EUR-Lex Access to European Union law

Back to EUR-Lex homepage

This document is an excerpt from the EUR-Lex website

Document E2015C0110

Décision de l'Autorité de surveillance AELE n° 110/15/COL du 8 avril 2015 déclarant incompatible l'aide supplémentaire de 16 millions de NOK octroyée par Innovation Norway à Finnfjord AS (Norvège) [2016/905]

OJ L 152, 9.6.2016, p. 47–58 (BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, HR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV)

Legal status of the document In force

ELI: http://data.europa.eu/eli/dec/2016/905/oj

9.6.2016   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

L 152/47


DÉCISION DE L'AUTORITÉ DE SURVEILLANCE AELE

No 110/15/COL

du 8 avril 2015

déclarant incompatible l'aide supplémentaire de 16 millions de NOK octroyée par Innovation Norway à Finnfjord AS (Norvège) [2016/905]

[version non confidentielle]  (*)

L'AUTORITÉ DE SURVEILLANCE AELE (L'«AUTORITÉ»),

vu l'accord sur l'Espace économique européen (l'«accord EEE»), et notamment son article 61 et son protocole 26,

vu l'accord entre les États de l'AELE relatif à l'institution d'une Autorité de surveillance et d'une Cour de justice (l'«accord Surveillance et Cour de justice»), et notamment son article 24,

vu le protocole 3 de l'accord Surveillance et Cour de justice (le «protocole 3») et notamment l'article 7, paragraphe 5, de sa partie II,

considérant ce qui suit:

I.   LES FAITS

1.   Procédure

(1)

En 2011, la société Finnfjord AS («Finnfjord») a bénéficié d'une aide d'État d'un montant de 175 millions de NOK au titre du régime du Fonds pour l'énergie (voir ci-dessous), pour la construction d'un système de récupération d'énergie dans son usine de production de ferrosilicium. L'Autorité a approuvé l'octroi de cette aide par la décision no 39/11/COL (1).

(2)

À la suite de discussions préalables à la notification engagées au mois de novembre 2012, les autorités norvégiennes ont, par lettre du 26 juin 2013, notifié une aide complémentaire d'Innovation Norway («IN») à Finnfjord, conformément à l'article 1er, paragraphe 3, de la partie I du protocole 3 (2). C'est cette mesure qui fait l'objet de la présente décision.

(3)

Par lettre datée du 5 juillet 2013 (3), l'Autorité a demandé un complément d'information aux autorités norvégiennes, qui lui ont répondu par lettre datée du 19 août 2013 (4). Par lettre datée du 28 août 2013 (5), l'Autorité a soumis une nouvelle demande de renseignements, à laquelle les autorités norvégiennes ont répondu par lettre datée du 18 septembre 2013 (6). Par lettre datée du 13 novembre 2013 (7), l'Autorité a informé les autorités norvégiennes qu'elle avait adopté la décision no 445/13/COL portant ouverture d'une procédure formelle d'examen de la mesure notifiée.

(4)

Par courrier électronique daté du 21 février 2014 (8), les autorités norvégiennes ont présenté leurs observations sur cette décision. Le 10 avril 2014, à la suite de discussions prolongées avec les autorités norvégiennes et Finnfjord concernant les informations confidentielles, la décision a été publiée au Journal officiel de l'Union européenne et dans son supplément EEE (9). Finnfjord a été le seul tiers à présenter des observations (10). Par lettre datée du 13 mai 2014 (11), ces observations ont été transmises aux autorités norvégiennes. Par lettre datée du 6 juin 2014 (12), les autorités norvégiennes ont présenté leurs remarques sur les observations du tiers. Par courrier électronique du 25 septembre 2014 (13), Finnfjord a présenté des observations complémentaires. Par courrier électronique du 8 octobre 2014 (14), l'Autorité a demandé un complément d'information à Finnfjord. Finnfjord a répondu par courriers électroniques des 24 et 27 octobre 2014 (15). Par lettre datée du 27 octobre 2014 (16), ces observations et informations complémentaires ont été transmises aux autorités norvégiennes. Les autorités norvégiennes ont répondu par lettre datée du 12 novembre 2014 (17). Entre novembre 2014 et janvier 2015, l'Autorité a eu des contacts informels par courrier électronique et téléphone avec les autorités norvégiennes et Finnfjord.

2.   La mesure notifiée: la subvention de 16 millions de NOK

(5)

La mesure proposée notifiée est une subvention directe de 16 millions de NOK octroyée par IN en faveur de Finnfjord. Elle est destinée à couvrir partiellement l'augmentation des coûts du projet, passés de [680-720] millions de NOK à [environ 800] millions de NOK.

(6)

La décision d'accorder la mesure notifiée a été communiquée par IN à Finnfjord par lettre du 10 décembre 2012.

3.   Prêts d'IN et de SNN

(7)

IN a expliqué que Finnfjord avait besoin de [80-95] millions de NOK supplémentaires pour achever le projet de récupération d'énergie. Par conséquent, le montant de 16 millions de NOK ne couvrait qu'une partie de ces coûts supplémentaires.

(8)

En plus de la subvention directe de 16 millions de NOK, IN a dans le même temps accordé un prêt de 18 millions de NOK à Finnfjord. À cette époque, Finnfjord avait déjà emprunté 100 millions de NOK à IN, dans le cadre du même projet. Aucun de ces prêts n'a été notifié à l'Autorité. IN affirme qu'ils ont été consentis aux conditions du marché et ne constituent donc pas des aides d'État au sens de l'article 61, paragraphe 1, de l'accord EEE.

(9)

Parallèlement au prêt de 18 millions de NOK accordé par IN, Finnfjord a obtenu un prêt d'un montant de [45-60] millions de NOK de l'établissement financier Sparebank 1 Nord-Norge («SNN»). Le total des prêts existants contractés par Finnfjord auprès de SNN dans le cadre du projet s'élevait à [300-325] millions de NOK.

(10)

Au total, la subvention directe de 16 millions de NOK et les deux prêts de 18 millions de NOK et de [45-60] millions de NOK couvraient la hausse de coût de [80-95] millions de NOK.

4.   Innovation Norway («IN»)

(11)

IN est une entité publique instituée par la loi norvégienne relative à Innovation Norway (18). Elle est détenue par l'État norvégien par l'intermédiaire du ministère des collectivités locales et du développement régional (qui en détient 51 %) et par l'ensemble des 19 comtés norvégiens (qui en détiennent 49 %). IN est financée par des ressources publiques.

5.   Enova SF («Enova»)

(12)

Enova SF («Enova») est une entreprise publique (19) entièrement détenue par l'État norvégien par l'intermédiaire du ministère du pétrole et de l'énergie. Elle est chargée de gérer le régime du Fonds pour l'énergie, un régime d'aides d'État visant à promouvoir la protection de l'environnement, approuvé par l'Autorité au moyen des décisions no 125/06/COL (20) et no 248/11/COL (21). Enova est financée par des ressources publiques.

(13)

Dans le cadre du régime du Fonds pour l'énergie, Enova organise des appels à manifestation d'intérêt à l'issue desquels les projets retenus sont ceux qui présentent le meilleur résultat énergétique par NOK d'aide (22).

6.   Achèvement du projet de récupération d'énergie et versement de la dernière tranche d'aide par Enova

(14)

Enova ne verse les derniers 20 % d'une mesure d'aide individuelle qu'à partir du moment où elle a approuvé le projet de rapport final (23). Selon un communiqué de presse de Finnfjord (24), le système de récupération d'énergie était fonctionnel depuis le 30 octobre 2012. Le 22 novembre 2012, le rapport final de Finnfjord a été approuvé par Enova. Le 23 novembre 2012, Enova a décaissé la dernière tranche d'aide, d'un montant de 35 millions de NOK (soit 20 % de l'aide totale de 175 millions de NOK).

7.   Le bénéficiaire: Finnfjord AS («Finnfjord»)

(15)

Finnfjord est une entreprise familiale à responsabilité limitée. L'usine soutenue par l'aide envisagée se situe à Finnsnes, dans le comté de Troms, le deuxième comté le plus au nord de la Norvège.

8.   Augmentation des coûts

(16)

Dans la notification qui a abouti à la décision de l'Autorité no 39/11/COL du 9 février 2011 approuvant l'aide de 175 millions de NOK octroyée par Enova à Finnfjord, le budget du projet de récupération d'énergie de Finnfjord a été estimé à 511,66 millions de NOK. L'aide a été octroyée pour le remplacement du système de refroidissement existant par une unité de récupération d'énergie. L'objectif était de produire annuellement 224 GWh d'énergie électrique et de récupérer 125 GWh de vapeur industrielle. La production d'énergie annuelle était ainsi estimée à 349 GWh.

(17)

Selon la notification actuelle, en février 2011, le budget prévisionnel avait déjà augmenté de 190 millions de NOK, passant de 511,66 millions de NOK à 700 millions de NOK. Malgré cette augmentation considérable, le conseil d'administration de Finnfjord a décidé le 7 février 2011 de poursuivre le projet. À cette époque, Finnfjord n'a pas demandé d'aide supplémentaire. L'aide notifiée n'est pas destinée à couvrir l'augmentation des coûts qui a conduit à l'estimation de 700 millions de NOK.

(18)

L'augmentation des coûts était due en grande partie à la décision de Finnfjord d'axer exclusivement le projet sur la production d'électricité à partir de vapeur (sans récupération de la vapeur industrielle), grâce à l'acquisition d'une turbine à vapeur plus puissante. Celle-ci a été commandée le 7 janvier 2011. Un contrat juridiquement contraignant a été conclu le 23 février 2011 pour l'acquisition de la turbine. Par lettre datée du 16 février 2011, Finnfjord a informé Enova qu'elle avait commandé la turbine la plus puissante, qui assurerait une production d'énergie électrique annuelle de 344,5 GWh. Cette production d'énergie électrique plus élevée était donc proche de la production totale estimée d'électricité et de vapeur de 349 GWh. Sur cette base, Finnfjord a demandé que la production de vapeur soit exclue du projet subventionné. Par lettre datée du 17 février 2011, Enova a approuvé la modification du projet.

(19)

Tout au long de la phase de mise en œuvre du projet, Finnfjord a fourni des rapports d'avancement à Enova. Dans son rapport daté du 30 avril 2012, elle a fait état de nouveaux coûts supplémentaires liés au bâtiment hébergeant la turbine, aux conduites de vapeur et de condensation et aux caniveaux. Ces coûts supplémentaires s'élevaient à environ 5 millions de NOK. Finnfjord s'efforçait toujours de maintenir les coûts totaux du projet en deçà de l'estimation de 700 millions de NOK.

(20)

Dans son rapport d'avancement daté du 29 juin 2012, le coût total estimé était maintenu à 700 millions de NOK. Cependant, dès cette époque, on estimait que les coûts du projet connaîtraient une hausse supplémentaire de [5-10] millions de NOK. Le conseil d'administration de Finnfjord a discuté de cette augmentation au cours d'une réunion qui s'est tenue le 19 juin 2012. Les autorités norvégiennes n'ont pas expliqué pourquoi l'augmentation globale de [10-15] millions de NOK ([…]) n'a pas donné lieu à un ajustement du coût total prévisionnel de 700 millions de NOK dans le rapport d'avancement du 29 juin 2012.

(21)

Les autorités norvégiennes ont déclaré qu'au cours du printemps 2012, Finnfjord avait engagé des discussions informelles avec Enova afin d'obtenir une nouvelle aide destinée à couvrir les coûts additionnels du projet. Le 5 juillet 2012, à la suite de contacts informels, Finnfjord a officiellement demandé une aide supplémentaire à Enova. À cette époque, elle avait révisé son estimation des coûts globaux du projet, qui était passée à [730-760] millions de NOK.

(22)

Les renseignements fournis à l'Autorité indiquent que Finnfjord, se basant sur une révision du budget finalisée le 31 juillet 2012, était parvenue à la conclusion que le projet entraînerait des coûts supplémentaires et que son coût total estimé se situait désormais entre [740] millions de NOK et [environ 800] millions de NOK. Ces coûts additionnels étaient liés à l'adaptation de machines existantes, de trois fours existants et des conduits de fumée, aux installations du bâtiment hébergeant la turbine et d'autres bâtiments, à des déficits de production plus longs que prévus et à la finalisation des travaux et des installations. Finnfjord a sollicité une aide supplémentaire d'Enova afin d'assurer que le projet serait conforme à ses exigences internes de rentabilité. L'entreprise a détaillé les causes des surcoûts dans son rapport d'avancement du 12 septembre 2012.

(23)

Au début du mois d'août 2012, Finnfjord a eu des discussions informelles avec Enova sur un éventuel report des travaux concernant le troisième four et sur leur classification en tant que projet séparé, dans le but de demander une aide supplémentaire à Enova puisqu'il s'agirait alors d'un projet nouveau.

(24)

Par lettre datée du 20 août 2012, Enova a rejeté cette demande d'aide.

(25)

Lorsque le conseil d'administration de Finnfjord s'est réuni le 25 septembre 2012, le coût total prévisionnel avait été fixé à [environ 800] millions de NOK. Lors de cette réunion, le conseil d'administration a envisagé trois scénarios:

i)

mener le projet à son terme en finançant les surcoûts sur la trésorerie générale de l'entreprise;

ii)

reporter les travaux concernant le troisième four en en faisant un projet séparé et en demandant une aide supplémentaire à Enova;

iii)

obtenir un financement supplémentaire d'un montant de [80-95] millions de NOK de la part d'Enova (aide), de SNN (prêt) et d'IN (prêt et aide) pour mener le projet à bien.

(26)

Le conseil d'administration a opté pour la troisième solution.

(27)

IN a fourni à l'Autorité un extrait du procès-verbal de la réunion du conseil d'administration se rapportant à la troisième option. En ce qui concerne les demandes d'aide supplémentaire adressées à Enova et à IN, l'extrait indique ce qui suit:

«Les subventions/prêts éventuels d'Enova et d'[IN] seront directement utilisés pour réduire le prêt de trésorerie demandé [à SNN]» (25).

(28)

D'après IN, le conseil d'administration a estimé que le premier scénario signifierait en substance que le projet serait financé aux dépens des créanciers de Finnfjord, ce qui n'était pas conseillé d'un point de vue juridique et ne constituait pas une solution viable à long terme. Toujours selon IN, le conseil d'administration a jugé que la deuxième option n'était pas viable non plus, estimant que le report des travaux sur le troisième four aurait un coût prohibitif.

(29)

Dans leurs observations relatives à la décision de l'Autorité d'ouvrir la procédure formelle d'examen, les autorités norvégiennes ont clarifié que le coût total final s'élevait à [environ 800] millions de NOK. Elles n'ont pas précisé à quel moment cette position avait été arrêtée.

9.   Aperçu des augmentations de coûts

Date, événement

Budget prévisionnel en millions de NOK

Budget initial tel que présenté dans la décision no 39/11/COL du 9 février 2011

511,66

7 février 2011, réunion du conseil d'administration de Finnfjord

[680-720]

5 juillet 2012, Finnfjord demande une aide supplémentaire à Enova

[730-760]

31 juillet 2012, révision du budget par Finnfjord

[740-790]

25 septembre 2012, réunion du conseil d'administration de Finnfjord

[740-790]

Coût total final

[environ 800]

10.   Aide octroyée par IN et enveloppe de [80-95] millions de NOK

(30)

Le 28 août 2012, Finnfjord a engagé un dialogue informel avec IN et SNN en vue d'obtenir les [80-95] millions de NOK nécessaires pour financer l'achèvement du projet.

(31)

Par lettre datée du 1er octobre 2012, Finnfjord a officiellement demandé des prêts supplémentaires à SNN. Le 11 octobre 2012, Finnfjord a sollicité des prêts et des subventions supplémentaires auprès d'IN, sans en préciser le montant.

(32)

Il apparaît qu'avant la mi-octobre 2012, SNN avait proposé à Finnfjord de lui accorder un prêt de [80-95] millions de NOK. Elle avait toutefois subordonné cette offre à une collatéralisation du prêt au détriment de la collatéralisation d'un prêt antérieur d'IN (26). IN n'a pas accepté cette solution. Finnfjord, SNN et IN ont négocié, à la place, le montage financier suivant, portant sur un montant de [80-95] millions de NOK:

i)

subvention d'IN d'un montant de 16 millions de NOK;

ii)

prêt à court terme d'IN, d'un montant de 18 millions de NOK, au taux de [5-9] % (ajustable en fonction de la politique d'IN en matière de prêts à risque), collatéralisé à rang égal (pari passu) avec un prêt antérieur d'IN d'un montant de 100 millions de NOK;

iii)

prêt à court terme de SNN, d'un montant de [45-60] millions de NOK, à un taux correspondant au NIBOR (27) à […] mois + [300-600] points de base, collatéralisé à rang égal (pari passu) avec un prêt antérieur de SNN d'un montant de [300-325] millions de NOK.

(33)

Le montage financier portant sur un montant de [80-95] millions de NOK a été mis au point et accepté par Finnfjord au moyen d'une convention de coordination complémentaire signée par SNN, IN et Finnfjord le 12 décembre 2012. Cette convention, qui visait à régir les relations entre les trois parties, couvrait l'accord de prêt entre Finnfjord et SNN daté du 12 décembre 2012 et l'accord de prêt entre Finnfjord et IN daté du 10 décembre 2012.

(34)

Tandis que les prêts d'IN et de SNN ont été versés, la subvention de 16 millions de NOK destinée à Finnfjord ne sera décaissée qu'avec l'accord de l'Autorité.

11.   Observations

11.1.    Observations soumises par les autorités norvégiennes en réponse à l'ouverture de la procédure formelle d'examen

(35)

IN souligne qu'au moment où elle a décidé d'octroyer la subvention de 16 millions de NOK sous certaines conditions, elle n'envisageait pas de prêter cette somme à Finnfjord parce que l'entreprise ne disposait pas des garanties suffisantes pour couvrir de nouveaux emprunts à hauteur de [80-95] millions de NOK.

(36)

Quant à la question de savoir pourquoi Finnfjord n'a pas demandé une aide supplémentaire à Enova en février 2011, IN explique qu'Enova avait unilatéralement réduit l'enveloppe de 200 millions de NOK et insisté sur le fait que l'octroi des 175 millions de NOK représentait une intensité d'aide exceptionnellement élevée, et qu'aucun autre projet ne pouvait espérer bénéficier d'un soutien comparable. C'est pourquoi Finnfjord avait estimé qu'une demande d'aide complémentaire n'aboutirait pas. L'entreprise a toutefois changé d'avis quand elle a été informée de la décision d'Enova d'attribuer une aide de 350 millions de NOK à un projet presque identique réalisé par Elkem AS (28).

(37)

IN a présenté une feuille de calcul révisée tenant compte des commentaires formulés par l'Autorité dans la décision d'ouvrir la procédure formelle d'examen. Sur la base d'un coût final du projet d'[environ 800] millions de NOK, d'une durée de vie du projet de 15 ans et d'une hausse progressive vérifiée de la production d'électricité au cours des trois premières années jusqu'à une capacité annuelle maximale de 344,5 GWh (données basées sur le modèle d'Enova), le taux de rendement sans l'aide de 16 millions de NOK est établi à [environ 9] %. Avec l'aide, le taux de rendement serait d'[environ 11] %. IN fait valoir que le projet n'est donc pas rentable, étant donné que la politique générale de Finnfjord en matière d'investissements exige un taux de rendement de l'ordre de [10 à 20] % pour des investissements ne concernant pas les activités principales de l'entreprise.

(38)

IN souligne que Finnfjord a fondé sa décision de poursuivre le projet sur ses propres calculs internes, qui diffèrent de ceux présentés ci-dessus (basés sur le modèle d'Enova). Elle fait remarquer que les calculs internes de Finnfjord ne lui ont pas été communiqués. Enfin, IN fait observer que les apparentes divergences de vues entre IN et Enova sont très probablement dues aux différences entre les règles et pratiques internes des deux entités.

11.2.    Observations de tiers communiquées par Finnfjord en réponse à la publication de la décision d'ouvrir la procédure formelle d'examen

(39)

Finnfjord pointe ce qu'elle considère comme une contradiction apparente dans la décision de l'Autorité, à savoir le fait que, d'un côté, cette dernière n'exclut pas catégoriquement que l'aide puisse avoir un effet d'incitation dans la présente affaire, mais que, dans le même temps, elle pose la question de savoir si Finnfjord a envisagé d'arrêter, de réduire ou de suspendre le projet. Finnfjord souligne que s'il est vrai que jusqu'à sa réunion du 25 septembre 2012, son conseil d'administration a eu l'ambition d'aller jusqu'au bout du projet, cela ne devrait pas être interprété comme l'expression d'une volonté ou d'une capacité de le mener à terme à tout prix. Selon l'entreprise, les faits et chiffres communiqués à l'Autorité démontrent clairement que Finnfjord n'aurait pas été en mesure d'assumer les coûts liés à l'achèvement du projet sans un financement complémentaire. Finnfjord ne pouvait offrir aucune garantie supplémentaire et n'aurait donc pu obtenir aucun autre prêt. Elle rejette, par conséquent, le présupposé de l'Autorité selon lequel l'aide serait considérée comme un élément bienvenu, mais non absolument nécessaire, dans le montage financier.

(40)

Tout comme IN, Finnfjord souligne que la réduction de l'aide d'Enova de 200 à 175 millions de NOK a constitué une décision unilatérale du conseil d'administration d'Enova. Elle met en avant ce qu'elle considère comme des incohérences dans les déclarations d'Enova sur l'effet incitatif d'une aide supplémentaire au projet, et souligne que les avis apparemment contradictoires d'Enova et d'IN sur l'effet d'incitation de l'aide sont sans incidence puisque la politique d'Enova est plus restrictive que ce que permettent les lignes directrices concernant les aides à la protection de l'environnement (les «LDAE») (29).

(41)

S'agissant de l'appréciation de la question de savoir si l'aide est l'instrument le plus adapté, Finnfjord semble rejeter l'idée que cette évaluation doive se faire sur la base des circonstances propres à l'espèce et renvoie à la décision no 39/11/COL, dans laquelle l'Autorité a estimé que l'aide initiale d'un montant de 175 millions de NOK était un instrument approprié pour susciter l'investissement dans le projet avant la mise en œuvre de celui-ci.

(42)

En ce qui concerne la question de la proportionnalité, l'entreprise souligne que le projet est devenu plus de deux fois plus coûteux que prévu initialement. Le taux de rendement de 12,35 % se situait à l'extrémité inférieure de la fourchette de rentabilité exigée par Finnfjord. Finnfjord explique que le taux de rendement actualisé d'[environ 9] %, sans la subvention de 16 millions de NOK, est bien inférieur à ce qu'elle aurait accepté «si elle avait pu agir selon son propre gré». Selon elle, même le taux de rendement d'[environ 11] %, avec la subvention de 16 millions de NOK, est plutôt modeste. Finnfjord considère l'octroi de l'aide comme une répartition raisonnable de la charge entre IN et SNN et souligne que la part du capital emprunté dans le projet a sensiblement augmenté. L'entreprise est seule à assumer le risque de défaut. À son avis, il est donc clair que l'aide n'entraîne aucune surcompensation.

(43)

Finnfjord considère qu'une aide supplémentaire de la part d'IN ne portera pas atteinte au mécanisme de concurrence dans le cadre du régime du Fonds pour l'énergie. Elle souligne que ledit mécanisme se borne à éviter que les projets les moins efficients ne bénéficient d'une aide lorsque les montants demandés dépassent le budget du régime. L'entreprise invite l'Autorité à examiner la question de savoir si une primauté du mécanisme de concurrence au titre du régime du Fonds pour l'énergie pourrait interférer avec le droit des autorités norvégiennes d'organiser leur gestion des fonds publics. Dans ce contexte, Finnfjord déclare qu'elle doute que l'Autorité dispose, au-delà des règles sur le cumul, d'une base juridique valable l'autorisant à veiller à ce que des aides individuelles n'interfèrent pas avec le fonctionnement d'un régime d'aides. Elle explique enfin que l'aide notifiée est octroyée de manière ouverte et transparente.

11.3.    Deuxième série d'observations de tiers communiquées par Finnfjord

(44)

Au cours de la procédure formelle d'examen, l'Autorité a reçu une deuxième série d'observations de tiers de la part de Finnfjord, dans lesquelles celle-ci explique comment son manque de liquidités à l'automne 2012 aurait entraîné l'arrêt du projet en l'absence du montage financier complémentaire, lui-même déclenché par l'octroi de la subvention d'IN. Finnfjord renvoie à la décision de l'Autorité dans l'affaire Fonderie d'aluminium Helguvík  (30) pour justifier l'effet incitatif de l'aide accordée à Finnfjord.

(45)

L'entreprise fournit des déclarations de SNN, du comptable de Finnfjord et de son président comme preuves de la nécessité de l'aide. Elle fournit en outre une feuille de calcul présentant un calcul actualisé de la valeur actuelle nette du projet (vérifié par IN), qui fait état d'un [rendement légèrement négatif de] % en cas d'octroi de l'aide. Finnfjord invoque la pratique de l'Autorité et de la Commission (31) dans des affaires où, face à des coûts imprévus dans le cadre de projets innovants, l'octroi de subventions exprimées non pas sous forme de montants fixes mais en tant que pourcentage d'un coût total inconnu a été jugé compatible avec le fonctionnement des règles relatives aux aides d'État.

(46)

À la demande de l'Autorité, Finnfjord a par la suite fourni des copies des deux accords de financement conclus par SNN, IN et Finnfjord le 14 juin 2011 et le 12 décembre 2012, ainsi que des documents attestant l'absence de sûretés non nanties.

11.4.    Réponse des autorités norvégiennes aux observations de tiers

(47)

Les autorités norvégiennes ont soumis des commentaires en réponse aux deux séries d'observations de tiers communiquées par Finnfjord. Elles partagent le point de vue de Finnfjord et ont clarifié des points factuels mineurs concernant la source de financement de la subvention de 16 millions de NOK proposée. Étant donné que la mise à disposition des fonds provenant des différentes sources concernées se fait de manière uniforme, ces précisions ne se sont pas avérées essentielles pour l'appréciation de la mesure en cause par l'Autorité.

II.   APPRÉCIATION

1.   Existence d'une aide d'État

(48)

L'article 61, paragraphe 1, de l'accord EEE est libellé comme suit:

«Sauf dérogations prévues par le présent accord sont incompatibles avec le fonctionnement du présent accord, dans la mesure où elles affectent les échanges entre les parties contractantes, les aides accordées par les États membres de la CE ou par les États de l'AELE ou accordées au moyen de ressources d'État, sous quelque forme que ce soit, qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions.»

(49)

Cela signifie qu'une mesure constitue une aide d'État au sens de l'article 61, paragraphe 1, de l'accord EEE si les conditions suivantes sont cumulativement remplies: i) la mesure est accordée par l'État ou au moyen de ressources d'État; ii) elle confère un avantage économique sélectif au bénéficiaire; iii) elle est susceptible d'avoir une incidence sur les échanges entre les parties contractantes et de fausser la concurrence.

(50)

La mesure d'aide doit être octroyée par l'État ou au moyen de ressources d'État. Dans ce contexte, il convient de rappeler qu'IN est une entité publique. Les subventions qu'elle accorde sont financées par l'État norvégien. La mesure notifiée est donc financée par des ressources d'État et transférable à Finnfjord sous le contrôle d'une entité publique contrôlée par l'État. L'Autorité estime par conséquent que des ressources d'État sont en jeu.

(51)

Pour constituer une aide d'État, la mesure notifiée doit procurer à Finnfjord des avantages qui allègent les charges grevant normalement son budget. Elle doit en outre être sélective en ce qu'elle favorise «certaines entreprises ou certaines productions». La subvention directe de 16 millions de NOK constitue un transfert de liquidités dont Finnfjord n'aurait pas bénéficié dans le cours normal de ses activités. La subvention proposée est exclusivement destinée à Finnfjord. C'est pourquoi l'Autorité conclut que cette subvention directe procure un avantage économique sélectif à Finnfjord.

(52)

Pour être qualifiée d'aide au sens de l'article 61, paragraphe 1, de l'accord EEE, la mesure doit être susceptible de fausser la concurrence et d'affecter les échanges entre les parties audit accord. Selon une jurisprudence constante, le simple fait qu'une mesure renforce la position d'une entreprise par rapport à d'autres entreprises concurrentes dans les échanges intra-EEE est considéré comme suffisant pour conclure que la mesure est susceptible d'affecter les échanges entre les parties contractantes et de fausser la concurrence entre les entreprises établies dans d'autres États de l'EEE (32). Finnfjord produit du ferrosilicium et de la microsilice, qu'elle vend sur le marché européen (33). L'Autorité conclut donc que l'aide affecte les échanges entre les parties contractantes à l'accord EEE et fausse la concurrence au sein de l'EEE, étant donné que le bénéficiaire opère dans un secteur dans lequel il existe des échanges entre les parties contractantes.

(53)

Sur la base des constatations ci-dessus, l'Autorité conclut que la mesure notifiée consistant en une subvention directe de 16 millions de NOK octroyée par IN à Finnfjord constitue une aide d'État au sens de l'article 61, paragraphe 1, de l'accord EEE.

2.   Exigences procédurales

(54)

L'article 1er, paragraphe 3, de la partie I du protocole 3 dispose que «[l']Autorité de surveillance AELE est informée, en temps utile pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides […]. L'État intéressé ne peut mettre à exécution les mesures projetées, avant que cette procédure ait abouti à une décision finale».

(55)

Par lettre datée du 26 juin 2013, les autorités norvégiennes ont notifié la mesure d'aide d'un montant de 16 millions de NOK. L'aide a été octroyée à titre conditionnel, sous réserve d'approbation par l'Autorité, et n'a donc pas été décaissée.

(56)

Eu égard aux informations fournies, il apparaît que l'aide a été octroyée sur la base d'un régime qui n'avait pas été notifié à l'Autorité parce que les autorités norvégiennes considéraient qu'il était couvert par le règlement général d'exemption par catégorie («RGEC») (34). Les subventions d'Enova et d'IN représentent des aides à l'investissement octroyées à une même entreprise, pour un même projet d'investissement. C'est pourquoi les autorités norvégiennes ont pensé que l'aide à Finnfjord devait être notifiée à titre individuel, dans la mesure où, cumulée avec celle d'Enova, elle dépassait le seuil au-delà duquel les aides individuelles sont soumises à l'obligation de notification (35).

(57)

Compte tenu de ce qui précède, l'Autorité conclut que les autorités norvégiennes ont respecté leurs obligations en vertu de l'article 1er, paragraphe 3, de la partie I du protocole 3.

3.   Compatibilité — Base juridique

(58)

IN fait valoir que l'aide octroyée à Finnfjord est compatible avec l'article 61, paragraphe 3, point c), de l'accord EEE en tant qu'aide à la protection de l'environnement, et souligne qu'il ne s'agit pas d'une forme d'aide au sauvetage.

(59)

Aux termes de l'article 61, paragraphe 3, point c), de l'accord EEE, «les aides destinées à faciliter le développement de certaines activités économiques ou de certaines régions économiques» peuvent être jugées compatibles avec le fonctionnement de l'accord EEE quand elles n'affectent pas les conditions des échanges et la concurrence au sein de l'EEE dans une mesure contraire à l'intérêt commun.

(60)

Par sa décision no 39/11/COL, l'Autorité a approuvé l'aide initiale du régime du Fonds pour l'énergie au projet de récupération d'énergie de Finnfjord, après avoir procédé à un examen détaillé de cette aide conformément au chapitre 5 des LDAE. L'Autorité a conclu que l'aide d'Enova objet de la notification contribuait à la protection de l'environnement en incitant Finnfjord à la mise en œuvre d'une mesure d'économie d'énergie qu'elle n'aurait pas réalisée sans cette aide.

(61)

Le 16 juillet 2014, après avoir ouvert la procédure formelle d'examen, l'Autorité a adopté un nouvel ensemble de lignes directrices concernant les aides d'État à la protection de l'environnement et à l'énergie pour la période 2014-2020 (les «LDAEE») (36), qui ont remplacé les LDAE (37). Elle applique les LDAEE à partir de la date de leur adoption (38), y compris aux aides individuelles notifiées avant ladite date d'adoption, lorsqu'elle est appelée à prendre une décision postérieure à celle-ci (39).

(62)

L'Autorité a approuvé l'aide d'Enova en tant que mesure d'économie d'énergie. Les LDAEE ne contiennent aucun point relatif aux économies d'énergie; en revanche, un point sur l'efficacité énergétique leur a été adjoint (40). L'Autorité évalue la compatibilité de l'aide notifiée sur la base des dispositions des LDAEE relatives à l'efficacité énergétique.

(63)

L'Autorité fait observer que son appréciation de la compatibilité de la mesure notifiée en l'espèce n'aurait pas été sensiblement différente si elle avait appliqué les LDAE. Pour le prouver, elle expose ci-après les principes pertinents respectifs des LDAE et des LDAEE.

4.   Portée de la procédure formelle d'examen

(64)

Dans la décision d'ouvrir la procédure formelle d'examen, l'Autorité, évaluant la mesure notifiée à la lumière des LDAE alors applicables, a souligné qu'étant donné qu'elle avait déjà évalué la compatibilité de l'aide octroyée par Enova au projet de récupération d'énergie de Finnfjord, elle n'avait aucun doute sur le fait qu'en raison de son montant relativement peu élevé par rapport à l'aide initiale, l'aide supplémentaire visait à remédier à une défaillance du marché. En outre, supposant que l'aide aurait un effet incitatif et qu'elle serait nécessaire, l'Autorité était convaincue que les distorsions de concurrence et l'incidence sur les échanges seraient limitées, de sorte que le bilan global serait positif. Ces aspects ne seront donc pas traités ici.

(65)

L'évaluation ci-après vise à déterminer si l'aide notifiée a un effet incitatif et si elle est nécessaire.

5.   Appréciation de la compatibilité

5.1.    L'aide n'a pas d'effet incitatif et n'est pas nécessaire

(66)

Conformément aux LDAEE (41), pour être compatible avec le fonctionnement de l'accord EEE, une aide doit produire un effet incitatif. La question de savoir si l'aide notifiée est nécessaire pour produire un réel effet d'incitation à procéder à des investissements qui, en son absence, ne seraient pas effectués est un élément crucial dans l'évaluation de la compatibilité. Il convient de vérifier si l'aide est nécessaire pour produire un effet incitatif sur l'investissement, c'est-à-dire si elle contribue effectivement à modifier le comportement du bénéficiaire de telle sorte que le niveau de protection de l'environnement s'en trouve accru (42).

(67)

En règle générale, l'Autorité considère qu'il n'existe aucun effet incitatif lorsque le projet a démarré avant la présentation, par le bénéficiaire, d'une demande tendant à l'octroi de l'aide (43). Étant donné que la présente affaire concerne l'octroi d'une aide complémentaire pour couvrir les surcoûts d'un projet en cours, l'Autorité ne peut pas présumer l'existence d'un effet incitatif pour des demandes d'aide soumises avant le début des travaux. En février 2011, Finnfjord a engagé le projet de 700 millions de NOK sur la base d'une aide de 175 millions de NOK.

(68)

Toutefois, l'Autorité n'exclut pas qu'une aide ait un effet incitatif pour un projet qui a déjà commencé lorsque l'octroi de cette aide garantit indubitablement l'achèvement de projets qui n'auraient pas été achevés dans le cas contraire ou l'ajout de mesures de protection de l'environnement qui n'auraient pas été réalisées dans le cas contraire (44). Lorsque l'effet incitatif est évalué sous cet angle, la situation contrefactuelle, c'est-à-dire le scénario dans lequel l'entreprise ne recevrait pas d'aide, doit être examinée de près.

(69)

L'entreprise a achevé le projet en octobre 2012, sans que l'aide ait été décaissée. Sur la base des informations et des pièces fournies, l'Autorité ne pense pas que Finnfjord ait réellement envisagé de mettre fin au projet, d'en réduire la portée ou de le suspendre entre février 2011 et son achèvement en octobre 2012. Plus précisément, et à la lumière des conclusions de la réunion du conseil d'administration du 25 septembre 2012, il apparaît que l'entreprise, étant donné le coût prohibitif du projet, n'a pas envisagé sérieusement de l'arrêter ou de l'ajourner, en tout ou en partie, ou encore de réduire sa portée. Le procès-verbal de la réunion du conseil d'administration du 25 septembre 2012 indique que Finnfjord entendait solliciter un prêt supplémentaire de la part de SNN et une aide supplémentaire de la part d'Enova et d'IN, et que toute aide éventuelle serait utilisée directement pour réduire le prêt que Finnfjord chercherait à obtenir de la part de SNN.

(70)

On peut considérer que les observations de l'entreprise sur la décision de l'Autorité d'ouvrir la procédure formelle d'examen étayent cette conclusion. Bien que l'entreprise fasse référence au fait qu'elle avait besoin d'un financement supplémentaire de [80-95] millions de NOK et semble dire que la situation dans laquelle elle se trouvait implique qu'elle envisageait d'abandonner le projet, cet argument est contredit par d'autres déclarations où elle indique qu'elle n'agissait pas selon «son propre gré» (voir le considérant 42 ci-dessus) et, surtout, par le fait que Finnfjord a achevé le projet sans que l'aide ait été versée.

(71)

Si l'entreprise estimait qu'elle n'avait pas d'autre choix que de poursuivre le projet, l'aide n'aurait pas eu d'effet incitatif sur elle puisqu'elle aurait mené le projet à bien avec ou sans elle. En d'autres termes, dans le scénario contrefactuel, Finnfjord aurait achevé le projet sans retard et sans en réduire la portée, même sans l'aide.

(72)

L'Autorité n'est pas convaincue par l'argument selon lequel l'aide aurait été le déclencheur du montage financier portant sur un montant de [80-95] millions de NOK et aurait en particulier été nécessaire à l'obtention du prêt de [45-60] millions de NOK de la part de SNN. Même si le prêt de SNN est assorti de la condition que l'aide de 16 millions de NOK soit accordée par IN, les fonds (tant de SNN que d'IN) ont été mis à disposition sans que l'Autorité ait préalablement approuvé l'aide supplémentaire, ce qui démontre bien que les prêts et l'octroi de l'aide étaient dissociables. Un prêteur qui aurait subordonné tout financement ultérieur au décaissement effectif de l'aide aurait attendu le feu vert de l'Autorité avant de débourser des crédits supplémentaires si le montage financier en avait dépendu. En outre, les informations fournies à l'Autorité n'indiquent pas que Finnfjord aurait immédiatement dû rembourser les prêts si l'Autorité n'avait pas approuvé l'aide.

(73)

Pour être compatible avec le fonctionnement de l'accord EEE, l'aide doit être nécessaire. Elle ne doit pas servir à subventionner les coûts d'une activité que l'entreprise aurait de toute façon supportés, ni à compenser le risque commercial normal inhérent à une activité économique (45). Toutefois, il est envisageable qu'une aide destinée à couvrir des coûts supplémentaires générés par des facteurs externes imprévisibles, qui ne peuvent être considérés comme faisant partie du risque commercial normal inhérent à l'activité économique en question, soit jugée compatible avec le fonctionnement de l'accord EEE (46).

(74)

L'Autorité note qu'en février 2011, quand Finnfjord a été confrontée à l'augmentation des coûts de 511,66 millions de NOK à 700 millions de NOK, elle a décidé de poursuivre l'exécution du projet sans solliciter d'aide supplémentaire. L'augmentation pertinente aux fins du présent examen est donc celle de [80-95] millions de NOK (lorsque les coûts sont passés de 700 millions de NOK à [environ 800] millions de NOK), ce qui représente une hausse d'environ […] %.

(75)

D'après les informations fournies, évoquées au considérant 22 ci-dessus, ces coûts additionnels étaient liés à l'adaptation de machines existantes, de trois fours existants et des conduits de fumée, aux installations dans le bâtiment de la turbine et dans d'autres bâtiments, à des déficits de production plus longs que prévus et à la finalisation des travaux et des installations. Il s'agit là d'augmentations de coûts auxquelles une entreprise devrait normalement s'attendre lorsqu'elle planifie ce genre de projet, et qui relèvent du risque commercial normal inhérent à l'activité économique en question. Elles ne peuvent pas être imputées à des facteurs externes et ne paraissent pas imprévisibles par nature. C'est pourquoi la présente affaire peut être distinguée de celle de la Fonderie d'aluminium Helguvík  (47) invoquée par Finnfjord. Dans cette dernière, le bénéficiaire de l'aide se heurtait à des difficultés pour obtenir un financement au cours de la crise financière exceptionnelle qui a touché l'Islande en 2008, une circonstance qui peut à juste titre être considérée comme un facteur externe imprévisible. Sur la base de ce qui précède, l'Autorité considère qu'avec l'aide notifiée, les autorités norvégiennes proposent de compenser le risque commercial normal du projet dans lequel Finnfjord s'est engagée.

(76)

L'Autorité reconnaît que les résultats de son évaluation auraient pu être différents si les autorités norvégiennes, au lieu de proposer le versement de deux montants d'aide fixes (un premier montant provenant d'Enova puis un deuxième provenant d'IN), avaient octroyé une aide couvrant un certain pourcentage des coûts éligibles du projet. Ce serait notamment le cas si l'ampleur des coûts additionnels imprévisibles était importante et liée au fait que le projet est novateur et que les coûts sont donc, de par leur nature, difficiles à estimer à l'avance. Cette hypothèse ne se vérifie toutefois pas dans la situation soumise à l'appréciation de l'Autorité en l'espèce.

(77)

L'Autorité souligne qu'il incombe aux autorités norvégiennes de démontrer que les conditions de la dérogation prévue à l'article 61, paragraphe 1, de l'accord EEE sont remplies (48). Les faits et arguments présentés par les autorités norvégiennes (et par Finnfjord) ne l'ont pas convaincue que l'aide notifiée par IN a un effet incitatif ou qu'elle est nécessaire.

(78)

Eu égard à ce qui précède, l'Autorité est parvenue à la conclusion que l'aide notifiée octroyée par IN à Finnfjord n'a pas d'effet incitatif et qu'elle n'est pas nécessaire. Étant donné que, pour ce seul motif, l'aide n'est pas compatible avec le fonctionnement de l'accord EEE, l'Autorité n'en évaluera ni le caractère approprié, ni la proportionnalité.

6.   Conclusion: l'aide n'est pas compatible

(79)

Sur la base des informations fournies par les autorités norvégiennes, l'Autorité conclut que le projet d'octroi par IN d'une subvention en espèces de 16 millions de NOK en faveur de Finnfjord constitue une aide d'État au sens de l'article 61, paragraphe 1, de l'accord EEE.

(80)

L'Autorité conclut que cette aide n'est pas compatible avec le fonctionnement de l'accord EEE. Par conséquent, les autorités norvégiennes ne sont pas autorisées à la mettre en œuvre.

(81)

L'Autorité invite les autorités norvégiennes à transmettre sans délai une copie de la présente décision à Finnfjord,

A ADOPTÉ LA PRÉSENTE DÉCISION:

Article 1er

1.   La subvention directe de 16 millions de NOK en faveur de Finnfjord notifiée par les autorités norvégiennes le 26 juin 2013 est incompatible avec le fonctionnement de l'accord EEE.

2.   Par conséquent, elle ne peut pas être mise en œuvre.

3.   La procédure formelle d'examen est close.

Article 2

Le Royaume de Norvège est destinataire de la présente décision.

Article 3

Le texte en langue anglaise de la présente décision est le seul faisant foi.

Fait à Bruxelles, le 8 avril 2015.

Par l'Autorité de surveillance AELE

Oda Helen SLETNES

Présidente

Helga JÓNSDÓTTIR

Membre du Collège


(*)  Les informations couvertes par le secret professionnel ont été supprimées de la présente version non confidentielle de la décision. Les passages supprimés sont indiqués par des crochets ([…]). Lorsqu'une donnée chiffrée a été supprimée, une fourchette à l'intérieur de laquelle elle se situe a été fournie, s'il y a lieu.

(1)  JO C 278 du 22.9.2011, p. 6, et supplément EEE no 51 du 22.9.2011, p. 1.

(2)  Faits nos 676810, 676812, 676814 à 676816, 676819, 676822, 676823, 676825 à 676827, 676829 et 676832 à 676834.

(3)  Fait no 677212.

(4)  Faits nos 680603 à 680605 et 680866 à 680868.

(5)  Fait no 681073.

(6)  Faits nos 683806, 683807, 683809, 683810, 683813, 683814, 683817 et 683819.

(7)  Fait no 686086.

(8)  Fait no 700230.

(9)  JO C 108 du 10.4.2014, p. 2, et supplément EEE no 22 du 10.4.2014, p. 19.

(10)  Lettre de Finnfjord, non datée, enregistrée par l'Autorité le 16 avril 2014 (fait no 705906).

(11)  Fait no 708022.

(12)  Fait no 710453.

(13)  Faits nos 723413 à 723421 et 723424.

(14)  Fait no 725001.

(15)  Faits nos 726975 à 726980 et 726985.

(16)  Fait no 726981.

(17)  Fait no 729928.

(18)  LOV 2003-12-19-130 Lov om Innovasjon Norge.

(19)  En norvégien: Statsforetak. Enova est organisée conformément à la loi no 71 du 30 août 1991 sur les entreprises publiques.

(20)  Décision de l'Autorité de surveillance de l'AELE no 125/06/COL du 3 mai 2006 relative au Fonds norvégien pour l'énergie (Norvège) (JO L 189 du 17.7.2008, p. 36, et supplément EEE no 43 du 17.7.2008, p. 1).

(21)  JO C 314 du 27.10.2011, p. 4, et supplément EEE no 58 du 27.10.2011, p. 2.

(22)  La procédure d'appel à manifestation d'intérêt au titre du régime du Fonds pour l'énergie est décrite aux considérants 27 à 36 de la décision de l'Autorité no 248/11/COL (précitée).

(23)  Voir la décision de l'Autorité no 248/11/COL (précitée), considérant 37.

(24)  Disponible sur le site web de Finnfjord: http://www.finnfjord.no/weve_got_the_power

(25)  Lettre des autorités norvégiennes datée du 18 septembre 2013 (fait no 683806). Traduction par l'Autorité: «Eventuelle tilskudd/lån fra Enova og Innovasjon Norge, vil gå til direkte reduksjon av omsøkte likviditetslån

(26)  Selon IN: «Quand Finnfjord […] a demandé un financement de [80-95] millions de NOK, [SNN] avait déjà approuvé un prêt du même montant, qui était toutefois assorti de conditions de garantie inacceptables pour [IN]» (lettre d'IN à l'Autorité, datée du 18 septembre 2013, p. 12).

(27)  Taux interbancaire norvégien.

(28)  L'Autorité a approuvé cette aide par la décision no 304/13/COL (JO C 330 du 14.11.2013, p. 7, et supplément EEE no 63 du 14.11.2013, p. 5).

(29)  JO L 144 du 10.6.2010, p. 1, et supplément EEE no 29 du 10.6.2010, p. 1.

(30)  Décision no 344/09/COL, Fonderie d'aluminium Helguvík (JO C 294 du 3.12.2009, p. 17, et supplément EEE no 64 du 3.12.2009, p. 10).

(31)  Voir, entre autres, la décision de l'Autorité no 503/08/COL, Test Centre Mongstad (JO C 297 du 20.11.2008, p. 11, et supplément EEE no 69 du 20.11.2008, p. 2) et la décision de la Commission dans l'affaire N 117/2007, Décontamination du site «Neue Maxhütte Stahlwerke GmbH» par «57 Profi-Start GmbH» (JO C 275 du 16.11.2007, p. 2).

(32)  Affaire E-6/98, Norvège/Autorité de surveillance AELE, rapport 1999 de la Cour AELE, p. 76, point 59; affaire no 730/79, Philip Morris/Commission, EU:C:1980:209, point 11, où il est dit que «[l]orsqu'une aide financière accordée par l'État renforce la position d'une entreprise par rapport à d'autres entreprises concurrentes dans les échanges intracommunautaires, ces derniers doivent être considérés comme influencés par l'aide».

(33)  Comme indiqué dans la décision de l'Autorité no 39/11/COL (citée ci-dessus).

(34)  Règlement (CE) no 800/2008 de la Commission du 6 août 2008 déclarant certaines catégories d'aide compatibles avec le marché commun en application des articles 87 et 88 du traité (règlement général d'exemption par catégorie) (JO L 214 du 9.8.2008, p. 3), intégré au point 1 j de l'annexe XV de l'accord EEE.

Voir l'article 6, paragraphe 1, point b), en liaison avec l'article 7, paragraphe 1, du RGEC alors en vigueur.

L'article 6, paragraphe 1, point b), est ainsi libellé: «Le présent règlement ne s'applique pas aux aides individuelles, accordées sur une base ad hoc ou au titre d'un régime, dont l'équivalent-subvention brut est supérieur aux seuils suivants: […] b) aides à l'investissement pour la protection de l'environnement: 7,5 millions d'euros par entreprise et par projet d'investissement;».

(35)  L'article 7, paragraphe 1, dispose ce qui suit: «Afin de déterminer si les seuils de notification individuels fixés à l'article 6 et les intensités d'aide maximales fixées au chapitre II sont respectés, il convient de tenir compte du montant total d'aides publiques accordées en faveur de l'activité ou du projet considéré, que ces aides proviennent de sources locales, régionales, nationales ou communautaires.»

(36)  Non encore publiées au JO ou dans le supplément EEE, mais disponibles sur le site web de l'Autorité: http://www.eftasurv.int/state-aid/legal-framework/state-aid-guidelines/

(37)  Point 237 des LDAEE.

(38)  Point 237 des LDAEE.

(39)  Point 238 des LDAEE. L'Autorité précise qu'elle appliquera les LDAE aux aides accordées au titre de régimes d'aides approuvés lorsqu'elle sera appelée à prendre une décision après l'entrée en vigueur des LDAEE. En l'espèce, l'Autorité considère toutefois que l'aide notifiée n'est pas octroyée au titre d'un régime d'aides approuvé par elle.

(40)  Au point 14(2) des LDAEE, l'«efficacité énergétique» est définie comme la quantité d'énergie économisée, déterminée en mesurant et/ou en estimant la consommation avant et après la mise en œuvre d'une mesure visant à améliorer l'efficacité énergétique, les conditions externes qui ont une incidence sur la consommation d'énergie faisant l'objet d'une normalisation.

(41)  Points 139 et 44 des LDAEE. Voir également les points 171 à 173 et 27 à 29 des LDAE.

(42)  Point 44 des LDAEE. Voir également le point 142 des LDAE.

(43)  Point 45 des LDAEE. Voir également le point 143 des LDAE.

(44)  Affaire T-162/06, Kronoply/Commission, EU:T:2009:2, point 85. Confirmé sur pourvoi dans l'affaire C-117/09 P, Kronoply/Commission, EU:C:2010:370.

(45)  Point 44 des LDAEE.

(46)  Affaire T-162/06, Kronoply/Commission, EU:T:2009:2, point 88.

(47)  Précitée.

(48)  Affaire C-106/09 P, Commission/Government of Gibraltar et Royaume-Uni, EU:C:2011:732, point 147. Affaire C-372/97, Italie/Commission, EU:C:2004:234, point 81. Affaire C-364/90, Italie/Commission, EU:C:1993:157, point 20. Affaire T-68/03, Olympiaki Aeroporia Ypiresies AE/Commission, EU:T:2007:253, point 34.


Top