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Document 52022AE3220
Opinion of the European Economic and Social Committee on ‘Proposal for a Regulation of the European Parliament and of the Council on the sustainable use of plant protection products and amending Regulation (EU) 2021/2115’ (COM(2022) 305 final — 2022/0196 (COD))
Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant une utilisation des produits phytopharmaceutiques compatible avec le développement durable et modifiant le règlement (UE) 2021/2115 [COM(2022) 305 final — 2022/0196 (COD)]
Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant une utilisation des produits phytopharmaceutiques compatible avec le développement durable et modifiant le règlement (UE) 2021/2115 [COM(2022) 305 final — 2022/0196 (COD)]
EESC 2022/03220
OJ C 100, 16.3.2023, p. 137–144
(BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, GA, HR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV)
16.3.2023 |
FR |
Journal officiel de l'Union européenne |
C 100/137 |
Avis du Comité économique et social européen sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant une utilisation des produits phytopharmaceutiques compatible avec le développement durable et modifiant le règlement (UE) 2021/2115
[COM(2022) 305 final — 2022/0196 (COD)]
(2023/C 100/21)
Rapporteur: |
José Manuel ROCHE RAMO |
Corapporteur: |
Arnold PUECH D’ALISSAC |
Consultation |
Parlement européen, 14.7.2022 Conseil, 6.7.2022 |
Base juridique |
Article 192, paragraphe 1, et article 304 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne |
Décision de l’assemblée plénière |
22.2.2022 |
Compétence |
Section «Agriculture, développement rural et environnement» |
Adoption en section |
24.11.2022 |
Adoption en session plénière |
14.12.2022 |
Session plénière no |
574 |
Résultat du vote (pour/contre/abstentions) |
157/01/04 |
1. Conclusions et recommandations
1.1. |
La «proposition de règlement concernant une utilisation des produits phytopharmaceutiques compatible avec le développement durable» instaure un ensemble d’innovations et de mesures qui sont destinées à remédier à certaines des faiblesses relevées dans la mise en œuvre et l’exécution de la «directive sur l’utilisation des pesticides compatible avec le développement durable» (1). |
1.2. |
Le Comité économique et social européen (CESE) estime non seulement que cette révision est nécessaire mais relève avec satisfaction que bon nombre des lacunes détectées dans la directive en vigueur et des initiatives envisagées dans cette nouvelle proposition avaient déjà été évoquées dans les observations et recommandations qu’il avait émises dans le cadre de son rapport d’information (2). Parmi les impératifs auxquels le règlement à l’examen s’efforce de faire droit figurent, pour n’en citer que quelques-uns, la nécessité d’une harmonisation plus poussée dans la mise en œuvre des plans d’action nationaux, la prise en compte de l’hétérogénéité que les situations sur le terrain présentent d’un État membre à l’autre, la formation appropriée à donner aux utilisateurs, ou encore l’enjeu que constitue la promotion des nouvelles technologies, comme l’agriculture de précision. |
1.3. |
Dans la ligne des objectifs fixés par la stratégie «De la ferme à la table» et de celle en faveur de la biodiversité à l’horizon 2030, la proposition de règlement sur une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable s’efforce d’améliorer la durabilité environnementale, économique et sociale des systèmes alimentaires. À cet égard, le CESE apprécie que lesdits objectifs aient été repris dans le texte à l’examen, et il reconnaît par ailleurs les avancées qu’il apporte pour améliorer tant la santé du citoyen et du consommateur que le bon état de l’environnement. |
1.4. |
S’agissant de réduire, d’ici à 2030, l’utilisation des pesticides et les risques qui y sont liés, la nouvelle stratégie européenne instaure des objectifs quantitatifs. Ils sont assurément ambitieux, de sorte qu’il est nécessaire de définir des périodes de transition raisonnables, qui devront tenir compte (3) de l’historique des réductions d’utilisation de ces produits, ainsi que du contexte géographique, agronomique et socio-économique propre à chaque État membre, et qui donneront aux agriculteurs la possibilité de commencer à recourir à de nouveaux produits de substitution. Si l’on considère que les dispositifs actuels à faible risque ont besoin, en moyenne, de dix années avant d’arriver sur le marché, il apparaît que les législateurs doivent se montrer particulièrement attentifs au calendrier fixé pour atteindre les objectifs susmentionnés, en adoptant sur ce point toute la souplesse voulue afin de respecter l’injonction de «ne laisser personne de côté». En outre, la proposition de la Commission européenne prévoit, pour les zones dites «sensibles», de larges restrictions dans l’utilisation de produits phytopharmaceutiques. Le CESE fait observer que sur le territoire de l’Union européenne, de vastes aires de production agricole répondent à la définition des «zones sensibles» et entrent dans le champ d’application des dispositions afférentes. De telles exigences étant lourdes de conséquences, il conviendrait de ne les instaurer que sur la base d’une solide analyse de leurs impacts, sur le plan scientifique et agronomique. |
1.5. |
En ce qui concerne les «indicateurs de risque harmonisés», il est indispensable de pouvoir tabler sur des lignes directrices claires et des indicateurs qui doivent être adéquats. Du fait des lacunes qui affectent les données actuelles, notamment en ce qui concerne l’utilisation des pesticides chimiques, il conviendra de faire preuve de la plus grande prudence à propos de la méthode utilisée. Cette circonspection est tout particulièrement de mise pour ce qui est d’utiliser les ventes effectuées dans le commerce comme point de référence pour la définition de l’indicateur de risque harmonisé 1 (IRH1). De même, il convient d’accorder une attention spécifique au laps de temps qui sert à son calcul. Sur ce point, il serait possible d’améliorer les estimations concernant la commercialisation des pesticides, par exemple en faisant intervenir une distinction entre les autorisations professionnelles et celles pour «la maison et le jardin», c’est-à-dire celles accordées à des fins agricoles et non agricoles, respectivement. |
1.6. |
De la pandémie à l’invasion de l’Ukraine et à la guerre qui s’y déroule, en passant par une forte intensification des retombées du changement climatique, prenant notamment la forme de sécheresses, d’incendies, d’inondations, d’apparitions de nouveaux ennemis des cultures ou de vagues de chaleur, les crises les plus récentes ont produit des effets délétères, en raison desquels l’Union européenne a dû placer la production d’aliments et la sécurité alimentaire au tout premier rang des priorités de ses interventions stratégiques. |
1.7. |
Elle n’en doit pas moins continuer à exécuter la feuille de route qu’elle s’est assignée pour atteindre ses engagements en rapport avec le climat et la durabilité. Tout en ayant conscience que l’Europe doit continuer à mettre en œuvre les actions prévues dans le cadre du programme des Nations unies à l’horizon 2030 et des objectifs de développement durable, il conviendra aussi de prendre en considération les répercussions et les retombées que le contexte actuel produit pour les systèmes agroalimentaires. Sur ce point, il y a lieu d’envisager, dans le scénario actuel de crise, d’appliquer éventuellement certaines dérogations, qui seront toujours bien circonscrites et limitées dans le temps (4). |
1.8. |
Il conviendrait de considérer que cette crise fournit aussi l’occasion de traiter les causes structurelles de l’instabilité mondiale et de repenser la dynamique des chaînes d’approvisionnement, en apportant des améliorations durables qui soient bénéfiques pour les personnes comme pour la planète dans son ensemble. Il est urgent, en particulier, de lancer un débat et une réflexion approfondie sur le système agroalimentaire que l’Union européenne doit envisager pour les prochaines décennies. |
1.9. |
En parallèle, l’Union européenne a le devoir et la responsabilité de faire de la production de denrées et de la sécurité alimentaire un objectif stratégique de premier ordre. À cet égard, les buts poursuivis par le pacte vert comme par la stratégie «De la ferme à la table», dans lesquels s’inscrit la proposition à l’examen, doivent toujours s’appuyer sur des preuves scientifiques et s’accompagner des analyses d’impact afférentes concernant les buts poursuivis, de manière à garantir à ce que ces visées s’articulent correctement, dans le respect du principe de proportionnalité. |
1.10. |
Sur ce point, plusieurs études (5) ont d’ores et déjà mis en garde contre les répercussions dommageables que pourrait produire, à l’échelle mondiale, une augmentation brutale des prix des denrées alimentaires résultant d’une diminution des récoltes et d’une baisse des rendements. Si sa production agricole enregistrait un recul, l’Union européenne pourrait se trouver dans une position de dépendance accrue vis-à-vis des importations d’aliments en provenance de pays tiers, qui aurait également des conséquences néfastes d’un point de vue environnemental, social et économique. |
1.11. |
En conséquence, il convient que la proposition ait pour objectif ultime de favoriser des démarches de substitution, sous la forme d’une «boîte à outils», en ce qu’elle s’assignera pour priorité de progresser dans la mise en œuvre et le respect des impératifs régissant la lutte intégrée contre les ennemis des cultures, laquelle doit rester le socle même du texte, et entreprendra d’intensifier et de soutenir le recours à ces dispositifs de remplacement destinés à garder lesdits ennemis sous contrôle, comme les produits phytosanitaires à faible risque ou à base biologique. À l’heure actuelle, ces solutions ne peuvent toutefois remplacer le recours aux pesticides chimiques. Les États membres se doivent d’encourager à utiliser cette panoplie aussi rapidement que possible, en veillant pour leur part à mettre à disposition des régimes adéquats de mesures incitatives. |
1.12. |
La boîte à outils susmentionnée doit être axée sur l’utilisation des diverses méthodes et moyens qui ont pour base la science et l’innovation: le recours à des variétés plus résistantes, les semences certifiées, l’agriculture de conservation, la production intégrée, les nouvelles techniques d’édition génomique, l’agriculture biologique, la rotation des cultures, les technologies numériques, ou encore l’appui à la pratique de cultures mineures posent autant de jalons sur la voie d’une transition réussie vers un modèle où l’utilisation des produits phytopharmaceutiques sera plus réduite. |
1.13. |
Pour y parvenir, il est capital de pouvoir compter sur des dispositifs phytosanitaires durables, qui s’appuient sur une base scientifique et soient efficaces, sûrs et abordables, de façon à disposer des moyens de fournir aux agriculteurs les instruments voulus pour préserver leur compétitivité. Dans cette logique, la Commission doit exiger une réciprocité en matière réglementaire, de manière que s’agissant des productions importées de pays tiers qui ont été traitées avec des produits non autorisés sur le marché de l’Union, les normes qu’ils appliquent soient au minimum équivalentes à celles qui sont en vigueur sur son territoire. |
1.14. |
Dans le même temps, il est essentiel d’éviter une augmentation disproportionnée de la charge administrative des agriculteurs, qui affecterait avec plus de force encore les exploitations de petite ou moyenne taille, lesquelles, pour des raisons d’économie d’échelle, sont moins à même de faire face à de telles obligations. |
1.15. |
Par ailleurs, les organismes de gestion qui sont chargés de la diffusion des données statistiques doivent faire montre d’une grande prudence dans la manière dont elles les administrent, s’agissant notamment de respecter pleinement le droit des personnes au respect de leur vie privée, ainsi que ceux touchant à la propriété des données, lesquelles, dans bien des cas, portent sur des informations à caractère confidentiel. |
1.16. |
Le CESE se félicite de constater que la proposition opte pour un modèle de conseil impartial, professionnel et indépendant, grâce auquel les agriculteurs pourront continuer à recourir à des pratiques durables sur leurs terres. Le rôle que les organisations agricoles et les coopératives peuvent jouer dans ce domaine s’avérera essentiel pour que les exploitants puissent retirer un maximum d’avantages de cette démarche, que ce soit au niveau de la production ou, éventuellement, sous la forme d’une commercialisation commune, par exemple dans le cas des exploitations coopératives. |
1.17. |
Le CESE se réjouit également de constater qu’une disposition spécifique a été prévue pour que les frais encourus par les agriculteurs soient compensés grâce à une aide financière. Il estime toutefois qu’il reste nécessaire de préciser plus en détail certains aspects concernant l’insertion de ce concours financier au sein de la politique agricole commune, en apportant notamment des clarifications touchant à son calendrier et à sa mise à exécution, étant donné que la nouvelle version de cette politique et les plans stratégiques afférents de chaque État membre devront avoir été approuvés pour le 1er janvier 2023 et entrer en vigueur à cette date. |
2. Contexte
2.1. |
Dans le cadre de la révision de la directive sur une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable, la Commission européenne a procédé, le 22 juin 2022, à la publication de sa «proposition de règlement concernant une utilisation des produits phytopharmaceutiques compatible avec le développement durable», qui, initialement prévue pour le 23 mars 2022, avait été repoussée à une date ultérieure en raison des conséquences de l’invasion russe de l’Ukraine. La proposition de règlement a été présentée dans le contexte du paquet sur la protection de la nature, en même temps que le règlement sur la restauration de la nature, ce train de mesures représentant une avancée décisive dans la mise en œuvre du pacte vert pour l’Europe, de la stratégie «De la ferme à la table» et de celle en faveur de la biodiversité. |
2.2. |
Dans le droit fil de la stratégie «De la ferme à la table», les principaux objectifs de la proposition de la Commission sont les suivants:
|
2.3. |
Les États membres pourront réduire leur objectif national relatif à l’utilisation des produits chimiques phytopharmaceutiques et des risques associés grâce à un système de pondération qui tiendra compte du chiffre relatif, d’une part, à l’intensité d’utilisation et, d’autre part, à l’utilisation et au risque. Cet objectif de réduction pour 2030 ne pourra en aucun cas être inférieur à 35 % ni excéder 70 %. |
2.4. |
Pour atteindre ces résultats, la proposition soumise par la Commission fixe des objectifs de réduction juridiquement contraignants au niveau de l’Union. Les nouvelles règles prévoient également que les États membres doivent adopter des objectifs contraignants afin de contribuer à la réalisation de celui que l’Union s’est assigné globalement. Le règlement dispose que les États membres bénéficieront d’une certaine latitude, afin de pouvoir tenir compte de leur situation nationale. Il conviendra en particulier de prendre en considération, au niveau de chacun d’entre eux, les progrès historiques accomplis et l’intensité d’utilisation des pesticides. |
2.5. |
La Commission mesurera chaque année l’utilisation des pesticides chimiques et les risques qui en découlent, en utilisant une méthodologie fondée sur les données relatives aux ventes de produits phytopharmaceutiques qui lui auront été communiquées par les États membres. La base de référence pour le calcul des réductions de 50 % sera celle des ventes des années 2015, 2016 et 2017. |
2.6. |
Toutes les substances actives mises sur le marché sous la forme de produits phytopharmaceutiques seront classées dans l’un des quatre groupes qui ont été déterminés et chacune d’entre elles sera affectée d’une pondération, plus élevée pour les groupes les plus dangereux. |
2.7. |
En résumé, les principales innovations instaurées par la révision se présentent comme suit:
|
2.8. |
Il est prévu de déployer un ensemble de mesures clés qui aideront les agriculteurs et les autres utilisateurs à passer à des systèmes de production alimentaire qui soient plus durables, prenant notamment la forme i) d’un élargissement de l’éventail des solutions de type biologique et à faible risque qui sont disponibles sur le marché, ii) de mesures incitant les exploitants à réduire l’utilisation des pesticides dans le cadre de la nouvelle politique agricole commune, iii) d’actions en matière de recherche et de développement au titre d’«Horizon 2030» et, enfin, iv) du plan d’action pour le développement de la production biologique. |
3. Observations générales
3.1. |
De la pandémie à l’invasion de l’Ukraine et à la guerre qui s’y déroule, en passant par une forte intensification des retombées du changement climatique, prenant notamment la forme de sécheresses, d’incendies, d’inondations, d’apparitions de nouveaux ennemis des cultures ou de vagues de chaleur, le contexte actuel de crise pèse très lourdement sur les systèmes agroalimentaires européens et mondiaux. L’Union européenne ne peut néanmoins pas poser que toutes ces embûches représenteraient un obstacle tel qu’elles la forceraient à prendre ses distances avec son engagement résolu de continuer à déployer des actions en faveur d’une transition juste, telle que prévue par le programme des Nations unies à l’horizon 2030 (6). |
3.2. |
Dans nombre de ses avis, le CESE a appelé de ses vœux une politique alimentaire globale de l’Union qui devrait présenter les traits suivants: i) une durabilité économique, environnementale et socioculturelle, ii) une intégration entre les différents secteurs, domaines d’action et niveaux de gouvernance, iii) des processus décisionnels ouverts et, enfin, iv) une combinaison de mesures contraignantes, comme des règlements et des taxes, et de dispositions à caractère incitatif, concernant des majorations de prix et l’accès au crédit, aux ressources et aux assurances, qui aura pour but d’accélérer la transition vers des systèmes alimentaires durables (7). |
3.3. |
Pour atteindre ces objectifs, il est nécessaire de renforcer l’harmonisation et la cohérence entre les différentes politiques et législations de l’Union, qu’il s’agisse, entre autres, du pacte vert pour l’Europe, de la stratégie «De la ferme à la table» et de celle en faveur de la biodiversité, du plan d’action «zéro pollution», ou encore de l’utilisation durable des produits phytopharmaceutiques. |
3.4. |
En outre, plutôt que d’être réduit ou maintenu à son niveau actuel, le budget de la politique agricole commune devrait être augmenté et soutenir la transition. Il conviendrait que l’approbation des plans stratégiques relevant de cette politique soit également subordonnée à l’adoption par les États membres de plans globaux destinés à remodeler l’environnement alimentaire, qui combineraient les incitations à produire des denrées alimentaires saines et durables avec la création de nouveaux marchés pour ces produits (8). |
3.5. |
À cet égard, le Comité se félicite qu’il ait été décidé de donner la priorité, dans le cadre de la nouvelle politique agricole commune, au financement des pratiques volontaires visant à respecter l’impératif d’une utilisation durable des produits phytopharmaceutiques, mais que ce faisant, on ait absolument évité que l’orientation ainsi donnée à cette aide ne pénalise, dans quelque cas que soit, l’utilisation d’autres pratiques substitutives tout aussi légales et autorisées par la législation européenne ou ne porte préjudice aux revenus qui en sont tirés. D’une manière générale, les financements au titre de dispositifs tels que les plans écologiques et les initiatives de développement rural n’ont été accessibles qu’à des initiatives allant au-delà des exigences légales. Le nouveau cadre donnera à tous les États membres, pendant cinq ans, la possibilité d’assurer un financement pour le respect de toutes les obligations incombant aux agriculteurs du fait de l’utilisation durable des produits phytopharmaceutiques. |
3.6. |
Dans le même ordre d’idées, le Comité apprécie les efforts déployés afin d’accroître l’efficacité des plans d’action nationaux (PAN) pour l’utilisation durable des produits phytopharmaceutiques. Alors que ces plans pouvaient être assez disparates et que leurs objectifs, ayant pour base le volontariat, risquaient de couvrir différents centres d’intérêt, ils présentent à présent un contenu plus rationalisé, comportant notamment une liste détaillée d’initiatives, assortie de l’indication des liens qu’elles entretiennent avec les objectifs de la stratégie «De la ferme à la table». Tous les États membres seront invités à recenser les mesures, tant financières que d’autre nature, visant à promouvoir la lutte intégrée contre les ennemis des cultures et les solutions de substitution non chimiques. Dans leurs rapports annuels sur les progrès réalisés et l’exécution, ils devront exposer les tendances relevées pour ce qui concerne tous les objectifs, en harmonisant leurs données quantitatives sur le respect de l’utilisation durable des produits phytopharmaceutiques. La Commission réalisera tous les deux ans une analyse desdits rapports annuels sur les progrès et l’exécution. |
3.7. |
Il importe cependant que ce nouveau modèle de gouvernance «ne laisse personne de côté», cet impératif impliquant de veiller à ce que tous les États membres soient en mesure de parvenir à mettre en œuvre de manière optimale l’utilisation durable des produits phytopharmaceutiques, en dépit de l’hétérogénéité de leurs situations de départ. |
3.8. |
Pour atteindre cet objectif, la société civile organisée, dont en particulier les organisations disposant d’une expertise dans le domaine des pesticides, devrait être étroitement associée à la conception du nouveau règlement, à son suivi et à son évaluation future. Il est nécessaire d’améliorer la qualité des contenus informatifs destinés aux citoyens en général et, tout particulièrement, aux consommateurs, à propos de la fonction des pesticides, ainsi que la formation et l’information de leurs utilisateurs (9). |
3.9. |
Le juste prix des denrées alimentaires, reflétant le coût réel de leur production pour l’environnement et la société, constitue un facteur essentiel pour parvenir à des systèmes alimentaires qui soient durables sur le long terme. Même pendant la crise actuelle, il est capital que l’Union européenne garantisse une véritable réciprocité des normes dans les accords commerciaux préférentiels (10). |
4. Observations particulières
4.1. |
Il est essentiel, pour l’utilisation durable des produits phytopharmaceutiques, d’améliorer l’accessibilité, la disponibilité et le rapport coût-efficacité des solutions de substitution et des nouvelles technologies. La lutte intégrée contre les ennemis des cultures, tout comme d’autres pratiques, propres à la production intégrée, destinées à contenir des ravageurs en utilisant de faibles volumes de produits pesticides, ainsi que l’agriculture biologique, a constitué l’un des éléments clés de la directive, et elle est également au cœur du nouveau règlement (11). |
4.2. |
La proposition de règlement pose en principe général que les utilisateurs professionnels, agriculteurs compris, optent pour des mesures non chimiques avant de recourir à l’application de produits phytopharmaceutiques chimiques. Cet éventail d’interventions comprend notamment la rotation culturale, la surveillance des ennemis des cultures, la lutte intégrée contre eux et la mise en œuvre de méthodes non chimiques de contrôle de ces organismes, ainsi que l’usage de pesticides de substitution, à faible risque (12). |
4.3. |
Cette démarche n’induit pas que l’utilisation de pesticides soit impossible, ou qu’elle ne s’avère pas nécessaire dans des circonstances données. Au contraire, dans la production alimentaire à vocation commerciale, la seule possibilité de lutter efficacement contre les ennemis des cultures consiste en certains cas à utiliser des pesticides à titre de recours ultime, conformément au principe clé de la lutte intégrée contre les ennemis des cultures. On se doit, par exemple, de mentionner l’importance que revêt leur application dans le cadre d’utilisations mineures. |
4.4. |
Le changement climatique accélérant la propagation de certains ennemis des cultures, il est nécessaire de disposer de pesticides auxquels recourir une fois que tous les autres moyens de lutte ont été épuisés. Pareille nécessité apparaît de manière encore plus éclatante si l’on considère que toutes les estimations indiquent qu’au cours des trente prochaines années, la population mondiale s’accroîtra de plus de deux milliards de bouches à nourrir. Il s’impose que ce scénario soit dûment pris en considération si nous voulons garantir un système de production alimentaire stable, qui soit à même d’approvisionner une population mondiale en augmentation continue. |
4.5. |
D’autre part, les épisodes de sécheresses, d’inondations, de vagues de chaleur et de variations brutales de température qui se sont succédé à une fréquence de plus en plus élevée au cours de ces dernières années fragilisent la capacité de production alimentaire et réduisent les volumes récoltés par les agriculteurs. Dans le contexte actuel de crise, dû tout d’abord à la pandémie, puis à l’invasion de l’Ukraine, ainsi qu’aux effets susmentionnés du changement climatique, il s’avère par conséquent nécessaire d’assurer que les rendements des productions agricoles se maintiennent à un niveau stable, afin d’approvisionner le monde en produits qui soient de haute qualité et, d’un point de vue quantitatif, parviennent à préserver la sécurité alimentaire. |
4.6. |
Le règlement souligne par ailleurs le rôle clé que jouent les conseillers indépendants, fournissant des conseils professionnels qui sont conformes aux normes spécifiques applicables aux cultures et à la lutte intégrée contre les ennemis des cultures. À cet égard, il est essentiel de renforcer et de promouvoir le rôle de conseil assumé par les organisations professionnelles agricoles et les coopératives, lesquelles dispensent un soutien direct, de par leur nature d’acteurs de proximité, présents sur le terrain. En Espagne, par exemple, il est obligatoire, pour la grande majorité des cultures, de solliciter l’avis d’un conseiller, de sorte qu’à la faveur de cette prescription, le nombre de ces professionnels disposant d’une certification officielle dépasse aujourd’hui les vingt mille. |
4.7. |
Dans l’évaluation qu’il a réalisée antérieurement à propos de la directive sur une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable, le CESE a souligné qu’il importait d’améliorer le système de contrôle et d’assurer la conformité entre ce texte et les plans d’action nationaux. Pour répondre aux impératifs de l’utilisation durable des pesticides, les utilisateurs professionnels devront enregistrer les raisons de toute intervention, qu’elle soit chimique, biologique ou physique ou ait trait à la culture. |
4.8. |
Sur ce point, il convient que la proposition de règlement accorde une importance particulière à la notion de zones protégées ou sensibles. L’utilisation de produits phytopharmaceutiques ne sera plus possible dans certaines zones protégées ou sensibles, comme les espaces verts urbains, dont les parcs ou les jardins publics, les terrains de jeu, de loisirs ou de sport, les sentiers à usage public, les périmètres protégés au titre de Natura 2000 et toute aire écologiquement sensible qui est susceptible de bénéficier d’une protection pour les pollinisateurs menacés, sauf si certaines conditions sont réunies et qu’en outre, le professionnel qui applique les produits fournit des justifications détaillées concernant ceux qui seront utilisés, ainsi que leurs méthodes, dates et durées d’application. À cette fin, il est essentiel que les autorités compétentes chargées de l’agrément disposent d’un effectif suffisant de personnel qualifié pour éviter tout retard qui, dès lors qu’il pourrait aboutir à une mise en œuvre tardive du traitement, empêcherait de prendre en temps utile des mesures pour lutter contre l’apparition d’ennemis des cultures. |
4.9. |
D’autre part, il y a lieu de tenir compte des conditions géographiques et climatiques spécifiques des États membres, afin de garantir que des restrictions excessives ne soient pas imposées à l’emploi de produits phytopharmaceutiques sur des surfaces agricoles dans des zones écologiquement sensibles qui, à défaut, seraient incapables de faire face à l’apparition de nouveaux ennemis des cultures. En Espagne, par exemple, le réseau Natura, couvrant 27 % du territoire, comprend des milliers d’hectares de cultures agricoles et de terres d’élevage. Une stratégie judicieuse pourrait consister à procéder à un zonage dans les différentes aires concernées, en y délimitant certaines zones constituant des réserves intégrales, distinctes de leurs autres portions. En définitive, la décision de limiter l’utilisation de ces produits dans les zones sensibles devrait être déterminée sur la base de données scientifiques et agronomiques solides, étayant la classification de zone protégée qui est accordée à telle ou telle aire. |
4.10. |
Le seuil à atteindre avant de pouvoir recourir à une intervention chimique sera précisé dans les «règles propres aux cultures», et il reviendra aux autorités compétentes des États membres d’établir un registre électronique de la lutte intégrée contre les ennemis des cultures et de l’utilisation de produits phytopharmaceutiques, en veillant à ce que les utilisateurs professionnels y introduisent leurs enregistrements. |
4.11. |
En outre, considérant que le manque de connaissances sur l’utilisation optimale des pesticides constitue l’un des principaux obstacles à la mise en œuvre de la directive sur une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable (13), le CESE se félicite que la Commission ait tenu compte de bon nombre de ses recommandations en matière de formation et de renforcement des capacités. |
4.12. |
Un nouveau registre électronique central sera créé aux fins de la certification en matière de formation. Il contiendra des informations détaillées sur la durée de validité des certificats de formation, soit cinq ans pour un conseiller et dix pour un distributeur ou un utilisateur professionnel. Une preuve de formation devra être produite avant qu’un utilisateur ne puisse acheter ou utiliser des produits phytopharmaceutiques autorisés pour le matériel d’application à usage professionnel, ou qu’un conseiller ne soit autorisé à fournir des conseils. Les distributeurs, quant à eux, devront disposer d’un personnel qualifié en nombre suffisant. |
4.13. |
Il convient de garantir le respect de la vie privée lors de l’utilisation des données agricoles par l’administration et, surtout, d’agir pour que le recours aux capacités numériques et à la large bande soit bien plus accessible pour les agriculteurs, afin de leur éviter un surcroît de charges et d’efforts, car dans bien des cas, ils ne disposent pas des moyens techniques et humains nécessaires pour se conformer à l’enregistrement électronique. |
4.14. |
Pour la mise en œuvre du règlement, il serait bénéfique de mieux sensibiliser le public et, en particulier, les consommateurs, au rôle et à l’utilisation des pesticides dans le respect de la législation nationale et européenne: un élément essentiel consisterait à lancer des campagnes de sensibilisation et de vulgarisation afin de mieux informer tant l’ensemble des citoyens que les décideurs politiques, en leur dispensant, par exemple, des informations sur les paramètres qui déterminent la formation des prix des denrées alimentaires, ainsi que sur des questions étroitement liées à l’étiquetage des produits et à leur certification (14). |
4.15. |
De même, il convient de maintenir des conditions d’égalité en matière de commerce international. Dans un souci de cohérence entre ses différentes politiques, il est impératif que l’Union reste extrêmement vigilante pour ce qui est d’interdire les importations de denrées alimentaires traitées avec des produits qui ne sont pas autorisés sur son territoire. |
Bruxelles, le 14 décembre 2022.
La présidente du Comité économique et social européen
Christa SCHWENG
(1) Directive 2009/128/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 instaurant un cadre d’action communautaire pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable (JO L 309 du 24.11.2009, p. 71).
(2) Rapport d’information du CESE intitulé «Évaluation de la directive sur une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable».
(3) Eurostat, Pesticides sales in the EU («Ventes de pesticides dans l’Union européenne»).
(4) Résolution du Comité économique et social européen sur le thème «La guerre en Ukraine et ses conséquences économiques, sociales et environnementales» (JO C 290 du 29.7.2022, p. 1).
(5) FAO, Crise alimentaire généralisée imminente: la faim menace de déstabiliser des dizaines de pays, la FAO et le PAM lancent l’alerte.
(6) Résolution du Comité économique et social européen sur le thème «La guerre en Ukraine et ses conséquences économiques, sociales et environnementales» (JO C 290 du 29.7.2022, p. 1).
(7) Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Une stratégie “De la ferme à la table” pour un système alimentaire équitable, sain et respectueux de l’environnement» [COM(2020) 381] (JO C 429 du 11.12.2020, p. 268).
(8) Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Une stratégie “De la ferme à la table” pour un système alimentaire équitable, sain et respectueux de l’environnement» [COM(2020) 381] (JO C 429 du 11.12.2020, p. 268).
(9) Rapport d’information du CESE intitulé «Évaluation de la directive sur une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable».
(10) Avis du Comité économique et social européen sur la «Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions — Une stratégie “De la ferme à la table” pour un système alimentaire équitable, sain et respectueux de l’environnement» [COM(2020) 381] (JO C 429 du 11.12.2020, p. 268).
(11) Avis du Comité économique et social européen sur le thème «La production intégrée dans l’Union européenne» (avis d’initiative) (JO C 214 du 8.7.2014, p. 8).
(12) Rapport d’information du CESE intitulé «Évaluation de la directive sur une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable».
(13) Rapport d’information du CESE intitulé «Évaluation de la directive sur une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable».
(14) Rapport d’information du CESE intitulé «Évaluation de la directive sur une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable».