilités de la victime portant plainte contre le producteur d'un produit défectueux ont été améliorées.

Actuellement, il n'est pas possible d'évaluer les véritables répercussions qu'a la coexistence entre les lois nationales transposant la directive et les autres systèmes de responsabilité. Aussi la Commission lancera-t-elle une étude qui analysera et comparera les effets pratiques des différents systèmes applicables dans l'ensemble des États membres en matière de plaintes pour produits défectueux (c'est-à-dire la législation nationale mettant en oeuvre la directive sur la responsabilité en matière de produits, les lois nationales relatives aux obligations contractuelles, les dispositions nationales concernant les obligations extracontractuelles et les législations spécifiques en matière de responsabilité). L'étude consistera notamment à analyser sur quels points les différents systèmes divergent les uns des autres (en particulier les conditions et le champ d'application, les dispositions relatives à la charge de la preuve, les produits et les dommages couverts, les exemptions de responsabilité du producteur, les délais de prescription et de responsabilité, la limite financière, le niveau des indemnités accordées et l'accès à la justice).

La deuxième partie de l'étude portera sur l'avenir de la législation relative à la responsabilité en matière de produits. Elle cherchera à déterminer si un système uniforme de responsabilité en matière de produits pourrait être mis en oeuvre dans la Communauté sur la base de la situation actuelle des États membres. Dans ce cadre, l'étude examinera les différentes initiatives concernant le droit des obligations, telles que la commission LANDO, le groupe européen du droit préjudiciel et le centre européen du droit des préjudices et de l'assurance (Europaïsches Zentrum für Schadenersatz- und Versicherungsrecht) de Vienne.

Cette étude permettra à la Commission d'avoir un aperçu global des lois applicables en matière de responsabilité de produits ainsi que de leur mise en oeuvre dans les États Membres. Sur la base de cette étude, la Commission pourra évaluer les effets pratiques des dispositions de responsabilité stricte en matière de produits, telles qu'elles sont prévues par la directive 85/374, et examiner la nécessité et la faisabilité - à moyen terme - d'un système de responsabilité commun et unique pour les produits défectueux.

4.2 Mesures de suivi dans des domaines connexes

La Commission s'est engagée à aboutir à un niveau élevé de protection des consommateurs contre les risques liés aux produits. Les dispositions de la directive 85/374 constituent un élément majeur de cette stratégie. Deux autres domaines jouent un rôle complémentaire: en effet, la directive 92/59 sur la sécurité générale des produits et la législation communautaire spécifique régissant la sécurité des produits revêtent une importance primordiale, car leur application correcte garantit que seuls des produits sûrs sont mis sur le marché et minimise donc le risque de contestations pour responsabilité en matière de produits défectueux. Les questions d'accès à la justice sont importantes elles aussi, dans la mesure où elles conditionnent l'indemnisation des consommateurs en général, et des victimes de lésions corporelles provoquées par un produit défectueux en particulier. Toute mesure prise dans le passé a tenu compte de ces questions et n'a pas envisagé d'action spécifique pour les problèmes de responsabilité en matière de produits. La situation actuelle confirme la pertinence de cette approche.

Aux nombres des aspects essentiels de la responsabilité en matière de produits figure en outre la responsabilité environnementale, qui concerne l'identification du responsable de dommages causés à l'environnement.

La Commission a déjà pris et prendra encore d'autres mesures dans ces domaines, conformément à ce qui est décrit ci-dessous, et considère que ces actions permettront de renforcer la sécurité des produits, de garantir l'accès équitable des consommateurs à la justice et de protéger l'environnement.

4.2.1 Modification de la directive 92/59 et mise en oeuvre d'autres directives concernant la sécurité des produits

La directive 92/59 sur la sécurité générale des produits et d'autres directives connexes ont permis d'établir un niveau élevé de protection des consommateurs dans la Communauté.

L'expérience acquise fait apparaître certaines faiblesses dans les dispositions de la directive 92/59 et l'examen de son application a montré que d'autres mesures doivent être prises pour protéger les consommateurs. Aussi la Commission a-t-elle adopté le 29 février 2000 une proposition de révision de la directive 92/59 [28].

[28] COM(2000) 139 final/2 du 15.6.2000.

Plusieurs des amendements proposés pour la directive 92/59 renforcent l'aspect préventif de la sécurité des produits en prévoyant une surveillance plus efficace du marché. À cet égard, il convient de compléter les obligations des producteurs et des distributeurs comme suit:

- les producteurs et les distributeurs, ces derniers dans les limites de leurs activités propres, doivent transmettre des informations sur les risques encourus, conserver et fournir les documents nécessaires à la traçabilité des produits, informer sans délai les autorités nationales si un produit commercialisé s'avère dangereux et avertir lesdites autorités des mesures prises pour prévenir les risques pesant sur les consommateurs. Ces données aideront les autorités chargées de surveiller les marchés à tracer les produits concernés, à vérifier si d'autres produits présentent les mêmes risques, à prendre toutes les mesures nécessaires et à informer, le cas échéant, les instances compétentes des autres États membres;

- les producteurs et les distributeurs doivent coopérer avec les autorités nationales aux mesures prises pour éviter les risques liés aux produits qu'ils fournissent ou qu'ils ont fournis. Cette mesure permettra, le cas échéant, de retrouver rapidement la trace des produits dangereux et de les retirer du marché;

- les producteurs doivent non seulement retirer du marché les produits dangereux pour les consommateurs, mais aussi rappeler les produits fournis aux consommateurs lorsque d'autres moyens ne suffisent pas à prévenir les risques éventuels;

- les producteurs doivent avertir les consommateurs de façon adéquate et efficace des risques que posent les produits déjà vendus.

Une autre série de modifications est proposée en vue de renforcer la surveillance du marché et les droits de mise en oeuvre des États membres. Ces mesures visent à:

- garantir que des sanctions efficaces, proportionnelles et dissuasives sont appliquées si nécessaire;

- faire en sorte que des mécanismes systématiques et coordonnés de surveillance des marchés soient mis en place par l'ensemble des États membres;

- assurer que les systèmes de surveillance des marchés fonctionnent de façon transparente et soient ouverts aux consommateurs et aux autres parties prenantes;

- mettre en place une évaluation périodique (par la Commission) des résultats obtenus par les systèmes de surveillance des marchés mis en place par les États membres;

- créer un cadre pour la coopération systématique entre les autorités de mise en oeuvre des États membres;

- renforcer les compétences des autorités chargées de la mise en oeuvre, en particulier en ce qui concerne:

- le rappel des produits dangereux déjà fournis aux consommateurs et l'information appropriée de ceux-ci quant aux risques encourus;

- l'interdiction temporaire de commercialiser certains produits en attendant la vérification et l'évaluation des risques;

- la prise rapide de mesures, en cas de risques graves nécessitant une intervention immédiate, et la suppression des limites de diffusion des données concernant ces risques.

La surveillance des marchés est essentielle à la mise en oeuvre de la législation communautaire sur la sécurité des produits (notamment en ce qui concerne les produits pharmaceutiques, chimiques et cosmétiques, les dispositifs médicaux, les équipements mécaniques et les appareils électriques). Il convient de rappeler que la surveillance des marchés doit permettre de vérifier que les directives applicables sont uniformément respectées dans chaque État membre. On garantit ainsi un niveau élevé de protection des consommateurs et des utilisateurs et on encourage la libre-circulation des biens sur le marché intérieur en empêchant la concurrence déloyale et en supprimant les produits non conformes. Les États membres ont l'obligation d'organiser et d'administrer la surveillance des marchés de façon efficace (c'est-à-dire en prévoyant des infrastructures et des moyens suffisants). À cet effet, la Commission encourage la coopération administrative entre les autorités nationales.

4.2.2 Initiatives concernant l'accès à la justice

Depuis les années quatre-vingt, la Commission est confrontée à un nouveau défi qui résulte de l'évolution continue du marché intérieur: il lui faut promouvoir un accès plus efficace à la justice afin de tenir compte de la dimension transfrontalière du problème. Dans son Livre vert sur l'accès des consommateurs à la justice et le règlement des litiges de la consommation dans le marché unique, la Commission a exposé un certain nombre de propositions destinées à résoudre les litiges transfrontaliers individuels et collectifs. Cette démarche a abouti à l'adoption de la directive 98/27 relative aux actions en cessation en matière de protection des intérêts des consommateurs [29], qui permet à des entités qualifiées (par exemple des associations de consommateurs) d'engager des actions en cessation lorsqu'il y a eu une infraction à l'une des directives de protection des consommateurs énumérées en annexe et que les intérêts collectifs des consommateurs sont menacés. En outre, la Commission a publié un guide du consommateur dans le marché unique et un guide d'assistance juridique dans l'Union européenne.

[29] JO n° L 166 du 11.06.1998, p. 51.

Par ailleurs, la Commission encourage depuis plusieurs années un réseau d'Euroguichets des consommateurs qui fournissent aide et conseil en matière d'accès à la justice dans des affaires transfrontalières. Enfin, la Commission a adopté, en 1996, un plan d'action sur l'accès des consommateurs à la justice et sur le règlement des litiges de la consommation au sein du marché unique qui met l'accent sur la nécessité de mesures communautaires visant au règlement des litiges de la consommation.

À la lumière des consultations menées dans le cadre de ses initiatives, la Commission a adopté en 1998 une communication sur le règlement extrajudiciaire des litiges de la consommation. Cette communication contient deux éléments destinés à améliorer l'accès des consommateurs à la justice: un formulaire de plainte pour les consommateurs et la recommandation 98/257/CE [30] qui définit les principes applicables aux procédures extrajudiciaires visant au règlement des litiges de la consommation.

[30] JO n° L 115 du 17.04.1998, p. 31.

Ces deux initiatives sont destinées à régler le problème en facilitant l'accès des citoyens à des moyens juridiques rapides, efficaces et peu onéreux.

Les États membres ont été invités à notifier à la Commission le nom de toute instance extrajudiciaire qui applique les principes de la recommandation et ces données ont été intégrées au site Web de la Commission. À titre de mesure de suivi, la Commission a adopté le 17 mars 2000 un document de travail sur la création du réseau EEF, qui sert de cadre à la création d'un réseau de mécanismes européens de résolution extrajudiciaire des litiges (le réseau extrajudiciaire européen "EJE").

Le réseau EJE aura recours à l'ensemble des autres systèmes de résolution des litiges notifiés à la Commission par les États membres, pour autant qu'ils respectent les principes de la recommandation 98/257/CE. Les États membres ont décidé de créer des points de contact nationaux (ou "centres de documentation") [31]. Si un consommateur est en litige avec une entreprise, il peut contacter ce centre qui le conseille et l'aide à déposer une plainte auprès d'une instance extrajudiciaire située dans le pays où l'entreprise concernée a son siège. En cas de litige transfrontalier, le centre tiendra compte des obstacles au règlement extrajudiciaire, telles que les différences linguistiques et le manque d'informations, puis passera par le réseau pour faire parvenir la plainte à l'instance extrajudiciaire concernée.

[31] Voir la résolution du Conseil du 25 mai 2000 relative à un réseau au niveau communautaire d'organes nationaux chargés du règlement extrajudiciaire des litiges de consommation, JO n° C 155 du 6.06.2000, p. 1.

Par ailleurs, la Commission a annoncé un certain nombre d'initiatives concernant l'accès des consommateurs à la justice dans le cadre de son plan d'action pour la politique des consommateurs 1999-2001 [32]. Conformément à ce plan d'action, elle a publié en février 2000 un Livre vert sur l'assistance judiciaire civile [33] dans le domaine des litiges transfrontaliers. La Commission adoptera, au début de l'année 2001, une communication sur l'élargissement de l'acces à la justice par les consommateurs ; ce texte se fondera sur des initiatives communautaires existantes et fixera les critères permettant de promouvoir un meilleur choix et d'avantage de flexibilité dans le recours à des systèmes extra-judiciaires de résolution des problèmes.

[32] COM(1998) 696 du 01.12.1998, p. 21.

[33] COM(2000) 51 du 9.02.2000.

Comme l'article 65 du traité CE est entré en vigueur en mai 2000, la compétence de la Communauté a été étendue à la coopération judiciaire en général. Aussi ces initiatives doivent-elles être considérées dans un cadre de coopération plus vaste dont le but est d'améliorer l'accès des citoyens à la justice.

D'ici 2001, la Commission publiera un Livre vert sur les mécanismes alternatifs de résolution des litiges ainsi qu'un document de travail sur la récupération des frais de procès et d'avocats. La Commission entend en outre lancer d'autres initiatives afin de faciliter les actions collectives des consommateurs ainsi que la définition du droit applicable aux obligations non contractuelles.

4.2.3 Initiatives concernant la responsabilité environnementale

En février 2000, la Commission a adopté un livre blanc sur la responsabilité environnementale [34] en vue de créer une directive-cadre dans ce domaine. Le futur régime de responsabilité environnementale définira les limites de responsabilité pour les dommages causés à l'environnement en tant que tel et traitera la question des dommages traditionnels (c'est-à-dire causés à des personnes et à des biens) dus à des activités dangereuses ou potentiellement dangereuses. La Commission devra veiller à la pertinence de ce texte ainsi qu'à sa cohérence avec la directive 85/374. À cet égard, il convient de déterminer le régime applicable en cas de chevauchement entre la directive 85/374 et le futur régime de responsabilité environnemental. Cette question doit être étudiée de près pour les organismes génétiquement modifiés (OGM). La directive 85/374, modifiée par la directive 99/34, définit déjà une responsabilité pour les dommages que les OGM causent aux personnes et aux biens. Le futur régime de responsabilité environnementale devra en tout cas compléter ces dispositions en traitant les dommages causés par les OGM à l'environnement.

[34] COM(2000) 66 du 9.02.00.

* * *

La Commission continuera de suivre la mise en oeuvre ainsi que les effets de la directive 85/374 afin de se conformer aux exigences de l'article 21 qui lui fait obligation de soumettre des rapports périodiques au Conseil et au Parlement. Sur la base de ces rapports, elle entend mettre en place un forum en vue d'un dialogue et d'un échange d'informations entre les parties intéressées par les questions de responsabilité en matière de produits. Les résultats de deux études compléteront les données disponibles à l'heure actuelle et permettront à la Commission d'évaluer la nécessité et la faisabilité d'un système communautaire de responsabilité renforcée pour les produits défectueux. En parallèle, la Commission proposera des mesures d'appoint dans le domaine de la sécurité générale des produits, de l'accès des consommateurs à la justice et de la responsabilité environnementale.

FICHE FINANCIÈRE

1. INTITULÉ DE L'ACTION

Rapport sur l'application de la directive 85/374 relative à la responsabilité du fait des produits défectueux

2. LIGNE(S) BUDGÉTAIRE(S) CONCERNÉE(S)

B5-3001

3. BASE JURIDIQUE

L'article 21 de la directive 85/374 relative à la responsabilité du fait des produits défectueux prévoit que la Commission présente au Conseil tous les cinq ans un rapport sur l'application de la directive.

4. DESCRIPTION DE L'ACTION

4.1 Objectif général de l'action

A l'heure actuelle, il n'existe que des informations limitées sur l'impact qu'a la législation communautaire relative à la responsabilité du fait des produits défectueux sur le marché intérieur et la protection des consommateurs. Le présent rapport identifie des lacunes d'information à combler en ce qui concerne l'application de la législation relative à la responsabilité en matière de produits dans tous les Etats membres.

4.2 Période couverte par l'action et modalités prévues pour son renouvellement.

La durée de l'action est limitée à cinq ans.

Conformément à l'article 21 de la directive 85/374, la Commission présentera au Conseil un rapport sur l'application de la directive en 2005 et proposera, le cas échéant, des modifications.

5. CLASSIFICATION DE LA DÉPENSE/RECETTE

5.1 DNO

5.2 CD

6. TYPE DE LA DÉPENSE/RECETTE

Achat d'études.

7. INCIDENCE FINANCIÈRE

7.1 Mode de calcul du coût total de l'action (lien entre les coûts individuels et le coût total)

Les dépenses opérationnelles (coût des études) seront de EUR 0,5 Mio.

Toutes dépenses sur des activités complémentaires dans d'autres domaines que celles liées directement à la responsabilité en matière des produits, telles que mentionnées dans le rapport, ont fait ou feront l'objet d'une fiche financière séparée.

7.3 Dépenses opérationnelles d'études, d'experts, etc, incluses en partie B du budget

CE 0,5 Mio EUR (prix courants)

>TABLE POSITION>

7.4 Echéancier crédits d'engagement / crédits de paiement

CE en Mio EUR

>TABLE POSITION>

8. DISPOSITIONS ANTI-FRAUDE PRÉVUES

Les règles et la procédure applicable à l'achat des produits et services pour les Communautés seront strictement respectées, conformément au règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes, le règlement sur les modalités de la mise en oeuvre du règlement financier et des règles internes.

9. ELÉMENTS D'ANALYSE COÛT-EFFICACITÉ

9.1 Objectifs spécifiques quantifiables, population visée

La législation en matière de responsabilité du fait des produits défectueux a un impact majeur sur les producteurs et les fournisseurs des produits ainsi que des conséquences importantes pour les consommateurs ; par conséquent, même de petites modifications au cadre existant de responsabilité en matière des produits, même limitées, peuvent avoir un effet majeur. Des études semblent être la façon la plus efficace de parvenir à une analyse cohérente de la situation à travers les 15 Etats membres.

9.2 Justification de l'action

La Commission évalue le fonctionnement du marché intérieur dans la Communauté. Il n'existe à l'heure actuelle que peu d'information sur l'impact réel qu'a la législation communautaire en matière de responsabilité du fait des produits défectueux sur le marché intérieur et la protection des consommateurs. L'objectif de ces actions est de rassembler des informations manquantes en faisant appel à l'aide d'expertises externes. Ces actions font partie d'une évaluation continue du fonctionnement de la législation relative au marché intérieur. Elles mettront en lumière si la législation atteint ses objectifs et fonctionne correctement et si des modifications sont nécessaires.

9.3 Suivi et évaluation de l'action

Ceci fait partie de l'évaluation continue du marché intérieur et, plus particulièrement, du fonctionnement de la directive 85/374 sur laquelle la Commission doit présenter un rapport tous les cinq ans.

10. DÉPENSES ADMINISTRATIVES (PARTIE A DE LA SECTION III DU BUDGET GENERAL)

La mobilisation des ressources administratives et humaines nécessaires est couverte par les ressources existantes du service de gestion.

10.1 Incidence sur le nombre d'emplois

>TABLE POSITION>

10.2 Incidence financière globale des ressources humaines supplémentaires

(EUR)

>TABLE POSITION>

10.3 Augmentation d'autres dépenses de fonctionnement découlant de l'action, notamment frais induits des réunions de comités et groupes d'experts

(EUR)

>TABLE POSITION>