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Document 32014L0104

Directive 2014/104/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 novembre 2014 relative à certaines règles régissant les actions en dommages et intérêts en droit national pour les infractions aux dispositions du droit de la concurrence des États membres et de l'Union européenne Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE

JO L 349 du 5.12.2014, p. 1–19 (BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, HR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV)

Legal status of the document In force

ELI: http://data.europa.eu/eli/dir/2014/104/oj

5.12.2014   

FR

Journal officiel de l'Union européenne

L 349/1


DIRECTIVE 2014/104/UE DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL

du 26 novembre 2014

relative à certaines règles régissant les actions en dommages et intérêts en droit national pour les infractions aux dispositions du droit de la concurrence des États membres et de l'Union européenne

(Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE)

LE PARLEMENT EUROPÉEN ET LE CONSEIL DE L'UNION EUROPÉENNE,

vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, et notamment ses articles 103 et 114,

vu la proposition de la Commission européenne,

après transmission du projet d'acte législatif aux parlements nationaux,

vu l'avis du Comité économique et social européen (1),

statuant conformément à la procédure législative ordinaire (2),

considérant ce qui suit:

(1)

Les articles 101 et 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne relèvent de l'ordre public et il y a lieu de pourvoir à leur application effective dans l'ensemble de l'Union, afin d'éviter que la concurrence ne soit faussée sur le marché intérieur.

(2)

La mise en œuvre des articles 101 et 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne par la sphère publique est assurée par la Commission grâce aux pouvoirs que lui confère le règlement (CE) no 1/2003 du Conseil (3). Lors de l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne le 1er décembre 2009, les articles 81 et 82 du traité instituant la Communauté européenne sont devenus les articles 101 et 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, et ils restent identiques en substance. La mise en œuvre des règles par la sphère publique est également assurée par les autorités nationales de concurrence, qui peuvent adopter les décisions énumérées à l'article 5 du règlement (CE) no 1/2003. Conformément à ce règlement, les États membres devraient être en mesure de désigner des autorités aussi bien administratives que judiciaires chargées d'appliquer les articles 101 et 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne en tant qu'autorités agissant dans l'intérêt public et d'assurer les différentes fonctions conférées par ledit règlement aux autorités de concurrence.

(3)

Les articles 101 et 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne produisent des effets directs dans les relations entre les particuliers et créent, pour les personnes concernées, des droits et des obligations au respect desquels les juridictions nationales sont tenues de veiller. Celles-ci ont donc un rôle d'égale importance à jouer dans l'application des règles de concurrence (mise en œuvre du droit sur l'initiative de la sphère privée). Lorsqu'elles statuent sur des litiges entre particuliers, elles préservent les droits subjectifs garantis par le droit de l'Union, notamment en accordant des dommages et intérêts aux victimes d'infractions. Afin de garantir la pleine effectivité des articles 101 et 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et, notamment, l'effet utile des interdictions qu'ils prévoient, il est indispensable que toute personne, qu'il s'agisse d'un consommateur ou d'une entreprise, ou toute autorité publique puisse demander réparation du préjudice causé par une infraction à ces dispositions devant les juridictions nationales. Le droit à réparation conféré par le droit de l'Union s'applique de la même façon aux infractions aux articles 101 et 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne commises par des entreprises publiques et des entreprises auxquelles les États membres accordent des droits spéciaux ou exclusifs au sens de l'article 106 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

(4)

Le droit, inscrit dans le droit de l'Union, à réparation d'un préjudice résultant d'infractions au droit de la concurrence de l'Union et au droit national de la concurrence exige de chaque État membre qu'il dispose de règles procédurales garantissant l'exercice effectif de ce droit. La nécessité de moyens de recours procéduraux effectifs découle également du droit à une protection juridictionnelle effective prévu à l'article 19, paragraphe 1, deuxième alinéa, du traité sur l'Union européenne et à l'article 47, premier alinéa, de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Les États membres devraient assurer une protection juridique effective dans les domaines couverts par le droit de l'Union.

(5)

Les actions en dommages et intérêts ne sont qu'un élément parmi d'autres d'un système efficace de sanction des infractions au droit de la concurrence sur l'initiative de la sphère privée, et d'autres voies de recours s'y ajoutent, telles que le règlement consensuel des litiges et les décisions de mise en œuvre par la sphère publique qui encouragent les parties à assurer une réparation.

(6)

Pour garantir des actions de mise en œuvre effective sur l'initiative de la sphère privée en vertu du droit civil et une mise en œuvre effective par la sphère publique à travers les autorités de concurrence, il est nécessaire que ces deux outils interagissent afin d'assurer une efficacité maximale des règles de concurrence. Il est nécessaire de régler la coordination de ces deux formes de mise en œuvre de façon cohérente, par exemple en ce qui concerne les modalités d'accès aux documents en possession des autorités de concurrence. Cette coordination au niveau de l'Union permettra également d'éviter toute divergence entre les règles applicables, laquelle pourrait compromettre le bon fonctionnement du marché intérieur.

(7)

Conformément à l'article 26, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, le marché intérieur comporte un espace sans frontières intérieures dans lequel la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux est assurée. Il existe des différences marquées entre les États membres en ce qui concerne les règles régissant les actions en dommages et intérêts pour infraction au droit de la concurrence de l'Union ou au droit national de la concurrence. Ces différences génèrent une incertitude quant aux conditions dans lesquelles les parties lésées peuvent exercer le droit à réparation que leur confère le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, et portent atteinte à l'effectivité substantielle de ce droit. Étant donné que les parties lésées se tournent souvent vers les juridictions de l'État membre dans lequel elles sont établies pour réclamer des dommages et intérêts, les divergences entre règles nationales entraînent une situation d'inégalité en matière d'actions en dommages et intérêts et peuvent donc nuire à la concurrence sur les marchés où ces parties lésées, ainsi que les entreprises contrevenantes, exercent leurs activités.

(8)

Les entreprises établies et actives dans différents États membres sont soumises à des règles procédurales divergentes qui ont une grande influence sur la mesure dans laquelle la responsabilité pour une infraction au droit de la concurrence peut leur être imputée. Cette mise en œuvre inégale du droit à réparation garanti par le droit de l'Union est susceptible non seulement de conférer un avantage concurrentiel à certaines entreprises qui ont enfreint l'article 101 ou 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, mais aussi de décourager, dans les États membres où le droit à réparation est mis en œuvre de manière plus effective, l'exercice du droit d'établissement et du droit de fournir des biens ou des services. Étant donné que les différences entre les régimes de responsabilité applicables dans les États membres peuvent nuire à la fois à la concurrence et au bon fonctionnement du marché intérieur, il y a lieu de choisir une double base juridique pour la présente directive, à savoir les articles 103 et 114 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

(9)

Sachant que les infractions à grande échelle au droit de la concurrence présentent souvent un élément transfrontalier, il est nécessaire de veiller à ce que les entreprises exerçant leurs activités dans le marché intérieur bénéficient de conditions plus équitables et à ce que les consommateurs puissent exercer les droits que leur confère le marché intérieur dans de meilleures conditions. Il convient d'accroître la sécurité juridique et de réduire les différences entre les États membres en ce qui concerne les règles nationales régissant les actions en dommages et intérêts pour infraction à la fois au droit de la concurrence de l'Union et au droit national de la concurrence lorsque celui-ci s'applique en parallèle au droit de la concurrence de l'Union. Un rapprochement de ces règles contribuera à empêcher l'accroissement des disparités entre les règles des États membres régissant les actions en dommages et intérêts dans les affaires de concurrence.

(10)

L'article 3, paragraphe 1, du règlement (CE) no 1/2003 dispose que, «lorsque les autorités de concurrence des États membres ou les juridictions nationales appliquent le droit national de la concurrence à des accords, des décisions d'associations d'entreprises ou des pratiques concertées au sens de l'article [101, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne] susceptibles d'affecter le commerce entre États membres au sens de cette disposition, elles appliquent également l'article [101 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne] à ces accords, décisions ou pratiques concertées. Lorsque les autorités de concurrence des États membres ou les juridictions nationales appliquent le droit national de la concurrence à une pratique abusive interdite par l'article [102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne], elles appliquent également l'article [102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne]». Pour garantir le bon fonctionnement du marché intérieur et, en particulier, une plus grande sécurité juridique et des conditions plus équitables pour les entreprises et les consommateurs, il convient d'étendre le champ d'application de la présente directive aux actions en dommages et intérêts pour infraction au droit national de la concurrence lorsque celui-ci s'applique en vertu de l'article 3, paragraphe 1, du règlement (CE) no 1/2003. L'application de règles divergentes en matière de responsabilité civile pour les infractions à l'article 101 ou 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et pour les infractions aux règles du droit national de la concurrence, lequel doit s'appliquer dans les mêmes affaires parallèlement au droit de la concurrence de l'Union, nuirait à la position des demandeurs dans ladite affaire et à l'étendue de leur demande, et constituerait un obstacle au bon fonctionnement du marché intérieur. La présente directive ne devrait pas porter atteinte aux actions en dommages et intérêts dans le cas d'infractions au droit national de la concurrence qui n'affectent pas le commerce entre États membres au sens de l'article 101 ou 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

(11)

En l'absence de dispositions dans le droit de l'Union, les actions en dommages et intérêts sont régies par les règles et procédures nationales des États membres. Selon la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (ci-après dénommée «Cour de justice»), toute personne est en droit de demander réparation d'un préjudice subi lorsqu'il existe un lien de causalité entre ledit préjudice et une infraction au droit de la concurrence. Toutes les règles nationales régissant l'exercice du droit à réparation du préjudice causé par une infraction à l'article 101 ou 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, y compris celles concernant des aspects non traités dans la présente directive, tels que la notion de lien de causalité entre l'infraction et le préjudice, doivent respecter les principes d'effectivité et d'équivalence. Cela signifie qu'elles ne devraient pas être formulées ni appliquées de façon telle que l'exercice du droit à réparation garanti par le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne en deviendrait excessivement difficile ou pratiquement impossible, ou qu'elles ne devraient pas être formulées ni appliquées de manière moins favorable que celles applicables à des actions nationales analogues. Lorsque les États membres prévoient, dans leur droit national, d'autres conditions applicables à la réparation, par exemple l'imputabilité, l'adéquation ou la culpabilité, ils devraient pouvoir maintenir de telles conditions, dès lors qu'elles sont conformes à la jurisprudence de la Cour de justice, aux principes d'effectivité et d'équivalence ainsi qu'à la présente directive.

(12)

La présente directive réaffirme l'acquis communautaire en matière de droit à réparation du préjudice causé par les infractions au droit de la concurrence de l'Union, conféré par le droit de l'Union, en particulier en ce qui concerne la qualité pour agir et la définition du dommage, tel qu'il a été affirmé dans la jurisprudence de la Cour de justice, et ne préjuge pas de son évolution future. Toute personne ayant subi un préjudice causé par une telle infraction peut demander réparation du dommage réel (damnum emergens) et du manque à gagner (lucrum cessans), ainsi que le paiement d'intérêts, que ces catégories soient établies séparément ou conjointement dans le droit national. Le paiement des intérêts est une composante essentielle de l'indemnisation visant à réparer les dommages subis en tenant compte de l'écoulement du temps, et il devrait être dû depuis le moment où le préjudice est survenu jusqu'à celui où les dommages et intérêts sont versés, sans préjudice de la qualification de ces intérêts en intérêts compensatoires ou en intérêts moratoires dans le cadre du droit national, et sans préjudice de la question de savoir si l'écoulement du temps est pris en compte en tant que catégorie séparée (intérêts) ou en tant que partie intégrante du dommage réel ou du manque à gagner. Il appartient aux États membres d'établir les règles applicables à cet effet.

(13)

Le droit à réparation est reconnu à toute personne physique ou morale — consommateurs, entreprises et autorités publiques, sans distinction —, indépendamment de l'existence d'une relation contractuelle directe avec l'entreprise qui a commis l'infraction, et qu'il y ait eu ou non constatation préalable d'une infraction par une autorité de concurrence. La présente directive ne devrait pas exiger des États membres qu'ils mettent en place des mécanismes de recours collectif aux fins de la mise en œuvre des articles 101 et 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Sans préjudice de la réparation de la perte d'une chance, la réparation intégrale dans le cadre de la présente directive ne devrait pas aboutir à une réparation excessive, que ce soit à travers des dommages et intérêts punitifs, multiples ou autres.

(14)

Les actions en dommages et intérêts pour infraction au droit de la concurrence de l'Union ou au droit national de la concurrence requièrent habituellement une analyse factuelle et économique complexe. Dans bien des cas, les preuves nécessaires pour démontrer le bien-fondé d'une demande de dommages et intérêts sont détenues exclusivement par la partie adverse ou des tiers et ne sont pas suffisamment connues du demandeur, ou celui-ci n'y a pas accès. Dans ces circonstances, des exigences juridiques strictes faisant obligation aux demandeurs d'exposer précisément tous les faits de l'affaire au début de l'instance et de produire des éléments de preuve bien précis à l'appui de leur demande peuvent indûment empêcher l'exercice effectif du droit à réparation garanti par le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

(15)

Les preuves constituent un élément important lorsqu'il s'agit d'engager une action en dommages et intérêts pour infraction au droit national de la concurrence ou à celui de l'Union. Cependant, les litiges ayant trait au droit de la concurrence se caractérisant par une asymétrie de l'information, il y a lieu de veiller à ce que les demandeurs disposent du droit d'obtenir la production des preuves qui se rapportent à leur demande, sans avoir à désigner des éléments de preuve précis. Afin de garantir l'égalité des armes entre les parties à une action en dommages et intérêts, ces moyens devraient aussi être accessibles aux défendeurs dans les actions en dommages et intérêts, de sorte qu'ils puissent demander aux demandeurs de produire des preuves. Les juridictions nationales devraient également pouvoir ordonner la production d'éléments de preuve par des tiers, y compris des autorités publiques. Lorsqu'une juridiction nationale souhaite enjoindre à la Commission de produire des preuves, le principe, figurant à l'article 4, paragraphe 3, du traité sur l'Union européenne, de coopération loyale entre l'Union et les États membres, et l'article 15, paragraphe 1, du règlement (CE) no 1/2003 en ce qui concerne les demandes d'informations s'appliquent. Lorsque les juridictions nationales ordonnent aux autorités publiques de produire des preuves, les principes de la coopération juridique et administrative en vertu du droit de l'Union ou du droit national s'appliquent.

(16)

Les juridictions nationales devraient pouvoir, sous leur contrôle strict, surtout en ce qui concerne la nécessité et la proportionnalité des mesures de production de preuves, ordonner la production d'éléments de preuve bien précis ou de catégories de preuves à la demande d'une partie. Il découle de l'exigence de proportionnalité qu'une production de preuves ne peut être ordonnée que lorsque le demandeur a, sur la base de données factuelles raisonnablement disponibles pour ledit demandeur, allégué de manière plausible qu'il a subi un préjudice causé par le défendeur. Lorsqu'une demande de production de preuves vise à obtenir une catégorie de preuves, cette catégorie devrait être identifiée par référence à des caractéristiques communes de ses éléments constitutifs tels que la nature, l'objet ou le contenu des documents dont la production est demandée, à la période durant laquelle ils ont été établis, ou à d'autres critères, pour autant que les preuves relevant de cette catégorie soient pertinentes au sens de la présente directive. Ces catégories devraient être définies de manière aussi précise et étroite que possible sur la base des données factuelles raisonnablement disponibles.

(17)

Lorsque la juridiction d'un État membre demande à la juridiction compétente d'un autre État membre de procéder à un acte d'instruction ou demande à ce qu'il soit procédé directement à un acte d'instruction dans un autre État membre, les dispositions du règlement (CE) no 1206/2001 du Conseil (4) s'appliquent.

(18)

Si les preuves pertinentes contenant des secrets d'affaires ou d'autres informations confidentielles devraient, en principe, pouvoir être utilisées dans les actions en dommages et intérêts, il convient toutefois de protéger ces informations confidentielles de manière appropriée. Les juridictions nationales devraient dès lors disposer d'une série de mesures pour protéger ces informations confidentielles contre toute divulgation au cours de la procédure. Ces mesures pourraient inclure la possibilité d'apporter des modifications aux passages sensibles dans les documents, de conduire des audiences à huis clos, de limiter les personnes autorisées à prendre connaissance des preuves et de faire injonction à des experts de produire des résumés des informations sous une forme globale ou sous une autre forme non confidentielle. Les mesures prises pour protéger les secrets d'affaires et les autres informations confidentielles ne devraient toutefois pas entraver l'exercice du droit à réparation.

(19)

La présente directive ne porte atteinte ni à la possibilité de former un recours contre les injonctions de production de preuves dans le cadre du droit des États membres, ni aux conditions dans lesquelles ces recours peuvent être formés.

(20)

Le règlement (CE) no 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil (5) régit l'accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission, et il vise à conférer au public un droit d'accès aux documents de ces institutions qui soit le plus large possible. Ce droit est toutefois soumis à certaines limites fondées sur des raisons d'intérêt public ou privé. Il en découle que le régime des exceptions prévu à l'article 4 dudit règlement est fondé sur une mise en balance des intérêts qui s'opposent dans une situation donnée, à savoir, d'une part, les intérêts qui seraient favorisés par la production des documents concernés et, d'autre part, ceux qui seraient menacés par ladite production. La présente directive devrait s'entendre sans préjudice de ces règles et pratiques prévues par le règlement (CE) no 1049/2001.

(21)

L'application effective et cohérente des articles 101 et 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne par la Commission et les autorités nationales de concurrence nécessite une approche commune au sein de l'Union en ce qui concerne la production de preuves contenues dans le dossier d'une autorité de concurrence. La production des preuves ne devrait pas entraver indûment la mise en œuvre effective du droit de la concurrence par une autorité de concurrence. La présente directive ne couvre pas la production de documents internes des autorités de concurrence, ni la correspondance échangée entre celles-ci.

(22)

Aux fins d'assurer une protection effective du droit à réparation, il n'est pas nécessaire que chaque document afférent à des procédures relevant de l'article 101 ou 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne soit communiqué à un demandeur au seul motif que ce dernier envisage d'introduire une action en dommages et intérêts, étant donné qu'il est très peu probable que l'action en dommages et intérêts doive se fonder sur l'intégralité des éléments de preuve figurant dans le dossier afférent à cette procédure.

(23)

L'exigence de proportionnalité devrait faire l'objet d'une évaluation attentive lorsque la production de documents risque de mettre à mal la stratégie d'enquête d'une autorité de concurrence en révélant les documents qui font partie de son dossier ou risque de nuire à la manière dont les entreprises coopèrent avec les autorités de concurrence. Il convient de veiller en particulier à prévenir la «pêche aux informations», c'est-à-dire les demandes non spécifiques ou trop vastes d'informations qui sont peu susceptibles d'être pertinentes pour les parties à la procédure. Les demandes de production de documents ne devraient dès lors pas être considérées comme proportionnées lorsqu'elles font référence à une production générale des documents figurant dans le dossier d'une autorité de concurrence concernant une affaire donnée, ou à une production générale des documents soumis par une partie dans le cadre d'une affaire donnée. De telles demandes visant à obtenir une production aussi large ne seraient pas compatibles avec l'obligation faite à la partie demanderesse de mentionner les éléments de preuve ou les catégories de preuves de manière aussi précise et étroite que possible.

(24)

La présente directive ne porte pas atteinte au droit des juridictions de tenir compte, dans le cadre du droit de l'Union ou du droit national, de l'intérêt d'une mise en œuvre effective du droit de la concurrence par la sphère publique lorsqu'elles ordonnent la production de tout élément de preuve à l'exception des déclarations en vue d'obtenir la clémence et des propositions de transaction.

(25)

Il convient de prévoir une dérogation en ce qui concerne toute production de documents qui, si elle était accordée, aurait pour effet d'empiéter indûment sur une enquête en cours menée par une autorité de concurrence au sujet d'une infraction au droit de la concurrence de l'Union ou au droit national de la concurrence. En conséquence, les informations préparées par une autorité de concurrence au cours de la procédure engagée en vue de l'application du droit de la concurrence de l'Union ou du droit national de la concurrence et adressées aux parties à cette procédure (par exemple, une «communication des griefs») ou préparées par une partie à celle-ci (par exemple, une réponse à une demande d'informations de l'autorité de concurrence ou des déclarations de témoins) ne devraient pouvoir être divulguées dans le cadre d'une action en dommages et intérêts qu'une fois que l'autorité de concurrence a clos sa procédure, en adoptant par exemple une décision au titre de l'article 5 ou du chapitre III du règlement (CE) no 1/2003, à l'exception des décisions portant sur des mesures provisoires.

(26)

Les programmes de clémence et les procédures de transaction sont des outils importants pour la mise en œuvre du droit de la concurrence de l'Union par la sphère publique, étant donné qu'ils permettent de détecter les infractions les plus graves au droit de la concurrence, de les poursuivre efficacement et de les sanctionner. En outre, étant donné que de nombreuses décisions des autorités de concurrence dans des affaires d'entente reposent sur des demandes de clémence, et que les actions en dommages et intérêts dans les affaires d'entente sont généralement des actions de suivi de ces décisions, les programmes de clémence sont également importants pour l'efficacité des actions en dommages et intérêts dans les affaires d'entente. Les entreprises pourraient être dissuadées de coopérer avec les autorités de concurrence dans le cadre de programmes de clémence et de procédures de transaction si des déclarations auto-incriminantes telles que des déclarations en vue d'obtenir la clémence et des propositions de transaction, produites aux seules fins de la coopération avec les autorités de concurrence, devaient être divulguées. Une telle divulgation ferait courir le risque d'engager la responsabilité civile ou pénale des entreprises ou de leur personnel dirigeant qui coopèrent dans des conditions plus désavantageuses que celles des coauteurs de l'infraction qui ne coopèrent pas avec les autorités de concurrence. Afin que les entreprises continuent d'être disposées à présenter spontanément aux autorités de concurrence des déclarations en vue d'obtenir la clémence ou des propositions de transaction, ces documents devraient être exemptés de la production des preuves. Cette dérogation devrait également s'appliquer aux citations littérales de déclarations effectuées en vue d'obtenir la clémence ou de propositions de transaction comprises dans d'autres documents. Ces restrictions applicables à la production des preuves ne devraient pas empêcher les autorités de concurrence de publier leurs décisions conformément au droit de l'Union ou au droit national applicable. Afin de garantir que cette exemption n'empiète pas indûment sur le droit à réparation des parties lésées, elle devrait être limitée à ces déclarations en vue d'obtenir la clémence et ces propositions de transaction spontanées et auto-incriminantes.

(27)

Les règles de la présente directive relatives à la production de documents autres que les déclarations effectuées en vue d'obtenir la clémence et les propositions de transaction garantissent que les parties lésées disposent de suffisamment d'alternatives pour avoir accès aux preuves pertinentes nécessaires pour préparer leurs actions en dommages et intérêts. Les juridictions nationales devraient pouvoir, sur requête d'un demandeur, avoir elles-mêmes accès à des documents à l'égard desquels l'exemption est invoquée afin de vérifier si le contenu de ceux-ci sort du cadre des définitions des déclarations effectuées en vue d'obtenir la clémence et des propositions de transaction établies par la présente directive. Tout contenu sortant du cadre de ces définitions devrait pouvoir être divulgué dans le respect des conditions pertinentes.

(28)

Les juridictions nationales devraient pouvoir ordonner à tout moment, dans le cadre d'une action en dommages et intérêts, la production des preuves existant indépendamment de la procédure engagée par une autorité de concurrence (ci-après dénommées «informations préexistantes»).

(29)

La production de preuves de la part d'une autorité de concurrence devrait être ordonnée uniquement lorsque ces preuves ne peuvent être raisonnablement obtenues d'une autre partie ou d'un tiers.

(30)

En vertu de l'article 15, paragraphe 3, du règlement (CE) no 1/2003, les autorités de concurrence, agissant de leur propre initiative, peuvent soumettre des observations écrites aux juridictions nationales au sujet de l'application de l'article 101 ou 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Afin de préserver la contribution qu'apporte la mise en œuvre par la sphère publique à l'application de ces articles, les autorités de concurrence devraient pouvoir de la même façon, agissant de leur propre initiative, soumettre leurs observations à une juridiction nationale aux fins de l'évaluation de la proportionnalité d'une production de preuves contenues dans les dossiers des autorités, compte tenu de l'incidence qu'une telle production de preuves aurait sur la mise en œuvre effective du droit de la concurrence par la sphère publique. Les États membres devraient pouvoir créer un système prévoyant qu'une autorité de concurrence est informée des demandes de production d'informations lorsque la personne qui introduit une telle demande ou à qui une telle demande est adressée est concernée par l'enquête de l'autorité de concurrence portant sur l'infraction présumée, sans préjudice du droit national prévoyant des procédures non contradictoires.

(31)

Toute personne physique ou morale qui obtient des preuves en accédant au dossier d'une autorité de concurrence devrait pouvoir utiliser ces preuves aux fins d'une action en dommages et intérêts à laquelle elle est partie. Une telle utilisation devrait également être autorisée pour toute personne physique ou morale qui lui a succédé dans ses droits et obligations, notamment par le rachat de sa demande. Lorsque les preuves ont été obtenues par une personne morale faisant partie d'un groupe d'entreprises constituant une seule entreprise aux fins de l'application des articles 101 et 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, d'autres personnes morales appartenant à la même entreprise devraient également pouvoir utiliser ces preuves.

(32)

Toutefois, l'utilisation des preuves obtenues grâce à l'accès au dossier d'une autorité de concurrence ne devrait pas nuire indûment à la mise en œuvre effective du droit de la concurrence par une autorité de concurrence. Afin de veiller à ne pas porter atteinte aux restrictions en matière de production de preuves prévues par la présente directive, l'utilisation des moyens de preuve visés aux considérants 24 et 25 qui sont obtenus uniquement grâce à l'accès au dossier d'une autorité de concurrence devrait être restreinte dans les mêmes circonstances. La restriction devrait prendre la forme de l'irrecevabilité des actions en dommages et intérêts ou la forme de toute autre protection au titre de la réglementation nationale applicable capable d'assurer le plein effet des restrictions à la production de ces éléments de preuves. Il convient en outre de prévoir que les preuves obtenues auprès d'une autorité de concurrence ne puissent pas servir de monnaie d'échange. En conséquence, la possibilité d'utiliser des preuves obtenues uniquement grâce à l'accès au dossier d'une autorité de concurrence devrait être limitée à la personne physique ou morale qui a initialement obtenu l'accès et à ses successeurs légaux. Cette restriction visant à éviter que les preuves obtenues ne servent de monnaie d'échange n'empêche toutefois pas la juridiction nationale d'ordonner la production de ces preuves dans les conditions prévues par la présente directive.

(33)

Le fait qu'une demande de dommages et intérêts soit introduite ou qu'une enquête soit ouverte par une autorité de concurrence comporte le risque que les personnes concernées détruisent ou dissimulent éventuellement des éléments de preuve qui seraient utiles aux parties lésées pour étayer leur demande de dommages et intérêts. Afin d'éviter toute destruction d'éléments de preuve pertinents et de faire en sorte que les intéressés se conforment aux injonctions de production de preuves, les juridictions nationales devraient pouvoir infliger des sanctions suffisamment dissuasives. Dans la mesure où les parties à la procédure sont concernées, le risque de voir tirer des conclusions défavorables dans le cadre d'une action en dommages et intérêts peut se révéler une sanction particulièrement efficace et permettre d'éviter des retards. Il convient aussi de prévoir des sanctions en cas de non-respect de l'obligation de protéger les informations confidentielles et d'utilisation abusive des informations obtenues à la faveur d'une mesure de production de preuves. De la même manière, il y a lieu de prévoir des sanctions en cas d'utilisation abusive, dans le cadre d'une action en dommages et intérêts, des informations obtenues grâce à l'accès au dossier d'une autorité de concurrence.

(34)

L'application effective et cohérente des articles 101 et 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne par la Commission et les autorités nationales de concurrence nécessite une approche commune au sein de l'Union en ce qui concerne l'effet des décisions définitives constatant une infraction rendues par les autorités nationales de concurrence sur les actions ultérieures en dommages et intérêts. De telles décisions ne sont adoptées qu'après que la Commission a été informée de la décision envisagée ou, en l'absence de celle-ci, de tout autre document exposant l'orientation envisagée en vertu de l'article 11, paragraphe 4, du règlement (CE) no 1/2003, et si la Commission n'a pas dessaisi l'autorité nationale de concurrence de sa compétence en ouvrant une procédure en vertu de l'article 11, paragraphe 6, dudit règlement. La Commission devrait garantir une application uniforme du droit de la concurrence de l'Union en fournissant, bilatéralement et dans le cadre du réseau européen de la concurrence, des orientations aux autorités nationales de concurrence. Afin d'accroître la sécurité juridique, d'éviter toute incohérence dans l'application des articles 101 et 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de renforcer l'efficacité des actions en dommages et intérêts et les économies de procédure dans ce domaine, et de stimuler le fonctionnement du marché intérieur pour les entreprises et les consommateurs, la constatation d'une infraction à l'article 101 ou 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne dans une décision définitive d'une autorité nationale de concurrence ou d'une instance de recours ne devrait pas être de nouveau contestée lors d'actions en dommages et intérêts ultérieures. Dès lors, une telle constatation devrait être considérée comme établie de manière irréfragable dans le cadre d'actions en dommages et intérêts concernant ladite infraction intentées dans l'État membre de l'autorité de concurrence ou de l'instance de recours nationale. L'effet de la constatation ne devrait toutefois porter que sur la nature de l'infraction ainsi que sur sa portée matérielle, personnelle, temporelle et territoriale telle qu'elle a été déterminée par l'autorité de concurrence ou l'instance de recours dans l'exercice de sa compétence. Lorsqu'une décision a conclu à une infraction aux dispositions du droit national de la concurrence dans les cas où le droit de la concurrence de l'Union et le droit national de la concurrence s'appliquent en parallèle à la même affaire, ladite infraction devrait également être considérée comme établie de manière irréfragable.

(35)

Lorsqu'une action en dommages et intérêts est intentée dans un État membre autre que celui de l'autorité de concurrence ou de l'instance de recours nationale qui a constaté l'infraction à l'article 101 ou 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne visée par l'action, cette constatation devrait pouvoir être présentée dans une décision définitive prise par l'autorité de concurrence ou l'instance de recours nationale devant une juridiction nationale au moins en tant qu'élément de preuve attestant prima facie du fait qu'une infraction au droit de la concurrence a été commise. La constatation peut être évaluée, comme il convient, avec les autres éléments de preuve apportés par les parties. Les effets des décisions des autorités de concurrence et des instances de recours nationales constatant une infraction aux règles de concurrence sont sans préjudice des droits et obligations des juridictions nationales découlant de l'article 267 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

(36)

Les règles nationales concernant le début, la durée, la suspension ou l'interruption des délais de prescription ne devraient pas entraver indûment l'introduction des actions en dommages et intérêts. Cette exigence est particulièrement importante pour les actions qui se fondent sur la constatation d'une infraction par une autorité de concurrence ou une instance de recours. À cette fin, il devrait être possible d'intenter une action en dommages et intérêts après l'ouverture, par une autorité de concurrence, d'une procédure en vue de l'application du droit national de la concurrence et du droit de la concurrence de l'Union. Le délai de prescription ne devrait pas commencer à courir avant que l'infraction ne prenne fin ni avant que le demandeur ne prenne connaissance, ou ne puisse raisonnablement être supposé avoir connaissance, du comportement constituant l'infraction, du fait que l'infraction a causé un préjudice au demandeur et de l'identité de l'auteur de l'infraction. Les États membres devraient être en mesure de maintenir ou d'introduire des délais de prescription absolus qui soient d'application générale, pour autant que la durée de ces délais de prescription ne rende pas l'exercice du droit à réparation intégrale pratiquement impossible ou excessivement difficile.

(37)

Lorsque plusieurs entreprises enfreignent conjointement les règles de concurrence, par exemple dans le cas d'une entente, il convient de prévoir que ces coauteurs de l'infraction sont tenus solidairement pour responsables de l'intégralité du préjudice causé par l'infraction. Si l'un des coauteurs de l'infraction a contribué à la réparation dans une proportion plus importante que celle qui lui incombe, il devrait être en droit d'obtenir une contribution des autres coauteurs de l'infraction. La détermination de cette part correspondant à la responsabilité relative d'un auteur donné d'une infraction, de même que la définition des critères pertinents tels que le chiffre d'affaires, la part de marché ou le rôle joué dans l'entente, relèvent du droit national applicable, dans le respect des principes d'effectivité et d'équivalence.

(38)

Les entreprises qui coopèrent avec les autorités de concurrence dans le cadre d'un programme de clémence jouent un rôle essentiel dans la révélation des infractions commises sous la forme d'ententes secrètes et dans la cessation de ces infractions, et permettent ainsi souvent d'atténuer le préjudice qui aurait pu être causé si l'infraction s'était poursuivie. Il convient dès lors de prévoir que les entreprises qui ont obtenu une immunité d'amendes d'une autorité de concurrence dans le cadre d'un programme de clémence soient protégées contre une exposition injustifiée aux demandes de dommages et intérêts, en gardant à l'esprit que la décision de l'autorité de concurrence qui constate l'infraction peut devenir définitive pour le bénéficiaire d'une immunité avant que ce ne soit le cas pour les autres entreprises qui n'ont pas obtenu l'immunité, ce qui fait potentiellement du bénéficiaire d'une immunité la cible privilégiée du litige. Il convient donc que le bénéficiaire d'une immunité soit, en principe, déchargé de sa responsabilité solidaire en ce qui concerne l'intégralité du préjudice et que toute contribution dont il doit s'acquitter par rapport aux autres coauteurs de l'infraction n'excède pas le montant du préjudice causé à ses propres acheteurs directs ou indirects ou, dans le cas d'une entente en matière d'achat, à ses fournisseurs directs ou indirects. Dans la mesure où une entente a causé un préjudice à des parties autres que les clients ou les fournisseurs des auteurs de l'infraction, la contribution du bénéficiaire d'une immunité ne devrait pas excéder le montant correspondant à sa responsabilité relative dans le préjudice causé par l'entente. Cette part devrait être déterminée selon les mêmes règles que celles utilisées pour déterminer les contributions entre les auteurs de l'infraction. Le bénéficiaire d'une immunité ne devrait rester pleinement responsable à l'égard des parties lésées autres que ses acheteurs ou fournisseurs directs ou indirects que dans le cas où ces derniers sont incapables d'obtenir la réparation intégrale de leur préjudice auprès des autres auteurs de l'infraction.

(39)

Le préjudice sous la forme du dommage réel peut résulter de la différence entre le prix effectivement payé et celui qui l'aurait été en l'absence d'infraction. Lorsqu'une partie lésée a réduit sa perte subie en la répercutant, pour tout ou partie, sur ses propres acheteurs, la perte répercutée ne constitue plus un préjudice à indemniser pour la partie qui l'a répercutée. En conséquence, il convient, en principe, de permettre à l'auteur d'une infraction d'invoquer la répercussion du dommage réel comme moyen de défense contre une demande de dommages et intérêts. Il y a lieu de prévoir que l'auteur de l'infraction, dans la mesure où il invoque la répercussion du dommage réel comme moyen de défense, doit démontrer l'existence et l'ampleur de la répercussion du surcoût. Cette charge de la preuve ne devrait pas avoir d'incidence sur la possibilité qu'a l'auteur de l'infraction d'utiliser des preuves autres que celles en sa possession, telles que les preuves déjà acquises au cours de la procédure ou celles détenues par d'autres parties ou des tiers.

(40)

Dans les situations où la répercussion a entraîné une baisse des ventes et donc un préjudice sous la forme d'un manque à gagner, il ne devrait pas être porté atteinte au droit de demander réparation pour ce manque à gagner.

(41)

Selon les conditions dans lesquelles les entreprises exercent leurs activités, il peut être dans les usages commerciaux de répercuter les augmentations de prix en aval de la chaîne de distribution. Les consommateurs ou les entreprises sur lesquels le dommage réel a ainsi été répercuté sont victimes d'un préjudice causé par une infraction au droit de la concurrence de l'Union ou au droit national de la concurrence. Alors que ce préjudice devrait être indemnisé par l'auteur de l'infraction, il peut se révéler particulièrement difficile pour les consommateurs ou les entreprises qui n'ont pas effectué d'achats directement auprès de ce dernier de prouver l'étendue du préjudice subi. Lorsque l'existence d'une demande de dommages et intérêts ou le montant des dommages et intérêts à octroyer dépendent de l'existence d'une répercussion ou, le cas échéant, de l'ampleur de cette répercussion, sur l'acheteur indirect, d'un surcoût payé par l'acheteur direct de l'auteur de l'infraction, il convient, dès lors, de prévoir que l'acheteur indirect est considéré comme ayant apporté la preuve qu'un surcoût payé par cet acheteur direct a été répercuté à son niveau dès lors qu'il est en mesure de démontrer, prima facie, que cette répercussion a eu lieu. Cette présomption réfragable s'applique à moins que l'auteur de l'infraction ne puisse démontrer de façon crédible, à la satisfaction de la juridiction, que le dommage réel n'a pas été répercuté sur l'acheteur indirect ou ne l'a pas été entièrement. Il convient, en outre, de définir les conditions dans lesquelles l'acheteur indirect doit être considéré comme ayant établi une telle preuve prima facie. En ce qui concerne la quantification de cette répercussion, les juridictions nationales devraient avoir le pouvoir d'estimer la part du surcoût qui a été répercutée au niveau des acheteurs indirects dans des litiges pendants devant elles.

(42)

La Commission devrait publier à l'intention des juridictions nationales des orientations claires, simples et complètes sur la façon d'estimer la part du surcoût qui a été répercutée sur les acheteurs indirects.

(43)

Les infractions au droit de la concurrence portent souvent sur les conditions et le prix auxquels les biens et les services sont vendus et causent un surcoût, parmi d'autres préjudices, pour les clients des auteurs de l'infraction. L'infraction peut également concerner la fourniture de biens ou de services à l'auteur de l'infraction (par exemple dans le cas d'une entente entre acheteurs). En pareil cas, le dommage réel pourrait résulter d'un prix plus bas payé par les auteurs de l'infraction à leurs fournisseurs. La présente directive, et notamment les règles en matière de répercussion du surcoût, devraient s'appliquer en conséquence à ces affaires.

(44)

Les actions en dommages et intérêts peuvent être intentées tant par les parties qui ont acheté des biens ou des services à l'auteur de l'infraction que par les acheteurs plus en aval de la chaîne de distribution. Par souci de cohérence entre les décisions de justice résultant de procédures connexes, et pour éviter ainsi un préjudice causé par l'absence de réparation intégrale pour une infraction au droit de la concurrence de l'Union ou au droit national de la concurrence ou par le fait que l'auteur de l'infraction soit tenu de payer des dommages et intérêts pour réparer un préjudice qui n'a pas été subi, les juridictions nationales devraient avoir le pouvoir d'évaluer la part de tout surcoût subi par les acheteurs directs ou indirects dans les litiges pendants devant elles. Dans ce contexte, les juridictions nationales devraient pouvoir tenir dûment compte, par les moyens procéduraux ou matériels disponibles dans le droit de l'Union ou le droit national, de toute action connexe et de la décision qui en résulte, en particulier lorsque cette dernière conclut que la répercussion est établie. Les juridictions nationales devraient avoir à leur disposition des moyens procéduraux appropriés, tels que la jonction des demandes, afin de garantir que la réparation du dommage réel versée à tout niveau de la chaîne de distribution n'excède pas le préjudice causé par le surcoût à ce niveau. Ces moyens devraient également être disponibles dans les affaires transfrontalières. Cette possibilité de tenir dûment compte des décisions de justice ne devrait pas porter atteinte aux droits fondamentaux de la défense, ni aux droits à une réparation effective et à un procès équitable pour ceux qui n'étaient pas parties à cette procédure judiciaire, et ne devrait pas porter atteinte aux règles relatives à la force probante des décisions rendues dans ce cadre. Les actions pendantes devant les juridictions de différents États membres peuvent être considérées comme connexes au sens de l'article 30 du règlement (UE) no 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil (6). Aux termes de cet article, les juridictions nationales autres que la première juridiction saisie peuvent surseoir à statuer ou, dans certaines circonstances, se dessaisir de l'affaire. La présente directive s'entend sans préjudice des droits et obligations des juridictions nationales découlant dudit règlement.

(45)

Une partie lésée qui a prouvé qu'elle a subi un préjudice causé par une infraction au droit de la concurrence doit encore démontrer l'étendue de ce préjudice pour pouvoir obtenir des dommages et intérêts. La quantification du préjudice dans des affaires relevant du droit de la concurrence est un processus qui repose sur un grand nombre de données factuelles et qui peut nécessiter l'application de modèles économiques complexes. Ce processus est souvent très coûteux, et les demandeurs ont des difficultés à obtenir les données nécessaires pour étayer leurs demandes. La quantification du préjudice dans des affaires relevant du droit de la concurrence peut donc, en tant que telle, constituer un obstacle majeur à l'effectivité des demandes en réparation.

(46)

À défaut de règles de l'Union relatives à la quantification du préjudice causé par une infraction au droit de la concurrence, il appartient à l'ordre juridique interne de chaque État membre de déterminer ses propres règles en matière de quantification du préjudice, et il appartient aux États membres et aux juridictions nationales de déterminer les exigences auxquelles le demandeur doit satisfaire lorsqu'il apporte la preuve du montant du préjudice subi, les méthodes autorisées pour quantifier le montant et les conséquences de l'incapacité de respecter pleinement ces exigences. Les exigences du droit national relatives à la quantification du préjudice dans des affaires relevant du droit de la concurrence ne devraient cependant pas être moins favorables que celles qui régissent les actions nationales similaires (principe de l'équivalence), ni rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile l'exercice du droit, conféré par l'Union, à des dommages et intérêts (principe d'effectivité). Il convient de tenir compte de toute asymétrie de l'information entre les parties et du fait que la quantification du préjudice nécessite d'évaluer la manière dont aurait évolué le marché concerné en l'absence d'infraction. Cette évaluation suppose une comparaison avec une situation qui est hypothétique par définition et ne peut donc jamais être absolument exacte. Il convient donc de veiller à ce que les juridictions nationales aient le pouvoir d'évaluer le montant du préjudice causé par l'infraction au droit de la concurrence. Les États membres devraient veiller à ce que, lorsque la demande en est faite, les autorités nationales de concurrence fournissent des orientations concernant le quantum. En vue d'assurer la cohérence et la prévisibilité, la Commission devrait fournir des orientations générales au niveau de l'Union.

(47)

Pour remédier à l'asymétrie de l'information et à certaines difficultés liées à la quantification du préjudice dans des affaires relevant du droit de la concurrence, et pour garantir l'effectivité des actions en dommages et intérêts, il convient de présumer que les infractions sous forme d'entente causent un préjudice, en particulier en générant un effet sur les prix. En fonction des éléments factuels de l'affaire, les ententes entraînent une hausse des prix ou empêchent une baisse des prix qui se serait produite si l'entente n'avait pas existé. Cette présomption ne devrait pas porter sur le montant réel du préjudice. Les auteurs de l'infraction devraient avoir le droit de renverser la présomption. Il convient de limiter cette présomption réfragable aux ententes, compte tenu de leur nature secrète, qui accroît l'asymétrie de l'information et rend plus difficile pour les demandeurs l'obtention des preuves nécessaires pour démontrer l'existence d'un préjudice.

(48)

Il est souhaitable de parvenir à un règlement «une fois pour toutes» pour les défendeurs, afin de réduire l'incertitude pour les auteurs de l'infraction et les parties lésées. Dès lors, les auteurs de l'infraction et les parties lésées devraient être encouragés à se mettre d'accord sur la réparation du préjudice causé par une infraction au droit de la concurrence au moyen de mécanismes de règlement consensuel des litiges, tels que les règlements amiables (notamment ceux que le juge peut déclarer contraignants), l'arbitrage, la médiation ou la conciliation. Ce règlement consensuel des litiges devrait concerner le plus grand nombre de parties lésées et d'auteurs d'infractions possible d'un point de vue juridique. Les dispositions de la présente directive ayant trait au règlement consensuel des litiges visent dès lors à faciliter le recours à de tels mécanismes et à accroître leur efficacité.

(49)

Les délais de prescription applicables à l'introduction d'une action en dommages et intérêts pourraient être tels qu'ils empêchent les parties lésées et les auteurs d'infractions de disposer de suffisamment de temps pour arriver à un accord sur la réparation à verser. Pour permettre véritablement à toutes les parties d'entamer une procédure de règlement consensuel du litige avant d'intenter une action devant une juridiction nationale, les délais de prescription doivent être suspendus pendant la durée de la procédure de règlement consensuel du litige.

(50)

En outre, lorsque les parties décident d'entamer une procédure de règlement consensuel du litige après qu'une action en dommages et intérêts pour la même demande a été portée devant une juridiction nationale, cette juridiction devrait pouvoir suspendre la procédure pendante devant elle pendant la durée du processus de règlement consensuel du litige. Lorsqu'elle envisage de suspendre une procédure, la juridiction nationale devrait tenir compte des avantages que présente une procédure rapide.

(51)

Afin d'encourager les règlements consensuels, il y a lieu d'éviter que l'auteur d'une infraction qui paie des dommages et intérêts dans le cadre du règlement consensuel d'un litige puisse se retrouver, par rapport aux coauteurs de l'infraction, dans une situation plus désavantageuse qu'elle ne l'aurait été en l'absence de ce règlement consensuel. Une telle situation pourrait se produire si l'auteur d'une infraction partie à un règlement consensuel devait rester, même après ce règlement consensuel, solidairement responsable de l'intégralité du préjudice causé par l'infraction. En conséquence, l'auteur d'une infraction partie à un règlement consensuel ne devrait, en principe, pas payer de contribution aux coauteurs de l'infraction ne participant pas à ladite procédure lorsque ces derniers ont versé des dommages et intérêts à la partie lésée avec laquelle l'auteur de l'infraction premier cité avait déjà trouvé un accord au moyen d'un règlement consensuel. Cette règle a pour corollaire que le montant de la demande de la partie lésée devrait être diminué de la part de l'auteur de l'infraction partie au règlement consensuel dans le préjudice causé à la partie lésée, que le montant du règlement consensuel soit ou non équivalent à la part relative du coauteur de l'infraction partie au règlement consensuel dans le préjudice qu'il a causé à la partie lésée partie à ce règlement. Cette part relative devrait être déterminée selon les règles utilisées par ailleurs pour déterminer celle de chaque auteur de l'infraction. Sans une telle déduction, les auteurs de l'infraction qui ne sont pas parties au règlement consensuel seraient indûment pénalisés par un règlement consensuel auquel ils ne sont pas parties. Par dérogation, afin de garantir le droit à réparation intégrale, les coauteurs d'une infraction parties à un règlement consensuel devraient toutefois verser des dommages et intérêts lorsque c'est le seul moyen pour la partie lésée partie au règlement consensuel d'obtenir réparation pour le reliquat de la demande. Le reliquat de la demande correspond au montant de la demande de la partie lésée partie au règlement consensuel, diminué de la part du coauteur de l'infraction partie à ce même règlement dans le préjudice causé à la partie lésée partie à ce même règlement. Cette dernière possibilité consistant à demander des dommages et intérêts au coauteur de l'infraction partie au règlement consensuel existe, à moins que les modalités du règlement consensuel ne l'excluent expressément.

(52)

Il convient d'éviter les situations dans lesquelles les coauteurs de l'infraction parties à un règlement consensuel, par le versement d'une contribution aux coauteurs d'une infraction ne participant pas à ce règlement pour des dommages et intérêts qu'ils ont versés aux parties lésées, payent un montant total de la réparation qui soit supérieur à leur responsabilité relative dans le préjudice causé par l'infraction. Par conséquent, lorsqu'il est demandé aux coauteurs d'une infraction parties à un règlement consensuel de contribuer aux dommages et intérêts versés ultérieurement par les coauteurs de l'infraction qui ne sont pas parties à ce règlement aux parties lésées qui ne sont pas non plus parties à ce règlement, les juridictions nationales devraient tenir compte des dommages et intérêts déjà versés dans le cadre du règlement consensuel, en gardant à l'esprit que tous les coauteurs n'ont pas nécessairement joué un rôle égal dans l'ensemble de l'infraction, du point de vue matériel, temporel ou géographique.

(53)

La présente directive respecte les droits fondamentaux et observe les principes reconnus par la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

(54)

Étant donné que les objectifs de la présente directive, à savoir établir des règles concernant les actions en dommages et intérêts pour des infractions au droit de la concurrence de l'Union afin de donner plein effet aux articles 101 et 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et de garantir le bon fonctionnement du marché intérieur pour les entreprises et les consommateurs, ne peuvent pas être réalisés de manière suffisante par les États membres mais peuvent, en raison de la nécessité de pourvoir à l'application effective et cohérente des articles 101 et 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, l'être mieux au niveau de l'Union, celle-ci peut adopter des mesures, conformément au principe de subsidiarité consacré à l'article 5 du traité sur l'Union européenne. Conformément au principe de proportionnalité tel qu'énoncé audit article, la présente directive n'excède pas ce qui est nécessaire pour atteindre ces objectifs.

(55)

Conformément à la déclaration politique commune des États membres et de la Commission du 28 septembre 2011 sur les documents explicatifs (7), les États membres se sont engagés à joindre à la notification de leurs mesures de transposition, dans les cas où cela se justifie, un ou plusieurs documents expliquant le lien entre les éléments d'une directive et les parties correspondantes des instruments nationaux de transposition. En ce qui concerne la présente directive, le législateur estime que la transmission de ces documents est justifiée.

(56)

Il est opportun de prévoir des règles régissant l'application dans le temps de la présente directive,

ONT ADOPTÉ LA PRÉSENTE DIRECTIVE:

CHAPITRE I

OBJET, CHAMP D'APPLICATION ET DÉFINITIONS

Article premier

Objet et champ d'application

1.   La présente directive énonce certaines règles nécessaires pour faire en sorte que toute personne ayant subi un préjudice causé par une infraction au droit de la concurrence commise par une entreprise ou une association d'entreprises puisse exercer effectivement son droit de demander réparation intégrale de ce préjudice à ladite entreprise ou à ladite association. Elle établit des règles qui favorisent une concurrence non faussée sur le marché intérieur et qui suppriment les obstacles au bon fonctionnement de ce dernier, en garantissant une protection équivalente, dans toute l'Union, à toute personne ayant subi un tel préjudice.

2.   La présente directive fixe les règles coordonnant la mise en œuvre des règles de concurrence par les autorités de concurrence et la mise en œuvre de ces règles dans le cadre d'actions en dommages et intérêts intentées devant les juridictions nationales.

Article 2

Définitions

Aux fins de la présente directive, on entend par:

1)

«infraction au droit de la concurrence», une infraction à l'article 101 ou 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ou au droit national de la concurrence;

2)

«auteur de l'infraction», l'entreprise ou l'association d'entreprises ayant commis une infraction au droit de la concurrence;

3)

«droit national de la concurrence», les dispositions du droit national qui poursuivent principalement les mêmes objectifs que les articles 101 et 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et qui sont appliquées dans la même affaire et parallèlement au droit de la concurrence de l'Union en vertu de l'article 3, paragraphe 1, du règlement (CE) no 1/2003, à l'exclusion des dispositions de droit national qui imposent des sanctions pénales aux personnes physiques, sauf si lesdites sanctions pénales constituent le moyen d'assurer la mise en œuvre des règles de concurrence applicables aux entreprises;

4)

«action en dommages et intérêts», une action introduite en vertu du droit national par laquelle une juridiction nationale est saisie d'une demande de dommages et intérêts par une partie prétendument lésée, par une personne agissant au nom d'une ou de plusieurs parties prétendument lésées, lorsque cette possibilité est prévue par le droit de l'Union ou par le droit national, ou par une personne physique ou morale qui a succédé dans les droits de la partie prétendument lésée, y compris la personne qui a racheté la demande;

5)

«demande de dommages et intérêts», une demande de réparation pour le préjudice causé par une infraction au droit de la concurrence;

6)

«partie lésée», une personne ayant subi un préjudice causé par une infraction au droit de la concurrence;

7)

«autorité nationale de concurrence», une autorité compétente pour appliquer les articles 101 et 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, désignée par un État membre en vertu de l'article 35 du règlement (CE) no 1/2003;

8)

«autorité de concurrence», la Commission ou une autorité nationale de concurrence, ou les deux, selon le contexte;

9)

«juridiction nationale», toute juridiction d'un État membre au sens de l'article 267 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne;

10)

«instance de recours», une juridiction nationale habilitée à réexaminer, par les moyens de recours ordinaires, les décisions d'une autorité nationale de concurrence ou à réexaminer les jugements se prononçant sur ces décisions, que cette juridiction soit ou non compétente elle-même pour constater une infraction au droit de la concurrence;

11)

«décision constatant une infraction», une décision d'une autorité de concurrence ou d'une instance de recours concluant à l'existence d'une infraction au droit de la concurrence;

12)

«décision définitive constatant une infraction», une décision constatant une infraction qui ne peut pas ou ne peut plus faire l'objet d'un recours par les voies ordinaires;

13)

«preuves», tous les moyens de preuve admissibles devant la juridiction nationale saisie, en particulier les documents et tous les autres éléments contenant des informations, quel qu'en soit le support;

14)

«entente», tout accord ou toute pratique concertée entre deux ou plusieurs concurrents visant à coordonner leur comportement concurrentiel sur le marché ou à influencer les paramètres de la concurrence par des pratiques consistant notamment, mais pas uniquement, à fixer ou à coordonner des prix d'achat ou de vente ou d'autres conditions de transaction, y compris au regard des droits de la propriété intellectuelle, à attribuer des quotas de production ou de vente, à répartir des marchés et des clients, notamment en présentant des soumissions concertées lors de marchés publics, à restreindre l'importation ou l'exportation ou à prendre des mesures anticoncurrentielles dirigées contre d'autres concurrents;

15)

«programme de clémence», un programme concernant l'application de l'article 101 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ou d'une disposition correspondante du droit national, sur la base duquel un participant à une entente secrète, indépendamment des autres entreprises participant à l'entente, coopère avec l'autorité de concurrence dans le cadre de son enquête en présentant spontanément des éléments concernant sa connaissance de l'entente et le rôle qu'il y joue, en échange de quoi ce participant bénéficie, en vertu d'une décision ou du fait de l'arrêt de la procédure, d'une immunité d'amendes pour sa participation à l'entente ou de la réduction de leur montant;

16)

«déclaration effectuée en vue d'obtenir la clémence», tout exposé oral ou écrit, ou toute transcription d'un tel exposé, présenté spontanément à une autorité de concurrence par une entreprise ou une personne physique, ou en leur nom, qui décrit la connaissance qu'a cette entreprise ou cette personne physique d'une entente et qui décrit leur rôle dans cette entente, dont la présentation a été établie expressément pour être soumise à l'autorité de concurrence en vue d'obtenir une immunité d'amendes ou la réduction de leur montant dans le cadre d'un programme de clémence, les informations préexistantes en étant exclues;

17)

«informations préexistantes», toute preuve qui existe indépendamment de la procédure engagée par une autorité de concurrence, qu'elle figure ou non dans le dossier d'une autorité de concurrence;

18)

«proposition de transaction», la présentation spontanée par une entreprise, ou en son nom, à une autorité de concurrence d'une déclaration reconnaissant la participation de cette entreprise à une infraction au droit de la concurrence et sa responsabilité dans cette infraction au droit de la concurrence, ou renonçant à contester une telle participation et la responsabilité qui en découle, établie spécifiquement pour permettre à l'autorité de concurrence d'appliquer une procédure simplifiée ou accélérée;

19)

«bénéficiaire d'une immunité», une entreprise ou une personne physique à laquelle une immunité d'amendes a été accordée par une autorité de concurrence dans le cadre d'un programme de clémence;

20)

«surcoût», la différence entre le prix effectivement payé et celui qui aurait prévalu en l'absence d'infraction au droit de la concurrence;

21)

«règlement consensuel du litige», tout mécanisme permettant aux parties de parvenir à un règlement extrajudiciaire d'un litige relatif à une demande de dommages et intérêts;

22)

«règlement consensuel», un accord obtenu grâce à une procédure de règlement consensuel du litige;

23)

«acheteur direct», une personne physique ou morale qui a acheté directement auprès de l'auteur de l'infraction des produits ou services ayant fait l'objet d'une infraction au droit de la concurrence;

24)

«acheteur indirect», une personne physique ou morale qui a acheté, non pas directement auprès de l'auteur de l'infraction, mais auprès d'un acheteur direct ou d'un acheteur ultérieur, des produits ou services ayant fait l'objet d'une infraction au droit de la concurrence, ou des produits ou services les contenant ou dérivés de ces derniers.

Article 3

Droit à réparation intégrale

1.   Les États membres veillent à ce que toute personne physique ou morale ayant subi un préjudice causé par une infraction au droit de la concurrence soit en mesure de demander et d'obtenir réparation intégrale de ce préjudice.

2.   La réparation intégrale du préjudice consiste à replacer une personne ayant subi un tel préjudice dans la situation où elle aurait été si l'infraction au droit de la concurrence n'avait pas été commise. Elle couvre dès lors le droit à une réparation du dommage réel et du manque à gagner, ainsi que le paiement d'intérêts.

3.   La réparation intégrale au sens de la présente directive n'entraîne pas de réparation excessive, que ce soit au moyen de dommages et intérêts punitifs ou multiples ou d'autres types de dommages et intérêts.

Article 4

Principes d'effectivité et d'équivalence

Conformément au principe d'effectivité, les États membres veillent à ce que toutes les règles et procédures nationales ayant trait à l'exercice du droit de demander des dommages et intérêts soient conçues et appliquées de manière à ne pas rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile l'exercice du droit, conféré par l'Union, à réparation intégrale du préjudice causé par une infraction au droit de la concurrence. Conformément au principe d'équivalence, les règles et procédures nationales relatives aux actions en dommages et intérêts découlant d'infractions à l'article 101 ou 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ne sont pas moins favorables aux parties prétendument lésées que celles régissant les actions similaires en dommages et intérêts découlant d'infractions au droit national.

CHAPITRE II

PRODUCTION DE PREUVES

Article 5

Production de preuves

1.   Les États membres veillent à ce que, dans les procédures relatives aux actions en dommages et intérêts intentées dans l'Union à la requête d'un demandeur qui a présenté une justification motivée contenant des données factuelles et des preuves raisonnablement disponibles suffisantes pour étayer la plausibilité de sa demande de dommages et intérêts, les juridictions nationales soient en mesure d'enjoindre au défendeur ou à un tiers de produire des preuves pertinentes qui se trouvent en leur possession, sous réserve des conditions énoncées au présent chapitre. Les États membres veillent à ce que les juridictions nationales puissent, à la demande du défendeur, enjoindre au demandeur ou à un tiers de produire des preuves pertinentes.

Le présent paragraphe ne porte nullement atteinte aux droits et obligations des juridictions nationales découlant du règlement (CE) no 1206/2001.

2.   Les États membres veillent à ce que les juridictions nationales puissent ordonner la production de certains éléments de preuves ou de catégories pertinentes de preuves, circonscrites de manière aussi précise et étroite que possible, sur la base de données factuelles raisonnablement disponibles dans la justification motivée.

3.   Les États membres veillent à ce que les juridictions nationales limitent la production des preuves à ce qui est proportionné. Lorsqu'elles déterminent si une demande de production de preuves soumise par une partie est proportionnée, les juridictions nationales tiennent compte des intérêts légitimes de l'ensemble des parties et tiers concernés. En particulier, elles prennent en considération:

a)

la mesure dans laquelle la demande ou la défense sont étayées par des données factuelles et des preuves disponibles justifiant la demande de production de preuves;

b)

l'étendue et le coût de la production de preuves, en particulier pour les éventuels tiers concernés, y compris afin d'éviter toute recherche non spécifique d'informations dont il est peu probable qu'elles soient pertinentes pour les parties à la procédure;

c)

la possibilité que les preuves dont on demande la production contiennent des informations confidentielles, en particulier concernant d'éventuels tiers, et les modalités existantes de protection de ces informations confidentielles.

4.   Les États membres veillent à ce que les juridictions nationales soient habilitées à ordonner la production de preuves contenant des informations confidentielles lorsqu'elles le jugent utile dans le cadre de l'action en dommages et intérêts. Lorsque la production de telles informations est ordonnée, les États membres veillent à ce que les juridictions nationales disposent de mesures efficaces de protection de ces informations.

5.   L'intérêt qu'ont les entreprises à éviter des actions en dommages et intérêts à la suite d'infractions au droit de la concurrence n'est pas de nature à justifier une protection.

6.   Les États membres veillent à ce que, lorsqu'elles ordonnent la production de preuves, les juridictions nationales donnent plein effet au secret professionnel applicable en vertu du droit de l'Union ou du droit national.

7.   Les États membres veillent à ce que les personnes à qui une demande de production de preuves est adressée aient la possibilité d'être entendues avant qu'une juridiction nationale n'ordonne la production d'informations en application du présent article.

8.   Sans préjudice des paragraphes 4 et 7 et de l'article 6, le présent article ne fait pas obstacle au maintien ni à l'introduction, par les États membres, de règles qui conduiraient à une production plus large de preuves.

Article 6

Production de preuves figurant dans le dossier d'une autorité de concurrence

1.   Les États membres veillent à ce que, pour les besoins d'une action en dommages et intérêts, lorsque les juridictions nationales ordonnent la production de preuves figurant dans le dossier d'une autorité de concurrence, le présent article s'applique en sus de l'article 5.

2.   Le présent article s'entend sans préjudice des règles et pratiques régissant l'accès du public aux documents prévues par le règlement (CE) no 1049/2001.

3.   Le présent article s'entend sans préjudice des règles et pratiques prévues par le droit de l'Union ou le droit national en ce qui concerne la protection des documents internes des autorités de concurrence et de la correspondance entre ces autorités.

4.   Lorsqu'elles évaluent, conformément à l'article 5, paragraphe 3, la proportionnalité d'une injonction de production d'informations, les juridictions nationales tiennent, en outre, compte des éléments suivants:

a)

la question de savoir si la demande a été formulée de façon spécifique quant à la nature, à l'objet ou au contenu des documents soumis à une autorité de concurrence ou détenus dans le dossier de celle-ci, ou s'il s'agit d'une demande non spécifique concernant des documents soumis à une autorité de concurrence;

b)

la question de savoir si la partie qui demande la production d'informations le fait dans le cadre d'une action en dommages et intérêts introduite devant une juridiction nationale; et

c)

pour ce qui concerne les paragraphes 5 et 10, ou à la demande d'une autorité de concurrence en application du paragraphe 11, la nécessité de préserver l'efficacité de la mise en œuvre du droit de la concurrence par la sphère publique.

5.   Les juridictions nationales ne peuvent ordonner la production de preuves relevant des catégories suivantes qu'une fois qu'une autorité de concurrence a, en adoptant une décision ou d'une autre manière, clos sa procédure:

a)

les informations préparées par une personne physique ou morale expressément aux fins d'une procédure engagée par une autorité de concurrence;

b)

les informations établies par l'autorité de concurrence et envoyées aux parties au cours de sa procédure; et

c)

les propositions de transaction qui ont été retirées.

6.   Les États membres veillent à ce que, pour les besoins d'une action en dommages et intérêts, les juridictions nationales ne puissent à aucun moment enjoindre à une partie ou à un tiers de produire les preuves relevant des catégories suivantes:

a)

les déclarations effectuées en vue d'obtenir la clémence; et

b)

les propositions de transaction.

7.   Un demandeur peut présenter une demande motivée visant à ce qu'une juridiction nationale accède aux éléments de preuve visés au paragraphe 6, point a) ou b), aux seules fins de s'assurer que leur contenu correspond aux définitions données à l'article 2, points 16) et 18). Lors de cette évaluation, les juridictions nationales ne peuvent demander l'aide que de l'autorité de concurrence compétente. Les auteurs des éléments de preuve en question peuvent également être entendus. La juridiction nationale ne peut en aucun cas autoriser l'accès à ces éléments de preuve à d'autres parties ou à des tiers.

8.   Si seules des parties de preuves demandées sont couvertes par le paragraphe 6, les autres parties de celles-ci sont, en fonction de la catégorie dont elles relèvent, produites conformément aux paragraphes pertinents du présent article.

9.   La production de preuves provenant du dossier d'une autorité de concurrence, qui ne relèvent d'aucune des catégories énumérées au présent article, peut être ordonnée à tout moment dans le cadre d'une action en dommages et intérêts, sans préjudice du présent article.

10.   Les États membres veillent à ce que les juridictions nationales demandent la production, par l'autorité de concurrence, de preuves contenues dans son dossier uniquement lorsqu'aucune des parties ou aucun tiers ne peut raisonnablement fournir lesdites preuves.

11.   Dans la mesure où une autorité de concurrence souhaite donner son avis sur la proportionnalité de demandes de production de preuves, elle peut, de sa propre initiative, présenter ses observations à la juridiction nationale devant laquelle la production de preuves est demandée.

Article 7

Limites à l'utilisation des preuves obtenues uniquement grâce à l'accès au dossier d'une autorité de concurrence

1.   Les États membres veillent à ce que les preuves relevant des catégories visées à l'article 6, paragraphe 6, obtenues par une personne physique ou morale uniquement grâce à l'accès au dossier d'une autorité de concurrence, soient réputées irrecevables dans le cadre d'actions en dommages et intérêts ou soient protégées d'une autre manière par la réglementation nationale applicable, afin d'assurer le plein effet des restrictions à la production de preuves prévue à l'article 6.

2.   Les États membres veillent, jusqu'à ce qu'une autorité de concurrence ait clos sa procédure en adoptant une décision ou d'une autre manière, à ce que les preuves relevant des catégories énumérées à l'article 6, paragraphe 5, obtenues par une personne physique ou morale uniquement grâce à l'accès au dossier d'une autorité de concurrence, soient réputées irrecevables dans le cadre d'actions en dommages et intérêts ou soient protégées d'une autre manière par la réglementation nationale applicable, afin d'assurer le plein effet des restrictions à la production de preuves prévue à l'article 6.

3.   Les États membres veillent à ce que les preuves obtenues par une personne physique ou morale uniquement grâce à l'accès au dossier d'une autorité de concurrence et qui ne relèvent pas du paragraphe 1 ou 2 ne puissent être utilisées dans le cadre d'une action en dommages et intérêts que par cette personne ou par une personne physique ou morale qui a succédé dans les droits de cette personne, ce qui inclut la personne qui a racheté sa demande.

Article 8

Sanctions

1.   Les États membres veillent à ce que les juridictions nationales soient effectivement en mesure d'infliger des sanctions aux parties, à des tiers et à leurs représentants légaux dans l'un quelconque des cas suivants:

a)

le non-respect d'une injonction de production de preuves émanant d'une juridiction nationale ou le refus de s'y conformer;

b)

la destruction de preuves pertinentes;

c)

le non-respect des obligations imposées par une injonction d'une juridiction nationale protégeant des informations confidentielles, ou le refus de s'y conformer;

d)

la violation des restrictions prévues dans le présent chapitre pour l'utilisation des preuves.

2.   Les États membres veillent à ce que les sanctions qui peuvent être infligées par les juridictions nationales soient effectives, proportionnées et dissuasives. Les sanctions à la disposition des juridictions nationales comprennent, dès lors qu'elles concernent le comportement d'une partie à une procédure relative à une action en dommages et intérêts, la faculté de tirer des conclusions défavorables, par exemple en présumant que le fait litigieux en question est avéré ou en rejetant, en tout ou en partie, les demandes et moyens de défense, ainsi que la faculté de prononcer une condamnation aux dépens.

CHAPITRE III

EFFET DES DÉCISIONS NATIONALES, DÉLAIS DE PRESCRIPTION ET RESPONSABILITÉ SOLIDAIRE

Article 9

Effet des décisions nationales

1.   Les États membres veillent à ce qu'une infraction au droit de la concurrence constatée par une décision définitive d'une autorité nationale de concurrence ou par une instance de recours soit considérée comme établie de manière irréfragable aux fins d'une action en dommages et intérêts introduite devant leurs juridictions nationales au titre de l'article 101 ou 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ou du droit national de la concurrence.

2.   Les États membres veillent à ce que, lorsqu'une décision définitive visée au paragraphe 1 est prise dans un autre État membre, cette décision finale puisse, conformément au droit national, être présentée devant leurs juridictions nationales au moins en tant que preuve prima facie du fait qu'une infraction au droit de la concurrence a été commise et, comme il convient, puisse être examinée avec les autres éléments de preuve apportés par les parties.

3.   Le présent article s'entend sans préjudice des droits et obligations des juridictions nationales découlant de l'article 267 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

Article 10

Délais de prescription

1.   Les États membres arrêtent, conformément au présent article, les règles relatives aux délais de prescription applicables aux actions en dommages et intérêts. Ces règles déterminent le moment à partir duquel le délai de prescription commence à courir, la durée de ce délai et les circonstances dans lesquelles il est interrompu ou suspendu.

2.   Les délais de prescription ne commencent pas à courir avant que l'infraction au droit de la concurrence ait cessé et que le demandeur ait pris connaissance ou puisse raisonnablement être considéré comme ayant connaissance:

a)

du comportement et du fait qu'il constitue une infraction au droit de la concurrence;

b)

du fait que l'infraction au droit de la concurrence lui a causé un préjudice; et

c)

de l'identité de l'auteur de l'infraction.

3.   Les États membres veillent à ce que les délais de prescription applicables aux actions en dommages et intérêts soient de cinq ans au minimum.

4.   Les États membres veillent à ce qu'un délai de prescription soit suspendu ou, selon le droit national, interrompu par tout acte d'une autorité de concurrence visant à l'instruction ou à la poursuite d'une infraction au droit de la concurrence à laquelle l'action en dommages et intérêts se rapporte. Cette suspension prend fin au plus tôt un an après la date à laquelle la décision constatant une infraction est devenue définitive ou à laquelle il a été mis un terme à la procédure d'une autre manière.

Article 11

Responsabilité solidaire

1.   Les États membres veillent à ce que les entreprises qui ont enfreint le droit de la concurrence par un comportement conjoint soient solidairement responsables du préjudice causé par l'infraction au droit de la concurrence; cela a pour effet que chacune de ces entreprises est tenue d'indemniser le préjudice dans son intégralité et que la partie lésée a le droit d'exiger de chacune d'elles la réparation intégrale de ce préjudice jusqu'à ce qu'elle ait été totalement indemnisée.

2.   Par dérogation au paragraphe 1, les États membres veillent à ce que, sans préjudice du droit à réparation intégrale prévu à l'article 3, lorsque l'auteur de l'infraction est une petite ou moyenne entreprise (PME) au sens de la recommandation 2003/361/CE de la Commission (8), il n'est responsable qu'à l'égard de ses propres acheteurs directs et indirects lorsque:

a)

sa part de marché sur le marché concerné est inférieure à 5 % à quelque moment que ce soit de la durée de l'infraction au droit de la concurrence; et

b)

l'application des règles habituelles de la responsabilité solidaire compromettrait irrémédiablement la viabilité économique de l'entreprise concernée et ferait perdre toute valeur à ses actifs.

3.   La dérogation prévue au paragraphe 2 ne s'applique pas lorsque:

a)

la PME a été l'instigatrice de l'infraction au droit de la concurrence ou a contraint d'autres entreprises à participer à celle-ci; ou

b)

la PME a précédemment été convaincue d'infraction au droit de la concurrence.

4.   Par dérogation au paragraphe 1, les États membres veillent à ce que les bénéficiaires d'une immunité soient solidairement responsables du préjudice comme suit:

a)

à l'égard de leurs acheteurs ou fournisseurs directs ou indirects; et

b)

à l'égard d'autres parties lésées uniquement lorsqu'une réparation intégrale ne peut être obtenue auprès des autres entreprises impliquées dans la même infraction au droit de la concurrence.

Les États membres veillent à ce que tout délai de prescription applicable aux cas visés au présent paragraphe soit raisonnable et suffisant pour permettre aux parties lésées d'introduire de telles actions.

5.   Les États membres veillent à ce que l'auteur d'une infraction puisse récupérer, auprès de tout autre auteur de l'infraction, une contribution dont le montant est déterminé eu égard à leur responsabilité relative dans le préjudice causé par l'infraction au droit de la concurrence. Le montant de la contribution d'un auteur d'une infraction auquel une immunité d'amendes a été accordée au titre d'un programme de clémence n'excède pas le montant du préjudice que cette infraction a causé à ses propres acheteurs ou fournisseurs directs ou indirects.

6.   Les États membres veillent à ce que, dans la mesure où l'infraction au droit de la concurrence a causé un préjudice à des parties lésées autres que les acheteurs ou fournisseurs directs ou indirects des auteurs de l'infraction, le montant de la contribution du bénéficiaire d'une immunité aux autres auteurs de l'infraction soit déterminé eu égard à sa responsabilité relative dans ce préjudice.

CHAPITRE IV

RÉPERCUSSION DU SURCOÛT

Article 12

Répercussion du surcoût et droit à réparation intégrale

1.   Afin de garantir la pleine efficacité du droit à réparation intégrale prévu à l'article 3, les États membres veillent à ce que, conformément aux règles prévues dans le présent chapitre, il soit possible à toute personne de demander réparation du préjudice subi, que celle-ci soit ou non un acheteur direct ou indirect d'un auteur de l'infraction, et à ce que soient évitées toute réparation d'un préjudice qui serait supérieure au préjudice causé au demandeur par l'infraction au droit de la concurrence, ainsi que l'absence de responsabilité de l'auteur de l'infraction.

2   Afin d'éviter toute réparation excessive, les États membres élaborent des règles procédurales appropriées pour garantir que la réparation du dommage réel à tout niveau de la chaîne de distribution n'excède pas le préjudice du surcoût subi à ce niveau.

3.   Le présent chapitre s'entend sans préjudice du droit d'une partie lésée à demander et à obtenir réparation pour manque à gagner en raison de la répercussion partielle ou totale du surcoût.

4.   Les États membres veillent à ce que les règles établies au présent chapitre s'appliquent en conséquence lorsque l'infraction au droit de la concurrence porte sur la fourniture de biens ou de services à l'auteur de l'infraction.

5.   Les États membres veillent à ce que les juridictions nationales soient habilitées à estimer, conformément aux procédures nationales, la part de tout surcoût qui a été répercutée.

Article 13

Moyen de défense invoquant la répercussion du surcoût

Les États membres veillent à ce que le défendeur dans une action en dommages et intérêts puisse invoquer, comme moyen de défense contre une demande de dommages et intérêts, le fait que le demandeur a répercuté, en tout ou en partie, le surcoût résultant de l'infraction au droit de la concurrence. La charge de la preuve de la répercussion du surcoût incombe au défendeur, qui peut raisonnablement exiger la production d'informations par le demandeur ou par des tiers.

Article 14

Acheteurs indirects

1.   Les États membres veillent à ce que, lorsque, dans le cadre d'une action en dommages et intérêts, l'existence d'une demande de dommages et intérêts ou le montant de la réparation à accorder sont fonction de la répercussion ou non du surcoût sur le demandeur ou de l'ampleur de cette répercussion, compte tenu de la pratique commerciale selon laquelle les augmentations de prix sont répercutées en aval de la chaîne de distribution, la charge de la preuve concernant l'existence et l'ampleur de cette répercussion incombe au demandeur, qui peut raisonnablement exiger la production d'informations par le défendeur ou par des tiers.

2.   Dans la situation visée au paragraphe 1, l'acheteur indirect est réputé avoir apporté la preuve d'une répercussion à son encontre lorsque cet acheteur indirect a démontré que:

a)

le défendeur a commis une infraction au droit de la concurrence;

b)

l'infraction au droit de la concurrence a entraîné un surcoût pour l'acheteur direct du défendeur; et

c)

l'acheteur indirect a acheté les biens ou services concernés par l'infraction au droit de la concurrence, ou acheté des biens ou services dérivés de ces derniers ou les contenant.

Le présent paragraphe ne s'applique pas lorsque le défendeur peut démontrer de façon crédible, à la satisfaction de la juridiction, que le surcoût n'a pas été répercuté sur l'acheteur indirect, ou qu'il ne l'a pas été entièrement.

Article 15

Actions en dommages et intérêts intentées par des demandeurs situés à différents niveaux de la chaîne de distribution

1.   Pour éviter que des actions en dommages et intérêts intentées par des demandeurs situés à différents niveaux de la chaîne de distribution ne donnent lieu à une responsabilité multiple ou à une absence de responsabilité de l'auteur de l'infraction, les États membres veillent à ce que, lorsqu'elles évaluent s'il a été satisfait à la charge de la preuve résultant de l'application des articles 13 et 14, les juridictions nationales saisies d'une action en dommages et intérêts puissent, en recourant aux moyens disponibles en droit de l'Union ou en droit national, tenir dûment compte de l'un quelconque des éléments suivants:

a)

les actions en dommages et intérêts portant sur la même infraction au droit de la concurrence, mais intentées par des demandeurs situés à d'autres niveaux de la chaîne de distribution;

b)

les décisions de justice prises à la suite d'actions en dommages et intérêts visées au point a);

c)

les informations pertinentes relevant du domaine public qui découlent de la mise en œuvre du droit de la concurrence par la sphère publique.

2.   Le présent article ne porte pas atteinte aux droits et obligations des juridictions nationales découlant de l'article 30 du règlement (UE) no 1215/2012.

Article 16

Orientations à l'intention des juridictions nationales

La Commission délivre à l'intention des juridictions nationales des orientations sur la façon d'estimer la part du surcoût qui a été répercutée sur les acheteurs indirects.

CHAPITRE V

QUANTIFICATION DU PRÉJUDICE

Article 17

Quantification du préjudice

1.   Les États membres veillent à ce que ni la charge ni le niveau de la preuve requis pour la quantification du préjudice ne rendent l'exercice du droit à des dommages et intérêts pratiquement impossible ou excessivement difficile. Les États membres veillent à ce que les juridictions nationales soient habilitées, conformément aux procédures nationales, à estimer le montant du préjudice, s'il est établi qu'un demandeur a subi un préjudice, mais qu'il est pratiquement impossible ou excessivement difficile de quantifier avec précision le préjudice subi sur la base des éléments de preuve disponibles.

2.   Il est présumé que les infractions commises dans le cadre d'une entente causent un préjudice. L'auteur de l'infraction a le droit de renverser cette présomption.

3.   Les États membres veillent à ce que, dans le cadre d'une procédure relative à une action en dommages et intérêts, une autorité nationale de concurrence puisse, à la demande d'une juridiction nationale, aider ladite juridiction nationale en ce qui concerne la quantification du montant des dommages et intérêts lorsque cette autorité nationale de concurrence estime qu'une telle aide est appropriée.

CHAPITRE VI

RÈGLEMENT CONSENSUEL DES LITIGES

Article 18

Effet suspensif et autres effets du règlement consensuel des litiges

1.   Les États membres veillent à ce que le délai de prescription fixé pour intenter une action en dommages et intérêts soit suspendu pendant la durée de toute procédure de règlement consensuel du litige. Cette suspension ne s'applique qu'à l'égard des parties qui participent ou ont participé à ladite procédure ou y ont été représentées.

2.   Sans préjudice des dispositions du droit national en matière d'arbitrage, les États membres veillent à ce que les juridictions nationales saisies d'une action en dommages et intérêts puissent suspendre leur procédure pendant une période allant jusqu'à deux ans lorsque les parties à celle-ci participent à une procédure de règlement consensuel du litige concernant la demande couverte par l'action en dommages et intérêts.

3.   Une autorité de concurrence peut considérer la réparation versée à la suite d'un règlement consensuel et avant qu'elle n'ait adopté sa décision d'imposer une amende comme une circonstance atténuante.

Article 19

Effet des règlements consensuels sur les actions en dommages et intérêts ultérieures

1.   Les États membres veillent à ce que, à la suite d'un règlement consensuel, le montant de la demande de la partie lésée partie à ce règlement soit diminué de la part du préjudice causé à la partie lésée par l'infraction au droit de la concurrence qui est imputable au coauteur de l'infraction partie à ce règlement.

2.   Tout reliquat de la demande de la partie lésée partie au règlement consensuel ne peut être réclamé qu'à l'encontre des coauteurs de l'infraction qui ne sont pas parties à ce règlement. Les coauteurs de l'infraction qui ne sont pas parties à ce règlement ne sont pas autorisés à exiger du coauteur de l'infraction partie à ce règlement une contribution au reliquat de la demande.

3.   Les États membres veillent à ce que, par dérogation au paragraphe 2, lorsque les coauteurs de l'infraction qui ne sont pas parties au règlement consensuel ne peuvent payer les dommages et intérêts correspondant au reliquat de la demande de la partie lésée partie à ce règlement, la partie lésée en question puisse réclamer le reliquat de la demande à l'encontre du coauteur partie à ce règlement.

La dérogation visée au premier alinéa peut être exclue expressément par les termes du règlement consensuel.

4.   Pour déterminer le montant de la contribution qu'un coauteur peut récupérer auprès de tout autre coauteur en fonction de leur responsabilité relative pour le préjudice causé par l'infraction au droit de la concurrence, les juridictions nationales tiennent dûment compte de tous les dommages et intérêts versés dans le cadre d'un règlement consensuel antérieur associant le coauteur concerné de l'infraction.

CHAPITRE VII

DISPOSITIONS FINALES

Article 20

Réexamen

1.   La Commission procède au réexamen de la présente directive et soumet un rapport à ce sujet au Parlement européen et au Conseil au plus tard le 27 décembre 2020.

2.   Le rapport visé au paragraphe 1 comprend, entre autres, des informations sur l'ensemble des éléments suivants:

a)

l'incidence éventuelle de difficultés financières découlant du paiement d'amendes imposées par une autorité de concurrence pour une infraction au droit de la concurrence sur la possibilité pour les parties lésées d'obtenir une réparation intégrale du préjudice causé par cette infraction au droit de la concurrence;

b)

la mesure dans laquelle les personnes qui demandent la réparation d'un dommage causé par une infraction au droit de la concurrence, dont l'existence a été constatée dans une décision constatant une infraction adoptée par une autorité de concurrence d'un État membre, sont capables de prouver devant la juridiction nationale d'un autre État membre qu'une telle infraction au droit de la concurrence a été commise;

c)

la mesure dans laquelle la réparation du dommage réel est supérieure au préjudice du surcoût causé par l'infraction au droit de la concurrence, ou subi à tout niveau de la chaîne de distribution.

3.   Le cas échéant, le rapport visé au paragraphe 1 est accompagné d'une proposition législative.

Article 21

Transposition

1.   Les États membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive au plus tard le 27 décembre 2016. Ils communiquent immédiatement à la Commission le texte de ces dispositions.

Lorsque les États membres adoptent ces dispositions, celles-ci contiennent une référence à la présente directive ou sont accompagnées d'une telle référence lors de leur publication officielle. Les modalités de cette référence sont arrêtées par les États membres.

2.   Les États membres communiquent à la Commission le texte des dispositions essentielles de droit interne qu'ils adoptent dans le domaine régi par la présente directive.

Article 22

Application temporelle

1.   Les États membres veillent à ce que les dispositions nationales adoptées en application de l'article 21 afin de se conformer aux dispositions substantielles de la présente directive ne s'appliquent pas rétroactivement.

2.   Les États membres veillent à ce qu'aucune disposition nationale adoptée en application de l'article 21, autre que celles visées au paragraphe 1, ne s'applique aux actions en dommages et intérêts dont une juridiction nationale a été saisie avant le 26 décembre 2014.

Article 23

Entrée en vigueur

La présente directive entre en vigueur le vingtième jour suivant celui de sa publication au Journal officiel de l'Union européenne.

Article 24

Destinataires

Les États membres sont destinataires de la présente directive.

Fait à Strasbourg, le 26 novembre 2014.

Par le Parlement européen

Le président

M. SCHULZ

Par le Conseil

Le président

S. GOZI


(1)  JO C 67 du 6.3.2014, p. 83.

(2)  Position du Parlement européen du 17 avril 2014 (non encore parue au Journal officiel) et décision du Conseil du 10 novembre 2014.

(3)  Règlement (CE) no 1/2003 du Conseil du 16 décembre 2002 relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité (JO L 1 du 4.1.2003, p. 1).

(4)  Règlement (CE) no 1206/2001 du Conseil du 28 mai 2001 relatif à la coopération entre les juridictions des États membres dans le domaine de l'obtention des preuves en matière civile ou commerciale (JO L 174 du 27.6.2001, p. 1).

(5)  Règlement (CE) no 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2001 relatif à l'accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO L 145 du 31.5.2001, p. 43).

(6)  Règlement (UE) no 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO L 351 du 20.12.2012, p. 1).

(7)  JO C 369 du 17.12.2011, p. 14.

(8)  Recommandation 2003/361/CE de la Commission du 6 mai 2003 concernant la définition des micro, petites et moyennes entreprises (JO L 124 du 20.5.2003, p. 36).


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