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Document 61998CJ0214

Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 16 novembre 2000.
Commission des Communautés européennes contre République hellénique.
Manquement d'Etat - Non-transposition de certaines dispositions de la directive 93/118/CE.
Affaire C-214/98.

European Court Reports 2000 I-09601

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2000:624

61998J0214

Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 16 novembre 2000. - Commission des Communautés européennes contre République hellénique. - Manquement d'Etat - Non-transposition de certaines dispositions de la directive 93/118/CE. - Affaire C-214/98.

Recueil de jurisprudence 2000 page I-09601


Sommaire
Parties
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif

Mots clés


1 Actes des institutions - Directives - Exécution par les États membres - Nécessité d'une transposition complète - Inexistence dans un État membre d'une activité visée par une directive - Absence d'incidence

(Traité CE, art. 189, al. 3 (devenu art. 249, al. 3, CE))

2 Agriculture - Rapprochement des législations en matière de police sanitaire - Financement des inspections et contrôles sanitaires des viandes fraîches - Directives 85/73 et 93/118 - Niveaux des redevances - Réduction des montants communautaires forfaitaires jusqu'à concurrence des coûts réels d'inspection - Obligation, pour les États membres, de justifier automatiquement cette réduction - Absence

(Directive du Conseil 85/73, art. 2, § 5, telle que modifiée par la directive 93/118; directive du Conseil 93/118, annexe)

Sommaire


1 L'inexistence dans un État membre déterminé d'une certaine activité visée par une directive ne saurait libérer cet État de son obligation de prendre des mesures législatives ou réglementaires afin d'assurer une transposition adéquate de l'ensemble des dispositions de cette directive.

(voir point 22)

2 Le chapitre I de l'annexe de la directive 93/118, modifiant la directive 85/73 relative au financement des inspections et contrôles sanitaires des viandes fraîches et des viandes de volaille, ne comporte aucune disposition de nature à fonder une obligation, à la charge des États membres, de communiquer à la Commission les données susceptibles de justifier une réduction du niveau des redevances communautaires.

(voir point 36)

Parties


Dans l'affaire C-214/98,

Commission des Communautés européennes, représentée par Mme M. Condou-Durande, membre du service juridique, en qualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. C. Gómez de la Cruz, membre du même service, Centre Wagner, Kirchberg,

partie requérante,

contre

République hellénique, représentée par M. I. K. Chalkias, conseiller juridique adjoint au Conseil juridique de l'État, et Mme N. Dafniou, auditeur au service juridique spécial - section de droit européen du ministère des Affaires étrangères, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg au siège de l'ambassade de Grèce, 117, Val Sainte-Croix,

partie défenderesse,

ayant pour objet de faire constater que:

- en omettant de mentionner parmi les viandes auxquelles s'appliquent les redevances fixées par la directive 93/118/CE du Conseil, du 22 décembre 1993, modifiant la directive 85/73/CEE relative au financement des inspections et contrôles sanitaires des viandes fraîches et des viandes de volaille (JO L 340, p. 15), la catégorie correspondant aux solipèdes/équidés;

- en fixant les montants des redevances à percevoir pour les contrôles sanitaires lors de l'abattage des animaux et de celles qui sont liées aux opérations de découpage des viandes fraîches à 50 % des montants communautaires forfaitaires, sans toutefois motiver cette réduction conformément aux exigences du chapitre I de l'annexe de la directive 93/118, et

- en exonérant les volailles de la redevance de découpage des viandes fraîches,

la République hellénique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du traité CE ainsi que de ladite directive, et en particulier du chapitre I, points 1, 2 et 5, de l'annexe de celle-ci,

LA COUR

(sixième chambre),

composée de MM. C. Gulmann, président de chambre, V. Skouris, J.-P. Puissochet, R. Schintgen (rapporteur) et Mme F. Macken, juges,

avocat général: M. J. Mischo,

greffier: M. R. Grass,

vu le rapport du juge rapporteur,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 6 juin 2000,

rend le présent

Arrêt

Motifs de l'arrêt


1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 10 juin 1998, la Commission des Communautés européennes a introduit, en vertu de l'article 169 du traité CE (devenu article 226 CE), un recours visant à faire constater que:

- en omettant de mentionner parmi les viandes auxquelles s'appliquent les redevances fixées par la directive 93/118/CE du Conseil, du 22 décembre 1993, modifiant la directive 85/73/CEE relative au financement des inspections et contrôles sanitaires des viandes fraîches et des viandes de volaille (JO L 340, p. 15), la catégorie correspondant aux solipèdes/équidés;

- en fixant les montants des redevances à percevoir pour les contrôles sanitaires lors de l'abattage des animaux et de celles qui sont liées aux opérations de découpage des viandes fraîches à 50 % des montants communautaires forfaitaires, sans toutefois motiver cette réduction conformément aux exigences du chapitre I de l'annexe de la directive 93/118, et

- en exonérant les volailles de la redevance de découpage des viandes fraîches,

la République hellénique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du traité CE et de ladite directive, et en particulier du chapitre I, points 1, 2 et 5, de l'annexe de celle-ci.

La réglementation applicable

La directive 93/118

2 Ainsi qu'il ressort de ses considérants, la directive 93/118 a pour objet de modifier la directive 85/73/CEE du Conseil, du 29 janvier 1985, relative au financement des inspections et contrôles sanitaires des viandes fraîches et des viandes de volaille (JO L 32, p. 14), en étendant son champ d'application en vue d'assurer un fonctionnement efficace du régime des contrôles sanitaires et d'éviter des distorsions de concurrence.

3 À cet effet, les États membres sont tenus, conformément à l'article 1er, paragraphe 1, de la directive 85/73, telle que modifiée par la directive 93/118, de percevoir des redevances communautaires forfaitaires pour couvrir les frais occasionnés par les inspections et contrôles sanitaires relatifs aux viandes fraîches de certaines espèces animales. En vertu du paragraphe 2 de ladite disposition, les redevances sont fixées de manière à couvrir les coûts salariaux, y compris les charges sociales, et les frais administratifs que supporte l'autorité nationale compétente pour l'exécution des contrôles et des inspections visés par ladite directive.

4 Le chapitre I de l'annexe de la directive 93/118 fixe le montant et les modalités de perception de ces redevances pour les viandes visées par les directives 64/433/CEE du Conseil, du 26 juin 1964, relative à des problèmes sanitaires en matière d'échanges intracommunautaires de viandes fraîches (JO 1964, 121, p. 2012), et 71/118/CEE du Conseil, du 15 février 1971, relative à des problèmes sanitaires en matière d'échanges de viandes fraîches de volaille (JO L 55, p. 23).

5 Aux termes du chapitre I, point 1, de cette annexe:

«Les États membres, sans préjudice de l'application des points 4 et 5, perçoivent pour les frais d'inspection liés aux opérations d'abattage:

- les montants forfaitaires suivants:

a) viande bovine:

- gros bovins: 4,75 écus par animal,

- jeunes bovins: 2,5 écus par animal;

b) solipèdes/équidés: 4,4 écus par animal;

c) porcs: 1,30 écu par animal;

d) viandes ovine et caprine: animaux d'un poids carcasse:

i) de moins de 12 kg: 0,175 écu par animal;

ii) de 12 à 18 kg: 0,35 écu par animal;

iii) supérieur à 18 kg: 0,5 écu par animal.

Dans l'attente d'un réexamen des règles d'inspection pour les agneaux, les caprins et des porcelets de moins de 12 kg et au plus tard jusqu'au 31 décembre 1995, les États membres peuvent percevoir, au titre de l'inspection de ces animaux abattus, un montant correspondant au coût réel d'inspection;

e) jusqu'au 31 décembre 1995, le montant minimal à percevoir pour l'inspection ante mortem et post mortem prévue par la directive 71/118/CEE est fixé:

i) soit de manière forfaitaire aux niveaux suivants:

- pour les poules et poulets de chair, les autres jeunes volailles d'engraissement avec un poids de moins de deux kilogrammes, ainsi que les poules de réforme: 0,01 écu par animal,

- autres jeunes volailles d'engraissement d'un poids carcasse supérieur à 2 kg: 0,02 écu par animal,

- autres volailles adultes lourdes de plus de 5 kg: 0,04 écu par animal;

ii) soit, dans le cas où un État membre décide de ne pas distinguer en fonction des catégories de volailles, conformément au point i), à 0,03 écu par volaille.

- une part relative:

a) aux frais administratifs ne pourra être inférieure à 0,725 écu par tonne;

b) à la recherche de résidus ne pourra être inférieure à 1,35 écu par tonne.»

6 Le chapitre I, point 2, de ladite annexe dispose:

«Les contrôles et inspections liés aux opérations de découpage visées à l'article 3 paragraphe 1 point B de la directive 64/433/CEE et à l'article 3 paragraphe 1 point B de la directive 71/118/CEE sont à couvrir:

a) soit de manière forfaitaire par ajout d'un montant forfaitaire de 3 écus par tonne appliqué sur les viandes qui entrent dans un atelier de découpe.

Ce montant s'ajoute aux montants visés au point 1;

b) soit par perception des coûts réels d'inspection à l'heure prestée, toute heure entamée devant être considérée comme prestée.

Lorsque les opérations de découpage sont effectuées dans l'établissement où sont obtenues les viandes, une réduction allant jusqu'à 55 % des montants prévus au premier alinéa est pratiquée.»

7 Le chapitre I, point 5, de la même annexe est ainsi libellé:

«Les États membres dont les coûts salariaux, la structure des établissements et le rapport existant entre vétérinaires et inspecteurs s'écarte[nt] de ceux de la moyenne communautaire retenue pour le calcul des montants forfaitaires fixés au point 1 et au point 2 a) peuvent y déroger à la baisse jusqu'à concurrence des coûts réels d'inspection:

a) d'une manière générale, lorsque le coût de la vie et les coûts salariaux présentent des différences particulièrement importantes;

b) pour un établissement donné, lorsque les conditions suivantes sont remplies:

- le nombre minimal d'abattages journaliers doit permettre de planifier le recours au personnel d'inspection approprié,

- le nombre d'animaux abattus doit être constant, de manière à ce qu'il soit possible, par une planification des livraisons d'animaux, de disposer du personnel d'inspection de manière rationnelle,

- l'établissement doit bénéficier d'une organisation et d'une planification stricte et les abattages doivent être exécutés rapidement, permettant ainsi une utilisation optimale du personnel d'inspection,

- il ne doit pas y avoir de délai d'attente ni d'autres temps morts pour le personnel d'inspection,

- une uniformité optimale des animaux destinés à être abattus en ce qui concerne l'âge, la taille, le poids et la santé doit être garantie.

En aucun cas, l'application de ces dérogations ne pourra conduire à des baisses supérieures à 55 % des niveaux figurant au point 1.»

8 Conformément à l'article 3, paragraphe 1, premier et troisième alinéas, de la directive 93/118, les États membres devaient mettre en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à cette directive au plus tard le 31 décembre 1993, en ce qui concerne les exigences de l'annexe, et informer immédiatement la Commission des dispositions prises.

La réglementation hellénique

9 En Grèce, la directive 93/118 a été transposée par le décret présidentiel n_ 34/94.

10 L'article 2, paragraphe 1, de ce décret prévoit les catégories de viandes soumises au versement des redevances, ainsi que les montants correspondants, à savoir:

«a) viande bovine:

- gros bovins: 2,25 écus par animal

- veaux: 1,25 écu par animal

b) porcins: 0,65 écu par animal

c) ovins et caprins:

- moins de 12 kg: 0,085 écu par animal

- de 12 à 18 kg: 0,175 écu par animal

- plus de 18 kg: 0,250 écu par animal

d) volailles:

- moins de 2 kg: 0,005 écu par animal

- plus de 2 kg: 0,01 écu par animal

- plus de 5 kg: 0,02 écu par animal.»

11 L'article 3, paragraphe 1, dudit décret dispose que la partie de la redevance qui couvre les contrôles et inspections liés aux opérations de découpage, mentionnées à l'article 4, paragraphe 1, sous B, b), du décret présidentiel n_ 599/85 et à l'article 3, paragraphe 1, sous b), du décret présidentiel n_ 959/81, est fixée forfaitairement à 1,5 écu par tonne de viande à désosser destinée à la découpe.

12 La même disposition du décret présidentiel n_ 34/94 prévoit, à son paragraphe 2, que le montant visé au paragraphe 1 est ajouté aux montants visés à l'article 2, paragraphe 1, sous a), b) et c).

13 Enfin, aux termes du paragraphe 3 de ladite disposition, lorsque le découpage est effectué dans l'établissement où sont obtenues les viandes, les montants visés au paragraphe 1 sont réduits de 50 %.

La procédure précontentieuse

14 La Commission a considéré que le décret présidentiel n_ 34/94 n'était pas conforme à certaines exigences de l'annexe de la directive 93/118, dès lors que, contrairement aux dispositions du chapitre I, points 1, 2 et 5, de ladite annexe, ce décret omettait de mentionner la catégorie correspondant aux solipèdes/équidés, prévoyait dans tous les cas une réduction de 50 % des forfaits communautaires, sans que les autorités helléniques aient communiqué à la Commission les données sur lesquelles se fondait le calcul ayant conduit à une telle réduction, et exonérait les volailles de la redevance de découpage des viandes fraîches. Dans ces conditions, elle a, par lettre du 14 septembre 1995, mis la République hellénique en demeure de présenter ses observations dans un délai de deux mois.

15 Les autorités helléniques n'ont pas répondu à cette lettre de mise en demeure.

16 En conséquence, la Commission a, le 19 août 1997, adressé un avis motivé à la République hellénique, l'invitant à adopter les mesures nécessaires pour se conformer aux obligations résultant du chapitre I, points 1, 2 et 5, de l'annexe de la directive 93/118.

17 La République hellénique n'ayant donné aucune suite à cet avis motivé, la Commission a introduit le présent recours.

Sur le recours de la Commission

18 À l'appui de son recours, la Commission invoque en substance trois griefs tirés respectivement:

- de la non-transposition du chapitre I, point 1, premier tiret, sous b), de l'annexe de la directive 93/118, en raison de l'absence de mention, parmi les viandes auxquelles s'appliquent les redevances prévues par ladite directive, de la catégorie des solipèdes/équidés,

- de la transposition incorrecte des dispositions combinées du chapitre I, points 1, 2 et 5, de ladite annexe, en ce que la réglementation hellénique a fixé le montant des redevances à percevoir pour les contrôles sanitaires lors de l'abattage des animaux ainsi que de celles liées aux opérations de découpage des viandes fraîches à 50 % des montants communautaires forfaitaires, sans cependant motiver cette diminution conformément aux exigences de la directive 93/118, et

- de la non-transposition des dispositions combinées du chapitre I, points 1, premier tiret, sous e), et 2, premier alinéa, sous a), de l'annexe de ladite directive, dans la mesure où la réglementation hellénique n'a pas visé les volailles pour les besoins de l'application de la redevance de découpage des viandes fraîches.

Sur le grief tiré de l'absence de mention des solipèdes/équidés pour les besoins de l'application de la directive 93/118

19 La Commission fait valoir que la réglementation hellénique n'a pas transposé de manière complète la directive 93/118, dans la mesure où elle a omis de mentionner, parmi les viandes auxquelles s'appliquent les redevances à percevoir par les autorités nationales pour les inspections et contrôles sanitaires visés par ladite directive, celle des solipèdes/équidés, alors que cette catégorie d'animaux est expressément mentionnée au chapitre I, point 1, premier tiret, sous b), de l'annexe de cette directive.

20 Le gouvernement hellénique, sans contester l'existence de cette lacune, rétorque que l'inclusion de la catégorie des solipèdes/équidés dans la réglementation nationale transposant la directive 93/118 n'était pas nécessaire, étant donné qu'aucun abattoir n'a été agréé en Grèce pour l'abattage de tels animaux. Dès lors, les solipèdes/équidés ne pourraient pas, en fait, être abattus dans cet État membre, de sorte que le défaut de mention de ces animaux serait dépourvu de toute conséquence juridique.

21 Le gouvernement hellénique ajoute que, en tout état de cause, dans la perspective de la mise en oeuvre imminente de la directive 96/43/CE du Conseil, du 26 juin 1996, modifiant et codifiant la directive 85/73/CEE pour assurer le financement des inspections et des contrôles vétérinaires des animaux vivants et de certains produits animaux, et modifiant les directives 90/675/CEE et 91/496/CEE (JO L 162, p. 1), un décret présidentiel en voie de promulgation mentionne expressément la catégorie des solipèdes/équidés.

22 En vue de statuer sur le bien-fondé de ce grief de la Commission, il importe de rappeler d'emblée la jurisprudence de la Cour selon laquelle l'inexistence dans un État membre déterminé d'une certaine activité visée par une directive ne saurait libérer cet État de son obligation de prendre des mesures législatives ou réglementaires afin d'assurer une transposition adéquate de l'ensemble des dispositions de cette directive (voir, en ce sens, arrêt du 15 mars 1990, Commission/Pays-Bas, C-339/87, Rec. p. I-851, point 22).

23 Aux points 22 et 25 de l'arrêt Commission/Pays-Bas, précité, la Cour a en effet jugé que tant le principe de la sécurité juridique que la nécessité de garantir la pleine application des directives, en droit et non seulement en fait, exigent que les États membres reprennent les prescriptions de la directive dont il s'agit dans des dispositions légales contraignantes.

24 Or, ainsi que M. l'avocat général l'a relevé aux points 22 et 23 de ses conclusions, cette jurisprudence est pleinement transposable à la présente affaire.

25 Le gouvernement hellénique, loin de démontrer que l'abattage des solipèdes/équidés ne peut en aucun cas avoir lieu sur le territoire grec, se borne en l'occurrence à faire état d'une situation de fait existant à un moment donné, mais dont il n'est pas exclu qu'elle puisse évoluer par la suite. À cet égard, le décret présidentiel n_ 410/94, produit par le gouvernement hellénique en annexe de son mémoire en défense, prévoit d'ailleurs expressément, à son article 1er, paragraphe 4, la possibilité d'un agrément pour l'abattage des solipèdes/équidés.

26 Dans ces conditions, c'est à juste titre que la Commission soutient que la République hellénique était en l'espèce tenue de mentionner expressément dans sa réglementation nationale les solipèdes/équidés pour les besoins de l'application des redevances perçues au titre de la directive 93/118.

27 Une telle obligation incombe en effet à l'État membre concerné non seulement afin de prévenir toute modification de la situation purement factuelle, existant à un moment donné, dont cet État membre se prévaut pour sa défense, mais surtout en vue de créer un cadre législatif ou réglementaire suffisamment précis, clair et transparent pour garantir en droit, en toutes circonstances, la pleine application de la directive 93/118 et permettre aux particuliers de connaître leurs droits et obligations.

28 Au vu des points 22 à 27 du présent arrêt, le premier grief de la Commission est fondé.

Sur le grief tiré de la fixation injustifiée du taux des redevances à 50 % des montants communautaires forfaitaires

29 La Commission fait valoir que le décret présidentiel n_ 34/94 a méconnu les dispositions combinées du chapitre I, points 1, 2 et 5, de l'annexe de la directive 93/118, en ce qu'il a fixé le montant des redevances à percevoir pour les inspections et contrôles sanitaires liés à l'abattage des animaux ainsi qu'aux opérations de découpage des viandes fraîches à 50 % des montants communautaires forfaitaires prévus à ladite annexe, sans toutefois que la République hellénique ait motivé cette réduction et, en particulier, communiqué à la Commission les éléments concrets susceptibles de justifier une telle diminution.

30 Le gouvernement hellénique soutient, en réponse à ce grief, que le chapitre I, point 5, de l'annexe de la directive 93/118 permet aux États membres de déroger aux montants des redevances fixés au niveau communautaire par cette annexe, pour autant qu'ils ne prévoient pas de réduction supérieure à 55 % de ces montants. Or, en l'occurrence, cette exigence aurait été scrupuleusement respectée. Pour le surplus, ladite directive ne comporterait aucune obligation des États membres de communiquer à la Commission les données justifiant une réduction des montants des redevances. En tout état de cause, il serait bien connu qu'en Grèce le coût de la vie et les coûts salariaux présentent des différences sensibles par rapport à la moyenne communautaire et les données pertinentes à cet égard seraient facilement accessibles aux services de la Commission.

31 Il est constant que le décret présidentiel n_ 34/94 a fixé les montants des redevances à percevoir au titre de l'annexe de la directive 93/118 à 50 % des montants communautaires forfaitaires.

32 À cet égard, il ressort du chapitre I, point 5, de l'annexe de la directive 93/118 que celle-ci permet à un État membre, lorsque le coût de la vie et les coûts salariaux y présentent des différences particulièrement importantes par rapport à la moyenne communautaire retenue pour le calcul des montants forfaitaires, de déroger à la baisse à ceux-ci jusqu'à concurrence des coûts réels d'inspection, pour autant que la baisse ne soit pas supérieure à 55 % desdits montants.

33 En l'espèce, la Commission ne prétend pas que la réduction opérée par les autorités helléniques excède cette limite, mais elle reproche à celles-ci de ne pas lui avoir communiqué les données précises de nature à justifier cette réduction.

34 Dans ce contexte, la Commission se fonde plus particulièrement sur l'article 2, paragraphe 5, de la directive 85/73, telle que modifiée par la directive 93/118, sur les dispositions combinées du chapitre I, points 1, 2 et 5, de l'annexe de cette dernière directive et sur l'article 5 du traité CE (devenu article 10 CE).

35 S'agissant tout d'abord de cette dernière disposition, il suffit de relever que la Commission l'a invoquée pour la première fois dans son mémoire en réplique et que, en outre, son argumentation sur ce point est particulièrement sommaire. La Commission n'ayant fait état de manière explicite de l'article 5 du traité ni au cours de la procédure précontentieuse ni même dans les conclusions de son recours, l'argumentation tirée de la méconnaissance de cette disposition ne peut qu'être écartée des débats, puisque le gouvernement hellénique n'a pu se défendre utilement en ce qui concerne cette branche du grief de la Commission.

36 Ensuite, il y a lieu de relever que le chapitre I de l'annexe de la directive 93/118 ne comporte aucune disposition de nature à fonder une obligation, à la charge des États membres, de communiquer à la Commission les données susceptibles de justifier une réduction du niveau des redevances communautaires.

37 Enfin, l'article 2, paragraphe 5, de la directive 85/73, telle que modifiée par la directive 93/118, dispose:

«Les États membres transmettent, pour la première fois deux ans après la mise en place du nouveau régime et ultérieurement à sa demande, à la Commission les données relatives à la répartition et à l'utilisation de ces redevances et doivent être en mesure de justifier leur mode de calcul.»

38 Or, ainsi que M. l'avocat général l'a relevé aux points 37 à 39 de ses conclusions, il résulte du libellé même de ladite disposition que, si les États membres ont l'obligation, deux années après la mise en oeuvre de la directive 93/118, d'informer la Commission de la répartition et de l'utilisation des redevances que cette directive prévoit, ils ne sont, en revanche, tenus de justifier le mode de calcul du niveau de ces redevances retenu par la réglementation nationale que dans la mesure où cette institution leur en a fait préalablement la demande.

39 En effet, contrairement à l'article 8, paragraphe 1, de la directive 85/73, telle que modifiée par la directive 93/118, qui permet à la République hellénique de déroger, dans les cas qu'elle prévoit, aux principes énoncés par ladite directive, tout en précisant expressément qu'une information relative à ces dérogations doit être fournie par les autorités helléniques à la Commission et que cette information doit être «accompagnée de[s] justifications nécessaires», l'article 2, paragraphe 5, de cette directive ne prévoit pas une telle obligation à la charge des États membres, mais se limite à prescrire que ceux-ci doivent «être en mesure de justifier» le mode de calcul des redevances.

40 Il s'ensuit que, en l'espèce, un manquement à cette dernière disposition ne pourrait être retenu que s'il était établi que la République hellénique a omis de répondre à une demande préalable de la Commission ayant pour objet la communication des données précises de nature à justifier les redevances réduites prévues dans cet État membre.

41 À cet égard, la Commission s'est toutefois bornée à soutenir, dans son mémoire en réplique, qu'elle aurait demandé à plusieurs reprises au gouvernement hellénique de lui communiquer les éléments justifiant la réduction du taux des redevances, mais qu'elle n'aurait reçu aucune réponse.

42 Or, il est de jurisprudence constante que, dans le cadre d'une procédure en manquement en vertu de l'article 169 du traité, il incombe à la Commission d'établir l'existence du manquement allégué, sans que cette dernière puisse se fonder sur une présomption quelconque (voir, notamment, arrêt du 9 septembre 1999, Commission/Allemagne, C-217/97, Rec. p. I-5087, point 22).

43 Étant donné que, en l'espèce, la Commission n'a fourni à la Cour aucune précision, notamment quant à la date de ses prétendues demandes adressées au gouvernement hellénique, elle ne saurait être regardée comme ayant établi de manière circonstanciée qu'elle a sollicité, avant le début de la procédure précontentieuse, la communication des données concrètes permettant à l'État membre concerné de justifier la réduction du montant des redevances à laquelle il a procédé et, partant, que le silence des autorités helléniques constitue la violation d'une obligation née d'une telle demande expresse préalable. En effet, la méconnaissance alléguée du droit communautaire doit nécessairement préexister à la lettre de mise en demeure.

44 Dans ces conditions, le deuxième grief de la Commission doit être rejeté.

Sur le grief tiré de l'absence de mention des volailles pour les besoins de la redevance de découpage des viandes fraîches

45 Selon la Commission, le décret présidentiel n_ 34/94, et en particulier son article 3, paragraphe 2, ne vise pas les volailles pour les besoins de l'application de la redevance de découpage des viandes fraîches. Or, cette situation ne serait pas conforme aux prescriptions de la directive 93/118, puisqu'il résulte des dispositions combinées du chapitre I, points 1, premier tiret, sous e), et 2, premier alinéa, sous a), de son annexe que les volailles, notamment, sont soumises au versement de la redevance de découpage dont le montant est ajouté à celui de la redevance à percevoir pour les contrôles sanitaires lors de l'abattage des animaux en cause.

46 Selon le gouvernement hellénique, ce grief n'est pas fondé pour deux motifs. D'une part, l'article 3, paragraphe 1, du décret présidentiel n_ 34/94 opérerait un renvoi aux décrets présidentiels nos 959/81 et 599/85, remplacés entre-temps par les décrets présidentiels nos 410/94 et 291/96, lesquels mentionneraient les volailles pour l'application de la redevance de découpage, conformément aux prescriptions de la directive 93/118. D'autre part, la pratique administrative suivie en Grèce serait en parfaite conformité avec la réglementation nationale pertinente et donc avec la directive en cause étant donné que, sur l'intégralité du territoire grec, des redevances de découpage seraient effectivement perçues pour les viandes de volaille.

47 À cet égard, force est de constater, en premier lieu, que, ainsi qu'il ressort déjà de son intitulé, la directive 93/118 est applicable aux viandes de volaille.

48 S'agissant plus particulièrement de la redevance de découpage, elle s'applique non seulement aux viandes bovine, porcine, ovine, caprine et à celles des solipèdes/équidés, mais également aux viandes de volaille, ainsi qu'il découle de la lecture combinée du chapitre I, points 1, premier tiret, sous e), et 2, premier alinéa, sous a), de l'annexe de la directive 93/118.

49 Il convient de relever, en deuxième lieu, que la Cour a certes jugé que la transposition d'une directive n'exige pas nécessairement une reprise formelle et textuelle des dispositions de celle-ci dans une disposition légale ou réglementaire expresse et spécifique et qu'elle peut se satisfaire d'un contexte juridique général, dès lors que celui-ci assure effectivement la pleine application de la directive d'une façon suffisamment claire et précise (voir, notamment, arrêt Commission/Allemagne, précité, point 31).

50 Cependant, conformément à la jurisprudence, il est indispensable que la situation juridique soit suffisamment précise, claire et transparente pour que les intéressés soient mis en mesure de connaître la plénitude de leurs droits et obligations (voir, en ce sens, arrêt Commission/Allemagne, précité, point 32).

51 En l'occurrence, le chapitre I, points 1, premier tiret, sous e), et 2, premier alinéa, sous a), de l'annexe de la directive 93/118 impose aux États membres l'obligation de percevoir la redevance communautaire de découpage notamment pour les viandes fraîches de volaille et d'ajouter le montant de cette redevance à celui de la redevance due pour les contrôles sanitaires lors de l'abattage des animaux en cause. Cette disposition met, dès lors, à la charge des États membres une obligation de résultat précise et régit directement la situation juridique des particuliers concernés.

52 Or, ainsi que M. l'avocat général l'a relevé aux points 52 à 55 de ses conclusions, force est de constater que, en Grèce, l'obligation de perception de la redevance de découpage pour les viandes de volaille n'est pas prévue de façon suffisamment claire, précise et transparente pour assurer la sécurité juridique et mettre les opérateurs concernés en mesure de connaître la plénitude de leurs droits et obligations.

53 En effet, même à supposer que, comme le soutient le gouvernement hellénique, l'article 3, paragraphe 1, du décret présidentiel n_ 34/94 prévoie de manière suffisamment claire la perception d'une redevance de découpage pour les viandes de volaille, il n'en demeure pas moins que le paragraphe 2 du même article dispose seulement que le montant de ladite redevance est ajouté à celui de la redevance à percevoir pour les contrôles sanitaires lors de l'abattage des animaux des espèces bovine, porcine, ovine et caprine. Cette dernière disposition ne vise donc pas explicitement les volailles, en sorte que tant les autorités publiques chargées d'appliquer les prescriptions de la directive 93/118 que les opérateurs économiques concernés risquent d'interpréter le décret présidentiel n_ 34/94 en ce sens que, contrairement aux opérations de découpage portant sur d'autres catégories de viandes, le découpage des volailles ne donne pas lieu à la perception d'une redevance dont le montant est ajouté à celui des autres redevances dues au titre de ladite directive.

54 Dans ces conditions, la réglementation hellénique ayant pour objet de mettre en oeuvre la directive 93/118 crée, pour les sujets de droit concernés, un état d'incertitude quant au champ d'application de la redevance communautaire de découpage des viandes fraîches et ne satisfait pas, en raison de cette ambiguïté, à l'obligation d'une transposition claire, précise et transparente de ladite directive, alors surtout que, s'agissant de la redevance perçue pour les frais d'inspection liés aux opérations d'abattage, le décret présidentiel n_ 34/94 s'applique indistinctement aux viandes bovine, porcine, ovine et caprine, ainsi qu'aux viandes de volaille.

55 En ce qui concerne l'argument du gouvernement hellénique, fondé sur la perception en fait de la redevance de découpage pour les viandes de volaille, il suffit de relever que cet argument n'est pas de nature à infirmer la constatation de la Cour selon laquelle les dispositions du décret présidentiel n_ 34/94 ne sont pas suffisamment claires, précises et transparentes pour constituer une transposition correcte de la directive 93/118.

56 Il résulte en effet d'une jurisprudence constante de la Cour que de simples pratiques nationales, même conformes aux prescriptions d'une directive, mais par nature modifiables au gré de l'administration, ne sauraient être considérées comme constituant une exécution valable de l'obligation qui incombe aux États membres destinataires d'une directive en vertu de l'article 189 du traité CE (devenu article 249 CE) (voir, notamment, arrêts Commission/Pays-Bas, précité, point 29, et du 7 novembre 1996, Commission/Luxembourg, C-221/94, Rec. p. I-5669, point 22).

57 Il s'ensuit que le troisième grief de la Commission doit être accueilli.

58 Compte tenu de l'ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de constater que:

- en omettant de mentionner parmi les viandes auxquelles s'appliquent les redevances fixées par la directive 93/118 la catégorie correspondant aux solipèdes/équidés, et

- en ne visant pas de façon explicite les volailles pour les besoins de l'application de la redevance de découpage des viandes fraîches fixée par ladite directive,

la République hellénique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des dispositions combinées de l'article 3, paragraphe 1, premier et troisième alinéas, de la directive 93/118 ainsi que du chapitre I, points 1, premier tiret, sous b) et e), ainsi que 2, premier alinéa, sous a), de l'annexe de cette directive.

59 Il convient de rejeter le recours pour le surplus.

Décisions sur les dépenses


Sur les dépens

60 Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La Commission n'ayant pas conclu sur les dépens, il y a lieu de décider que chaque partie supportera ses propres dépens.

Dispositif


Par ces motifs,

LA COUR

(sixième chambre)

déclare et arrête:

1) - En omettant de mentionner parmi les viandes auxquelles s'appliquent les redevances fixées par la directive 93/118/CE du Conseil, du 22 décembre 1993, modifiant la directive 85/73/CEE relative au financement des inspections et contrôles sanitaires des viandes fraîches et des viandes de volaille, la catégorie correspondant aux solipèdes/équidés, et

- en ne visant pas de façon explicite les volailles pour les besoins de l'application de la redevance de découpage des viandes fraîches fixée par ladite directive,

la République hellénique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des dispositions combinées de l'article 3, paragraphe 1, premier et troisième alinéas, de la directive 93/118 ainsi que du chapitre I, points 1, premier tiret, sous b) et e), ainsi que 2, premier alinéa, sous a), de l'annexe de cette directive.

2) Le recours est rejeté pour le surplus.

3) La Commission des Communautés européennes et la République hellénique supporteront leurs propres dépens.

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