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Document 62004CJ0446

    Arrêt de la Cour (grande chambre) du 12 décembre 2006.
    Test Claimants in the FII Group Litigation contre Commissioners of Inland Revenue.
    Demande de décision préjudicielle: High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division - Royaume-Uni.
    Liberté d'établissement - Libre circulation des capitaux - Directive 90/435/CEE - Impôt sur les sociétés - Distribution de dividendes - Prévention ou atténuation de l'imposition en chaîne - Exonération - Dividendes perçus de sociétés résidant dans un autre État membre ou dans un pays tiers - Crédit d'impôt - Paiement anticipé de l'impôt sur les sociétés - Égalité de traitement - Action en restitution ou action en réparation.
    Affaire C-446/04.

    Recueil de jurisprudence 2006 I-11753

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2006:774

    Affaire C-446/04

    Test Claimants in the FII Group Litigation

    contre

    Commissioners of Inland Revenue

    (demande de décision préjudicielle, introduite par la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division)

    «Liberté d'établissement — Libre circulation des capitaux — Directive 90/435/CEE — Impôt sur les sociétés — Distribution de dividendes — Prévention ou atténuation de l'imposition en chaîne — Exonération — Dividendes perçus de sociétés résidant dans un autre État membre ou dans un pays tiers — Crédit d'impôt — Paiement anticipé de l'impôt sur les sociétés — Égalité de traitement — Action en restitution ou action en réparation»

    Conclusions de l'avocat général M. L. A. Geelhoed, présentées le 6 avril 2006 

    Arrêt de la Cour (grande chambre) du 12 décembre 2006 

    Sommaire de l'arrêt

    1.     Libre circulation des personnes — Liberté d'établissement — Libre circulation des capitaux — Législation fiscale

    (Art. 43 CE et 56 CE)

    2.     Libre circulation des personnes — Liberté d'établissement — Libre circulation des capitaux — Législation fiscale

    (Art. 43 CE et 56 CE)

    3.     Libre circulation des capitaux — Restrictions — Législation fiscale

    (Art. 56 CE)

    4.     Libre circulation des personnes — Liberté d'établissement — Libre circulation des capitaux — Législation fiscale

    (Art. 43 CE et 56 CE)

    5.     Libre circulation des personnes — Liberté d'établissement — Libre circulation des capitaux — Législation fiscale

    (Art. 43 CE et 56 CE)

    6.     Libre circulation des personnes — Liberté d'établissement — Législation fiscale

    (Art. 43 CE)

    7.     Libre circulation des personnes — Liberté d'établissement — Libre circulation des capitaux — Législation fiscale

    (Art. 43 CE et 56 CE)

    8.     Libre circulation des capitaux — Restrictions aux mouvements de capitaux à destination ou en provenance de pays tiers

    (Art. 56 CE et 57, § 1, CE)

    9.     Droit communautaire — Droits conférés aux particuliers — Violation par un État membre — Obligation de réparer le préjudice causé aux particuliers

    10.   Droit communautaire — Droits conférés aux particuliers — Violation par un État membre — Obligation de réparer le préjudice causé aux particuliers

    1.     Les articles 43 CE et 56 CE doivent être interprétés en ce sens que, lorsqu'un État membre connaît un système de prévention ou d'atténuation de l'imposition en chaîne ou de la double imposition économique dans le cas de dividendes versés à des résidents par des sociétés résidentes, il doit accorder un traitement équivalent aux dividendes versés à des résidents par des sociétés non-résidentes.

    (cf. point 72, disp. 1)

    2.     Les articles 43 CE et 56 CE ne s'opposent pas à une législation d'un État membre qui exonère de l'impôt sur les sociétés les dividendes qu'une société résidente perçoit d'une autre société résidente, alors qu'elle soumet à cet impôt les dividendes qu'une société résidente perçoit d'une société non-résidente et dans laquelle la société résidente détient au moins 10 % des droits de vote, tout en accordant, dans ce dernier cas, un crédit d'impôt au titre de l'impôt effectivement acquitté par la société distributrice dans son État membre de résidence, pour autant que le taux d'imposition sur les dividendes d'origine étrangère ne soit pas supérieur au taux d'imposition appliqué aux dividendes d'origine nationale et que le crédit d'impôt soit au moins égal au montant acquitté dans l'État membre de la société distributrice jusqu'à hauteur du montant d'imposition appliqué dans l'État membre de la société bénéficiaire.

    Le seul fait que, comparé à un système d'exonération, un système d'imputation impose aux contribuables des charges administratives additionnelles, le montant de l'impôt effectivement acquitté dans l'État de résidence de la société distributrice devant être démontré, ne peut être considéré comme une différence de traitement contraire à la liberté d'établissement ou à la libre circulation des capitaux, dès lors que les charges administratives particulières imposées aux sociétés résidentes percevant des dividendes d'origine étrangère sont inhérentes au fonctionnement d'un système de crédit d'impôt.

    (cf. points 53, 60, 73, disp. 1)

    3.     L'article 56 CE s'oppose à une législation d'un État membre qui exonère de l'impôt sur les sociétés les dividendes qu'une société résidente perçoit d'une autre société résidente, alors qu'elle soumet à cet impôt les dividendes qu'une société résidente perçoit d'une société non-résidente dans laquelle elle détient moins de 10 % des droits de vote, sans accorder à celle-ci un crédit d'impôt au titre de l'impôt effectivement acquitté par la société distributrice dans son État de résidence.

    En effet, une telle différence de traitement constitue une restriction à la libre circulation des capitaux en ce qu'elle a pour effet de dissuader les sociétés résidant dans l'État membre concerné d'investir leurs capitaux dans des sociétés établies dans un autre État membre. En outre, elle produit également un effet restrictif à l'égard des sociétés établies dans d'autres États membres en ce qu'elle constitue à leur encontre un obstacle à la collecte de capitaux dans l'État membre concerné.

    Indépendamment du fait qu'un État membre dispose, en tout état de cause, de différents systèmes possibles afin de prévenir ou d'atténuer l'imposition en chaîne des bénéfices distribués, d'éventuelles difficultés quant à la détermination de l'impôt effectivement payé dans un autre État membre ne sauraient justifier un obstacle à la libre circulation des capitaux comme celui qui découle de ladite législation.

    (cf. points 64-65, 70, 74, disp. 1)

    4.     Les articles 43 CE et 56 CE s'opposent à une législation d'un État membre qui permet à une société résidente percevant des dividendes d'une autre société résidente de déduire du montant dont la première société est redevable au titre de l'impôt sur les sociétés par anticipation, le montant dudit impôt payé par anticipation par la seconde société, alors que, dans le cas d'une société résidente percevant des dividendes d'une société non-résidente, une telle déduction n'est pas permise en ce qui concerne l'impôt correspondant aux bénéfices distribués acquitté par cette dernière société dans son État de résidence.

    Cette méthode conduit, dans la pratique, à traiter de manière moins avantageuse une société percevant des dividendes d'origine étrangère qu'une société percevant des dividendes d'origine nationale. Lors d'une distribution ultérieure de dividendes, la première est soumise à l'obligation d'acquitter l'intégralité de l'impôt par anticipation, tandis que la seconde ne doit l'acquitter que pour autant que la distribution versée à ses propres actionnaires dépasse celle dont elle a elle-même bénéficié.

    Or, le fait de ne pas avoir à payer l'impôt par anticipation constitue un avantage de trésorerie dans la mesure où la société concernée peut conserver les montants qu'elle aurait autrement dû verser au titre dudit impôt par anticipation jusqu'au moment où l'impôt sur les sociétés devient exigible.

    Une telle différence de traitement ne peut pas être justifiée par la nécessité de préserver la cohérence du système fiscal en vigueur dans l'État membre concerné en raison d'un lien direct existant entre l'avantage fiscal octroyé, à savoir le crédit d'impôt accordé à une société résidente percevant des dividendes d'une autre société résidente, et la dette fiscale compensatoire, à savoir l'impôt sur les sociétés par anticipation payé par cette dernière à l'occasion de cette distribution. En effet, la nécessité d'un tel lien direct devrait précisément conduire à accorder un même avantage fiscal aux sociétés percevant des dividendes de sociétés non-résidentes dès lors que ces dernières sont également tenues, dans leur État de résidence, de payer l'impôt sur les sociétés sur les bénéfices distribués.

    (cf. points 84, 86, 93, 112, disp. 2)

    5.     Les articles 43 CE et 56 CE ne s'opposent pas à une législation d'un État membre qui prévoit que tout dégrèvement dont bénéficie une société résidente ayant perçu des dividendes d'origine étrangère au titre de l'impôt acquitté à l'étranger réduise le montant de l'impôt sur les sociétés sur lequel elle peut imputer l'impôt sur les sociétés payé par anticipation lors d'une distribution de dividendes ultérieure à ses propres actionnaires.

    En effet, le fait qu'une société percevant des dividendes d'origine étrangère qui bénéficie d'un dégrèvement au titre de l'impôt étranger voie réduit le montant d'impôt sur les sociétés auquel peut être imputé l'impôt sur les sociétés payé par anticipation excédentaire ne conduirait à une discrimination entre une telle société et une société percevant des dividendes d'origine nationale que si cette première société ne disposait pas, en réalité, des mêmes moyens que cette seconde société pour imputer l'excédent de l'impôt sur les sociétés payé par anticipation au montant dû au titre de l'impôt sur les sociétés.

    (cf. points 120, 125, 138, disp. 3)

    6.     L'article 43 CE s'oppose à une législation d'un État membre qui permet à une société résidente de transférer à des filiales résidentes le montant d'impôt sur les sociétés payé par anticipation qui ne peut pas être imputé sur l'impôt sur les sociétés dû par cette première société au titre de l'exercice comptable donné ou d'exercices comptables antérieurs ou ultérieurs, afin que ces filiales puissent l'imputer sur l'impôt sur les sociétés dont elles sont redevables, mais ne permet pas à une société résidente de transférer un tel montant à des filiales non-résidentes au cas où celles-ci seraient imposables dans cet État membre sur les bénéfices qu'elles y ont réalisés.

    (cf. point 139, disp. 3)

    7.     Les articles 43 CE et 56 CE s'opposent à une législation d'un État membre qui, tout en exonérant du paiement anticipé de l'impôt sur les sociétés les sociétés résidentes distribuant à leurs actionnaires des dividendes issus de dividendes d'origine nationale qu'elles ont perçus, accorde aux sociétés résidentes distribuant à leurs actionnaires des dividendes issus de dividendes d'origine étrangère qu'elles ont perçus la faculté d'opter pour un régime leur permettant de recouvrer l'impôt sur les sociétés payé par anticipation, mais, d'une part, oblige ces sociétés à acquitter ledit impôt anticipé et à en demander le remboursement par la suite et, d'autre part, ne prévoit pas de crédit d'impôt pour leurs actionnaires, alors que ceux-ci en auraient reçu un dans le cas d'une distribution effectuée par une société résidente sur la base de dividendes d'origine nationale.

    En effet, s'il est vrai qu'un État membre doit disposer d'un certain délai afin de pouvoir tenir compte, dans la détermination du montant finalement dû au titre de l'impôt sur les sociétés, de tous les impôts ayant déjà frappé les bénéfices distribués, cela ne saurait justifier une législation qui ne permet aucunement à une société résidente bénéficiaire d'une distribution de dividendes d'origine étrangère d'imputer sur le montant dû au titre du paiement anticipé de l'impôt sur les sociétés, l'impôt qui frappe les bénéfices distribués à l'étranger, alors que, pour des dividendes d'origine nationale, ledit montant est d'office déduit de l'impôt payé, si ce n'est qu'à titre anticipé, par la société distributrice résidente.

    Quant à la circonstance que ladite législation ne prévoit pas de crédit d'impôt pour les actionnaires des sociétés résidentes distribuant des dividendes issus de dividendes d'origine étrangère, le risque de double imposition économique existe non seulement dans le cas de dividendes émanant d'une société résidente soumise à l'obligation d'acquitter l'impôt sur les sociétés payé par anticipation sur ses distributions de dividendes mais également dans le cas de dividendes versés par une société non-résidente, dont les bénéfices sont également soumis, dans son État de résidence, à l'impôt sur les sociétés, selon le taux et les règles qui y sont applicables.

    (cf. points 156, 158-159, 172-173, disp. 4)

    8.     L'article 57, paragraphe 1, CE doit être interprété en ce sens que, lorsque, avant le 31 décembre 1993, un État membre a adopté une législation qui contient des restrictions aux mouvements de capitaux à destination ou en provenance de pays tiers prohibées par l'article 56 CE et, après cette date, adopte des mesures qui, tout en constituant également une restriction auxdits mouvements, sont, dans leur substance, identiques à la législation antérieure ou se bornent à réduire ou à supprimer un obstacle à l'exercice des droits et des libertés communautaires figurant dans la législation antérieure, l'article 56 CE ne s'oppose pas à l'application aux pays tiers de ces dernières mesures lorsqu'elles s'appliquent à des mouvements de capitaux impliquant des investissements directs, y compris les investissements immobiliers, l'établissement, la prestation de services financiers ou l'admission de titres sur les marchés des capitaux. À cet égard, ne peuvent pas être considérées comme investissements directs les participations dans une société qui ne sont pas prises en vue de créer ou de maintenir des liens économiques durables et directs entre l'actionnaire et cette société et ne permettent pas à l'actionnaire de participer effectivement à la gestion de cette société ou à son contrôle.

    (cf. point 196, disp. 5)

    9.     En l'absence de réglementation communautaire, il appartient à l'ordre juridique interne de chaque État membre de désigner les juridictions compétentes et de régler les modalités procédurales des recours en justice destinés à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent du droit communautaire, y compris la qualification des actions engagées par les personnes lésées devant les juridictions nationales. Celles-ci sont néanmoins tenues de garantir que les justiciables disposent d'une voie de recours effective leur permettant d'obtenir le remboursement de l'impôt indûment perçu et des montants payés à cet État membre ou retenus par celui-ci en rapport direct avec cet impôt.

    S'agissant d'autres préjudices qu'aurait subis une personne en raison d'une violation du droit communautaire imputable à un État membre, ce dernier est tenu de réparer les dommages causés aux particuliers dans les conditions énoncées dans la jurisprudence de la Cour, à savoir que la règle de droit violée ait pour objet de conférer des droits aux particuliers, que la violation soit suffisamment caractérisée et qu'il existe un lien de causalité direct entre la violation de l'obligation qui incombe à l'État et le dommage subi par les personnes lésées, sans que cela exclue que, sur le fondement du droit national, la responsabilité de l'État puisse être engagée dans des conditions moins restrictives.

    Sous réserve du droit à réparation qui trouve directement son fondement dans le droit communautaire dès lors que lesdites conditions énoncées dans la jurisprudence sont réunies, c'est dans le cadre du droit national de la responsabilité qu'il incombe à l'État de réparer les conséquences du préjudice causé, étant entendu que les conditions fixées par les législations nationales en matière de réparation des dommages ne sauraient être moins favorables que celles qui concernent des réclamations semblables de nature interne et ne sauraient être aménagées de manière à rendre, en pratique, impossible ou excessivement difficile l'obtention de la réparation.

    (cf. points 209, 219-220, disp. 6)

    10.   Afin de déterminer s'il existe une violation suffisamment caractérisée du droit communautaire, susceptible d'engager la responsabilité d'un État membre pour des dommages causés aux particuliers, il y a lieu de tenir compte de tous les éléments qui caractérisent la situation soumise au juge national. Parmi ces éléments figurent, notamment, le degré de clarté et de précision de la règle violée, le caractère intentionnel ou involontaire du manquement commis ou du préjudice causé, le caractère excusable ou inexcusable d'une éventuelle erreur de droit, la circonstance que les attitudes prises par une institution communautaire ont pu contribuer à l'adoption ou au maintien de mesures ou de pratiques nationales contraires au droit communautaire.

    En tout état de cause, une violation du droit communautaire est manifestement caractérisée lorsqu'elle a perduré malgré le prononcé d'un arrêt constatant le manquement reproché, d'un arrêt préjudiciel ou d'une jurisprudence bien établie de la Cour en la matière, desquels résulte le caractère infractionnel du comportement en cause.

    Dans un domaine tel que la fiscalité directe, la juridiction nationale doit apprécier les facteurs précités, en particulier le degré de clarté et de précision des règles violées ainsi que le caractère excusable ou inexcusable d'éventuelles erreurs de droit, à la lumière du fait que les conséquences découlant des libertés de circulation garanties par le traité ne se sont que graduellement révélées, notamment, par les principes dégagés par la jurisprudence de la Cour.

    (cf. points 204, 213-215, 217)




    ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

    12 décembre 2006 (*)

    «Liberté d’établissement – Libre circulation des capitaux – Directive 90/435/CEE – Impôt sur les sociétés – Distribution de dividendes – Prévention ou atténuation de l’imposition en chaîne – Exonération – Dividendes perçus de sociétés résidant dans un autre État membre ou dans un pays tiers – Crédit d’impôt – Paiement anticipé de l’impôt sur les sociétés – Égalité de traitement – Action en restitution ou action en réparation»

    Dans l’affaire C-446/04,

    ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division (Royaume-Uni), par décision du 13 octobre 2004, parvenue à la Cour le 22 octobre 2004, dans la procédure

    Test Claimants in the FII Group Litigation

    contre

    Commissioners of Inland Revenue,

    LA COUR (grande chambre),

    composée de M. V. Skouris, président, MM. P. Jann, C. W. A. Timmermans, A. Rosas, K. Lenaerts (rapporteur), P. Kūris et E. Juhász, présidents de chambre, MM. J. N. Cunha Rodrigues, G. Arestis, A. Borg Barthet et M. Ilešič, juges,

    avocat général: M. L. A. Geelhoed,

    greffier: Mme K. Sztranc, administrateur,

    vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 29 novembre 2005,

    considérant les observations présentées:

    –       pour Test Claimants in the FII Group Litigation, par M. G. Aaronson, QC, ainsi que par MM. P. Farmer et D. Cavender, barristers, mandatés par MM. S. Whitehead et M. Anderson, solicitors,

    –       pour le gouvernement du Royaume-Uni, initialement par Mme E. O’Neill, puis par Mme C. Gibbs, en qualité d’agents, assistées de M. G. Barling, QC, ainsi que de M. D. Ewart et Mme S. Stevens, barristers,

    –       pour l’Irlande, par M. D. O’Hagan, en qualité d’agent, assisté de Mme G. Clohessy, BL, et de M. A. Collins, SC,

    –       pour la Commission des Communautés européennes, par M. R. Lyal, en qualité d’agent,

    ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 6 avril 2006,

    rend le présent

    Arrêt

    1       La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 43 CE et 56 CE ainsi que des articles 4, paragraphe 1, et 6 de la directive 90/435/CEE du Conseil, du 23 juillet 1990, concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d’États membres différents (JO L 225, p. 6).

    2       Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant des sociétés résidentes du Royaume-Uni aux Commissioners of Inland Revenue (administration fiscale du Royaume-Uni) au sujet du traitement fiscal de dividendes perçus de sociétés ne résidant pas dans cet État membre.

     Le cadre juridique

     La réglementation communautaire

    3       L’article 4, paragraphe 1, de la directive 90/435, dans sa version initiale, prévoit:

    «Lorsqu’une société mère reçoit, à titre d’associée de sa société filiale, des bénéfices distribués autrement qu’à l’occasion de la liquidation de celle-ci, l’État de la société mère:

    –       soit s’abstient d’imposer ces bénéfices,

    –       soit les impose, tout en autorisant cette société à déduire du montant de son impôt la fraction de l’impôt de la filiale afférente à ces bénéfices et, le cas échéant, le montant de la retenue à la source perçue par l’État membre de résidence de la filiale en application des dispositions dérogatoires de l’article 5, dans la limite du montant de l’impôt national correspondant.»

    4       Aux termes de l’article 6 de cette directive, l’État membre dont relève la société mère ne peut percevoir de retenue à la source sur les bénéfices que cette société reçoit de sa filiale.

    5       L’article 7 de la directive 90/435 dispose:

    «1.      L’expression ‘retenue à la source’ utilisée dans la présente directive ne comprend pas le paiement anticipé ou préalable (précompte) de l’impôt sur les sociétés à l’État membre où est située la filiale, effectué en liaison avec la distribution des bénéfices à la société mère.

    2.      La présente directive n’affecte pas l’application de dispositions nationales ou conventionnelles visant à supprimer ou à atténuer la double imposition économique des dividendes, en particulier les dispositions relatives au paiement de crédits d’impôt aux bénéficiaires de dividendes.»

     La réglementation nationale

    6       En vertu de la législation fiscale en vigueur au Royaume-Uni, les bénéfices réalisés, au cours d’un exercice comptable, par toute société résidant dans cet État membre, ainsi que par toute société qui n’y réside pas mais qui y exerce une activité commerciale par l’intermédiaire d’une succursale ou d’une agence, sont soumis à l’impôt sur les sociétés dans ledit État.

    7       Depuis 1973, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord applique un système d’imposition dit d’«imputation partielle», selon lequel, afin d’éviter la double imposition économique, lorsqu’une société résidente distribue des bénéfices, une partie de l’impôt sur les sociétés payé par cette société est imputée à ses actionnaires. Jusqu’au 6 avril 1999, ce système se basait, d’une part, sur le paiement anticipé de l’impôt sur les sociétés par la société distributrice et, d’autre part, sur un crédit d’impôt octroyé aux actionnaires bénéficiaires d’une distribution de dividendes, accompagné, en ce qui concerne les sociétés bénéficiaires résidant au Royaume-Uni, d’une exonération de l’impôt sur les sociétés des dividendes perçus d’une société résidant également dans cet État membre.

     Le paiement anticipé de l’impôt sur les sociétés

    8       Conformément à l’article 14 de la loi de 1988 relative aux impôts sur le revenu et sur les sociétés (Income and Corporation Taxes Act 1988, ci-après l’«ICTA»), dans sa version applicable à l’époque des faits au principal, une société résidant au Royaume-Uni qui verse des dividendes à ses actionnaires est tenue de procéder au paiement anticipé de l’impôt sur les sociétés («advance corporation tax», ci-après l’«ACT»), calculé sur le montant ou la valeur de la distribution effectuée.

    9       Une société a le droit d’imputer l’ACT payé au titre d’une distribution réalisée au cours d’un exercice comptable donné, sur le montant dont elle est redevable au titre de l’impôt sur les sociétés («mainstream corporation tax») pour cet exercice, dans une certaine limite. Si la dette fiscale d’une société au titre de l’impôt sur les sociétés est insuffisante pour permettre l’imputation intégrale de l’ACT, l’excédent d’ACT peut être transféré soit sur un exercice antérieur ou ultérieur, soit aux filiales de cette société qui peuvent l’imputer sur le montant dont elles-mêmes sont redevables au titre de l’impôt sur les sociétés. Les filiales auxquelles l’ACT excédentaire peut être transféré ne peuvent être que des filiales résidentes du Royaume-Uni.

    10     Un groupe de sociétés du Royaume-Uni peut aussi opter pour le régime de l’imposition de groupe, qui permet aux sociétés appartenant à ce groupe de reporter le paiement de l’ACT jusqu’à ce que la société mère dudit groupe procède à une distribution de dividendes. Ce régime, qui a fait l’objet de l’arrêt du 8 mars 2001, Metallgesellschaft e.a. (C‑397/98 et C‑410/98, Rec. p. I‑1727), n’est pas en cause dans la présente affaire.

     La situation des actionnaires résidents percevant des dividendes de sociétés résidentes

    11     En application de l’article 208 de l’ICTA, lorsqu’une société résidente du Royaume-Uni perçoit des dividendes d’une société résidant également dans cet État membre, elle n’est pas soumise à l’impôt sur les sociétés au titre de ces dividendes.

    12     En outre, en vertu de l’article 231, paragraphe 1, de l’ICTA, toute distribution de dividendes soumise à l’ACT par une société résidente à une autre société résidente donne lieu, au profit de cette dernière société, à un crédit d’impôt correspondant à la fraction du montant de l’ACT versé par la première société. Aux termes de l’article 238, paragraphe 1, de l’ICTA, dans le chef de la société bénéficiaire, le dividende perçu et le crédit d’impôt constituent ensemble le «revenu d’investissement exonéré» («franked investment income» ou «FII»).

    13     Une société résidant au Royaume-Uni ayant reçu d’une autre société résidente des dividendes dont la distribution a ouvert droit au crédit d’impôt peut reprendre le montant de l’ACT acquitté par cette autre société et le déduire du montant de l’ACT qu’elle-même doit payer lorsqu’elle procède à une distribution de dividendes à ses propres actionnaires, de sorte qu’elle n’acquitte l’ACT que pour le surplus.

    14     Conformément au barème F de l’ICTA, une personne physique résidant au Royaume-Uni est assujettie à l’impôt sur le revenu pour les dividendes perçus d’une société résidente de cet État membre. Elle a toutefois droit à un crédit d’impôt correspondant à la fraction du montant de l’ACT versé par cette société. Ce crédit d’impôt peut être déduit du montant dû par cette personne au titre de l’impôt sur le revenu relatif au dividende ou peut être payé en liquide si le crédit dépasse le montant de l’imposition de cette personne.

     La situation des actionnaires résidents percevant des dividendes de sociétés non-résidentes

    15     Lorsqu’une société résidente du Royaume-Uni perçoit des dividendes d’une société résidant en dehors du Royaume-Uni, elle est soumise à l’impôt sur les sociétés au titre de ces dividendes.

    16     Dans un tel cas, la société bénéficiaire desdits dividendes n’a pas droit à un crédit d’impôt et les dividendes perçus ne sont pas qualifiés de revenus d’investissement exonérés. En revanche, conformément aux articles 788 et 790 de l’ICTA, elle bénéficie d’un dégrèvement au titre de l’impôt payé par la société distributrice dans son État de résidence, dégrèvement accordé soit en vertu de la législation en vigueur au Royaume-Uni, soit en vertu d’une convention préventive de la double imposition (ci-après la «CDI») conclue par celui-ci avec cet autre État.

    17     Ainsi, la législation nationale permet d’imputer sur l’impôt sur les sociétés dû par la société résidente bénéficiaire des dividendes les retenues à la source opérées sur ces dividendes distribués par une société non-résidente. Si cette société résidente bénéficiaire contrôle, directement ou indirectement, ou est une filiale d’une société qui contrôle, directement ou indirectement, 10 % ou plus des droits de vote de la société distributrice, le dégrèvement s’étend à l’impôt sur les sociétés étranger sous-jacent, payé sur les bénéfices à partir desquels les dividendes sont payés. Cet impôt étranger ne peut faire l’objet d’un dégrèvement qu’à concurrence du montant dû au Royaume-Uni au titre de l’impôt sur les sociétés sur le revenu concerné.

    18     Des dispositions analogues s’appliquent en vertu des CDI conclues par le Royaume-Uni.

    19     Dans la mesure où une société résidente procède elle-même à une distribution de dividendes à ses propres actionnaires, elle est redevable de l’ACT.

    20     S’agissant de la possibilité d’imputer l’ACT payé au titre d’une telle distribution sur le montant dont ladite société résidente est redevable au titre de l’impôt sur les sociétés, le fait qu’une telle société résidente perçoit des dividendes d’une société non-résidente est susceptible de conduire à un excédent d’ACT pour deux raisons.

    21     D’une part, ainsi qu’il a été relevé au point 16 du présent arrêt, la distribution de dividendes par une société non-résidente n’entraîne pas de crédit d’impôt pouvant être déduit du montant de l’ACT que la société résidente doit acquitter lorsqu’elle distribue des dividendes à ses propres actionnaires.

    22     D’autre part, lorsqu’une société résidente bénéficie d’un dégrèvement pour l’impôt acquitté par cette société non-résidente à l’étranger, l’imputation dudit impôt sur le montant dû au titre de l’impôt sur les sociétés réduit, dans le chef de la société résidente, le montant susceptible de faire l’objet d’une déduction de l’ACT.

     Le régime FID

    23     À partir du 1er juillet 1994, une société résidente percevant des dividendes d’une société non-résidente peut décider, lors de la distribution d’un dividende à ses propres actionnaires, que celui-ci soit qualifié de «dividende de revenu étranger» («foreign income dividend», ci-après «FID»), sur lequel l’ACT est dû, mais qui permet à cette société, pour autant que le FID atteigne le niveau des dividendes d’origine étrangère perçus, de demander un remboursement pour l’ACT payé en excédent.

    24     Tandis que l’ACT doit être acquitté dans les quatorze jours après le trimestre au cours duquel le dividende a été versé, l’excédent de l’ACT devient remboursable au moment où la société résidente devient redevable de l’impôt sur les sociétés, soit neuf mois après la fin de l’exercice comptable.

    25     Lorsqu’un dividende qualifié de FID est versé à un actionnaire personne physique, celui-ci n’a plus droit à un crédit d’impôt, mais est considéré, dans le cadre de l’impôt sur le revenu, comme ayant reçu un revenu qui a été imposé au taux le plus bas. Les actionnaires exonérés d’impôt, tels que les fonds de pension du Royaume-Uni, bénéficiaires d’un FID, n’ont pas non plus droit à un crédit d’impôt.

    26     Le système de l’ACT, y compris le système du FID (ci-après le «régime FID»), a été supprimé pour les distributions de dividendes effectuées à partir du 6 avril 1999.

     Le litige au principal et les questions préjudicielles

    27     Le litige au principal relève d’un litige du type «group litigation» relatif au revenu d’investissement exonéré («Franked Investment Income Group Litigation»), constitué par plusieurs recours introduits devant la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division, par des sociétés résidant au Royaume-Uni et ayant des participations dans des sociétés résidant dans un autre État membre ou dans un pays tiers.

    28     Les affaires choisies par la juridiction de renvoi comme affaires «pilotes» aux fins du présent renvoi préjudiciel, concernent des demandes introduites par des sociétés résidant au Royaume-Uni et faisant partie du groupe British American Tobacco (BAT, ci-après les «demanderesses au principal»). À la tête du groupe se trouvait une société mère détenant, directement ou indirectement, 100 % du capital d’autres sociétés, elles-mêmes détenant 100 % du capital de sociétés établies dans différents États membres de l’Union européenne et de l’Espace économique européen ainsi que dans des pays tiers.

    29     Ces affaires concernent, premièrement, des dividendes versés par ces sociétés non-résidentes en faveur des demanderesses au principal depuis l’exercice financier clos le 30 septembre 1973 et, selon la décision de renvoi, au moins jusqu’à la date de cette dernière, deuxièmement, des dividendes versés par la société mère du groupe BAT à ses actionnaires à partir du même exercice financier jusqu’au 31 mars 1999, troisièmement, des paiements d’ACT effectués par les demanderesses au principal depuis ledit exercice jusqu’au 14 avril 1999 et, quatrièmement, des dividendes qualifiés de FID versés entre le 30 septembre 1994 et le 30 septembre 1997.

    30     Les demanderesses au principal demandent la restitution et/ou la compensation de pertes ayant découlé de l’application à leur égard de la législation en vigueur au Royaume-Uni, en ce qui concerne notamment:

    –       l’impôt sur les sociétés payé sur les dividendes d’origine étrangère perçus et les dégrèvements et crédits d’impôt appliqués sur ces impositions qui, en l’absence d’un tel impôt, auraient pu être utilisés ou transférés pour être déduits d’autres impositions;

    –       l’ACT payé sur les sommes distribuées à leurs actionnaires à partir de dividendes d’origine étrangère, pour autant qu’il restait un excédent;

    –       dans ce dernier cas, la privation de la jouissance des sommes concernées entre la date de paiement de l’ACT et le moment auquel l’ACT a été imputé sur l’impôt sur les sociétés, et

    –       s’agissant de distributions de dividendes qualifiés de FID, la privation de la jouissance des sommes payées comme ACT entre la date du paiement de l’ACT et le moment de son remboursement ainsi que les montants additionnels que les demanderesses au principal auraient dû verser à leurs actionnaires pour compenser l’absence de crédit d’impôt dans leur chef.

    31     Dans ces conditions, la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division, a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

    «1)      Les articles 43 CE ou 56 CE s’opposent-ils à ce qu’un État membre maintienne en vigueur et applique des mesures qui exonèrent de l’impôt sur les sociétés les dividendes perçus par une société résidente de cet État membre (la ‘société résidente’) versés par d’autres sociétés résidentes et qui soumettent les dividendes perçus par la société résidente versés par des sociétés résidentes d’autres États membres (les ‘sociétés non-résidentes’) à l’impôt sur les sociétés (après avoir accordé un dégrèvement préventif de la double imposition pour toute retenue à la source due sur ce dividende et, sous certaines conditions, pour l’impôt sous-jacent payé par les sociétés non-résidentes sur leurs bénéfices dans leur pays de résidence)?

    2)      Lorsqu’un État membre connaît un système qui, dans certaines circonstances, impose un impôt anticipé sur les sociétés […] lors du versement de dividendes effectué par une société résidente à ses actionnaires et accorde un crédit d’impôt pour ces dividendes aux actionnaires résidents de cet État membre, cet État membre viole-t-il l’article 43 CE ou l’article 56 CE, ou encore l’article 4, paragraphe 1, ou l’article 6 de la directive [90/435] s’il maintient en vigueur et applique des mesures qui permettent à une société résidente de verser des dividendes à ses actionnaires sans être tenue de payer l’ACT dans la mesure où elle a perçu des dividendes de sociétés résidentes de cet État membre (directement ou indirectement, par l’intermédiaire d’autres sociétés résidentes de cet État membre) et qui ne permettent pas à la société résidente de verser des dividendes à ses actionnaires sans être tenue de payer l’ACT dans la mesure où elle a perçu des dividendes de sociétés non-résidentes?

    3)      Les dispositions de droit communautaire visées ci-dessus à la deuxième question s’opposent-elles au maintien en vigueur et à l’application par un État membre de mesures qui permettent d’imputer le montant dû au titre de l’ACT sur l’impôt sur les sociétés dû sur ses bénéfices par la société versant le dividende et sur celui dû par d’autres sociétés du groupe résidentes de cet État membre:

    a)      mais qui ne prévoient aucune forme d’imputation de l’ACT dû ni aucun dégrèvement analogue (tel que le remboursement de l’ACT) pour des bénéfices réalisés, que ce soit dans cet État ou dans d’autres États membres, par des sociétés du groupe non-résidentes de cet État membre, et/ou

    b)      qui prévoient qu’un dégrèvement préventif de la double imposition, quel qu’il soit, dont bénéficie une société résidente de cet État membre, réduise l’impôt sur les sociétés sur lequel l’ACT dû peut être imputé?

    4)      Lorsqu’un État membre connaît des mesures qui, dans certaines circonstances, prévoient que, si elles opèrent ce choix, les sociétés résidentes recouvrent l’ACT acquitté sur des sommes distribuées à leurs actionnaires dans la mesure où ces sommes sont perçues par des sociétés résidentes et versées par des sociétés non-résidentes (y compris, à cet effet, par des sociétés résidentes de pays tiers), y a-t-il violation de l’article 43 CE, de l’article 56 CE ou de l’article 4, paragraphe 1, [de la directive 90/435] ou de l’article 6 de [cette] directive lorsque ces mesures:

    a)      obligent les sociétés résidentes à s’acquitter de l’ACT et à en demander le remboursement par la suite, et

    b)      ne prévoient pas que les actionnaires des sociétés résidentes reçoivent un crédit d’impôt, alors qu’ils l’auraient reçu sur un dividende versé par une société résidente qui n’aurait pas elle-même perçu de dividendes de sociétés non-résidentes?

    5)      Lorsque, avant le 31 décembre 1993, un État membre a adopté les mesures décrites en substance aux première et deuxième questions et, après cette date, a adopté les autres mesures, décrites en substance à la quatrième question, et si ces dernières mesures constituent une restriction prohibée par l’article 56 CE, cette restriction doit-elle être qualifiée de restriction nouvelle, qui n’existait pas encore au 31 décembre 1993?

    6)      Si l’une ou l’autre des mesures décrites aux première à cinquième questions était contraire à l’une des dispositions de droit communautaire auxquelles ces questions se réfèrent, pour le cas où la société résidente ou d’autres sociétés du même groupe introduiraient les actions suivantes, se fondant sur lesdites infractions:

    a)      une action en remboursement de l’impôt sur les sociétés perçu illégalement dans les circonstances décrites à la première question;

    b)      une action visant la récupération de dégrèvements (ou la compensation de leur perte) appliqués sur l’impôt sur les sociétés illégalement perçu dans les circonstances exposées à la première question;

    c)      une action en remboursement (ou en compensation) de l’ACT qui ne pouvait pas être imputé sur l’impôt sur les sociétés dû par la société ou qui n’a pas pu donner lieu à un dégrèvement d’une autre manière et qui n’aurait pas été payé (ou qui aurait été déduit) s’il n’y avait pas eu l’infraction;

    d)      lorsque l’ACT a été imputé sur l’impôt sur les sociétés, une action pour cause de privation de la jouissance des sommes concernées entre la date du paiement de l’ACT et cette imputation;

    e)      une action en remboursement de l’impôt sur les sociétés payé par la société ou par une autre société du groupe lorsque l’une de ces sociétés a été imposée au titre de l’impôt sur les sociétés en renonçant à d’autres dégrèvements afin de permettre que l’ACT dû soit imputé sur l’impôt sur les sociétés dont elle est redevable (les limites imposées à l’imputation de l’ACT entraînant un solde résiduaire d’impôt sur les sociétés dont elle est redevable);

    f)      une action au titre de la privation de la jouissance de sommes d’argent par suite du paiement de l’impôt sur les sociétés plus tôt que ce n’eût été autrement le cas ou de la perte du bénéfice de dégrèvements par suite des circonstances exposées ci-dessus, sous e);

    g)      une action de la société résidente en paiement (ou en compensation) de l’excédent d’ACT que cette société a cédé à une autre société du groupe et qui est resté sans avoir donné lieu à dégrèvement lorsque cette autre société a fait l’objet d’une vente, d’une scission ou d’une liquidation;

    h)      une action dans le cas où l’ACT aurait été payé et aurait toutefois été remboursé par la suite en vertu des dispositions décrites à la quatrième question, au titre de la privation de la jouissance des sommes concernées entre la date de paiement de l’ACT et la date à laquelle il a été remboursé;

    i)      une action en compensation lorsque la société résidente a opté pour le remboursement de l’ACT au titre des dispositions décrites à la quatrième question et a compensé l’impossibilité, pour ses actionnaires, de recevoir un crédit d’impôt en majorant le montant du dividende,

    chacune de ces actions, considérée distinctement, devrait-elle être considérée comme:

    –      une action en remboursement de sommes indûment perçues, de telle sorte que ce remboursement serait une conséquence et un accessoire de l’infraction aux dispositions susmentionnées du droit communautaire, ou

    –      un droit à la compensation ou à la réparation d’un dommage, de telle sorte qu’il conviendrait de satisfaire aux conditions énoncées dans l’arrêt [du 5 mars 1996, Brasserie du Pêcheur et Factortame, C‑46/93 et C‑48/93, Rec. p. I‑1029], en matière de réparation, ou

    –      un droit au paiement d’une somme représentant un avantage indûment refusé?

    7)      Pour le cas où, en réponse à l’une ou l’autre partie de la sixième question, l’action serait qualifiée d’action en paiement d’une somme représentant un avantage indûment refusé:

    a)      le droit à un tel paiement serait-il une conséquence ou un accessoire du droit conféré par les dispositions de droit communautaire susmentionnées, ou

    b)      conviendrait-il de satisfaire aux conditions énoncées dans l’arrêt [Brasserie du Pêcheur et Factortame, précité], en matière de réparation, ou

    c)      conviendrait-il de satisfaire à d’autres conditions?

    8)      Les sixième ou septième questions énoncées ci-dessus appellent-elles une réponse différente selon que, dans le cadre du droit national, les actions introduites visées à la sixième question le sont au titre d’actions en remboursement ou sont introduites ou doivent l’être au titre d’actions en réparation d’un dommage?

    9)      Quelles sont les orientations, s’il en existe, que la Cour de justice considère qu’il conviendrait de donner dans le présent litige et quelles sont les circonstances que la juridiction nationale devrait prendre en compte lorsqu’elle est amenée à déterminer s’il y a violation suffisamment caractérisée au sens de l’arrêt [Brasserie du Pêcheur et Factortame, précité], en particulier quant à la question de savoir si, en l’état actuel de la jurisprudence relative à l’interprétation des dispositions pertinentes du droit communautaire, cette violation présentait un caractère excusable ou quant à la question de savoir s’il existe, dans chaque cas particulier, un lien causal suffisant pour constituer un ‘lien de causalité direct’ au sens de cet arrêt?»

    32     La juridiction de renvoi fait observer qu’il ressort de l’article 57, paragraphe 1, CE que, dans les rapports avec des pays tiers, une restriction à la libre circulation des capitaux existant à la date du 31 décembre 1993 ne peut pas être considérée comme contraire à l’article 56 CE. Elle estime que, dès lors que les trois premières questions concernent des dispositions antérieures à cette date, leur portée se limite aux situations internes à la Communauté européenne. Les quatrième et cinquième questions ayant trait à des dispositions postérieures à cette date, elles concerneraient, s’agissant de l’application de l’article 56 CE, tant les situations internes à la Communauté que celles ayant un rapport avec des pays tiers.

     Sur les questions préjudicielles

     Sur la première question

    33     Par sa première question, la juridiction de renvoi demande en substance si les articles 43 CE et 56 CE s’opposent à une législation d’un État membre qui exonère de l’impôt sur les sociétés les dividendes perçus par une société résidente d’une société résidant également dans cet État (ci-après les «dividendes d’origine nationale»), alors qu’elle soumet à cet impôt les dividendes perçus par une société résidente d’une société qui ne réside pas dans ce même État (ci-après les «dividendes d’origine étrangère»), tout en accordant, dans ce dernier cas, un dégrèvement d’impôt pour toute retenue à la source opérée dans l’État de résidence de la société distributrice ainsi que, lorsque la société résidente bénéficiaire des dividendes détient, directement ou indirectement, 10 % ou plus des droits de vote de la société distributrice, un dégrèvement pour l’impôt sur les sociétés payé par la société distributrice sur les bénéfices sous-jacents aux dividendes distribués.

    34     Selon les demanderesses au principal, une telle législation nationale serait contraire aux articles 43 CE et 56 CE dès lors que, d’une part, elle est susceptible de dissuader les sociétés résidentes d’établir des filiales ou d’investir dans le capital de sociétés dans d’autres États membres et, d’autre part, elle ne peut être justifiée ni par une différence entre la situation de dividendes d’origine étrangère et celle de dividendes d’origine nationale, ni par l’objectif d’assurer la cohérence du système fiscal national.

    35     À titre liminaire, il convient de rappeler que, en vertu d’une jurisprudence constante, si la fiscalité directe relève de la compétence des États membres, ces derniers doivent toutefois exercer celle-ci dans le respect du droit communautaire (voir, notamment, arrêts du 6 juin 2000, Verkooijen, C‑35/98, Rec. p. I‑4071, point 32; Metallgesellschaft e.a., précité, point 37, et du 23 février 2006, Keller Holding, C‑471/04, Rec. p. I-2107, point 28).

    36     À cet égard, il y a lieu de relever qu’une législation nationale soumettant la perception de dividendes par une société résidente à un impôt, dont non seulement l’assiette mais également la possibilité de déduire de cet impôt celui payé dans l’État de résidence de la société distributrice dépendent de l’origine, nationale ou non, des dividendes ainsi que de l’ampleur de la participation que la société bénéficiaire détient dans la société distributrice, est susceptible de relever aussi bien de l’article 43 CE relatif à la liberté d’établissement que de l’article 56 CE relatif à la libre circulation des capitaux.

    37     Il ressort de la décision de renvoi que les affaires choisies comme affaires «pilotes» dans le cadre du litige pendant devant la juridiction de renvoi se rapportent à des sociétés résidentes du Royaume-Uni ayant perçu des dividendes de sociétés non-résidentes qu’elles contrôlent à 100 %. Dès lors qu’il s’agit d’une participation qui confère au détenteur une influence certaine sur les décisions de la société et lui permet d’en déterminer les activités, ce sont les dispositions du traité CE relatives à la liberté d’établissement qui trouvent à s’appliquer (arrêts du 13 avril 2000, Baars, C‑251/98, Rec. p. I‑2787, points 21 et 22; du 21 novembre 2002, X et Y, C‑436/00, Rec. p. I‑10829, points 37 et 66 à 68, ainsi que du 12 septembre 2006, Cadbury Schweppes et Cadbury Schweppes Overseas, C-196/04, non encore publié au Recueil, point 31).

    38     Ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 33 de ses conclusions, la nature des participations d’autres sociétés parties audit litige n’a pas été évoquée devant la Cour. Il ne peut donc être exclu que ce litige porte également sur l’impact de la législation nationale en cause au principal sur la situation de sociétés résidentes ayant perçu des dividendes sur la base d’une participation qui ne leur confère pas une influence certaine sur les décisions de la société distributrice et ne leur permet pas d’en déterminer les activités. Dès lors, cette législation doit également être examinée au regard des dispositions du traité relatives à la libre circulation des capitaux.

     Sur la liberté d’établissement

    39     S’agissant, en premier lieu, de la situation des demanderesses au principal, il convient de rappeler que la liberté d’établissement, que l’article 43 CE reconnaît aux ressortissants communautaires et qui comporte pour eux l’accès aux activités non salariées et leur exercice ainsi que la constitution et la gestion d’entreprises, dans les mêmes conditions que celles définies par la législation de l’État membre d’établissement pour ses propres ressortissants, comprend, conformément à l’article 48 CE, pour les sociétés constituées en conformité avec la législation d’un État membre et ayant leur siège statutaire, leur administration centrale ou leur principal établissement à l’intérieur de la Communauté, le droit d’exercer leur activité dans l’État membre concerné par l’intermédiaire d’une filiale, d’une succursale ou d’une agence (voir, notamment, arrêts du 21 septembre 1999, Saint-Gobain ZN, C‑307/97, Rec. p. I‑6161, point 35; du 13 décembre 2005, Marks & Spencer, C‑446/03, Rec. p. I­‑10837, point 30, ainsi que Cadbury Schweppes et Cadbury Schweppes Overseas, précité, point 41).

    40     Pour les sociétés, il importe de relever que leur siège au sens de l’article 48 CE sert à déterminer, à l’instar de la nationalité des personnes physiques, leur rattachement à l’ordre juridique d’un État. Admettre que l’État membre d’établissement puisse librement appliquer un traitement différent en raison du seul fait que le siège d’une société est situé dans un autre État membre viderait l’article 43 CE de son contenu (voir, en ce sens, arrêts du 28 janvier 1986, Commission/France, 270/83, Rec. p. 273, point 18; du 13 juillet 1993, Commerzbank, C‑330/91, Rec. p. I‑4017, point 13; Metallgesellschaft e.a., précité, point 42, et Marks & Spencer, précité, point 37). La liberté d’établissement vise ainsi à garantir le bénéfice du traitement national dans l’État membre d’accueil, en interdisant toute discrimination fondée sur le lieu du siège des sociétés (voir, en ce sens, arrêts précités Commission/France, point 14, et Saint-Gobain ZN, point 35).

    41     Dans l’affaire au principal, il convient de constater que, dans le chef d’une société résidente percevant des dividendes d’une autre société dont elle détient, directement ou indirectement, au moins 10 % des droits de vote, la législation nationale en cause prévoit un traitement fiscal distinct selon que les dividendes perçus proviennent d’une société résidant également au Royaume-Uni ou d’une société résidant dans un autre État membre. En effet, dans le premier cas, les dividendes perçus sont exonérés de l’impôt sur les sociétés, alors que, dans le second cas, ils sont soumis audit impôt, mais donnent droit à un dégrèvement pour toute retenue à la source opérée lors de la distribution des dividendes dans l’État de résidence de la société distributrice ainsi que pour l’impôt sur les sociétés payé par cette dernière sur les bénéfices sous-jacents.

    42     Selon les demanderesses au principal, le fait que la législation en vigueur au Royaume-Uni applique, dans le chef d’une société résidente bénéficiaire d’une distribution de dividendes, un système d’exonération lorsqu’il s’agit de dividendes d’origine nationale et un système d’imputation en cas de dividendes d’origine étrangère conduirait à soumettre les seconds à un traitement fiscal moins avantageux que les premiers.

    43     Il convient de relever, tout d’abord, qu’un État membre souhaitant prévenir ou atténuer l’imposition en chaîne des bénéfices distribués dispose de plusieurs systèmes. Dans le chef de l’actionnaire bénéficiaire des dividendes, ces systèmes ne conduisent pas nécessairement au même résultat. Ainsi, dans un système d’exonération, l’actionnaire bénéficiaire ne paie pas, en principe, d’impôt au titre des dividendes perçus, et cela indépendamment du taux de l’impôt auquel sont soumis, dans le chef de la société distributrice, les bénéfices sous-jacents et du montant que cette dernière a réellement acquitté au titre de cet impôt. En revanche, dans un système d’imputation tel que celui en cause au principal, l’actionnaire ne peut imputer sur l’impôt dû au titre des dividendes perçus que le montant d’impôt que la société distributrice a effectivement dû acquitter au titre des bénéfices sous-jacents, montant qui n’est imputable que dans la limite du montant d’impôt redevable par cet actionnaire.

    44     S’agissant de dividendes distribués à une société mère résidente d’un État membre par une société résidente d’un autre État membre dans le capital de laquelle cette société mère détient une participation minimale de 25 %, l’article 4, paragraphe 1, de la directive 90/435 laisse explicitement le choix aux États membres entre le système d’exonération et le système d’imputation. Il est en effet prévu que, lorsqu’une telle société mère reçoit de la part de sa filiale des bénéfices distribués autrement qu’à l’occasion de la liquidation de celle-ci, l’État de la société mère soit s’abstient d’imposer ces bénéfices, soit les impose, tout en autorisant cette société à déduire du montant de son impôt la fraction de l’impôt de la filiale afférente à ces bénéfices et, le cas échéant, le montant de la retenue à la source perçue par l’État membre de résidence de la filiale, dans la limite du montant de l’impôt national correspondant.

    45     Toutefois, dans l’aménagement de leur système fiscal, et notamment lorsqu’ils instaurent un mécanisme visant à prévenir ou à atténuer l’imposition en chaîne ou la double imposition économique, les États membres doivent respecter les exigences découlant du droit communautaire, en particulier celles imposées par les dispositions du traité relatives aux libertés de circulation.

    46     Il ressort ainsi de la jurisprudence que, quel que soit le mécanisme adopté pour prévenir ou atténuer l’imposition en chaîne ou la double imposition économique, les libertés de circulation garanties par le traité s’opposent à ce qu’un État membre traite de manière moins avantageuse les dividendes d’origine étrangère que les dividendes d’origine nationale, à moins que cette différence de traitement ne concerne des situations qui ne sont pas objectivement comparables ou qu’elle soit justifiée par des raisons impérieuses d’intérêt général (voir, en ce sens, arrêts du 15 juillet 2004, Lenz, C‑315/02, Rec. p. I-7063, points 20 à 49, et du 7 septembre 2004, Manninen, C‑319/02, Rec. p. I‑7477, points 20 à 55). De même, s’agissant des possibilités laissées aux États membres par la directive 90/435, la Cour a rappelé qu’elles ne sauraient être exercées que dans le respect des dispositions fondamentales du traité, notamment celles relatives à la liberté d’établissement (arrêt Keller Holding, précité, point 45).

    47     Quant à la question de savoir si un État membre peut soumettre les dividendes d’origine nationale à un système d’exonération alors qu’il applique un système d’imputation aux dividendes d’origine étrangère, il importe de préciser qu’il appartient à tout État membre d’organiser, dans le respect du droit communautaire, son système d’imposition de bénéfices distribués, et notamment de définir l’assiette imposable ainsi que le taux d’imposition qui s’appliquent, pour autant qu’ils sont assujettis à l’impôt dans cet État membre, dans le chef de la société distributrice et/ou dans celui de l’actionnaire bénéficiaire.

    48     Ainsi, le droit communautaire n’interdit pas, en principe, à un État membre d’éviter l’imposition en chaîne de dividendes perçus par une société résidente en appliquant des règles qui exonèrent ces dividendes de l’imposition lorsqu’ils sont versés par une société résidente, tout en évitant, au moyen d’un système d’imputation, l’imposition en chaîne desdits dividendes lorsqu’ils sont versés par une société non-résidente.

    49     Pour que, dans une telle situation, l’application d’un système d’imputation soit compatible avec le droit communautaire, il importe, d’abord, que les dividendes d’origine étrangère ne soient pas soumis, dans cet État membre, à un taux d’imposition supérieur au taux appliqué aux dividendes d’origine nationale.

    50     Ensuite, cet État membre doit éviter l’imposition en chaîne des dividendes d’origine étrangère en imputant le montant d’impôt acquitté par la société distributrice non-résidente sur le montant de taxation applicable à la société bénéficiaire résidente dans la limite de ce dernier montant.

    51     Ainsi, lorsque les bénéfices sous-jacents aux dividendes d’origine étrangère sont soumis dans l’État membre de la société distributrice à un impôt inférieur à l’impôt prélevé par l’État membre de la société bénéficiaire, ce dernier doit accorder un crédit d’impôt total correspondant à l’impôt acquitté par la société distributrice dans son État membre de résidence.

    52     Lorsque, en revanche, ces bénéfices sont soumis dans l’État membre de la société distributrice à un impôt supérieur à l’impôt prélevé par l’État membre de la société bénéficiaire, ce dernier n’est contraint d’accorder un crédit d’impôt que dans la limite du montant de l’impôt sur les sociétés dû par la société bénéficiaire. Il n’est pas tenu de rembourser la différence, c’est-à-dire le montant acquitté dans l’État membre de la société distributrice qui excède le montant d’impôt dû dans l’État membre de la société bénéficiaire.

    53     Dans ce contexte, le seul fait que, comparé à un système d’exonération, un système d’imputation impose aux contribuables des charges administratives additionnelles, le montant de l’impôt effectivement acquitté dans l’État de résidence de la société distributrice devant être démontré, ne peut être considéré comme une différence de traitement contraire à la liberté d’établissement, dès lors que les charges administratives particulières imposées aux sociétés résidentes percevant des dividendes d’origine étrangère sont inhérentes au fonctionnement d’un système de crédit d’impôt.

    54     Les demanderesses au principal font néanmoins observer que, en vertu de la législation en vigueur au Royaume-Uni, dans le cas d’une distribution de dividendes d’origine nationale, ceux-ci sont exonérés de l’impôt sur les sociétés dans le chef de la société bénéficiaire indépendamment de l’impôt acquitté par la société distributrice, c’est-à-dire également lorsque, en raison de dégrèvements dont elle bénéficie, cette dernière n’est pas débitrice d’impôt ou paie un impôt sur les sociétés inférieur au taux nominal applicable au Royaume-Uni.

    55     Cela n’a pas été contesté par le gouvernement du Royaume-Uni, qui soutient toutefois que l’application à la société distributrice et à la société bénéficiaire de niveaux d’imposition différents n’existe que dans des circonstances plutôt exceptionnelles, qui ne se présentent pas dans l’affaire au principal.

    56     À cet égard, il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier si le taux d’imposition est bien identique et si les niveaux d’imposition différents n’existent que dans certains cas en raison d’une modification de l’assiette imposable à la suite de certains dégrèvements exceptionnels.

    57     Il s’ensuit que, dans le contexte de la législation nationale en cause au principal, le fait d’appliquer aux dividendes d’origine nationale un système d’exonération et aux dividendes d’origine étrangère un système d’imputation n’est pas contraire au principe de la liberté d’établissement établi par l’article 43 CE pour autant que le taux d’imposition sur les dividendes d’origine étrangère ne soit pas supérieur au taux d’imposition appliqué aux dividendes d’origine nationale et que le crédit d’impôt soit au moins égal au montant acquitté dans l’État membre de la société distributrice jusqu’à hauteur du montant d’imposition appliqué dans l’État membre de la société bénéficiaire.

     Sur la libre circulation des capitaux

    58     S’agissant, en deuxième lieu, des sociétés résidentes ayant perçu des dividendes d’une société dont elles détiennent 10 % ou plus des droits de vote, sans que cette participation leur confère une influence certaine sur les décisions de cette société ni leur permette d’en déterminer les activités, force est de constater que lesdites sociétés sont également soumises au Royaume-Uni, d’une part, lorsqu’elles perçoivent des dividendes d’origine nationale, à un système d’exonération et, d’autre part, en cas de dividendes d’origine étrangère, à un système d’imputation.

    59     Selon les demanderesses au principal, il s’agit d’une différence de traitement qui dissuade les sociétés résidentes du Royaume-Uni d’investir dans le capital de sociétés résidant dans d’autres États membres et constitue, faute d’une justification objective, une violation à l’article 56 CE relatif à la libre circulation des capitaux.

    60     Il suffit de souligner, à cet égard, que, ainsi qu’il a été relevé aux points 47 à 56 du présent arrêt, une législation telle que celle en cause au principal ne comporte pas de discrimination à l’encontre des sociétés percevant des dividendes d’origine étrangère. Dès lors, la conclusion tirée au point 57 du présent arrêt vaut également à propos des dispositions du traité relatives à la libre circulation des capitaux.

    61     S’agissant, enfin, de sociétés résidentes ayant perçu des dividendes de sociétés dont elles détiennent moins de 10 % des droits de vote, il ressort de la législation nationale en cause au principal que les dividendes d’origine nationale sont exonérés de l’impôt sur les sociétés, alors que les dividendes d’origine étrangère sont soumis à cet impôt et ne donnent droit qu’à un dégrèvement pour l’éventuelle retenue à la source opérée sur ces mêmes dividendes dans l’État de résidence de la société distributrice.

    62     À cet égard, il y a lieu de relever, d’abord, que, à l’égard d’une règle fiscale visant à prévenir ou à atténuer l’imposition des bénéfices distribués, la situation d’une société actionnaire percevant des dividendes d’origine étrangère est comparable à celle d’une société actionnaire percevant des dividendes d’origine nationale dans la mesure où, dans les deux cas, les bénéfices réalisés sont, en principe, susceptibles de faire l’objet d’une imposition en chaîne.

    63     Or, tandis que, dans le chef d’une société résidente percevant des dividendes d’une autre société résidente, le système d’exonération appliqué élimine le risque d’une imposition en chaîne des bénéfices distribués, cela ne vaut pas pour les bénéfices distribués par des sociétés non-résidentes. Si, dans ce dernier cas, l´État de résidence de la société bénéficiaire accorde un dégrèvement pour la retenue à la source prélevée dans l’État de résidence de la société distributrice, un tel dégrèvement a pour seul effet d’éliminer une double imposition juridique dans le chef de la société bénéficiaire. Ce dégrèvement ne supprime pas, en revanche, l’imposition en chaîne qui existe lorsque les bénéfices distribués sont imposés, dans un premier temps, au titre de l’impôt sur les sociétés dû par la société distributrice dans son État de résidence et, dans un second temps, au titre de l’impôt sur les sociétés dû par la société bénéficiaire.

    64     Une telle différence de traitement a pour effet de dissuader les sociétés résidant au Royaume-Uni d’investir leurs capitaux dans des sociétés établies dans un autre État membre. En outre, elle produit également un effet restrictif à l’égard des sociétés établies dans d’autres États membres en ce qu’elle constitue à leur encontre un obstacle à la collecte de capitaux au Royaume-Uni. En effet, dans la mesure où les revenus de capitaux d’origine étrangère sont fiscalement traités de manière moins favorable que les dividendes distribués par des sociétés établies au Royaume-Uni, les actions des sociétés établies dans d’autres États membres sont moins attrayantes pour les investisseurs résidant au Royaume-Uni que celles de sociétés ayant leur siège dans cet État membre (voir arrêts précités Verkooijen, points 34 et 35, Lenz, points 20 et 21, ainsi que Manninen, points 22 et 23).

    65     Il en résulte que la différence de traitement opérée, par une législation telle que celle en cause au principal, par rapport aux dividendes perçus par des sociétés résidentes de sociétés non-résidentes dont elles détiennent moins de 10 % des droits de vote, constitue une restriction à la libre circulation des capitaux prohibée, en principe, par l’article 56 CE.

    66     Selon le gouvernement du Royaume-Uni, il serait légitime et proportionné de n’accorder à ces sociétés résidentes le dégrèvement de l’impôt sur les sociétés qu’à concurrence de l’éventuelle retenue à la source prélevée sur le dividende. En effet, des obstacles pratiques s’opposeraient à l’octroi à une société ne détenant dans la société distributrice qu’une participation de moins de 10 % d’un crédit d’impôt qui correspond à l’impôt effectivement acquitté par cette dernière. Contrairement à un crédit d’impôt pour une retenue à la source, un tel crédit d’impôt ne pourrait être octroyé qu’après des vérifications longues et complexes. Il serait donc légitime de fixer un seuil en fonction de l’importance de la participation détenue. Le seuil de 10 % fixé par le Royaume-Uni serait d’ailleurs plus généreux que celui de 25 % adopté par le modèle de convention élaboré dans le cadre de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ainsi que, dans sa version initiale, par la directive 90/435.

    67     Certes, il appartient en principe aux États membres, lorsqu’ils introduisent des mécanismes visant à prévenir ou à atténuer l’imposition en chaîne de bénéfices distribués, de déterminer la catégorie de contribuables pouvant bénéficier desdits mécanismes et d’instaurer, à cet effet, des seuils basés sur la participation que ces contribuables détiennent dans les sociétés distributrices concernées. Ce n’est que pour les sociétés des États membres détenant dans le capital d’une société d’un autre État membre une participation minimale de 25 % que l’article 4 de la directive 90/435, lu en combinaison avec l’article 3 de celle-ci, dans sa version applicable au moment des faits au principal, impose aux États membres, s’ils n’exonèrent pas les bénéfices perçus par une société mère résidente d’une filiale résidant dans un autre État membre, d’autoriser cette société mère à déduire du montant de son impôt non seulement le montant de la retenue à la source perçue par l’État membre de résidence de la filiale, mais également la fraction de l’impôt de la filiale afférente à ces bénéfices.

    68     Toutefois, si, pour les participations ne relevant pas de la directive 90/435, l’article 4 de celle-ci ne fait donc pas obstacle à ce qu’un État membre soumette à l’impôt les bénéfices versés par une société non-résidente à une société résidente, sans accorder à cette dernière un quelconque dégrèvement pour l’impôt sur les sociétés payé par la première dans son État de résidence, un État membre ne peut exercer cette compétence que dans la mesure où, en vertu de son droit national, les dividendes qu’une société résidente perçoit d’une autre société résidente sont également soumis à l’impôt dans le chef de la société bénéficiaire, sans que celle-ci puisse bénéficier d’un dégrèvement pour l’impôt sur les sociétés payé par la société distributrice.

    69     En effet, le seul fait que, pour de telles participations, il appartienne à un État membre de déterminer si, et dans quelle mesure, l’imposition en chaîne des bénéfices distribués doit être évitée ne signifie pas pour autant qu’il lui est permis d’appliquer un régime dans lequel les dividendes d’origine étrangère et ceux d’origine nationale ne bénéficient pas d’un traitement équivalent.

    70     En outre, indépendamment du fait qu’un État membre dispose, en tout état de cause, de différents systèmes possibles afin de prévenir ou d’atténuer l’imposition en chaîne des bénéfices distribués, d’éventuelles difficultés quant à la détermination de l’impôt effectivement payé dans un autre État membre ne sauraient justifier un obstacle à la libre circulation des capitaux comme celui qui découle de la législation en cause au principal (voir, en ce sens, arrêts du 4 mars 2004, Commission/France, C‑334/02, Rec. p. I‑2229, point 29, et Manninen, précité, point 54).

    71     Il s’ensuit qu’une législation fiscale telle que celle en cause au principal est contraire au principe de la libre circulation des capitaux établi à l’article 56 CE.

    72     Il y a donc lieu de répondre à la première question que les articles 43 CE et 56 CE doivent être interprétés en ce sens que, lorsqu’un État membre connaît un système de prévention ou d’atténuation de l’imposition en chaîne ou de la double imposition économique dans le cas de dividendes versés à des résidents par des sociétés résidentes, il doit accorder un traitement équivalent aux dividendes versés à des résidents par des sociétés non-résidentes.

    73     Les articles 43 CE et 56 CE ne s’opposent pas à une législation d’un État membre qui exonère de l’impôt sur les sociétés les dividendes qu’une société résidente perçoit d’une autre société résidente, alors qu’elle soumet à cet impôt les dividendes qu’une société résidente perçoit d’une société non-résidente et dans laquelle la société résidente détient au moins 10 % des droits de vote, tout en accordant, dans ce dernier cas, un crédit d’impôt au titre de l’impôt effectivement acquitté par la société distributrice dans son État membre de résidence, pour autant que le taux d’imposition sur les dividendes d’origine étrangère ne soit pas supérieur au taux d’imposition appliqué aux dividendes d’origine nationale et que le crédit d’impôt soit au moins égal au montant acquitté dans l’État membre de la société distributrice jusqu’à hauteur du montant d’imposition appliqué dans l’État membre de la société bénéficiaire.

    74     L’article 56 CE s’oppose à une législation d’un État membre qui exonère de l’impôt sur les sociétés les dividendes qu’une société résidente perçoit d’une autre société résidente, alors qu’elle soumet à cet impôt les dividendes qu’une société résidente perçoit d’une société non-résidente dans laquelle elle détient moins de 10 % des droits de vote, sans accorder à celle-ci un crédit d’impôt au titre de l’impôt effectivement acquitté par la société distributrice dans son État de résidence.

     Sur la deuxième question

    75     Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 43 CE et 56 CE et/ou les articles 4, paragraphe 1, et 6 de la directive 90/435 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une législation nationale telle que celle en cause au principal qui, en octroyant un crédit d’impôt à une société résidente percevant des dividendes d’une autre société résidente en fonction de l’ACT payé par cette dernière au titre de cette distribution, permet à la première société de verser des dividendes à ses propres actionnaires sans être tenue d’acquitter l’ACT, alors qu’une société résidente ayant perçu des dividendes d’une société non-résidente doit, en pareil cas, payer l’ACT intégralement.

    76     À titre liminaire, il convient d’observer que, s’agissant de distributions de bénéfices perçues par des sociétés d’un État membre et provenant de filiales résidentes dans d’autres États membres, la directive 90/435 s’applique, conformément à son article 3, paragraphe 1, et dans sa version applicable au moment des faits au principal, aux sociétés mères détenant dans le capital de leurs filiales une participation minimale de 25 %. Ainsi qu’il a été rappelé au point 38 du présent arrêt, la décision de renvoi ne précisant pas la nature des participations d’autres sociétés parties au litige pendant devant la juridiction de renvoi, il ne peut être exclu que celui-ci concerne également des participations qui échappent, à ce titre, au champ d’application matériel de cette directive.

    77     En outre, dans la mesure où les affaires «pilotes» au principal visent des versements de dividendes qui remontent à l’exercice financier clos le 31 décembre 1973, elles concernent, au moins partiellement, des situations qui échappent au champ d’application temporel de la directive 90/435.

    78     Il convient donc, pour répondre à la question posée, d’examiner préalablement dans quelle mesure une législation telle que celle en cause au principal est compatible avec les dispositions du traité.

     Sur les dispositions du traité relatives à la liberté d’établissement et à la libre circulation des capitaux

    79     En vertu de la législation nationale en cause au principal, une société résidente percevant des dividendes versés par une autre société résidente bénéficie d’un crédit d’impôt correspondant à la fraction du montant d’ACT payé par cette autre société, qui lui permet de verser des dividendes à ses propres actionnaires en imputant sur l’ACT dû à ce titre l’ACT déjà payé par cette autre société. En revanche, une société résidente percevant des dividendes d’origine étrangère ne reçoit pas un tel crédit d’impôt et doit donc, lors d’une distribution à ses propres actionnaires, payer l’ACT intégralement.

    80     Dès lors que cette législation s’applique à des distributions de dividendes en faveur de sociétés actionnaires indépendamment de l’ampleur de leur participation, elle est susceptible de relever aussi bien de l’article 43 CE relatif à la liberté d’établissement que de l’article 56 CE relatif à la libre circulation des capitaux.

    81     Toutefois, pour autant qu’il s’agisse de participations qui confèrent à leur détenteur une influence certaine sur les décisions des sociétés concernées et lui permettent d’en déterminer les activités, ce sont les dispositions du traité relatives à la liberté d’établissement qui trouvent à s’appliquer. Compte tenu des circonstances présentes dans les affaires «pilotes» au principal, il y a donc lieu d’entamer l’analyse de la législation nationale en cause au principal sous l’angle de l’article 43 CE (voir point 37 du présent arrêt).

    82     Comme le soutiennent les demanderesses au principal, en vertu d’une législation telle que celle en cause au principal, une société résidente qui a perçu des dividendes d’origine étrangère et distribue à ses propres actionnaires le même montant de dividendes, doit payer l’ACT intégralement, alors que, pour une société résidente ayant perçu des dividendes d’origine nationale et procédant à une distribution de dividendes à ses propres actionnaires du même montant que les dividendes perçus, la dette de l’ACT est compensée par le crédit d’impôt octroyé, de sorte qu’une telle société ne doit plus payer l’ACT.

    83     Pour une société résidente percevant des dividendes d’une autre société résidente, ce système assure que, lorsque la société bénéficiaire distribue à son tour des bénéfices à ses propres actionnaires, l’ACT n’est payé qu’une fois. L’exonération de l’ACT qui est ainsi accordée à cette société bénéficiaire concorde avec celle dont elle bénéficie, au titre de l’impôt sur les sociétés, sur les dividendes perçus d’une autre société résidente.

    84     Force est de constater que le fait de ne pas avoir à payer l’ACT constitue un avantage de trésorerie dans la mesure où la société concernée peut conserver les montants qu’elle aurait autrement dû verser au titre de l’ACT jusqu’au moment où l’impôt sur les sociétés devient exigible (arrêt Metallgesellschaft e.a., précité, point 44).

    85     Selon le gouvernement du Royaume-Uni, cette différence de traitement ne constitue pas une discrimination prohibée par le droit communautaire dès lors qu’elle ne s’appuie pas sur une distinction entre les dividendes d’origine nationale et les dividendes d’origine étrangère, mais entre les dividendes sur lesquels l’ACT a été payé et ceux sur lesquels aucun ACT n’a été payé. Le crédit d’impôt octroyé à une société résidente percevant des dividendes d’une autre société résidente viserait à prévenir une double imposition économique en matière d’ACT. Or, dans la situation d’une société percevant des dividendes d’une société non-résidente, comme aucun ACT n’a été payé par cette dernière, il n’y aurait pas de risque d’une double imposition économique en ce qui concerne l’ACT.

    86     S’il est vrai que la législation nationale en cause au principal fait dépendre l’étendue de l’ACT qu’une société résidente doit payer lors d’une distribution de dividendes à ses propres actionnaires du point de savoir si cette société a ou non perçu des dividendes d’une société ayant déjà acquitté l’ACT, il n’en reste pas moins que cette méthode conduit, dans la pratique, à traiter de manière moins avantageuse une société percevant des dividendes d’origine étrangère qu’une société percevant des dividendes d’origine nationale. En effet, lors d’une distribution ultérieure de dividendes, la première est soumise à l’obligation d’acquitter l’intégralité de l’ACT, tandis que la seconde ne doit l’acquitter que pour autant que la distribution versée à ses propres actionnaires dépasse celle dont elle a elle-même bénéficié.

    87     Or, contrairement à ce que soutient le gouvernement du Royaume-Uni, une société percevant des dividendes d’origine étrangère se trouve, à l’égard de l’objectif de prévention de l’imposition en chaîne visé par la réglementation en cause au principal, dans une situation comparable à celle d’une société percevant des dividendes d’origine nationale, même si seule cette dernière perçoit des dividendes sur lesquels l’ACT a été payé.

    88     En effet, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général aux points 65 à 68 de ses conclusions, l’ACT dû par une société résidant au Royaume-Uni n’est rien d’autre qu’un paiement anticipé de l’impôt sur les sociétés, même s’il est prélevé lors d’une distribution de dividendes et calculé sur le montant de ces dividendes. L’ACT payé à l’occasion d’une distribution de dividendes peut en principe être imputé sur l’impôt sur les sociétés qu’une société doit payer sur ses bénéfices pour l’exercice comptable concerné. De même, ainsi que la Cour l’a relevé lorsqu’elle se prononçait sur le régime de l’imposition de groupe prévu par la même législation fiscale en vigueur au Royaume-Uni, la fraction de l’impôt sur les sociétés que, dans un tel régime, une société résidente n’est pas tenue de payer de manière anticipée lorsqu’elle verse des dividendes à sa société mère est en principe acquittée au moment où l’impôt sur les sociétés dont la première société est redevable devient exigible (voir arrêt Metallgesellschaft e.a., précité, point 53).

    89     Or, s’agissant des sociétés qui, du fait que leur siège se situe en dehors du Royaume-Uni, ne sont pas tenues d’acquitter l’ACT lorsqu’elles distribuent des dividendes à une société résidente, force est de constater que celles-ci sont également soumises, dans leur État de résidence, à l’impôt sur les sociétés.

    90     Dans ce contexte, le fait qu’une société non-résidente n’a pas été soumise à l’ACT lorsqu’elle a effectué une distribution de dividendes à une société résidente ne saurait être invoqué pour refuser à cette dernière la possibilité de réduire le montant d’ACT que celle-ci est tenue de payer lors d’une distribution ultérieure de dividendes. En effet, le non-assujettissement à l’ACT d’une telle société non-résidente résulte du fait qu’elle est soumise à l’impôt sur les sociétés non pas au Royaume-Uni, mais dans son État de résidence. Or, on ne saurait exiger d’une société qu’elle paie par anticipation un impôt auquel elle ne sera jamais assujettie (voir, en ce sens, arrêt Metallgesellschaft e.a., précité, points 55 et 56).

    91     Dès lors que tant les sociétés résidentes distribuant des dividendes à d’autres sociétés résidentes que les sociétés non-résidentes effectuant une telle distribution sont, dans leur État de résidence, soumises à l’impôt sur les sociétés, une mesure nationale qui ne vise à prévenir l’imposition en chaîne des bénéfices distribués que pour le cas des sociétés percevant des dividendes d’autres sociétés résidentes, tout en exposant les sociétés percevant des dividendes de sociétés non-résidentes à un désavantage de trésorerie, ne s’explique pas par une différence de situation pertinente.

    92     Il ne saurait être soutenu, ainsi que le fait le gouvernement du Royaume-Uni, que, en réalité, cette inégalité de traitement n’existe pas dès lors qu’une société résidant en dehors du Royaume-Uni et qui a effectué une distribution de dividendes sans devoir acquitter l’ACT est en mesure de distribuer des sommes plus importantes à ses actionnaires. En effet, un tel argument fait abstraction de la circonstance qu’une telle société est également soumise, dans son État de résidence, à l’impôt sur les sociétés selon les règles et les taux qui y sont applicables.

    93     La différence de traitement ne peut pas non plus être justifiée par la nécessité de préserver la cohérence du système fiscal en vigueur au Royaume-Uni en raison d’un lien direct existant entre l’avantage fiscal octroyé, à savoir le crédit d’impôt accordé à une société résidente percevant des dividendes d’une autre société résidente, et la dette fiscale compensatoire, à savoir l’ACT payé par cette dernière à l’occasion de cette distribution. En effet, la nécessité d’un tel lien direct devrait précisément conduire à accorder un même avantage fiscal aux sociétés percevant des dividendes de sociétés non-résidentes dès lors que ces dernières sont également tenues, dans leur État de résidence, de payer l’impôt sur les sociétés sur les bénéfices distribués.

    94     Il s’ensuit que l’article 43 CE s’oppose à une mesure nationale qui permet à une société résidente ayant perçu des dividendes d’une autre société résidente de déduire du montant dont la première société est redevable au titre de l’ACT le montant d’ACT payé par la seconde société, alors que, dans le cas d’une société résidente ayant perçu des dividendes d’une société non-résidente, une telle déduction n’est pas permise en ce qui concerne l’impôt sur les sociétés auquel cette dernière est soumise dans son État de résidence.

    95     Dès lors qu’il ne peut être exclu que le litige pendant devant la juridiction de renvoi concerne également des sociétés résidentes ayant perçu des dividendes sur la base d’une participation qui ne leur confère pas une influence certaine sur les décisions de la société distributrice et ne leur permet pas d’en déterminer les activités, cette mesure doit également être examinée au regard de l’article 56 CE relatif à la libre circulation des capitaux.

    96     À cet égard, il convient de rappeler que les sociétés résidentes percevant des dividendes d’origine étrangère subissent une différence de traitement, à savoir un désavantage de trésorerie, qui ne s’explique pas par une différence de situation pertinente.

    97     Une telle différence de traitement a pour effet de dissuader des sociétés résidant au Royaume-Uni d’investir leurs capitaux dans une société établie dans un autre État membre et produit également un effet restrictif à l’égard des sociétés établies dans d’autres États membres en ce qu’elle constitue à leur encontre un obstacle à la collecte de capitaux dans le premier État membre.

    98     Les motifs invoqués par le gouvernement du Royaume-Uni pour justifier cette entrave à la libre circulation des capitaux étant identiques à ceux qui ont déjà été rejetés dans le cadre de l’examen de la mesure nationale en cause au principal sous l’angle de la liberté d’établissement, il convient de conclure que l’article 56 CE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose également à une telle mesure.

     Sur la directive 90/435

    99     Selon les demanderesses au principal, les règles fiscales nationales visées à la deuxième question préjudicielle seraient également contraires aux articles 4, paragraphe 1, et 6 de la directive 90/435.

    100   D’une part, il y aurait violation de l’article 4, paragraphe 1, de cette directive dans la mesure où, contrairement à une société mère résidente percevant des dividendes d’origine nationale, une société mère résidente percevant des dividendes d’origine étrangère est, lors d’une distribution à ses propres actionnaires, tenue de payer l’ACT intégralement, sans bénéficier, à ce titre, d’un dégrèvement pour l’impôt sur les sociétés étranger acquitté par la filiale sur les bénéfices distribués.

    101   D’autre part, l’ACT à payer pour les dividendes d’origine étrangère constituerait une retenue à la source prohibée par l’article 6 de la directive 90/435 et qui ne serait pas non plus autorisée par l’article 7 de cette directive.

    102   À cet égard, il convient de rappeler, d’une part, que, en vertu de l’article 4, paragraphe 1, de la directive 90/435, un État membre qui n’exonère pas les bénéfices perçus par une société mère résidente d’une filiale résidant dans un autre État membre doit autoriser cette société mère à déduire du montant de son impôt la fraction de l’impôt de la filiale afférente à ces bénéfices et, le cas échéant, le montant de la retenue à la source perçue par l’État membre de résidence de la filiale, dans la limite du montant de l’impôt national correspondant.

    103   Ainsi qu’il ressort notamment du troisième considérant de cette directive, celle-ci vise à éliminer, par l’instauration d’un régime fiscal commun, toute pénalisation de la coopération entre sociétés d’États membres différents par rapport à la coopération entre sociétés d’un même État membre et à faciliter ainsi le regroupement de sociétés à l’échelle communautaire (arrêts du 17 octobre 1996, Denkavit e.a., C‑283/94, C‑291/94 et C‑292/94, Rec. p. I‑5063, point 22, et du 4 octobre 2001, Athinaïki Zythopoiïa, C‑294/99, Rec. p. I‑6797, point 25).

    104   S’agissant de l’obligation imposée aux États membres en vertu de l’article 4, paragraphe 1, de la directive 90/435, consistant à imputer, sur l’impôt dû par une société mère résidente sur les bénéfices distribués, l’impôt acquitté par la filiale non-résidente dans son État membre de résidence, l’objectif de cette disposition, qui est de prévenir l’imposition en chaîne des bénéfices distribués, ne peut être atteint que si le système fiscal du premier État membre garantit à la société mère concernée que l’impôt acquitté par sa filiale à l’étranger sur les bénéfices distribués sera entièrement imputé sur le montant dû au titre de l’impôt sur les sociétés dans cet État membre.

    105   Toutefois, contrairement à ce que prétendent les demanderesses au principal, cette disposition ne comporte pas l’obligation pour un État membre qui connaît un système de paiement anticipé de l’impôt sur les sociétés dont une société mère résidente est redevable lorsqu’elle distribue à son tour les dividendes perçus d’une filiale non-résidente de garantir que le montant devant être payé par anticipation soit, en toutes circonstances, déterminé en fonction de l’impôt sur les sociétés acquitté par la filiale dans son État de résidence.

    106   Il convient de relever, d’autre part, que, contrairement à ce que soutiennent les demanderesses au principal, les mesures nationales en cause ne relèvent pas de l’interdiction faite aux États membres à l’article 6 de la directive 90/435 d’opérer une quelconque retenue à la source sur les bénéfices perçus par une société mère résidente de sa filiale non-résidente.

    107   À cet égard, il y a lieu de rappeler que, dans le contexte de cette directive, les termes «retenue à la source» ne sont pas limités à certains types d’impositions nationales précises, et que la qualification d’une imposition, d’une taxe, d’un droit ou d’un prélèvement au regard du droit communautaire incombe à la Cour en fonction des caractéristiques objectives de l’imposition, indépendamment de la qualification qui lui est donnée en droit national (voir, notamment, arrêts Athinaïki Zythopoiïa, précité, points 26 et 27 ainsi que du 25 septembre 2003, Océ Van der Grinten, C‑58/01, Rec. p. I‑9809, point 46).

    108   S’agissant de l’interdiction faite aux États membres, à l’article 5 de la directive 90/435, de prélever une retenue à la source sur les bénéfices distribués par une filiale résidente à sa société mère résidant dans un autre État membre, la Cour a déjà jugé que constituait une retenue à la source toute imposition sur les revenus perçus dans l’État dans lequel les dividendes sont distribués et dont le fait générateur est le versement de dividendes ou de tout autre rendement des titres, lorsque l’assiette de cet impôt est le rendement desdits titres et que l’assujetti est le détenteur des mêmes titres (arrêts du 8 juin 2000, Epson Europe, C‑375/98, Rec. p. I‑4243, point 23; Athinaïki Zythopoiïa, précité, points 28 et 29, ainsi que Océ Van der Grinten, précité, point 47).

    109   Les termes «retenue à la source» doivent recevoir la même interprétation dans le contexte de l’article 6 de la directive 90/435. Constitue donc une «retenue à la source», au sens de cet article, toute imposition sur les revenus perçus par une société mère d’une filiale établie dans un autre État membre et dont le fait générateur est le versement de dividendes ou de tout autre rendement des titres, lorsque l’assiette de cet impôt est le rendement de ces titres et que l’assujetti en est le détenteur.

    110   Or, comme le souligne le gouvernement du Royaume-Uni, une société résidente est tenue d’acquitter l’ACT lorsqu’elle distribue des dividendes à ses propres actionnaires. Le fait générateur de l’ACT qu’une société percevant des dividendes d’origine étrangère doit payer n’est donc pas la perception de ces dividendes, mais la distribution de dividendes à ses propres actionnaires.

    111   Il s’ensuit que l’ACT qu’une société percevant des dividendes d’origine étrangère doit payer lors d’une distribution ultérieure de dividendes ne relève pas de l’interdiction de retenue à la source énoncée à l’article 6 de la directive 90/435.

    112   Il y a donc lieu de répondre à la deuxième question que les articles 43 CE et 56 CE s’opposent à une législation d’un État membre qui permet à une société résidente percevant des dividendes d’une autre société résidente de déduire du montant dont la première société est redevable au titre de l’impôt sur les sociétés par anticipation, le montant dudit impôt payé par anticipation par la seconde société, alors que, dans le cas d’une société résidente percevant des dividendes d’une société non-résidente, une telle déduction n’est pas permise en ce qui concerne l’impôt correspondant aux bénéfices distribués acquitté par cette dernière société dans son État de résidence.

     Sur la troisième question

    113   Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 43 CE et 56 CE et/ou les articles 4, paragraphe 1, et 6 de la directive 90/435 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une législation telle que celle en cause au principal:

    –       qui prévoit que tout dégrèvement dont bénéficie une société résidente ayant perçu des dividendes d’origine étrangère au titre de l’impôt acquitté à l’étranger réduise le montant de l’impôt sur les sociétés sur lequel elle peut imputer l’ACT dû, et

    –       qui ne permet pas à une société résidente de transférer le montant de l’ACT payé qui ne peut pas être imputé sur l’impôt sur les sociétés dû au titre de l’exercice comptable donné ou d’exercices comptables antérieurs ou ultérieurs à des filiales non-résidentes, afin que celles-ci puissent l’imputer sur l’impôt sur les sociétés dont elles sont redevables.

    114   Cette question évoque certains problèmes auxquels est exposée une société résidente ayant des filiales non-résidentes et/ou percevant des dividendes d’origine étrangère quant à l’imputation, sur le montant dû au titre de l’impôt sur les sociétés, de l’ACT que cette société résidente doit payer lors d’une distribution de dividendes à ses propres actionnaires.

    115   À titre liminaire, il convient d’observer, s’agissant du second volet de la question posée, que le débat devant la Cour s’est limité à l’impossibilité pour une société résidente de transférer un excédent d’ACT à des filiales non-résidentes afin que celles-ci puissent l’imputer sur l’impôt sur les sociétés dont elles sont redevables au Royaume-Uni pour les activités exercées dans ce dernier État membre.

    116   Pour les raisons exposées aux points 76 à 78 du présent arrêt, il convient, pour répondre à la question posée, d’examiner préalablement si la législation en cause au principal est contraire aux dispositions du traité.

    117   Il y a lieu de considérer que les mesures nationales faisant l’objet de la troisième question préjudicielle sont susceptibles de relever aussi bien de l’article 43 CE relatif à la liberté d’établissement que de l’article 56 CE relatif à la libre circulation des capitaux. S’agissant des dégrèvements dont bénéficie une société résidente percevant des dividendes d’origine étrangère au titre de l’impôt acquitté à l’étranger, l’analyse de la législation nationale en cause au principal dans le cadre de la réponse à la première question préjudicielle a révélé qu’il s’agit de dégrèvements différents en fonction de l’ampleur des participations détenues par ces sociétés.

    118   Quant au second aspect de la législation nationale en cause mentionnée dans la troisième question préjudicielle, dans la mesure où celui-ci ne concerne que des groupes de sociétés, il relève de l’article 43 CE plutôt que de l’article 56 CE.

    119   Selon les demanderesses au principal, la législation en cause serait contraire aux articles 43 CE et 56 CE dans la mesure où elle limiterait les possibilités pour une société ayant des revenus étrangers et/ou appartenant à un groupe comprenant des sociétés non-résidentes de dégrever l’ACT excédentaire par rapport au montant dû au Royaume-Uni au titre de l’impôt sur les sociétés. Cette législation engendrerait des différences de traitement manifestes en termes d’imputation et de cession de l’ACT au détriment des sociétés résidentes percevant des dividendes d’origine étrangère et/ou ayant des filiales non-résidentes. De telles différences ne seraient ni appropriées ni nécessaires par rapport à l’objectif d’éviter la double imposition économique des dividendes distribués.

    120   Il convient de retenir que tout dégrèvement de l’impôt sur les sociétés dû par une société résidente percevant des dividendes d’origine étrangère, au titre de l’impôt étranger – que ce dernier corresponde à une retenue à la source prélevée sur ces dividendes ou à l’impôt sur les sociétés acquitté par la société non-résidente sur ses bénéfices sous-jacents – réduit nécessairement le montant dû par la société résidente au titre de l’impôt sur les sociétés sur lequel cette même société résidente peut imputer l’ACT payé lors d’une distribution de dividendes ultérieure à ses propres actionnaires.

    121   À cet égard, il faut rappeler, que, s’agissant de l’ACT qu’une société percevant des dividendes d’une société non-résidente doit payer lors d’une distribution à ses propres actionnaires, il ressort de ce qui précède que, en tout état de cause, les articles 43 CE et 56 CE s’opposent à toute discrimination, lors de l’imposition de l’ACT, entre les sociétés percevant des dividendes d’origine nationale et celles percevant des dividendes d’origine étrangère (voir point 112 du présent arrêt).

    122   Certes, il ne peut être exclu que, même en l’absence d’une telle discrimination, une société percevant des dividendes significatifs d’origine étrangère est susceptible de payer un montant d’ACT qui dépasse sa dette fiscale au titre de l’impôt sur les sociétés et qui est de nature à générer ainsi un excédent d’ACT. Toutefois, une telle situation résulte directement de l’application d’une règle nationale qui vise à prévenir ou à atténuer l’imposition des bénéfices distribués sous la forme de dividendes.

    123   Dans le cadre d’un mécanisme adopté pour prévenir ou atténuer l’imposition en chaîne de bénéfices distribués, une telle règle ne peut être considérée comme contraire aux dispositions du traité relatives aux libertés de circulation que si elle traite les dividendes émanant de sociétés étrangères de manière moins avantageuse que ceux versés par des sociétés résidentes, alors qu’il s’agit de situations objectivement comparables et qu’une différence de traitement n’est pas justifiée par des raisons impérieuses d’intérêt général.

    124   Il ne ressort pas du dossier que le seul fait que, pour des sociétés percevant des dividendes d’origine étrangère, le dégrèvement accordé pour l’impôt acquitté à l’étranger réduise le montant de l’impôt sur les sociétés dû au Royaume-Uni constitue un traitement moins avantageux desdits dividendes par rapport aux dividendes d’origine nationale. En effet, ainsi que le fait valoir le gouvernement du Royaume-Uni, un tel excédent d’ACT peut subsister également dans le cas d’une société percevant des dividendes d’origine nationale chaque fois que le montant d’ACT qu’elle a payé est supérieur à sa dette au titre de l’impôt sur les sociétés, notamment lorsqu’une telle société bénéficie d’exonérations ou de dégrèvements ayant réduit sa dette au titre de l’impôt sur les sociétés.

    125   Le fait qu’une société percevant des dividendes d’origine étrangère qui bénéficie d’un dégrèvement au titre de l’impôt étranger voie réduit le montant d’impôt sur les sociétés auquel peut être imputé l’ACT excédentaire ne conduirait à une discrimination entre une telle société et une société percevant des dividendes d’origine nationale que si cette première société ne disposait pas, en réalité, des mêmes moyens que cette seconde société pour imputer l’excédent d’ACT au montant dû au titre de l’impôt sur les sociétés.

    126   Or, il ne ressort pas de la description de la législation nationale en cause au principal par la juridiction de renvoi que, à cet égard, une société résidente percevant des dividendes d’origine étrangère soit traitée différemment d’une société résidente percevant des dividendes d’origine nationale.

    127   Il s’ensuit que les dispositions du traité relatives à la liberté d’établissement ne s’opposent pas à une mesure nationale qui prévoit que tout dégrèvement dont bénéficie une société résidente ayant perçu des dividendes d’origine étrangère au titre de l’impôt acquitté à l’étranger réduise le montant de l’impôt sur les sociétés sur lequel elle peut imputer l’ACT.

    128   Dès lors qu’une telle mesure ne comporte pas de discrimination à l’encontre des sociétés percevant des dividendes d’origine étrangère, la conclusion tirée au point précédent vaut également à propos des dispositions du traité relatives à la libre circulation des capitaux.

    129   S’agissant du second aspect de la législation nationale évoqué par la troisième question préjudicielle, il importe de relever, ainsi que le rappelle la juridiction de renvoi, que si une société résidente peut transférer le montant d’ACT qui n’a pas pu être imputé sur le montant dû au titre de l’impôt sur les sociétés relatif à un exercice donné ou à des exercices antérieurs ou ultérieurs à ses filiales résidentes, qui peuvent alors l’imputer sur le montant qu’elles doivent acquitter au titre de l’impôt sur les sociétés, il est, en revanche, impossible, pour une telle société, de transférer cet excédent d’ACT à des sociétés apparentées non-résidentes afin que ces dernières puissent l’imputer sur l’impôt sur les sociétés qu’elles doivent acquitter au Royaume-Uni.

    130   Selon le gouvernement du Royaume-Uni, une société résidente ne pourrait invoquer le fait que ses filiales non-résidentes ne soient pas en mesure d’imputer l’excédent d’ACT sur l’impôt sur les sociétés dont celles-ci sont redevables dès lors que, par ce fait, cette société résidente ne serait pas elle-même désavantagée.

    131   Il convient de relever, toutefois, que les dispositions relatives à la liberté d’établissement s’opposent à ce qu’un État membre entrave l’établissement dans un autre État membre d’un de ses ressortissants ou d’une société constituée en conformité avec sa législation (voir, notamment, arrêts du 16 juillet 1998, ICI, C‑264/96, Rec. p. I‑4695, point 21; Marks & Spencer, précité, point 31, ainsi que Cadbury Schweppes et Cadbury Schweppes Overseas, précité, point 42).

    132   Or, la possibilité prévue par la législation nationale en cause pour un groupe de sociétés de transférer un montant donné d’impôt qu’une société du groupe ne peut pas imputer sur l’impôt sur les sociétés dont elle est redevable au Royaume-Uni à une autre société de ce groupe, afin que celle-ci puisse l’imputer sur l’impôt sur les sociétés dont elle est redevable dans ce même État membre, constitue un avantage fiscal pour les sociétés concernées. Le fait d’exclure d’un tel avantage les sociétés non-résidentes dudit groupe est de nature à entraver l’exercice par les sociétés résidentes du groupe de leur liberté d’établissement, en les dissuadant de créer des filiales dans d’autres États membres (voir, en ce sens, en ce qui concerne un dégrèvement de groupe concernant les pertes subies par des filiales non-résidentes, arrêt Marks & Spencer, précité, points 32 et 33).

    133   Comme le soutiennent les demanderesses au principal et la Commission des Communautés européennes, le fait qu’une société résidente ne peut transférer un excédent d’ACT à des filiales non-résidentes redevables de l’impôt sur les sociétés au Royaume-Uni constitue ainsi une restriction à la liberté d’établissement. Or, ni la décision de renvoi ni les observations du gouvernement du Royaume-Uni ne font état d’un quelconque objectif légitime compatible avec le traité qui pourrait justifier pareille restriction.

    134   Il résulte de ce qui précède que l’article 43 CE s’oppose à une mesure nationale qui ne permet pas à une société résidente de transférer à ses filiales non-résidentes l’excédent d’ACT, même si celles-ci sont redevables de l’impôt sur les sociétés dans l’État membre concerné.

    135   Enfin, les demanderesses au principal soutiennent que, dans la mesure où ces aspects de la législation nationale ont pour conséquence qu’une société mère résidente soit redevable d’un montant d’ACT excédentaire, ils sont également contraires aux articles 4, paragraphe 1, et 6 de la directive 90/435.

    136   Ainsi qu’il a été relevé aux points 106 à 111 du présent arrêt, les aspects pertinents de la législation nationale en cause au principal ne relèvent pas de l’article 6 de cette directive.

    137   S’agissant de l’article 4, paragraphe 1, de la directive 90/435, il suffit de relever que, si cette disposition oblige un État membre à garantir à une société mère percevant des dividendes d’une filiale établie dans un autre État membre que l’impôt acquitté par sa filiale à l’étranger sur les bénéfices distribués sera entièrement imputé sur le montant dû par la société mère au titre de l’impôt sur les sociétés dans le premier État membre (voir point 104 du présent arrêt), il n’en découle aucune obligation pour cet État de veiller, en pareil cas, à ce que le dégrèvement accordé à cette société mère au titre de l’impôt étranger ne réduise pas le montant sur lequel elle peut imputer la fraction de l’impôt sur les sociétés payée par anticipation à l’occasion d’une distribution de dividendes à ses propres actionnaires ni d’étendre la possibilité pour cette même société mère de transférer le montant d’impôt payé par anticipation qu’elle ne peut imputer sur sa dette fiscale à des filiales non-résidentes assujetties à l’impôt sur les sociétés dans ce même État.

    138   Il y a donc lieu de répondre à la troisième question que les articles 43 CE et 56 CE ne s’opposent pas à une législation d’un État membre qui prévoit que tout dégrèvement dont bénéficie une société résidente ayant perçu des dividendes d’origine étrangère au titre de l’impôt acquitté à l’étranger réduise le montant de l’impôt sur les sociétés sur lequel elle peut imputer l’impôt sur les sociétés payé par anticipation.

    139   L’article 43 CE s’oppose à une législation d’un État membre qui permet à une société résidente de transférer à des filiales résidentes le montant d’impôt sur les sociétés payé par anticipation qui ne peut pas être imputé sur l’impôt sur les sociétés dû par cette première société au titre de l’exercice comptable donné ou d’exercices comptables antérieurs ou ultérieurs, afin que ces filiales puissent l’imputer sur l’impôt sur les sociétés dont elles sont redevables, mais ne permet pas à une société résidente de transférer un tel montant à des filiales non-résidentes au cas où celles-ci seraient imposables dans cet État membre sur les bénéfices qu’elles y ont réalisés.

     Sur la quatrième question

    140   Par sa quatrième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 43 CE et 56 CE ainsi que les articles 4, paragraphe 1, et 6 de la directive 90/435 s’opposent à une législation nationale telle que celle en cause au principal qui, tout en accordant aux sociétés résidentes percevant des dividendes d’origine étrangère la faculté d’opter pour un régime leur permettant de recouvrer l’ACT acquitté à l’occasion d’une distribution ultérieure à leurs propres actionnaires, d’une part, oblige ces sociétés à acquitter l’ACT et à en demander le remboursement par la suite et, d’autre part, ne prévoit pas de crédit d’impôt pour leurs actionnaires, alors que ceux-ci en auraient reçu un si les sociétés résidentes avaient effectué une distribution sur la base de dividendes d’origine nationale.

    141   S’agissant des dispositions de la directive 90/435, leur application au problème évoqué par la juridiction de renvoi peut d’emblée être écartée. D’une part, en effet, ainsi qu’il a été précisé au point 137 du présent arrêt, l’article 4, paragraphe 1, de cette directive ne régit pas les modalités selon lesquelles peut être imposée une obligation de paiement anticipé de l’impôt sur les sociétés. En prévoyant des règles visant à prévenir l’imposition en chaîne de bénéfices distribués à une société mère résidente par une filiale non-résidente, cette disposition ne s’applique pas à la situation d’actionnaires personnes physiques. D’autre part, il convient de rappeler que l’ACT ne constitue pas une retenue à la source au sens de l’article 6 de ladite directive (voir point 111 du présent arrêt).

    142   Quant aux dispositions du traité relatives aux libertés de circulation, il convient de relever que, dès lors que la législation en cause s’applique à des distributions de dividendes en faveur de sociétés résidentes indépendamment de l’ampleur de leur participation, elle est susceptible de relever aussi bien de l’article 43 CE relatif à la liberté d’établissement que de l’article 56 CE relatif à la libre circulation des capitaux.

    143   Compte tenu des circonstances présentes dans les affaires au principal (voir point 37 du présent arrêt), il y a lieu d’entamer l’analyse de la législation nationale en cause au principal sous l’angle de l’article 43 CE.

    144   Ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 94 de ses conclusions, par cette question, la juridiction de renvoi interroge la Cour sur la légalité du régime FID, introduit au Royaume-Uni à partir du 1er juillet 1994. Ce régime permet aux sociétés résidentes percevant des dividendes d’origine étrangère d’obtenir un remboursement du montant d’ACT excédentaire, à savoir le montant d’ACT qui ne peut être imputé sur le montant dû au titre de l’impôt sur les sociétés.

    145   Toutefois, force est de constater que le traitement fiscal des sociétés résidentes percevant des dividendes d’origine étrangère optant pour le régime FID reste, à deux égards, moins avantageux que celui appliqué aux sociétés résidentes percevant des dividendes d’origine nationale.

    146   S’agissant, en premier lieu, de la possibilité de recouvrement de l’ACT excédentaire, il ressort de la décision de renvoi que, alors que l’ACT doit être acquitté dans les quatorze jours après le trimestre au cours duquel la société concernée verse des dividendes à ses actionnaires, l’excédent d’ACT ne devient remboursable qu’au moment même où l’impôt sur les sociétés est dû, soit neuf mois après la fin de l’exercice comptable. En fonction du moment auquel la société a versé les dividendes, celle-ci doit donc attendre entre huit mois et demi et dix-sept mois et demi pour obtenir le remboursement de l’ACT acquitté.

    147   Par conséquent, comme le font valoir les demanderesses au principal, les sociétés résidentes optant pour un tel régime en raison de la perception de dividendes d’origine étrangère s’exposent à un désavantage de trésorerie qui n’existe pas dans le cas de sociétés résidentes percevant des dividendes d’origine nationale. Dans ce dernier cas, en effet, dès lors que la société distributrice résidente a déjà acquitté l’ACT sur les bénéfices distribués, un crédit d’impôt est accordé à la société résidente bénéficiaire de cette distribution, ce qui permet à cette dernière de distribuer un montant égal de dividendes à ses propres actionnaires sans être obligée d’acquitter l’ACT.

    148   En second lieu, l’actionnaire bénéficiaire d’une distribution de dividendes par une société résidente sur la base de dividendes d’origine étrangère qualifiés de FID n’a pas droit à un crédit d’impôt, mais est considéré comme ayant perçu un revenu qui a été imposé au taux le plus bas pour l’exercice fiscal en cause. Faute de crédit d’impôt, un tel actionnaire n’a droit à aucun remboursement lorsqu’il n’est pas redevable de l’impôt sur le revenu ou lorsque l’impôt sur le revenu dû est inférieur à l’imposition au taux le plus bas du dividende.

    149   Ainsi que le soutiennent les demanderesses au principal, cela conduit une société ayant opté pour le régime FID à augmenter le montant de ses distributions si elle veut garantir aux actionnaires un rendement équivalent à celui émanant d’une distribution de dividendes d’origine nationale.

    150   Selon le gouvernement du Royaume-Uni, ces différences de traitement ne comporteraient aucune restriction à la liberté d’établissement.

    151   S’agissant de l’obligation d’une société ayant opté pour le régime FID de s’acquitter de l’ACT dans l’attente d’un remboursement ultérieur, ce gouvernement réitère son argumentation selon laquelle la situation d’une société percevant des dividendes d’origine étrangère ne serait pas comparable à celle d’une société percevant des dividendes d’origine nationale, en ce sens que l’obligation de la première société d’acquitter l’ACT lors d’une distribution ultérieure de dividendes s’expliquerait par le fait que, contrairement à la seconde, elle percevrait des dividendes sur lesquels aucun ACT n’aurait été acquitté. Si, dans ce contexte différent, une société percevant des dividendes d’origine étrangère et optant pour le régime FID, se voit octroyer le droit au remboursement de l’ACT acquitté, ce traitement ne pourrait aucunement constituer une discrimination.

    152   Néanmoins, ainsi qu’il a été relevé aux points 87 à 91 du présent arrêt, dès lors que les bénéfices distribués par une société sont soumis, dans son État de résidence, à l’impôt sur les sociétés, lorsqu’un système de paiement anticipé de l’impôt sur les sociétés auquel est soumise la société bénéficiaire des dividendes détermine le montant redevable en tenant compte de l’impôt sur les bénéfices distribués acquitté par une société distributrice résidente, mais non pas de celui acquitté, à l’étranger, par une société distributrice non-résidente, un tel système accorde à une société bénéficiaire de dividendes d’origine étrangère un traitement moins avantageux qu’à une société percevant des dividendes d’origine nationale, alors que la première se trouve dans une situation comparable à celle de la seconde.

    153   Si, certes, la situation de cette première société se voit améliorée par le fait que l’impôt payé de manière anticipée qui ne peut pas être imputé sur le montant dû au titre de l’impôt sur les sociétés puisse être remboursé, une telle société demeure dans une situation moins favorable que celle d’une société percevant des dividendes d’origine nationale, en ce sens qu’elle subit un désavantage de trésorerie.

    154   Une telle différence de traitement, qui rend une prise de participation dans une société non-résidente moins attrayante qu’une participation détenue dans une société résidente, constitue, faute d’une justification objective, une violation de la liberté d’établissement.

    155   Contrairement à ce que fait valoir le gouvernement du Royaume-Uni, le désavantage de trésorerie auquel sont exposées les sociétés ayant opté pour le régime FID ne peut pas se justifier par des contraintes d’ordre pratique liées au fait que, dans le cadre de l’imposition dudit dividende, la prise en compte par un État membre de tous les impôts ayant frappé les bénéfices distribués, que ce soit dans ce même État ou à l’étranger, nécessite un certain délai.

    156   En effet, il est vrai qu’un État membre doit disposer d’un certain délai afin de pouvoir tenir compte, dans la détermination du montant finalement dû au titre de l’impôt sur les sociétés, de tous les impôts ayant déjà frappé les bénéfices distribués. Toutefois, cela ne saurait justifier que, dans le cas de dividendes d’origine nationale, un État membre soit disposé à tenir compte, pour la détermination du montant dû au titre de l’ACT dans le chef d’une société distributrice de dividendes, de la fraction de l’ACT acquittée par la société résidente dont ladite société distributrice a elle-même reçu des dividendes – à un moment où le montant dont cette autre société résidente sera finalement redevable au titre de l’impôt sur les sociétés n’a même pas pu être déterminé –, alors que, dans le cas de dividendes d’origine étrangère, cet État fixe le montant dû au titre de l’ACT sans aucune possibilité pour la société résidente qui distribue des dividendes à ses propres actionnaires d’imputer sur ledit montant l’impôt qui frappe les bénéfices qui lui ont été distribués par une société non-résidente.

    157   S’il s’avérait que, pour des raisons pratiques, la prise en compte de l’impôt acquitté sur les bénéfices distribués ne pouvait être assurée dans le cadre d’un système de paiement anticipé de l’impôt sur les sociétés qu’en ce qui concerne les dividendes d’origine nationale, il incomberait à l’État membre concerné de modifier l’un ou l’autre aspect de son système d’imposition des sociétés résidentes afin d’éliminer cette inégalité de traitement.

    158   Quant à la circonstance que le régime FID ne prévoit pas de crédit d’impôt pour l’actionnaire, le gouvernement du Royaume-Uni fait valoir qu’un tel crédit d’impôt n’est octroyé à un actionnaire bénéficiaire d’une distribution que lorsqu’il existe une double imposition économique des bénéfices distribués qui doit être prévenue ou atténuée. Tel ne serait pas le cas s’agissant du régime FID dans la mesure où, d’une part, aucun ACT n’a été acquitté sur les dividendes d’origine étrangère et, d’autre part, l’ACT, que la société résidente bénéficiaire desdits dividendes doit acquitter lors de la distribution à ses actionnaires, est ensuite remboursé.

    159   Toutefois, cette argumentation s’appuie sur la même prémisse erronée selon laquelle il n’y aurait un risque de double imposition économique que dans le cas de dividendes émanant d’une société résidente soumise à l’obligation d’acquitter l’ACT sur ses distributions de dividendes, alors que, en réalité, ce risque existe également dans le cas de dividendes versés par une société non-résidente, dont les bénéfices sont également soumis, dans son État de résidence, à l’impôt sur les sociétés, selon le taux et les règles qui y sont applicables.

    160   Pour la même raison, le gouvernement du Royaume-Uni ne saurait mettre en doute le caractère moins avantageux du traitement fiscal de dividendes perçus d’une société non-résidente en affirmant qu’une telle société, du fait qu’elle n’est pas soumise à l’obligation d’acquitter l’ACT, peut payer des dividendes plus élevés à ses actionnaires.

    161   Doit également être rejeté l’argument selon lequel les différences de traitement auxquelles est exposée la distribution de dividendes d’origine étrangère dans le cadre du régime FID ne constituent pas une restriction à la liberté d’établissement dans la mesure où ce régime n’a qu’un caractère optionnel.

    162   En effet, ainsi que le font observer les demanderesses au principal, un régime national restrictif des libertés de circulation demeure tout autant incompatible avec le droit communautaire, quand bien même son application serait facultative.

    163   S’agissant, enfin, de l’argument du gouvernement du Royaume-Uni selon lequel les restrictions en cause seraient justifiées par la nécessité de préserver la cohérence du système fiscal du Royaume-Uni, force est de constater que cet argument ne fait que renvoyer à la même argumentation qui a déjà été rejetée au cours de l’examen de la deuxième question (voir point 93 du présent arrêt).

    164   Il résulte de ce qui précède que l’article 43 CE s’oppose aux caractéristiques du régime FID évoquées par la juridiction de renvoi dans sa quatrième question.

    165   Dans la mesure où, selon la juridiction de renvoi, cette question concerne également le cas de sociétés établies dans des pays tiers et qui, par conséquent, ne relèvent pas de l’article 43 CE relatif à la liberté d’établissement, ainsi que pour le motif exposé au point 38 du présent arrêt, la question se pose de savoir si des mesures nationales telles que celles en cause au principal sont également contraires à l’article 56 CE relatif à la libre circulation des capitaux.

    166   À cet égard, il importe de relever que la différence de traitement à laquelle sont soumis les dividendes d’origine étrangère lorsqu’ils sont perçus par une société résidente optant pour le régime FID (voir points 145 à 149 du présent arrêt) a pour effet de dissuader une telle société d’investir ses capitaux dans une société établie dans un autre État et produit également un effet restrictif à l’égard des sociétés établies dans d’autres États en ce qu’elle constitue à leur encontre un obstacle à la collecte de capitaux au Royaume-Uni.

    167   Pour qu’une telle différence de traitement soit compatible avec les dispositions du traité relatives à la libre circulation des capitaux, il faut qu’elle concerne des situations qui ne sont pas objectivement comparables ou qu’elle soit justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général.

    168   Le gouvernement du Royaume-Uni s’étant référé, dans ce contexte, aux mêmes observations que celles invoquées par rapport à l’analyse de l’article 43 CE, il suffit d’observer que, pour les motifs exposés aux points 150 à 163 du présent arrêt, cette différence de traitement concerne des situations qui sont objectivement comparables et constitue une restriction aux mouvements de capitaux dont il n’a pas été démontré qu’elle est justifiée.

    169   Le seul argument spécifiquement invoqué par ce gouvernement en rapport avec la libre circulation des capitaux est tiré du fait que, dans une situation impliquant des sociétés distributrices établies dans des pays tiers, la vérification de l’impôt acquitté par ces sociétés dans leur État de résidence peut s’avérer plus difficile que dans un contexte purement communautaire.

    170   Il est vrai que, en raison du degré d’intégration juridique existant entre les États membres de l’Union, notamment de l’existence de mesures législatives communautaires visant à la coopération entre autorités fiscales nationales, telles que la directive 77/799/CEE du Conseil, du 19 décembre 1977, concernant l’assistance mutuelle des autorités compétentes des États membres dans le domaine des impôts directs (JO L 336, p. 15), l’imposition par un État membre d’activités économiques ayant des aspects transfrontaliers qui se situent au sein de la Communauté n’est pas toujours comparable à celle d’activités économiques ayant trait à des relations entre les États membres et les pays tiers.

    171   En outre, ainsi que l’a souligné M. l’avocat général au point 121 de ses conclusions, il ne saurait être exclu qu’un État membre puisse démontrer qu’une restriction des mouvements de capitaux à destination ou en provenance de pays tiers soit justifiée par un motif donné dans des circonstances où ce motif ne serait pas de nature à constituer une justification valide pour une restriction de mouvements de capitaux entre États membres.

    172   Toutefois, s’agissant de la législation nationale en cause, le gouvernement du Royaume-Uni n’a invoqué les difficultés liées à la vérification de l’impôt acquitté à l’étranger que pour expliquer le délai intervenant entre le moment où est acquitté l’ACT et celui de son remboursement. Or, ainsi qu’il a été relevé au point 156 du présent arrêt, un tel élément ne saurait justifier une législation qui ne permet aucunement à une société résidente bénéficiaire d’une distribution de dividendes d’origine étrangère d’imputer sur le montant dû au titre du paiement anticipé de l’impôt sur les sociétés, l’impôt qui frappe les bénéfices distribués à l’étranger, alors que, pour des dividendes d’origine nationale, ledit montant est d’office déduit de l’impôt payé, si ce n’est qu’à titre anticipé, par la société distributrice résidente.

    173   Il y a donc lieu de répondre à la quatrième question que les articles 43 CE et 56 CE s’opposent à une législation d’un État membre qui, tout en exonérant du paiement anticipé de l’impôt sur les sociétés les sociétés résidentes distribuant à leurs actionnaires des dividendes issus de dividendes d’origine nationale qu’elles ont perçus, accorde aux sociétés résidentes distribuant à leurs actionnaires des dividendes issus de dividendes d’origine étrangère qu’elles ont perçus la faculté d’opter pour un régime leur permettant de recouvrer l’impôt sur les sociétés payé par anticipation, mais, d’une part, oblige ces sociétés à acquitter ledit impôt anticipé et à en demander le remboursement par la suite et, d’autre part, ne prévoit pas de crédit d’impôt pour leurs actionnaires, alors que ceux-ci en auraient reçu un dans le cas d’une distribution effectuée par une société résidente sur la base de dividendes d’origine nationale.

     Sur la cinquième question

    174   Par sa cinquième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si, compte tenu du fait que les mesures nationales concernées par les première et deuxième questions ont été adoptées avant le 31 décembre 1993, les mesures énoncées à la quatrième question, qui ont été adoptées après cette date mais qui modifient lesdites mesures nationales, pour autant qu’elles constituent également des restrictions aux mouvements de capitaux prohibées en principe par l’article 56 CE, sont autorisées en tant que restrictions existant au 31 décembre 1993 au sens de l’article 57, paragraphe 1, CE.

    175   Selon cette dernière disposition, l’article 56 CE ne porte pas atteinte à l’application, aux pays tiers, des restrictions existant au 31 décembre 1993 en vertu du droit national ou du droit communautaire en ce qui concerne les mouvements de capitaux à destination ou en provenance de pays tiers lorsqu’ils impliquent des investissements directs, y compris les investissements immobiliers, l’établissement, la prestation de services financiers ou l’admission de titres sur les marchés des capitaux.

    176   Il convient, par conséquent, de déterminer si les mesures nationales mentionnées à la quatrième question relèvent de l’article 57, paragraphe 1, CE en tant que restrictions aux mouvements de capitaux impliquant des investissements directs, l’établissement, la prestation de services financiers ou l’admission de titres sur les marchés des capitaux.

    177   S’agissant, plus particulièrement, de la notion d’«investissements directs», il convient de constater qu’elle n’est pas définie par le traité.

    178   Cependant, en droit communautaire, cette notion a fait l’objet d’une définition dans la nomenclature des mouvements de capitaux figurant à l’annexe I de la directive 88/361/CEE du Conseil, du 24 juin 1988, pour la mise en œuvre de l’article 67 du traité [article abrogé par le traité d’Amsterdam] (JO L 178, p. 5), qui comprend treize catégories de mouvements de capitaux.

    179   Il ressort d’une jurisprudence constante que, dans la mesure où l’article 56 CE a repris en substance le contenu de l’article 1er de la directive 88/361 et même si celle-ci a été adoptée sur le fondement des articles 69 et 70, paragraphe 1, du traité CEE (les articles 67 à 73 du traité CEE ont été remplacés par les articles 73 B à 73 G du traité CE, eux-mêmes devenus articles 56 CE à 60 CE), cette nomenclature conserve la valeur indicative qui était la sienne avant leur entrée en vigueur pour définir la notion de mouvements de capitaux, étant entendu que, conformément à son introduction, la liste qu’elle contient ne présente pas un caractère exhaustif (voir, notamment, arrêts du 16 mars 1999, Trummer et Mayer, C‑222/97, Rec. p. I‑1661, point 21, et du 23 février 2006, Van Hilten-van der Heijden, C‑513/03, Rec. p. I-1957, point 39).

    180   Une telle valeur indicative doit être reconnue à cette nomenclature dans le cadre de l’interprétation de la notion d’investissements directs. Dans la première rubrique de ladite nomenclature figurent, sous l’intitulé «Investissements directs», la création et l’extension de succursales ou d’entreprises nouvelles appartenant exclusivement au bailleur de fonds et l’acquisition intégrale d’entreprises existantes, la participation à des entreprises nouvelles ou existantes en vue de créer ou de maintenir des liens économiques durables, les prêts à long terme en vue de créer ou de maintenir des liens économiques durables ainsi que les réinvestissements de bénéfices en vue de maintenir des liens économiques durables.

    181   Ainsi qu’il ressort de cette énumération et des notes explicatives qui s’y rapportent, la notion d’investissements directs concerne les investissements de toute nature auxquels procèdent les personnes physiques ou morales et qui servent à créer ou à maintenir des relations durables et directes entre le bailleur de fonds et l’entreprise à qui ces fonds sont destinés en vue de l’exercice d’une activité économique.

    182   S’agissant de participations dans des entreprises nouvelles ou existantes, ainsi que le confirment ces notes explicatives, l’objectif de créer ou de maintenir des liens économiques durables présuppose que les actions détenues par l’actionnaire donnent à celui-ci, soit en vertu des dispositions de la législation nationale sur les sociétés par actions, soit autrement, la possibilité de participer effectivement à la gestion de cette société ou à son contrôle.

    183   Contrairement à ce que prétendent les demanderesses au principal, les restrictions aux mouvements de capitaux impliquant les investissements directs ou l’établissement au sens de l’article 57, paragraphe 1, CE couvrent non seulement les mesures nationales qui, dans leur application à des mouvements de capitaux à destination ou en provenance de pays tiers, restreignent les investissements ou l’établissement, mais également celles qui restreignent les paiements de dividendes qui en découlent.

    184   En effet, il ressort de la jurisprudence que tout traitement moins avantageux de dividendes d’origine étrangère par rapport à ceux d’origine nationale doit être considéré comme une restriction à la libre circulation des capitaux dans la mesure où il est susceptible de rendre moins attrayante la prise de participations dans des sociétés établies dans d’autres États membres (arrêts précités Verkooijen, point 35, Lenz, point 21, et Manninen, point 23).

    185   Il s’ensuit qu’une restriction aux mouvements de capitaux, telle qu’un traitement fiscal moins avantageux des dividendes d’origine étrangère, relève de l’article 57, paragraphe 1, CE dans la mesure où elle se rapporte à des participations prises en vue de créer ou de maintenir des liens économiques durables et directs entre l’actionnaire et la société concernée et permettant à l’actionnaire de participer effectivement à la gestion de cette société ou à son contrôle.

    186   Si tel n’est pas le cas, une restriction aux mouvements de capitaux prohibée par l’article 56 CE ne peut être appliquée, pas non plus dans les relations avec les pays tiers.

    187   En revanche, il ressort de l’article 57, paragraphe 1, CE qu’un État membre peut appliquer dans les relations avec les pays tiers les restrictions aux mouvements de capitaux qui relèvent du champ d’application matériel de cette disposition, même si elles sont contraires au principe de la libre circulation des capitaux énoncé à l’article 56 CE, à condition qu’elles existaient déjà au 31 décembre 1993.

    188   Selon le gouvernement du Royaume-Uni, si la Cour devait considérer que l’article 56 CE s’oppose à la législation nationale en cause au principal en matière d’imposition de dividendes d’origine étrangère, tel serait le cas non seulement des mesures concernées par les première à troisième questions préjudicielles, adoptées avant le 31 décembre 1993, mais également du régime FID, entré en vigueur le 1er juillet 1994, dans la mesure où, par rapport aux mesures existantes, ce dernier régime n’a pas introduit de nouvelles restrictions mais s’est, au contraire, limité à réduire certains effets restrictifs de la législation existante.

    189   Tout d’abord, il y a lieu de clarifier la notion de restrictions existant à la date du 31 décembre 1993 au sens de l’article 57, paragraphe 1, CE.

    190   Ainsi que l’ont suggéré les demanderesses au principal, le gouvernement du Royaume-Uni et la Commission, il convient de se référer à l’arrêt du 1er juin 1999, Konle (C‑302/97, Rec. p. I‑3099), où la Cour a dû donner une interprétation de la notion de «législation existante» contenue dans une disposition dérogatoire de l’acte relatif aux conditions d’adhésion de la République d’Autriche, de la République de Finlande et du Royaume de Suède et aux adaptations des traités sur lesquels est fondée l’Union européenne (JO 1994, C 241, p. 21, et JO 1995, L 1, p. 1), permettant à la République d’Autriche de maintenir temporairement sa législation existante concernant les résidences secondaires.

    191   En effet, s’il appartient, en principe, au juge national de déterminer le contenu de la législation existante à une date fixée par un acte communautaire, la Cour a précisé, dans cet arrêt, que c’est à elle qu’il appartient de fournir les éléments d’interprétation de la notion communautaire qui constitue la référence pour l’application d’un régime dérogatoire communautaire à une législation nationale «existante» à une date fixée (voir, en ce sens, arrêt Konle, précité, point 27).

    192   Ainsi que la Cour l’a énoncé dans ce même arrêt, toute mesure nationale adoptée postérieurement à une date ainsi fixée n’est pas, de ce seul fait, automatiquement exclue du régime dérogatoire instauré par l’acte communautaire en cause. En effet, une disposition qui est, dans sa substance, identique à la législation antérieure ou qui se borne à réduire ou à supprimer un obstacle à l’exercice des droits et des libertés communautaires figurant dans la législation antérieure bénéficie de la dérogation. En revanche, une législation qui repose sur une logique différente de celle du droit antérieur et met en place des procédures nouvelles ne peut être assimilée à la législation existante à la date retenue par l’acte communautaire en cause (voir arrêt Konle, précité, points 52 et 53).

    193   Ensuite, s’agissant de la relation entre le régime FID et la législation nationale existante en matière d’imposition de dividendes d’origine étrangère, telle qu’évoquée par la juridiction de renvoi, il apparaît que ce régime a pour objet de limiter les effets restrictifs découlant de la législation existante pour des sociétés résidentes percevant des dividendes d’origine étrangère, notamment en offrant auxdites sociétés la possibilité d’obtenir un remboursement de l’excédent de l’ACT dû lors d’une distribution de dividendes à leurs propres actionnaires.

    194   Il incombe, toutefois, à la juridiction nationale de déterminer si le fait que, comme le soulignent les demanderesses au principal, les actionnaires bénéficiaires d’une distribution de dividendes qualifiée de FID ne se voient pas octroyer un crédit d’impôt doit être considéré comme une nouvelle restriction. En effet, s’il est vrai que, dans le système fiscal national dans lequel s’insère le régime FID, l’octroi d’un tel crédit d’impôt à l’actionnaire bénéficiaire d’une distribution correspond à l’acquittement par la société distributrice de l’ACT sur cette distribution, il ne peut être déduit de la description de la législation fiscale nationale fournie dans la décision de renvoi que le fait qu’une société ayant opté pour le régime FID a droit au remboursement de l’ACT acquitté en excédent justifie, dans la logique de la législation existant au 31 décembre 1993, que ses actionnaires ne se voient pas octroyer un crédit d’impôt.

    195   En tout état de cause, contrairement à ce que soutient le gouvernement du Royaume-Uni, le régime FID ne saurait être qualifié de restriction existante du seul fait que, en raison de son caractère facultatif, les sociétés concernées aient toujours la possibilité de se voir appliquer le système adopté auparavant, avec les effets restrictifs qui en découlent. En effet, ainsi qu’il a été relevé au point 162 du présent arrêt, un régime restrictif des libertés de circulation demeure tout autant incompatible avec le droit communautaire, quand bien même son application serait facultative.

    196   Il y a donc lieu de répondre à la cinquième question que l’article 57, paragraphe 1, CE doit être interprété en ce sens que, lorsque, avant le 31 décembre 1993, un État membre a adopté une législation qui contient des restrictions aux mouvements de capitaux à destination ou en provenance de pays tiers prohibées par l’article 56 CE et, après cette date, adopte des mesures qui, tout en constituant également une restriction auxdits mouvements, sont, dans leur substance, identiques à la législation antérieure ou se bornent à réduire ou à supprimer un obstacle à l’exercice des droits et des libertés communautaires figurant dans la législation antérieure, l’article 56 CE ne s’oppose pas à l’application aux pays tiers de ces dernières mesures lorsqu’elles s’appliquent à des mouvements de capitaux impliquant des investissements directs, y compris les investissements immobiliers, l’établissement, la prestation de services financiers ou l’admission de titres sur les marchés des capitaux. À cet égard, ne peuvent pas être considérées comme investissements directs les participations dans une société qui ne sont pas prises en vue de créer ou de maintenir des liens économiques durables et directs entre l’actionnaire et cette société et ne permettent pas à l’actionnaire de participer effectivement à la gestion de cette société ou à son contrôle.

     Sur les sixième à neuvième questions

    197   Par ses sixième à neuvième questions, qu’il convient de traiter ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, au cas où les mesures nationales visées par les questions précédentes seraient incompatibles avec le droit communautaire, si des actions telles que celles introduites par les demanderesses au principal afin de remédier à une telle incompatibilité doivent être qualifiées d’actions en restitution de sommes indûment perçues ou d’avantages indûment refusés ou, en revanche, d’actions en réparation d’un dommage encouru. Dans ce dernier cas, elle se demande s’il convient de satisfaire aux conditions énoncées dans l’arrêt Brasserie du Pêcheur et Factortame, précité, et s’il importe, à cet égard, de tenir compte de la forme dans laquelle de telles actions doivent être introduites en vertu du droit national.

    198   Quant à l’application des conditions en vertu desquelles un État membre est tenu de réparer les dommages causés aux particuliers par une violation du droit communautaire, la juridiction de renvoi demande si la Cour peut donner des orientations sur l’exigence d’une violation suffisamment caractérisée dudit droit ainsi que sur celle liée au lien de causalité entre la violation de l’obligation qui incombe à l’État membre et le dommage subi par les personnes lésées.

    199   Les demanderesses au principal font valoir que l’ensemble des actions décrites à la sixième question relèvent de la catégorie des recours en restitution, tant en ce que ces actions visent le remboursement de l’impôt excédentaire indûment levé ou de la perte résultant de la privation de la jouissance de sommes ayant fait l’objet d’un paiement prématuré d’impôt qu’en ce qu’elles visent la récupération de dégrèvements fiscaux ou le remboursement du montant par lequel les sociétés résidentes concernées auraient dû augmenter les dividendes qualifiés de FID afin de compenser la perte du crédit d’impôt dans le chef de leurs actionnaires. Si le droit communautaire permettait que le droit national ne prévoie qu’une action en dommages et intérêts, celle-ci serait, en tout état de cause, d’un type différent de l’action visée par l’arrêt Brasserie du Pêcheur et Factortame, précité.

    200   En revanche, le gouvernement du Royaume-Uni soutient que chacun des remèdes recherchés par les demanderesses au principal constitue une demande en dommages et intérêts soumise aux conditions de l’arrêt Brasserie du Pêcheur et Factortame, précité. La manière dont les actions ont été introduites sous l’angle du droit national n’aurait pas d’importance pour leur qualification en droit communautaire.

    201   À cet égard, il y a lieu de relever qu’il n’appartient pas à la Cour de qualifier juridiquement les recours introduits par les demanderesses au principal devant la juridiction de renvoi. En l’espèce, il incombe à celles-ci de préciser la nature et le fondement de leur action (demande en restitution ou demande en réparation du préjudice), sous le contrôle de la juridiction de renvoi (voir arrêt Metallgesellschaft e.a., précité, point 81).

    202   Toujours est-il que, selon une jurisprudence bien établie, le droit d’obtenir le remboursement de taxes perçues dans un État membre en violation des règles du droit communautaire est la conséquence et le complément des droits conférés aux justiciables par les dispositions communautaires telles qu’elles ont été interprétées par la Cour (voir, notamment, arrêts du 9 novembre 1983, San Giorgio, 199/82, Rec. p. 3595, point 12, et Metallgesellschaft e.a., précité, point 84). L’État membre est donc tenu, en principe, de rembourser les taxes perçues en violation du droit communautaire (arrêts du 14 janvier 1997, Comateb e.a., C‑192/95 à C‑218/95, Rec. p. I‑165, point 20, et Metallgesellschaft e.a., précité, point 84).

    203   En l’absence de réglementation communautaire en matière de restitution de taxes nationales indûment perçues, il appartient à l’ordre juridique interne de chaque État membre de désigner les juridictions compétentes et de régler les modalités procédurales des recours en justice destinés à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent du droit communautaire, pour autant, d’une part, que ces modalités ne soient pas moins favorables que celles concernant des recours similaires de nature interne (principe d’équivalence) et, d’autre part, qu’elles ne rendent pas en pratique impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique communautaire (principe d’effectivité) (voir, notamment, arrêts du 16 décembre 1976, Rewe, 33/76, Rec. p. 1989, point 5, et Comet, 45/76, Rec. p. 2043, points 13 et 16, ainsi que, plus récemment, arrêts du 15 septembre 1998, Edis, C‑231/96, Rec. p. I‑4951, points 19 et 34; du 9 février 1999, Dilexport, C‑343/96, Rec. p. I‑579, point 25, et Metallgesellschaft e.a., précité, point 85).

    204   En outre, la Cour a jugé, au point 96 de son arrêt Metallgesellschaft e.a., précité, que, lorsqu’une société résidente ou sa société mère ont subi une perte financière au profit des autorités d’un État membre à la suite d’un paiement anticipé de l’impôt sur les sociétés, auquel était soumise la société résidente au titre des dividendes versés à sa société mère non-résidente mais dont était exonérée une société résidente ayant versé des dividendes à une société mère résidant également dans cet État membre, les dispositions du traité relatives à la libre circulation exigent que les sociétés résidentes et leurs sociétés mères non-résidentes bénéficient d’une voie de recours effective pour obtenir le remboursement ou le dédommagement de cette perte.

    205   Il ressort de cette jurisprudence que, lorsqu’un État membre a prélevé des taxes en violation des règles du droit communautaire, les justiciables ont droit au remboursement non seulement de l’impôt indûment perçu, mais également des montants payés à cet État ou retenus par celui-ci en rapport direct avec cet impôt. Ainsi que la Cour l’a jugé aux points 87 et 88 de l’arrêt Metallgesellschaft e.a., précité, cela comprend également les pertes constituées par l’indisponibilité de sommes d’argent à la suite de l’exigibilité prématurée de l’impôt.

    206   Pour autant que les règles du droit national relatives aux dégrèvements ont empêché qu’un impôt, tel que l’ACT, prélevé en violation du droit communautaire soit récupéré par le contribuable qui l’a acquitté, ce dernier a droit au remboursement de cet impôt.

    207   Toutefois, contrairement à ce que soutiennent les demanderesses au principal, ni les dégrèvements auxquels le contribuable aurait renoncé pour être en mesure d’imputer intégralement l’impôt indûment perçu, tel que l’ACT, sur un montant dû au titre d’un autre impôt, ni le préjudice qu’auraient subi les sociétés résidentes ayant opté pour le régime FID du fait qu’elles se voyaient obligées d’augmenter le montant de leurs dividendes afin de compenser la perte du crédit d’impôt dans le chef de leurs actionnaires ne peuvent être compensés, en se basant sur le droit communautaire, au moyen d’une action visant au remboursement de l’impôt indûment perçu ou de montants payés à l’État membre concerné ou retenus par celui-ci en rapport direct avec cet impôt. En effet, de telles renonciations à des dégrèvements ou augmentations du montant des dividendes reposeraient sur des décisions prises par ces sociétés et ne constitueraient pas, dans leur chef, une conséquence inévitable du refus du Royaume-Uni d’accorder auxdits actionnaires un traitement équivalent à celui dont bénéficient les actionnaires bénéficiaires d’une distribution basée sur des dividendes d’origine nationale.

    208   Dans ces conditions, il incombe à la juridiction nationale de déterminer si les renonciations à des dégrèvements ou les augmentations du montant des dividendes constituent, dans le chef des sociétés concernées, des pertes financières subies en raison d’une violation du droit communautaire imputable à l’État membre concerné.

    209   Sans pour autant exclure que la responsabilité de l’État puisse être engagée dans des conditions moins restrictives sur le fondement du droit national, la Cour a jugé que les conditions dans lesquelles un État membre est tenu de réparer les dommages causés aux particuliers par des violations du droit communautaire qui lui sont imputables sont au nombre de trois, à savoir que la règle de droit violée ait pour objet de conférer des droits aux particuliers, que la violation soit suffisamment caractérisée et qu’il existe un lien de causalité direct entre la violation de l’obligation qui incombe à l’État et le dommage subi par les personnes lésées (arrêts Brasserie du Pêcheur et Factortame, précité, points 51 et 66, ainsi que du 30 septembre 2003, Köbler, C‑224/01, Rec. p. I‑10239, points 51 et 57).

    210   La mise en oeuvre des conditions permettant d’établir la responsabilité des États membres pour des dommages causés aux particuliers par des violations du droit communautaire doit, en principe, être opérée par les juridictions nationales (arrêts Brasserie du Pêcheur et Factortame, précité, point 58, et Köbler, précité, point 100), conformément aux orientations fournies par la Cour pour procéder à cette mise en oeuvre (arrêts Brasserie du Pêcheur et Factortame, précité, points 55 à 57; du 26 mars 1996, British Telecommunications, C‑392/93, Rec. p. I‑1631, point 41; Denkavit e.a., précité, point 49, et Konle, précité, point 58).

    211   Dans l’affaire au principal, la première condition est manifestement remplie en ce qui concerne les articles 43 CE et 56 CE. En effet, ces dispositions ont pour effet de conférer des droits aux particuliers (voir, respectivement, arrêts Brasserie du Pêcheur et Factortame, précité, points 23 et 54, ainsi que du 14 décembre 1995, Sanz de Lera e.a., C‑163/94, C‑165/94 et C‑250/94, Rec. p. I‑4821, point 43).

    212   Quant à la deuxième condition, il convient de rappeler, d’une part, qu’une violation du droit communautaire est suffisamment caractérisée lorsqu’un État membre, dans l’exercice de son pouvoir normatif, a méconnu, de manière manifeste et grave, les limites qui s’imposent à l’exercice de ses pouvoirs (voir arrêts Brasserie du Pêcheur et Factortame, précité, point 55; British Telecommunications, précité, point 42, et du 4 juillet 2000, Haim, C‑424/97, Rec. p. I‑5123, point 38). D’autre part, lorsque l’État membre en cause, au moment où il a commis l’infraction, ne disposait que d’une marge d’appréciation considérablement réduite, voire inexistante, la simple infraction au droit communautaire peut suffire à établir l’existence d’une violation suffisamment caractérisée (voir arrêts du 23 mai 1996, Hedley Lomas, C‑5/94, Rec. p. I‑2553, point 28, et Haim, précité, point 38).

    213   Afin de déterminer s’il existe une violation suffisamment caractérisée, il y a lieu de tenir compte de tous les éléments qui caractérisent la situation soumise au juge national. Parmi ces éléments figurent, notamment, le degré de clarté et de précision de la règle violée, le caractère intentionnel ou involontaire du manquement commis ou du préjudice causé, le caractère excusable ou inexcusable d’une éventuelle erreur de droit, la circonstance que les attitudes prises par une institution communautaire ont pu contribuer à l’adoption ou au maintien de mesures ou de pratiques nationales contraires au droit communautaire (arrêts précités Brasserie du Pêcheur et Factortame, point 56, ainsi que Haim, points 42 et 43).

    214   En tout état de cause, une violation du droit communautaire est manifestement caractérisée lorsqu’elle a perduré malgré le prononcé d’un arrêt constatant le manquement reproché, d’un arrêt préjudiciel ou d’une jurisprudence bien établie de la Cour en la matière, desquels résulte le caractère infractionnel du comportement en cause (arrêt Brasserie du Pêcheur et Factortame, précité, point 57).

    215   En l’espèce, la juridiction nationale, pour apprécier si une violation de l’article 43 CE commise par l’État membre concerné était suffisamment caractérisée, doit prendre en considération le fait que, dans un domaine tel que la fiscalité directe, les conséquences découlant des libertés de circulation garanties par le traité ne se sont que graduellement révélées, notamment, par les principes dégagés par la Cour à partir de son arrêt du 28 janvier 1986, Commission/France, précité. En outre, en matière d’imposition de dividendes perçus par des sociétés résidentes de sociétés non-résidentes, ce n’est que dans les arrêts précités Verkooijen, Lenz et Manninen que la Cour a eu l’occasion de clarifier les exigences découlant desdites libertés de circulation, notamment en ce qui concerne la libre circulation des capitaux.

    216   En effet, en dehors des cas couverts par la directive 90/435, le droit communautaire ne précisait pas explicitement l’obligation pour un État membre d’assurer que, par rapport à des mécanismes de prévention ou d’atténuation de l’imposition en chaîne ou de la double imposition économique, les dividendes versés à des résidents par des sociétés résidentes et ceux versés par des sociétés non-résidentes bénéficient d’un traitement équivalent. Il s’ensuit que, jusqu’aux arrêts précités Verkooijen, Lenz et Manninen, le problème soulevé par le présent renvoi préjudiciel n’avait pas encore été traité comme tel dans la jurisprudence de la Cour.

    217   C’est à la lumière de ces considérations que la juridiction nationale doit apprécier les facteurs cités au point 213 du présent arrêt, en particulier le degré de clarté et de précision des règles violées ainsi que le caractère excusable ou inexcusable d’éventuelles erreurs de droit.

    218   Quant à la troisième condition, à savoir l’exigence d’un lien de causalité direct entre la violation de l’obligation qui incombe à l’État et le dommage subi par les personnes lésées, il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si le préjudice allégué découle de façon suffisamment directe de la violation du droit communautaire pour engager l’État à réparer celui-ci (voir, en ce sens, en matière de responsabilité extracontractuelle de la Communauté, arrêt du 4 octobre 1979, Dumortier frères e.a. /Conseil, 64/76, 113/76, 167/78, 239/78, 27/79, 28/79 et 45/79, Rec. p. 3091, point 21).

    219   Sous réserve du droit à réparation qui trouve directement son fondement dans le droit communautaire dès lors que ces conditions sont réunies, c’est dans le cadre du droit national de la responsabilité qu’il incombe à l’État de réparer les conséquences du préjudice causé, étant entendu que les conditions fixées par les législations nationales en matière de réparation des dommages ne sauraient être moins favorables que celles qui concernent des réclamations semblables de nature interne et ne sauraient être aménagées de manière à rendre, en pratique, impossible ou excessivement difficile l’obtention de la réparation (arrêts du 19 novembre 1991, Francovich e.a., C‑6/90 et C‑9/90, Rec. p. I‑5357, points 41 à 43; Brasserie du Pêcheur et Factortame, précité, point 67, ainsi que Köbler, précité, point 58).

    220   Il y a donc lieu de répondre aux sixième à neuvième questions que, en l’absence de réglementation communautaire, il appartient à l’ordre juridique interne de chaque État membre de désigner les juridictions compétentes et de régler les modalités procédurales des recours en justice destinés à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent du droit communautaire, y compris la qualification des actions engagées par les personnes lésées devant les juridictions nationales. Celles-ci sont néanmoins tenues de garantir que les justiciables disposent d’une voie de recours effective leur permettant d’obtenir le remboursement de l’impôt indûment perçu et des montants payés à cet État membre ou retenus par celui-ci en rapport direct avec cet impôt. S’agissant d’autres préjudices qu’aurait subis une personne en raison d’une violation du droit communautaire imputable à un État membre, ce dernier est tenu de réparer les dommages causés aux particuliers dans les conditions énoncées au point 51 de l’arrêt Brasserie du Pêcheur et Factortame, précité, sans que cela exclue que, sur le fondement du droit national, la responsabilité de l’État puisse être engagée dans des conditions moins restrictives.

     Sur la demande de limitation dans le temps des effets du présent arrêt

    221   Lors de l’audience, le gouvernement du Royaume-Uni a demandé à la Cour, au cas où celle-ci interpréterait le droit communautaire en ce sens que celui-ci s’oppose à une législation nationale telle que celle en cause au principal, de limiter les effets de son arrêt dans le temps, même en ce qui concerne les actions judiciaires engagées avant la date du prononcé de cet arrêt.

    222   À l’appui de sa demande, ce gouvernement souligne, d’une part, le fait que, depuis l’adoption de la législation nationale en 1973, sa compatibilité avec le droit communautaire n’a jamais été contestée et, d’autre part, les implications financières graves, estimées à 4,7 milliards de GBP (7 milliards d’euros), qui découleraient pour le Royaume-Uni des demandes introduites devant la juridiction de renvoi.

    223   Ce dernier montant est contesté par les demanderesses au principal, selon lesquelles ce chiffre se situerait plutôt dans une fourchette comprise entre 100 millions et 2 milliards de GBP. Celles-ci soulignent en outre que, si, certes, ladite législation nationale n’avait auparavant jamais été contestée devant les juridictions nationales sous l’angle de sa compatibilité avec les articles 43 CE et 56 CE, son impact sur les activités transfrontalières avait toutefois fait l’objet de plusieurs recours en droit.

    224   À cet égard, il suffit de constater que le gouvernement du Royaume-Uni a avancé un montant qui couvre les recours introduits par les demanderesses au principal tels qu’ils sont visés par l’ensemble des questions préjudicielles, partant ainsi de l’hypothèse, qui ne s’est pas vérifiée, selon laquelle les réponses fournies par la Cour iraient, pour chacune desdites questions, dans le sens défendu par les demanderesses au principal.

    225   Dans ces conditions, il n’y a pas lieu de limiter les effets du présent arrêt dans le temps.

     Sur les dépens

    226   La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

    Par ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit:

    1)      Les articles 43 CE et 56 CE doivent être interprétés en ce sens que, lorsqu’un État membre connaît un système de prévention ou d’atténuation de l’imposition en chaîne ou de la double imposition économique dans le cas de dividendes versés à des résidents par des sociétés résidentes, il doit accorder un traitement équivalent aux dividendes versés à des résidents par des sociétés non-résidentes.

    Les articles 43 CE et 56 CE ne s’opposent pas à une législation d’un État membre qui exonère de l’impôt sur les sociétés les dividendes qu’une société résidente perçoit d’une autre société résidente, alors qu’elle soumet à cet impôt les dividendes qu’une société résidente perçoit d’une société non-résidente et dans laquelle la société résidente détient au moins 10 % des droits de vote, tout en accordant, dans ce dernier cas, un crédit d’impôt au titre de l’impôt effectivement acquitté par la société distributrice dans son État membre de résidence, pour autant que le taux d’imposition sur les dividendes d’origine étrangère ne soit pas supérieur au taux d’imposition appliqué aux dividendes d’origine nationale et que le crédit d’impôt soit au moins égal au montant acquitté dans l’État membre de la société distributrice jusqu’à hauteur du montant d’imposition appliqué dans l’État membre de la société bénéficiaire.

    L’article 56 CE s’oppose à une législation d’un État membre qui exonère de l’impôt sur les sociétés les dividendes qu’une société résidente perçoit d’une autre société résidente, alors qu’elle soumet à cet impôt les dividendes qu’une société résidente perçoit d’une société non-résidente dans laquelle elle détient moins de 10 % des droits de vote, sans accorder à celle-ci un crédit d’impôt au titre de l’impôt effectivement acquitté par la société distributrice dans son État de résidence.

    2)      Les articles 43 CE et 56 CE s’opposent à une législation d’un État membre qui permet à une société résidente percevant des dividendes d’une autre société résidente de déduire du montant dont la première société est redevable au titre de l’impôt sur les sociétés par anticipation, le montant dudit impôt payé par anticipation par la seconde société, alors que, dans le cas d’une société résidente percevant des dividendes d’une société non-résidente, une telle déduction n’est pas permise en ce qui concerne l’impôt correspondant aux bénéfices distribués acquitté par cette dernière société dans son État de résidence.

    3)      Les articles 43 CE et 56 CE ne s’opposent pas à une législation d’un État membre qui prévoit que tout dégrèvement dont bénéficie une société résidente ayant perçu des dividendes d’origine étrangère au titre de l’impôt acquitté à l’étranger réduise le montant de l’impôt sur les sociétés sur lequel elle peut imputer l’impôt sur les sociétés payé par anticipation.

          L’article 43 CE s’oppose à une législation d’un État membre qui permet à une société résidente de transférer à des filiales résidentes le montant d’impôt sur les sociétés payé par anticipation qui ne peut pas être imputé sur l’impôt sur les sociétés dû par cette première société au titre de l’exercice comptable donné ou d’exercices comptables antérieurs ou ultérieurs, afin que ces filiales puissent l’imputer sur l’impôt sur les sociétés dont elles sont redevables, mais ne permet pas à une société résidente de transférer un tel montant à des filiales non-résidentes au cas où celles-ci seraient imposables dans cet État membre sur les bénéfices qu’elles y ont réalisés.

    4)      Les articles 43 CE et 56 CE s’opposent à une législation d’un État membre qui, tout en exonérant du paiement anticipé de l’impôt sur les sociétés les sociétés résidentes distribuant à leurs actionnaires des dividendes issus de dividendes d’origine nationale qu’elles ont perçus, accorde aux sociétés résidentes distribuant à leurs actionnaires des dividendes issus de dividendes d’origine étrangère qu’elles ont perçus la faculté d’opter pour un régime leur permettant de recouvrer l’impôt sur les sociétés payé par anticipation, mais, d’une part, oblige ces sociétés à acquitter ledit impôt anticipé et à en demander le remboursement par la suite et, d’autre part, ne prévoit pas de crédit d’impôt pour leurs actionnaires, alors que ceux-ci en auraient reçu un dans le cas d’une distribution effectuée par une société résidente sur la base de dividendes d’origine nationale.

    5)      L’article 57, paragraphe 1, CE doit être interprété en ce sens que, lorsque, avant le 31 décembre 1993, un État membre a adopté une législation qui contient des restrictions aux mouvements de capitaux à destination ou en provenance de pays tiers prohibées par l’article 56 CE et, après cette date, adopte des mesures qui, tout en constituant également une restriction auxdits mouvements, sont, dans leur substance, identiques à la législation antérieure ou se bornent à réduire ou à supprimer un obstacle à l’exercice des droits et des libertés communautaires figurant dans la législation antérieure, l’article 56 CE ne s’oppose pas à l’application aux pays tiers de ces dernières mesures lorsqu’elles s’appliquent à des mouvements de capitaux impliquant des investissements directs, y compris les investissements immobiliers, l’établissement, la prestation de services financiers ou l’admission de titres sur les marchés des capitaux. À cet égard, ne peuvent pas être considérées comme investissements directs les participations dans une société qui ne sont pas prises en vue de créer ou de maintenir des liens économiques durables et directes entre l’actionnaire et cette société et ne permettent pas à l’actionnaire de participer effectivement à la gestion de cette société ou à son contrôle.

    6)      En l’absence de réglementation communautaire, il appartient à l’ordre juridique interne de chaque État membre de désigner les juridictions compétentes et de régler les modalités procédurales des recours en justice destinés à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent du droit communautaire, y compris la qualification des actions engagées par les personnes lésées devant les juridictions nationales. Celles-ci sont néanmoins tenues de garantir que les justiciables disposent d’une voie de recours effective leur permettant d’obtenir le remboursement de l’impôt indûment perçu et des montants payés à cet État membre ou retenus par celui-ci en rapport direct avec cet impôt. S’agissant d’autres préjudices qu’aurait subis une personne en raison d’une violation du droit communautaire imputable à un État membre, ce dernier est tenu de réparer les dommages causés aux particuliers dans les conditions énoncées au point 51 de l’arrêt du 5 mars 1996, Brasserie du Pêcheur et Factortame (C‑46/93 et C‑48/93), sans que cela exclue que, sur le fondement du droit national, la responsabilité de l’État puisse être engagée dans des conditions moins restrictives.

    Signatures


    * Langue de procédure: l’anglais.

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